•cahiersdu

ïtfueDommunisme politique et théorique mensuelle du comité central du parti communiste français

1920-1990 le parti communiste de notre temps

décembre 1990 35 F _____ rédaction, administration_____ 2. place du colonel-fabien, 75019

Rédaction : 40.40.13.04 Dijfusion : 40.40.13.34 Abonnements : 40.40.12.12 (poste 13.08) •cahiersdu comnnunisnnerevue politique et théorique mensuelie du comité central du parti communiste français

directeur jean-michel catala rédacteur en chef fred bicocchi secrétaire de rédaction Jacqueline lamothe responsable national à la diffusion michel pilhan conseil de direction fred bicocchi paul fromonteil lin guillou bernard marx michel pilhan comité de rédaction pierre blotin didier lemaire nicole borvo Jean magniadas nadine bourdin nicolas marchand Jacques dénis lucien marest marc descostes bernard marx marie-Jo dimicoli Joë metzger Jean-charles dubart guy poussy Jean duma pierre roubaud léo figuères michel simon paul fromonteil andré vieuguet Jean-claude gomez Jean wlos marie-thérèse goutmann marcel zaidner lin guillou alain zoughebi michel laurent

intervention graphique Jean-pierre Jouffroy sommaire

luttes et rassemblement • luttes sociales et perspectives 4 le mécontentement populaire grandit. I s’exprime dans des luttes diverses et parfois de grande ampleur. Ainsi progresse l'idée de la nécessité de changer de politique. françois duteil

1920-1990 •

le parti communiste de notre temps 14

le parti de l’issue à la crise 16 et du socialisme démocratique andré lajoinie le p.c.f. et les avancées sociales et démocratiques 26 en france gisèle moreau

le p.c.f. au cœur des mutations 34 rené le guen

une véritable mutation stratégique 42 Jacques chambaz

la vie du parti et les exigences stratégiques 50 jean-claude gayssot

l’internationalisme à la française sa maxime gremetz

stratégie et recherches : une tension active 72 francette lazard n® 12 • décembre 1990 • 66® année

80 les conditions nationales et internationales de la création et de la formation du p.c.f. serge wolikow

• paix et désarmement 90 préserver et développer l’esprit d’helsinki : un enjeu de luttes daniel cirera

• socialisme 98 u.r.s.s. : tout est ouvert serge leyrac

culture 106 la question de la forme au XX® siècle jean-pierre jouffroy

116 note de lecture grandes plumes dans l’humanité, 1904-1939, par rené ballet (andré vleuguet)

information 119 données électorales, informations sur les entreprises des outils pour la réflexion et l’action guy pelachaud

122 documents les jeunes peuvent compter sur les communistes (15 octobre) lettre de à pierre mauroy ; renoncer à la c.s.g. (26 octobre) non à la guerre, oui à la paix, à la négociation (9 novembre) c.s.c.e. désarmement ; l’affaire des peuples (19 novembre)

129 sommaire de l’année 1990 luttes et rassemblement

luttes sociales et perspectives

François duteil

Le projet de résolution pour le 27® Congrès soumis par le Comité central à la discussion de l’ensemble des membres du Parti communiste évoque les évolutions intervenues depuis notre dernier congrès. Il indique notamment que les luttes revendicatives importantes ont commencé à exprimer un mécontentement populaire dont tous les sondages montrent aujourd’hui l’ampleur grandissante. luttes sociales et perspectives

Des revendications d’un niveau élevé c’est une plus grande contestation des que les communistes ont formulées choix du pouvoir. L’argument du dans leur programme sont désormais Golfe pour justifier la politique d’aus­ de grandes revendications populaires. térité a commencé à faire long feu. Incontestablement, quelque chose de La nomination de Bruno Durieux au fort et de profond bouge aussi actuelle­ ministère de la Santé s’inscrit dans la ment dans la jeunesse. volonté politique du Président de la République d’élargir la base politique Ces dernières semaines viennent de du gouvernement. Dans le même valider cette appréciation qui part temps, le remodelage de la société d’une vue lucide de l’évolution du s’accentue. mouvement social. Les communistes partent de la réalité non de manière Le mécontentement des salariés ne se statique ou figée mais bien pour la transforme pas toujours en action. En transformer par leur activité. C’est effet, cela ne relève ni de la sponta­ dans la lutte, la mise en mouvement du néité, ni de l’incantation. Comme mouvement populaire que se construit l’indique le projet de résolution ; « La la perspective politique. Revenir à “méthode Rocard" consistant notam­ gauche comme nous disons. ment à opposer une intransigeance absolue aux revendications vise à ancrer dans les consciences l’idée qu ’il ce qui tend à dominer ne sert à rien de lutter. » Les luttes revendicatives permettent Dans les luttes, il n’y a rien de linéaire. aux gens de montrer leur force quand Rien n’est jamais acquis une fois pour ils se rassemblent. Ainsi, la dernière toutes. C’est vrai du résultat des luttes période a mis en évidence que face à que patronat et gouvernement tentent l’offensive du capital rien n’est fatal en permanence de remettre en cause. dès lors qu ’on se rassemble pour se C’est vrai d’un mauvais texte de loi ou défendre. Les salariés de la Caisse accord. On le voit chez les postiers et primaire d’assurances maladie agents des télécommunications qui (C.P.A.M.) de l’Essonne ou les agissent dans un contexte nouveau dockers de Dunkerque en ont fait la pour leurs revendications et le service démonstration. public. Présentant la conférence de presse de Pour en revenir à la situation actuelle, rentrée de la C.G.T. de nombreux elle se caractérise par une contestation médias ont titré : « profil bas ». Cela plus grande de la politique d’austérité pour masquer la réelle inquiétude des et de régression sociale conduite par le gens et leur mécontentement. Ce qui patronat et le gouvernement. domine en effet depuis quelques mois Le budget 1991, actuellement débattu à françois duteil*

l’Assemblée nationale, traduit l’ac­ tout un département et d’une région, croissement des inégalités. En outre, il poursuivent la lutte afin de contraindre caractérise la volonté de pousser plus le gouvernement à respecter ses enga­ loin les conséquences de l’acte unique gements. Ce ne sont pas les manœu­ européen. vres qui ont manqué, et malgré cela la A cet égard, le dernier sommet des détermination demeure intacte. Douze à Rome constitue une nouvelle étape de l’intégration monétaire euro­ une riposte nécessaire péenne et un nouveau danger pour à la dimension l’indépendance de la France. de l’agression Ce qui domine dans les luttes actuelles — qu ’elles prennent la forme d’arrêts Détermination, c’est bien ce qui carac­ de travail ou non — ce sont les térise la lutte des salariés de la problèmes salariaux au travers du pou­ C.P.A.M. de l’Essonne ou celle des voir d’achat des salaires et retraites, de dockers de Dunkerque. Deux entre­ l’exigence de reconnaissance des quali­ prises différentes, bien différentes sous fications. En fait, cette priorité ce sont certains aspects, mais beaucoup de les salariés eux-mêmes qui la détermi­ caractéristiques communes dans le nent, même si elle n’est pas exclusive. conflit. La démocratie, l’information, Le remodelage de la société, la cohé ­ l’écoute des syndiqués et des salariés rence de l’offensive du capital s’atta­ sont autant d’éléments de la démarche quent à tous les aspects des conditions syndicale que s’efforce pour sa part de vie et de travail des salariés. d’impulser la C.G.T. C’était d’ailleurs tout le sens de ses initiatives de rentrée L’annonce des réductions massives qui pourraient se résumer autour de d’emplois chez Renault ou chez Bull cette idée : prendre le temps de la traduit la politique de casse et d’aban ­ réflexion pour ne pas avoir à en perdre don national. Dans le même temps, la dans les décisions d’action. précarité explose et atteint toutes les catégories de salariés. Pour en revenir à la C.P.A.M. de l’Essonne et aux dockers de Dunker­ Les salariées de la Bull Angers ont mis que, ils ont réussi à vaincre l’intransi­ en échec la volonté de remettre en geance patronale et gouvernementale. cause le non-travail de nuit des femmes La démonstration est faite qu ’il n’y qui refusent une vie éclatée. L’action avait pas de fatalité dans les choix s’organise également dans de nom­ antérieurs et que d’autres sont possi­ breuses entreprises pour s’opposer à bles. D’une manière générale, le résul­ l’allongement de la durée d’utilisation tat des luttes n’est pas assez connu, des équipements. Ceux de La Ciotat, avec le soutien de * Membre du Bureau politique du P.C.F. valorisé. Il y a là un risque, un danger du baccalauréat et dont la qualification de nourrir ainsi les idées de fatalité, de n’est pas reconnue. En quelque sorte, repli sur soi. la lutte des lycéens, au-delà de l’exi ­ L’offensive du capital exige que les gence des moyens pour l’école, pro­ luttes se développent, qu ’elles soient longe toutes les luttes des salariés portées à la hauteur même de l’offen­ titulaires du bac, ou ayant une forma­ sive. Le niveau de la riposte actuel tion bac -1-2. n’est pas suffisant et il nous appartient, Ce mouvement traduit une modifica­ à partir des salariés tels qu ’ils sont, de tion de la conscience des jeunes. En lever les obstacles qui subsistent. Il toute lucidité, ils opposent les besoins nous appartient d’aider les salariés en pour l’école aux dépenses de surarme­ lutte, de veiller à leur assurer la solida­ ment. rité. Mais le mieux encore c’est de contribuer à ce que tous les travailleurs ne soient pas spectateurs — mêmes c.s.g. : un rassemblement actifs — des luttes en cours. La meil­ qui peut faire école leure solidarité qui soit c’est bien de se mettre en lutte soi-même à partir de ses La seconde caractéristique de la situa­ propres revendications. tion sociale actuelle c’est l’amplifica­ tion du mouvement de rejet de la Les récentes sessions du Comité cen­ contribution sociale généralisée malgré tral du P.C.F. ont porté une analyse tout le poids de la campagne gouverne­ des caractéristiques des luttes de ces mentale. Jamais un Premier ministre ne derniers mois : combativité, détermi­ s’était impliqué comme cela, y compris nation, démocratie, volonté d’unité, jusque dans les médias. D’autre part, voilà ce qui domine. chez les salariés, il faut remonter loin Ce sont là, également, les caractéristi­ pour qu ’il y ait une telle convergence ques du mouvement lycéen qui, sous entre confédérations syndicales. bien des aspects, comporte des simili­ Certes, il y a différences d’apprécia­ tudes avec la lutte des salariés. Cela tions sur ce que devrait être un autre recèle de formidables possibilités pour mode de financement de la Sécurité l’avenir. sociale, une autre conception de la gestion. Mais, et c’est cela l’essentiel, les lycéens en mouvement sur un point précis, celui du rejet de la C.S.G., à l’exception de la C.F.D.T. Les salariés sont directement et de certains syndicats de la F.E.N., concernés. Pour beaucoup ils sont tout le monde s’accorde à déclarer le parents d’élèves. Mais les lycéens caractère dangereux du projet et en d’aujourd ’hui sont les employés, les appelle à l’action. ouvriers, les techniciens, les cadres de S’il le fallait, l’opposition à la C.S.G. demain. Trop souvent encore, le seul confirme la validité de la démarche des lien qui est fait entre le monde du communistes ; partir des gens, de leurs travail et les lycéens l’est au travers des problèmes, de leurs préoccupations. lycées techniques. Mais c’est oublier Avec son programme — que le 2T tous ceux qui occuperont les fonctions Congrès va encore enrichir — le Parti d’employés dans les services ou admi­ communiste formule des propositions, nistrations, tous ceux qui occuperont les met en débat. Nous avons vu dans des fonctions d’encadrement. le passé comment notre revendication Les lycéens sont les précaires de du S.M.I.C. (6 000 F à l’époque), demain. Il ne faut pas oublier que 75 % portée dans la campagne de l’élection des contrats de travail signés dans une présidentielle, avait contribué à nourrir année le sont pour des situations de le développement des luttes sur les précarité. D’autre part, il y a la situa­ salaires, la reconnaissance des qualifi­ tion de tous ceux qui ont obtenu un cations. On le voit encore aujourd ’hui diplôme ou reçu une formation au-delà avec nos propositions d’économiser 40 milliards sur les dépenses de surarme­ mouvement populaire que sera mis en ment et de les affecter à l’Education évidence qu ’il est possible de changer nationale. de politique, de pouvoir, de société. Dans le prolongement du 25 octobre, la C’est dans les luttes quotidiennes que C.G.T. a marqué sa volonté de contri­ se dessine la perspective politique, en buer au rassemblement de tous ceux résistant à la logique de l’exploitation qui s’opposent à la C.S.G. Elle a et, dans un même mouvement, en rappelé sa disponibilité pour contribuer posant la question du changement de au rassemblement le plus large possi­ société. ble. Cela a pu se faire sans gommer ni amplifier les positions des uns et des p.c.f. : autres, sans nier non plus les réalités de ce qu ’est la recomposition syndicale luttes et propositions aujourd ’hui, notamment avec le reposi­ pour maintenant tionnement de Force ouvrière sur le et pour changer terrain de la contestation. Ce qui est essentiel, c’est ce qui a pu Nous ne pouvons faire l’impasse sur le s’exprimer sur chaque lieu de travail à mouvement populaire et opposer union partir d’une démarche revendicative, pour se défendre et union pour que ça démocratique et de masse. change, faute de quoi nous tomberions Ce qui s’est passé pour le rejet de la dans un projet déconnecté de la vie et C.S.G., et en particulier avec la jour­ des problèmes des gens. La primauté née du 14 novembre, devrait l’être du mouvement populaire ne souflfe également sur d’autres questions, telles d’aucun raccourci. C’est en prenant celles concernant le pouvoir d’achat. appui sur les luttes actuelles, pour ce qu ’elles sont uniquement, que nous Dans les entreprises, services ou admi­ nous sommes exprimés sur la motion nistrations, la question de l’unité monte de censure relative à la C.S.G. Il s’agit avec force. Plus nombreux sont les à la fois de défendre les gens et d’offrir salariés qui considèrent que la division une perspective. syndicale constitue un frein à l’action. Il ne s’agit pas de nier les réalités du Ce sont les luttes qui permettent de syndicalisme français, son origine, son faire reculer l’offensive antisociale. évolution. Est-il possible de surmonter Elles permettent de faire progresser les cela ? Telle est la question. Les luttes revendications et de prendre cons­ de la dernière période ont montré que cience des causes des difficultés. Tout cela était possible, sans retomber dans succès revendicatif est un coup porté la démarche passée, à partir de aux sentiments de fatalité. Cela met en l’expression des besoins par les salariés évidence que d’autres choix sont possi­ eux-mêmes, de leur définition des bles, qu ’il faut une autre politique. formes d’action. Cela s’organise à par­ Chacune des propositions du pro­ tir de propositions qui sont mises en gramme que nous proposons est une débat pour permettre aux salariés de composante de notre projet de transfor­ trancher en toute connaissance de mation de la société, elles lui donnent cause. un contenu concret. Le programme ne Dans leurs syndicats, les communistes saurait être considéré comme un cata­ prennent toute leur place dans cette logue revendicatif. Il est outil et com­ démarche, veillent au renforcement, à posante de notre projet de société qui ce que chaque salarié puisse y prendre relève d’une construction permanente, toute sa place. Mais cela ne saurait d’un processus. Cela, par ailleurs, pose suffire. avec force la question de l’activité politique et idéologique du Parti dans Le Parti communiste, en tant que tel, l’entreprise. ne saurait jouer le rôle d’un super syndicat. C’est d’abord dans la lutte, La journée du 14 novembre comptera par sa contribution à l’impulsion du pour le développement des luttes. D’abord pour la Sécurité sociale puis­ détermination était intacte. Les initia­ que la C.S.G. n’est qu ’une étape d’un tives prises dans la Fonction publique à processus de démantèlement de la l’appel de la C.G.T. et de F.O. témoi­ Sécurité sociale. Ce qui, dans le colli­ gnent de la profondeur du mécontente­ mateur, est également le droit à la ment. retraite au taux plein à 60 ans comme Partir des luttes pour leur donner du l’a déclaré Lionel Stoléru. souffle, les porter à la hauteur de L’action des personnels des Finances, l’offensive antisociale, telle est bien la le 15 novembre, a montré que leur priorité du moment. à nos lecteurs

Avec ce n° des Cahiers du communisme publié à l’occasion du 70® anniversaire de la création du P.C.F. et consacré au « Parti communiste de notre temps » s’achève l’année 1990. Le prochain n° de la revue — janvier-février — qui paraîtra début février 1991 rendra compte de la totalité des travaux du 27® Congrès. Ce n° exceptionnel est compris dans l’abonnement, il sera donc adressé à tous les abonnés. Il n’est pas trop tard, tout nouvel abonné avant le 31 janvier 1991 recevra également ce n° des Cahiers du communisme. les connnnunisme•aüners^ 1920-1990

le parti communiste de notre temps

le parti de l’issue à la crise et du socialisme démocratique andré lajoinie le p.c.f. et les avancées sociales et démocratiques en france gisèle moreau le p.c.f. au cœur des mutations rené le guen une véritable mutation stratégique Jacques chambaz la vie du parti et les exigences stratégiques jean-claude gayssot l’internationalisme à la française maxime gremetz stratégie et recherches : une tension active francette lazard les conditions nationales et internationales de la création et de la formation du p.c.f. serge wolikow le parti communiste de notre temps

C’est avec confiance que les communistes célèbrent le 70^ anniver­ saire de la création de leur parti. Ils le font avec la farouche détermination de faire connaître son vrai visage, de dire ce que fut le Parti communiste français tout au long de son histoire, ce qu ’il est aujourd ’hui. Car cette commémoration ne peut être exclusivement tournée vers le passé. L’existence même du Parti communiste français a été, du jour de sa naissance, tout au long de son histoire et reste aujourd ’hui un enjeu essentiel de la lutte politique dans ce pays. Depuis soixante-dix ans et sans doute aujourd ’hui avec la même intensité qu ’à certains moments très durs de son histoire, les tenants du capitalisme, la droite et l’extrême droite, les forces qui contribuent à la mise en œuvre de sa politique lui vouent une animosité sans pause. Rien d’étonnant à cela. Car si une leçon simple se dégage de cette période, c’est que toutes les avancées sociales et démocratiques dans notre pays ont eu le Parti communiste comme protagoniste. Et donc le niveau de justice, de solidarité, de liberté de notre société est profondément tributaire de la force, de l’influence, de l’autorité du Parti communiste. A l’inverse, sa baisse d’influence est synonyme d’une meilleure aisance pour les forces du capital à mettre en œuvre leur programme, freiner le développement social, voire faire régresser la société dans certains domaines. Naturellement, ce combat s’est déroulé dans des contextes différents ne serait-ce que parce que les avancées auxquelles le Parti communiste a pris une part décisive ont contribué à modifier en profondeur la société française. La France de 1920, où le 29 décembre la majorité des délégués du Congrès socialiste de Tours sanctionnait la compromission de leur parti avec les forces réactionnaires, son acceptation des massacres de la Première Guerre mondiale, est très différente de celle de 1990. Aujourd ’hui la société dans laquelle nous agissons a subi des mutations profondes ; la classe ouvrière s’est transformée et se transforme ; le progrès des connaissances, des sciences ouvre aux hommes d’extraordinaires possibilités. Les hommes disent plus fort leur exigence de progrès social, de liberté et de paix. Partout sur la planète, un immense affrontement oppose les forces du passé et celles qui luttent pour un avenir meilleur. On parle aujourd ’hui du Parti communiste français au présent parce qu ’il s’est efforcé de s’adapter à ces mutations de la société et du monde, parce qu ’il fait un effort important pour renouveler ses conceptions. Notamment dans la dernière période, du 22^ Congrès en 1976, congrès décisif de la dénonciation définitive du modèle stalinien du socialisme et affirmation d’une conception nouvelle, le socialisme démocratique et autogestionnaire, au 2T préparé dans un extraordinaire débat, en passant par les 25® et 26® Congrès qui ont dit notre volonté de donner au mouvement populaire l’absolue primauté. On peut compter aujourd ’hui sur le Parti communiste français parce qu ’il reste le parti du peuple travailleur, du dévouement aux intérêts du peuple et de la France, de la révolte contre l’injustice et le mépris ; le parti de la solidarité internationale, de la lutte pour la paix et le désarmement, contre le racisme et la xénophobie ; le parti de l’union, du rassemblement populaire, des forces de gauche pour gagner tout ce qui peut l’être et ouvrir, à la mesure des exigences du rassemblement, les perspectives de changement ; le parti de la justice, de la liberté, de la paix, du socialisme démocratique et autogestionnaire. Le présent numéro des Cahiers du communisme a pour objet de fonder et démontrer ces affirmations. Il est un outil précieux pour chaque militant qui est contraint dans la lutte quotidienne de rétablir la vérité sur son parti, rappeler tel ou tel point de son histoire, expliquer sa politique. Il est tout aussi précieux pour celle ou celui qui refuse d’accepter la société et le monde tels qu ’ils sont, cherche à s’engager, s’intéresse aux communistes et à leur combat. Il apporte sa contribution pour faire du Parti communiste français un parti plus conscient, déterminé, influent, au cœur des questions et des luttes, pour le peuple, la France et l’union des forces populaires. Les communisme•cahiersa 1920-1990 le parti communiste de notre temps

le parti de l’issue à la crise

La lutte contre le capitalisme et ses méfaits a été un des objectifs constants du Parti communiste français depuis sa création. Puisant son essence et son identité dans les traditions les plus progressistes de notre peuple et dans le développement du mouvement ouvrier, tout au long du XIX*^ siècle, le Parti communiste tira également les leçons de l’expérience qui conduisit le mouvement ouvrier français à s’enferrer dans la collaboration de classes et la guerre impérialiste de 1914-1918, alors que triomphait la Révolution d’Octobre en Russie. Ainsi, dès l’origine, le P.C.F. mit à l’ordre du jour le refus de l’aliénation fondamentale découlant des rapports d’exploitation et d’oppression qu ’entretient le capital avec tout ce qui fait la vie et le travail des hommes. Il s’engagea résolument dans une lutte opiniâtre contre les conséquences induites par cette politique du capital : le chômage, la misère, l’exploita ­ tion, la guerre. Il inscrivit sa pensée et son action en termes de mpture avec le capitalisme, tant il est vrai que, pour lui, vouloir l’aménager serait aussi illusoire que de vouloir marier l’eau avec le feu. Cela ne se fît pas sans contradictions ni retards. En effet, nous le savons, l’exigence du socialisme, du communisme trouve son origine dans les contradictions mêmes de la politique du capital. Mais nous avons pendant une longue période identifié la conception même du socialisme que nous voulions pour la France à son adaptation au modèle soviétique. C’est avec cette conception que rompt définitivement la double réflexion engagée par notre parti dès le début des années 1970, et notamment à partir du 22® Congrès. Il s’agit en premier lieu de la réflexion sur les transformations de la société française et sur les efforts d’adaptation considérables du capital pour andré lajoinie*

et du socialisme démocratique

toujours mieux atteindre son but : rentabilisation maximum des capitaux au détriment des besoins du genre humain. Et, parallèlement, la définition d’une voie démocratique au socialisme pour la France, qui ne peut passer que par une mise en cause radicale du stalinisme dans les pays socialistes, de ses conceptions, ses pratiques, ses séquelles dans l’organisation des pouvoirs, dans le rôle même que jouent les partis communistes. Car, comme le déclarait Georges Marchais au 22® Congrès en 1976 : « Nous ne pouvons plus admettre, en effet, que l’idéal communiste, dont l’objet est le bonheur des hommes et pour lequel nous appelons les travailleurs à combattre, puisse être entaché par des actes injustes et injustifiés. » les effets de la crise du capitalisme dans tous les domaines Cette réflexion s’ancre notamment dans une analyse originale de la crise. Les interprétations dominantes alors nient la crise, puis la présentent comme une crise conjoncturelle, transitoire, ou comme une crise économique liée à la concurrence internationale, comme une conséquence inévitable de la « modernisation ». Tout au contraire, le Parti communiste met en évidence — j’ai à l’esprit au début de cette période l’article de Georges Marchais dans l’Humanité en 1971 qui fit grand bruit à l’époque — ses caractères inédits : à la fois crise globale qui se manifeste dans tous les domaines et qu ’accentuent les stratégies du capital et crise structurelle qui révèle les contradictions et les

* Membre du Bureau politique du P.C.F., secrétaire du Comité central. limites du capitalisme tel qu ’il s’adapte face aux problèmes nouveaux que lui pose notamment la révolution technologique. Et aujourd ’hui où en est-on, alors que le capitalisme est de plus en plus dévastateur de richesses et de vies, alors que la dépossession des hommes par le capital n’a jamais été aussi forte, alors que son agressivité (je ne parle pas, bien entendu, au seul plan militaire) grandit et qu ’il a marqué des points dans le combat qui l’oppose aux forces de progrès du fait, notamment, de l’échec d’une certaine forme de socialisme bureaucratique et étatiste ? Le projet de résolution soumis à la discussion des communistes pour le 27® Congrès souligne avec force que « la caractéristique majeure du monde d’aujourd ’hui est le contraste entre les possibilités prodigieuses de satisfaction des besoins humains offertes par notre époque et le gâchis monstrueux des ressources naturelles et des intelligences, des capacités, des vies humaines. Alors que l’humanité peut avancer vers un plus haut degré de civilisation, elle est confrontée à des problèmes et des drames considérables. » Aux exigences universelles de justice, de liberté et de paix qui en découlent, le capital répond par la mise en œuvre méthodique de son programme de régression dans tous les domaines. Dans notre pays, c’est la mise en cause du droit au travail par la liquidation accélérée de notre potentiel industriel et agricole, par la généralisation de la précarisation du travail, l’atteinte aux statuts conquis de haute lutte par notre peuple. C’est la mise en cause de notre système de protection sociale, du droit à une juste retraite à 60 ans, au nom de l’harmonisation des normes du capital au niveau européen qui impose de créer de nouveaux impôts et prélèvements sur le travail afin de permettre au capital de conserver, voire d’accroître son taux de rentabilité. Ce sont les moyens pour l’école, l’université, la recherche civile, cruellement insuffisants au regard des besoins, — l’Etat dépense en 1990 beaucoup moins pour chaque lycéen qu ’il y a sept ans, alors que les programmes d’armes nouvelles inscrits dans la loi de programmation militaire représentent 1 750 milliards de francs d’ici à la fin du siècle — à tel point qu ’un ministre ose parler de génération sacrifiée et qu ’en tout cas, pour la première fois, une génération vit plus mal que eelle qui l’a précédée. Ce sont les libertés bafouées dans l’entreprise et dans de nombreux secteurs de la société, la culture laminée par les critères financiers, etc. Au plan international, l’écart entre les pays dits riches et les pays qui s’enfoncent dans le sous-développement grandit. On parle de pays entiers pouvant être décimés par les épidémies ; l’analphabétisme, le chômage, la misère s’aggravent. La dette étrangle les peuples et, pour préserver les richesses pétrolières sur lesquelles le capital a prélevé un droit d’usage illimité, le premier des Etats impérialistes est prêt à déclencher la guerre — comme on le constate dans le golfe Persique — au risque de créer une situation de confrontation généralisée qui conduirait l’humanité au bord de l’abîme. Certes, face aux besoins et aux aspirations qui grandissent : besoin de démocratie dans toutes les sphères de la vie, de libertés nouvelles pour les peuples et les nations, exigence de paix et de désarmement, alors que l’accumulation des armes de destruction massive constitue à la fois un immense danger et un gâchis révoltant, besoins de coopérations libres

18 entre des nations égales, avec l’accroissement de rapports marchands et humains, les forces du capital innovent, modernisent, utilisent par exemple les nouveaux développements technologiques pour toujours mieux affirmer et diversifier leur domination. Au plan économique, il leur faut toujours mieux rentabiliser les capitaux en transférant de plus en plus massivement les ressources issues du travail vers le capital. Au plan politique, elles recherchent le plus vaste consensus autour de cette politique et tentent d’exclure les forces de progrès qui s’y opposent. Au plan social, il s’agit pour elles de briser toute résistance en créant les conditions d’une société à plusieurs vitesses pour l’aggravation des conditions de l’exploitation, la division et l’isolement des victimes de cette politique, en tentant, de surcroît, d’obtenir leur consentement ou du moins d’affaiblir leur résistance par des campagnes idéologiques aux moyens considérablement accms. Mais que vaut l’idéologie des « gagneurs » lorsque, dans le pays leader du monde capitaliste que sont les Etats-Unis, plongé dans la récession, « la crise atteint progressivement les plus brillants comme les plus démunis... les gens se sentent manipulés par des forces extérieures, celles du marché ou de la conjoncture internationale... l’éthique du travail n’existe pratiquement plus. .. les vieilles valeurs ont été travesties en look par les raiders... honnêteté, égalitarisme, justice ont vécu » au point de provo­ quer une véritable « débâcle des idées, une démission de la pensée >f. On le voit bien, si le capital a marqué des points, il porte en lui les éléments de la révolte des peuples contre l’oppression qu ’il génère. Oui, il reste beaucoup d’espoir et de possibilités pour tous ceux qui, ici en France et ailleurs dans le monde, veulent constituer une chaîne universelle pour rompre avec le capitalisme ! la rupture avec cette politique avec ce système est possible L’ensemble de ces facteurs nous conduisent à poser la question de la rupture avec le système capitaliste comme un véritable enjeu de civilisation et d’engager notre pays dans une autre voie, celle du socialisme autogestionnaire. « Quelles sont les exigences majeures de notre temps, dans notre société telle qu ’elle est ? Nous répondons : la justice, la liberté, la paix. Progresser dans ces trois directions le plus loin possible, avec le contenu, dans les formes et au rythme décidés par notre peuple lui-même, telle est notre conception de la transformation socialiste de la France, du socialisme à la française. » (Projet de résolution, p. 16) Quel socialisme voulons-nous ? Tout d’abord, et ce fut la novation stratégique de nos 22® et 23® Congrès, il ne s’agit plus d’imposer un socialisme modélisé « clés en main », déduit de principes dogmatiques. « Le socialisme n’est pas une construction arbitraire de l’esprit. Il naît du mouvement réel de l’histoire, des luttes

1. Ingrid Carlarder : « L’Amérique des mirages évanouis », le Monde diplomatique, novembre 1990.

19 réelles du peuple, tel qu ’il est, avec ses traditions, ses aspirations. » {22^ Congrès du P.C.F.) Ainsi le socialisme se construit dans un processus combinant luttes et élections. Pas de « grand soir » insurrectionnel ou parlementaire. La clé de ce processus c’est l’intervention du mouvement populaire, ce qui implique de dépasser la conception de l’union programmatique et, comme le fera le 23® Congrès, de rompre avec toute idée d’imposer au mouvement populaire des solutions élaborées d’en haut. La voie révolutionnaire « c’est une suite de luttes opiniâtres, de luttes de masse pour modifier toujours plus avant le rapport des forces sociales et politiques ». On mesure donc, dans ces conditions, l’acte majeur de la novation stratégique de notre parti que représente le renoncement à la notion de dictature du prolétariat qui était devenue contradictoire avec la conception d’un socialisme démocratique issu d’un processus lui-même démocrati­ que. Ainsi le Parti communiste français propose aujourd’hui un projet de socialisme autogestionnaire dans la perspective du communisme, élaboré en réponse aux contradictions de la société française, aux besoins du peuple et de la nation et répondant au triple défi de notre époque : celui de l’efficacité, de la démocratie et de l’humanisme. des propositions pour agir pour changer Ses principaux fondements. Injustice, la liberté et la paix, ne relèvent pas du domaine de l’utopie ou du registre de l’idéal. Ils sont des moyens concrets et modernes de développer, jusqu ’au bout, tout ce que les mutations font naître de nouveau dans la société et que le carcan du capitalisme empêche de se développer. La justice d’abord. Nous n’en avons pas une vue misérabiliste ou étroite. Nous pensons au contraire que la revendication de justice prend à l’époque contemporaine des dimensions nouvelles, alors que, d’une part, la misère s’accroît à un bout de la société et touche des millions de Français et que, d’autre part, pour la plus grande majorité de notre peuple les difficultés s’accroissent dans tous les domaines de la vie. Ce qui exige, comme le propose notre programme, de favoriser les luttes nécessaires pour le droit au travail, à un emploi stable et qualifié, le droit au logement et à une bonne formation à l’école et à l’université, le droit à la santé et à une protection sociale de qualité, etc. Nous disons que, dans le même temps, il faut accroître le pouvoir d’achat, réduire les inégalités et combattre les gâchis et les privilèges capitalistes, en reconstruisant une industrie puissante et moderne sur des bases nationales, au sein d’une économie nouvelle combinant étroitement un large secteur public élargi et démocratisé avec un important secteur privé. La liberté ensuite. Nous entendons défendre, garantir et élargir les libertés et les droits démocratiques. Nous l’avons souligné avec force, notamment dans notre opposition au socialisme bureaucratique, l’exigence de démo­ cratie est universelle. Nous en faisons une des dimensions essentielles, à la fois but et moyen, de notre conception du socialisme autogestionnaire, adaptée aux exigences contemporaines. En effet, notre projet est animé d’une préoccupation centrale : faire de la libération humaine à la fois l’objectif et le moteur du développement de la société. Son objectif est de faire reculer jusqu ’au bout le processus d’aliénation fondamental que constitue l’exploitation capitaliste afin de rendre aux hommes la maîtrise de ce qui dépend d’eux. Ce faisant, il inclut donc comme une impérieuse nécessité l’accès pour le plus grand nombre aux responsabilités dans toutes les sphères de la société. L’échec des pays socialistes n’a fait que confirmer cette donnée. Ces derniers avaient certes aboli l’exploitation capitaliste et ils en ont tiré, dans un premier temps, des acquis sociaux pour leurs peuples. Mais subsis ­ taient d’autres formes d’oppression : l’autoritarisme et la bureaucratie ont freiné l’émancipation des hommes. Le peuple et en son sein la classe ouvrière, la classe la plus intéressée au changement de société, ont été ligotés, dépouillés de leur rôle dans les domaines économiques et politiques. En fin de compte les acquis obtenus se sont progressivement amenuisés et l’entrave faite à la participation des hommes a bloqué le développement de ces sociétés. La gravité de l’évolution des pays socialistes et nos propres avancées stratégiques propulsant le mouvement populaire comme acteur principal du changement de société renforceront progressivement l’idée qu ’une des conditions fondamentales de développement du socialisme autogestion­ naire que nous voulons c’est que le peuple dispose de pouvoirs réels à tous les niveaux de la société. C’est pourquoi notre conception de l’extension de la démocratie et des libertés vise non seulement la dimension du travail mais elle inclut une conception de la politique qui, si elle fonde sa légitimité sur le respect du suffrage universel, la pluralité des pouvoirs, la distinction parti-Etat, se propose aussi, notamment par une refonte de nos institutions et la nouvelle manière de faire de la politique de l’avant-garde du peuple représentée par son parti révolutionnaire, de faire reculer les vieux réflexes de délégation de pouvoir, antinomiques avec notre conception autogestionnaire. La paix enfin. Une des exigences de notre époque, en cette fin de XX® siècle, c’est tout d’abord de désarmer, d’en finir une fois pour toutes avec l’arme atomique, d’aller vers la dissolution des blocs militaires, de faire reculer les risques de guerre. C’est aussi bâtir de nouvelles relations internationales basées sur l’indé­ pendance qui, comme l’indique notre programme, doivent avoir comme but d’aller dans le sens de « l’intérêt mutuel des travailleurs et non des capitaux », qui préservent et élargissent les richesses nationales, tant il est vrai que pour « coopérer il faut exister », qui mettent à l’ordre du jour la naissance d’un nouvel ordre économique mondial qui inverse le sens de l’écart grandissant entre pays du Tiers monde affamés, étranglés par le capital et en fin de compte exsangues, et les pays dits développés, confrontés eux aussi à l’aggravation des inégalités dans tous les domaines. Ainsi, si nous définissons notre projet de société comme « l’ensemble des solutions, l’ensemble des transformations qu ’il est indispensable d ’opérer pour surmonter les contradictions propres à la société française » (Georges Marchais, Démocratie), des solutions anticapitalistes correspon­ dant aux réalités propres à notre pays, l’ampleur d’une telle transforma­ tion, l’acuité des obstacles à surmonter, la complexité de la lutte des classes conduisent à faire de la voie démocratique que nous proposons pour construire le socialisme pour la France un processus de luttes et de rassemblement, non programmable à l’avance, qui fait du mouvement populaire la clé de tout changement. C’est l’ensemble de ce processus de maturation et de transformations révolutionnaires, la prise en main par notre peuple de ses propres affaires, dans tous les domaines de la vie et de la société, son intervention majoritaire pour résoudre les problèmes posés à la société, pour progresser toujours plus dans le sens de la justice, de la liberté et de la paix qui complètent la démarche d’élaboration du socialisme à la française. une démarche conforme à notre politique En quoi consiste cette démarche, cette voie démocratique ? Notre 23® Congrès a fait en 1979 la critique des défauts induits par la démarche programmatique qui a conduit à dessaisir le mouvement populaire, à faire tout attendre « d’en haut », à estomper les enjeux de classe et la nécessité de luttes d’un niveau et d’une ampleur correspondant aux exigences de la transformation socialiste de notre société. La suite a confirmé cette analyse. La politique mise en œuvre avec les différents gouvernements socialistes et de droite créa des désillusions à la mesure des illusions précédentes, avec son corollaire, le recul des idées de progrès et de l’influence de notre parti — ce que nous avons qualifié de glissement à droite — et l’accélération du programme du capital porteur de régressions. Quelle perspective offrons-nous aujourd ’hui à notre peuple ? Nos 25® et 26® Congrès ont défini les contours du rassemblement populaire majori­ taire nécessaire pour changer de politique, de pouvoir, de société. Notre politique, disons-nous, c’est dans le même temps union pour se défendre et union pour que ça change. Nous avons analysé les aspects contradictoires de la situation à laquelle le mouvement populaire est confronté. La politique régressive du capital provoque, d’une part, un mécontentement croissant et touche de plus en plus de monde ; d’autre part, les idées de résignation, de fatalisme devant la mise en œuvre de cette politique ont marqué des points, s’appuyant sur la véritable pédagogie de renoncement à changer la société mise en œuvre par le P.S., en liaison étroite avec la droite, avec toutes les conséquences sur la dépolitisation des gens, de rejet d’une certaine forme de faire de la politique, à laquelle nous avons été associés pendant des années. Tout cela provoque doutes et, pour le moins, interrogations sur les possibilités de changer de politique, de pouvoir, de société. Pourtant nous voulons et pouvons surmonter ces obstacles. qui rassembler ? sur quoi rassembler ? comment rassembler ? Qui rassembler ? La politique de rassemblement populaire pour laquelle nous travaillons prend en compte les modifications intervenues dans la société française, notamment celles concernant la division du travail. Elle s’adresse donc d’abord à ceux qui subissent le plus durement la politique du capital ; la classe ouvrière prise dans une conception élargie — en font partie tous ceux, ouvriers, techniciens dans leur plus grand nombre, employés, ingénieurs qui <-< dans le cadre de la production des richesses matérielles participent au collectif de travailleurs créateurs de valeurs et ne possèdent pas les moyens de production ». (26® Congrès) Mais cette politique de rassemblement concerne aussi, et de plus en plus, toutes celles et tous ceux — jeunes au travail précaire, retraités du travail, employés administratifs de commerce, petits et moyens paysans, et au- delà les travailleurs intellectuels — frappés à un titre ou à un autre par les orientations régressives du capital et qui peuvent se retrouver pour agir et repousser les mauvais coups dont ils sont victimes. Bref, nous voulons unir tous ceux qui à un degré ou à un autre sont frappés par la politique actuelle. Notre analyse ne néglige pas pour autant les effets contradictoires du développement des sciences et des techniques sur la division du travail et des politiques patronales de division qui en découlent. Ces effets engendrent, dans le même temps, des possibilités de rapprochement des salariés dans leurs fonctions pouvant amener des solidarités nouvelles et, tout à la fois, créer de nouveaux éléments de division. C’est pourquoi nous avons rompu avec une vieille conception de l’alliance — fille à la fois de la dictature du prolétariat et de l’union au sommet — qui était perçue comme un appel au ralliement à la classe ouvrière et à ses intérêts, conception mutilante pour le railleur et le rallié, qui s’apparentait, de plus, à la recherche de compromis entre les classes sociales et à la remise à plus tard du changement. Aujourd ’hui, nous l’avons vu, notre conception du rassemblement populaire s’appuie sur les profondes mutations intervenues dans les forces productives et l’organisation du travail et sur la prise de conscience des moyens nécessaires pour changer. La double évolution de la classe ouvrière et du travailleur collectif, sous l’impulsion des mutations, crée les bases objectives à la notion de rassemblement populaire majoritaire. Sur quoi rassembler ? Face au programme des forces du capital, nous opposons notre programme de justice, de liberté et de paix élaboré au 26® Congrès et que le congrès de cette année vise à enrichir. Celui-ci a plusieurs caractéristiques et lignes de force : il expose des propositions novatrices, concrètes et mobilisatrices ; il permet de stimuler l’action et le rassemblement contre la politique d’austérité sur un point précis ou sur de grandes questions politiques ou de société. Nous insistons aussi sur son caractère interactif avec le mouvement populaire. Nos propositions élaborées au sein même du mouvement social, de l’affrontement de classes, ne sont pas à prendre ou à laisser, elles s’alimentent des problèmes que posent les gens et de leurs tentatives pour y faire face. Ainsi notre programme contribue à la fois à aider au développement dans l’action pour des objectifs de lutte et dessine les contours de ce que pourrait être une politique de gauche. Plusieurs des propositions de ce programme sont devenues de grandes exigences populaires et contribuent à susciter de larges rassemblements pour modifier le rapport des forces en faveur des forces de progrès. Mais lorsque nous défendons la Sécurité sociale en nous mobilisant contre la contribution sociale généralisée, ou le service public, nous ne défendons pas seulement des acquis sociaux mais une forme supérieure de société fondée sur les valeurs forgées au cours de siècles de lutte de classe, des

23 droits que le capitalisme a dû concéder au prix de luttes amples et dures de notre peuple et dont on voit aujourd ’hui l’acharnement qu ’il met pour tenter de les reprendre. C’est pourquoi, quand les idées du S.M.I.C. à 6 500 F, qui sert de base à l’échelle des salaires, des 40 milliards pour l’école et pour la recherche — reprises par des centaines de milliers de jeunes — commencent à rentrer dans la vie, elles ne constituent pas seulement des réponses aux besoins immédiats mais sont des éléments, partiels certes, d’un processus d’issue à la crise et de transformation de la société dès maintenant. C’est pourquoi, pour obtenir le succès en même temps que la mise en action de notre peuple à partir des questions les plus immédiates comme des grandes causes qui engagent l’avenir de notre peuple et de l’humanité, les questions d’en bas et d’en haut, doit progresser la prise de conscience par les gens que d’autres solutions existent qui impliquent une rupture avec la politique du capital. Notre politique c’est à la fois union pour se défendre et union pour changer de politique, de pouvoir et de société. Comment rassembler ? Le projet de résolution pour notre 27® Congrès souligne que « la perspective politique que nous proposons aux forces populaires, aux forces de gauche, est étroitement adaptée à la situation actuelle : nous leur proposons de s’unir sur tous les terrains pour faire échec au programme du capital et changer de politique, de pouvoir, de société. Celles et ceux qui à un degré ou à un autre sont victimes de la politique actuelle constituent l’immense majorité de notre peuple. S’ils parviennent à surmonter leurs divisions et s’unissent dans l’action, rien ni personne ne pourra s’opposer à leur volonté. » Le mouvement de résistance aux mauvais coups portés par les forces du capital implique de plus en plus l’exigence d’être « tous ensemble », de décider démocratiquement des formes et de la conduite des actions, de surmonter les tendances à la division syndicale. Notre projet souligne que l’exigence portée par les luttes de ces dernières années reflète la conviction « que gagner n’est possible que si l’on est suffisamment forts et pour cela très unis sur la base de la participation de tous à l’élaboration des revendications et des décisions d ’actions ». En quelque sorte, plus le mouvement populaire se heurte à l’intransigeance du gouvernement, plus une idée grandit : notre force c’est notre nombre et notre unité. Isolés, divisés, nous ne pouvons rien. Unis, déterminés, nous pouvons vaincre les plus coriaces des adversaires. C’est pourquoi les questions de l’union et de l’unité d’action ne sont plus des questions qui seraient secondaires par rapport au contenu des luttes. On peut avoir les meilleures propositions du monde, si on ne peut les mettre en pratique on n’apparaît pas crédible, on décourage et on bouche la perspective de changement. Nous avons vu que ce qui est primordial c’est que notre peuple fasse l’expérience de sa force et que celle-ci découle de son union. Voilà pourquoi non seulement nous nous attachons à décrire la perspective que nous proposons mais nous aidons sur le terrain les gens à faire l’expérience que c’est en luttant ensemble qu ’ils ouvriront une perspective neuve. C’est très largement à partir de cette question de l’union et de l’unité que les gens jugent l’efficacité d’un syndicat, d’un parti, d’une politique. Il en est de même de l’idée de l’union des forces de gauche qui implique de « faire revenir le Parti socialiste à gauche ». Nous ne posons plus cette question aujourd ’hui en termes d’accord de sommet mais en termes d’efficacité du mouvement populaire. Pour gagner vraiment et durable ­ ment, il faut changer de politique ; et les communistes, s’ils ne peuvent espérer avoir à eux seuls plus de 50 % des voix, ont vocation à diriger les affaires du pays jusqu ’au gouvernement. Nous recherchons donc une union des forces de gauche y compris avec le P.S. et sans nous faire d’illusion sur sa réponse actuelle à notre appel à rompre avec la politique de droite et à revenir à gauche. Cette question de l’union des forces de gauche c’est également au sein du mouvement populaire qu ’elle se pose. Des millions d’électeurs de gauche issus ou proches du P.S. sont attachés aux mêmes valeurs que nous. Adressons-nous à eux, plaçons l’union sous leur contrôle vigilant, montrons-leur que l’action unie sur ces objectifs de justice, de liberté et de paix peut mettre en échec les mauvais coups et amener les dirigeants socialistes à rompre avec la politique de la droite. C’est cet état d’esprit qui nous anime au Parlement lorsque nous nous saisissons de toutes les possibilités de faire aboutir des mesures positives ou pour faire échec à des mesures négatives, lorsque nous sommes porteurs des aspirations de notre peuple à plus de justice sociale. Cette question de l’union qui est au cœur de l’affrontement de classe, le Parti communiste l’envisage donc en rapport avec le déploiement du mouvement populaire et comme moyen de modifier le rapport des forces actuelles en faveur des forces de progrès, de son niveau de conscience des moyens nécessaires à la transformation socialiste de la société française. Cette démarche, si elle bouleverse bien entendu bien des comportements, y compris et je dirais d’abord au sein de notre parti, pose, en cette année où nous célébrons le 70® anniversaire de la naissance du P.C.F., la question de son renforcement, de la remontée de son influence, facteurs essentiels non seulement du développement du rassemblement populaire que nous souhaitons mais de l’issue révolutionnaire à laquelle nous aspirons : le socialisme aux couleurs de la France.

25 1920-1990 le parti communiste de notre temps

le p.c.f. et les avancées sociales

Depuis soixante-dix années, le Parti communiste français marque de son empreinte notre société. La réalité sociale, économique et politique de la France ne serait sans aucun doute pas ce qu ’elle est sans le P.C.F. Les importantes avancées sociales et démocratiques obtenues l’ont été quand le Parti communiste a pesé plus fort dans la vie du pays. Ce constat découle de la réalité et montre combien la classe ouvrière, le peuple, notre pays a besoin aujourd ’hui comme hier d’un parti communiste. Dès 1920, la majorité des militants socialistes du Congrès de Tours décidèrent de créer un parti de type nouveau, une force révolutionnaire, indépendante. Le Parti communiste est né de leur volonté de rompre avec les pratiques de collaboration de classes et de donner au mouvement ouvrier le parti dont il a besoin pour reprendre son combat libérateur, ce qui se traduisit notamment par le soutien à la Révolution d’octobre 1917. Héritière des luttes populaires accomplissant la Révolution française, la classe ouvrière, dès ses premiers pas au siècle dernier, a uni ses revendications immédiates et le combat politique. Nourri de l’apport du marxisme, le mouvement ouvrier prend conscience que ses intérêts sont inconciliables avec ceux de la bourgeoisie qui frappe impitoyablement les exploités. S’organiser, s’unir, défendre ses intérêts, vont conduire la classe ouvrière à se doter de ses propres organisations. Dès 1895, au plan syndical, se crée la C.G.T. Au plan politique, après le Parti ouvrier, en passant par le Parti socialiste unifié en 1905, l’exigence d’un parti de classe dans lequel le mouvement ouvrier pourra porter toute sa confiance, donna naissance au Parti communiste en 1920. Après les désastres de la Première Guerre mondiale et la pratique de l’union sacrée par le Parti socialiste unifié, la naissance du Parti communiste répond à la nécessité du combat révolutionnaire pour gisèle moreau*

et démocratiques en france

contrecarrer en tous les domaines la politique du capital, libérer la France de l’exploitation et de l’oppression. Parti de la classe ouvrière, les batailles qu ’il va mener vont permettre peu à peu à celle-ci de prendre conscience de sa force et de son rôle sur la scène politique française et de devenir l’élément moteur de l’union de toutes les forces qui aspirent à une France plus juste, plus humaine. La défense des intérêts du peuple, la lutte pour la transformation de la société, la démocratie, la liberté, l’indépendance nationale — autant de critères sur lesquels le P.C.F. n’a jamais été pris en défaut, même s’il lui est arrivé de commettre des erreurs. C’est au fur et à mesure que se développent les luttes, en particulier dans les années 30, que le Parti communiste devient un facteur décisif de la vie politique française. C’est de son activité pour rassembler contre le fascisme, pour réaliser le Front populaire que s’affirme une conception du parti de masse, ce qui lui vaut un renforcement de ses positions et de son influence. du front populaire... Avec la victoire d’Hitler en Allemagne, le fascisme et le nazisme sévissent à nos frontières. La préoccupation majeure du P.C.F. va être de créer les conditions pour faire échec à « la bête immonde » en France, en prenant en octobre 1934, après le pacte d’unité d’action conclu avec le P.S. en juin 1934, l’initiative audacieuse de proposer la constitution d’un Front populaire « pour le pain, la liberté et la paix », comportant des

* Membre du Bureau politique du P.C.F., secrétaire du Comité central. revendications sociales et démocratiques de haut niveau. Celui-ci triom­ phera aux élections de 1936. Le P.C.F., avec environ 11 % des voix, connaîtra un gain de 3- 6 % par rapport à 1932. Malgré la victoire électorale du Front populaire, le patronat et la grande bourgeoisie sous- estiment l’état du rapport de force en pleine transformation. Les grandes grèves permirent d’arracher d’importantes réformes sociales et démocrati­ ques. La France qui jusqu ’ici subissait la législation sociale la plus retardataire d’Europe occidentale, sous la pression conjuguée de la victoire politique et des luttes, se trouve dotée de la législation sociale la plus avancée du monde capitaliste, notamment avec les accords de Matignon où Benoît Frachon conduisait la délégation de la C.G.T. Les salaires vont connaître d’importantes augmentations, la liberté syndicale est garantie, les conventions collectives se généralisent, des délégués d’atelier sont institués dans les établissements de plus de dix ouvriers, les 40 heures hebdomadaires sans diminution de salaire sont acquises, les congés payés. La force des grèves accélère ainsi la mise en œuvre des mesures sociales inscrites dans le programme du Front populaire. Le statut de la Banque de France est modifié et la nationalisa­ tion des industries de guerre est entreprise pour mieux préserver les intérêts de la nation. Cette première expérience portera loin. Pendant quelques semaines, les masses populaires vont tenir le haut du pavé et peser d’un poids souvent décisif sur les actes gouvernementaux. Ces victoires arrachées vont créer un rapport nouveau des masses et de la politique qui va se traduire par une croissance numérique des organisations de classe. De 40 000 adhérents en 1934, le P.C.F. atteindra les 330 000 en 1937 ! Le renforcement en force, en influence et l’activité d’un parti communiste, avec ses propositions pour la justice sociale, les droits des travailleurs, son attachement à la nation, son orientation unitaire ont joué un rôle déterminant dans cette étape historique importante de la vie nationale. ... à la libération Combattants du fascisme, farouches défenseurs de la paix, de l’indépen­ dance nationale, de la liberté, les communistes allaient jouer un rôle incontestable pour organiser la lutte contre l’envahisseur nazi et contre leurs auxiliaires français. En effet, au lendemain de l’effondrement auquel la politique de la bourgeoisie française avait conduit la nation en juin 1940, le Parti communiste, bien que mis hors la loi, allait s’adresser au peuple de France pour qu ’il s’engage dans la Résistance. Jusqu ’à la Libération, les mots d’ordre seront « s’unir, s’armer, se battre ». Le rôle du P.C.F. a été essentiel dans l’action pour que se lève à l’été 1944 l’insurrection nationale permettant au peuple d’apporter une contribution décisive à sa propre libération. L’autorité acquise par le Parti communiste à la Libération, du fait de la part qu ’il a prise dans la Résistance, lui permit de jouer un rôle incontestable dans le redressement de la France. Parti de classe, de masse, profondément national, il a pu influer sur le cours des événements et faire progresser la justice, la liberté. Aux élections de novembre 1946, le P.C.F. obtient 28,6 % des voix. Les importantes réformes sociales et économiques qui sont profondément ancrées chez les Français comme des valeurs de gauche ont été l’œuvre des ministres communistes de cette époque qui fondèrent leurs actions sur le programme adopté par tous les partis et organisations représentés au Conseil national de la Résistance. Programme auquel les communistes n’ont pas ménagé leur apport, notamment pour les revendications sociales, l’école, la recherche, la démocratie économique et politique. Une véritable renaissance économique, sociale, culturelle et scientifique s’engagea. Les nationalisations d’importants secteurs de production (Renault, E.D.F.-G.D.F...), mais aussi de banques, allaient permettre d’intensifier la production. L’amélioration du sort des travailleurs (augmentations de salaires, retraites, extension des congés payés...) allait s’accompagner de mesures progressistes. Le rôle indispensable des travailleurs dans l’entreprise, leurs nécessaires libertés d’expression et d’organisation, vont conduire à la création des comités d’entreprise et des délégués du personnel où les candidats seront présentés par les syndicats. C’est déjà la reconnaissance implicite du syndicat dans l’entreprise. C’est aussi la création de la Sécurité sociale à l’initiative d’Ambroise Croizat, du statut de la Fonction publique par . Parti de la libération de la femme qui déjà, en 1925, avait présenté des candidates aux élections municipales alors qu ’elles n’étaient ni électrices, ni éligibles, en 1944 le droit de vote des femmes sera obtenu, sans aucune restriction, sur proposition du ministre communiste Fernand Grenier. Droit conquis de haute lutte par la part active et les sacrifices consentis par les femmes, notamment les femmes communistes en grand nombre, pour libérer la France du nazisme. Nous le voyons, à chaque fois que le mouvement populaire a pris conscience de sa force, qu ’il a donné au Parti communiste les moyens de peser plus fort dans la vie politique, les conditions de vie et de travail se sont améliorées et la France ne s’en est que mieux portée. Profondément ancré dans la vie nationale et dans le mouvement populaire par ses positions et ses initiatives, le P.C.F. a contribué au progrès social et démocratique. mai 68, un mouvement d’ampleur inégalée Dans les années d’après-guerre, sur fond de transformations considérables mais aussi de guerre froide, des attentes ont émergé lentement. Il en naquit des désirs, des exigences individuelles et collectives qui éclatèrent bmtalement. Les conditions politiques de l’époque et la stratégie qui était celle du P.C.F. n’ont pas permis de poser dans toute son ampleur la question de la transformation de la société. A partir de l’expérience du Front populaire et de la Libération, le Parti communiste pensait battre la droite et parvenir à un changement démocratique par un accord politique de sommet entre les partis de gauche. Néanmoins, le mouvement de mai 68, un des plus importants de l’histoire de notre pays, marqua la société française en profondeur dès cette époque, et pour partie encore aujourd ’hui, par les acquis obtenus et les aspirations qui s’y exprimèrent. Après les grandes manifestations contre la guerre au Viêt-nam qui avaient eu lieu en ce début 1968, le patronat français, le gouvernement allaient voir aussi le monde du travail tenir le haut du pavé, exigeant des améliorations pour ses conditions de vie et de travail. Les acquis de cette période ne sont pas des moindres. Notons, entre autres, que le S.M.I.C. est augmenté de 35 %, l’extension des congés payés est obtenue et le droit syndical est reconnu dans l’entreprise, avec création des syndicats et sections syndicales d’entreprises. Les élections législatives et présidentielles qui suivirent mai 68, confir­ maient le P.C.F. comme la force essentielle de l’opposition avec 20 % et 23 % des voix. Notre peuple ne doit aucun des droits, des acquis sociaux à la générosité de la bourgeoisie, du capitalisme. Ils sont le fruit des luttes, de sa capacité à s’unir pour faire entendre sa voix, de l’influence qu ’il donne au Parti communiste. Celui-ci, tout au long de son histoire, marque sa fidélité constante aux intérêts du peuple, de la nation, en agissant pour avancer dans la voie du progrès, de la justice sociale, de la liberté, de la paix. Les années de luttes et de manifestation du Parti communiste et de la jeunesse communiste n’ont-elles pas été essentielles pour qu ’enfin le droit de vote des jeunes de 18 ans soit obtenu sous Giscard, en 1974. C’est dans cette même année que le droit à l’interruption volontaire de grossesse (I.V.G.) est obtenu, grâce à la détermination des femmes qui dans de multiples organisations, associations ont fait entendre leur voix, dans une lutte multiforme à laquelle les communistes ont apporté leur part. Combien de luttes, auxquelles les communistes ont été partie prenante, en particulier au sein de la C.G.T., auront dû être menées avant 1981, pour que le droit à la retraite à 60 ans soit enfin acquis, et le temps de travail hebdomadaire réduit à 39 beures ? De même, les nationalisations entreprises après 1981 doivent beaucoup, c’est le moins qu ’on puisse dire, à l’acharnement des efforts des communistes en faveur de la maîtrise par les travailleurs et la nation des principaux moyens de production. Les illusions et l’attentisme du mouvement social, l’affaiblissement électoral du P.C.F. ont constitué des handicaps fondamentaux qui ont rapidement permis aux forces du capital de reprendre le dessus et d’imposer le retour à une politique d’austérité et de régression sociale et nationale. Pour cette raison, la présence de ministres communistes au gouvernement entre 1981 et 1983 n’a pas eu les conséquences profondes et durables de celle de 1947. une stratégie validée par un mouvement populaire grandissant Le P.C.F. a tiré les enseignements de cette situation et défini une nouvelle démarche donnant la primauté absolue au mouvement populaire, dans la lutte contre la politique du capital et pour le changement. Une démarche de rassemblement et d’union à partir des problèmes des gens, pour leurs revendications, pour des conquêtes, pour la construction d’une union nouvelle des forces populaires, des forces de gauche, avec notre peuple, en permanence auteur et acteur du changement. La France, traversée par de formidables mutations sociales, scientifiques et techniques, a des atouts matériels, humains et culturels considérables lui permettant de s’engager dans la voie d’une modernité réelle, celle de la libération humaine en plaçant l’homme au centre des intérêts de la nation. Pourtant, c’est une tout autre voie qu ’ont choisie les dirigeants du pays. Les dernières années ont été profondément marquées par une accélération de la mise en œuvre du programme du capital. Déclin industriel, aggravation des inégalités dans tous les domaines de la vie, montée du racisme, plongent notre pays dans une véritable régression. L’ampleur et la profondeur des problèmes posés à notre société, à notre peuple, appellent des solutions pour opérer de véritables transformations répondant aux défis de notre époque. Le capitalisme « tempéré » dans lequel s’est engagé le gouvernement n’a jamais été aussi violent pour des millions de gens et parmi eux les jeunes qui sont sacrifiés sur l’autel de l’argent-roi. Le Parti socialiste gouverne avec une partie de la droite et met en œuvre une politique qui ne doit plus rien à la gauche. Face à cette situation, en raison de sa nature révolutionnaire, le P.C.F. est le seul parti à proposer autre chose que la soumission à la loi du profit en appelant à la lutte. Il est le parti ouvrant aux forces populaires une perspective en phase avec la situation actuelle : leur union sur tous les terrains pour faire échec au programme du capital et changer de politique, de pouvoir, de société. Convaincus que le capitalisme n’est pas fatal et que le mouvement de libération humaine qui se dessine ne peut connaître un débouché qu ’en luttant pour engager la France vers une autre voie, le P.C.F. est porteur de propositions pour une issue durable et réelle à la crise. Des propositions réalistes, reposant sur les atouts de la France et leur développement. Ces propositions, il les enracine dans le quotidien, pour aider les gens à prendre leurs affaires en main. Partenaires des forces sociales et syndicales, les communistes consacrent tous leurs efforts à développer les luttes et à élever le niveau de conscience populaire. Sans avoir une vision mécaniste du mouvement social, force est de constater l’importance de l’apport des communistes au mouvement social actuel. Malgré le glissement à droite, nous assistons aujourd ’hui à l’expression d’un mécontentement grandissant. Le développement des luttes sociales et le contenu élevé des revendications exprimées doit beaucoup à l’activité des communistes, dans leur parti ou au sein d’organisations syndicales, d’associations diverses, en prise directe avec les aspirations des gens. Il en est ainsi du relèvement du S.M.I.C. à 6 500 F, des fortes augmentations de salaires exigées par la plupart des actions, de ta défense et de la modernisation des services publics, etc. Dénonçant les inégalités criantes, le gaspillage opéré dans les opérations boursières, les sommes dilapidées pour brader nos atouts nationaux, les communistes ont contribué à faire émerger la protestation et des revendications au contenu nouveau. Des succès significatifs ont été obtenus. A propos de la protection sociale, les salariés, toutes catégories confon­ dues, refusent massivement que le principe même de notre système soit remis en cause avec la contribution sociale généralisée (C.S.G.). La mobilisation très large des salariés, des syndicats, pour empêcher cette attaque d’envergure montre les avancées réalisées. Nos propositions pour la paix et le désarmement traversent largement la population. Les 40 milliards pour permettre à l’école de répondre aux défis de notre époque a pris une force considérable. L’ampleur du mouvement des lycéens et les revendications qu ’il pose témoignent de la volonté des jeunes de ne pas s’en laisser conter, de leur perception juste que l’action unie est indispensable face à l’intransigeance du gouvernement et que l’argent existe pour donner à l’enseignement les moyens dont il a besoin. La protestation large contre la logique de guerre conduite dans le Golfe par les Américains est un autre exemple des convergences qui peuvent exister et que les communistes ont à cœur de contribuer à développer. Si les questions de justice sociale, de paix sont profondément ancrées chez les gens, celles des libertés, de l’antiracisme, contre l’antisémitisme le sont tout autant. Les événements de Carpentras ont montré que notre peuple, fort de la mémoire collective, ne saurait tolérer la résurgence des horreurs du passé. un p.c.f. en phase avec le mouvement de la société avec les aspirations des gens Offrir un débouché politique aux luttes et aux aspirations sociales est au cœur de l’engagement des communistes. Toutes les propositions qu ’ils soumettent, dans quelque domaine que ce soit, visent à alimenter, à stimuler l’action et le rassemblement pour faire échec à la politique d’austérité et faire grandir l’exigence de solutions neuves. La perspective dans laquelle les communistes inscrivent leur action est la constmction d’un socialisme à la française, par la voie démocratique, avec comme moteur de la transformation de la société, la classe ouvrière, le mouvement populaire ; dans l’union pour se défendre, l’union pour que ça change. Le programme du P.C.F. que va enrichir son 27® Congrès constitue un véritable tremplin pour la mobilisation populaire autour des trois grandes exigences de notre époque : justice, liberté, paix, à partir des problèmes des gens. Empêcher la mise en œuvre du programme des forces du capital par la lutte nourrie de propositions novatrices, c’est permettre que s’ouvrent de nouvelles perspectives. C’est la vocation même du Parti communiste, parti du changement de société. Il s’agit de faire entrer ces propositions dans la vie en mobilisant et en élevant la conscience politique de tous ceux qui, à des degrés divers, sont frappés par la crise, autour des problèmes qu ’ils rencontrent et en tenant compte de ce qu ’ils ont en tête. C’est en œuvrant au rassemblement le plus large sur toutes les questions posées qu ’il sera possible de faire faire à notre peuple l’expérience qu ’il a la force de décider de son avenir et que son union fait sa force. C’est sur cette base et dans cet esprit que les communistes ne se résignent pas à la division des forces de gauche et appellent le P.S. à revenir à gauche. Cela dépend du niveau des luttes et de l’influence donnée au P.C.F. Si l’ampleur et la puissance du mouvement populaire, son union sont décisives pour de nouvelles conquêtes sociales et le changement, comment ne pas voir que l’affaiblissement du P.C.F. autorise les pires remises en cause et permet au capital de porter des rudes coups au monde du travail. La remontée de l’influence du P.C.F. — élément central du niveau de conscience populaire — est essentielle pour faire échec aux volontés des forces du capital et pour faire renoncer le P.S. à son alliance avec la droite. C’est une des conditions primordiales pour pouvoir construire une union nouvelle des forces de gauche autour de solutions positives pour les problèmes des gens et du pays, ouvrir une issue politique de progrès. Un P.C.F. plus fort, c’est davantage de conquêtes sociales et démocrati­ ques pour notre peuple, c’est bien pourquoi les campagnes anticommu­ nistes ne cessent pas. Elles sont à la mesure des enjeux. Faire partager ces idées, imposer d’autres choix, s’appuie sur la stratégie que nous nous sommes donnée, celle de donner la priorité absolue au mouvement populaire en tant que levier de la transformation socialiste dans notre pays. La démocratie comme but et moyen de ces transforma­ tions est au cœur de toute notre démarche. La prise en main par notre peuple de ses propres affaires, en tous domaines, son intervention majoritaire pour résoudre les problèmes posés à la société, pour progresser toujours plus dans le sens de la justice, de la liberté, de la paix, constituent le socialisme à la française. 1990, année du 70® anniversaire du P.C.F., marque la permanence du combat des communistes et sa capacité à se renouveler face aux mutations qui ont traversé et traversent notre société pour être toujours plus et mieux le parti révolutionnaire dont la classe ouvrière, le peuple, la nation a besoin.

33 1920-1990 le parti communiste de notre temps

le p.c.f. au cœur

Le 70® anniversaire du Parti communiste français se situe dans une période de bouleversements cruciaux pour toute l’humanité. Des mutations profondes investissent l’ensemble des domaines de la société qui influen­ cent comportements et mentalités. En quelques décennies, le paysage social de la France a changé et va continuer de changer. Tout au cours de ces décennies, le Parti communiste français, de par sa raison d’être de transformer la société, s’est efforcé de toujours se situer au plus près des problèmes de société et de ses mutations. Disant cela, il ne s’agit pas d’occulter ou d’excuser les erreurs et les retards qui d’ailleurs ont été publiquement constatés et corrigés, mais d’apprécier les analyses, les initiatives, le lien avec les réalités et tout particulièrement celles qui concernent la vie des travailleurs comme des acquis politiques faisant de ce parti une des données incontournables de la société française. Tous les efforts de recherche ont toujours tendu à saisir les évolutions en cours avec tout le travail de connaissances et de créativité théorique que cela implique. classe ouvrière, changement de société Lorsqu’en décembre 1920, le Congrès de Tours prend la décision de fonder le Parti communiste français (section française de l’Internationale communiste), celui-ci affiche pour objectif d’être le défenseur des intérêts de la classe ouvrière, de l’organiser et de l’amener au combat révolution­ naire pour transformer la société, dans le sens de la justice, de la liberté et de la paix. rené le guen*

des mutations

Il s’agit d’une période où la révolution industrielle se trouve sous les effets de l’intervention de la science dans la production, fruit de la réflexion humaine, mise en œuvre par les hommes, à une certaine étape de son développement, celle de la « grande industrie ». Les centres de production sont de plus en plus importants avec le fordisme et le taylorisme, le travail commence à se morceler, le chronométrage prend une part importante et les rapports hiérarchiques sont à la fois très marqués et très autoritaires. Le salariat se développe avec un apport du milieu rural. Le travail des femmes à l’entreprise est rare. Dans leur majorité, elles sont soumises aux contraintes ménagères. La classe ouvrière, composée exclusivement d’ouvriers, est durement exploitée, elle se voit assigner pour vocation de se libérer de l’exploitation capitaliste, libération dont bénéficierait du même coup l’essentiel des autres composantes de la société. Cette perspective révolutionnaire est empreinte des dures conditions d’affrontement de classes de l’époque ; la société se transformera sous la direction de la classe ouvrière et de son parti, les autres composantes, qui peuvent avoir des intérêts différents mais non contradictoires, ont la possibilité de se joindre à ce combat. C’est ainsi qu ’en ce qui concerne l’organisation même, le Parti, les catégories non-ouvrières de la population qui y adhèrent sont considérées le faisant individuellement et « ralliant » le combat de la classe ouvrière. La façon dont le Parti, plus qu ’un autre, a su intégrer les préoccupations intellectuelles en posant les problèmes de la démocratie et de la nation, les avancées qu ’il a nourries dans le mouvement des sciences et des arts, la place qu ’il a fait conquérir au marxisme dans notre culture, tout cela a

* Membre du Bureau politique du P.C.F. contribué grandement au rapprochement des intellectuels avec les forces vives du pays et en particulier son mouvement révolutionnaire. unité du peuple et alliance Par la suite, tout un cheminement théorique, que les limites de cet article ne permettent pas d’aborder, amène à modifier cette vision des choses et à avoir une conception du Parti qui lui permette de prendre en charge la défense des intérêts de l’ensemble du peuple de France, à l’exception de la mince classe des exploiteurs, des tenants des forces du capital. Toutefois, l’unité nécessaire pour le combat révolutionnaire était toujours pensée en termes d’alliance des différentes composantes de notre peuple avec la classe ouvrière. Le pas important qu ’a représenté le passage d’une stratégie d’alliance à celle du rassemblement est le fruit des acquis très positifs que la conception et la réalisation de l’alliance ont apportés dans la formation des rapports de force nécessaires aux avancées politiques, économiques, sociales et culturelles. Il est aussi le fruit des analyses que nous avons été amenés à porter sur la nature, l’ampleur et la rapidité des mutations qui intervenaient et que l’on ne pouvait assimiler à une simple évolution ou prolongement de la révolution industrielle. Ce mûrissement théorique, résultat d’un long cheminement historique, pourrait amener, à l’occasion du 70® anniversaire de notre parti, à se poser la question de savoir si nous sommes encore le parti de la classe ouvrière, si cela a même toujours un sens dans la France de 1990. Nous pouvons assurément répondre oui, mais en donnant aux mots toute leur portée, car les situations, la société, ont changé. Et c’est précisément parce que nous avons su les prendre en compte, les analyser, fût-ce parfois avec retard, que nous sommes restés fidèles aux idéaux de ceux qui en 1920 voulaient changer la société capitaliste en favorisant la prise de conscience de ceux qui y avaient intérêt, en les rassemblant. Il n’est pas inutile de s’arrêter sur cette question en ces temps où le Parti communiste français est de nouveau présenté par ses détracteurs de toujours comme un parti archaïque, dépassé par le mouvement de la société, figé dans des conceptions du passé, incapable d’analyses nouvelles. le capitalisme dissout-il la classe ouvrière ? Prenons l’exemple de deux points de repères qui font l’objet de débats, à propos desquels sont souvent utilisées les notions d’archaïsme et de modernité et qui sont en grande partie les éléments moteurs et contradic­ toires du combat révolutionnaire : la supériorité du capitalisme et la disparition de la classe ouvrière. Comment, face aux potentialités extraordinaires des sciences et des technologies, le capitalisme apparaît les avoir maîtriser et le socialisme avoir totalement échoué ? Dans nos analyses sur la révolution scientifique et technologique, nous avons montré que son développement créé et mis en œuvre par les hommes et la valorisation de ses potentialités impliquent une intense activité démocratique tous azimuts pour qu ’elles soient réellement utilisées à leur profit. En refusant de s’engager dans cette voie. l’insuffisance de démocratie dans les pays socialistes ne mettait pas seulement en cause les droits de l’homme, mais décourageait les producteurs, sanctionnait les consommateurs et accentuait le décalage entre les possibilités et les besoins. C’était une véritable faillite économi­ que qui s’organisait. Dans la même période, le capitalisme orientait ces potentialités vers une certaine réponse aux besoins, utilisait les aspirations à la démocratie des travailleurs, mais pour conserver son rôle de décideur au service de la rentabilité financière. Il déstructure la société, développe le chômage, la précarité, les inégalités et maintient les trois quarts de la population du globe dans une situation intolérable. Le capitalisme, malgré des résultats apparents, n’est pas la solution pour répondre à l’ensemble des besoins sociaux et culturels de l’humanité. Cela fonde les raisons que nous avons de lui substituer un socialisme démocratique et moderne. La classe ouvrière serait, selon certains, en voie de disparition. Par voie de conséquence, les organisations révolutionnaires que cette classe s’est historiquement donnée seraient engagés dans un déclin inéluctable, entraînant avec elles tout projet de transformations révolutionnaires. La réalité que nos analyses éclairent montre que changement de forme n’entraîne pas obligatoirement changement de nature et que justement les mutations, la diversification de la classe ouvrière vont de pair avec son élargissement. C’est plus particulièrement ce point que je voudrais développer pour illustrer à la fois la fidélité du Parti communiste français à ses idéaux fondateurs et sa capacité, parce qu ’il est en phase avec le mouvement de la société, à analyser la réalité dans laquelle il se trouve pour pouvoir la transformer. J’ajouterai, incidemment, que nous sommes la seule force politique dans ce pays à avoir analysé avec réalisme les mutations qui transforment la classe ouvrière, mais aussi les intellectuels et le mouve­ ment populaire. Cela n’a d’ailleurs pas été sans incidences positives sur notre pratique politique et sur notre stratégie de rassemblement. en phase avec l’évolution sociale Etre en phase avec le mouvement de la société ne se décrète pas. Cela procède de la volonté que l’on a d’y être, de l’objectif que l’on veut atteindre et des outils conceptuels que l’on utilise pour analyser la réalité. Un des éléments essentiels qui nous a amenés à apprécier correctement la transformation continue de la classe ouvrière, à mettre en évidence le remodelage de la société façonné par les forces du capital, est certaine­ ment notre capacité à prendre la mesure de la révolution scientifique et technologique et des mutations de la société en cours. La révolution industrielle a été caractérisée par l’avènement de la machine-outil, c’est-à-dire le moment où la main de l’homme a été remplacée par la machine pour mettre en œuvre et guider l’outil. Cela a représenté un moment décisif dans la modification des facultés des travailleurs, modification qui intervient sur l’organisation du travail, sur la qualification mais aussi sur les comportements et les mentalités. Cette analyse découle de constatations fortes : au travers l’histoire pluri- millénaire des rapports entre l’homme et la nature, les modifications essentielles des outillages par lesquels l’homme façonne la matière sont des moments décisifs de sa propre transformation. En transformant la nature, l’homme se transforme lui-même. Qui pourrait objectivement rejeter cette donnée devant la profondeur des réalités présentes, dont les transformations sont de plus en plus souvent déformées ou dénaturées par la crise ? C’est par référence à cette analyse que nous avons considéré que les transformations actuelles étaient caractérisées par le fait que la machine intégrait progressivement un ensemble de facultés intellectuelles (calculs, informations, contrôles...) imposant de nouvelles transformations de l’individu. Ce qui est nouveau dans ces modifications des outillages, c’est l’ampleur de leurs applications et la rapidité de leur évolution. En effet, les sciences et les technologies investissent l’ensemble des domaines de la société, dépassant nettement les limites de la production. Par ailleurs, leur évolution conduit à des changements de qualifications, voire de métiers, pour une même génération, un même individu. C’est cette analyse qui permet d’apprécier la nature des transformations de la classe ouvrière et particulièrement son caractère continu. Retrouver encore une fois l’homme au centre des problèmes, c’est montrer que nous sommes face à des possibilités d’évolution sans précédent des forces matérielles, mais qu ’il est impossible d’assimiler toutes les transformations à un système scientifique et technologique qui avancerait sous sa propre impulsion et dont découleraient d’inéluctables consé­ quences, une sorte de déterminisme de la vie en société ou de la forme de la société. Rien n’est neutre, ni spontané. C’est ce qui nous amène à considérer la technologie en termes d’enjeux, comme un enjeu de classe. Nous analysons qu ’il n’y a dans son développement rien d’automatique. Et c’est pourquoi nous nous opposons si fortement à la démarche des idéologues les plus avancés du capital qui argumentent autour du concept de « révolution de l’intelligence ». Il leur permet d’insister sur les flexibilités humaines nécessaires. Elles ne seraient, à les entendre, que les conséquences fatales, inéluctables du progrès technique. N’est-ce pas pour cacher un fait essentiel de très grande portée à l’échelle de l’histoire de l’humanité ? : les technologies d’aujourd ’hui, en tant que forces productives indissociables du travail vivant qui les met en œuvre, sont devenues incompatibles avec la division millénaire entre travail manuel et travail intellectuel, celle qui fait que les uns conçoivent et les autres exécutent. N’est-ce pas pour cacher ce fait que dépasser cette division suppose d’en briser d’autres qui l’ont elle-même sécrétée jusqu ’ici ? : les appropriations de classe du pouvoir et du savoir propres à toutes les sociétés d’exploitation qui se sont succédé, de l’esclavagisme au capitalisme, aujourd ’hui. A la présence dominante du capital avec ses phénomènes contemporains, à la crise qu ’il engendre, à la division en classes, et aux luttes, se surajoute la révolution scientifique et technologique. Tout cela crée un contexte inédit où les rapports de l’homme à « l’outil » et à la matière sont en posture de se transformer radicalement. La révolution technologique, en bouleversant la production, génère de nouvelles aspirations à travailler et vivre autrement et appelle, pour être au service du développement de la société et de l’homme, une véritable révolution sociale, un changement de société. Dans ce combat, deux conceptions de la société, celle de l’argent où l’homme est flexible, et celle de l’homme où la machine est flexible, s’affrontent. Dans cet affrontement, les idéologues de la droite et du P.S. avancent l’idée que la révolution technologique saperait les bases sociales d’un parti révolutionnake. Les mêmes avancent l’idée de la « mort lente » de la classe ouvrière ou pour le moins de son « émiettement ». mouvement de la société et mutation de la classe ouvrière

La réalité est tout autre. L’existence de la classe ouvrière est liée au rôle fondamental de la production et à la réalité du rapport social d’exploitation capitaliste. Or, sciences et technologie sont devenues des bases de la production matérielle. Dans ces conditions, assimiler élévation des qualifications et place grandissante du travail intellectuel à la disparition de la classe ouvrière, c’est identifier cette dernière au travail manuel et non à la production. C’est refuser de reconnaître le lien dialectique qui existe entre le mouvement de la société et la mutation de la classe ouvrière. 11 n’y a ni affaiblissement, ni encore moins disparition de la classe ouvrière. Nous sommes en présence de sa transformation continue dont la nature et l’ampleur sont à la même échelle que celle du mouvement des connais­ sances. Dans cette transformation, la dimension intellectuelle des activités de la classe ouvrière ne cesse de grandk et de s’élargir à des fonctions productives nouvelles. Son rôle et sa place s’élargissent. On assiste à la fois à la diversification de ses composantes et à l’enrichissement des capacités de chacune d’entre elles. C’est ce mouvement des transformations interactives des hommes et des connaissances qui génère la progression spectaculake du nombre d’ingé­ nieurs et de cadres, de techniciens, d’agents de maîtrise et de travailleurs scientifiques. Il dégage leur spécificité commune qui allie activité intellectuelle, savok-fake et production. Ce triptyque qui leur est propre alimente leur poussée numérique. Elle combine une diversification accélérée de chacune de ces catégories et la confirmation qu ’ils sont des intellectuels à part entière et particuliers. Par ailleurs, les frontières entre sphères de production et sphères de ckculation se déplacent et créent les conditions pour que l’activité de certaines catégories d’employés soit liée directement à des processus de transformation de la matière. On le voit, il faut se garder de toute considération morale et ne pas confondre travail productif et utilité sociale. En fonction de cette analyse, il est désormais impossible d’identifier la classe ouvrière aux seuls ouvriers. Les manœuvres, les ouvriers spécia­ lisés, les ouvriers qualifiés, les techniciens dans leur plus grand nombre, mais aussi des ingénieurs et des salariés classés employés sont aujourd ’hui autant de composantes de la classe ouvrière. rassembler pour construire le changement Dans ce mouvement de profonde transformation de la population, l’activité des femmes prend une place significative qui a modifié leur place dans la société. Leur entrée massive dans la production industrielle a contribué à transformer la composition de la classe ouvrière. Les potentialités que recèle l’évolution des sciences et des techniques a favorisé l’émergence d’aspirations et de revendications relatives à leur vie professionnelle, personnelle et familiale : droit au travail, à l’égalité, à la maternité librement consentie, à vivre mieux, libres, respectées et reconnues. Elles veulent tout réussir en harmonie et sentent que les possibilités de notre époque le leur permettent. Ces aspirations et ces revendications ont donné lieu à des luttes qui ont façonné notre société dans les domaines les plus divers de la vie économique, sociale, culturelle ou politique avec l’obtention du droit de vote à la Libération. Pour tenter de mettre en échec cette aspiration de libération, les forces du capital contraintes à accepter les avancées sociales les freinent ou les dénaturent en soumettant les femmes à d’intolérables inégalités, à la flexibilité. Ce mouvement en avant des femmes contre les inégalités, pour leur libération est celui de notre parti, il contribue de façon originale et puissante au combat pour une civilisation plus humaine. Les mutations dépassant le domaine de la production, la figure classique du « grand intellectuel », telle que nous la concevions, ne doit pas nous cacher les millions de travailleurs que sont aujourd ’hui les intellectuels, hommes et femmes engagés dans les activités sociales les plus diverses. Ils constituent près de 25 % de la population active et neuf sur dix sont des salariés. Mais, l’ampleur de ces mutations qui interviennent dans le contexte de la crise et l’extrême spécialisation du travailleur intellectuel tendent à déstabiliser toutes les représentations du milieu intellectuel d’hier et à parcelliser celles d’aujourd ’hui. Ce phénomène s’accentue d’autant que les activités intellectuelles sont aussi en crise. En effet, face aux potentialités dégagées par les mutations techniques, sociales, cultu­ relles, les activités culturelles ont été et sont mises dans l’incapacité de répondre aux nouveaux besoins de la société, ainsi que d’apporter une contribution efficace dans la conception et la réalisation des nouvelles finalités de cette fin de siècle. Ces rapports entre culture et crise nous ont incités à donner à la culture une place essentielle dans notre projet de société et à la considérer comme une question majeure de rassemblements de luttes, à opérer pour avancer. L’ancienne notion d’alliance, que ce soit dans ou hors la production, correspondait à une vision ancienne des intellectuels et des activités intellectuelles. Une classe ouvrière en pleine évolution qui accompagne le développement d’un nouveau travailleur collectif a de plus en plus intérêt à ce que la culture devienne son bien commun pour se l’approprier, sous toutes ses dimensions, afin d’être réellement force de l’avenir dans la nation pour frayer la voie au socialisme. C’est bien en termes de rassemblement que se pose la réalisation du rapport de forces nécessaire pour faire progresser les transformations de la société. Voilà pourquoi l’établissement de relations concrètes entre les forces productrices et la culture sont pour nous essentielles. La culture conçue dans le sens donné au Conseil national de Bobigny, « c’est-à-dire l’ensemble organique des éléments qui (...) permettent aux hommes et aux femmes de prendre en main leur existence personnelle et leur histoire commune ». C’est la raison pour laquelle nous déployons des efforts pour démystifier la culture scientifique et technique en la dégageant du seul aspect des performances et en insérant, tout en les développant, ces dimensions dans la culture. Avec la stratégie de rassemblement, il ne s’agit plus de rallier les intellectuels à la classe ouvrière, ni davantage d’atténuer les questions de classe, pour soi-disant favoriser les rapports. Il s’agit désormais de débattre ensemble des vraies questions de la société en crise, d’en chercher ensemble les solutions anticapitalistes, de construire ensemble le socialisme. 1920-1990 le parti communiste de notre temps

une véritable mutation

La politique du Parti communiste français a changé, profondément, et ce changement a modifié des éléments essentiels de l’identité communiste, telle qu ’elle s’était historiquement forgée en France. Les fondements de cette novation remontent aux 22® et 23® Congrès, en 1976 et 1979. Certes, des avancées avaient eu lieu dans les années précédentes, mais elles se heurtaient à une conception programmatique de l’union et à une conception du socialisme qui correspondaient de moins en moins aux conditions de la lutte et à la réalité de la politique communiste. L’importance des 22® et 23® Congrès tient au fait qu ’ils ont affirmé une triple rupture, riche de développements. Une rupture avec une conception modélisée du socialisme et de la transformation révolutionnaire, trop longtemps identifiés à une expérience déterminée qu ’il aurait suffi d’« adapter » aux réalités nationales, une expérience de surcroît marquée par le stalinisme. Une rupture d’avec une conception de l’union et du rassemblement qui, dans les conditions nouvelles, dessaisissait le mouvement populaire de ses responsabilités. Une rupture avec une conception du marxisme, de la stratégie et de leurs rapports, qui conduisait à prétendre déduire les réponses politiques concrètes d’un système théorique considéré comme « harmonieux et achevé ». des chemins inédits En réponse à la crise que connaît la France et aux difficultés que connaît le peuple français, les 22® et 23® Congrès proposent les chemins inédits d’une alternative de luttes et de rassemblement inscrite dans la perspective d’un Jacques chambaz*

stratégique

socialisme autogestionnaire envisagé sous la forme d’un processus dont le mouvement populaire est la clé et qui déplace le centre de gravité du Parti lui-même en faisant des cellules le foyer de l’élaboration et de la mise en œuvre de cette politique. Cette véritable mutation en finit avec une conception de la révolution socialiste qui découpait en étapes la transformation révolutionnaire et établissait ainsi une coupure tranchée entre luttes démocratiques et luttes pour le socialisme. Elle rompt avec toute idée de confiner le rôle du mouvement populaire au soutien de propositions élaborées d’en haut. Le 23® Congrès souligne explicitement « les effets démobilisateurs d’une attitude consistant à tout attendre d’une alliance considérée comme une union de sommet se suffisant à elle-même et à renvoyer la solution des problèmes au lendemain des échéances électorales. » A l’époque, cette démarche fut mal comprise. Par sa nouveauté même, elle contredisait bien des idées et des comportements considérés jusque-là comme inséparables de l’identité communiste. Certains n’y virent que vulgaires concessions tactiques. D’autres, en particulier dans les pays socialistes, y virent le signe de tous les abandons de classe au moment même où leur cécité devant la stagnation des sociétés socialistes approfondissait les blocages et la crise que connaissaient ces dernières. La démarche des communistes français ne signifiait ni manœuvre politicienne, ni sous-estimation de l’acuité et de la complexité de la lutte révolutionnaire. Elle n’exprimait pas davantage un désaveu de l’activité du P.C.F. au cours de son histoire et de son apport à la société française. Loin d’être élaborée en vase clos ou déduite de « principes » sans prise sur

* Membre du Comité central du P.C.F. les réalités, elle s’enracine dans l’expérience, celle du peuple français comme celle du Parti. Elle s’ancre dans l’analyse des récités et de leur mouvement contradictoire. C’est dire qu ’elle s’est enrichie en même temps qu ’elle a subi l’épreuve de la vie, en France et dans le monde. En France. L’histoire a fait que le Parti communiste développe sa réflexion au moment où l’emporte la volonté de changement qu ’il avait longtemps contribué seul à mettre au cœur de la vie politique nationale. En 1981, François Mitterrand est élu président de la République. Un gouvernement de gauche, dominé par le Parti socialiste, accède aux responsabilités. De premières mesures positives sont adoptées. Mais, dès 1982, elles sont minées par la décision du Parti socialiste de se faire l’agent actif d’une politique, la politique du capital, qui tourne le dos à ses engagements publics. Commencée à la fin des années 50, toute une page de l’histoire nationale se tourne. Mais elle se tourne dans la confusion. La désorienta­ tion des masses populaires est à la mesure de leurs espoirs. Le temps des désillusions succède à celui des illusions, non sans laisser des traces profondes. Et l’influence du Parti communiste y échappe d’autant moins que les communistes s’étaient fait pendant des années les artisans d’une politique dont ils avaient perçu trop tard l’inadaptation. Le 25® Congrès, en 1985, met en évidence la contradiction majeure qui commande la situation et son évolution ; « La politique du capital heurte de front les intérêts de l’immense majorité de la population et augmente ainsi les potentiels de rassemblement. Mais cette politique, par le mouvement qu 'elle imprime à la société et les conditions dans lesquelles elle s’applique, renforce la résignation, favorise le recul des positions démocratiques, accroît le découragement et l’émiettement du mouvement populaire. L’enfoncement dans la crise élargit les bases du rassemblement pour en sortir ; mais elle ne crée pas spontanément ce rassemblement : au contraire, elle en complique la réalisation. » Dans cette situation difficile, le Congrès souligne le choix capital qui se pose : le Parti communiste doit-il se rallier à la « modernisation » telle que le capital s’attache à la mettre en œuvre et revenir ainsi sur ses avancées stratégiques et sur les analyses qui les fondent ? Ou doit-il maintenir ouverte la perspective de la lutte et du changement alors même que le Parti socialiste se fait l’agent actif de la mise en œuvre de la « modernisation » capitaliste ? une alternative de rassemblement et de luttes A contre-courant du consensus dominant, les deux derniers congrès approfondissent la nécessité de lutter contre les projets du capital et d’inscrire les luttes dans la perspective d’un changement profond, un changement de politique, de pouvoir, de société. Ils proposent des réponses aux questions concrètes : quelles luttes, quel rassemblement, quelle union pour résister et pour changer ? Et le programme adopté par le 26® Congrès développe cette perspective. Par là, ils confirment et enrichissent profondément la percée théorique et politique de 1976, sans maximalisme ni étroitesse. Et sur des points essentiels ; le rassemblement, l’union, le rôle du parti révolutionnaire. Certes, l’histoire du Parti communiste français est marquée par son souci de rassembler et d’unir. Mais le rassemblement et l’union auxquels il entend contribuer aujourd ’hui sont inédits et supposent une activité politique profondément originale. A la mesure des modifications de la réalité, ils sont partie intégrante de la mutation stratégique qui fait du mouvement populaire, de son expérience et de sa combativité la clé de la résistance et du changement. Le rassemblement. Il s’agit de contribuer au rassemblement de celles et de ceux qui sont en butte au projet du capital. La classe ouvrière, non pas celle d’hier mais celle d’aujourd ’hui, telle qu ’elle se transforme. Avec elle, les millions de salariés, en particulier les salariés des « services », parmi lesquels les employés. Enfin, les différentes catégories de travail­ leurs associés aux activités qui prennent une importance accrue dans la perspective d’une croissance nouvelle répondant au développement des capacités humaines ; recherche, éducation et formation, santé, culture... Et le projet de document pour le 27® Congrès affine encore cette analyse du mouvement de la division du travail et souligne l’impérieuse nécessité de s’en inspirer dans l’activité quotidienne des organisations du Parti, en particulier dans les entreprises. Rassembler sur quoi ? Autant la vie démontre la nécessité d’être attentifs aux revendications les plus immédiates, les plus vitales, au sens fort, et d’être présents et inventifs dans les milieux les plus durement frappés par la crise — il y a là une véritable urgence —, autant cette urgence ne saurait dispenser du souci d’être présent sur les autres terrains, tous les autres terrains. Enfin, et là n’est pas la moindre novation, contribuer au rassemblement nécessaire au plus près et à l’écoute des préoccupations des Françaises et des Français implique dans le même temps de faire vivre la politique communiste telle qu ’elle est. L’affirmation tranquille de l’identité commu­ niste devient l’un des facteurs du rassemblement. L’idée de rassemblement commence désormais à s’affirmer. En témoi­ gnent les luttes, des luttes démocratiques, puissantes, unitaires qui dépassent de plus en plus souvent les différences syndicales, politiques, idéologiques. Et les questions de l’union et de la perspective montent au rythme de ces luttes. L’union. En elle-même la démarche de rassemblement est une démarche d’union. Mais les deux derniers congrès, forts de l’expérience d’hier, ont développé une vision de l’union à laquelle le document préparatoire au 27® Congrès apporte des réflexions supplémentaires. Il en est de l’union comme des autres questions : ses progrès dépendent du mouvement populaire lui-même. Y contribuer, pour les communistes, c’est associer dans leur activité plusieurs dimensions qu ’on ne saurait séparer, encore moins opposer : combattre la stratégie du capital, y compris lorsque le Parti socialiste s’en fait l’agent actif ; affirmer clairement la conception neuve de la transformation d’une société développée ; être disponible, sans préjugés ni préalables, pour dialoguer, rassembler, agir afin de répondre aux problèmes ; faire revenir à gauche le Parti socialiste. Il s’agit là des versants complémentaires d’une même volonté : dégager, au travers des contradictions du mouvement réel, une perspective politique crédible. Cette perspective se heurte aujourd ’hui aux choix du Parti socialiste. Ignorer cette réalité serait créer des illusions. La considérer comme définitive serait renoncer à l’idée du changement politique et à répondre aux questions de la majorité et du gouvernement capable de faire une autre politique. Contribuer à ouvrir une perspective ne saurait donc se réduire à l’exposé nécessaire et convaincant de la validité d’une autre politique, encore moins à des jeux politiciens. A l’opposé de conceptions anciennes de la politique qui dépossèdent le mouvement populaire de son initiative, il s’agit d’accompagner l’expérience du peuple français afin de lui permettre de redécouvrir, « en nourrissant sa réflexion et en contribuant à lui en faire faire l’expérience, qu ’il a la force de décider de son avenir et que son union fait sa force. » Maîtriser cette démarche nouvelle n’est pas chose facile, car c’est encore une démarche neuve. Et le projet pour le 27® Congés propose aux communistes de discuter des obstacles qu ’il est nécessaire de surmonter, ceux qui tiennent à la situation, ceux qui tiennent à notre capacité de faire vivre cette politique dans toutes ses dimensions. Loin de supprimer le rôle d’un parti révolutionnaire, d’un parti commu­ niste, les données contemporaines de la lutte confirment en effet sa nécessité. Son influence et sa force deviennent une question décisive. Non parce que ce parti prétendrait se substituer au mouvement populaire lui- même, mais parce qu ’il est un pôle essentiel de la résistance au projet du capital, une force irremplaçable au service du changement. Aussi bien la mutation de la stratégie communiste comporte-t-elle comme une dimen­ sion nécessaire une transformation de la conception du Parti, de son rôle et de sa vie intérieure, dès lors que la stratégie nouvelle ne peut s’élaborer et fructifier que dans et par l’activité des cellules et des communistes eux- mêmes. répondre aux défis contemporains L’analyse de la crise de la société française a ainsi conduit le Parti communiste à mettre en perspective les transformations qui affectent à l’évidence les manières de produire, de gérer et de vivre. Faut-il rappeler ici les analyses concernant la crise du capitalisme et les stratégies d’adaptation des forces du capital au plan économique, social, politique et culturel ; les transformations de la classe ouvrière, inséparables des transformations de la société et du monde des salariés ; la nécessité d’étendre les acquis démocratiques aujourd ’hui menacés aux dimensions nouvelles d’une démocratie autogestionnaire ; le rôle que devrait jouer la France pour des coopérations entre nations, répudiant les rapports de domination et travaillant à résoudre les problèmes du développement, de la préservation des grands équilibres écologiques et de la paix ; les questions des droits de l’homme et des valeurs, c’est-à-dire d’un humanisme accordé à notre temps ; la conception nouvelle, autogestion­ naire, du contenu et des moyens de la révolution socialiste, inscrite dans la perspective du communisme ; l’évolution de la conception et du rôle du parti révolutionnaire. Le projet de document pour le 27® Congrès prend appui sur ces analyses en même temps qu ’il propose de les développer. Concernant la justice, c’est-à-dire la nécessité de droits nouveaux à la mesure des possibilités et des exigences de l’époque : droits à la santé, à la formation, au logement et au cadre de vie, à la culture, aux sports et aux loisirs. Concernant la croissance nouvelle capable d’y satisfaire dès lors qu ’on fait reculer les règles de gestion capitalistes, ce qui suppose d’élaborer une solution à la française des questions du marché et de s’orienter vers la démocratisation réelle de l’économie et le développement de coopérations faisant reculer les rapports de domination. On notera à ce sujet les développements au sujet de la défense, du développement et de la modernisation des services publics, l’un des acquis nationaux les plus originaux. Concernant la liberté, avec les développements sur la nécessité d’enrichir les acquis démocratiques, dont la défense intransigeante demeure à l’ordre du jour, en France et dans le monde, par les droits nouveaux qu ’implique une démarche autogestionnaire. Dans l’entreprise, où le patronat entend préserver son pouvoir absolu sur les décisions stratégiques majeures. Dans la nation, afin de favoriser une puissante avancée de l’intervention des citoyens et une véritable décentralisation. Cette démarche implique une démocratisation audacieuse des institutions et la reconnaissance pour un droit nouveau, essentiel ; le droit à la communication et à l’information qui passe par la lutte pour la nécessaire reconnaissance du pluralisme. Concernant la paix et la construction d’un nouvel ordre international fondé sur la participation active à la solidarité et à la coopération internationale dans le respect des souverainetés nationales. exigences et portée de la révolution technologique Pour le Parti communiste français, ces exigences s’ancrent dans la révolution contemporaine des forces productives, qu ’on l’appelle révolu­ tion technologique ou révolution informationnelle, c’est-à-dire dans la possibilité et la nécessité de nouveaux rapports entre l’homme et la nature et de nouveaux rapports entre les hommes eux-mêmes. Mais la libération humaine dont la révolution technologique est porteuse ne saurait être ni spontanée ni linéaire. Les risques qu ’elle comporte sont à la mesure même des possibilités qu ’elle recèle. Aussi bien son devenir est- il l’enjeu d’un immense affrontement entre les forces du passé et les forces d’avenir, un affrontement qui s’exprime dans les formes et les contenus nouveaux des luttes de classes contemporaines, au plan national et international. Cette analyse originale anime les deux premières parties du rapport au 26® Congrès. Elle permet de placer sur leur véritable terrain les problèmes du socialisme et du capitalisme de manière rigoureuse et ouverte, donc offensive et rassembleuse. Et cela pour une raison fondamentale : elle les aborde en fonction de ta capacité respective des systèmes à répondre aux enjeux majeurs de notre époque. Elle pose dans ses aspects fondamentaux la question des objectifs que se fixe la société et des valeurs qu ’elle se propose. Changer pour aggraver ou transformer pour avancer ? Nouvelle domina­ tion du capitalisme ou processus de libération humaine ? Tel est l’enjeu, celui d’une efficacité nouvelle fondée sur le développement et la participation de tous les hommes et débouchant sur la construction d’une nouvelle civilisation, l’enjeu d’une transformation révolutionnaire inté­ grant et dépassant les acquis du capitalisme. Toutes les forces sociales, tous les peuples, dans l’originalité de leur histoire, de leur développement et de leur société ne sont-ils pas confrontés à un triple défi ; celui de l’efficacité, de la démocratie et de nouveaux rapports humains ? Aussi bien l’élaboration de cette politique a-t-elle été de pair avec un regard qui s’est efforcé d’être à la fois lucide et solidaire sur les difficultés rencontrées par les pays socialistes. Il n’est pas inutile de le rappeler au moment où une campagne obsédante prétend que les bouleversements de l’Est européen rendraient caduque cette stratégie, et, avec elle, toute perspective de libération humaine. Certes, le Parti communiste français n’a pas pour autant prévu la véritable implosion de certaines sociétés socialistes, une implosion qui a ouvert une brèche dans laquelle toutes les forces de l’impérialisme, économiques, politiques, idéologiques se sont engouffrées. Mais personne ne l’a prévu et ne pouvait le prévoir, sauf à confondre capacité d’anticipation et chiromancie et à considérer que ces bouleversements, condensés en quelques semaines, étaient inévitables. Il demeure que le socialisme bureaucratique avait démontré ses limites, des limites qui ne sauraient pour autant conduire à simplifier son histoire. Des réformes profondes étaient nécessaires. En Union soviétique, où leur nécessité a été affirmée en 1985, le développement de la perestroïka a révélé des blocages et des obstacles beaucoup plus profonds que ne l’avaient prévu ses initiateurs. Il rencontre aujourd ’hui d’énormes diffi­ cultés et fait l’objet de luttes aiguës. Là où les dirigeants se sont refusé jusqu ’au dernier moment à engager les changements nécessaires, ils ont été littéralement emportés en quelques mois, portant ainsi un coup sérieux à leurs peuples et à l’ensemble des forces de libération. Cet échec d’un socialisme bureaucratique, marqué de l’empreinte stali­ nienne à répondre aux défis contemporains, appelle une réflexion approfondie. Au-delà, il pose des questions nouvelles dans la mesure où il accroît les possibilités immédiates de l’impérialisme dont traite le projet de document pour le 27® Congrès. faire vivre l’identité communiste moderne Le capitalisme a-t-il pour autant triomphé, comme le proclament ses avocats ? Les bouleversements à l’Est ne sauraient conduke à considérer les rapports d’exploitation et de domination comme des rapports indépas­ sables. Ils ne sauraient davantage conduire à sous-estimer les contradic­ tions du capitalisme et le prix humain qu ’engendre la reproduction des processus d’exploitation et de domination qui en sont inséparables. On le voit bien en Erance. Et ce capitalisme n’est pas celui d’hier, le capitalisme dit « sauvage », mais le capitalisme d’aujourd ’hui, le capitalisme « moderne », tel qu ’il s’efforce de s’adapter. Ils ne sauraient enfin justifier la prétention de la social-démocratie à se poser en prétendante unique à la succession. Malgré sa superbe et ses alléluias, le capitalisme est lui aussi confronté, de son point de vue, aux défis de l’époque. C’est bien ce qui explique les énormes efforts qu ’il déploie pour adapter sa domination afin de la maintenir. Mais ces efforts rencontrent leurs limites dans les règles du profit, aggravées aujourd ’hui par la rentabilité financière à tout va. D’où les dégâts qu ’engendre sa domination, dans les pays capitalistes déve­ loppés, dans les pays dits du Tiers monde, et dans les anciens pays socialistes qui entendent aujourd ’hui prendre pour modèle ses règles de gestion. D’où les dégâts qu ’il provoque du point de vue de l’avenir de l’humanité, considérée dans son ensemble. Et cela renvoie à la stratégie nouvelle que nous avons élaborée, aux réponses et aux pistes qu ’elle ouvre afin de défricher les voies et les moyens de faire reculer les rapports d’exploitation et de domination en inscrivant les luttes actuelles dans une large perspective historique, sans myopie ni prophétisme. Il s’agit de faire vivre une identité communiste moderne dont l’affirmation soit porteuse de rassemblement, d’action et de confiance. N’est-il pas significatif qu ’au : « ne vous laissez pas faire ! » lancé par les communistes, des voix et des actions plus nombreuses répondent : « ça ne peut plus durer » ? Ces convergences annoncent l’avenir, car les défis contemporains ne peuvent être relevés sans l’intervention des hommes et des peuples. Une démarche démocratique, autogestionnaire ne se décrète pas, sauf à se contredù-e. Il s’agit d’un processus auquel des forces diverses peuvent contribuer, dans le respect de leur originalité. L’ambition du Parti communiste français demeure d’y contribuer, au plan national et international. 1920-1990 le parti communiste de notre temps

la vie du parti et les exigences

Il existe un lien étroit entre la politique de notre Parti, son objectif, son rôle et son mode de fonctionnement. Dès sa fondation en 1920 la question du centralisme démocratique vient au cœur du débat. La décision profondément novatrice de la majorité des congressistes de Tours répondait à l’attente des militants les plus déterminés. Voulant fonder un parti révolutionnaire, le Parti communiste français, les délégués, avec Marcel Cachin et Paul Vaillant-Couturier, s’en sont donné les moyens en le dotant d’un mode de fonctionnement nouveau. des principes profondément novateurs Il ne s’agissait pas seulement de sanctionner les compromissions du Parti socialiste (S.F.I.O.) avec les forces du capital, il fallait surtout se prémunir durablement contre ces pratiques et, pour cela, régénérer radicalement la vie du jeune parti par rapport à la vieille S.F.I.O. où les tendances étaient officiellement reconnues. Chaque délégué avait encore en mémoire le vote des crédits de guerre, le 4 août 1914, et l’entrée dans un gouvernement d’Union sacrée, alors que quelques semaines auparavant le congrès de la S.F.I.O. avait voté une motion pour conjurer la guerre et appeler à une grève générale ouvrière. Sans nier le rôle joué par la Révolution d’octobre 1917 et l’importance de l’enthousiasme qu ’elle suscitait, le choix largement majoritaire fait à Tours n’était pas importé mais dû au mûrissement de la réflexion dans le mouvement ouvrier français. On ne le soulignera jamais assez, le Parti communiste français a des racines profondes dans l’histoire de notre peuple. Il en est ainsi de la volonté des fondateurs du P.C.F. de respecter l’indépendance syndicale jean-claude gayssot*

stratégiques

qui, en se démarquant des conceptions de l’Internationale, le montre bien. Sur ce point, où l’expérience de notre peuple leur paraissait en contradiction avec l’opinion des bolcheviks, ils n’ont pas hésité à prendre une autre voie, à la source même de rapports extrêmement riches avec le mouvement syndical. A Tours, la question était de dégager les bases de l’action politique indépendante de la classe ouvrière. Tout le monde alors, y compris au Parti socialiste, se réclamait de la classe ouvrière. Mais pour que cette proclamation devienne réalité, il fallait adopter des principes profondé­ ment novateurs. Cela signifiait le rejet de ce qui correspondait à un parti perméable aux idées de la bourgeoisie, marqué par le parlementarisme et les joutes oratoires, où l’absence de dirigeants issus de la classe ouvrière était patente, un parti coupé du lieu principal de la lutte de classe, l’entreprise. Cela voulait dire choisir une organisation débarrassée des tendances, assurant l’unité d’action du Parti, une activité au plus près des travailleurs grâce aux cellules, une direction élue pour accomplir un mandat précis. Ces transformations ne se firent pas d’un coup de baguette magique. Il fallut avancer sur des chemins vierges. De prodigieux efforts furent nécessaires pour se débarrasser des conceptions anciennes. Avec de nombreux tâtonnements, des jalons essentiels furent posés : la constitution des cellules d’entreprise, la promotion de cadres ouvriers à tous les niveaux. En 1924, c’est Pierre Sémard qui accède à la responsabilité de secrétaire général. La candidature d’ouvriers et de paysans aux élections est systématiquement encouragée alors que ceux-ci en étaient le plus souvent écartés.

* Membre du Bureau politique du P.C.F., secrétaire du Comité central. Nous n’avons pas une vision partiale de cette période. Il y eut des erreurs. Certaines tenaient à des survivances de traditions dogmatiques. D’autres aux conditions nouvelles, nationales et internationales, de la lutte. Il fallut combattre des pratiques autoritaires et sectaires. C’est ainsi que Maurice Thorez jouera, dès la charnière des années 30, un rôle essentiel que traduisaient ses articles retentissants dont l’un des titres était : « Que les bouches s’ouvrent ». Suivirent les avancées du Front populaire, où la juste analyse des enjeux de classe de la période permettra de donner son essor à la lutte de la classe ouvrière et de notre peuple contre le fascisme et pour de grandes revendications populaires. Dès ce moment, la conception d’un parti de masse se substitue à une vision élitiste. L’enracinement du Parti dans le pays, avec ses adhérents, ses cellules, leur capacité d’initiative contribueront, pour l’essentiel, à contrer les coups les plus durs durant l’occupation nazie. Le Parti communiste sera le seul parti en tant que tel à affirmer sa fidélité à la France, et à organiser la résistance dès le début. Son rôle reconnu à la Libération permettra de grandes et inédites réformes sociales et démocratiques. le fonctionnement du parti a évolué Ce rapide et bien sûr incomplet rappel me semble souligner que la vie, le fonctionnement du Parti ne doivent pas être considérés comme des données immuables indépendantes de nos tâches, de notre vision de la transformation sociale. Ils ne peuvent être examinés en dehors des exigences de chaque époque. C’est là une donnée essentielle : un parti révolutionnaire doit être capable de saisir les enjeux décisifs de chaque période et y apporter les réponses adaptées. La vie du Parti ne peut donc être considérée en dehors de sa politique. De plus, nous savons qu ’en matière de fonctionnement du Parti, comme pour ce qui concerne notre conception du socialisme et la voie pour y parvenir, nous avons eu à subir les méfaits du stalinisme durant plusieurs décennies. A cet égard, gardons-nous de deux travers. Celui, d’une part, qui consisterait à identifier le fonctionnement du P.C.F. avec celui du P.C.U.S. de l’époque. Ce serait tout simplement ridicule et insultant. Celui, d’autre part, de considérer que nous avons été prémunis de la déviation stalinienne que nous avons défini en 1975 comme un ensemble « de conceptions et de pratiques totalement étrangères à notre idéal et à notre politique ». De graves défauts nous ont marqués longtemps : autoritarisme, critiques d’en bas considérées comme concessions à l’adversaire, culte de la personnalité et du secret. Tout cela ne nous a pas épargnés. Il faut également prendre en compte la conception de rapports inégaux entre partis communistes qui a prévalu dans le mouvement communiste international et a eu un temps des retombées négatives sur notre parti. Il est évident que lorsque l’affirmation d’une ligne politique élaborée à partir des réalités françaises a pris progressivement le pas sur l’application d’orientations décidées ailleurs, cela a été de pair avec une amélioration du fonctionnement du Parti, du rôle de ses instances dirigeantes, comme de toutes ses organisations. En 1967, , secrétaire général du Parti, critiquera explicitement la notion de « centre » du mouvement communiste international. Nous nous sommes affranchis des conséquences du stalinisme, et cela par et dans une transformation qui a été d’abord celles des rapports entre les communistes et en particulier entre eux et les dirigeants qu ’ils se donnent démocratiquement . Le rejet à tout jamais de toutes notions de modèle, de dictature du prolétariat, de tout mode de fonctionnement autoritaire et d’essence dogmatique se sont, pas à pas, et non sans difficultés et hésitations, imposés à nous. On peut même dire, je crois, que c’est là une qualité essentielle à mettre à l’actif de générations de communistes qui ont su se transformer parce qu ’ils étaient révolutionnaires. Le 22® Congrès a constitué une avancée considérable de ce point de vue. Mais les choses n’ont pas commencé ni ne se sont arrêtées au 22® Congrès. Sans énumérer de manière exhaustive tous les changements, rappelons la décision prise au 17® Congrès, en 1964, d’élire les organismes de direction à bulletin secret, complétée plus récemment par la publication des résultats obtenus ; l’organisation des tribunes de discussion dans notre presse ; les possibilités élargies de candidatures des communistes aux organismes dirigeants ; l’amélioration de la circulation de l’information avec les comptes rendus des travaux du Comité central dans l’Humanité et directement aux adhérents ; l’établissement de nouveaux rapports entre la politique et la recherche marxiste... Lors du 25® Congrès également, des propositions nouvelles visant à associer plus largement à la réflexion, à l’échange d’expériences et aux décisions ont été adoptées. Cela a permis des contacts entre des militants de différentes organisations du Parti sur des problèmes d’intérêt commun. Les candidatures à l’élection présidentielle ou aux récentes élections européennes ont été largement soumises aux militants pour qu ’ils puissent faire connaître leur avis avant la décision de la Conférence nationale ou du Comité central. S’il est un domaine où notre parti a profondément changé, c’est dans la manière dont en son sein le débat est conduit. Nous avons rejeté l’unanimisme. Les exclusions ou sanctions pour avoir exprimé des idées différentes n’ont plus cours. Non seulement, nous ne tenons pas pour parjure l’expression de désaccords, mais nous appelons les communistes à en comprendre les raisons et à rechercher en permanence si ce que dit tel ou tel camarade ne contient pas des éléments utiles. En tout état de cause, en dernière instance, c’est la vie qui permet déjuger du bien-fondé de telle ou telle appréciation. utiliser toutes les potentialités de nos principes Il y a un rapport étroit entre le renouvellement de notre stratégie et l’approfondissement de notre vie démocratique. La stratégie du pro­ gramme commun, en détournant vers le haut l’attention du mouvement populaire, freinait le rôle créateur des organisations en bas et des communistes eux-mêmes. La nouvelle stratégie, au contraire, l’appelle, l’exige.

53 Soyons clairs. Si beaucoup a été fait, il reste à faire pour que notre fonctionnement corresponde étroitement à notre identité révolutionnaire moderne. Il doit permettre « d’adopter des comportements et des formes d’intervention correspondant à notre politique, c’est-à-dire à ce qu ’il y a de plus contemporain dans les aspirations et sensibilités des gens ». Devons-nous, pour ce faire, abandonner ce qui constitue notre originalité, copier les autres avec les tendances, les clans, nous transformer en mouvement pour présidentiable ou en société de conseils, en négligeant ce qui fonde notre raison d’être : permettre à la classe ouvrière, à notre peuple, d’accéder au pouvoir pour mettre en œuvre une politique au service du peuple ? Les autres partis veulent maintenir l’ordre existant, nous voulons le changer. A ambitions différentes, fonctionnements différents. J’ajoute que ce n’est pas au moment où les méthodes des autres conduisent au rejet de la politique, de ses magouilles et de ses reniements, que nous devons nous priver de la possibilité d’aller à la rencontre des gens, de jeunes, en montrant une autre manière de faire de la politique. On nous présente parfois comme une machine dont les adhérents seraient les rouages. Rien n’est plus faux. Notre humanisme se reflète dans notre façon de vivre et les rapports entre communistes sont empreints de fraternité. Et cela, à nos yeux, doit être un souci constant. On nous objecte également que l’expression « centralisme démocratique » peut ne pas aider à faire comprendre ce qu ’est vraiment notre fonctionne­ ment. Il est vrai que d’autres partis ont utilisé cette appellation pour couvrir autoritarisme et bureaucratie. Cessant d’œuvrer à la transformation sociale, leur fonctionnement a été imprégné par les méthodes de commandement, le carriérisme, la confusion parti-Etat, le détachement des liens avec la classe ouvrière, toutes caractéristiques utiles au maintien de l’ordre existant, mais à l’opposé de notre politique, de nos règles de vie, de notre conception du socialisme. Dans Démocratie Georges Marchais souligne avec force : « Ce qui caractérise le fonctionnement du Parti communiste ce n ’est pas le centralisme, mais le fait que celui-ci est démocratique, le fait que ce parti appartient à ses adhérents. » Notre mode de fonctionnement doit permettre à chaque communiste de parler de sa propre voix et non d’être réduit au rôle de soldat dans des combats de chefs. Plutôt que de renier nos principes d’organisation, il s’agit donc d’utiliser toutes les potentialités qu ’ils offrent. Le progrès le plus décisif est de permettre à chaque adhérent et chaque organisation d’élaborer pleinement la politique de son parti, de participer aux prises de décisions et à leur mise en œuvre. Pour nous, la démocratie n’est pas une concession, mais la condition de la réalisation de nos ambitions. Pour en comprendre les raisons, il faut revenir aux fondements mêmes de notre démarche. Notre but, c’est le communisme, c’est-à-dire le mouve­ ment d’abolition du capitalisme et de tout ce qu ’il recèle d’exploitation, d’oppression, d’aliénation, et nous concevons le socialisme comme une société de transition. Nous ne nous installons pas dans un clivage dirigeants/dirigés. Nous voulons — selon la formule d’Engels — passer du « gouvernement des hommes à l’administration des choses ». Pour les communistes, la conquête du pouvoir par la classe ouvrière et le peuple ne

54 peut se concevoir indépendamment de la transformation radicale des rapports de pouvoir. Je l’ai déjà dit, nous avons abandonné la notion de dictature du prolétariat et rejeté tout modèle dessaisissant le peuple de son rôle créateur. Nous donnons la primauté au mouvement populaire. La libération des hommes ne peut être réalisée que par les hommes eux-mêmes ; cette idée est au cœur de notre politique, c’est une autre façon d’exprimer le mot d’ordre que les congressistes de Tours avaient sous les yeux : « l’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes ». Notre concep­ tion de la politique renoue avec une tradition populaire de participation directe, des sans-culottes à la Commune de Paris. C’est la voie pour sortir de la crise : l’accès effectif aux pouvoirs d’information, de proposition, de responsabilité, de décision, la lutte contre l’écart grandissant entre les intéressés et les instances où se prennent les décisions qui les concernent. Tout cela pose de manière nouvelle les rapports entre le Parti et les masses, son rôle d’avant-garde. Depuis longtemps, nous considérons que celui-ci — quelles que soient les circonstances — ne se décrète pas. Mais notre réflexion va au-delà de cet aspect et tient à la manière dont nous le concevons. Non pas diriger ni guider le mouvement populaire, mais l’aider à jouer son rôle créateur : le Parti est un outil au service du mouvement populaire et non le contraire. déplacer le centre de gravité de la vie du parti Aider les gens à prendre leurs affaires en main ne peut se faire en leur donnant des consignes, en se considérant comme des féms de politique chargés d’apporter la vérité révélée à des masses ignorantes. De plus, le développement des forces productives, particulièrement dans un pays comme la France, se caractérise par une complexité, une diversité croissantes. Cela fonde un rôle accm, enrichi, pour les adhérents et les organisations de base du Parti, les cellules. Il ne peut s’agir ni d’appliquer telle ou telle recette, ni seulement de donner son opinion sur les décisions de la direction. Il s’agit de faire vivre la politique qu ’ils ont contribuée à élaborer. Partir des gens, c’est partir de leurs préoccupations, de leurs aspirations, des valeurs humaines qui sont les leurs pour les aider à trouver leur propre chemin d’accès à nos idées. Il faut donc des communistes aptes à proposer l’initiative qui convient au moment qui convient. Il n’y a pas de bonne politique possible sans que les communistes en soient coauteurs — sinon elle serait coupée de la réalité — et coacteurs — sinon elle se réduirait à un vœu pieux. Nous qui voulons la citoyenneté, nous avons besoin d’adhérents acteurs. Nous qui combattons la délégation de pouvoir, nous avons besoin d’adhérents maîtrisant la politique de leur parti, la mettant en œu\'re de manière créatrice. Nous qui voulons transformer la société, nous avons besoin d’être au cœur des questions qu ’elle se pose. Il y a donc nécessité vitale pour notre stratégie que chaque communiste s’approprie la politique de son parti, et l’on ne s’approprie bien que ce à quoi on a vraiment été associé. Une telle démarche exige des efforts considérables. Est-ce surprenant ? quand ce que nous entreprenons heurte des habitudes héritées de l’ancienne conception, et quand, plus fondamen­ talement elle va à l’encontre du mouvement que le capital imprime à la société. Mais elle est à l’unisson de l’aspiration à prendre ses affaires en main, à l’autogestion. Déplacer le centre de gravité du Parti vers la cellule et l’adhérent n’est donc pas une simple formule, mais une orientation décisive. Nous avons à faire entrer dans la réalité une modification essentielle de nos statuts adoptés en 1979 : la cellule contribue à l’élaboration de la politique du Parti et non à sa seule application. Le renforcement, l’aide à l’apport de chaque communiste, en fonction de sa personnalité, de ses possibilités, la création de nouvelles cellules, notamment dans les entreprises, sont donc un élément clé de l’effort à fournir pour que notre parti soit bien en prise avec les aspirations qui traversent en profondeur la société, et sur lesquelles nous nous appuyons. Dans ces conditions, que devient le rôle des directions ? Tout d’abord, cela va de soi, elles sont élues pour mettre en œuvre les orientations voulues par les communistes eux-mêmes. Mais, au-delà de cette question de principe, le renouvellement de nos conceptions implique plus que jamais des dirigeants qui favorisent la vie démocratique. L’idée selon laquelle il y aurait, en quelque sorte, « la tête et les jambes » va totalement à l’encontre de ce dont nous avons besoin. Ni consigne, ni argument d’autorité, mais responsabilité pour que les décisions prises correspondent bien aux besoins des communistes dans leur action en bas, pour qu ’elles soient traduites dans la vie, en aidant les communistes à mettre en œuvre concrètement, et de manière créatrice, ces décisions. A l’évidence cela exige un lien étroit et permanent avec les adhérents. C’est seulement ainsi que notre politique sera efficace. Avancer pour faire en sorte que la réalité de la vie et de l’activité de notre parti reflètent toujours mieux ce que nous sommes, ni staliniens, ni sociaux-démocrates, mais communistes, donc novateurs, démocrates, modernes, révolutionnaires, telle est notre volonté. PCF 70 ANS

lEFARTI H à paraître I 33MMUNISrE FRANÇAIS Claude Lecomte Photos d'identité PCF 1920/ 1990 120 F

Patrick Besson Démocratie Le Parti Le Congrès Communiste de Tours 90 F Français n'aura pas 95 F lieu 65 F

J.L. Robert J. Girault Les Grands Discours du Congrès de Tours 80 F

Roqer Bordier Réalités Chère et stratégie ; Bourgeoisie Le PCF : 65 F une démarche nouvelle 85 F 1920-1990 le parti communiste de notre temps

1 ’ internationalisme

Depuis qu ’il existe, le Parti communiste français n’a jamais été pris en défaut sur les critères à partir desquels il définit son action : la défense des intérêts du peuple ; la lutte pour la transformation de la société, la démocratie et la liberté ; la fidélité à la France, la solidarité internationale, le pacifisme, F antiracisme. C’est là sa grande différence avec tous les autres partis politiques dans notre pays. un grand parti populaire et national Cette spécificité s’est naturellement exprimée de manière différente selon les conditions du combat en France et dans le monde de 1920 à nos jours. Mais le lien constant entre ce que nous considérons comme nos responsabilités nationales et internationales est sans aucun doute, en relation même avec notre caractéristique de parti de la classe ouvrière, du monde du travail et de la création, un élément essentiel de notre identité révolutionnaire. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si tant d’efforts ont été déployés au fil des décennies pour mettre en cause ces caractéristiques du P.C.F. Pourtant, on ne peut nier que les idéaux communistes sont partie intégrante de cette période fondatrice de la nation française que fut la Révolution de 1789 : Gracchus Babeuf, premier homme politique communiste français, en fut l’un des acteurs, nous ne saurions l’oublier. Le P.C.F. intègre de façon critique, et prolonge en l’enrichissant, l’héritage des luttes populaires qui jalonnent l’histoire de France. Il est le continuateur du Parti socialiste de Guesde et de Jaurès qui s’est formé dans le mouvement ouvrier français grâce à l’apport du marxisme, après la grande — et douloureuse — expérience de la Commune de Paris, maxime gremetz"^

à la française

« premier Etat prolétaire du monde ». L’idée d’un parti greffé » de l’extérieur est donc contraire à toute réalité. C’est aussi en tant que grand parti populaire et national qu ’il s est développé au fil des combats qu ’il a menés, et cela en contribuant à faire vivre et grandir dans la conscience populaire un contenu progressiste — parce que lié aux intérêts du peuple — à cette notion, toujours associée à la recherche d’une réponse conforme aux intérêts des autres peuples. Ce souci constant de la communauté d’intérêts des travailleurs, quel que soit le pays où il se trouve, que Marx résuma par son fameux « prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » était d’ailleurs aussi déjà présent dans les préoccupations et dans les actes des révolutionnaires de 1789. Ainsi — pour ne prendre qu ’un exemple — Robespierre proposa-t-il d’inclure dans le projet de Constitution de 1793 plusieurs articles exprimant cette volonté ( « les hommes de tous les pays sont frères et les différents peuples doivent s’entraider, selon leur pouvoir, comme les citoyens d’un même Etat »... ) et agit pour l’abolition de l’esclavage et la reconnaissance des droits politiques des « hommes de couleur » dans les colonies. Comment ne pas voir là un rapport avec le combat mené par les communistes français, dès la création de leur parti, contre le colonialisme, contre la guerre ? Résolument engagés dans une lutte qui vise à construire avec notre peuple une société où la satisfaction des besoins des hommes et des femmes doit être le moteur du développement, nous inscrivons ces efforts dans le mouvement d’émancipation nationale, sociale et humaine des peuples. *

* Membre du Bureau politique du P.C.F., secrétaire du Comité central. des objectifs émancipateurs Notre objectif est sans ambiguïté. Notre 26® Congrès le formulait ainsi : « Nous luttons pour un socialisme autogestionnaire qui amorcera le processus historique conduisant au communisme : une société dont les inégalités auront été extirpées, où chacune et chacun pourra librement satisfaire ses besoins matériels et culturels, une société d’épanouissement humain, une société sans classes, sans contraintes, dans laquelle l’Etat, l’armée, la police dépériront, dans un monde fraternel, sans armes et sans guerres, un monde où les frontières s’estomperont. » La dimension internationaliste de notre idéal découle de cet engagement humaniste fondamental qui est le nôtre, de cette conviction que tous les hommes et les femmes ont le droit inaliénable de décider pleinement de ce que sera leur vie, quelle que soit leur couleur de peau, leur pays... Faire vivre au quotidien cette conviction profonde ne va pas de soi : ce droit doit en effet être conquis, car certains s’y opposent. L’aspiration, l’exigence sont fortes mais la réalisation de ce droit est un combat contre les forces qui veulent maintenir le carcan du capitalisme sur les peuples. Avancer dans le sens de la réalisation de nos objectifs émancipateurs nous conduit donc, en permanence, à devoir assumer des responsabilités à la fois nationales et internationales. Comme l’avait analysé Marx, puis précisé Lénine avec la notion d’impérialisme, les forces du grand capital ont transformé le monde en un vaste marché mondial où elles cherchent à imposer la logique de la rentabilité financière pour toutes les activités humaines. Il en découle une solidarité de fait entre toutes celles et tous ceux qui se la voient ainsi imposer. Au moment de la création du Parti communiste français, la France « dispose » de plus de 10 millions de kilomètres carrés de colonies (soit près de vingt fois son territoire métropolitain) où vivent quelque 70 millions de personnes (alors que la métropole n’en compte qu ’à peine 40 millions). Pour le grand capital ces possessions constituent une source importante de matières premières, de main-d’œuvre extrêmement bon marché, de chair à canon éventuelle. La France dispose ainsi de marchés nouveaux pour écouler ses produits et d’atouts dans la compétition avec les autres puissances capitalistes avec des positions stratégiques, militaires importantes. Engageant son combat pour mettre fin à la domination capitaliste, le P.C.F. est donc, dès son origine, concrètement confronté à la nécessité d’affirmer et d’exprimer une solidarité avec ces peuples opprimés, pour l’essentiel en Afrique et en Asie. De même qu ’il doit s’opposer à l’occupation de la Ruhr dont les effets sur la montée du nazisme sont bien réels. Il se forme aussi alors qu ’est intervenue la Révolution d’octobre 1917 en Russie qui démontre aux yeux du monde entier que l’on peut en finir avec l’exploitation de l’homme par l’homme. La nécessaire solidarité avec ceux qui viennent d’engager une expérience inédite (qui soulève un espoir formidable dans le monde) et sont immédiatement confrontés à la pression du capitalisme international est ainsi posée de manière concrète aux adhérents du Parti socialiste : la majorité qui décide de le transformer en Parti communiste se rassemble sur cette nécessité également, choisissant la voie révolutionnaire contre le réformisme. Il ne peut être question de « passer en revue » détaillée les soixante-dix années d’existence de notre parti. Mais on peut repérer comment, en quelques grandes étapes, ont évolué nos réflexions et nos pratiques liant les dimensions « nationales » et « internationales ». national et internationaliste Avec la montée du nazisme en Allemagne, et ailleurs, avec la montée du danger fasciste dans notre pays, le P.C.F. est confronté à la nécessité d’agir pour rassembler notre peuple. Toute cette période, avec la contribution décisive à la constitution et à la victoire du Front populaire, est celle d’un approfondissement de nos réponses, nationales, aux problèmes posés. Cela fait d’ailleurs débat à l’Internationale communiste qui reçoit d’abord l’idée d’un front unique comme une démarche « opportuniste » qu ’elle combat, avant de reconnaître par la voix de G. Dimitrov lors de son IIP Congrès, en août 1935, que « le mérite du Parti communiste français c’est d ’avoir compris ce qu ’il a à faire aujourd ’hui... d ’avoir préparé... par un pacte d ’action commune avec le Parti socialiste le front unique du prolétariat comme fondement du Front populaire antifasciste en voie de formation... » Ainsi, une activité et une réflexion profondément ancrées dans les réalités françaises conduisent notre parti à faire œuvre utile non seulement pour notre peuple et notre pays — les acquis de 1936 sont toujours présents dans la vie nationale — mais aussi pour la lutte des autres peuples, sous l’impulsion des partis révolution­ naires : le mot d’ordre de front uni devient une orientation de l’Internatio­ nale... Jusqu ’au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale il y aura télescopage entre les analyses du P.C.F. et celle de cette organisation. Dans le même mouvement, le P.C.F. agit aussi pour que la France soit solidaire des peuples en lutte pour leur liberté, la démocratie. Le problème est posé dans de nombreux endroits y compris à nos frontières avec l’Espagne républicaine. Le gouvernement proclame sa « neutralité » face à l’agression du fascisme en Espagne. Le P.C.F. dénonce cette politique honteuse et organise une solidarité active avec les démocrates espagnols : nombre de nos militants partent alors combattre à leurs côtés et beaucoup paient de leur vie cet engagement. A l’inverse, des militants communistes d’autres pays, chassés par la répression et la montée du fascisme et de la réaction, rejoignent la France et notre parti où ils poursuivent, avec les nôtres, le combat émancipateur. Ces années sont aussi celles de lutte de solidarité avec les peuples de pays qui se libéreront après la Seconde Guerre mondiale, celles aussi où la réflexion des communistes s’affine sur le mouvement qui conduit à la formation de nations nouvelles : « Il y a une nation algérienne qui se constitue », indique en 1936 Maurice Thorez alors que se forme le Parti communiste algérien. Au même moment, il indique aussi que le socialisme dans notre pays « tiendra compte — il ne peut pas ne pas en tenir compte — des éléments qui sont propres à notre peuple de France. » Notre parti contribue de manière décisive à ce que le mouvement ouvrier français renoue avec le patriotisme, à ce que la classe ouvrière unisse, jusqu ’à les confondre, ses propres intérêts à ceux de la nation alors que la bourgeoisie s’emploie à exclure les travailleurs, préparant sa trahison. Les accents de l’Internationale, mêlés à ceux de la Marseillaise, symbolisent cette rencontre de la classe ouvrière et de la nation. Le rôle du P.C.F. dans la Résistance contre l’agression et l’occupation nazie découle de cette rencontre. Alors que la bourgeoisie française trahit — appliquant son mot d’ordre « plutôt Hitler que le Front populaire » —, notre parti fait son devoir, ce qui lui vaudra le glorieux titre de « Parti des fusillés » à la Libération. Les années qui précèdent le conflit mondial comme celles de la guerre sont des années où beaucoup des nôtres connaissent la répression, la torture, la mort. Si le pacte germano- soviétique en désoriente plus d’un, il n’empêche pas les communistes français dont le parti a été déclaré illégal de faire leur devoir en engageant le combat contre les nazis : de nombreux historiens ont depuis longtemps montré ce qu ’il en fut réellement. Pourtant certains s’acharnent à mettre en doute cet apport majeur de notre parti à la victoire contre le nazisme ; un rôle qui manifestement continue de les déranger, plus de cinquante ans après ! La constitution du Conseil national de la Résistance sera prolongée après la Libération et la victoire de 1945 par celle d’une gouvernement « triparti ». La participation des communistes au gouvernement de la France est marquée par des avancées sociales et démocratiques qui continuent d’être des références du mouvement démocratique et sont l’objet de vives attaques du patronat... et du gouvernement actuel. Le mouvement d’émancipation des peuples se développe alors avec vigueur : le P.C.F. lui exprime sa solidarité alors que les autorités françaises choisissent la répression. Se prononçant notamment pour « le droit des peuples coloniaux à la libre disposition et à l’indépendance », il dénonce la guerre déclenchée contre l’Indochine, est solidaire des peuples opprimés. Le P.C.F. poursuit aussi sa réflexion sur « le chemin vers le socialisme ». « De toute façon le chemin est nécessairement différent pour chaque pays. Nous avons toujours pensé et déclaré que le peuple de France, riche d’une glorieuse tradition, trouverait lui-même sa voie vers plus de démocratie, de progrès et de justice sociale », indique Maurice Thorez au journal Times le 18 novembre 1946. Cette réflexion ne sera malheureusement pas poursuivie. Pendant la période que l’on a appelé la « guerre froide » (qui faillit bien devenir très « chaude » si les peuples n’y avaient opposé leur détermination), le P.C.F. contribue de toutes ses forces au rassemblement, national et international, des forces qui refusent un nouveau conflit mondial et appuie autant qu ’il le peut le vaste mouvement de décolonisation qui se développe d’un bout à l’autre de la planète. Dans les conditions de l’époque, le P.C.F. contribue à la formation, au développement de dirigeants et de formations progressistes, révolutionnaires dans nombre de pays qui accéderont à l’indépendance. Il m’est arrivé de rencontrer plus d’une fois tel ou tel, dans son pays ou lors d’une entrevue à Paris, se plaisant à rappeler son passage par notre parti, comme militant, ou encore ses contacts avec des camarades du P.C.F. apportant leur aide internationa­ liste. De la même manière, combien de générations de communistes n’ont-elles pas en mémoire leur participation à telle ou telle campagne de solidarité internationale, nécessitant plus d’une fois de risquer sinon sa vie — ce fut le cas pour certains des nôtres — du moins la répression sous des formes souvent très brutales ! Combien d’hommes, de femmes, de jeunes ne sont-ils pas devenus communistes précisément dans des moments comme ceux-là ? Quelle que soit l’âpreté du combat, la solidarité de notre parti n’a jamais failli à l’égard de ceux qu ’opprimait la classe dirigeante française : de la guerre du Maroc au bombardement de Madagascar, de la guerre d’Indochine à celle d’Algérie, toujours nous nous sommes retrouvés aux côtés de ceux qui combattaient le colonialisme français. Nous le sommes encore aujourd ’hui, avec les peuples des D.O.M.-T.O.M. pour le respect de leur droit à choisir librement leur destin comme avec tous ceux qui veulent mettre fin au néocolonialisme d’aujourd ’hui, tout particulièrement en Afrique. Chaque génération de communistes a vibré au nom des victimes innocentes du capitalisme : Sacco et Vanzetti, Julius et Ethel Rosenberg, Angela Davis, Bobby Sands, et plus près de nous Kutlu et Sargin et Nelson Mandela. Des campagnes, des luttes au bout desquelles il y eut souvent des succès, mais aussi des drames, car, comme le dit le projet de résolution actuellement discuté par les adhérents de notre parti, « les forces du capital ne renoncent jamais à conquérir le terrain perdu ». Cette solidarité nous l’avons exprimée aux peuples qui luttaient pour leur émancipation nationale comme à ceux qui agissaient contre la domination des forces de l’argent dans les pays capitalistes. Nous l’avons aussi exprimée, et même « d’abord » avons-nous dit pendant longtemps, aux peuples qui, après ceux de l’U.R.S.S., s’étaient engagés à leur tour dans la construction de sociétés nouvelles. Les événements de ces dernières années nous conduisent à approfondir nos analyses, nos réflexions sur les évolutions de celles-ci. un retard préjudiciable Pendant plusieurs décennies, l’action internationale de notre parti a en effet été dominée par une défense inconditionnelle de ce que nous nommions alors « la patrie du socialisme » qu ’était à nos yeux l’Union soviétique. Un pays d’abord déchiré par la guerre civile, en lutte aux attaques incessantes de tous les pays capitalistes, combattant victorieuse­ ment l’envahisseur hitlérien au prix de sacrifices immenses, ressenti comme garant pendant la guerre froide de ce qu ’elle ne déboucherait pas sur la destruction de l’humanité. Malgré les efforts évoqués précédem­ ment, notre réflexion sur la transformation socialiste de notre pays resta marquée par le modèle de société qui s’édifiait en Union soviétique, et nos rapports avec les partis communistes par un type de fonctionnement où le rôle d’un parti guide a perduré malgré la dissolution de l’Internationale communiste et celle, plus tard, du « Kominform » qui en avait pris le relais. Cela nous a conduits, comme le disait la résolution du 25® Congrès en février 1985, à « prendre du retard à dégager notre réflexion sur le socialisme pour la France d’un modèle extérieur et à définir une perspective adaptée aux conditions de notre pays et de notre temps. » Nous datons cela du milieu des années 50. La nécessité d’une mutation de la société était posée. La grande bourgeoisie s’y est adaptée rapidement. Pas nous. Nous n’avons pas vu que c’était à cette question qu ’il fallait répondre. Nous n’étions pas prêts à le faire, en proposant un socialisme original et la voie qui y correspond. Nous avons alors donné une interprétation restrictive des questions fondamentales posées par le 20^^ Congrès du P.C.U.S. touchant au rôle de Staline, aux voies nationales au socialisme, aux rapports entre les partis communistes. Dans Démocratie, Georges Marchais évoque deux raisons pour expliquer le choix politique fait à l’époque : « Im raison essentielle : dénoncer le stalinisme et tout ce qu ’il a impliqué, c’était porter du même coup un regard critique sur plusieurs décennies de l’histoire du Parti communiste français et, pour les communistes et leurs dirigeants, remettre en cause tout un pan de leur activité passée et de leur conception des choses. C’était accepter de modifier considérablement l’identité communiste, de renoncer à celle qui s’était constituée jusqu ’alors et qui mêlait étroitement un fort ancrage dans les réalités nationales et une fidélité à toute épreuve au P.C.U.S. et à Staline. La direction de l’époque ne le voulut pas. » Le Secrétaire général du Parti évoque une seconde raison, les circons­ tances qui amenèrent la direction du P.C.F. à penser rapidement qu ’il fallait « tenir bon », l’année 1956 étant une de celles où l’affrontement de classe fut le plus dur. « Dans de telles conditions, indique-t-il, le souci de ne pas permettre aux adversaires du Parti communiste d’utiliser contre lui et le socialisme les révélations du rapport Khrouchtchev, a été, à l’évidence, particulièrement fort. » Il ajoute : « Cela ne saurait ni expliquer ni justifier le retard qui a, de ce fait, été pris, et qui nous a fait subir un préjudice considérable. » Je partage cette analyse : il est certain que si nous avions effectué alors la critique nécessaire du stalinisme dans toutes ses dimensions, c’est-à-dire de « cet ensemble de conceptions et de pratiques totalement étrangères à notre idéal et à notre politique », comme nous ne l’avons dit qu ’en 1975, notre combat en aurait été grandement modifié. Durant les vingt années qui séparent le 20® Congrès du P.C.U.S. de notre 22® Congrès où nous avons opéré une rupture stratégique majeure, j’y reviendrai, notre parti a pourtant été partie prenante de toutes les luttes pour la liberté. En France nous avons, c’est vrai, polarisé les luttes et les espoirs populaires autour d’un objectif de changement limité et de l’alliance électorale qu ’il impliquait. Cette politique du , les conceptions et les comportements qu ’elle a fait naître ont joué un rôle négatif, on le mesure bien aujourd’hui. En même temps, cette période fut aussi marquée par un développement de luttes pour le progrès social et les libertés auquel nous avons pris toute notre part. De même au plan international nous avons assumé toutes nos responsabi ­ lités. Les peuples en lutte contre les dictatures de la Grèce ou d’Espagne, au Chili et bien d’autres pays d’Amérique latine, d’Asie ou d’Afrique, les peuples en lutte pour leur libération nationale, ceux qui luttaient contre l’exploitation et la répression capitaliste ont pu compter sur notre solidarité. Si la victoire historique du peuple vietnamien sur l’impérialisme le plus puissant est d’abord le résultat de la lutte héroïque de ce peuple courageux, nous pouvons dire, sans exagérer, que nous y avons apporté une contribution réelle qui donne à nos relations depuis cette période une qualité et une chaleur particulières. Nous pouvons être fiers de la place que nous avons prise comme partie intégrante dans ce mouvement des peuples. C’est lui d’ailleurs qui a permis la signature des accords d’Helsinki en 1975, sorte de « codifica­ tion » de nouveaux rapports de force à l’échelle internationale aux lendemains de cette victoire historique du peuple vietnamien ; une charte des droits de l’homme et de la coexistence pacifique à l’échelon européen mais aux résonances mondiales. Si notre planète compte aujourd ’hui 170 pays souverains (et encore 27 territoires non indépendants), les commu­ nistes français n’y sont pas pour rien et c’est tout à leur honneur. l’exigence démocratique Après un long travail de réévaluation commencé dans les années 60, notamment avec la critique de la notion de « centre » du mouvement communiste en 1967, nous exprimons en 1968 notre condamnation de l’intervention des troupes soviétiques et du Pacte de Varsovie en Tchécoslovaquie. Ces événements dramatiques nous conduisent à appro­ fondir notre réflexion sur le rôle de la démocratie dans la lutte pour le socialisme et dans le processus de construction du socialisme. Le Manifeste de Champigny en 1969, le Défi démocratique en 1973 sont des moments de ces évolutions. Le 22® Congrès en 1976 opère la rupture stratégique dont nous mesurons mieux encore aujourd ’hui sans doute toute la portée. Ces années sont marquées par d’importants bouleversements au plan mondial. La lutte des peuples de tous les continents se développe de manière très massive, contraignant l’impérialisme à des reculs et accen­ tuant sa crise. La révolution scientifique et technique s’accélère, des mutations se produisent conduisant à de grandes modifications dans les conditions et les modes de vie, de travail des populations. Des aspirations nouvelles se font jour, les peuples du Tiers monde commencent à exprimer les leurs et le Mouvement des non-ahgnés connaît un nouvel essor, la jeunesse devient acteur des bouleversements, la lutte des femmes pour leur émancipation devient une donnée de dimension planétaire, l’antiracisme, l’exigence de paix et de désarmement également. Au cœur de tout cela il y a une immense aspiration à prendre ses affaires en main. En cherchant à prendre toute notre place dans ce mouvement émancipa­ teur, nous réfléchissons sur nos réalités nationales et sur le contexte international. Cette « exigence démocratique » que nous ressentons et dont nous sommes porteurs nous conduit dans le même mouvement à la placer au cœur de notre projet de socialisme pour la France et au cœur de notre action internationale. C’est la raison pour laquelle nous rejetons en même temps toute idée de modèle de socialisme et la dictature du prolétariat, que nous substituons à la notion de « marxisme-léninisme » celle de « socialisme scientifique » et ceUe de « solidarité internationa­ liste » à celle « d’internationalisme prolétarien ». Nous ne sommes pas les seuls à l’époque à développer ce genre de réflexions. Plusieurs partis communistes d’un certain nombre de pays capitalistes placent eux aussi le développement de la démocratie comme but et moyen du socialisme original qu ’ils proposent pour leurs pays respectifs. C’est ce que l’on a appelé, d’un terme discutable parce que trop étroit, l’eurocommunisme. Cette « exigence démocratique » se rencontre en effet bien au-delà de notre continent et chez des partis ou mouvements de libération agissant dans des conditions extrêmement diverses. Nous travaillons à une conception nouvelle des rapports entre partis communistes : chacun décide souverainement et en toute indépendance de sa politique, chacun compte pour un, nous rejetons toute ingérence dans les affaires intérieures des autres, nous reconnaissons l’existence de différences, de divergences et nous recherchons ce qui peut être fait, ensemble, pour les objectifs qui nous sont communs. Facile à énoncer mais quelle lutte pour faire de cette conception le bien et le comportement réel de tous ! D’autant que nous avons toujours le souci d’avoir en la matière un comportement qui aide à avancer dans le sens de cette conception et ne soit pas purement « déclamatoire ». Cette démarche nous conduit tout à la fois à critiquer des partis communistes au pouvoir en faisant état d’une divergence qui nous oppose sur la conception même du socialisme en les appelant à engager les réformes économiques, politi­ ques, sociales, démocratiques rendues nécessaires par les exigences de notre époque et de notre idéal commun, tout en nous refusant à rompre avec eux, confiants que nous sommes dans la capacité des peuples et des communistes de ces pays de trouver en eux-mêmes les réponses aux défis du temps présent. Cette attitude puise des encouragements dans le fait qu ’au plan international ces mêmes partis contribuent en général à une solidarité internationale souvent déterminante pour le combat de nom­ breux peuples, pèsent dans le rapport des forces pour tenir l’impérialisme en respect et empêcher un nouveau conflit mondial. Encouragement aussi dans le fait que ces exigences démocratiques sont portées par des communistes de ces pays dont nous comptons bien qu ’ils prendront le dessus. Lucidité et solidarité sont alors nos préoccupations constantes. Alors que tant de bouleversements se sont produits en Europe de l’Est notamment, il n’est pas inintéressant de relever que ceux qui dirigent actuellement des partis se réclamant du renouveau du socialisme ont aujourd ’hui sur l’expérience du passé des réflexions qui recoupent, sur le fond, ce que nous disions déjà aux dirigeants des partis alors au pouvoir et qu ’ils ne voulaient pas entendre. De même, quelles que soient les incertimdes qui peuvent peser sur l’avenir de l’U.R.S.S., il est important de noter que comme nous l’avons dit après notre rencontre à Moscou l’an dernier avec Mikhaïl Gorbatchev, à partir de nos analyses et de nos expériences respectives, nous sommes arrivés, le P.C.U.S. et le P.C.F., à la même conclusion : socialisme et liberté, constmction du socialisme et démocratisation dans tous les domaines doivent marcher du même pas. Nous avons, comme d’ailleurs la plupart de ceux qui observaient les sociétés socialistes, sous-estimé la profondeur de la crise qui s’y approfondissait. Ayant mis l’accent sur la question fondamentale qui était posée — l’essence démocratique du socialisme — nous n’avons pas pris la mesure du divorce qui s’était produit entre ces peuples et ces partis, compromettant gravement les possibilités d’une issue allant dans le sens d’un renouveau du socialisme et non d’un retour au capitalisme comme la tendance s’en manifeste pour l’instant malheureusement dans plusieurs pays. Nous sommes aujourd ’hui solidaires de toutes les forces sociales, politiques et nationàes qui y agissent pour la justice, la démocratie la paix. Comme nous le sommes de ceux qui agissent dans le monde, pour le renouvellement du socialisme partout, pour des réformes dans tous les domaines, pour la démocratie et la transparence. Nous avons la conviction que le socialisme ne peut que s’identifier à la libération humaine, au

66 progrès et la justice sociale, à l’épanouissement de chaque personnalité, l’autogestion et la liberté. Cette position nous a conduits à la condamnation de la criminelle répression de Pékin en juin 1989 et nous la renouvelons. Comme nous l’avons dit alors : « Les méthodes autoritaires, le pouvoir d’une caste, le culte des chefs, l’arbitraire et le recours à la force, la bureaucratie, les privilèges et la corruption, les inégalités sociales, l’incurie, l’irresponsa ­ bilité ne sont pas le socialisme. Ils tiennent à des survivances, dans telle ou telle société socialiste, des tares du capitalisme ou du féodalisme, à des conceptions étrangères au socialisme. » Ces événements douloureux condamnent-ils le socialisme et les idéaux conununistes ? Nous ne le pensons pas. Ce qui « se meurt » aujourd ’hui c’est une conception centralisée, autoritaire, bureaucratique du socialisme. Et ce dont ont besoin les sociétés concernées ce n’est pas de moins de socialisme, c’est au contraire de plus de justice sociale, de démocratie, de participation aux affaires, de plus de liberté pour les hommes et les femmes, c’est-à-dire d’un socialisme de qualité supérieure. Elles doivent devenir — la question est posée partout — des sociétés faites pour l’homme, dans les formes les plus modernes qui correspondent aux conditions et aux besoins découlant des progrès scientifiques, techniques et culturels. Et nous, communistes français, sommes aux côtés de toutes celles et tous ceux qui agissent dans ce sens-là. Cela nous conduit de la même manière à critiquer ce qui s’y oppose, va dans le sens d’un retour au capitalisme ou complique la lutte des peuples pour leur libération. S’il est en effet une leçon de l’histoire à retenir c’est bien celle-là : c’est en étant pleinement nous-mêmes, des communistes modernes travaillant à répondre à l’intérêt de notre pays, de notre peuple, par l’intervention majoritaire de celui-ci, en agissant pour la transformation révolutionnaire que nous appelons socialisme — identifiée à la démocratisation de toutes les sphères de la société, à la prise en main par notre peuple de ses propres affaires dans tous les domaines — que nous assumons le mieux nos responsabilités. Loin de conduire à un quelconque repli sur nous-mêmes, c’est ce qui nous permet au contraire de faire vivre au mieux ce que nous appelons le nouvel internationalisme. le nouvel internationalisme aujourd’hui Les avancées obtenues par le mouvement émancipateur des peuples jusqu ’au milieu des années 70 ne pouvaient laisser les forces impérialistes sans réaction. Elles tiennent en permanence compte de ce qui évolue et cherchent à s’adapter pour perpétuer leur domination. Elles déclenchèrent ce que nous avons appelé une contre-offensive économique, politique, militaire, idéologique, afin de chercher à récupérer du terrain perdu. Nos réflexions et nos expériences nous poussaient à prendre la mesure des bouleversements en cours au plan international, à mettre l’accent sur la diversité grandissante des situations, dans chaque pays socialiste comme dans les autres. L’émergence d’aspirations nouvelles chez les jeunes et les femmes, la volonté des peuples du Tiers monde d’accéder non seulement à leur indépendance politique mais aussi économique, la mise en mouve­ ment de couches nouvelles de salariés exprimant des besoins nouveaux en liaison avec les progrès de la science et de la technique sont autant de données qui s’affirment dans le monde. Or au même moment les dirigeants soviétiques et ceux d’autres partis communistes au pouvoir refusent de voir ces évolutions et d’y apporter les réponses nouvelles que le socialisme nécessite et appelle. C’est la période où nous avons avec eux aussi une divergence sur le statu quo, avec une conception selon laquelle « l’essentiel » serait dans la défense du camp socialiste, l’impérialisme étant autorisé à faire ce que bon lui semble dans son « camp » ou sa sphère d’influence. Nous combattons ces thèses qui nient le droit de notre peuple à changer la société française et laissent de côté les exigences grandissantes des peuples nouvellement libérés. Ceux- ci d’ailleurs ne se laissent pas faire et le rôle du Mouvement des non- alignés s’affirme, avec notre plein soutien et une activité positive, et reconnue comme telle, de pays comme Cuba, l’Algérie, la Yougoslavie et d’autres. Ce que l’on appelle pudiquement le « Tiers monde » pour ne pas dire les milliards d’êtres humains plongés dans la misère, les maladies endémiques et le sous-développement est présent dans notre politique et nos actions depuis bien longtemps. Le soutien aux revendications des non-alignés, l’exigence du nouvel ordre économique international sont un axe de notre politique internationale depuis longtemps avec une place constante donnée à la défense des libertés et des droits de l’homme partout dans le monde. On relirait avec intérêt à ce sujet les propositions présentées à Mexico en 1978 par notre parti, mises à jour depuis par nos différents congrès. J’ai en mémoire quelques sourires ou sarcasmes accueillant notre soutien à la proposition de Fidel Castro d’annulation de la dette. Que de chemin parcouru depuis dans les consciences : nous n’y sommes pas pour rien. On nous parlait alors encore de « camp » mais la diversité était déjà dans la vie. Cela ne nous conduisant pas à considérer qu ’il n’y a plus de lutte de classes au plan international mais à observer de près comment elle se déroule dans les conditions nouvelles entre les forces du passé, accrochées à leurs privilèges, et les forces d’émancipation sociale, nationale et humaine. Quant à la politique des blocs nous l’avons toujours combattue. Nous sommes pour un monde sans armes, sans guerre, débarrassé des blocs militaires. Nous refusons que quiconque décide à la place des peuples et que l’on transforme toute situation en conflit Est-Ouest. Le développement du mouvement en faveur de la paix et du désarmement comme celui des peuples en voie de développement pour un nouvel ordre économique international contribue à faire évoluer ces réflexions et notre pratique. C’est dans la vie elle-même que se dessinent de nouvelles exigences, des potentialités nouvelles de rassemblement. Là encore des débats ont lieu au plan international où certains tentent de dicter ce qui doit être « priori­ taire » dans le combat, la paix ou le progrès social, par exemple. S’il s’agit de dure qu ’en cas d’holocauste il n’y a plus de progrès possible pour personne, c’est une évidence. S’il s’agit de voir que l’on peut avoir des opinions bien différentes mais se retrouver pour éviter la catastrophe nucléaù'e, c’est précisément notre démarche. Mais s’il s’agit de renoncer à des objectifs de progrès et de justice sociale, de transformation révolution­ naire des sociétés capitalistes en « échange » d’une pause dans la course aux armements, cela ne fait pas le compte ! Quand nous avons parlé du « 3® grand » pour désigner ce mouvement universel pour la paix, le désarmement et le développement recouvrant des peuples, des gouvernements, des forces politiques, syndicales, reli­ gieuses, associations de toutes sortes..., les deux autres «grands» n’étaient pas très favorables à l’émergence de ce nouvel interlocuteur. Nous y avons pourtant contribué et il a pesé lourd dans les évolutions intervenues depuis. Loin de nous replier sur nous-mêmes nous avons alors cherché tout à la fois à favoriser l’action commune des communistes sur ces questions, la rencontre, l’échange et la prise de position convergente avec les forces socialistes, social-démocrates et autres qui y étaient disposées et surtout l’action, le rassemblement de toutes celles et de tous ceux qui en France et à l’étranger voulaient peser dans la balance pour que le choix de la vie prévale sur celui de la mort. C’est dans cet esprit, qu ’avec d’autres, j’ai été un des Cent en France dont l’Appel a depuis connu un si grand retentissement. C’est ainsi un rapport de force qui s’est constitué d’une ampleur telle qu ’il a contraint les gouvernements américains et soviétiques à engager un processus dont on voit les prolongements aujourd’hui. Les changements intervenus dans la politique extérieure et intérieure de F U. R. S. S. depuis 1985 ont joué un grand rôle. Sans ce mouvement des peuples il n’est pas sûr que les résultats obtenus en matière de désarmement nucléaires auraient été ceux-là. Cette expérience montre d’ailleurs que notre conception de l’évolution du rapport des forces, loin de se résumer à celui des forces militaires, est essentiellement lié au niveau de l’intervention des peuples. Nous avons eu une divergence sur cette question également avec le P.C.U.S. et ceux qui prônaient « l’internationalisme socialiste ». Nous pouvons nous réjouir qu ’aujourd ’hui la conception qui est la nôtre devienne le bien commun de nombreux partis et mouvements. On mesure encore mieux maintenant que toute nouvelle avancée dépend de la mobilisation populaire. Celle-ci, pour se concrétiser, n’explique absolument pas que chacun ait la même opinion sur les causes de la situation et les buts que doit se fixer l’humanité en tout domaine. Mais elle suppose un rassemblement ample de tous ceux qui veulent la paix et le désarmement, une lutte qui se fixe en la matière des objectifs précis et s’attache à les faire triompher en faisant pression sur les décideurs, quels qu ’ils soient. Il en est ainsi quand les peuples se mobilisent aujourd ’hui contre la guerre dans le Golfe et pour un règlement négocié, politique, du conflit, respectant le droit du peuple du Koweït à l’indépendance et à la souveraineté. De la même manière, alors qu ’il n’existe plus qu ’un bloc militaire, atlantique, et que l’on cherche à en renforcer le pilier européen de défense, c’est des peuples que dépendent les évolutions à venir. Car cela entre en contradiction avec leurs intérêts, leurs aspirations à décider, en toute liberté, souveraineté et indépendance, de leur sort. On peut faire les mêmes observations face à l’accélération de l’intégration économique, politique et monétaire des Douze qui va à l’encontre des besoins et aspirations des peuples européens à des coopérations mutuellement avantageuses. Il est clair que les forces capitalistes ont marqué des points ces dernières années mais elles n’ont pas fait la démonstration de leur capacité à résoudre les problèmes des peuples, bien au contraire. La crise qui s’approfondit dans de nombreux pays capitalistes, Etats-Unis en tête, les contradictions qui les opposent dans la course aux marchés et à la rentabilité financière sont des réalités, comme l’est l’aggravation dramati­ que de la situation des pays en voie de développement soumis aux diktats du F.M.I. et de la Banque mondiale. Rien n’est joué. Les peuples peuvent faire triompher leurs aspirations dès lors qu ’ils prennent conscience de leur force et ne s’en remettent à nul autre qu ’à eux-mêmes pour transformer leur situation. agir ensemble Comme il l’a toujours été, le Parti communiste français est le parti qui agit pour que ce soit les peuples qui l’emportent : c’est dans ce but qu ’il oriente en permanence son action. Elle vise à peser sur la politique de la France pour qu ’elle réponde à ce que notre peuple et les autres sont en droit d’en attendre. Elle tend à ce que s’exprime la solidarité avec toutes les forces qui, de par le monde, ont des objectifs en commun. Dans cet esprit nous agissons pour un traité de sécurité collective européenne. Nous y voyons un apport de valeur à un système global de sécurité collective dans le cadre d’une O.N.U. profondément démocrati­ sée et d’un authentique nouvel ordre international. Cela doit être l’affaire des peuples européens eux-mêmes — comme cela doit l’être pour ceux des autres parties du monde. Cela sans supranationalité ni hégémonie de quelque puissance que ce soit, européenne ou pas. Nous appelons à l’action pour la dissolution simultanée des blocs et le retrait de toutes les troupes et bases militaires de quelque pays que ce soit. Plus que jamais nous considérons qu ’une Allemagne neutre devrait inscrire son existence et son action dans un tel processus de désarmement, de coopération et d’amitié sur notre continent. L’objectif du zéro arme nucléaire d’ici à l’an 2000, de l’arrêt immédiat de tous les essais sont d’une brûlante actualité, de même que la réduction des budgets militaires : les sommes ainsi dégagées devraient permettre de satisfaire les besoins populaires, d’éducation, de formation, de développement. Il y a de grandes possibilités d’actions convergentes sur ces sujets. Les exigences qui prennent un caractère universel de justice, de liberté pour l’individu, pour les peuples et les nations, d’égalité pour les femmes, de paix et de désarmement, d’une utilisation des progrès scientifiques et technologiques au service de l’homme préservant et mettant en valeur la nature sont extrêmement fortes. Nous entendons bien faire tout ce qui dépend de nous pour qu ’elles se fassent entendre et qu ’elles entrent dans la vie réelle, au rythme voulu par les peuples. Faire progresser une conception plus riche et plus complète des droits des hommes et des femmes, telle est notre ambition. C’est dans ce but que nous souhaitons que le mouvement que constituent dans leur diversité les partis révolutionnaires se donne un nouveau souffle. Cela suppose qu ’ils affirment plus clairement les valeurs qui constituent leur identité, qu ’ils manifestent plus clairement leur solidarité. Les principes qui régissent nos rapports et que j’ai rappelés permettent aujourd ’hui de développer cette solidarité sur des bases claires. Et nous allons prendre de nouvelles initiatives pour avancer dans ce sens. Mais nous ne réduisons par le nouvel internationalisme à cela ! Nous cherchons au contraire à dialoguer et à agir avec toutes les forces qui y sont disposées, au plan national et international, pour des objectifs de progrès. Le 27® Congrès devrait prendre des initiatives concrètes dans cet esprit : en direction des partis révolutionnaires dont la présence au Congrès sera un événement marquant, en direction d’autres forces et à propos des questions posées à l’humanité tout entière. La solidarité internationaliste, soixante-dix ans après le Congrès de Tours demeure un des traits de l’identité du P.C.F. : elle s’exprime de manière renouvelée, sur les sujets d’aujourd ’hui, avec les forces de progrès et d’émancipation qui agissent chacune à leur manière. Du peuple noir d’Afrique du Sud, toujours soumis à l’apartheid malgré les premiers succès remportés, au peuple palestinien toujours privé de patrie, du peuple sahraoui aux droits bafoués à tous ces peuples d’Afrique noire qui expriment leur révolte, aux peuples d’Asie, d’Amérique latine, d’Europe de l’Est et de l’Ouest, les communistes français continuent de tendre une main fraternelle pour agir ensemble pour la justice, la liberté, la paix. 1920-1990 le parti communiste de notre temps

stratégie et recherches

« Reconnaître la complexité, trouver les outils pour la décrire, et relire dans ce contexte nouveau les relations changeantes de l’homme avec la nature et de l’homme avec lui-même, voilà les problèmes cruciaux de notre temps. »* Au moment où le P.C.F. prépare son 2T Congrès, je voudrais évoquer un aspect, essentiel à mes yeux, du renouvellement stratégique amorcé à la charnière des années 1970-1980. 11 s’agit du rapport entre ce renouvellement et celui de la conception du marxisme, des recherches marxistes. la portée de la mutation amorcée en 1976 La période où l’on qualifiait le P.C.F. de « parti marxiste » n’est pas si lointaine ! A quoi se réfère donc aujourd’hui le P.C.F. ? me demandait tout récemment un interlocuteur chrétien. Le « marxisme-léninisme » s’est écroulé avec la dislocation des régimes qui s’y identifiaient. Le caractère « scientifique » d’une conception du socialisme qui prétendait détenir les clés de l’histoire n’a pas résisté à l’épreuve des faits. Le marxisme mutilé en doctrine totalitaire a vécu. Vous avez rejeté toute forme de modèle politique ou théorique. Plus encore, depuis 1979, le matérialisme, constitutif pourtant du marxisme lui-même, n’est pas une condition d’adhésion à votre Parti... Alors, où sont vos repères, sur quoi se fonde votre identité ? Qu’est devenue la fière proclamation d’antan : sans théorie révolutionnaire, pas de parti révolutionnaire ?

1. I. Prigogine : « La lecture du complexe, » in le Complexe de Léonard, Editions J.-Cl. Lattès, p. 62.

72 francette lazard*

une tension active

Ma réponse fut simple à formuler, mais elle nous entraîna fort loin dans la réflexion sur la portée de la mutation stratégique amoreée en 1976 avec l’abandon de la notion de « dictature du prolétariat ». Notre identité de communistes français, lui dis-je, se trouve dans les choix stratégiques que nous élaborons congrès après congrès, avec toutes les implications politiques qui en découlent. C’est là que vous la trouverez. Et nulle part ailleurs ! Mais alors, qu ’en est-il de la théorie marxiste, de l’ambition scientifique du socialisme, du matérialisme historique ? Serait-ce le temps venu de l’éclectismie sans principes, des pratiques de conjoncture, sans cohérence avec une vision d’ensemble du devenir humain ? Tout au contraire ! Le rapport absolument nouveau qui tend à s’établir entre la nouvelle conception stratégique des communistes français et leur conception de la théorie suppose, comme jamais, un effort de recherche rigoureux, créatif, nourri des découvertes, des œuvres et des expériences qui, depuis l’apport majeur de Marx, éclairent les enjeux présents. J’insiste sur la formule : qui tend à s’établir. Car cela ne va pas de soi. Je mesure plus encore qu ’il y a dix ans combien la novation opérée alors dans la conception des relations entre parti communiste et théorie marxiste est originale par rapport à toute notre histoire, comme à celle de tous les autres partis communistes. Aucune profession de foi ne saurait remplacer le dur ban d’essai de l’expérience historique. Mais tous ceux qui, aujourd ’hui, clament l’arrêt de mort du marxisme, en acclament l’acte de décès et proclament la légitimation définitive des dominations capitalistes, risquent de fortes

* Membre du Bureau politique du P.C.F. déconvenues. Car du côté des communistes français une approche neuve s’est fait jour, et vient maintenant à maturité. C’est un immense enjeu. la mise en question de tout un mode de pensée Par-delà l’identification séculaire du mouvement communiste à l’œuvre de Marx, d’Engels puis de Lénine, quel peut être le devenir d’une théorie révolutionnaire en prise sur l’expérience de l’histoire et les mutations majeures des temps présents ? Le Parti communiste français a dû, pour répondre à cette question, se libérer pleinement d’une conception de la théorie qui, des décennies durant, semblait faire corps avec son identité. Les « principes », définitifs, fixaient la doctrine, le « marxisme-léni­ nisme ». Dès lors qu ’il se référait à ces principes, un parti pouvait s’autoproclamer d’avant-garde, et déduire sa « pratique » de « fonde­ ments scientifiques » dont il était le dépositaire et le garant... Il incarnait la vérité passée et à venir de l’histoire, l’alpha et l’oméga du monde et de la vie. Mais l’importance accordée dans les mots à la « théorie révolutionnaire » s’accompagnait d’une subordination de fait aux discours-guide, aux stéréotypes staliniens. « La théorie, écrivait Staline, peut devenir une force immense du mouvement ouvrier, si elle se forme en liaison indissoluble avec la pratique révolutionnaire. Car elle, et elle seule, peut donner au mouvement l’assurance, la force de l’orientation et l’intelli­ gence de la liaison interne des événements en cours »... «La théorie, disait-il encore, est l’expérience du mouvement ouvrier de tous les pays, prise sous sa forme générale. Quand l’universel est trop abstrait, dit l’humoriste, c’est un particulier concret qui dirige... Cette conception, à travers laquelle des générations de communistes ont pensé, de par le monde, le rapport entre marxisme et révolution, justifiait le monopole du parti-dirigeant dans l’énoncé général d’une théorie sclérosée en doctrine, prenant force de loi dans tous les pays où le Parti communiste se confondait avec l’Etat. Ce fut, à l’échelle du siècle et du monde, un désastre de la pensée. Pourtant, malgré ces décennies de véritable stérilisation de la théorie marxiste, ses idées fondatrices ont nourri toutes les luttes émancipatrices, et bien des œuvres d’avant-garde de par le monde... Ses découvertes majeures n’ont pas cessé de tracer leur chemin libérateur, par-delà tous les aléas, toutes les tragédies, incitant à refuser les fatalités séculaires de l’exploitation, de l’injustice, et des dominations, à compren­ dre le Capital pour transformer la société non plus en rêve, mais en réalité. En éditant, en diffusant, des décennies durant, et jusque dans la clandestinité résistante, les œuvres majeures du patrimoine marxiste, le P.C.F. a su en favoriser la rencontre avec le mouvement ouvrier français, les milieux d’avant-garde de la science, de la création. Mais longtemps, trop longtemps, il est resté enfermé dans le carcan de la vision doctrinaire marquée par l’empreinte stalinienne.

2. J. Staline, les Principes du léninisme, Editions sociales, 1952, pp. 18-19.

74 Il fallut attendre en fait les années 60 : le Comité central d’Argenteuil des 11, 12 et 13 mars 1966 restera dans cette histoire comme un jalon majeur, liquidant toute prétention du Parti à édicter, au nom d’une théorie scientifique dont il serait l’incarnation, des normes en matière d’art, de science et de culture. Mais pour tout ce qui concerne les sciences sociales et politiques, le P.C.F. continuait encore à se référer aux thèses du « marxisme-léninisme » fixées dans les textes du mouvement communiste international. On mesure le choc que fut en 1976 l’abandon de la notion de dictature du prolétariat par le 22® Congrès du P.C.F. Car cette décision ne marquait pas seulement une rupture tardive mais définitive avec le totalitarisme stalinien. Elle cassait enfin tout un mode de pensée qui affirmait déduire l’élaboration politique de « fondements scientifiques » définitivement constitués, fixant et figeant, en un système de lois préétablies, les travaux et concepts élaborés en leur temps par Marx ou Lénine. Elle libérait du même coup, dans toute leur autonomie respective, le champ de l’élabora ­ tion politique et celui d’une démarche de recherche marxiste impliquant un effort exigeant de créativité théorique. Car la théorie marxiste meurt si on la réduit à sa dénaturation doctrinaire ; et la stratégie révolutionnaire perd sa raison d’être si elle se fige en se coupant des réalités et des enjeux d’une époque de transformations radicales en tous domaines. une novation d’ensemble Les implications de cette mutation ne se sont pas imposées d’emblée, ni spontanément. Le rejet d’une conception du socialisme érigée en modèle, l’esquisse d’un socialisme à la française au 22® Congrès impliquaient en effet, de facto, un remaniement d’ensemble du rapport entre stratégie révolutionnaire et théorie marxiste. C’est le congrès suivant, le 23®, qui dégagea sur ce point la conclusion majeure ; le rejet d’une doctrine « officielle » fixant par principe, « scientifiquement », le rôle d’avant-garde et l’identité communiste. Il entreprit l’élaboration d’une conception nouvelle de la stratégie, de la théorie, des recherches marxistes, ainsi que de leurs rapports. Le 25® Congrès sut mettre en cohérence toutes ces élaborations en mettant en évidence le lien nécessaire entre l’affirmation de toute l’identité de classe d’un parti révolutionnaire novateur et l’initiative unitaire dans le respect de la primauté du mouvement populaire. Dans une période qui ne fut certes pas des plus paisibles, l’on en conviendra, la maîtrise de mutations aussi décisives ne se fit pas sans retards, freins et secousses. Comment en irait-il autrement, quand les implications des changements opérés, dans une période de lourdes difficultés politiques, d’affrontements intenses et de reculs, touchent à la conception même du devenir révolutionnaire dans un pays comme la France ? Ce qui me ramène au dialogue évoqué en introduction. La surprise de mon interlocuteur devant l’idée que les communistes n’avaient pas d’autres repères que ceux qu ’ils intègrent eux-mêmes dans leur élaboration commune, avec comme jalons leurs congrès, n’a rien de... surprenant ! Car cette idée exprime bien une novation d’ensemble, à bien des égards encore tâtonnante et franchement pas si facile à percevoir dans toute sa cohérence à travers les turbulences politiques des années 80. Surtout quand l’anticommunisme, au plus fort de sa violence, sait être très subtil dans sa façon de réactiver en permanence l’écho déformé des conceptions d’hier. C’est donc dans leurs élaborations propres, avec les choix démocratiques qu ’elles supposent, les perspectives qu ’elles dessinent et les activités qu ’elles impliquent que les communistes français enracinent les finalités de leur engagement commun, respectueux de toutes leurs diversités, expression de leur identité. Car ils n’ont pas seulement une nouvelle stratégie, ils en ont une nouvelle conception d’ensemble, complètement dégagée des handicaps antérieurs, quand la doctrine jouait le rôle de référence identitaire, la « pratique » se réduisant à la « mise en œuvre » de choix légitimés par la prétention pseudo-scientifique de leurs présupposés fondements théoriques. Les mêmes mots se chargent, au rythme des temps et des changements, de sens différents. Chaque collectivité fixe ses repères en des termes qui risquent alors de devenir pour d’autres des signes de cette fameuse « langue de bois ». Issu du vocabulaire militaire, longtemps couplé avec la notion de tactique dans la « science de la direction de la lutte des classes » de Staline, le terme de stratégie fixait, selon la terminologie d’alors, « la direction du coup principal du prolétariat, en une étape donnée de la révolution ». ^ Les finalités de l’action transformatrice, ses acteurs, son contenu étaient, une fois pour toutes, fixés en un modèle : la théorie révolutionnaire, disait-on. Certains se souviennent sûrement du fameux « détour théorique » qu ’il fallait accomplir pour accéder à l’intelligence des choix politiques... En cassant l’idée de modèle préalable, le P.C.F. a donné vie à une toute autre conception de la stratégie, de sa portée, et donc de son élaboration, dans son rapport avec le mouvement populaire comme avec celui des connaissances, des recherches et théorisations marxistes. une conception très simple... et sans détours ! L’élaboration stratégique, c’est en effet ce moment où, collectivement, les communistes, tous les communistes, font le point de leurs expériences et de leurs idées, de ce qu ’ils savent et de ce qu ’ils veulent, de ce qu ’ils projettent et des obstacles qu ’ils repèrent, pour déterminer leur perspective et leur action politiques. C’est en elle-même et par elle-même que cette élaboration doit trouver sa cohérence, préciser ses finalités, apprécier les difficultés, repérer les possibilités et les freins, concrétiser l’identité commune qui résulte des choix opérés ensemble. Rien n’est donné a priori, ni une fois pour toutes ! Il n’y a pas de recette donnant la science infuse des évolutions à venir, pas de substitut à l’expérience créative du mouvement populaire. Sans détours, et sans

3. Idem, p. 62.

76 raccourcis : c’est à partir de ce qu ’ils savent, veulent, et peuvent que les communistes, à un moment donné, choisissent. C’est dans le processus d’élaboration stratégique, parce qu ’il implique tous les communistes, avec tout ce dont ils sont porteurs par leur vie, leurs connaissances, leurs pratiques, que peut s’opérer cette synthèse des savoirs et des aspirations, des anticipations les plus audacieuses et des expériences les plus lucides sur le nécessaire et le possible. J’insiste sur la nouveauté de cette conception de la stratégie. On pourrait en développer bien des implications, comme par exemple le type de vie démocratique qu ’elle appelle : le mode inédit • de préparation du 27® Congrès en témoigne. Je m’en tiens à mon propos : le rapport qui peut désormais s’établir entre la recherche et la politique, entre la théorie marxiste et le mouvement révolutionnaire. Je le résume volontiers dans la formule de « tension active ». Elle vaut ce que valent toutes les formules, mais elle traduit assez bien l’expérience que nous en avons aujourd ’hui... Car il ne suffit certes pas de dire que nous refusons la double facilité de l’indifférence et de !’« imprimatur » pour répondre, à temps et de façon positive, à l’immense effort qu ’implique notre ambition : promouvoir un marxisme créatif, à la hauteur des défis de ce tournant du siècle. Il faut bien en mesurer la nécessité, et les responsabilités politiques qui en résultent. un défi historique que les communistes entendent relever Le projet de document formule ainsi cette ambition, en liaison avec le vaste travail de renouvellement stratégique engagé ; « Ce renouvellement implique la forte promotion des activités de recherches marxistes, dans toutes leurs ambitions créatrices, à partir d’une démarche originale qui incite à la plus grande attention pour que le Parti en intègre les apports dans le processus d’élaboration de sa politique, en refusant la double facilité de la neutralité ou de l’officialisation. » J’insiste encore sur l’originalité de cette démarche, en évoquant à nouveau la question des « références » que nous posent, si souvent par les temps qui courent, tous ceux qui constatent les écroulements de l’Est sans avoir encore clairement perçu les élaborations novatrices des communistes français. Chercher dans la théorie marxiste, à travers la diversité des travaux qui en font la vitalité, la référence qui donnerait sens et cohérence à l’activité communiste, ce serait, qu ’on le veuille ou non, retomber dans les ornières et les impasses d’une théorie officielle. Ce serait réintroduire une instance de « légitimation » extérieure à la libre élaboration des communistes eux-mêmes, avec un double risque : faire peser sur la recherche le fardeau écrasant d’une charge qui en scléroserait le mouvement propre ; et mutiler le débat démocratique en excluant l’essentiel de son champ de compétence ! La valorisation du moment spécifique de l’élaboration stratégique des communistes, dans cette conception nouvelle qui en souligne la pleine autonomie, ne dévalorise pas pour autant le rôle des recherches et théorisations marxistes. Tout au contraire, il est plus décisif que jamais ! « Reconnaître la complexité, trouver des outils pour la décrire ». ^ Comment ne pas souscrire à l’ambition du savant, quand on se propose de comprendre le réel, d’y découvrir les ressorts de l’action transformatrice, d’y défricher des chemins inexplorés ? Le P.C.F. n’est évidemment pas la seule force qui prenne aujourd ’hui conscience de la nécessité de la meilleure intelligence possible du réel, dans une période de mutations accélérées qui met en question le devenir du genre humain. Depuis deux décennies, les milieux dirigeants du monde capitaliste, des Etats ou des firmes multinationales y consacrent des efforts très impor­ tants. Ils multiplient et diversifient les cercles de leurs experts, en prise sur le vaste champ des sciences sociales et humaines qui s’est considérable ­ ment développé, non sans pâtir de cette instrumentalisation. Le P.C.F. est lui-même de plus en plus soucieux de s’informer, le plus directement et le plus finement possible, de l’évolution des sciences et des savoirs, respectueux de leur dynamique propre, attentif aux données qu ’elles révèlent, aux débats qu ’elles nourrissent. Il suit évidemment, avec un intérêt tout particulier, les travaux de chercheurs qui, d’un pays à l’autre, d’une université à l’autre, se situent, par et pour eux-mêmes, dans une perspective marxiste. Mais il ne peut s’en tenir là. Il a besoin d’un mode original d’intelligence du réel, parce qu ’il se fixe une ambition propre, qui est sa raison d’être : changer le cours des choses, transformer la société. C’est pourquoi il a besoin d’organiser et d’encourager une activité de recherches en prise directe sur toutes les questions soulevées par ses choix stratégiques, tourné vers l’immense effort de créativité théorique nécessaire pour penser à neuf l’avenir. C’est un défi historique qu ’il entend relever, là où tant d’autres abdiquent, ignorant, aujourd ’hui dans leurs abandons comme hier dans leur dogme, l’apport majeur de Marx et de tous ceux qui, à travers l’expérience historique accumulée depuis, permettent de mieux comprendre le mouve­ ment de l’époque et le rôle primordial des peuples. Un vaste chantier de constmction est désormais ouvert à tous ceux qui ne renoncent pas à comprendre scientifiquement les processus sociaux dans leurs singularités, à en saisir les contradictions, pour en dégager des tendances fortes et permettre d’ouvrir des perspectives larges de transfor­ mation, en conjuguant l’audace de la pensée et la rigueur de l’analyse. l’impératif de créativité L’aspiration à comprendre le mouvement de l’histoire pour en anticiper à neuf la perspective possible se trouve confortée par l’évolution même des connaissances contemporaines. Il devient impossible de disqualifier, au nom d’une conception des « lois » que les sciences de la nature sont elles-mêmes en train de dépasser, l’ambition scientifique de la prospective marxiste.

4. Cf. Prigogine déjà cité.

78 En s’attachant à créer un rapport nouveau entre le processus d’élaboration de sa stratégie et la théorisation anticipatrice du marxisme, le P.C.F. prend toute la mesure des défis et enjeux de l’époque, des problèmes inédits, de la complexité des questions : avec tout le travail de connaissance et de recherche que cela suppose, en cette transition de phase de l’histoire où nous sommes. La créativité théorique du marxisme et l’élaboration stratégique des communistes ne peuvent se penser ni l’une sans l’autre, ni en dehors du mouvement des réalités et des luttes. Elles s’enrichissent l’une de l’autre, mais s’appauvriraient l’une comme l’autre en s’identifiant l’une à l’autre. La recherche marxiste française est aujourd ’hui en pointe sur les questions les plus cmciales posées aux forces en quête d’alternatives novatrices. Elle anime et stimule des débats de grande portée, et les discussions sont vives, donc vivantes, entre chercheurs communistes eux-mêmes. Ces derniers participent, en toute liberté, avec tout l’apport de leur compétence et de leurs travaux, particulièrement à ce moment cmcial de l’activité des communistes qu ’est la préparation d’un congrès. Ils y apportent toutes les élaborations qu ’ils tirent d’une activité de recherche personnelle, nourrie et stimulée par leur activité militante, par l’échange d’expériences et de réflexions qu ’elle permet, à l’épreuve du mouvement populaire. Si le débat démocratique intègre, au bénéfice de la discussion, telle ou teUe avancée de recherche, la stratégie s’en trouvera enrichie, mais la démarche d’ensemble du chercheur ne saurait être officialisée pour autant : ce serait à coup sûr la sclérose ! Et si les suggestions et avis d’un autre chercheur ne sont pas retenus, ses travaux n’en sont ni récusés, ni découragés pour autant. Qui pourrait préjuger de leurs développements à venir ou de leur intégration au terme d’un débat ultérieur ? Le temps est révolu où l’on confondait accord et officialisation, discussion et mise en cause, désaccord et rejet... Mais la « tension active » que nous sommes en train de promouvoù- suppose un grand travail spécifique, qui, comme toute chose, s’organise et incite à l’initiative ; c’est la fonction propre de l’I.R.M., né d’une mutation stratégique qui nous a conduit, les yeux ouverts, au seuil d’une nouvelle décennie. 1920-1990 le parti communiste de notre temps

les conditions nationales et internationales

Les anniversaires sont des occasions de se souvenir mais aussi de réfléchir. Evoquer aujourd ’hui la naissance du P.C.F., il y a soixante-dix ans, c’est revenir sur le processus historique au terme duquel il s’est constitué. Les recherches historiques, menées ces deux dernières décen­ nies, sont convergentes de ce point de vue : l’apparition du P.C.F. sur la scène politique française n’est pas le produit d’un concours de circons­ tances fortuites. Il ne s’agit pas d’ignorer la conjoncture courte, marquée par exemple, dans l’année 1920, par les victoires de l’Armée rouge. Des événements moins favorables à la création d’un grand parti révolutionnaire jouent aussi leur rôle, comme la solidité des classes dominantes, renforcées par le prestige de la victoire, ou la répression qui s’abat en 1920 sur le mouvement ouvrier, après les grandes grèves du printemps. Il convient donc d’aller chercher plus avant, dans l’histoire politique et sociale française, les raisons essentielles qui éclairent l’émergence historique du P.C.F. La constitution du P.C.F. est un événement historique qui, à soixante-dix ans de distance, paraît instantané mais qui en fait s’est étalé sur plusieurs années. Elle comporte des moments décisifs dont le Congrès de Tours forme une étape parmi d’autres comme celle qui, sous le terme de bolchevisation, désigne, à partir de 1924, les bouleversements de l’organisation et du fonctionnement du Parti. Elle est inséparable d’une intervention grandissante de l’Internationale communiste, elle même de plus en plus marquée par le Parti communiste de TU.R.S.S. La modification de l’organisation du Parti et la mise au point de sa formule stratégique prennent plusieurs années. Le processus, loin d’être linéaire et progressif, ébranle le P.C.F., dont l’influence électorale, après avoir atteint un premier sommet en 1928, recule fortement les années suivantes. serge wolikow*

de la création et de la formation du p.c.f.

La diminution de l’audience comme l’affaiblissement de l’organisation du Parti sont cependant arrêtés lorsque l’orientation de front populaire se substitue à celle qui au nom de la lutte classe contre classe avait été imposée par l’Internationale dès 1928. On peut raisonnablement considérer que le processus de formation du P.C.F. prend fin lorsqu’il acquiert, à partir de 1935-1936, sa physionomie de parti de masse et de classe et qu ’il devient une force politique à la fois internationaliste et nationale. Il reste cependant marqué par les épreuves qu ’il a traversées durant ses premières années. La montée du stalinisme autant que la menace fasciste grandissante n’incitent pas, alors, à la réflexion autocritique publique sur un passé qui n’est pas entièrement surmonté, aussi bien dans la manière de concevoir la révolution que le parti révolutionnaire, comme en témoigne le succès du manuel d’histoire du parti bolchevik, élaboré sous la direction de Staline en 1938. Revenir sur ces premières années du P.C.F. donne à réfléchir sur la complexité de l’histoire réelle dont la connaissance ne permet pas de prescrire en quoi que ce soit des recettes pour le présent mais fournit les moyens d’assumer le passé et prendre en compte son héritage. le congrès de tours Le vote majoritaire des délégués au Congrès de Tours en faveur de l’adhésion à la troisième Internationale n’est pas une surprise ; il enregistre un courant qui s’est progressivement affirmé tout au long de l’année 1920. La décision majoritaire du Congrès procède ainsi d’un mouvement de fond

* Historien. que les circonstances immédiates ne peuvent à elles seules expliquer. Les travaux historiques menés ces dernières années sur la classe ouvrière durant la Première Guerre mondiale et le Parti socialiste en 1919 et 1920 éclairent de manière convaincante les raisons profondes du vote en faveur de l’Internationale communiste. Au cœur des motivations qui animent le plus grand nombre des nouveaux adhérents du Parti réside la critique de la collaboration de classes mise en œuvre durant la guerre par le Parti socialiste et la C.G.T., d’autant que cette période a été marquée par une surexploitation que la victoire rend insupportable. La protestation est vive chez les militants de base venus au Parti dans les derniers mois de la guerre et lors des luttes sociales qui se développent en 1919 et 1920. La victoire électorale de la droite, souvent associée au Parti radical dans le cadre du Bloc national, discrédite les thèses électoralistes souvent prônées par les élus de la S.F.1.0. L’expé ­ rience des grèves qui culminent au printemps 1920 contribue à la radicalisation des nouveaux adhérents et des militants socialistes. Ils mesurent la détermination du patronat et du gouvernement qui déploient conjointement une répression de masse contre le courant révolutionnaire et une politique de collaboration de classes en direction de ceux qui, parmi les syndicalistes ou les élus socialistes, affirment leur modération. Le vote en faveur de l’adhésion à l’Internationale communiste indique d’entrée que la transformation du Parti socialiste est indissociable du contexte international même si celui-ci n’explique pas tout. D’ailleurs ce ne sont pas les deux tiers des délégués qui souhaitaient l’adhésion à la nouvelle Internationale mais bien les quatre cinquièmes puisque le courant qui, derrière Longuet, s’est finalement abstenu, annonce au départ son accord de principe avec cette adhésion. Seul le courant ultra-minoritaire, derrière Blum et Renaudel, y est ouvertement hostile. La popularité de l’Internationale communiste ne signifie pas une connais­ sance précise de son programme. Bien que constituée en mars 1919, la troisième Internationale ne s’est véritablement organisée qu ’à l’occasion de son deuxième congrès, tenu en Juin 1920. Son prestige est associé à la victoire de la révolution en Russie. Ce n’est pas tant le processus révolutionnaire concret qui suscite l’adhésion que le symbole qu ’il représente. Adhérer à l’Internationale communiste signifie avant tout rompre avec la politique suivie par les partis socialistes depuis 1914, et affirmer la nécessité d’un parti d’action révolutionnaire. Les conditions imposées par l’I.C. sont mal connues et son souci de réaliser une scission entre réformistes et révolutionnaires est loin d’être partagée par la majorité des congressistes. En fait celle-ci manifeste bien plus son refus de la collaboration de classes que son adhésion à un nouveau type d’organisa­ tion politique. le rôle de l’internationale La formation du P.C.F. est inséparable de celle de l’Internationale communiste conçue comme un parti mondial de la révolution ayant des sections nationales. Le projet internationaliste qui a présidé à la naissance de la IIP Internationale voulait renouer avec les aspirations internationa­ listes de Marx en mettant sur pied une organisation ayant comme but explicite la préparation de la révolution à l’échelle mondiale. L’Internationale stimule et soutient l’activité du P.C.F. qui s’engage, dès 1923-1925, dans l’action antimilitariste au moment de l’occupation de la Ruhr par les troupes françaises et dans la lutte anticoloniale, contre l’intervention militaire au Maroc. Par l’aide matérielle et idéologique qu ’elle apporte, l’Internationale contribue à structurer le courant révolu­ tionnaire à l’aide de ses journaux, ses délégués, ses écoles, qui forment des militants et des dirigeants issus le plus souvent de la classe ouvrière. Bien vite l’échec révolutionnaire, ailleurs qu ’en Russie, joint aux difficultés du pouvoir soviétique, encerclé et inexpérimenté, infléchissent le rôle effectif d’une Internationale dans laquelle le poids du parti bolchevik s’affirme. Alors que, du vivant de Lénine, en 1921 et 1922, l’Internationale avait tenté d’engager une orientation unitaire sur des objectifs politiques limités, afin de redonner un nouveau souffle au mouvement révolutionnaire, il en va différemment dès 1924. La bolchevisation, lancée cette même année par le 5® Congrès de l’Internationale, renforce la centralisation de l’organisation mondiale, et prétend restmcturer tous les partis sur un modèle unique. Les statuts comme les modes de fonctionnement imposés s’inspirent bien plus du parti bolchevik d’après, que celui qui existait avant la révolution. Sa centralisation et son contrôle du mouvement syndical sont des principes jugés intangibles. Les traditions politiques républicaines françaises, l’autonomie du mouvement syndical sont dénoncées. La réorganisation du P.C.F., en 1924 et 1925, combine de manière inextricable des innovations de grande portée, comme l’implantation du Parti sur le lieu de travail, et des dispositions déstabilisatrices, comme la suppression des fédérations, des sections et même, pour un temps, de toute organisation territoriale de base. L’Internationale pousse alors à l’épuration et encourage l’action fraction­ nelle afin de régénérer le Parti, grâce à l’arrivée de jeunes dirigeants formés par elle. Cette politique, qui rencontre de fortes résistances dans le mouvement syndical et le Parti, est suspendue à la fin de 1925 avant d’être réactivée en 1928. Pendant ces quelques années, 1926-1927, la centralisa­ tion de l’I.C. et le contrôle qu ’exerce le parti bolchevik sur elle, sont allégés. L’Internationale, qui n’échappe pas aux débats qui traversent le parti bolchevik, en tire temporairement bénéfice, en retrouvant une plus grande autonomie lorsque Boukharine en prend la tête, à la place de Zinoviev, en 1926. Ainsi le rôle de l’Internationale, dans la formation du P.C.F., ne doit pas être sous-estimé même s’il apparaît fortement contrasté. l’expérience du p.c.f. dans les années 1920 Paradoxalement l’expérience originale du P.C.F. durant ses premières années d’existence est encore mal connue, voire totalement ignorée. Le plus souvent on estime que l’originalité communiste française serait appame seulement au moment du Front populaire. Or celle-ci s’affirme dès les années 20 : l’entrevue de Lénine avec les syndicalistes révolution­ naires français, en 1922, traduit la spécificité de la situation française ; l’entrée, à la direction du Parti, de syndicalistes exprime une situation sans équivalent en Europe. La scission syndicale, opérée en 1921, débouche sur la formation d’une confédération syndicale révolutionnaire, la C.G.T.U., qui fait jeu égal, dans les années 20, avec la C.G.T., tenante du syndicalisme de collaboration de classes. L’incorporation par le P.C.F. des syndicalistes introduit dans le Parti une culture politique qui résiste à la bolchevisation, car ses références demeurent celles des grands mouve­ ments grévistes de 1919 et 1920. C’est par le relais syndical et l’activité revendicative que l’influence du Parti se développe dans la classe ouvrière bien davantage que par la bolchevisation, dont les effets pratiques sont très faibles. Le contrôle exercé par le Parti sur le syndicat reste d’ailleurs limité jusqu ’en 1929, malgré la présence des secrétaires confédéraux au Bureau politique. D’ailleurs, le 4® Congrès de la C.G.T.U., en septembre 1927, supprime dans ses statuts, avec l’accord de l’Internationale syndicale rouge, la référence à la dictature du prolétariat et s’affirme en faveur d’un syndicalisme de masse à « base multiple ». Durant la même période, le P.C.F., sous la direction de Pierre Sémard, son secrétaire général venu du syndicalisme cheminot, engage une politique qui stabilise l’organisation du Parti et consolide sa direction, après les secousses provoquées par la bolchevisation. A l’initiative de Maurice Thorez, qui en est promu secrétaire, l’organisation est partielle­ ment rééquilibrée au plan local. Le 5® Congrès du Parti, tenu à Lille, en juin 1926, insiste sur le travail de masse en direction des ouvriers mais aussi des paysans et des autres catégories de salariés. Des accords circonstanciels avec d’autres organisa­ tions contre les premiers mouvements fascistes sont envisagés. Pour faire face au malaise interne provoqué par la bolchevisation, la direction du Parti engage une discussion dont la diversité s’exprime lors des travaux du Congrès. Finalement le Comité central et le Bureau politique, issus du congrès, rassemblent des militants qui, arrivés au parti à partir d’expé ­ riences différentes, représentent plusieurs générations politiques. Le P.C.F., qui reste alors relativement pmdent à l’égard des divisions qui secouent le parti bolchevik, s’efforce de promouvoir en France une orientation qui lui permette de capitaliser à son profit la déception provoquée par l’échec des gouvernements du Cartel des gauches, au pouvoir depuis 1924. Après le retour de la droite, grâce au retournement des radicaux, le P.C.F. se présente comme le parti de la fidélité aux idéaux révolutionnaires et progressistes. Son score, lors des élections législatives de 1928, témoigne des progrès de l’influence communiste puisque le Parti dépasse le million de voix, soit 11 % des suffrages exprimés. Finalement, durant cette période, le P.C.F. se forge, au niveau de sa direction notamment, une expérience originale qui n’est pas comprise par l’I.C. classe contre classe Après de fortes tensions et plusieurs mois de discussions l’I.C. impose au P.C.F. un « redressement » au nom d’une nouvelle orientation baptisée classe contre classe qui, avant d’être généralisée à tous les partis communistes, est d’abord appliquée au P.C.F., accusé de déviations parlementaristes et légalistes. Le Bureau politique, majoritairement réticent, est alors paralysé par la répression qui touche en France les principaux dirigeants qui, tels Sémard et Cachin, sont emprisonnés. Au bout du compte, au début de 1928, la plupart acceptent, par esprit de discipline, la politique préconisée par l’I.C., mais ils manifestent peu d’enthousiasme devant ses thèses qui dénoncent l’imminence d’une guerre contre l’U.R.S.S. et d’une nouvelle échéance révolutionnaire. En fait, le P.C.F. subit alors les contrecoups des choix staliniens qui triomphent en 1929 dans le parti bolchevik et l’I.C. d’où Boukharine est évincé, remplacé par Molotov. Au nom d’une nouvelle bolchevisation, idéologique cette fois-ci, l’épuration des partis communistes est mise à l’ordre du jour. La critique du réformisme, sous toutes ses formes, aboutit à discréditer l’activité revendicative, sous prétexte qu ’elle verse dans l’économisme. Les formes d’organisation traditionnelles, syndicales surtout, sont dénoncées comme des freins à l’initiative révolutionnaire. Non seulement le rôle dirigeant du P.C.F. sur la C.G.T.U. est affirmé, mais ri.C. prétend restructurer toute l’activité idéologique et politique du P.C.F. A la radicalisation de la situation internationale doivent correspon­ dre de nouvelles pratiques révolutionnaires : les journées internationales de lutte contre la guerre, les grèves politiques de masse, etc. Au moment où la répression s’abat sur le mouvement communiste, l’I.C. encourage la formation d’une nouvelle direction qui adhère à cette orientation. Beaucoup de dirigeants expérimentés comme Cachin, Vaillant-Couturier ou Sémard, suspectés à des titres divers, sont plus ou moins mis à l’écart. Alors que Thorez est emprisonné par les gouvernants français. La radicalité des propos et l’enthousiasme des militants récemment venus à l’action, par le biais de la lutte antimilitariste notamment, n’empêchent pas l’affaiblissement brutal du P.C.F. et de la C.G.T.U. dont les effectifs diminuent de près de 50 % en 1930 et 1931. Les élections législatives de 1932 enregistrent le recul de l’influence du Parti, qui se retrouve en dessous de son niveau de 1924. Non seulement les électeurs mais aussi beaucoup d’adhérents du Parti n’ont pas suivi la ligne de l’I.C. qui, sur la base du modèle allemand, dénonce les organisations socialistes comme l’ennemi principal, en taxant de réformiste l’attachement aux formes républicaines et démocratiques qualifiées uniformément de bourgeoises. Le sectarisme et le dogmatisme qui triomphent à ce moment proviennent principalement de l’orientation de ri.C. Ils sont pourtant imputés à un groupe de jeunes dirigeants dénoncés à l’automne 1931, ce qui permet de masquer la responsabilité de l’I.C. Maurice Thorez, épaulé par un représentant de l’I.C., Fried, réussit, non sans mal, à impulser une politique qui sort le P.C.F. de cette mauvaise passe. Il appelle au rétablissement des normes démocratiques et au débat afin de relancer la vie politique dans le Parti. Parallèlement, il dessine des objectifs politiques nouveaux susceptibles d’ouvrir, dans la situation française du moment, une perspective politique mobilisatrice. Mais les mesures envisagées par le Bureau politique, à l’instigation de Thorez, en matière de désistement électoral avec les socialistes et de lutte pour la paix, fin 1931, se heurtent à de fortes réticences au sein de l’I.C. Un an plus tard l’I.C. accepte une inflexion politique qui se poursuit dans ce sens jusqu ’au printemps 1933. A nouveau, le P.C.F. se trouve exposé au feu de la critique : on lui reproche son opportunisme dans ses contacts avec les socialistes et dans l’action contre la guerre. Jusqu ’au début de 1934, malgré certains succès du P.C.F. en matière de lutte contre la guerre et le fascisme, l’I.C. dévalorise l’expérience politique française face au modèle allemand. les sources françaises du front populaire Quand, en 1934, le P.C.F. s’engage dans la voie du Front populaire, ce n’est pas tant à cause du feu vert donné par l’I.C. qu ’en raison de sa propre expérience. La politique de front populaire renoue avec une activité ébauchée quelques années auparavant, qui puise aux traditions démocrati­ ques et révolutionnaires françaises pour le moins négligées par l’I.C. La formation du P.C.F. ne peut donc pas être assimilée à un simple processus de bolchevisation qui sans être effacée est reléguée à l’arrière- plan. Le P.C.F. réussit, dans les années 30, à devenir un grand parti de masse et de lutte en intégrant dans son activité la défense des intérêts de la classe ouvrière aux traditions républicaines révolutionnaires qui se superposent ainsi au système stratégique et organisationnel installé par l’Internationale depuis les années 20. MARCHAIS

nne^ioon EDTOMS SOCIALES mouvement du monde

sécurité européenne : préserver et développer l’esprit d’helsinki daniel cirera socialisme : u.r.s.s., tout est ouvert serge leyrac paix et désarmement sécurité européenne préserver et développer l’esprit d’helsinki, un enjeu de luttes daniel cirera*

Le sommet de Paris permet de faire le militaires demeure : dans une conjonc ­ point sur les problèmes de la sécurité ture rendant peu vraisemblable leur en Europe de l’Atlantique à l’Oural, et utilisation immédiate certes, mais les sur ce que devrait faire la France. C’est opinions publiques auraient tort de aussi l’occasion d’un examen des croire l’Europe déjà désarmée. conditions nouvelles de la relation transatlantique, c’est-à-dire entre les Au contraire même, on assiste à la Etats européens et les Etats-Unis du volonté de mettre en œuvre une sorte point de vue des réponses à apporter de redéploiement stratégique et au plan aux exigences de paix, de souverai­ de la modernisation des armements. A neté, de sécurité et de coopération des cet égard, la crise du Golfe, avec le peuples du continent. Cette dimension déploiement militaire massif sous la devant être appréhendée en fonction houlette de Washington, avec un enga­ des ambitions occidentales à fonder gement international très large — jus­ l’architecture de l’Europe sur un qu ’à l’Australie —, les adaptations de « nouvel atlantisme », selon les l’Allemagne et du Japon pour prendre paroles du président George Bush^ Et une place correspondant à leur puis­ en fonction aussi de l’intervention du sance dans le nouveau dispositif sont mouvement populaire. significatives de la situation et de ses risques. « La situation n’est pas simple, notait Est-ce à dire que rien ne résisterait, D. David, le secrétaire général de la qu ’aucun pas en avant ne serait possi­ Fondation des études de défense natio­ ble ? Bien sûr que non. Moins que nale : d’une part, la recomposition jamais on ne peut avoir une vision politique marche d’un bon pas, la figée. L’analyse des choix, de blocages légitimité des organes collectifs se dis­ rencontrés dans les négociations, l’éva- sout vite ou progressivement mais, paradoxalement, le désarmement réel * Membre du Comité central du P.C.F. 1. Voir Georges Girard, « Le “nouvel atlantisme” », avance beaucoup moins rapidement et, Cahiers du communisme, juillet-août 1990. répétons-le, l’essentiel des appareils 2. La Pensée, mai-juin 1990. Du 19 au 21 novembre, Paris a accueilli le sommet de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (C.S.C.E.). Quinze ans après le fameux sommet d’Helsinki qui, avec son Acte final, scella en quelque sorte la Charte de la détente, après les rencontres de Belgrade, Madrid, Stockholm, Vienne, ce sommet s’est tenu dans un contexte profondément renouvelé après les bouleversements à l’Est.

luation du niveau des compromis qui Le dernier déblocage a lieu le 3 octo­ ont permis un éventuel traité ou un bre, à New York, avec l’accord de accord dans telle ou telle instance — principe Baker-Chevardnadzé. La aux Nations unies notamment — doit pression des Américains pour amener permettre de dégager les tendances et les Soviétiques au maximum de de simer à quel moment on se trouve de concessions a été considérable. Ils ont la lutte pour mettre en échec ou faire fait de cette signature la condition pour reculer les choix de force et de domina­ la tenue du sommet de Paris. tion, et pour d’un même mouvement A vrai dire, les bouleversement à l’Est, avancer dans l’édification d’un système avec leurs conséquences politiques et de sécurité collective, partie intégrante stratégiques, imposaient un minimum de la lutte pour un nouvel ordre mon­ d’adaptation. Comment aurait-on pu dial pacifique, équitable, démocrati­ justifier encore de nouveaux blocages que. quand on clame sur tous les tons la « fin de la guerre froide » ? des réductions On peut s’interroger sur le contenu de substantielles l’accord C.F.E. en regard des exi ­ gences et des possibilités. Il représente Le sommet de Paris a été en particulier indéniablement une avancée impor­ l’occasion solennelle de la signature tante : plus de 100 000 chars, pièces par les membres de deux alliances d’un d’artillerie, avions, hélicoptères sont accord de réduction des forces conven­ concernés. L’ampleur des réductions tionnelles en Europe (C.F.E.l). Un — par retrait ou destruction — est à la accord négocié depuis plusieurs années mesure des arsenaux existants. à Vienne dans le cadre de la C.S.C.E. Cet accord, le premier de cette nature Les tractations ont été laborieuses. Par- et de ce niveau, appelle quelques delà les problèmes techniques, il remarques. s’agissait de définir un nouvel équilibre au plus bas niveau possible. Comme tout résultat d’un compromis — c’est-à-dire d’un rapport de forces sérieux pour les peuples et les opinions — il prend tout son sens comme une occidentales : le potentiel militaire étape et comme un encouragement à reste impressionnant, notamment avec aller plus loin. En dépit de ces réduc­ le maintien d’une armée allemande de tions, il restera sur le continent davan­ 370 000 hommes. Le fardeau des tage de chars qu ’il n’en fut déployés dépenses consacrées aux armements pendant la Seconde Guerre mondiale... n’est pas encore allégé. Les autorités De l’avis général, y compris d’Edouard françaises insistent sur le fait que les Chevardnadzé, « c’est l’U.R.S.S. qui a plafonds fixés n’ont pas d’incidence fait les concessions majeures ». sur la programmation des équipements Michel Tatu, dans le Monde, confirme militaires. D’autant que le nucléaire cette appréciation en parlant des n’est pas concerné. Mieux, le Délégué « sacrifices soviétiques » et en signa­ général à l’armement souligne avec lant les impressionnantes asymétries satisfaction que dans l’avenir les limi­ des réductions. Concernant les chars, tations quantitatives imposées permet­ par exemple, U.R.S.S. : moins tront de consacrer davantage de crédits 20 000, O.T.A.N. : moins 2 000. aux modernisations qualitatives de plus Pour l’artillerie lourde, le plafond est en plus coûteuses. Malgré les boule ­ fixé à 20 000. versements de la donne et la signature d’un accord de désarmement, nous Le Pacte de Varsovie doit réduire de n’avons pas encore le droit de perce­ 50 000 pièces, alors que l’O.T.A.N., voir les « dividendes de la paix... » qui n’en possède que 18 500, dispose encore d’une marge de manœuvre. Au contraire, comme on le sait, du côté de rO.T.A.N., la volonté est nette de Entre autres problèmes, celui des pla­ renforcer militairement l’Alliance, en fonnements : un Etat ne peut détenir, diversifiant ses capacités d’intervention selon l’accord, plus du tiers environ et en constituant son pilier européen. d’une catégorie d’armements au sein de son alliance. On mesure la diffé­ A l’évidence cet accord en appelle rence de situations, à la limite de d’autres : pour de nouvelles réductions l’absurde, entre les Etats-Unis et significatives, notamment des arme­ l’U.R.S.S. ments navals, pour l’élimination de Concernant les troupes américaines et toutes les armes nucléaires de courte soviétiques stationnées en Europe cen­ portée, l’option « triple zéro » tant trale, les plafonds de 195 000 pré­ attendue, pour le retrait de toutes les sentés au printemps comme une grande forces et les bases étrangères. Il doit avancée sont aujourd ’hui complète­ être un encouragement à élargir le ment dépassés par l’histoire, avec le rassemblement pour le désarmement. retrait de l’Armée Rouge d’Allemagne orientale d’ici quatre ans, et des autres quelle sécurité pays d’Europe centrale dans un délai plus bref encore. Alors que les Etats- pour l’europe ? Unis prennent tout leur temps, conser­ vent des bases importantes dans La tenue du sommet de la C.S.C.E., le l’ensemble de la zone européenne et rôle de l’Allemagne, les relations nou­ maintiennent toute leur influence sur la velles avec les pays de l’Est européen, vie politique et la stratégie de l’Al­ les efforts de coordination militaire liance en dépit des réductions des sous l’égide de la France, tout cela fait troupes terrestres en cours ou envisa­ monter le débat et les enjeux de la gées. En outre, il est important de sécurité en Europe autour du thème de rappeler que le territoire des Etats-Unis la « nouvelle architecture de la sécu­ n’est pas concerné, ni par là-même les rité ». troupes stationnées. Le sommet de Paris a réuni les repré­ Le contenu de l’accord, avec l’asymé ­ sentants au plus haut niveau des pays trie des réductions, pose un problème d’Europe plus les Etats-Unis et le

92 Canada^. Il a fait le point sur la tion ne traiterait pas dans l’immédiat situation dans le continent, entériné des problèmes de la sécurité qui l’unification allemande et abordé les seraient examinés dans le cadre de la perspectives de la sécurité. C.S.C.E., c’est-à-dire avec le Canada A y regarder de près, ce qui domine et surtout les Etats-Unis : « C’est donc chez les Occidentaux c’est une concep­ les alliés traditionnels — Alliance tion militaire de la sécurité ; « Nous atlantique, Canada, Etats-Unis — qui sommes dans un contexte de contrôle feront le contrepoids, et la C.S.C.E. des armements et de désarmement, et sera le réceptacle dans lequel les pro ­ cela va être la tâche de la C.S.C.E. de blèmes de sécurité pourront être discuter de ce nouvel ordre de la réglés. » sécurité en Europe, explique Roland C’est la vision des trois cercles concen­ Dumas. La France y aura sa place à triques, longuement explicitée aussi double titre. D’abord parce qu ’elle est par Jacques Delors. membre de cet embryon de défense Sans doute encore bien des perspec­ européenne que constitue l’U.E.O., tives restent ouvertes, notamment en ce qui s’est manifestée de façon assez qui concerne d’éventuelles instimtions, conséquente ces jours derniers, et la la place que chacun voudrait y jouer, France pousse le plus possible à ce que les incertitudes concernant l’U.R.S.S., la réflexion sur la sécurité et la défense le poids réel d’une Allemagne aussi en Europe progresse. » (souligné par active que discrète sur ses ambitions. moi, D.C.). Par-delà ces Incertitudes, les fonde­ Et cela en intime liaison avec l’union ments des relations européennes doi­ politique et monétaire. vent s’inscrire dans un cadre atlantique Dans la période récente, la question avec un pilier ouest-européen dont la des dimensions militaires — sous cou­ Communauté pourrait être le centre de vert de « sécurité » — se fait plus gravité. pressante. C’est dans cette perspective que les Michel Rocard franchit un pas nouveau dirigeants occidentaux souhaitent déli­ dans ce sens quand il déclare : « Com­ miter le débat sur la place de munauté économique et politique, l’O.T.A.N., les prérogatives de la l’Europe des Douze a vocation pour C.E.E., les problèmes soulevés par traiter des questions de sécurité euro ­ une instimtionnalisation de la C.S.C.E. péenne, cela d’autant plus que les neuf Manfred Woemer, secrétaire général pays membres de l’U.E.O. en sont de l’O.T.A.N., est formel : « Je suis membres. » pleinement favorable à l’union politi ­ On évoque clairement une modifica­ que de l’Europe et à son identité en tion du Traité de Rome, qui permettrait matière de défense. A condition que à la Communauté d’intégrer pleine­ cela se fasse à l’intérieur de l’Al­ ment les questions de défense. liance. » Dans cet esprit la Communauté euro­ Et pour sa part Michel Rocard ne laisse péenne devrait constituer le noyau dur, planer aucune ambiguïté : « L’Alliance central d’une nouvelle architecture. atlantique reste le cadre incontesté de prise en charge des intérêts que nous Dans le deuxième cercle se trouverait gardons en commun — nul ne songe à les pays qui frappent à la porte de la le remettre en cause : peut-on d ’ail­ Communauté, mais pour lesquels les leurs imaginer que l’Europe tourne le conditions ne sont pas remplies. Pour dos aux Etats-Unis ? » eux, François Mitterrand avance sa proposition de Confédération euro- Cette question du droit de regard des péenne. Si l’on s’en tient à l’esprit de la Etats-Unis sur la sécurité des peuples proposition, l’U.R.S.S. ne serait pas d’Europe est bien une question clé. concernée. Elle pèse sur l’avenir de la C.S.C.E. R. Dumas explique que la Confédéra- 3. L’Albanie y assistait comme observateur.

93 Le sommet de Londres de l’O.T.A.N., comme on peut le voir pour l’O.N.U. au mois de juillet, a fixé l’esprit et le — avec un élément central l’O.T.A.N. contenu des relations entre l’Alliance et la C.S.C.E., en réaffirmant par ailleurs <•< La C.S.C.E. peut être très utile pour la pérennité de la dissuasion nucléaire prévenir les crises, ou les résoudre de et de la présence américaine. manière pacifique, indique M. Woer- ner. Mais pourrait-elle remplacer Début octobre, James Baker confirmait l’O.T.A.N. ? (...) Même les Euro ­ que « la nouvelle Europe doit être péens de l’Est — ils me Vont dit — fondée sur un cadre solide de principes pensent que VO.T.A.N. sera le pilier de marché (...) et sur les pierres de sécurité décisif de la nouvelle struc ­ angulaires qui se renforcent mutuelle ­ ture européenne. » ment que sont VO.T.A.N., la Commu ­ nauté européenne et la C.S.C.E. » La politique de force et de blocs, les Finalement à Paris on s’est mis d’ac­ critères capitalistes de domination mar­ cord sur certaines structures comme un quent des points face à la logique secrétariat permanent léger dont le antiblocs de la C.S.C.E. et face aux siège sera à Prague, un centre de efforts pour l’édification d’un système prévention des conflits, situé à Vienne, de sécurité collective. un bureau de contrôle des élections, un Cela est rendu possible par le fait que renforcement de relations entre parle­ moins de forces politiques et d’Etats mentaires. s’opposent aux ambitions occidentales. Cette institutionnalisation représente Au sein même de la C.S.C.E., c’est une avancée dans le dialogue et dans l’évidence, le rapport des forces s’est les mécanismes de confiance. Mais là profondément modifié depuis 1975. aussi il s’agira de veiller à ce que cet Peut-être faut-il rappeler que pour arri­ effort s’inscrive bien dans l’esprit de ver à l’Acte final d’Helsinki, en 1975, l’Acte final, c’est-à-dire ne porte pas il a fallu d’énormes efforts, plus de dix atteinte au libre choix des peuples. ans de luttes ; il a fallu que l’aspiration En outre, dans leur déclaration com­ à la détente, la lassitude devant les mune, les vingt-deux membres des tensions de la guerre froide soient deux alliances s’engagent à « s’abste­ grandes, comme la ténacité des pays nir de recourir à la meruice ou à socialistes. Il a fallu contraindre les l’emploi de la force (...) Ils reconnais ­ puissances occidentales à admettre sent que la sécurité est indivisible et l’existence des pays socialistes, et en que la sécurité de chacun de leur pays particulier de la R.D.A., finalement est indissociablement liée à la sécurité reconnue en 1972. de tous les Etats de la C.S.C.E. » Il n’est pas inutile de rappeler aussi les Cette déclaration confirme le bien- efforts et les campagnes menées dans fondé des exigences des forces paci­ ce sens par le Parti communiste fran­ fistes. C’est aussi un point d’appui çais pour promouvoir les idées de pour obtenir de nouvelles avancées sécurité collective, pour la détente et concrètes. Car rien n’est définitivement pour populariser et défendre les acquis acquis, et des obstacles subsistent. d’Helsinki...'* Quels que soient les résultats des dis­ Il a fallu ensuite beaucoup d’efforts et cussions, les compromis, les éléments de volonté pour maintenir et dévelop­ essentiels qui se dégagent confirment per le processus C.S.C.E., que l’on les analyses faites par le P.C.F. à son prétendait déjà défunt au lendemain 26® Congrès et depuis. d’Helsinki. Et que d’efforts aussi pour préserver les acquis de la détente au Les puissances occidentales, avec à milieu de la tourmente des euromissiles leur tête les Etats-Unis, essaient d’oc­ dans les années 1980 ! cuper le terrain à tous les niveaux, C.E.E., Alliance, C.S.C.E. et investis­ 4. Acte final d ’Helsinki, introduction de Jacques sent les instances internationales — Denis, Editions sociales, 1975. réduction. Au contraire, les matériels renforcement militaire sont adaptés aux évolutions du contre sécurité contexte international et aux éventuels Il ne s’agit pas d’être pessimistes ou « théâtres d’opérations ». optimistes, mais d’essayer de bien éva­ Dans le domaine nucléaire, on se luer les chances d’avancées et les dirige, selon toute vraisemblance, vers obstacles. Or, à l’évidence, les choix un accord américano-soviétique sur les des grandes puissances capitalistes, armements stratégiques vers la fin de soutenus maintenant par les gouverne­ l’année ou début 1992. Cet accord ments de plusieurs pays de l’Est, ne porterait sur une réduction de 30 % et vont pas dans le sens du désarmement, non plus sur la moitié comme annoncé. de l’abandon des politiques de force et D’autre part, à la suite du traité de domination, dans le sens d’une C.F.E.l, la question des armes application ambitieuse des principes de nucléaires de courte portée est posée ; l’Acte final d’Helsinki. élimination totale, demandent les En ce qui concerne directement le forces pacifistes, alors que les puis­ cadre européen, les opérations dans le sances occidentales souhaiteraient se Golfe ont été l’occasion de coopéra­ limiter à une réduction partielle. tions militaires intenses au travers de Ainsi la « dissuasion nucléaire », en l’Union de l’Europe occidentale perpétuelle « modernisation », reste (U.E.O.). Le 27 août, pour la première plus que jamais le credo de l’O.T.A.N. fois depuis la création de cette alliance quoi qu ’il arrive à l’Est. militaire, en 1954 au lendemain de D’autre part, pour faire face à la l’échec de la Communauté européenne « menace du Sud », on cherche à de défense (C.E.D.), les chefs d’état- diversifier les capacités d’intervention major se sont réunis pour mettre au outre-mer : il s’agit de disposer de point une stratégie commune sous forces mobiles, de forces d’action l’impulsion de la France. rapide telles qu ’on les expérimente A propos de l’O.T.A.N., dont la dans le Golfe, pour « frapper plus vite, sphère d’influence s’est élargie en pro­ plus loin, plus fort », selon les paroles fondeur à l’Est, il y a débat maintenant du rapporteur de la commission de la sur la manière de faire accepter une Défense, le député socialiste J.-M. extension de sa zone d’intervention Boucheron. vers le Sud. C’est en fonction de ces données et de On a vu aussi comment la crise du contraintes budgétaires amplifiées par Golfe a été l’occasion de pressions la pression des exigences sociales et américaines accraes sur les alliés pour pacifistes que l’on rediscute les pro­ un meilleur partage du fardeau et des grammes d’équipements. tâches. Bonn et Tokyo, impliqués En France, pour le budget 1991, on n’a comme jamais auparavant, envisagent touché à aucun programme. Les crédits des modifications de leur Constitution d’équipement restent en augmentation. pour pouvoir participer à des opéra­ La loi de programme doit être révisée tions militaires dans le monde. Au l’an prochain. Le quotidien les Echos Japon, cependant, la pression pacifiste note que, quelles que soient finalement a été si forte que le gouvernement, les décisions arrêtées, « tout le monde finalement, a dû renoncer. Ce qui s’accorde sur un point : il devient illustre bien les possibilités ouvertes urgent aujourd ’hui de trouver un par l’action. moyen de rétorsion face aux nouvelles menaces du Sud (...) en travaillant adaptation notamment à la précision des missiles (...) ou en imaginant d’autres solu ­ des stratégies tions dérivées par exemple de l’arme à Au plan des armements, jusqu ’à l’ac­ neutrons. » cord C.F.E., on n’a assisté à aucune Quand le quotidien patronal dit « tout le monde », évidemment il s’agit d’une ment et d’instrumentalisation de la unanimité à droite et du côté du pou­ C.S.C.E. voir. De son côté, M. Rocard a insisté les enjeux pacifistes devant l’Institut des hautes études de Défense nationale (I.H.E.D.N.) sur En même temps, comme le relèvent l’intérêt de la coopération nucléaire nombre d’observateurs, l’opinion avec Londres, pour réaliser notamment aspire à une détente réelle. Elle est un missile aéroporté de longue portée, disponible à des idées nouvelles, avec qui pourrait être utilisé indifféremment la perte de crédibilité de la « menace pour menacer ou frapper l’U.R.S.S. et soviétique », la disparition du Pacte de le Tiers monde. Varsovie, le nouvel accord de désar­ mement. Cet effort d’adaptation, de sophistica ­ tion explique le refus obstiné des puis­ Ainsi les batailles pour le désarmement sances capitalistes, la France en tête, et la sécurité en Europe trouvent de de négocier sérieusement l’arrêt des nouvelles raisons de se développer. expériences nucléaires. L’intégration du thème de la réduction des dépenses militaires dans les reven­ La Conférence sur le Traité de non- dications lycéennes confirme la sensi­ prolifération nucléaire, en septembre, bilité et la crédibilité d’un tel objectif. s’est terminée par un échec, les puis­ La campagne du P.C.F. pour la réduc­ sances atlantiques s’opposant à une tion de 40 milliards des crédits d’arme­ résolution du Mexique appelant à accé­ ments au profit de l’éducation et de la lérer les discussions pour un traité total recherche y trouve un nouveau souffle. d’interdiction. Plus directement est posé l’enjeu du Cette question des essais n’est pas contenu de la C.S.C.E., de cette étrangère à la sécurité en Europe. Les « nouvelle architecture de la sécu­ expériences nucléaires, notamment rité », dans le cadre d’un système de celles effectuées par la France en Poly ­ sécurité globale. nésie, sont indispensables pour renfor­ La lutte pour un système de sécurité cer le potentiel nucléaire, et perpétuer collective appelle une contestation ainsi sur notre continent — comme massive et déterminée de l’intégration dans le monde — la menace de la de l’Allemagne dans l’O.T.A.N. et dissuasion nucléaire. une action résolue pour la dissolution La campagne pacifiste pour leur inter­ des blocs. Ce qui, compte tenu de l’état diction a pris un nouvel élan. L’appel de délabrement du Pacte de Varsovie, lancé à Créteil, en septembre, par le signifie la mise en cause de l’existence Bureau international de la paix, à de l’O.T.A.N. l’initiative de l’Appel des Cent, avec le La question du statut militaire de la soutien de la plupart des mouvements grande Allemagne n’est pas close. Au pacifistes, et auquel le P.C.F. s’est contraire. Une Allemagne démilitarisée joint, pour une campagne mondiale, et neutre, dans un processus de désar­ connaît dans ce contexte un grand mement en Europe, c’est la seule pers­ retentissement. D’autant que début jan­ pective répondant aux exigences de vier s’ouvre à New York, à l’O.N.U., paix, à terme, sur le continent, et une conférence internationale d’exa ­ compatible avec la sécurité collective. men des traités d’interdiction partielle. De la même manière, avec la question Une occasion pour faire entendre la du devenir de l’O.T.A.N. est de fait voix des peuples. Et pour exiger de la posée la question des relations avec les France qu ’elle signe ces traités. Etats-Unis. Qu’est-ce qui justifie une En comparaison des années 1970, les intervention politique directe des Etats- pacifistes sont donc confrontés à des Unis dans le processus paneuropéen, si défis nouveaux, avec le renforcement ce n’est la logique de blocs et de de l’O.T.A.N., le risque de dévoie­ domination ? Imagine-t-on les deux Grands partici­ conférences, pour une « Europe sans per de droit à des systèmes de sécurité missiles et sans blocs », avec le soutien régionaux existants ou envisageables du P.C.F. et d’organisations diverses. dans le monde ? C’est pour ce rassemblement que tra­ N’y a-t-il pas là un anachronisme vaillent les communistes quand ils pré­ quand grandit justement chez les peu­ parent leur 2T Congrès en discutant de ples l’aspiration à jouir d’une pleine leur action pour une France active en souveraineté pour répondre aux faveur du désarmement et pour un besoins de démocratie, de coopération système de sécurité collective : « Face et de développement ? à cette escalade, dit le projet de résolu­ Entre les peuples d’Europe et des tion, la seule perspective pour la Etats-Unis il y a d’autres rapports à garantie de la sécurité et la souverai ­ bâtir. Pour les forces démocratiques, neté de notre pays c’est une politique populaires, progressistes, pacifistes de énergique pour parvenir à l’interdic­ notre continent et d’Amérique du Nord tion de tous les essais nucléaires, un champ de coopération est ouvert. empêcher la dissémination et aboutir à l’élimination de toutes les armes Dans le même ordre d’idées, les événe­ nucléaires et de destruction massive, ments du Golfe ont stimulé des rappro­ de pair avec l’action de la France pour chements entre forces pacifistes de la l’édification d’un système de sécurité Méditerranée. On le sait, la C.S.C.E. fondé sur le désarmement, le respect comporte un volet Méditerranée. de la souveraineté de chaque Etat et le En luttant contre les interventions mili­ développement de coopérations pacifi ­ taires, contre les campagnes sur « la ques dans l’intérêt de tous les peu­ menace du Sud », pour le désarme­ ples. » ment naval, contre des relations de Oui, la situation appelle de grands domination, il s’agit de promouvoir par changements. Mais leur contenu, et la l’action d’autres contenus de coopéra­ mise en œuvre d’une pensée nouvelle tion pour le développement et pour exigent une élévation du niveau des d’autres relations internationales. A cet luttes et de l’intervention des peuples. égard la zone méditerranéenne est exemplaire des enjeux de l’intervention des peuples, pour édifier un nouvel ordre équitable et pacifique. Les luttes pour la dissolution des blocs, pour le retrait des bases et des troupes étrangères, pour la réduction des dépenses d’armement, contre les inter­ ventions dans le Tiers monde, pour l’élimination des armes nucléaires, pour l’arrêt des essais, toutes ces luttes pour une autre sécurité dans le monde et en Europe permettent de larges convergences et un rassemblement puissant. Au sommet de Paris, les opinions publiques ont été présentes. Des délé­ gations de mouvements, d’organisa­ tions non gouvernementales ont été reçues. Des centaines de messages ont été adressés aux chefs d’Etat présents. Le 19 novembre, pour l’ouverture, des organisations pacifistes françaises et de pays de la C.S.C.E. appelaient à un rassemblement devant le centre des socialisme u.r.s.s. : tout est ouvert serge leyrac*

L’U.R.S.S. aborde en ce moment une démocratie, initiative phase décisive, « critique » dit Mikhaïl Gorbatchev, de son histoire. Rompant Dès 1985, la perestroïka et la glasnost avec le mécanisme économique autori­ ont fait faire des progrès énormes à la taire, administratif et hautement centra ­ démocratie politique. Englués dans les lisé mis en place par Staline et main­ difficultés grandissantes de la vie quo­ tenu vaille que vaille sous Brejnev, tidienne, nombre de Soviétiques, et pas l’Union soviétique s’apprête à passer à seulement eux, en viennent aujour­ l’économie de marché. C’est un choix d’hui à oublier le souffle libérateur et stratégique. Ses effets vont bouleverser enthousiasmant des débuts de la peres­ tous les domaines : politique, écono­ troïka. On recouvrait les libertés mique, social, psychologique, moral, d’expression, de pensée, de cons­ les relations entre les Républiques, les cience. Le respect des droits de rapports internationaux. Avant même l’homme devenait la loi dans un pays d’entrer dans les faits, il cristallise les qui tendait à s’établir en Etat de droit positions politiques dans le pays, pres­ socialiste. Les Soviétiques étaient que depuis le début de la perestroïka. appelés à reprendre leur histoire en main. Aux yeux de tous les hommes de Cette décision stratégique a été consa­ progrès dans le monde, le socialisme crée en juillet dernier par le P.C.U.S. à redevenait ce qu ’il n’aurait jamais dû l’occasion de son 28® Congrès. Depuis, cesser d’être ; un haut lieu de la démo­ après de longs débats et réflexions, le cratie et de l’initiative humaine. Soviet suprême de l’U.R.S.S. a adopté Si les réformes politiques ont avancé à les « orientations fondamentales pour pas de géants, celle de l’économie a la stabilisation et le passage à l’écono ­ tardé à venir. Ce n’est pas le fait du mie de marché » définies par le Prési­ hasard. Remodeler les structures politi­ dent de rU.R.S.S. Le débat qui a ques d’un pays n’entraîne pas obliga- précédé ces orientations est-il ter­ miné ? Tout porte à croire qu ’il va * Journaliste à l'Humanité, correspondant permanent connaître une nouvelle ampleur. à Moscou. Affrontements, contradictions, menaces d’éclatement, réformes économiques et politiques : les informations en provenance d’U.R.S.S. suscitent de multiples questions. L’auteur, un des eorrespondants de VHumanité à Moseou, fournit ici un certain nombre d’éléments sur une réalité en plein bouleversement.

toirement de grands déséquilibres, sur­ des demi-mesures. Le mot d’ordre tout dans les cas où les changements d’une accélération dont les techniques satisfont enfin des aspirations large­ modernes seraient la locomotive fait ment répandues. Mais bouleverser long feu. Les premières mesures visant intégralement le fonctionnement d’une à donner une large autonomie aux économie à l’échelle d’un pays de 300 entreprises dans le cadre de la gestion millions d’habitants, qui plus est dans planifiée centralement, après quelques un environnement international marqué minces progrès, s’essoufflent vite. Les alors par la course aux armements contradictions entre autonomie finan­ nucléaires, était une affaire d’une gra­ cière des entreprises et centralisme vité extrême. Il fallait en accepter entraînent de nouveaux désordres dans l’idée avant même de définir une la production et une dégradation de conception claire des bases sur les­ l’approvisionnement en biens de large quelles on entendait asseoir cette éco­ consommation. nomie nouvelle. Pour le P.C.U.S., comme pour une grande part de la Lors de la Conférence nationale du population, ce fut une mutation sou­ Parti, en juin 1988, Mikhaïl Gorbat ­ vent difficile. chev reconnaît : « Nous avons sous- estimé toute la profondeur et le poids Tout acquis qu ’il était aux change ­ des déformations du passé. .. La ments, dans son rapport au 27® réforme économique se réaliserait sen­ Congrès, en février 1986, Mikhaïl siblement mieux si le conservatisme Gorbatchev n’envisageait encore que n’était pas aussi vivace dans l’appareil des aménagements importants à la de gestion. » Suivi par la conférence, structure de l’économie nationale le Secrétaire général du P.C.U.S. maintenue pour l’essentiel. Ni lui- pense que la réforme des institutions même, ni l’énorme majorité de la politiques, dans un sens démocratique, direction du Parti, et donc de l’Etat, est la condition préalable à la mise à n’étaient préparés à aller au-delà. Très l’écart des conservateurs et à la réalisa­ vite, la vie allait révéler l’inefficacité tion d’une réforme économique radi­ cale. Cette dernière va rapidement être groupe « interrégional », opposition résumée par la notion d’économie de disparate conduite par des hommes tels marché. que Boris Eltsine, Youri Afanassiev, Schématiquement, ceux que l’on Anatoli Sobtchak, Gavriil Popov, etc. désigne sous le vocable « conserva­ Il va devenir le bloc « Russie démocra­ teur », ce sont les partisans de tique » qui prend la direction du Soviet l’ancienne planification centralisée, suprême de Russie et de grandes villes améliorée mais maintenue. Ce sont les telles que Moscou ou Léningrad. Dans défenseurs du monopole du Parti sur les Républiques baltes d’abord, en toute la vie nationale. Ce sont souvent Moldavie, au Caucase, dans certaines des cadres du Parti et de l’administra­ régions d’Ukraine, la majorité revient à tion. Accrochés à leur pouvoir, ils des partis ou formations fortement tein­ abhorrent les changements porteurs tées de nationalisme et de séparatisme. d’incertitudes. Marquées par une forte Les uns et les autres ont pour caracté­ participation après une lutte dont ristique commune leur hostilité au l’intensité n’a d’égale que la confusion P.C.U.S. (tous les candidats se réclament de la Au départ, tous expliquent leur pilon­ perestroïka et défendent des pro­ nage du P.C.U.S. par leur volonté grammes aux différences microscopi­ d’« aider » la perestroîLa et Gorbat ­ ques), les élections au Parlement de chev à surmonter l’obstacle conserva­ ru.R.S.S. au printemps 1989, aux teur. Affectant d’oublier que le soviets locaux et des Républiques à P.C.U.S. est l’initiateur de la peres­ l’automne de la même année, ont troïka, ils le présentent comme un haut éliminé une part décisive de ces lieu du conservatisme. Explication qui conservateurs. En même temps, ont au fil des congrès et des réunions du surgi des majorités nouvelles dans Comité central du Parti, avec la remise nombre de Républiques et de soviets des pouvoirs aux soviets, perd de son locaux, constituées par des hommes sens. Mais ils n’en ont cure. dont la plupart ont leur carte du Parti La deuxième ligne d’assaut, c’est dans leur poche mais le combattent l’abolition du rôle dirigeant du avec une virulence grandissante. Car P.C.U.S. inscrit dans la Constimtion. très vite, le monolithisme superficiel de C’est un fait acquis, avec l’approbation la société soviétique a volé en éclats. du P.C.U.S., au début de cette année. Celle-ci apparaît toute entière traversée Le pluripartisme est reconnu de droit, par des courants politiques et idéologi­ le Parti communiste n’est plus l’unique ques profonds et divergents. Ces cou­ gestionnaire omniprésent et omnipotent rants passent à l’intérieur comme à de la société. Désormais, il est rendu à l’extérieur du P.C.U.S. Le fait n’a rien son rôle de parti dont l’ambition est de surprenant ; en soixante-douze ans, d’accéder au pouvoir ou de le conser­ la société soviétique ne s’est pas uni­ ver par l’action politique, avec l’assen­ formisée. Elle comporte toujours des timent de la population et en coopéra­ catégories, des couches sociales et des tion avec les forces de progrès. nationalités dont les intérêts et les aspirations sont loin d’être superposa ­ La tactique employée par les adver­ bles. Seule l’absence de démocratie les saires du P.C.U.S. est simple. Elle empêchait de s’exprimer au grand jour. consiste à le déconsidérer en le décri­ vant comme un parti pétrifié dans son passé, auquel le stalinisme est consubs ­ une véritable tantiel. Incapable d’évoluer, il est tenu bataille politique pour unique responsable de la débâcle économique présente et des pénuries L’axe des affrontements politiques a généralisées. Exploitant au maximum évolué au gré des circonstances, mais la déception puis le mécontentement rapidement le P.C.U.S. s’est trouvé en naturels de la population en proie à des position de forteresse assiégée. Au difficultés croissantes, ces forces poli­ Parlement soviétique s’est formé un tiques ont élargi leur attaque à la Révolution de 1917 elle-même. On l’a ble alors s’emballer jusqu ’à l’étourdis­ vu à l’occasion du 72‘^ anniversaire sement. On s’essouffle à Moscou à d’Octobre. suivre l’actualité. En moins de six Dans leurs analyses, celle-ci — la années, le panorama soviétique a été Révolution d’octobre 1917 — est bouleversé de fond en comble. En transformée en un putsch bolchévik, un économie, les décombres du système coup d’Etat qui a dévié le cours naturel antérieur n’ont pas encore été déblayés. de l’histoire de la Russie pour le plus Le nouveau mécanisme n’est pas grand malheur de ses peuples. En encore mis en place, tout grince, tout évacuant la Révolution et le socialisme tressaute, les hommes et les choses. A qu ’elle a enfanté, la Russie, les peuples l’orée de ijhangements décisifs, de ru.R.S.S. actuelle retrouvent leur l’angoisse de l’inconnu se diffuse, authenticité. Ils deviennent disponibles aggravée par des pénuries dues à pour un progrès général auquel il accé­ l’incurie ou à la spéculation. Une chose dera en passant à toute vitesse à l’éco­ est certaine cependant, le retour au nomie de marché. passé est exclu. Le reproche est souvent fait à Mikhaïl Gorbatchev, en U.R.S.S. comme à quelle économie l’étranger, de tergiverser, d’hésiter, de de marché ? trop rechercher le compromis laissant filer ainsi le moment propice à la prise Lorsque le P.C.U.S. se prononce pour de décision. Cette critique a été très le passage à l’économie de marché et la forte à propos des problèmes nationaux rupture avec les systèmes de comman­ et de la réforme économique. dement administratif, il y voit un moyen de rendre le travailleur maître Dans ce dernier domaine, elle a émané de la production, de stimuler son initia­ très tôt de la part des membres de tive. D’où la reprise, nullement cir­ l’actuel bloc « Russie démocratique » constancielle, des mots d’ordre de la et des organisations séparatistes de Révolution d’Octobre au défilé du 7 certaines Républiques. On pouvait novembre dernier : les usines aux l’entendre aussi de la bouche de mem­ ouvriers, la terre aux paysans, la paix bres du P.C.U.S. Sous le couvert de la au monde, des peuples souverains. Le lutte contre les conservateurs, hommes dirigisme étatique antérieur aliénait le politiques et économistes réputés prô­ producteur en le privant de la possibi ­ naient la fin du carcan étatique, la lité d’intervenir réellement dans la ges­ liberté économique la plus grande, le tion : l’homme était ravalé au rang marché. Ainsi se sont-ils forgés une d’instrument d’exécution d’un plan réputation de « progressistes », de obligatoire (le plan c’est la loi, disait- représentants de la « gauche radi­ on), établi dans un olympe hors de sa cale ». Radicale, parce qu ’elle prétend portée. C’est pour en finir avec une aller plus vite et plus loin dans les telle situation, cause d’un retard tech ­ réformes économiques qu ’un Gorbat ­ nologique alarmant, de plus en plus chev qu ’elle décrit empêtré dans sa Inefficace et coûteuse, gravement dom­ lutte avec les forces conservatrices au mageable aux Individus comme à la sein du Parti. Plus vite ? plus loin ? collectivité, qu ’a été adopté le passage mais où ? au marché. Quand on examine l’évolution de Pour le P.C.U.S., c’est un moyen de l’U.R.S.S., depuis 1985, elle apparaît libérer l’initiative, de libérer l’initiative marquée par une accélération des évé­ des hommes à tous les niveaux, de nements. Mikhaïl Gorbatchev consi­ stimuler la productivité du travail, dère la perestroïka comme une d’encourager la fabrication de mar­ deuxième révolution, pacifique celle- chandises compétitives et satisfaisant là, après octobre 1917. largement la demande intérieure. Mais Une des caractéristiques des périodes en s’engageant vers le marché, Mikhaïl révolutionnaires est que l’histoire sem­ Gorbatchev mettait en garde les Sovié­ tiques : « le marché n 'est pas la pana ­ montrer certains aspects de la pauvreté cée. » dans cette ville. Cela ne cadrait pas avec la belle image de la vie aux Etats- Depuis plus d’un an on assiste en Unis que l’on voulait montrer à des Union soviétique à une sorte de fétichi- téléspectateurs soviétiques revenant de sation du marché. Economistes, politi­ longues attentes devant leurs magasins ciens « radicaux » opposent la pau­ dénudés. Comment une population qui vreté des magasins soviétiques à aspire légitimement à en finir avec ses l’abondance des supermarchés occi­ difficultés quotidiennes croissantes ne dentaux. Ils en font la preuve de serait-elle pas séduite par le modèle l’efficacité, de la souplesse du marché, occidental sous un pareil emballage ? tel qu ’il fonctionne dans le système capitaliste. Dans leur esprit, le marché c’est la liberté d’entreprise, le jeu sans au-delà des mots restriction de l’offre et de la demande pour la force de travail, pour les Dans le débat politique et économique moyens de production, pour la mar­ en U.R.S.S., les mots eux-mêmes por­ chandise. Prenant le contre-pied absolu tent une lourde charge d’ambiguïté. On de l’étatisation totale antérieure, ils parle de : « dépolitisation », « dési­ prônent un libéralisme économique déologisation », « démonopolisa­ comparable souvent à celui de M™® tion », « privatisation », « esprit Thatcher ou de Milton Friedmann. d’entreprise », etc. Ces termes recou­ Leur description idyllique de la « réus­ vrent des réalités contradictoires pro­ site » occidentale ignore délibérément pres à désarçonner le public soviétique le revers de la médaille, quand ils ne aussi bien que l’observateur étranger l’intègrent pas comme une donnée qui tente de saisir les réalités de naturelle à toute économie. C’est ainsi ru.R.S.S. à travers des grilles de qu ’on pouvait lire le 9 août dernier, lecture occidentales. sous la plume du commentateur écono­ La « dépolitisation », par exemple, mique des Izvestia, Mikhaïl Berger,: implique au départ que, dans les entre­ « A tel ou tel degré, le chômage est prises, les administrations, l’appareil inhérent au marché, dans la mesure où d’Etat ou ailleurs, un parti — le le marché du travail en est un élément P.C.U.S. en l’occurrence —, n’inter­ important. Mais je pense que même vienne plus directement dans la gestion nos coopérateurs dont la réussite est la ou la prise de décision. C’est une plus grande ont un niveau de revenu nécessité absolue reconnue pour telle qui est loin d ’approcher les allocations aujourd ’hui par le P.C.U.S. Elle de chômage en Amérique ou au concerne également le mouvement Japon. » syndical ou d’autres organisations qui Dans cet échantillon de la littérature entendent se dégager de l’emprise pré­ économique moyenne en U.R.S.S. on cédente du P.C.U.S. et agir en toute retrouve, pêle-mêle, l’idée de la fatalité indépendance. du chômage et des illusions formida­ Mais les adversaires du Parti commu­ bles sur la vie à l’Ouest qui laissent niste poussent plus loin en voulant d’un pantois les observateurs occidentaux même mouvement interdire le droit à les mieux disposés envers le système l’activité politique dans les entreprises, capitaliste. Les journaux et la télévi­ dans les services publics tels que la sion jouent à cet égard un rôle particu­ police, l’armée, le K.G.B., la justice, lièrement néfaste. Au point qu ’une l’enseignement, la santé. Des projets journaliste de la Komsomolskaïa de lois en ce sens sont en cours de Pravda elle-même racontait, pour s’en préparation ou déjà adoptés, dans cer­ indigner, comment une équipe de la taines Républiques baltes ou cauca­ télévision soviétique qui « couvrait » siennes ou localement. On voit les cet été les Jeux de la bonne volonté à dégâts pour la démocratie que peuvent Seattle avait abasourdi ses accompa­ provoquer ces « ultra-démocrates » si gnateurs américains en refusant de on ne leur riposte pas.

102 La « désidéologisation » participe du de sa participation à la gestion, consi­ même principe que la « dépolitisa­ dère Mikhaïl Gorbatchev. tion ». Jusqu ’à la perestroiJca, la vie de Dans ce contexte, la propriété peut la société comme les relations interna­ prendre des formes très variées : col­ tionales ont été marquées par l’idéolo­ lective, gérance, bail, coopérative, gie du parti au pouvoir, de la lutte des individuelle, familiale ou privée. Les classes, à l’exclusion de toute autre. partisans libéraux du marché tirent la Au moment où la nouvelle pensée privatisation le plus possible vers un politique donne la priorité aux valeurs maximum de propriété privée de universelles, les présupposés idéologi­ moyens de production et d’échange. ques sont tenus pour néfastes et doivent Ainsi, la terre doit-elle être remise aux donc être éliminés. S’il était indispen­ paysans en toute propriété ou à bail sable d’en finir avec le monopole quasiment ? Ce sera aux Soviétiques idéologique du P.C.U.S., fallait-il de donner la réponse. Mais est-ce la pour autant laisser sans réponse l’appel vraie question ? Si des mesures ne sont laneé par les « radicaux » à la mort de pas prises, ne risque-t-on pas demain l’idéologie ? Au sein du P.C.U.S., les de voir surgir des grosses propriétés différences de jugement étaient sensi­ terriennes dévorant les petites ? bles entre Alexandre Yakovlev et L’actionnariat ne risque-t-il pas demain Edouard Chevardnadzé d’une part, de se traduire par des gros paquets Vadim Medvediev de l’autre. Actuelle­ d’actions entre les mains de quelques- ment, ce thème tend à s’effacer. Chas ­ uns, voire de groupes étrangers ? La sée par la porte de service, l’idéologie question n’est pas réthorique quand on revient par la porte d’entrée. voit l’entreprise géante de camions Kamaz placer une partie de ses actions La « démonopolisation » vise à créer sur le marché boursier occidental. les conditions de la concurrence, soit en donnant naissance à de nouvelles « L’esprit d’entreprise » vanté par une entreprises indépendantes dans le multitude de revues et journaux d’af­ même domaine, soit en scindant les faires ou professionnels soviétiques secteurs monopolistes existants. Quand peut se concevoir de différentes on connaît les conséquences affli­ manières. Soit comme un sens louable geantes du monopole d’Intourist ou de l’initiative et de la responsabilité d’Aéroflot sur le tourisme ou l’aviation personnelle, tant bridé jusqu ’à présent, civile, pour ne prendre que ces exem ­ soit comme un encouragement à la ples, on ne peut que saluer un tel tristement fameuse mentalité de processus. Mais face aux géants des « gagneur » à tout prix et à n’importe multinationales, comment les firmes quel prix, le profit devenant le critère soviétiques comptent-elles prendre leur suprême du succès. place ? Qu’est-ce qui est monopole en Le caractère abstrait de ces concepts a U.R.S.S. : les sovkhozes, les kol­ permis d’entretenir jusqu ’ici une khozes rentables aussi ? grande confusion autour du débat sur le marché et sur la réforme économique La « privatisation » est l’objet d’une en général. La nécessité d’en finir avec discussion lourde de conséquences les déformations passées est exploitée dans le cadre d’un débat plus vaste sur par les adversaires du socialisme et de la propriété. Jusque-là, l’Etat avait tout son vecteur essentiel, le P.C.U.S., pris en main, des entreprises aux maga­ pour faire passer des solutions capita­ sins et services. Enserrées dans un listes en U.R.S.S. En ce sens le mort carcan administratif étroit, les coopéra­ saisit encore le vif. Et des hommes tives agricoles n’étaient que nominale­ qu ’en Occident l’on situerait indiscuta­ ment Indépendantes. Le résultat en a blement à droite, peuvent ici se parer été le désintérêt pour le travail et son de l’étiquette de « gauche radicale ». produit. Le fait d’être le maître, le propriétaire de son travail est une A la confusion des idées s’ajoutent condition de l’initiative du travailleur. l’ignoranee normale des conditions

103 réelles du fonctionnement du marché ru.R.S.S. de ses « orientations fon­ capitaliste, le désarroi ou l’exaspéra ­ damentales pour la stabilisation et le tion suscités par des pénuries de plus passage à l’économie de marché ». en plus insupportables. Situation qui Elles sont plus souples qu ’un pro­ encourage le chacun pour soi, l’isola­ gramme préétabli et laissent à chaque tionnisme des Républiques, des République le soin de déterminer ses régions, voire des villes. Que nombre propres solutions. de Soviétiques soient prêts à accepter Le 28® Congrès constitue un tournant tout programme leur promettant une dans l’histoire du P.C.U.S. Un terme y issue rapide à la crise s’explique aisé­ est mis à la confusion entre le Parti et ment. Pourtant, un début de clarifica­ l’Etat. Organisation politique qui agit tion semble s’esquisser. pour la réalisation d’un socialisme démocratique et humain, le P.C.U.S. la prise en compte est ouvert à la coopération avec toutes du réel les forces favorables au progrès, dans le cadre de la voie socialiste. C’est un La séduction du marché a commencé à parti dont la rénovation est fortement être altérée par la crainte de ses consé­ engagée, non sans oscillations, aussi quences éventuelles sur l’emploi, la bien dans ses cadres que dans la protection sociale et le niveau de vie conception de son rôle. des gens. Petit à petit, ceux-ci com­ Autre donnée importante, le 28® mencent à prendre conscience que le Congrès s’est dégagé du faux dilemme marché est comme la langue d’Esope : où ses adversaires voulaient l’enfer­ la meilleure ou la pire des choses, mer ; pour ou contre le marché. Il se selon l’usage qui en est fait. prononce sans réserve pour le marché Tout au long de l’année, le débat s’était et appelle en même temps les commu­ cristallisé autour de deux conceptions nistes à agir partout pour la défense des du passage au marché : d’un côté, celle intérêts de la population. Ce qui n’est de l’académicien Chataline, adoptée pas superflu quand on sait que le mot par Boris Eltsine pour la Russie et « régulée », accolé à l’économie de approuvée un moment par Mikhaïl marché dans le programme gouverne­ Gorbatchev. D’autre part, celle du mental, a fait pousser les hauts cris aux gouvernement et de l’académicien partisans du libéralisme. Abalkine. Pour Chataline, il faut Enfin, au prix de compromis, le réduire au plus vite l’intervention de congrès a réussi à éviter une scission l’Etat dans l’économie, laisser jouer au souhaitée par certains dans le courant maximum la loi de l’offre et de la « plate-forme démocratique ». La demande. Il se propose de réaliser son prise de conscience des problèmes programme en 500 jours, d’où son posés par le marché a progressé un peu nom. Le gouvernement craignait les plus lors de la première réunion du conséquences sociales graves qu ’un nouveau Comité central du P.C.U.S. passage trop brutal au marché pou­ en octobre dernier. Certains de ses vaient entraîner : fermeture massive membres, notamment ceux d’origine d’entreprises, compression des person­ ouvrière, y ont posé la question de la nels, chômage, flambée des prix une propriété des entreprises « désétati- fois ceux-ci libérés, abaissement consi­ sées ». Mikhaïl Gorbatchev a répondu dérable du niveau de vie des catégories que la priorité doit revenir aux collec­ sociales les plus défavorisées. Des tifs de travailleurs, sous des formes à inquiétudes fondées se sont fait jour déterminer (actionnariat, bail, coopéra­ dans la population. Elles ont marqué tives...). Naturellement, cela n’ira pas les travaux du 28® Congrès du de soi. Le P.C.U.S. demande aux P.C.U.S., comme ceux du 19® organes du pouvoir de prendre des Congrès des syndicats soviétiques. On dispositions pour assurer le plein peut penser qu ’elles ont compté dans la emploi, la formation, le recyclage et le définition par le Président de placement des travailleurs ; et à ses militants d’y pousser... Il appelle à plus vite et plus loin, selon leur enten­ veiller à ce que le coût social de la dement. transition économique soit réduit au Nous ne sommes qu ’au début d’un minimum et que les couches sociales les plus défavorisées n’en soient pas les long processus à l’issue incertaine, victimes. Ainsi commence à mieux se dans un Etat fédéral où les tendances centrifuges s’accentuent, où les conflits concrétiser le programme d’action du interethniques et les tensions sociales Parti et les instruments de sa mobilisa ­ tion. peuvent à tout moment exploser. D’où les appels inlassables de Mikhaïl Gor­ On peut en dire autant du 19® Congrès batchev à la « consolidation » et à la des syndicats soviétiques, transformé concorde nationale alors que la crainte en Confédération générale des syndi ­ de la guerre civile fait frissonner une cats. C’est désormais une organisation grande partie de la population. indépendante dont la raison d’être est la Concorde indispensable, mais dont la défense des intérêts des travailleurs. traduction politique peut dérouter Cela posé, les uns et les autres ont un comme en témoignent les rapports apprentissage difficile à faire, au entre Boris Eltsine et Mikhaïl Gorbat ­ milieu de rudes attaques : rien n’est chev. définitivement acquis. L’U.R.S.S. vit un moment que le Président de l’U.R.S.S. a qualifié à un long processus maintes reprises de dramatique. Simul­ tanément, il s’exclamait le 7 novem­ Un début de ressaisissement s’est bre ; « Pas de panique ! » Tout, en manifesté également lors de la célébra ­ effet, peut arriver. Tout est ouvert. tion de la Révolution d’Octobre. Croyaient-ils le moment venu ? Ont-ils lancé un ballon d’essai ? Ce sont les maires de Moscou et de Léningrad, repris par d’autres, qui ont avancé l’idée de ne pas célébrer le 7 novem­ bre. Après les changements des noms de rues qui font disparaître Marx, Sverdlov, Frounzé et bien d’autres révolutionnaires, c’était un moyen détourné d’annuler une date de dimen­ sion universelle, de faire tomber dans l’oubli la Révolution d’Octobre et d’introduire ainsi de nouvelles « pages blanches » dans l’histoire, comme le stalinisme en a produit. L’important défilé populaire sur la place Rouge le 7 novembre, la mobilisation du Parti ce jour-là contrastaient avec l’échec des manifestations de « Russie démocrati­ que » ou d’autres groupes anticommu­ nistes. La vie, plus que les appels un peu incantatoires, contraint les commu­ nistes et les forces de progrès à réagir et à se ressaisir face à l’assaut que subis ­ sent le socialisme et les conditions d’existence. C’est ce que redoutent leurs adversaires qui misent sur le désenchantement général pour aller culture la question de la forme au XX® siècle jean-pierre jouffroy*

La peinture et la sculpture sont des « ordre du symbolique » qui vient activités humaines très anciennes. d’être évoqué, peut-on faire remar­ Sans doute, même, beaucoup plus quer, en cherchant la racine grecque que les premières traces connues de du mot « symbole », qu ’il s’agit du leur pratique : ne nous sont parvenus sens que l’on produit en opérant des que les objets qui ont pu résister aux si rapprochements. Cet « ordre du sym ­ diverses formes d’érosion et de pourri­ bolique » retrouve donc un domaine ture. Ces activités se sont toujours infiniment plus vaste que celui des opérées au travers de « formes ». Il diverses écoles artistiques et littéraires n’est pas inutile de s’interroger sur le à qui on a donné le qualificatif de statut de ces « formes », en particulier « symbolistes ». Toutes les facultés de sur leurs rapports avec les « formes » pensée, d’image, d’évocation, des qui existent indépendamment des hommes, relèvent de l’ordre du sym ­ hommes. bolique, quel que soit le rôle de la volonté et de la conscience. peinture et connaissance Quant aux formes qui sont le matériel signifiant des arts plastiques, si on ne En effet les formes de la peinture et de peut pas dire que c’est le seul objet de la sculpture ont quelque chose de réflexion, à propos de cette pratique commun avec les formes indépen­ humaine, leur compréhension, la dis­ dantes des hommes : c’est leur exis ­ cussion sur leur statut est toutefois tence même. Mais aussi quelque essentielle. chose qui les différencie : elies appar­ tiennent en même temps à l’ordre du Par exemple, la question de leurs rap­ réel comme il vient d’être dit, et à ports avec les formes indépendantes l’ordre du symbolique comme produc­ des hommes est très intrigante et, tion humaine. La peinture et la sculp­ contrairement aux idées reçues, ne va ture sont à la fois des objets et des pas de soi. images. * Peintre, sculpteur, responsable du secteur des plasti­ Pour éviter les égarements possibles ciens à la Commission culturelle du Comité central du sur la signification de ce fameux P.C.F. Cette réflexion sur les problènnes des formes dans les arts plastiques au XX® siècle vise à ouvrir des portes pour une meilleure appréhension de l’art d’aujourd’hui mais aussi à éclairer les rapports de l’art à la société. C’est le texte un peu remanié de la préface à l’exposition de la Fête de l’Humanité : « 70 ans de peinture en France » que nous publions ici.

D’abord parce que l’affirmation de grand avec les formes indépen­ l’existence de formes indépendantes dantes : leur validité s’éprouve à la de nous passe par une dépendance : capacité qu ’elles nous donnent plus celle de nos propres facultés de per­ ou moins d’intervenir sur les formes ception et d’imagination (au sens pro­ indépendantes. pre du terme). La saisie des formes ne peut s’opérer qu ’au travers de notre C’est ainsi que, de proche en proche, système symbolique, dont rien ne le traitement pictural de la forme révèle nous permet de poser en principe finalement les rapports d’une société, l’invariabilité. Notre imagination des d’une civilisation, avec les forces formes indépendantes est donc rela­ matérielles : la compréhension de la tionnelle et, précisément, relationnelle forme (cette compréhension telle aux formes qui sont de l’ordre du qu ’elle apparaît dans ses possibles à symbolique. une époque donnée) se constitue bien comme l’intermédiaire nécessaire de Ce à quoi nous donnons le nom de l’action des hommes sur la nature et forme désignée, dans l’ordre humain entre eux. du symbolique, ce qui est médiateur entre nous et le réel dans toute sa Le principe est, en fait, vérifiable, non complexité, au travers des effets que seulement dans tout le domaine du le réel opère sur nous. vivant, mais comme principe de fonc­ Et les formes dont nous sommes à la tionnement de la matière elle-même. fois les inventeurs et les usagers sont On sait le rôle joué par les valences diverses. Certaines sont langagières. dans les agrégats d’atomes, qui fait D’autres musicales. D’autres plasti­ par exemple qu ’un atome d’oxygène ques. Toutes les formes de l’ordre du peut se lier à deux atomes d’hydro ­ symbolique n’ont donc pas le même gène pour faire de l’eau. On sait que statut. les cristaux ont une géométrie qui permet ou interdit les encastrements. Mais le caractère le plus important de On sait que les cellules de la matière toutes ces formes n’est pas dans leur vivante peuvent s’incorporer des élé­ degré de ressemblance plus ou moins ments étrangers en les reconnaissant par leur forme, autorisant ou refusant ments. Ce sont les poussées révolu­ l’accès. On sait que les espèces ani­ tionnaires. « La Renaissance » en est males, aux sens diversement déve­ une. Le XX® siècle aussi. loppés, ont des méthodes de connais­ Mais la diversité des méthodes n’est sance et de reconnaissance de pas l’apanage de notre modernité. l’espace et de la composition des Toujours le travail de sape du réel s’est objets qu ’elles rencontrent. Mais on opéré par plusieurs galeries, et il faut sait que ces différents modes d’appré­ du temps pour apercevoir le sens hension du réel sont fixés génétique­ général de démarches apparemment ment dans des possibilités plus ou si différentes. moins riches. C’était précisément le cas de la L’espèce humaine est dotée de tout Renaissance, où il aura fallu les éclo­ cet héritage. Elle y ajoute des possibi ­ sions originales des multiples courants lités variables de conscience de ces Italiens, des méthodes propres aux processus (et donc de capacité à les Flandres et aux Pays-Bas, de celles de faire évoluer) qui modifient fondamen­ l’Allemagne, sur lesquelles se sont talement cette base. branchés tous les courants euro­ De ce point de vue, la peinture est péens, pour construire cette nouvelle toujours, à la fols, un moyen de faire conception de l’espace et du temps, avancer cette conscience de la forme propre à une civilisation. comme intermédiaire entre les C’est dans ce processus que la pein­ hommes et les objets, et un témoin ture faite en France a comblé ce qui des Interactions possibles entre les avait initialement un certain retard, hommes et ces objets, en un moment d’abord par l’amalgame d’éléments historique donné. qui lui venaient du dehors, pour en Les étrangetés de la forme picturale au arriver à une irruption d’inventions et XX® siècle manifestent cela : la capa­ de capacités de réalisation qui carac­ cité de faire progresser l’emprise sur le térisent la seconde moitié du XIX® réel par une plus grande complexité de siècle. la conscience de la forme, et le témoi­ Mais il ne faut pas céder à une sorte gnage des rapports des hommes avec d’illusion rétrospective, tant pour le l’ensemble des objets matériels à XIX® que pour le XX® siècle, qui ferait notre époque. voir leur peinture comme un grand La prolifération des voles de la pein­ fleuve unique, même si impétueux, ture est le signe de la nécessité de coulant Inexorablement dans une développer tous les moyens humains direction fatale et univoque. Le sens disponibles pour faire progresser la des courants n’est pas uniforme. Et la conscience de la forme. diversité des sens témoigne des contradictions inhérentes à l’acte lui- Mais, évidemment, cette progression même de peindre et aux rapports creuse un écart avec la conscience entre l’exercice de la vision et le réel, générale de la forme, avec l’usage de l’Imaginaire dans l’entre-deux. la forme, tels que les modes d’inter­ vention divers de la population, y com­ Autre difficulté qui nécessite quelques précautions : bien que décrit ici du pris les progrès précédents de la con­ point de vue de la connaissance, le naissance, les ont constitués. processus n’est pas forcément animé Cet écart n’est pas le propre de l’épo­ par le désir de connaissance et par sa que contemporaine. Il a toujours conscience. Les motifs des artistes existé. Mais il se produit avec une ont eux-mêmes une diversité dérou­ soudaineté plus ou moins grande qui tante. Toutes les passions humaines permet une assimilation plus au moins agitent naturellement les peintres et rapide de ses acquis, suivant les sont les vecteurs de leurs percées, périodes. Cet accroissement de l’écart dans une connaissance dont ils n’ont est d’autant plus profond que l’époque pas obligatoirement la conscience. réclame des changements. Cette conscience, à regarder les faits Il y a des moments historiques où se de l’histoire de la peinture, n’est pas produisent d’immenses bouleverse ­ une condition obligatoire de la pro- Dans la longue bataille — non termi­ représentations au moyen de plusieurs née malgré des trompeuses appa­ modes concurrents qui se croisent rences — pour mettre l’art au pas, sans jamais pouvoir être superposés. c’est lui enlever beaucoup de sa Cela fait partie des atouts de l’espèce pointe offensive que de le présenter de disposer des systèmes concurrents comme simplement un acte de fantai­ des figurations sonores, visuelles, tac­ sie. On peut ainsi exalter la liberté, ce tiles et conceptuelles. Toutes ces figu­ qui fait toujours bien, puisqu ’on rations sont évidemment des abstrac ­ arrache ses canines à l’un des grands tions, mais de sortes différentes. Il n’y modes opératoires humains sur le réel. a pas de trop de toutes pour pouvoir On empêche la construction d’une opérer sur le monde. connivence profonde entre l’art et le La division sociale des modes opéra­ public en rendant ce public incapable toires, qui tend à rendre la peinture de voir les rapports objectifs de l’art et incompréhensible en la réservant à de la réalité. Les idées dominantes ont quelques spécialistes est un produit besoin de limiter la culture du public de la division du travail. Mais elle a une parce que la croissance de cette dimension politique puisqu ’elle orga­ culture risquerait d’abolir leur carac­ nise un déficit d’une culture pourtant tère dominant. nécessaire. La peinture est victime du Ce mécanisme aveugle éloigne les besoin des idées dominantes et de la gens de la fonction sociale peut-être la classe qu ’elle représentent de parquer Dius importante de la peinture ; les tous ceux qui travaillent sur les formes, ntroduire dans le monde des formes de telle façon qu ’ils soient dominés :omme médiation nécessaire vers le par ceux qui se réservent la maîtrise Tionde tout court. des mots. Tout ce qui est ouvrier dans .es idées dominantes se satisfont très l’homme doit être empêché de s’assu­ Dien que les effets de l’art soient rer de la maîtrise du monde, pour que imités à une sorte d’agitation affective puisse continuer la domination sociale je ceux qui le regardent. et politique. Tout ce qui est ouvrier dans l’homme, tout ce qui transforme ^ourvu que les gens n’en apprennent les formes, doit être astreint à cette Das trop. Telle est la règle sociale (qui seule tâche, restreint à être seulement l’est pas réservée à la peinture mais un objet, freiné dans son irrésistible gui lui est appliquée). tendance à devenir un sujet. Un sujet D’est dans la même ligne que sont humain. )pérées des coupures aberrantes Restituer à la peinture son rôle majeur jntre les différents modes de pensées dans la connaissance, c’est faire ce lumaines, modes de pensées qui sont qui est possible, dans ce domaine, es médiations de ses modes opéra- pour restituer aux hommes leur qualité oires. de sujet. I existe une convention explicite ou mplicite selon laquelle la « pensée » une dialectique historique serait exclusivement verbale et où la ogique ne résulterait que des règles de la peinture mposées à l’association des mots. Il Il faut dire d’abord ce que le XX® siècle îst facile de ridiculiser cette position. doit au XIX® et plus généralement à Elle est pourtant, elle aussi, domi- l’histoire de la culture plastique. lante. Comme si, à s’en tenir à ce seul errain de la logique verbale, les mots L’Impressionnisme amorce une criti­ s’étaient pas évocateurs d’images qui que de la notion, devenue convention­ tiennent troubler leur ordre. nelle au milieu du XIX® siècle, de l’espace, telle que tout l’effort long et I faut surtout souligner que les asso- gigantesque de la Renaissance l’avait siations de formes ont leurs règles, et produite. Cet effort est celui d’une eur logique, propres, et qu’elles se rationalisation, mais d’une rationalisa­ Droduisent dans une relative indépen­ tion mécaniste, qui impose à la dance. matière et à sa vision les mailles d’un En vérité, les hommes se font des réseau géométrique implacable. gression. Cette constatation est peut- ses découvertes pour produire la sui­ être irritante pour l’orgueil de la cons­ vante, souvent par des retours sou­ cience humaine, considérée à juste dains jetant la précédente, n’a pas titre comme le bien le plus précieux, besoin de la conscience des consé­ mais il faut se faire à cette originalité quences de son rôle dans le siècle des modes si complexes de chemine ­ pour avancer, même si la conscience ment de la connaissance qui alternent de sa force ne lui manque évidemment des phases de réflexion « pure » (ne pas. serait-ce pas encore une illusion ?) et tous les moments de manipulation et Les actes des peintres imposent des de transformation d’éléments précé­ conséquences imprévues sur la con­ demment acquis. naissance et sa théorie. Et c’est dans une indépendance relative, variable, Si, pour certains, nous avons le témoi­ de la conscience qu’ils ont d’agir sur gnage, certifié, y compris par des ce terrain. Leur peinture est tout en écrits, de leur intrusion volontaire dans même temps un témoignage de leurs le territoire de la théorie de la connais­ sentiments et une pointe avancée des sance — c’est par exemple le cas de instruments de connaissance donnéS| Cézanne — d’autres n’ont agi que par à l’espèce humaine, àses sociétés, en réaction à des façons de peindre qui toute liberté. ne leur convenaient pas (ou plus) et ont été contraints à en inventer d’au­ La forme est l’objet de cette réflexion tres, riches d’insoupçonnables qua­ La forme au XX® siècle. La forme lités de progression dans le tissu des picturale. idées qui relient les hommes aux actions matérielles. La forme transporte les sentiments, les passions, les appétits et la progrès Et dans tous les cas, les consé­ sion des modes opératoires de con quences sur la pénétration du réel naissance, d’une façon si mêlée qu ’or dépassent les motifs de ceux qui les a du mal à y passer le peigne poui promeuvent. distinguer les uns des autres. Pour beaucoup, outre leurs passions personnelles, c’est la peinture elle- Cette distinction est forcément artifi même qui provoque l’invention. Cela cielle et la dissection n’est autorisée n’est pas dit pour l’isoler de la société, que pour mettre l’accent sur ce qu pour isoler le processus de dévelop­ échappe le plus généralement à l’ap pement des idées picturales de la préhension de la peinture. complexité générale des actions il ne faut pas manquer, une fois fait« humaines, c’est seulement pour met­ l’analyse, de restituer à la peinture tre l’accent sur son rôle médiateur. toute sa richesse indémêlable, sa vie Pour les peintres, certes, mais pour Les peintres n’ont pas l’habitude tous ceux qui veulent bien emprunter d’aborder froidement la théorie de le ce chemin malgré les obstacles que connaissance. dressent la pédagogie publique, l’édu­ cation nationale et l’ensemble des Mais si l’accent est ici mis particulière­ médias par leur séculaire absence ment sur l’aspect d’intervention, dans d’intérêt pour ce domaine. la connaissance et sa théorie, de tou- travail de forme, c’est parce qu ’il es Ainsi le jeune Picasso débarquant à généralement relégué au bénéfics Paris, mis en face du même Cézanne, d’une attention exclusive aux senti­ se décide à transformer le peintre qu ’il ments et aux passions, comme pou est des périodes bleues et roses, en réduire les artistes (et avec eux ceu> un acteur (doté d’une volonté sans qui regardent leurs œuvres) à leu faille) de l’un des plus grands boule ­ seule dimension subjective. Comme s versements qu ’ait connu la pensée « on » (« on » représente toujours le: picturale. idées dominantes qui, elles-mêmes Mais lui-même, affronté à une tâche représentent la classe dominante) gigantesque qu ’il mènera sans défail­ comme si « on » avait peur qu ’au-dele lance jusqu ’à son dernier souffle, des sentiments, l’art soit doté de la obligé de s’appuyer sur chacune de force de connaissance. La notion de l’espace et du temps — change de sens et devient une d’Alexandre ou de Gengis Khan, par méthode. exemple, était souple, extensible dans En identifiant complètement lumière et une perception mythique. Celle de couleur, les impressionnistes ne font Vinci fait l’acquisition de « coordon­ pas que nous livrer ces aimables pay ­ nées » avec leur rigidité. Le temps sages chatoyants que l’on nous devient mesurable. C’est incontesta­ signale aujourd ’hui après les avoir vili­ blement un progrès malgré des incon­ pendés presque un demi-siècle, ils vénients qui vont se signaler sans nous proposent un changement dans tarder. notre connaissance et notre usage du L’Impressionnisme va mettre bas cette monde que leurs détracteurs indignés rigidité, par un procédé qui n’en avait avaient parfaitement perçu : la couleur pas l’intention. Mais, en ajoutant la est énergie, les juxtapositions de cou­ lumière, comme telle, au catalogue leurs des oppositions d’énergies. Et des sujets de la peinture, c’en sera fini comme, après Delacroix, ils pensent de la raideur de la construction qui que les couleurs sont des propriétés avait été pourtant le plus singulier des objets, ce sont les objets eux- acquis de la révolution précédente. mêmes qui sont contradictions d’éner­ Cette raideur, même compensée par gies. Le monde fini des perspectives les grâces de la peinture, convenait linéaires des objets statiques est en parfaitement au projet général d’une train de mourir sous leur main. Et dans société qui avait besoin d’une analyse leurs têtes. des forces du monde, mais qui les C’est une révolution dans la question utilisait d’une façon encore très sta­ de la forme. tique, se satisfaisant de voir arrêté le spectacle de la vie par le cadre de la Jusque-là, la question de la forme n’avait été considérée que comme une perspective. question géographique. Ou du moins, L’introduction de la lumière comme essentiellement comme cela, les objet va obliger les peintres à passer exceptions ou les dérélictions par rap­ du statique au dynamique, à souligner port à cette règle, regardées comme les vertus énergétiques de la matière. fantaisie nécessaire à l’art, confir­ Non pas qu ’ils l’aient absolument maient entièrement la règle. voulu, mais la logique picturale qui leur La forme était caractérisée par ses fait remplacer la lumière comme habit dimensions, par la quantité d’espace des choses par le lumière comme fait qu ’elle occupe. Que ce fameux matériel ne manque pas, en une géné­ « espace » soit une création de l’esprit, ration, de leur faire observer les qua­ personne n’y songeait, malgré le lités d’énergie de leur sujet. soupçon exprimé par Newton à l'encontre de sa propre théorie. Et que La lumière chez le Caravage n’était l’espace ne soit à vrai dire (si quelque qu ’un éclairage permettant une cer­ chose mérite ce nom), que le rapport taine géométrie de la composition, un entre les formes, c’est-à-dire quelque partage du sombre et du clair artificiel­ chose qui n’est que le rapport entre lement conduit pour son effet théâtral, toutes les choses, on y songeait et, chez Rembrandt, un moyen de encore moins. dramatisation. Leur « Lumière » s’op­ posait à une conception de l’ombre C’est cette qualité que les impression­ qui était absence de couleurs. (Tout nistes ont donnée à l’espace avant cela très vite dit, car les choses ne que cela ne fut théorisé. sont jamais si tranchées.) La forme étant réduite à ses seules Devenue la passion des impression­ dimensions, ce qui suppose bien nistes en même temps que l’objet de l’absence de mouvement, la question leur recherche, la lumière abolit de la couleur ne pouvait pas être l’ombre, en tout cas comme négation incluse dans celle de la forme. de la couleur. Ainsi la division de la Les idées picturales excluaient que les touche — qui existait avant eux dans couleurs aient quelque influence sur Poussin, Claude Lorrain ou Fragonard l’occupation de l’espace par la forme. Elles n’en étaient que les habits, plus diverses, mais aussi impérieuses que ou moins changeants, mais l’épousant Cézanne, Gauguin et Van Gogh. Tout étroitement comme un gant. est parti d’un grand appétit pour la L’une des conséquences inattendues lumière considérée comme un objet de l’impressionnisme fut de ne plus matériel. pouvoir dissocier la couleur du pro­ Et indépendamment des percées blème de l’encombrement des objets scientifiques, sur ce territoire où la dans l’espace. L’espace devenait mul­ peinture annonçait à sa façon les vic­ tiplication de couleurs qui faisaient les toires de la physique. formes. Les « vides » devenaient aussi, naturellement, aussi bien des Avec l’Impressionnisme, la théorie de formes. La position des objets deve­ la connaissance versait du statique au dynamique. nait caractérisée par l’enchevêtrement de marques de couleurs, et leur déli­ Mais le vieux débat proprement pictu­ mitation reléguée comme accessoire. ral entre le dessin par le trait et le Si, en effet, l’obsession de la Renais­ dessin par masses n’était pas écarté sance avait été la délimitation, le pour autant. Certes Van Gogh avait contour, celle des impressionnistes déplacé le trait à l’intérieur même de la était l’interaction entre les couleurs (la forme en faisant d’elle la résultante de lumière). ses multiples coups directionnels, Comme, au passage, ces peintres pra­ certes Cézanne avait adopté une stra­ tiquaient les sujets qui convenaient à tégie rigoureuse de touches parfaite­ leur propos : le ciel, l’eau, la vapeur, ment délimitées, mais Degas était fils les paysages sans limite et que, même d’Ingres et de David, et Gauguin cloi­ dans la figure, ils abolissaient le sonnait les surfaces pour y coucher contour, ils proposaient rien moins des nappes de couleurs d’autant plus qu ’une vision de l’espace excluant vives qu ’elles s’affrontaient. précisément les limites. Les défen­ La même brosse peut étaler ou strier. seurs de celles de la propriété privée Les outils ne sont pas neutres mais ne s’y trompèrent pas et, indignés, les permettent plusieurs choix. clouèrent au pilori. Entre le dessin par l’extérieur de la « Le communisme incarné, affichant forme et le dessin par son milieu, la hardiment le drapeau rouge et le bon­ querelle est d’ordre philosophique : net phrygien de la violence sans elle comporte — et emporte — des frein. » (Art Age, 1886) concpptions différentes de la matière. Et voilà bien bouchés pour un moment Suivant qu ’on la considère comme un les nouveaux horizons de la connais­ solide ou comme un magma, on peut sance proposée par l’Impression­ faire l’un ou l’autre. nisme, par ce procès d’intention, à Quelle que soit la tâche du XX® siècle, cent lieues de la préoccupation pictu­ et elle sera essentiellement de substi ­ rale des artistes. De quoi les jeter dans tuer au vieux monde mécanique de la les bras de ceux que l’on voulait stig­ Renaissance une conception moderne matiser. Mfeis c’est une autre histoire. de l’espace et du temps, constitués de Comme, dès Delacroix, la couleur est contradictions, d’oppositions, de considérée comme l’énergie même de contrastes et donc dotés de vitesse et la forme, la distinction entre les dimen­ d’accélérations, le grand œuvre se sions de la forme, sa façon d’occuper devra de procéder à partir de pré­ l’espace et sa couleur, cesse d’être misses elles-mêmes contradictoires, possible. Cela induit l’idée que les de deux conceptions différentes de la objets sont essentiellement énergie et forme picturale, pour arriver par des l’espace un rapport d’énergies avant voies diamétralement singulières à une que la conscience conceptuelle en soit esthétique nouvelle unique, quoique formulée. formée d’éléments disparates. Tout cela, en effet, fut fait dans la La lignée des sertisseurs, David, peinture, par la peinture, en cheminant Ingres, Degas, Gauguin, se perpétuera de Delacroix, Courbet et Daumier par chez Matisse comme celle des fon­ Manet et Monet. Avec des issues aussi deurs, de Chardin, Fragonard, Géri-

112 cault, Delacroix, Manet, Cézanne, explore à son comble, ils s’occupent dans Picasso. Pour un temps, du de trouver la nouvelle forme néces­ moins apparemment, la grande révolu­ saire à la vieille question du relief, à tion de la forme passera par la distinc­ celle du champ créé par les objets tion archaïque de la forme et de la picturaux, et de la profondeur de ce couleur, le Cubisme revendiquant champ. Dans cette entreprise très col­ l’une, le Fauvisme et Matisse l’autre. lective, où l’un assume le rôle des Mais cette opposition avait changé de percées et l’autre s’avère un magnifi­ nature avec le legs théorique et prati­ que inventeur de moyens, l’espace que du XIX® siècle : la forme ne pouvait devient un champ de forces où les plus se substituer à l’objet, en faire le reliefs contradictoires obligent celui «semblant», comme le mot qui regarde le tableau à des « en « pomme » ne peut être qu’une dési­ avant » et des « en arrière » qui impli­ gnation de la pomme et non la pomme quent le mouvement. elle-même. La forme avait acquis de Comme la vitre, qui, au plan même de l’autonomie par rapport à la figuration, la toile, séparait naguère le spectateur puisque chaque objet figuré ne pou­ d’une vue choisie du grand spectacle vait l’être que par un ensemble de du monde est brisée, les objets pictu­ formes. Et chacune de ces formes raux sortent en direction du regard du était une énergie, leurs contradictions lecteur des formes, aussi bien qu ’ils devenant la métaphore des énergies font des excavations dans la surface propres à l’objet. Cézanne avait appli­ réputée plane sur laquelle est posée la qué le même zèle à empêcher la peinture. Les coordonnées spatiales pomme, comme la Montagne Sainte- fixes volent en éclats et l’espace est Victoire de se laisser réduire à une une agitation de celui ou celle à qui il nomination ou même à une entité. est proposé. La pomme comme la montagne Pendant ce temps, Kandinsky libère étaient devenues le « motif », comme les objets picturaux de l’attraction ter­ le soulignait le peintre Aixois, néces­ restre faisant jouer à ses amateurs les saire pour se lancer dans cette aven­ cosmonautes avant la lettre, dans ture extraordinaire qui consiste à l’entrelacs des formes. exposer, picturalement, une nouvelle conception générale du monde et de On voit qu ’il aura fallu au moins trois la façon dont la vision, avec le secours directions différentes pour construire de l’imagination, pouvait en démêler la genèse de la vision moderne. les énergies. Tout, après, aura dépendu d’elles, Le passage du statique au dynamique, sans négliger la multiplicité des le XX® siècle naissant le devait au XIX®. expressions qui en naissent, comme chez Fernand Léger avec les surpre­ nantes et grandes conclusions qu ’il en la contradiction tire, mais sans oublier que leurs comme essence dépassements divers qui jalonneront de la forme le siècle, de Masson à la trace profon­ dément divergente de Staël, de Max Pourtant, la fête avait commencé par Ernst au cheminement si différent de un feu d’artifice où, naturellement, la Bazaine, des « constructions » abs ­ couleur éclatait, que ce soit dans le traites au foisonnement de Matta, Luxe de Matisse où dans les Demoi­ auront procédé d’elles. selles d ’Avignon. Dès ces premiers instants le futurisme Mais pour autant, chacun allait se sera greffé sur les inventions fonda­ charger d’un aspect du problème : trices. Et l’Expressionnisme, qui surgit déconstruction reconstruction, par la ici et là, caractérisé par le déborde ­ forme, de l’espace de la Renaissance, ment des violences affectives par rap­ port à la forme, ne déborde tout de Ce qu ’ont fait pour leur part Picasso et même que ce qui existe solidement : Braque entre 1907 et 1914. Délaissant les racines vives fortement implantées. pour un moment les valeurs énergéti­ ques de la couleur que Matisse Ce sont toujours les bouleversements initiaux de la forme au XIX® siècle qui certaine ambiguïté, qui peut faire suscitent des difficuités d’assimilation. croire qu ’on peut voir une pomme ou Et la variété des directions qui ies une montagne sur la toile, sans se accompiissent et les dépassent ne fait soucier du reste, qui est le principal, qu ’accroître la distance entre le public mais qu ’on peut à bon compte attri­ et ia création. Cela contribue à faire buer à une fantaisie d’artiste. boiter le siècle en maintenant l’im­ La radicalisation du XX® siècle a fermé mense masse des gens à un niveau la porte à cette lecture trompeuse. d’imagination des formes qui est, à Même ceux qui affectent la « figura­ leur grand dam, archaïque par rapport tion » la plus conventionnelle ne le font à ce qu ’impliquent et les instruments que comme dérision (ou bien sont de la production, et la lumière, et toute dérisoires). la culture nécessaire à l’accomplisse­ ment humain de la vie d’aujourd ’hui. C’est que la reconstruction de la forme, en rejetant l’identité de la figu­ Le problème de la compréhension de ration et de l’objet figuré, a une fonc­ la conception de la forme du XX® siècle tion objective : non pas proposer une a une source simple, même si les figuration qui sert à la reconnaissance obstacles restent complexes. Tout le mais une nouvelle figuration, où la sens culturel des découvertes de la forme picturale sert de clé aux formes Renaissance repose sur la volonté de matérielles du monde. C’est l’imagi­ circonscrire les objets, de les délimiter. naire mettant les hommes en con­ Cela fut, cela est, une indéniable et nexion avec la matière, de quelle que nécessaire conquête de la connais­ sorte qu ’elle soit. sance. C’est aussi cette démarche qui a servi à la fois à utiliser les objets et à L’histoire des clés est révélatrice des en inventer de nouveaux : les outils rapports des hommes avec les forces mécaniques. de la nature et entre eux, depuis le loqueteau Dogon, en passant par le Mais cela ne suffit plus en ce siècle : il faut maintenant pouvoir pénétrer à levier qui soulève la clenche, jusqu ’à la géométrie complexe de la clé de la l’intérieur des forces qui les consti­ Renaissance qui doit se loger dans tuent. des contreformes à son exacte Comme le public dispose essentielle­ mesure pour agir mécaniquement sur ment d’un cadre culturel, de long­ le pêne, puis à la complexité des clés à temps forgé, où la délimitation des pompe qui obligent à une pluralité de objets et des formes est la règle intan­ mouvements pour obtenir l’ouverture, gible, il est frustré devant les formes aux serrures Yale aux rainurages mul­ contemporaines qui ont largement tiples. délaissé les descriptions extérieures au profit de la découverte — et de Tous ces systèmes reposent sur la l’invention — des jeux énergétiques symétrie de formes diverses fonction­ internes aux formes comme aux nant sur le principe d’identité, même, objets, comme aux outils nouveaux. bien sûr, quand il s’agit d’un positif et d’un négatif, l’un épousant l’autre par­ Invité à voyager à travers la matière — faitement. L’avènement de la carte à c’est la caractéristique de toute la puce, qu ’il soit question d’ouvrir une culture du XX® siècle, que cette porte ou d’obtenir de l’argent à un matière soit directement matérielle, ou guichet automatique, renvoie toutes mentale, imaginaire, ou même sociale, ces magnifiques inventions précé­ ce qui déborde de beaucoup la pein­ dentes aux magasins d’antiquités. ture qui en est une des métaphores — le public reste sur le seuil, interloqué, La clé d’aujourd ’hui est dotée d’un puisqu ’on ne lui présente pas la système d’information qui ouvre des pomme ou la jeune fille, mais le mou­ circuits par la méthode du codage. vement interne de la matière dans la La fonction fondamentale de la forme forme, le mouvement de la jeune fille, picturale que le XX® siècle a fait émer­ « nu descendant un escalier ». ger est de même nature : ouvrir et Cela était déjà inclus dans la peinture mettre en relation les circuits du cer­ de Cézanne, mais avec encore une veau humain pour lui donner accès au monde, y compris à celui qu ’il ne cesse de créer. La forme moderne revendique ainsi une fonction d’enclenchement. Son messloon propos n’est pas de ressembler à ce qu ’elle doit permettre de mettre en Album mouvement par le truchement de l’Imaginaire humain. La forme moderne doit s’enclencher (et pas seulement de façon mécanique) dans les formes du monde pour en libérer La raison l’énergie, à commencer par la nôtre. Elle s’enclenche pour enclencher. de Vincent Van Gogh Enclencher quoi ? Le monde pardi. Nous autres hommes avons de plus en Jean-Pierre Jouffroy plus besoin d’enclencher le monde. Il ne s’agit plus de circonscrire les formes : c’est les mettre en action qui 260 F est urgent. « Tire la chevillette et la bobinette cherra ».

146, rue du Fg-Poissonnière 75010 Paris

messioor^

Paris

Robert Doisneau Max-Pol Fouchet

290 F

146, rue du Fg-Poissonnière 75010 Paris note de lecture

grandesplumes dans l’humanité 1904-1939* par rené ballet

Les écrits choisis et pré­ Un jeune lecteur de l’Hu ­ introuvable ». On ressent sentés par René Ballet manité du 5 novembre les inquiétudes éprouvées offrent une vision dernier lit l’éditorial de dans « la crise d ’après- d’ensemble des princi­ Jacques Coubard qui traite guerre avec le malheur pales actualités depuis la des dangers de guerre et des uns et le bonheur des parution de l’Humanité le des possibilités de solu­ autres. .. et, déjà, les riva­ 18 avril 1904 jusqu ’à son tions négociées au Proche- lités impérialistes qui interdiction en août 1939. Orient. Il s’arrête sur cette s’exacerbent » (p. 23). Que vous lisiez les chapi ­ réflexion : « On croit Viennent les belles pages tres dans l’ordre établi par mourir pour le droit des de Marcel Cachin, l’auteur ou que vous les peuples et on meurt pour d’Henri Barbusse, de preniez dans le désordre Wall Street. » Comment Georges Duhamel, selon votre curiosité du ce jeune pourrait-il être Georges Chennevière, moment, votre attention indifférent en apprenant Jean-Richard Bloch, Paul sera captée ! que l’Humanité du 18 juil­ Vaillant-Couturier, Ana­ let 1922 a publié une lettre tole France, Armand Sala­ Une remarque peut être d’Anatole France à Marcel crou, Henri Torrès, faite : les générations qui Cachin sous le titre extrait Gabriel Péri, Romain Rol­ ont vécu au cours de cette du texte de cette lettre : land. période peuvent évoquer « On croit mourir pour la des souvenirs, revivre des patrie, on meurt pour des Citer les quatre-vingt-dix révoltes, des élans, des industriels » ? Remonter noms des journalistes, des engagements de leur jeu­ à une source toujours lim­ écrivains, des poètes, des nesse ; on comprend pide n’est pas sans attrait ! savants, des artistes... qui qu ’elles puissent être pas­ accompagnent le voyage sionnées. Mais pour les Le premier chapitre ; « La dans la politique et la jeunes d’aujourd’hui, liberté niveau zéro » ras­ culture des premières quand tout bouge très vite, semble des textes publiés décennies du siècle n’est quel intérêt présente ce de 1904 à 1936. De 1904 pas possible ici. Mais je voyage dans un passé de jusqu ’au dernier jour de tiens à souligner l’intérêt plus de cinquante années ? juillet 1914 c’est « La de l’appréciation de René A mon avis, un des montée des périls ». Le Ballet émise dans son mérites de René Ballet est dernier article de Jean avertissement : « Vous qui d’avoir choisi des textes Jaurès, le fondateur de feuilletez ces pages signés de grands noms, de l’Humanité, est paru le méfiez-vous ». (p. 9) personnalités très diffé­ matin même de son assas­ L’auteur écrit : « Et c’est rentes dont les vues pers­ sinat, deux jours avant le picaces ont conservé leur début de la guerre. Après * Edition préparée par René Bal­ acuité. 1918 c’est « La paix let, Messidor, 1990, 125 F. au milieu de ces contradic­ vas-tu ? », « Croix-de- deurs » d’aujourd ’hui qui tions de personnalités, de Feu mon camarade ». (p. voudraient à tout prix être sensibilités, voire de tacti­ 180) « des gagneurs » en impo­ ques que se forge la cohé ­ sant au plus grand nombre Celles et ceux qui s’inter­ rence véritable de l’Huma­ leur version profiteuse qui rogent sur la nature et les nité. Car cohérence il y a. pourrait s’exprimer ainsi : effets de l’esprit de L’Humanité est à la bonne « Je pense donc tu suis ». — et première — place Munich, qui aujourd’hui s’inquiètent des graves René Ballet groupe au dans toutes les justes chapitre 6 des écrits qui batailles : contre l’impé ­ abandons nationaux devant les nouveaux pré­ démasquent les obstacles rialisme, le colonialisme, dressés alors contre l’exer ­ le racisme, le machisme tendants à la domination de l’Europe et du monde, cice des libertés. Leur lec­ (déjà ! même si on ne ne manqueront pas d’être ture permet de mesurer l’appelait pas encore instruits et bouleversés par toute l’ampleur, la diver­ ainsi). Et c’est en raison sité, « la modernisation » de cette cohérence que les écrits de Gabriel Péri et de Lucien Sampaix en des moyens utilisés maints articles ont un aujourd ’hui face à des exi ­ écho étrangement 1938-1939. « Les nazis se vengeront de leurs ana­ gences de libertés plus actuel. » (p. 18) lyses clairvoyantes en les nombreuses et plus fortes. Celles et ceux qui se dres­ fusillant en 1941 ». (R. Les textes du chapitre 7 sent aujourd’hui contre la Ballet, p. 228) concernent « le cadre de recrudescence de xéno ­ Un autre mérite des choix vie », « les arts plasti­ phobie, d’antisémitisme, de René Ballet est sou­ ques », « la musique », de fascisme, de racisme ligné dans l’avant-propos « les spectacles », « la lit­ sous toutes ses formes de l’éditeur François Hil- térature ». On peut cons­ liront avec passion les sum : l’auteur ne donne tater le bien-fondé de la écrits du chapitre 2 : « Un pas seulement à voir « les remarque de François Hil- cancer nommé racisme » sum : <■< l’organe du Parti qui s’échelonnent de 1904 événements directement politiques... mais plus communiste ouvre ses à 1938. généralement l’évolution colonnes bien plus large­ Au chapitre 3 : « Le dur de la société ». Le chapi ­ ment qu ’aux seules ”plu ­ chemin des libertés », les tre 4 ; « Un monde à por­ mes” communistes. » jeunes filles, les femmes tée de main » montre les Voilà une phrase extraite découvriront ce que progrès de « l’aviation qui d’un écrit de Jean-Richard Romain Rolland, Marcel raccourcit les distances », Bloch daté du 29 mars Cachin, Vaillant-Coutu- de « la radio qui raccour ­ 1936 : « Dans la concep ­ rier écrivaient en faveur de cit le temps ». 11 expose tion socialiste du monde, leur émancipation, de leur les « nouvelles sources les deux puissances, celle vote, dès le lendemain de d’énergie » dans un texte de la personne et celle de la Première Guerre mon­ de Jacques Solomon, doc­ la société, arrêtent enfin diale. teur ès sciences, paru le 1" leur combat éternel et juillet 1939'. Celles et ceux qui ont agi épuisant. Et de leur union pour la libération de Nel­ Sur le dur chemin de la naît une forme supérieure son Mandela trouveront libération humaine, René d’ordre et de domination. leur sens de la solidarité Ballet associe dans le cha ­ La fatalité est vaincue. » humaine à la lecture des pitre 5 : « Un par un », les (p. 389) N’y a-t-il pas appels de Paul Vaillant- exigences de l’esprit, les dans cette pensée matière Couturier pour sauver exigences du corps et les à réflexion pour le présent Sacco et Vanzetti en 1926- exigences du cœur. Les et l’avenir ? 1927, ceux de Marcel écrits retenus font réflé­ Etienne Fajon qui a dirigé Willard pour la libération chir aux possibilités de l’Humanité pendant vingt- de Dimitrov en 1933, ceux passer « de l’horizon d’un six ans a préparé au début d’Henri Barbusse pour homme à l’horizon de de l’année 1964 un petit sauver Thaelmann en tous », « d’être ensemble livre illustré sous le titre 1934. pour être forts » que les vers de Paul Eluard exalte ­ Celles et ceux qui veulent 1. Jacques Solomon collabora ront plus tard. aux Cahiers du communisme . avec audace élargir le ras­ Dans le numéro spécial de juillet semblement populaire Enfin le chapitre 6 1939 entièrement consacré au pour la justice, la liberté, « ...Donc je suis » et le 150® anniversaire de la Révolution française, Jacques Solomon écri­ la paix se sentiront encou­ chapitre 7 : « Je pense vit une étude sur les finances de la ragés par l’esprit unitaire donc... » donnent du réa­ Révolution. Il sera fusillé par les de Paul Vaillant-Couturier lisme à la pensée carté­ hitlériens le 26 mai 1942 avec le philosophe Georges Politzer qui écrivant en 1935 : sienne. Ils font rejeter les collaborait également aux « Volontaire national où ambitions des « déci­ Cahiers.

117 En feuilletant l’Humanité, niste français, dont notre nouveaux et importants 1904-1964. Il écrivait grand Journal est la voix progrès de l’Humanité et dans l’avant-propos ; quotidienne et fidèle. » du Parti communiste fran­ « Dans la collection de Aujourd’hui, l’édition çais qui fête son IÇP anni­ l’Humanité s’inscrivent au préparée par René Ballet, versaire et prépare avec jour le jour l’histoire de la auteur de romans et d’es­ tous les communistes son France et du monde, l’his­ sais, grand reporter à 21^ Congrès national. toire de la classe ouvrière, l’Humanité Dimanche, l’histoire du Parti commu ­ vient en contribution à de André Vieuguet

118 information

données électorales informations sur les entreprises des outils pour la réflexion et l’action guy pelachaud*

A l’occasion de ses vingt ans d’existence et période. Il ne comporte ni commentaire ni cinq ans après la création de PCFDOC, le analyse car son unique ambition est d’être Service central de documentation du P.C.F. un ouvrage statistique de référence. (S.C.D.) vient de publier un Annuaire électo­ Pendant des années, les seules séries sta­ ral départemental de la France de 1945 à tistiques électorales disponibles étaient nos jours'. Il s’apprête par ailleurs à publier faites de données agrégées ou nationale. deux autres ouvrages rassemblant Ces statistiques avaient le mérite d’exister l’ensemble des études qu ’il a menées sur mais induisaient des raisonnements sché ­ l’analyse de la presse d’une part, la docu­ matiques, notamment sur le vote de mentation et l’information d’autre part^. gauche et de droite. Elles masquaient, Ces publications s’inscrivent dans le pro­ d’autre part, la stratégie politicienne des longement d’une démarche conçue pour partis qui n’ont cessé de changer d’éti­ favoriser, dans le domaine de l’information quette au gré des événements. En effet documentaire, l’indépendance du P.C.F., depuis 1945, le P.C.F. est le seul parti à notamment à l’égard de l’appareil d’Etat. n’avoir jamais changé de nom et de sigle. Ces ouvrages visent, plus généralement, à Pour la première fois, les lecteurs ont la contribuer au pluralisme des sources possibilité d’analyser la valse des éti­ d’informations en rendant accessibles, au quettes politiciennes et d’étudier comment plus grand nombre, des outils et des infor­ s’effectuent ainsi les interpénétrations et mations réservés jusqu ’à présent aux les glissements entre la gauche non com­ directions d’entreprises et d’administra­ muniste et la droite. tions qui ont, seules, les moyens de se les Pour réaliser ce travail, le S.C.D. a bénéficié procurer. de l’expérience des Cahiers du commu­ nisme qu\, dès 1962, publiaient, en collabo ­ un outil inédit réalisé ration avec les directions fédérales, les dans des conditions * Directeur de PCFDOC. 1. Participation aux frais d’impression et d’envoi : 300 F. inédites Passez vos commandes à PCFDOC, 2 place du Colonel Fabien, 75019 Paris, enjoignant un chèque libellé à l’ordre du P.C.F. L'Annuaire électoral départemental de la 2. La presse à travers ses titres, contribution à l'analyse France de 1945 à nos jours est le premier du contenu des médias ; La documentation : de son ouvrage à présenter des séries de résultats informatisation à sa médiatisation. Ouvrages collectifs rassemblant toutes les études réalisées par le S.C.D. sur électoraux départementaux détaillées, ces questions. Participation aux frais d’impression et homogènes et exhaustives sur cette d'envoi : 100 F.

119 résultats détaillés des élections comparés mentation, la façon dont le Parti commu­ d’une échéance à l’autre. Cette forme niste français, au cours de ces deux der­ d’organisation a permis la mise en œuvre nières décennies, a créé les conditions progressive d’outils® adaptés aux besoins concrètes de son indépendance par rap­ spécifiques des diverses organisations du port à l’appareil d’Etat et s’est doté de P.C.F. dans le cadre d’une démarche privi­ moyens permettant d’étudier scientifique­ légiant la décentralisation. Ces outils sont, ment les mutations de la société française en effet, gérés de façon autonome, sous la tout en favorisant la discussion collective, seule responsabilité des organisations le débat démocratique. concernées. La mise en place d’une série d’outils infor­ Ces outils ont été conçus dans la perspec­ matisés d’aide à l’analyse électorale n’a été tive qu ’un jour ils déboucheraient sur une possible, ces vingt dernières années, que utilisation publique au profit de tous les grâce à la volonté politique de la direction militants et des travailleurs. C’est aujour­ du P.C.F. de prendre en compte les muta­ d’hui le cas au travers des pages de l’Hu­ tions sociales et les possibilités offertes par manité aux lendemains des scrutins et les nouvelles technologies, notamment grâce aux numéros spéciaux des Cahiers l’informatique et la télématique. Cette du communisme. Depuis l’existence de volonté politique ne s’est pas concrétisée l’agence télématique d’informations docu­ sous la forme de gadgets présentés dans mentaires 3615 PCFDOC, l’ensemble des une vitrine. Elle a consisté à créer progres­ données électorales (étiquettes politiques sivement l’opportunité que toutes les orga­ et résultats), collecté dans les heures qui nisations du P.C.F. acquièrent au rythme suivent la publication des résultats, est de leurs besoins et de leurs moyens la rendu accessible aux militants et au public maîtrise de ces outils. dans son intégralité par minitel. Plus de cent mille tableaux de résultats par ville ont Cet Annuaire électoral, 3615 PCFDOC ainsi ainsi été consultés en un an. La publication que l’édition du bulletin ICADOC témoi­ de cet annuaire électoral vient compléter ce gnent, en outre, que cette démarche, dispositif. s’inscrivant dans la tradition des numéros spéciaux des Cahiers du communisme, ne Ces mêmes informations sont sur le point s’est pas limitée aux seuls besoins d’infor­ d’être diffusées également par le CD-ROM/ mations internes au P.C.F. Atlas de France'* à la réalisation duquel le S.C.D. collabore en coopération avec les Au moment où les groupes de presse chercheurs du G.I.P.-RECLUS® qui ont tendent à faire de leurs sen/ices de docu­ réuni l’essentiel des données démographi ­ mentation des « centres de profit », le ques, socio-économiques, politiques, ainsi P.C.F. a pris délibérément le parti du plura­ que des fonds de cartes de la France lisme des sources d’informations et du administrative®. débat public et démocratique.

3. Il s’agit notamment des logiciels réalisés par le S.C.D., une démarche qui illustre notamment le logiciel d’aide à l’analyse électorale. 4. CD-ROM signifie en anglais Compact Disc-Read Only une volonté politique Memory. Le CD-ROM, variété de disque optique numéri­ que, se présente sousla forme d’un disque à lecture laser. Son originalité par rapport aux autres formes de mémoire L’objectif du S.C.D. est de réaliser des outils électronique est de pouvoir contenir un volume considéra­ dont la qualité soit reconnue par les spécia­ ble d’informations (caractères et images), près de six cents millions de caractères dans le cas présent. listes mais dont l’usage soit l’affaire des 5. Le G.I.P.-RECLUS (Groupement d’intérêt public/ militants et des démocrates car l’analyse de Réseau d’études des changements dans les localisations révolution du rapport des forces politiques, et les unités spatiales) a été fondé en 1984 par vingt-cinq organismes et institutions publiques, associant notam­ comme celle des mutations sociales' ne ment C.N.R.S., O.R.S.T.O.M., I.G.N. C’est un réseau de doivent pas être réservées aux seuls spécia­ laboratoires de recherche, dont la Maison de Géographie listes, encore moins aux commentateurs est à Montpellier le siège et le laboratoire central. Son ambition est de fournir aux chercheurs, aux organismes patentés qui sévissent dans les médias. publics, aux collectivités locales, aux entreprises et asso­ ciations des moyens de connaissance, de compréhen­ Le S.C.D. s’est donc efforcé, en collabora ­ sion, des changements qui inten/iennent dans les terri­ tion avec de multiples partenaires, de réali­ toires français et étrangers : nouveaux équipements, nou­ ser des outils d’aide à l’analyse électorale, velles implantations d’activités, structures et dynamiques locales et régionales. accessibles au plus grand nombre. En effet 6. Le CD-ATLAS devrait être commercialisé dans les les coûts d’accès à ces informations® sont semaines à venir et sera disponible simultanément sur à apprécier au regard des investissements micro-ordinateurs Mackintosh et sur PC. Pour tous ren­ seignements s’adresser à S.C.D. : 2, place du Colonel qu ’ils ont nécessité et surtout des prix Fabien, 75019 Paris (Tél. : 40.40.13.25). couramment pratiqués dans ce domaine et 7. Dans l’attente de la publication détaillée des résultats qui sont dix à vingt fois plus élevés ! du dernier recensement, le S.C.D. a rendu accessible sur 3615 PCFDOC des éléments d’informations sur la réalité Loin d’être isolées, ces diverses initiatives sociale dans les communes de plus de 9 000 habitants. 8. Par le 3615, le coût de consultation, à l’aide d’un s’inscrivent dans le cadre d’une démarche minitel, est de 1 F la minute quel que soit l’endroit d’où qui illustre, dans le domaine de la docu­ l’on téléphone.

120 une banque d’informations L’objectif est à la fois beaucoup plus modeste sur un plan technique et ambitieux sur les entreprises au niveau idéologique. Il s’agit concrète­ ment de contribuer à ce que les commu­ Dans cette perspective, les outils réalisés nistes, dans une démarche transparente par le S.C.D. n’ont d’intérêt que dans la pour tous les travailleurs, prennent concrè­ mesure où ils contribuent à améliorer les tement la dimension de la localisation et de moyens d’information à la disposition des la composition sociale des salariés et des militants et des travailleurs pour la détermi­ conditions de leur exploitation. nation des objectifs de lutte pour le progrès social et la démocratie, les mieux adaptés à leur situation concrète. PCFDOC offre déjà la possibilité de consul­ ter des dizaines de milliers de documents relatifs aux prises de position du P.C.F. comme des autres partis, du gouverne­ ment, du patronat, des idéologues, etc., sur tous les sujets d’actualité (vie politique, entreprises et société française, questions internationales)®. PCFDOC rend accessible, par ailleurs, un outil d’analyse du contenu des médias contenant une revue de presse des titres de la presse nationale et surtout un instrument permettant de mesurer le niveau du matraquage idéologique^®. Il est possible, aujourd ’hui, d’annoncer la mise en œuvre d’un outil à propos duquel le S.C.D. travaille depuis des années. Le S.C.D. s’apprête, en effet, à rendre publi­ que, à l’occasion du 27® Congrès du P.C.F., une banque de données économiques et financières, relatives aux principales entre­ prises et groupes. Dans un deuxième temps, des outils, sous forme de logiciels, permettant de gérer ces données seront, comme ce fut le cas pour les données électorales, mis à la disposition des organi­ sations du Parti qui en exprimeront le besoin. Cette banque de données a été réalisée pour répondre aux centaines de questions qui sont régulièrement posées au S.C.D. et qui concernent la réalité des entreprises : composition des conseils d’administration, principaux actionnaires, principales partici­ pations, ainsi que les principales séries statistiques (chiffre d’affaires, bénéfices, investissements, masse salariale, etc.). Dans une deuxième étape, les milliers d’établissements dépendants de ces entre­ prises seront répertoriés et il sera proposé aux directions fédérales de vérifier la réalité des informations de caractère public que le S.C.D. s’efforce de collecter. L’objectif est de réaliser dans le domaine de l’information touchant à la localisation des établisse ­ ments et leur composition sociale un outil de qualité équivalente à celle de la banque d’informations sur les élections.

Comme on peut le constater, il ne s’agit 9. Cf. à ce propos : « Communication : 3615 PCFDOC. ça pas de mettre en place un outil ayant la marche et c’est utile », Michel Dauba, Cahiers du Commu­ prétention de répondre aux besoins de nisme, juin 1989. 10. Cf. à ce propos : «< PCFDOC, prendre la mesure du gestion des entreprises ni de jouer le rôle matraquage idéologique », Francis Dard, Guy Pelachaud, d’un quelconque appareil de statistiques. Cahiers du Communisme, avril 1990.

121 documents

les jeunes peuvent compter sur les communistes

Les événements survenus à Vaulx-en- pire : une existence marginale débouchant Velin après qu ’un jeune a trouvé la mort trop souvent sur la délinquance, la drogue. dans des conditions qui restent à élucider Le progrès, la modernisation, ce n’est pas ont soulevé une vive émotion. Au-delà de pour eux. Et on leur dit qu ’ils doivent l’inquiétude qu ’ils ont provoquée, tout le accepter. Pire même : les coupables, ce monde, aujourd ’hui, en convient : l’explo ­ seraient leurs parents qui n’auraient pas su sion de colère qui a eu lieu ne vient pas de « se débrouiller », et eux-mêmes qui ne rien. L’origine du mécontentement pro­ seraient pas capables d’être des fond qu ’elle exprime réside dans la situa­ « gagneurs » ! tion sociale que vivent des centaines de milliers de jeunes et leurs familles. Il faut Dans ce pays qui donna naissance aux entendre ce qu ’ils ont voulu exprimer. droits de l’homme et où tant de politiciens dissertent sur « l’Etat de droit », le gou­ La situation faite à l’immense majorité des vernement tolère dans sa police l’action jeunes s’aggrave : qu ’on le veuille ou non, d’éléments troubles — dont certains se pour la première fois une génération — réclament ouvertement de l’extrême droite celle des 15-25 ans — vit plus mal que — qui se livrent à des exactions contre les celle qui l’a précédée. Parmi ces jeunes, il jeunes, multiplient les brimades, les en est dans de nombreux quartiers et cités fouilles et arrestations arbitraires, les vio­ des villes qui cumulent toutes les injus­ lences, les comportements racistes. tices, toutes les exclusions, en matière d’éducation, de formation, d’emploi, de Les dirigeants du pays tentent d’esquiver salaire, de logement, et même d’accès aux leurs responsabilités. Elles sont cependant loisirs. C’est le cas dans cette cité de écrasantes : toute leur politique au cours Vaulx-en-Velin, malgré les efforts du de la dernière décennie a consisté à mettre maire communiste et de la municipalité de en place cette société éclatée, avec le cette ville. développement de la flexibilité, de la précarité et l’organisation systématique de Peut-il y avoir pire injustice que de vivre l’isolement, de la division de celles et ceux aussi mal à une époque qui offre tant de qui en sont les victimes. possibilités prodigieuses pour vivre mieux ! Dans ce pays riche, civilisé, déve­ Avec le gouvernement Rocard, cette poli­ loppé qu ’est la France, des centaines de tique connaît une accélération. La « politi­ milliers de jeunes sont aujourd ’hui exclus que de la ville » est présentée comme une de la société moderne parce qu ’ils sont fils volonté de s’attaquer aux « vrais pro­ et filles de familles parmi les plus dému­ blèmes » de la mal-vie dans les cités nies, et pour beaucoup enfants de familles populaires. Mais dans les faits, les com­ issues de l’immigration. Au mieux, ce munes se voient refuser les moyens pour qu ’on leur « offre » c’est le cycle infernal faire face aux difficultés auxquelles sont des petits boulots, des stages bidon, du confrontées les populations concernées. chômage. Et pour trop d’entre eux, c’est le Rien de sérieux n’est prévu pour résoudre

122 les questions cruciales de l’emploi, de la solutions à vos problèmes ”. Nous avons formation, du niveau de vie, de l’avenir des idées, des propositions. Discutons-en. des jeunes. Tel n’est pas en effet l’objectif Déterminons ensemble — avec les jeunes, du gouvernement : derrière le discours avec la population tout entière — les faisant mine de « parler vrai », la volonté revendications à faire triompher, les objec ­ du pouvoir c’est d’aménager durablement tifs transformateurs à atteindre. Et surtout, l’exclusion de millions d’hommes, de dans le respect des opinions, des diffé­ femmes, de jeunes ; de la leur faire accep­ rences, sachons unir nos forces dans ter comme une conséquence de leur pré­ l’action : c’est cette union — et elle seule tendue incapacité à s’insérer dans une — qui peut permettre à la jeunesse, à notre société moderne qui n’aurait d’autre solu­ peuple, d’être assez forts pour faire res­ tion que de les « assister ». pecter leurs droits, faire valoir leurs aspi­ rations, ouvrir la perspective d’une vie La colère de toute une partie de la jeunesse meilleure, d’un avenir de progrès. » exclue de tout et privée d’avenir est légi­ time. Le refus qu ’expriment un nombre Les maires, les élus communistes, sont grandissant de jeunes de Vaulx-en-Velin quotidiennement confrontés aux dures réa­ d’être assimilés à des casseurs et des lités qui frappent les jeunes et leurs pilleurs, de se laisser entraîner dans familles dans les cités populaires de leurs l’impasse de la violence, d’être manipulés communes. Ce cri de révolte ne les sur­ par des provocateurs que la police laisse prend pas. Il les conforte dans leur volonté opérer en toute quiétude, ou récupérés par d’être toujours mieux à leur écoute, de des politiciens, est significatif. Tout décider avec eux de ce qu ’il faut faire pour comme est significative la solidarité que combattre plus efficacement encore le leur expriment sous des formes diverses mal-vivre de tant de cités. des millions d’autres jeunes dans tout le pays. Ils veulent être entendus. Ce qu ’ils Les efforts des maires communistes ne demandent, ce ne sont pas « de belles sont pas sans résultats. Des logements à paroles », mais des actes, pour que des loyers accessibles sont construits, réhabi ­ solutions réelles soient apportées à leurs lités, des équipements sont créés. Ils veu ­ problèmes. lent faire plus encore. Avec les jeunes, les maires et les élus communistes entendent Les communistes sont partout disponibles décider des luttes à entreprendre, des pour rechercher avec eux ces solutions et projets à construire et à défendre ensemble les faire aboutir. On ne peut laisser ces pour leur quartier, pour leur ville. Avec jeunes seuls face à une politique qui eux, ils agiront pour repousser toutes les sacrifie leur avenir. Mauvaise pour notre mesures gouvernementales tendant à peuple et notre pays, cette politique divise aggraver et à justifier l’austérité, la préca­ ses victimes en les mettant en concurrence rité, la ségrégation, l’exclusion. les unes avec les autres. L’égoïsme, l’agressivité, la violence se répandent. Obtenir de l’Etat les moyens financiers L’insécurité grandit. Il faut refuser ces nécessaires et faire respecter l’autonomie évolutions désastreuses. La solution — communale pour pouvoir mieux servir les pour les jeunes et pour l’ensemble de notre intérêts de la population : cet objectif ne peuple dans toutes ses composantes — sera atteint que si les jeunes y sont pleine­ c’est de surmonter les divisions, qui ne ment associés. Et pour cela les élus com­ profitent qu ’à leurs adversaires. La solida­ munistes parlent avec eux le langage de la rité entre toutes les victimes de cette vérité. politique est nécessaire. Et cette solidarité, les millions de jeunes ont besoin de la Des améliorations, parfois des transforma­ ressentir concrètement. Il faut s’unir dans tions, peuvent être apportées au niveau de l’action pour mettre en échec la politique la commune. Mais les questions essen­ de régression programmée par ceux qui tielles dépendent de décisions gouverne ­ dirigent le pays, et pour imposer d’autres mentales. Que faire alors, au niveau du solutions. quartier, de la commune ? Rassembler, agir ensemble, pour vivre mieux tout de Aux jeunes qui expriment leurs aspirations suite, pour avoir un emploi, une formation à vivre mieux et autrement, à se construire pour entrevoir l’avenir avec plus de un avenir de justice, de liberté, de paix, confiance. Les maires et les élus commu­ nous, communistes, répondons : « Nous nistes entendent là encore remplir tout leur sommes avec vous. Comme vous, nous mandat : être efficaces au service de tous. disons non — résolument non — aux inégalités, aux injustices dont vous souf­ Plus que jamais, alors que dans leur frez. Comme vous, nous rejetons avec immense majorité les jeunes sont colère et mépris la politique politicienne, confrontés à des situations difficiles et ses hypocrisies, ses manœuvres, ses s’interrogent — souvent avec angoisse — magouilles. Nous ne vous disons pas : sur leur avenir, il est nécessaire partout de “Voilà la vérité ; voilà, toutes faites, les tourner le Parti communiste — c’est-à-dire ses cellules, ses adhérents — vers les eux aussi à autre chose. Surmonter tout ce jeunes. qui sépare, divise, oppose, et se rassem­ bler dans l’action, c’est le moyen pour Il ne s’agit pas « d’apporter la bonne gagner. parole », mais d’écouter, de dialoguer, de proposer, d’aider les jeunes à prendre Avec raison les jeunes rejettent les prati­ toutes leurs responsabilités, toute leur ques politiciennes. Ils exigent du concret, place dans le rassemblement des forces du sérieux, de l’efficacité. Montrons-leur vives du pays pour mettre en échec les partout qu ’ils peuvent compter sur les mauvais coups de la politique actuelle et communistes. Ils ont toute leur place, eux créer les conditions des changements aussi, dans ce parti qui est le leur. nécessaires. Il ne s’agit pas de prendre une ou des De l’argent pour répondre à leurs besoins, « initiatives » pour « aller voir » les à leurs aspirations, pour faire une autre jeunes des cités populaires, mais de déve­ politique : il y en a dans ce pays où face lopper un effort tenace pour à la fois aux difficultés du plus grand nombre et à apporter aux cercles de la jeunesse com­ la détresse de beaucoup s’étalent les pro­ muniste toute l’aide dont ils ont besoin fits prodigieux et les fortunes scandaleuses pour y développer leurs activités, et nouer tandis que des sommes énormes sont entre les jeunes et les cellules, les militants englouties pour les dépenses militaires. et les élus communistes les liens, les Les forces susceptibles de faire reculer dialogues conduisant à des rapports de ceux qui leur imposent la ségrégation confiance mutuelle, et à l’action commune sociale, l’austérité, la précarité, existent. pour se défendre et pour changer. Ils ne sont pas seuls : des millions Paris, le 15 octobre 1990. d’hommes et de femmes sont confrontés à des problèmes de même nature et aspirent Le Parti communiste français. lettre de georges marchais à pierre mauroy renoncer à la c.s.g.

Monsieur le Premier secrétaire, tions patronales par un impôt payé essen­ La gravité du projet gouvernemental de tiellement par les salariés, les chômeurs, contribution sociale généralisée (C.S.G.) les retraités, et dont le taux pourrait cha ­ me conduit à m’adresser à vous, au nom que année augmenter, comme le confir­ du Parti communiste. ment les déclarations du Premier ministre et du ministre de l’Eeonomie et des Nous sommes fermement opposés à ce Finances. Dans le même temps, de nou­ projet pour deux raisons. velles réductions des prestations sont D’abord parce que son application entraî­ annoncées. Autrement dit, celles et ceux nerait une aggravation de l’injustice qui n’ont que leur travail pour vivre sociale. devraient de plus en plus payer, alors que Tous les salariés — y compris les plus leurs droits à des soins de qualité et à une modestes, qui échappent jusqu ’à présent à retraite décente seraient de plus en plus la contribution de solidarité de 0,4 % —, diminués. près de deux retraités sur trois, près d’un C’est la première fois depuis qu ’elle existe chômeur sur dix y seraient assujettis à que notre Sécurité sociale est à ce point partir de leur revenu brut, alors que la menacée. Même la droite n’avait jamais contribution demandée au patronat et aux osé aller aussi loin. fortunes serait insignifiante. Ils ne paie­ raient, en effet, qu ’à peu près trois mil­ Comment ne pas comprendre, dans ces liards sur les trente-six milliards de conditions, le tollé général que suscite ce recettes prévues par ce nouvel impôt. Et ils projet ? Les dirigeants d’organisations bénéficieraient d’une réduction de trente aussi diverses que la Confédération syndi ­ milliards des cotisations qu ’ils acquittent cale des familles, les Mutuelles de France, actuellement. la C.G.T., Force ouvrière, la C.G.C., ceux d’associations de chômeurs et de La deuxième raison de notre opposition est retraités ont à plusieurs reprises exprimé que ce projet met en cause dans son leur hostilité à cette mesure. Hier, jeudi, à principe même notre système de protection Paris comme dans tout le pays, des sociale, cet acquis de notre peuple que dizaines de milliers de manifestants lui ont nous avons tant de fois ensemble défendu. dit non, et tout indique que la protestation Au fond, il s’agit de remplacer les cotisa­ va encore s’élargir et s’amplifier. Bref, ce projet est tellement et évidem­ le Parti socialiste intervienne auprès du ment contraire aux intérêts du monde du gouvernement pour qu ’il renonce à la travail que tout ce que notre pays compte contribution sociale généralisée. comme forces représentatives de celui-ci En ce qui nous concerne, nous sommes se mobilise contre lui. Au fond, il ne prêts à discuter avec vous des problèmes manque dans ce mouvement que votre auxquels la Sécurité sociale est confrontée parti. Mais soyons francs : n’est-il pas et des mesures qu ’il conviendrait de pren­ évident que si c’était un gouvernement dre pour les surmonter. Je vous indique à dirigé par la droite qui était l’auteur de la ce propos que je viens de déposer, avec le contribution sociale généralisée, on verrait groupe des députés communistes, une pro­ le Parti socialiste s’y opposer avec les position de loi dans laquelle j’avance sept mêmes arguments de bon sens que ceux de séries de mesures qui permettraient de toutes les forces que je viens d’évoquer ? répondre aux besoins croissants de protec­ Notre parti est, bien sûr, décidé à utiliser tion sociale sans que salariés, retraités et tous les moyens à sa disposition pour faire chômeurs en fassent une nouvelle fois les droit à l’exigence qui monte de tout le frais. 11 est, par exemple, possible de faire pays : repousser ce projet. cotiser les revenus des spéculations finan­ Parmi ces moyens figure l’action de nos cières au niveau actuel de la cotisation sur groupes parlementaires. Actuellement, les salaires, c’est-à-dire 13,6 %. comprenant la difficulté dans laquelle le De manière générale, je vous renouvelle la gouvernement se place lui-même en proposition que j’ai faite au soir même du s’obstinant à vouloir imposer son projet résultat des élections législatives de juin contre toute raison, la droite ne cache pas 1988 : les communistes sont prêts à contri­ son intention de déposer une motion de buer à la mise en œuvre d’une politique censure. Je me dois de vous informer que, qui serait enfin conforme aux intérêts du si tel était le seul moyen de faire échec à la peuple et du pays. L’expérience montre C.S.G., la direction de notre parti recom­ que le choix qui a alors été fait d’un manderait au groupe communiste à l’As­ gouvernement associant ministres socia­ semblée nationale de voter cette censure, listes et ministres de droite n’a pas été le comme il en a d’ailleurs déjà envisagé bon. Ce gouvernement ne mène pas une l’éventualité. Nous serions contraints politique de gauche, mais de droite. 11 ne d’adopter cette attitude, puisque les effec­ réduit pas l’influence de la droite et de tifs de notre groupe ne lui offrent pas la l’extrême droite, mais la renforce. Il ne possibilité de déposer lui-même une telle résout pas les problèmes, mais les aggrave motion de censure. et voit se dresser contre lui le monde du Bien sûr, nous ne le ferions pas de gaieté travail et la jeunesse. Il faut un autre de cœur, puisque nous combattons ferme­ gouvernement qui mène une autre politi­ ment la droite et l’extrême droite. Nous que : un gouvernement de gauche et une préférerions donc de beaucoup que le politique de gauche. Nous restons disponi­ gouvernement adopte une attitude plus bles pour cela à tout moment. démocratique, qu ’il écoute enfin les argu­ Je vous prie de croire. Monsieur le Pre­ ments de ceux qui protestent contre son mier secrétaire, à l’assurance de mes senti­ projet, qu ’il se rende compte qu ’il ne ments cordiaux. pourra pas l’imposer contre la volonté des forces populaires. Paris, le 26 octobre 1990. C’est pourquoi nous vous demandons que Georges Marchais non à la guerre, oui à la paix à la négociation

Le renforcement du dispositif militaire des Eace à cette situation, le Bureau politique Etats-Unis dans le Golfe décidé par du Parti communiste français adresse une George Bush, les déclarations « guer­ mise en garde solennelle contre le danger rières » de celui-ci, le sens donné à la de guerre. tournée du secrétaire d’Etat américain visant à obtenir le feu vert des membres Pour tous les peuples et les pays de la permanents du Conseil de sécurité de région, pour tous les peuples du monde les l’O.N.U. pour utiliser la force contre conséquences seraient incalculables. Nul l’Irak montrent la gravité particulière du ne peut ignorer que la puissance des moment. dispositifs militaires qui se font face ren­ drait inévitable d’innombrables pertes notre pays entretient des relations tradi­ humaines, des destructions énormes. tionnelles. Devant cette perspective monstrueuse Le Bureau politique décide l’envoi immé­ nous disons : non à la guerre ! oui à la diat de délégations du P.C.F. auprès des négociation ! ambassades des quatre autres membres Il est possible d’empêcher l’embrasement. permanents du Conseil de sécurité'. La France, par la voix du Président de la Ces délégations se feront l’interprète, République, a exprimé récemment le sou­ auprès des ambassades des Etats-Unis et hait de privilégier la recherche d’une solu­ de Grande-Bretagne, de l’opposition de la tion politique, en particulier dans le cadre majorité du peuple français aux préparatifs arabe. guerriers. Elles réaffirmeront, aux ambas ­ sades de l’U.R.S.S. et de Chine, le souhait Au nom de PU.R.S.S., Mikhaïl Gorbat ­ du P.C.F. de voir les positions exprimées chev a rappelé que l’option militaire est par ces deux pays se traduire, notamment à « inacceptable ». La Chine a déclaré son Î’O.N.U., par le rejet de tout recours à la opposition au recours à la force. force. Le peuple français, dans sa majorité, Le Parti communiste français en appelle à refuse l’aventure militaire. l’opinion publique, à toutes les sensibilités Des personnalités de toutes opinions expri ­ pacifistes, à tous ceux qui veulent la paix, ment leur très grande préoccupation et en afin qu ’ils expriment avec la vigueur qui appellent à la raison. s’impose leur refus de la guerre. Des manifestations importantes ont ras­ Nous confirmons notre pleine disponibilité semblé des dizaines de milliers de gens à l’action la plus large, la plus unitaire, pour dire non à la solution militaire, oui à dans l’esprit de l’initiative engagée le 20 la paix, à la négociation. octobre dernier à l’appel des soixante- Partout, y compris aux Etats-Unis, quinze personnalités. s’exprime de plus en plus fortement dans Paris, le 9 novembre 1990. l’opinion publique l’idée que la guerre est inacceptable. Le Bureau politique du Parti communiste français. Dans ce contexte exceptionnel, le Bureau politique du Parti communiste français décide de prendre plusieurs initiatives : 1. Composition des délégations : Chine : Jackie Hoffmann, membre du Bureau politi­ Le secrétaire général du P.C.F., Georges que, Alain Zoughebi, membre du Comité central, Jean Marchais, a demandé à rencontrer le prési­ Garcia, sénateur. dent de la République, François Mitter­ Etats-Unis : Gisèle Moreau, membre du Bureau politi­ que, secrétaire du Comité central, Jacques Denis, rand, pour exprimer le souhait que la membre du Comité central, Gilbert Millet, député. France confirme au Conseil de sécurité de Grande-Bretagne ; Claude Billard, membre du Bureau rO.N.U. son refus de l’intervention mili­ politique, Michel Dauba, membre du Comité central, taire, et d’être informé des initiatives que Charles Lederman, sénateur. la France entreprend dans la recherche U.R.S.S. : Maxime Gremetz, membre du Bureau politique, secrétaire du Comité central, Bernard Vas­ d’une solution négociée, notamment dans seur, membre du Comité central, Marie-Claude Bau- le cadre des pays arabes avec lesquels deau, sénateur. c.s.c.e. désarmement : l’affaire des peuples

Paris accueille du 19 au 21 novembre le ait abouti à l’Acte final d’Helsinki, il a agi sommet de la Conférence sur la sécurité et pour sa mise en œuvre et son élargisse­ la coopération en Europe. En souhaitant la ment, pour une contribution de la France à bienvenue aux participants, le Parti com­ un processus qui représente une base pré­ muniste français exprime le vœu que leurs cieuse pour de nouveaux rapports entre les travaux soient fructueux et guidés par les nations de l’Atlantique à l’Oural, substi ­ intérêts de la paix et des peuples d’Europe tuant la détente et la coopération à l’af­ et du monde entier. frontement. Les principes d’Helsinki per­ mettent à chaque Etat de notre continent, Dès l’origine, le Parti communiste français grand ou petit, de compter pour un, de a été partie prenante de l’action populaire parler de sa propre voix, de jouer un rôle qui a permis d’enclencher le processus de constructif, et cela dans une optique de sécurité européenne. Après que cette lutte désarmement. Le Parti communiste français se prononce L’Alliance atlantique, avec son organisa­ pour un traité de sécurité collective euro­ tion militaire l’O.T.A.N., loin de disparaî­ péenne. Nous y voyons un apport de tre se renforce unilatéralement et même valeur à un système global de sécurité s’étend vers l’Est à la faveur de l’absorp ­ collective dans le cadre d’une O.N.U. tion de la R.D.A. par la R.F.A. Nous profondément démocratisée et d’un considérons plus que jamais qu ’une Alle­ authentique nouvel ordre international. magne neutre devrait inscrire son exis ­ tence et son action dans le cadre d’un C’est aux peuples européens eux-mêmes processus de désarmement, de coopération qu ’il appartient — comme pour ceux des et d’amitié sur notre continent. autres parties du monde — d’assurer leur sécurité. Cela sans supranationalité ni Devant la volonté dangereuse de maintenir hégémonie d’aucune puissance euro­ la dissuasion nucléaire, la mise au point de péenne ou extraeuropéenne. nouveaux armements, la poursuite des essais nucléaires — y compris français —, Il importe que la rencontre de Paris mar­ nous demandons : zéro arme nucléaire que un progrès dans cette voie de raison. d’ici à l’an 2000, arrêt immédiat de tous Cela dépend pour beaucoup de l’interven­ les essais. tion de l’opinion publique. L’action des forces pacifistes a pesé lourd Face aux dépenses énormes englouties en faveur de premiers progrès du désarme­ dans les budgets militaires, nous exigons ment. Elle trouvera un point d’appui dans leur réduction immédiate au bénéfice des la signature, annoncée à l’occasion du besoins populaires et en particulier de sommet, d’accords pour la réduction de l’éducation. forces et armements conventionnels et de En résumé, nous voulons qu ’on aille jus­ nouvelles mesures de confiance militaire qu ’au bout de la logique du processus en Europe. d’Helsinki — logique antiblocs et de Tout en se félicitant de tels pas en avant, désarmement —, nous appelons à la vigi­ on ne peut manquer de mesurer combien lance et au rassemblement des Françaises sont indispensables de nouveaux efforts. et des Français de toutes convictions et origines qui aspirent à une Europe pacifi­ Nous estimons que pour parvenir à un que dans un monde de paix, d’amitié et de progrès décisif vers un désarmement équi­ solidarité. libré en Europe, la négociation doit inclure également les redoutables armements La sécurité européenne est bien un enjeu nucléaires et navals. de lutte. Aujourd’hui, la dimension militaire de Le Parti communiste français appelle à l’intégration européenne, reliée à l’édifica­ peser du côté d’une Europe sans blocs et tion du « pilier européen » de l’Alliance sans fusées nucléaires en faisant entendre atlantique, est valorisée. C’est le cas la voix pacifique de notre peuple aux notamment à l’occasion des graves événe­ hommes d’Etat présents à Paris. Il soutient ments du Golfe qui sont aussi l’occasion pleinement l’initiative des mouvements d’étendre au « Sud » le champ d’interven­ pacifistes dans ce sens. tion de l’O.T.A.N. Nous disons qu ’il faut la dissolution simultanée des blocs et le Paris, le 19 novembre 1990. retrait de toutes les troupes et bases mili­ taires de quelque pays que ce soit. Le Parti communiste français. •cahiersdu communismerevue politique et théorique mensuelle du comité central du parti communiste français

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sommaire récapitulatif de l’année 1990 Par matières

Editoriaux Après le Comité central du P.C.F. : rigueur, audace pour déployer et enrichir notre politique, Philippe Herzog...... 1 La riposte sur tous les terrains, Jean-Claude Gayssot...... 2 Après le Comité central du P.C.F. : lucidité, créativité, combativité, Roland Leroy .... 3 Face à l'agressivité du gouvernement et du patronat, plus haut et plus fort les luttes et le rassemblement, Claude Billard ...... 4 Une priorité : tout faire pour le rassemblement pour et dans les luttes, François Duteil. 5 Tout dans la situation appelle une activité conquérante des communistes, Gisèle Moreau ...... 6 Action dans l’union pour empêcher les mauvais coups, pour d’autres choix, Jean- Claude Gayssot...... 9 27® Congrès du P.C.F. : exaltantes responsabilités pour les communistes, Pierre Blotin...... 11

Articles et études politiques Renault, Billancourt : l’un ne peut se développer sans l’autre, Claude Jaguelin...... 1 ' P.T.T., le statut sans statu quo, Maryse Dumas...... 1 Quelques réflexions sur la portée des luttes pour les salaires, Chantal Rey ...... 1 L’entreprise, lieu décisif pour déployer toute la politique du P.C.F., Henri Costa...... 1 Parti socialiste : d’Epinay à Rennes, G///es Masson...... 1 Un enjeu capital : l’existence et l’activité du P.C.F., Pierre Blotin...... 2 Nord : initiative et dynamisme, deux conditions pour renforcer le Parti, Bernard Debreu ...... 2 X® plan : enjeux économiques et sociaux des années 1990, Jacky Fayolle...... 2 Un congrès pour un nouveau déploiement du Mouvement de la J.C., Jacques Ferreux ...... 2 Une attaque sans précédent contre l’autonomie des communes, Robert Clément.... 2 Protection maternelle et infantile : quel avenir ? Françoise Bontoux...... 2 Heurs et malheurs de la croissance française, Pierre Ivorra...... 3 Sécurité sociale : faire échec au démantèlement. Benoit Monter...... 3 Logement social, instrument du remodelage de la société ou outil au service des hommes 7, Marie-Thérèse Goutmann ...... 3 Paix et désarmement : 1990, année décisive, le rôle primordial de l’opinion publique, Jacques le Dauphin...... 3 « Agir pour l’emploi industriel, ça c’est moderne ! », Claude Pondemer ...... 4 Fonction publique : la réforme de la grille, élément de la recomposition de la société française, Thérèse Hirszberg ...... 4 Education nationale : les communistes et le rassemblement pour une formation répondant aux besoins de l’an 2000, Paul Fraisse ...... 4 La retraite à 60 ans en danger, Jean Barrière...... 4 Ile-de-France : organiser la riposte au plan Rocard, Jean Garcia...... 4 La puissance nucléaire française : 10 300 Hiroshima I, Jean-Claude Lefort...... 4 PCFDOC : prendre la mesure du matraquage idéologique, Francis Dard, Guy Pelachaud ...... 4 Démocratie : le fond et la forme, Jean-Claude Gayssot...... 5 Pourquoi j’ai écrit Démocratie, Georges Marchais...... 5 Inégalités : un problème explosif, Catherine Luca ...... 5 Fonction publique : mouvement social et politique « contractuelle », Thérèse Hir­ szberg ...... 5 Services publics : les enjeux de la rénovation, Phiiippe Herzog...... 5 Luttes et rassemblement : soucis quotidiens et perspective politique, Marie-George Buffet...... 5 Parti socialiste : Après Rennes, le débat n’est pas tranché, Giiies Masson...... 5 L’impératif de l’heure : unir, rassembler, Marce/Za/drrer...... 6 De la modernité dans Démocratie, René Le Guen ...... 6 Luttessociales, démocratie, unité d’action. A/a/n Obad/a ...... 6 Enseignement supérieur : l’urgence de la contre-offensive, Jean-François Tournadre . 6 Jeunes en légitime défense, Pascal Cochet...... 6

130 Des députés communistes pour aider le mouvement popuiaire, Gilles Masson ...... 6 La nécessaire mise à jour de ia poiitique de défense, Louis Baillot...... 6 Démocratie : priorité au mouvement popuiaire, André Lajoinie...... 7-8 inégaiités : ies saiaires au cœur des perspectives de changement, Chantal Rey ...... 7-8 Un projet de budget 1991 pas comme les autres, Jean-Christophe Le Duigou...... 7-8 27® Congrès du P.C.F. : - Une démarche audacieuse pour un 27® Congrès qui fasse date, Daniel Brunei...... 9 - Mouvement de société et sociaiisme à ia française, Paul Fromonteil...... 9 - Une étape décisive pour progresser vers ies techniciens, ingénieurs, chercheurs et cadres, Michel Dauba...... 9 Non à la loi Joxe-Baylet : La démocratie locale c’est la source de la modernité et du progrès, Robert Clément...... 9 Politique énergétique ; Le changement de stratégie nucléaire de la France, Claude Aufort...... 9 Sport et argent, au-delà des apparences, Gilbert RIdouh...... 9 27® Congrès du P.C.F. : - Toujours mieux connaître la classe ouvrière dans sa diversité pour toujours mieux agir, René Le Guen...... 10 - Glissement à droite et points d’appui, PierreZarka ...... 10 Riposte aux mauvais coups et pratiques politiques nouvelles, Guy Poussy ...... 10 Fonction publique : lutter pour se défendre c’est aussi lutter pour rénover, Josiane Voyant...... 10 La Ciotat : combat pour un chantier, Robert Bret ...... 10 L’enjeu des luttes paysannes : défendre toute la vie rurale, Fabien Raynaud...... 10 27® Congrès du P.C.F. : - Une politique vraiment nouvelle est possible, Claude Billard ...... 11 - Union : la force des gens eux-mêmes, Bernard Vasseur...... 11 - P.C.F. : un mouvement continu vers toujours plus de démocratie, Alain Bocquet ... 11 Ce qui bouge dans la jeunesse, Jacques Ferreux ...... 11 Sécurité sociale : des propositions pour aider au rassemblement, Jackie Hoffmann .. 11 Rentrée scolaire : ce qu ’il y a de nouveau, Philippe Pierre ...... 11 Cadres féminins : un atout, une nécessité, Catherine Margaté...... 11 Luttes sociales et perspectives, François Duteil...... 12 Données électorales, informations sur les entreprises, des outils pour la réflexion et faction, Guy Pelachaud ...... 12

Etudes générales et théoriques Le 18® Congrès de l’internationale socialiste, Pierre Laroche...... 1 Parti communiste français : une démarche moderne et positive, Jacques Chambaz .. 2 Economie mixte : entreprises publiques : les enjeux montent, Aimé Halbeher ...... 2 Droit et justice : une recomposition en profondeur, Patrice Cohen-Séat...... 2 La démocratie représentative : point de mire de la recomposition du paysage politique, Gilles Masson ...... 3 Marx en copropriété, ou l’histoire continue..., Arnaud Spire...... 3 Anticommunisme et enjeux de classe de notre société contemporaine, Paul Fromonteil...... 3 Contradictions et impasses du syndicalisme réformiste et de collaboration de classes, Jean Magniadas ...... 4 La lutte pour l’environnement, ouvrir de nouvelles perspectives, Sylvie Mayer ...... 7-8 La formation professionnelle et continue : un enjeu de classe et de société, Aimé Halbeher ...... 7-8 Médias, communication et luttes de classe au niveau international, Jacques Fath .... 9 Construire ensemble la contre-offensive antiraciste, Francis Wurtz...... 10 La formation initiale : l’élan politique partira des entreprises, Aimé Halbeher ...... 11 1920-1990 le Parti communiste de notre temps : - Le Parti de l’issue à ia crise et du socialisme démocratique, André Lajoinie...... 12 - Le P.C.F. et les avancées sociales et démocratiques en France, Gisèle Moreau .... 12 - Le P.C.F. au cœur des mutations, Rerré Le Guen...... 12 - Une véritable mutation stratégique, Jacques Chambaz...... 12 - La vie du Parti et les exigences stratégiques, Jean-C/aude Gayssof ...... 12 - L’internationalisme à la française, Maxime Gremetz ...... 12 - Stratégie et recherches : une tension active, Franceffe Lazard...... 12 - Les conditions nationales et internationales de la création et de la formation du P.C.F., Serge Wolikow ...... 12

131 Mouvement du monde Le monde en mouvement (rapport au Comité central du P.C.F. des 13-14-15 décembre 1989), Maxime Gremetz ...... 1 Paix et désarmement: après Malte, des perspectives encourageantes pour 1990, Daniel Cirera ...... 1 Les pays socialistes en plein bouleversement, Jacques Fath...... 2 Débats et luttes en R.F.A., Jean-François Tournadre...... 2 Afrique australe : des enjeux importants de la lutte des classes au plan international, Jacques Bellaïche ...... 2 Bolivie : après sept ans d’« élections libres », Roger Wé ...... 2 Activités internationales du P.C.F...... 2 Pays socialistes : les racines de la crise (entretien entre Francis Cohen, Jacques Legrand, Jean Radvanyi et Fred Bicocchi)...... 3 Grande-Bretagne : un climat de crise ?, Pierrette le Corre...... 3 Algérie : redonner confiance à la population, Serge Laioyer...... 3 C.S.C.E. : agir pour la réduction des forces conventionnelles en Europe, Yves Cholière...... 4 Chine 1990 : de la crise de la réforme à la crise du socialisme, Alain Roux ...... 4 Chypre : un mur à détruire, Roger Trugnan...... 4 Paix et désarmement : La diplomatie populaire, une exigence qui doit s’affirmer, Jean-Claude Lefort...... 5 Les plus récents développements de la situation internationale, Maxime Gremetz .... 5 Vers une grande Allemagne ? Rassemblement face à de graves périls, Jacques Denis...... 5 La situation italienne et le 19® Congrès du P.C.I., Pierre Laroche...... 5 Paraguay ; après un an sans dictature, quel avenir ? Délicia Villagra Batoux, Guy Batoux...... 5 La perestro'ika dans la phase critique, Serge Leyrac ...... 6 Le miracle japonais : mythes et réalités, Georges Cukierman ...... 6 Sénégal : le 3® Congrès du Parti de l’indépendance et du travail, Gilbert Julis...... 6 Activités internationales du P.C.F...... 6 Le « nouvel atlantisme », Georges Girard ...... 7-8 Un rassemblement populaire plus fort contre les projets supranationaux, Dominique Touraine ...... 7-8 France-Afrique : de nouvelles relations à construire, Maxime Gremetz ...... 7-8 Cuba : relever de nouveaux défis, Marie-Christine Delacroix...... 7-8 L’Albanie aujourd ’hui, quels changements ?, Claude Halnigue...... 7-8 La crise des pays socialistes et le progrès de l’histoire, Gilles Masson ...... 9 L’invasion du Koweït par l’Irak : une situation explosive, Jacques Couland...... 9 Nouveaux défis pour le mouvement pacifiste, Daniel Cirera ...... 9 Tchécoslovaquie : un an après, Paul Courtieu...... 9 Colombie : naufrage de l’Etat, quelle démocratie reconstruire ? Jean Laille ...... 9 Golfe persique : une crise d’une dimension et d’une acuité exceptionnelles, Jacques Bellaïche ...... 10 L’effondrement et l’annexion de la R.D.A., Vves Moreau...... 10 La crise polonaise s’approfondit, Jacques Dimet ...... 10 Lutte anti-apartheid : premiers succès, nouveaux dangers, Jacqueline Derens ...... 10 Nicaragua : après les élections, Philippe Rodriguez...... 10 Nouvel ordre international : l’O.N.U. à la lumière de la crise du Golfe, Martin Verlet .... 11 Etats-Unis : une fin d’année difficile pour l’administration Bush, Jean Solbes...... 11 Quel rôle pour le mouvement révolutionnaire mondial ?, Lin Guillou...... 11 Les évolutions récentes en Bulgarie, Michel Maso...... 11 Activités Internationales du P.C.F...... 11 Préserver et développer l’esprit d’Flelsinki : un enjeu de luttes, Daniel Cirera ...... 12 U.R.S.S. : tout est ouvert, Serge Leyrac ...... 12

Culture - Histoire - Sciences Révolution française et esclavage des Noirs aux Antilles, Henri Bangou...... 3 Etre ou n’être pas en prise sur l’histoire (les enjeux du Congrès de Tours), Danielle TartakowskI...... 5 Les appels de l’été 1940, Roger Bourderon...... 6 1940-1990 : réflexions autour d’un cinquantenaire, Germaine Wlllard ...... 9 Flommage à Antoine Vitez, Chartes Haroche ...... 11 La question de la forme au XX® siècle, Jean-Pierre Jouffroy...... 12

132 Notes de lecture L'U.R.S.S. et les Juifs, d'Henri Alieg (André Vieuguet). — Le cinquantième anniversaire de la Pensée (Nicoie Borvo)...... 1 Une robe pour un combat, de Roiand Weii (André Vieuguet)...... 2 Toujours elles, de Gisèle Moreau (Pierre Blotin)...... 4 1940. De la défaite à la Résistance, de Roger Bourderon et Germaine Willard (André Vieuguet). — La Rosenclature : L’Etat P.S., de Gérard Streiff (Alain Bocquet)...... 5 La Résistance, la liberté en héritage (André Vieuguet)...... 7-8 Communisme, quel second souffle ? de Lucien Sève (André Vieuguet)...... 9 Réalités et stratégie, de Jacques Chambaz (André Vieuguet). — Des missiles pour quoi ?, de Daniel Cirera (Jacques Denis) — La notion de réalité, de Pierre Jaeglé et Pierre Roubaud (Jean-Michel Goux) ...... 10 La décennie des nouveaux pauvres, de Gérard et Stéphane Le Puill (André Vieuguet). . 11 Grandes plumes dans l’humanité, 1904-1939, par René Ballet (André Vieuguet)...... 12

Documents Déclaration commune P.C.F.-Parti communiste guadeloupéen (23 novembre). — Déclaration commune Parti communiste martiniquais-P.C.F. (27 novembre). — Comité central du P.C.F. (13-14-15 décembre 1989): le projet constitutionnel du P.C.F. — Protestation indignée du P.C.F. à l’encontre du P.C.I. (19 décembre). — Condamnation de la répression criminelle en Roumanie (20 décembre) ...... 1 La France doit condamner l'agression américaine (21 décembre). — Roumanie : appel du Parti communiste français (24 décembre). — Anticommunisme : une campagne abjecte (26 décembre). — A l’offensive pour le rassemblement, l’action, le renforcement du P.C.F. (5 janvier 1990). — Menace sur la protection sociale (17 janvier)...... 2 Les milliards des communistes (30 janvier). — Pour le succès de la nouvelle Humanité Dimanche (6 février). — La santé en jeu (9 février). — Résolution du Comité central du P.C.F. (12-13 février). — L’unification de l’Allemagne : un grand dariger (21 février)...... 3 Riposte au plan Rocard (20 mars)...... 4 Comité central du P.C.F. (3 avril). — Antiracisme : déclaration de Georges Marchais à la réunion des partis politiques chez le Premier ministre (3 avril). — Un 1®’’ mai puissant, unitaire et combatif (25 avril)....,...... 5 Amnistie : proposition de loi constitutionnelle du P.C.F. (4 mai). — Résolution du Comité central du P.C.F. : non à la motion de censure (9 mai). — Mobilisation contre le racisme et l’antisémitisme (11 mai). — Comité central du P.C.F. : le 70® anniversaire du P.C.F. (15 mai)...... 6 Confirmer et enrichir l’effort de renouvellement, (rapport de Georges Marchais au Comité central des 20-21 -22 juin) — Immigration : déclaration de Georges Marchais à la rencontre des partis politiques chez le Premier ministre (29 mai). — Solidarité avec Cuba (30 mai). — Nelson Mandela à Paris : Allocution de bienvenue de Georges Marchais ; la réponse de Nelson Mandela (7 juin). — La préparation du 27® Congrès du Parti : Résolution ; commission de la résolution pour le 27® Congrès (Comité central du P.C.F., 20-21-22 juin)...... 7-8 Message du P.C.F. au 28® Congrès du P.C.U.S. (2 juillet). — Ensemble, préparons une grande Fête de l’Humanité (5 juillet). — Hommage à Paul Laurent : allooution de Georges Marchais (12 juillet). — Golfe persique : il faut éviter la guerre (21 août)...... 9 Résolution du Comité central du P.C.F. : La préparation du 27® Congrès du P.C.F. (20-21-22 septembre). — Pour un grand 27® Congrès : faire du mois de septembre un mois de renforcement (29 août). — Adoption du projet de résolution pour le 27® Congrès (Comité central du P.C.F., 20-21-22 septembre). — Hommage à Gustave Ansart : allocution de Georges Marchais (25 septembre) ...... 10 Contribution sociale généralisée : union pour faire échec au nouvel impôt injuste (1®'' octobre). — Solidarité avec le peuple palestinien (9 octobre) ...... 11 Les jeunes peuvent compter sur les communistes (15 octobre). — Lettre de Georges Marchais à Pierre Mauroy : renoncer à la C.S.G. (26 octobre). — Non à la guerre, oui à la paix, à la négociation (9 novembre). — C.S.C.E. désarmement : l’affaire des peuples (19 novembre) ...... 12

133 Par auteurs Aufort Claude : Politique énergétique : Le changement de stratégie nucléaire de la France...... 9 Baillot Louis : La nécessaire mise à jour de la politique de défense...... 6 Bangou Henri : Révolution française et esclavage des Noirs aux Antilles...... 3 Barrière Jean : La retraite à 60 ans en danger...... 4 Batoux Villagra Délicia, Batoux Guy : Paraguay : après un an sans dictateur, quel avenir ?...... 5 Bellaïche Jacques : Afrique australe : des enjeux importants de la lutte des classes au plan international...... 2 - Golfe persique ; une crise d’une dimension et d’une acuité exceptionnelles ...... 10 Bicocchi Fred : Pays socialistes : les racines de la crise (entretien entre Francis Cohen, Jacques Legrand, Jean Radvanyi) ...... 3 Billard Claude : Face à l’agressivité du gouvernement et du patronat, plus haut et plus fort les luttes et le rassemblement ...... 4 - Une politique vraiment nouvelle est possible ...... 11 Blotin Pierre : Un enjeu capital : l’existence et l’activité du P.C.F...... 2 - 27® Congrès du P.C.F. : exaltantes responsabilités pour les communistes...... 11 Bocquet Alain : P.C.F. : un mouvement continu vers toujours plus de démocratie.... 11 Bontoux Françoise : Protection maternelle et infantile : quel avenir ?...... 2 Bourderon Roger ; Les appels de l’été 1940 ...... 6 Bret Robert : La Ciotat : combat pour un chantier ...... 10 Brunei Daniel : Une démarche audacieuse pour un 27® Congrès qui fasse date...... 9 Buffet Marie-George : Luttes et rassemblement : soucis quotidiens et perspective politique ...... 5 Chambaz Jacques : Parti communiste français : une démarche moderne et positive . 2 -1920-1990 : Une véritable mutation stratégique...... 12 Cholière Yves : C.S.C.E. : agir pour la réduction des forces conventionnelles en Europe ...... 4 Cirera Daniel ; Paix et désarmement : Après Malte, des perspectives encoura­ geantes pour 1990...... 1 - Nouveaux défis pour le mouvement pacifiste...... 9 - Préserver et développer l’esprit d’Helsinki : un enjeu de luttes...... 12 Clément Robert : Non à la loi Joxe-Baylet : la démocratie locale c’est la source de la modernité et du progrès...... 9 Cochet Pascal : Jeunes en légitime défense...... 6 Cohen-Séat Patrice : Droit et justice : une recomposition en profondeur...... 2 Costa Henri : L’entreprise, lieu décisif pour déployer toute la politique du P.C.F...... 1 Couiand Jacques : L’invasion du Koweït par l’Irak : une situation explosive ...... 9 Courtieu Paul : Tchécoslovaquie : un an après...... 9 Cukierman Georges : Le miracle japonais : mythes et réalités...... 6 Dard Francis : PCFDOC : prendre la mesure du matraquage idéologique (en collaboration avec Guy Pelachaud) ...... 4 Dauba Michel : 27® Congrès : Une étape décisive pour progresser vers les techniciens, ingénieurs, chercheurs et cadres...... 9 Debreu Bernard : Nord : initiative et dynamisme, deux conditions pour renforcer le Parti...... 2 Delacroix Marie-Christine : Cuba : relever de nouveaux défis...... 7-8 Denis Jacques : Vers une grande Allemagne ? Rassemblement face à de graves périls...... 5 Derens Jacqueline : Lutte anti-apartheid : premiers succès, nouveaux dangers...... 10 Dimet Jacques : La crise polonaise s’approfondit...... 10 Dumas Maryse : P.T.T., le statut sans statu quo ...... 1 Duteil François : Une priorité : tout faire pour le rassemblement pour et dans les luttes...... 5 - Luttes sociales et perspectives ...... 12

134 Fath Jacques : Les pays socialistes en plein bouleversement ...... 2 - Médias, communication et luttes de classe au niveau international...... 9 Fayolle Jacky : X® plan : enjeux économiques et sociaux des années 1990 ...... 2 Fraisse Paul : Education nationale : les communistes et le rassemblement pour une formation répondant aux besoins de l’an 2000 ...... 4 Fromonteil Paul : Anticommunisme et enjeux de classe de notre société contempo­ raine ...... 3 - Mouvement de société et socialisme à la française...... 9 Garcia Jean : Ile-de-France : organiser la riposte au plan Rocard...... 4 Gayssot Jean-Claude : La riposte sur tous les terrains...... 2 - Démocratie : le fond et la forme...... 5 - Action dans l’union pour empêcher les mauvais coups, pour d’autres choix ...... 9 -1920-1990 : La vie du Parti et les exigences stratégiques ...... 12 Girard Georges : Le « nouvel atlantisme »...... 7-8 Goutmann Marie-Thérèse : Logement social, instrument du remodelage de la société ou outil au service des hommes ?...... 3 Gremetz Maxime : Le monde en mouvement (rapport au Comité central du P.C.F. des 13-14-15 décembre 1989)...... 1 - Les plus récents développements de la situation internationale...... 5 - France-Afrique : de nouvelles relations à construire...... 7-8 -1920-1990 : L’internationalisme à la française...... 12 Guillou Lin : Quel rôle pour le mouventent révolutionnaire mondial ?...... 11 Hainigue Claude : L’Albanie aujourd ’hui, quels changements ?...... 7-8 Halbeher Aimé : Economie mixte : entreprises publiques : les enjeux montent...... 2 - La formation professionnelle et continue : un enjeu de classe et de société...... 7-8 - La formation initiale : l’élan politique partira des entreprises...... 11 Haroche Charles : Hommage à Antoine Vitez...... 11 Herzog Philippe : Après le Comité central du P.C.F. : rigueur, audace pour déployer et enrichir notre politique ...... 1 - Services publics : les enjeux de la rénovation...... 5 Hirszberg Thérèse : Fonction publique : la réforme de la grille, élément de la recomposition de la société française...... 4 - Fonction publique : mouvement social et politique « contractuelle »...... 5 Hoffmann Jackie : Sécurité sociale : des propositions pour aider au rassemblement . 11 Ivorra Pierre : Heurs et malheurs de la croissance française...... 3 Jaguelin Claude : Renault, Billancourt : l’un ne peut se développer sans l’autre...... 1 Jouffroy Jean-Pierre : La question de la forme au XX® siècle...... 12 Julis Gilbert : Sénégal : Le 3® Congrès de l’indépendance et du travail...... 6 Laille Jean : Colombie : naufrage de l'Etat, quelle démocratie reconstruire ?...... 9 Lajoinie André : Démocratie : priorité au mouvement populaire ...... 7-8 -1920-1990 : le Parti de l’issue à la crise et du socialisme démocratique...... 12 Laloyer Serge : Algérie : redonner confiance à la population ...... 3 Laroche Pierre : Le 18® Congrès de l’Internationale socialiste...... 1 - La situation italienne et le 19® Congrès du P.C.1...... 5 Lazard Francette : 1920-1990 : Stratégie et recherches : une tension active...... 12 Le Corre Pierrette : Grande-Bretagne : un climat de crise ?...... 3 Le Dauphin Jacques : Paix et désarmement : 1990, année décisive, le rôle primordial de l’opinion publique ...... 3 Le Duigou Jean-Christophe : Un projet de budget 1991 pas comme les autres...... 7-8 Le Guen René : De la modernité dans Démocratie ...... 6 - 27e Congrès du P.C.F. : Toujours mieux connaître la classe ouvrière dans sa diversité pour toujours mieux agir...... 10 -1920-1990 : Le P.C.F. au cœur des mutations...... 12 Lefort Jean-Claude : La puissance nucléaire française : 10 300 Hiroshima !...... 4 - La diplomatie populaire : une exigence qui doit s’affirmer...... 5 Leroy Roland : Après le Comité central du P.C.F. : lucidité, créativité, combativité. ... 3

135 Leyrac Serge : La perestroïka dans la phase critique...... 6 - U.R.S.S. : tout est ouvert...... 12 Luca Catherine : inégaiités : un problème explosif ...... 5 Magniadas Jean : Contradictions et impasses du syndicaiisme réformiste et de collaboration de ciasses...... 4 Marchais Georges : Pourquoi j'ai écrit Démocratie...... 5 - Confirmer et enrichir l’effort de renouvellement (rapport au Comité central du P.C.F., 20-21-22 juin 1990...... 7-8 Margaté Catherine : Cadres féminins : un atout, une nécessité...... 11 Maso Michel : Les évolutions récentes en Bulgarie...... 11 Masson Gilles : Parti socialiste : d’Epinay à Rennes...... 1 - La démocratie représentative : point de mire de la recomposition du paysage politique ...... 3 - Après Rennes, le débat n’est pas tranché ...... 5 - Des députés communistes pour aider le mouvement populaire ...... 6 - La crise des pays socialistes et le progrès de l’histoire ...... 9 Mayer Sylvie : La lutte pour l’environnement, ouvrir de nouvelles perspectives ...... 7-8 Monier Benoit : Sécurité sociale : faire échec au démantèlement...... 3 Moreau Gisèle : Tout dans la situation appelle une activité conquérante des communistes...... 6 -1920-1990 : Le P.C.F. et les avancées sociales et démocratiques en France...... 12 Moreau Yves : L’effondrement et l’annexion de la R.D.A...... 10 Obadia Alain : Luttes sociales, démocratie, unité d’action...... 6 Pelachaud Guy : Données électorales, informations sur les entreprises, des outils pour la réflexion et l’action...... 12 Perreux Jacques : Un congrès pour un nouveau déploiement du Mouvement de la J.C...... 2 - Ce qui bouge dans la jeunesse...... 11 Pierre Philippe ; Rentrée scolaire : ce qu ’il y a de nouveau ...... 11 Pondemer Claude : « Agir pour l’emploi industriel, ça c’est moderne ! »...... 4 Poussy Guy : Riposte aux mauvais coups et pratiques politiques nouvelles...... 10 Raynaud Fabien : L’enjeu des luttes paysannes : défendre toute la vie rurale...... 10 Rey Chantal : Quelques réflexions sur la portée des luttes pour les salaires...... 1 - Inégalités : les salaires au coeur des perspectives de changement ...... 7-8 Ridouh Gilbert : Sport et argent, au-delà des apparences...... 9 Robert Clément : Une attaque sans précédent contre l'autonomie des communes... 2 Rodriguez Philippe : Nicaragua : après les élections...... 10 Roux Alain ; Chine 1990 ; de la crise de la réforme à la crise du socialisme...... 4 Solbes Jean : Etats-Unis : une fin d’année difficile pour l’administration Bush ...... 11 Spire Arnaud : Marx en copropriété, ou l’histoire continue...... 3 Tartakowski Danielle : Etre ou n’être pas en prise sur l’histoire (les enjeux du Congrès de Tours)...... 5 Touraine Dominique : Un rassemblement populaire plus fort contre les projets supranationaux ...... 7-8 Tournadre Jean-François : Débats et luttes en R.F.A...... 2 - Enseignement supérieur : l’urgence de la contre-offensive...... 6 Trugnan Roger : Chypre : un mur à détruire...... 4 Vasseur Bernard : Union : la force des gens eux-mêmes ...... 11 Verlet Martin : Nouvel ordre international : l’O.N.U. à la lumière de la crise du Golfe... 11 Vié Roger : Bolivie : après sept ans d’« élections libres »...... 2 Voyant Josiane : Fonction publique : lutter pour se défendre c’est aussi lutter pour rénover...... 10 Willard Germaine : 1940-1990 : réflexions autour d’un cinquantenaire...... 9 Wolikow Serge: 1920-1990: Les conditions nationales et internationales de la création et de la formation du P.C.F...... 12 Wurtz Françis : Construire ensemble la contre-offensive antiraciste...... 10 Zaidner Marcel : L’impératif de l’heure : unir, rassembler ...... 6 Zarka Pierre : Glissernent à droite et points d’appui ...... 10

136 communisnne•cahiers du revue politique et théorique mensuelle éditée par le parti communiste français

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