Bohèmes Et Avant-Gardes… : Du Groupisme
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Document généré le 25 sept. 2021 19:00 Inter Art actuel Bohèmes et avant-gardes… Du groupisme Marc Partouche Numéro 99, printemps 2008 URI : https://id.erudit.org/iderudit/45523ac Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Les Éditions Intervention ISSN 0825-8708 (imprimé) 1923-2764 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Partouche, M. (2008). Bohèmes et avant-gardes… : du groupisme. Inter, (99), 2–10. Tous droits réservés © Les Éditions Intervention, 2008 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Marc Partouche nous livre ici un extrait de son livre La lignée oubliée : Bohèmes, avant-gardes et art contemporain de 1830 à nos jours. Ce livre est une synthèse importante pour compren dre à quel point le travail des groupes et des collectifs aura été nécessaire. Pour comprendre aussi qu'il comporte des éléments de stratégie et de tragédie. Nous renvoyons le lecteur à cette publication fort percutante et riche d'informations. Bohèmes et avant-gardes... Du groupisme IMARC PARTOUCHE Marc Partouche est docteur en histoire de l'art et esthétique. Historien et théoricien des arts et de la culture contemporaine, il conduit en même temps une carrière de haut fonctionnaire au ministère de la Culture et diverses activités au service de l'art vivant : organisation d'expositions, création et diffusion de revues et de magazines, création et direction de collections d'ouvrages. Dans le même mouvement, il développe un travail de recherche et d'écriture à proximité des artistes et avec leur complicité : publication de très nombreux articles, textes de catalogues, ouvrages d'artistes et livres, en particulier : Marcel Duchamp : So vie même (Al Dante) ; La lignée oubliée : Bohèmes, avant- gardes et art contemporain (Al Dante) ; Marcel Duchamp : Une vie d'artiste (IEM) ; Une vie de banlieue : Sur les photographies d'Alain rcey au Chat Noir par Jules Depaquit, Cahiers du collège de Leloup (Hazan) ; Les déchargeurs : Pataphysique, no 17-18 (Allais-Rimbaud), 1952. Manifeste de l'individualisme solidaire (FRAC) ; Mauvais œil et e peinture abstraite (Sgraffite) ; et À la fin du XIX siècle, de nombreux groupes d'artistes Les nombreux changements amorcés en France dans Orlan (Jéricho). Également, il est apparaissent, disparaissent, persistent, renaissent. Éphé les années 1850 commencent véritablement à faire sen responsable editorial d'ouvrages, mères ou durables, notables ou insignifiants, ils croisent tir leurs effets dans les années 1880. Parmi les facteurs notamment L'album primo-avrilesque souvent les grands mouvements de l'époque, qu'ils soient d'Alphonse Allais (Al Dante), Contre importants de ces changements, rappelons la dynami l'Internationale Situationniste artistiques (le symbolisme, l'impressionnisme) ou plus que exceptionnelle de Paris dont l'essor économique et d'Isidore Isou (H. C.) et Les gestes de purement politiques (l'anarchisme). Terreau de l'expéri démographique atteint des sommets historiques. Sous VilemFlusser(H.C). mentation la plus neuve, cette dynamique « groupiste » l'impulsion du baron Haussmann la capitale subit en rassemble un certain nombre d'entités dont l'histoire outre d'importantes transformations qui ont pour effet reste aujourd'hui à écrire, parmi lesquelles on peut nom d'en changer radicalement la physionomie et la socio mer l'Église des totalistes, le groupisme, les zutistes, les logie. Les petites rues surpeuplées, chaotiques et sor Vilains Bonshommes, les Hydropathes, les fumistes, les dides sont remplacées par des boulevards ; très vite, la Vivants, les Incohérents, les Hirsutes, les phalanstériens, bourgeoisie s'empare des nouveaux quartiers, repous les Nous autres, les intentionnistes, les j'menfoutistes... sant les travailleurs de plus en plus loin vers la périphérie. La plupart du temps, les acteurs de ces différents mou La coexistence de classes et de populations hétérogènes vements se connaissent, fréquentent les mêmes lieux disparaît peu à peu. C'est dans ce contexte que Montmar (ateliers, cafés, cabarets) et les mêmes quartiers, à com tre prend tout son relief : ce quartier reste un vrai village mencer par Montmartre et le Quartier latin. Leur com dont la population mélangée donne à voir des modes de mune opposition à la bourgeoisie se manifeste autour vie plus variés et au sein desquels la marginalité trouve de nouvelles tendances esthétiques et comportementa encore à s'exprimer. les, telles que le dandysme, le décadentisme, le symbo Au même moment, les formes du commerce se modi lisme, ou à travers la fantaisie et l'humour réunis sous le fient, les statuts de la marchandise et du consommateur nom de « fumisme ». Cet ensemble de créateurs, à la fois se transforment. C'est alors qu'apparaissent les « grands en marge et au cœur du système, dessine une galaxie magasins » (le Bazar de l'Hôtel-de-ville et Au Bon Marché, considérée jusqu'ici comme secondaire. Ces agrégats d'in vers 1860, en sont les premiers) qui correspondent à une dividus, partageant les mêmes conceptions esthétiques nouvelle façon de commercer et, surtout, à une nouvelle ou développant une solidarité matérielle, définissent les manière de mettre en spectacle la marchandise et les > La lignée oubliée : Bohèmes, contours d'une histoire de l'art qui montre la vacuité des acheteurs. Vus comme des lieux féeriques d'aventure et avant-gatdes et art contemporain débats entre culture haute et culture basse, art majeur et de fantaisie, ces temples de la consommation que Paris, de 1830 à nos jours, Paris, art mineur, sérieux et humour. Al Dante, 2004,384 pages. capitale triomphante, se dédie à elle-même s'inscrivent dans un contexte de fête permanente et s'ajoutent au les, les élections ainsi provoquées sont marquées par l'éli réseau de spectacles et de cabarets qui fleurissent alors mination d'une partie des notables qui dirigeaient la vie en quantité impressionnante : « Le commerce devenait politique : c'est la défaite des monarchistes conservateurs une mixture d'affaires et de théâtre'. » qui avaient dominé les premières années du régime. « Il Emile Goudeau, inventeur des Hydropathes et l'un en résulta ce que Daniel Halévy a appelé la "fin des nota des principaux animateurs intellectuels de ces années, bles", défaite politique de cet amalgame de vieille aris transpose dans le domaine artistique bien des aspects tocratie et de riche bourgeoisie qui avait été le pilier par du système marchand qui se met alors en place. Pour excellence du conservatisme social et culturel pendant Goudeau, ouvrir un cabaret littéraire, en tirant parti de tout le XIXe siècle2. » l'aura de la bohème, revient à présenter des artistes débu Plaçant la politique au centre de son activité, Emile tants à d'éventuels clients comme dans un grand maga Goudeau, dans Dix ans de bohème, associe la fondation sin culturel. Avec une grande diversité de genres et de de la Société Hydropathe au climat d'hostilité consécu propositions, un renouvellement permanent de l'affiche, tif au 16 mai. Aussi n'est-il pas étonnant de voir la police des surprises, de la fantaisie et des « produits d'appel » parisienne suivre de près les rassemblements du Quartier - le tout présenté en « entrée libre » -, le cabaret selon latin qui se forment autour des activités des Hydropathes. Goudeau met à la disposition des artistes une surface de Beaucoup, parmi les premiers adeptes du groupe, sont présentation accessible à un large public composé non déjeunes gens très politisés venus d'horizons divers (qui plus de connaisseurs et d'amis, mais d'anonymes deve se dispersent ensuite au fur et à mesure que leurs activi nus consommateurs. Ainsi, le cabaret permet à ceux qui tés deviennent plus littéraires). L'un d'eux, Paul Mounet, s'y produisent de sortir de la confidentialité à laquelle ils qui s'habillait parfois en ouvrier pour faire plus d'effet, semblaient auparavant condamnés. attira, par exemple, l'attention en déclamant son poème Autre nouveauté: le mécénat direct -qui avait La grève des forgerons. Teintée d'esprit « fumiste », cette commencé à refluer dans les années 1830 au profit de veine politique imprégnera le journal Chat noir. commandes provenant, la plupart du temps, de la bour Ainsi, à la fin du XIXe siècle, il est clair que la bohème a geoisie - est peu à peu supplanté par un marché qui, plus changé de nature. Dans un premier temps, à l'époque du étoffé, offre des produits culturels variés et renouvelés. romantisme, autour de 1830, les grands créateurs, rejetés Ce changement de paradigme est essentiel pour com par la culture officielle, étaient en quête d'un espace où prendre et analyser la bohème. Courbet a très tôt compris s'exprimer. Autour des années 1870, les artistes refusés l'importance de la publicité, fût-elle négative, pour attirer par les institutions, comme Zola ou les impressionnistes, l'attention du public. Nadar avait inventé de nouvelles for ont moins de difficultés à trouver en privé des personnes mes de« communication «pourdiffuser et faire connaître disposées à reconnaître leur travail - tant sur le plan cultu ses travaux. Cette transformation n'a pas échappé non rel que financier. Dans le Paris de 1882, l'une des figures plus aux Goncourt qui parlent de « franc-maçonnerie de les plus connues de la bohème est Verlaine, qui est aussi la publicité » pour désigner la nouvelle façon qu'ont les le poète le plus populaire. Si la problématisation de la artistes de se signaler à leurs contemporains.