Évolution Temporelle Des Po Pula Ti Ons De
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
ÉVOLUTION TEMPORELLE DES POPULA TI ONS DE RHOPALOCÈRES DE DEUX COLLINES BOISÉES DES ENVIRONS DE YAOUNDÉ (CAMEROUN) Michel LIBERT* Le caractère cyclique de l'activité des imagos de Rhopalocères de la zone holarctique est un fait bien connu et abondamment documenté : de nombreux ouvrages, y compris ceux destinés au grand public, indiquent la ou les périodes de vol de la plupart des espèces. En ce qui concerne celles de la zone tropicale humide, l'existence d'un caractère cyclique de l'activité imaginale est également largement répandue chez les lépidoptéristes. En réalité, on ne dispose que de très peu de données sur ce sujet qui n'a guère fait l'objet d'études scientifiques. Quelques auteurs (Darge, 1983) l'ont effleuré, mais leurs données, très limitées, n'autorisent aucune conclusion de portée générale. Seul Owen (1971) s'est réellement penché sur la question : au terme d'une étude sur laquelle je reviendrai, il conclut au caractère saisonnier de l'activité des adultes de presque toutes les espèces. La variation saisonnière de la richesse spécifique a été un peu plus étudiée (Owen, 1969 ; Emmel & Leck, 1970 ; Owen & Chanter, 1972 ; Shapiro, 1975), mais ces études sont également limitées, aussi bien dans le temps que par le nombre d'espèces concernées et une seule (Owen et Chanter, 1972) concerne des Rhopalocères africains (les Charaxes, de la famille des Nymphalidae). Les résultats en sont quelque peu contradictoires, puisque Emmel & Leck concluent à une augmentation significative de la richesse spécifique au moment de ce qu 'ils appellent l'écotone saisonnier, alors que, selon Owen, celle des Charaxes de Sierra Leone ne varie pas selon la saison. Ayant eu la possibilité de suivre le peuplement en Rhopalocères de deux collines boisées des environs de Yaoundé (le Mont Fébé d'abord, le Mont Messa ensuite) pendant plusieurs années, j'ai rassemblé, au cours de quelque 500 sorties sur le terrain, une importante quantité de données qui remettent en cause les idées reçues sur le caractère saisonnier de l'activité des imagos de Rhopalocères et améliorent la connaissance de la richesse spécifique. Les conditions dans lesquel les ces données ont été collectées sont décrites en détail dans un autre travail (Libert, 1994). Ces deux collines font partie de ce qu'on appelle le massif de Yaoundé ; leurs sommets (respectivement 1 077 rn pour le Mt Fébé et 1 013 rn pour le Mt Messa) sont très proches : quatre kilomètres à vol de papillon ; elles dominent la ville de * Adresse : 5, rue de Fontenelle, F-76250 Déville lès Rouen. Rev. Ecot. (Terre Vie), vol. 49, 1994. 151 Yaoundé (altitude moyenne 750 rn). Le climat est de type gumeen à quatre saisons ; les précipitations annuelles sont en moyenne de 1 600 mm à Yaoundé, probablement un peu plus sur les collines. Elles ont toutes deux subi une forte pression humaine : les défrichements sont nombreux, et en progression constante ; fort heureusement, chacune d'elles comporte un versant en pente abrupte sur lequel subsiste la forêt originelle, milieu hétérogène, peu pénétrable, où les grands arbres (très menacés) côtoient une multitude de plantes de toutes tailles. Tous les milieux ouverts non occupés par des plantations sont envahis par «l'Eupatoire » (Chromolaena odorata, ex Eupato rium odoratum), une plante très héliophile dont les fleurs sont butinées par de nombreuses espèces de papillons. Mes prospections ont concerné les différents types de milieux, des sentiers ayant été aménagés en sous-bois. A partir de relevés cadastraux (Mt Fébé) ou de mesures sur le terrain (Mt Messa), on peut estimer les surfaces des zones d'observation à environ 8 et 4 ha pour le Mt Fébé et le Mt Messa respectivement. La notion de surface prospectée est discutée de façon approfondie dans 1 'article déjà cité. L'étude de leur faune a montré que chaque colline conservait une certaine spécificité mais qu'environ 560 espèces de Rhopalocères leur sont communes. Le fait de rassembler en une seule étude les résultats relatifs à ces deux collines présente le très grand avantage d'augmenter considérablement la durée de la période étudiée (de trois ou quatre ans, elle passe à sept ans), un avantage qui me semble décisif pour une étude de ce type. Les résultats sont d'ailleurs rassemblés, mais non confondus : les deux sites sont toujours traités séparément. 1. LES VARIATIONS TEMPORELLES DE L'ABONDANCE Les méthodes La base de ce travail est le relevé établi au cours de chaque sortie, dans des conditions et selon des modalités qui ont déjà été décrites (Libert, 1994). En écartant les quelques dizaines de sorties qui ont dû être interrompues pour cause de mauvais temps, 470 relevés se sont avérés exploitables, soit une moyenne de sept sorties mensuelles pendant sept ans (9 ou 10 mois par année). L'aspect présence-absence d'une espèce étant déterminant dans cet article, il convient de s'interroger sur la fiabilité des observations et des non-observations des différentes espèces : sauf erreur d'identification, l'observation d'une espèce prouve sa présence, alors que sa non-observation peut être due à d'autres facteurs qu 'à son absence. L'identification des espèces se fait le plus souvent à vue : cette technique, dont les avantages ont été soulignés (Libert, 1994), est la seule qui permette l'observation régulière d'un nombre important d'espèces. Les risques d'erreurs sont d'autant plus réduits que les espèces qui sont considérées ici sont nécessai rement celles qui ont été observées avec une fréquence suffisante (éventuellement sur des sites autres que ces deux collines) et étaient donc familières à 1 'observa teur, aussi bien par leur habitus que par leur comportement. Pour les mêmes raisons, les non-observations sont également significatives : la discussion que j'ai faite de l'influence de différents paramètres (taille, couleur, 152 comportement) sur la « repérabilité » d'un papillon vaut surtout pour des espèces peu fréquentes : dans ce cas, l'absence d'observation n'a pas le même poids pour toutes les espèces concernées. S'il est très possible que j'aie manqué une espèce cryptique et (ou) de petite taille, il est peu vraisemblable que je n'aie pas remarqué la présence d'une espèce colorée. Je prendrai l'exemple de Cymothoe preussi : en dépit d'une attention particulière, je suis resté chaque année de longs mois sans 1 'observer et il est tout à fait certain que cette absence est significative, c'est-à-dire réelle ; le même raisonnement peut être fait pour d'autres espèces aisément remarquables, comme Hypolimnas dinarcha ou Euphaedra ruspina. Il faut ensuite déterminer quelles sont, parmi les 774 espèces recensées sur les deux collines, celles qui peuvent être retenues dans le cadre de cette étude. Il convient d'écarter tout d'abord celles dont l'identification est trop délicate, soit parce qu'elle nécessite une capture qui peut être malaisée, et donc aléatoire, soit parce qu'elle appartient à un groupe d'espèces difficiles à séparer les unes des autres. C'est le cas de la plupart des 142 Hesperidae, qui sont donc exclus du champ de cet article, ainsi que d'une trentaine d'autres espèces (Libert, 1994). Quant aux espèces restantes, j'ai également montré que leur fréquence d'observation était extrêmement variable : l'étude réalisée sur le Mt Fébé (305 sorties) fait apparaître que moins de la moitié des espèces sont observées une fois par mois ou davantage, tandis qu'environ un tiers des espèces n'ont été vues que cinq fois ou moins. Or, il est évident qu'un caractère cyclique ne peut se manifester qu'au-delà d'un certain seuil et que la plupart des espèces qui n'ont été observées que « quelques » fois ne peuvent être retenues. Il convient donc de déterminer à partir de quel nombre d'observations les résultats sont significatifs. L'examen d'un grand nombre de cas montre que la valeur critique se situe aux alentours de 70 observations, et c'est ce nombre que j'ai donc retenu. Il correspond à une observation par mois en moyenne, soit une fois sur sept, puisque, en moyenne, sept sorties ont été réalisées chaque mois. Environ 200 espèces satisfont à ce critère. Les 29 espèces qui n'ont été observées avec une fréquence équivalente que sur 1 'une des deux collines (soit au moins 40 observations sur le Mt Fébé ou 30 sur le Mt Messa) peuvent également être prises en considération (colonnes de droite du tableau 1), mais elles seront toujours décomptées séparément et, dans les différentes listes, leur nom est suivi de la lettre « F » ou « M ». Pour toutes les espèces ainsi retenues, les relevés réalisés sur le terrain sont exploités sous forme d'histogrammes, qui peuvent être de deux types, annuels ou moyens. • Les histogrammes annuels sont obtenus de la façon suivante : - en abscisses, l'unité de temps est le mois. Le choix de cette durée résulte d'un compromis entre deux impératifs contradictoires : d'un côté découper le temps en « tranches » aussi étroites que possible, afin de mieux cernerd' éventuels maximums, de l'autre augmenter la largeur des intervalles, de façon à ce qu 'ils correspondent au plus grand nombre possible d'observations, ce qui améliore la fiabilité des résultats. Ces mois ne coïncident pas toujours exactement avec les mois du calendrier, mais le décalage n'excède jamais quelques jours. Chaque période, qui correspond à l'année académique (c'est-à-dire de septembre à juin inclus), compte 9 ou 10 mois d'observation ; deux périodes consécutives sont séparées par une interruption de 2 à 3 mois. Le nombre mensuel de sorties a varié de 5 à 9, sa valeur moyenne 153 étant de 7 (pour 67 mois).