DOSSIER PÉDAGOGIQUE

LUCIEN FRADIN EPERLECQUES . WULVERDINGHE Compagnie HVDZ LUCIEN FRADIN Compagnie HVDZ

Eperlecques

TANDEM Scène nationale | Arras . Théâtre

Mardi 13 novembre | 19:00

Séances scolaires Lundi 12 novembre | 10:00 & 14:00 Mardi 13 novembre | 14:00

Durée: 1 h 10

Et en tournée sur le territoire du 8 au 16 mars 2019 Lundi 11 mars • Arras – Casa Jean Jaurès Mardi 12 mars • Bapaume Mercredi 13 mars • – Centre social de Frais Marais Jeudi 14 mars • Vendredi 15 mars • Bertincourt Samedi 16 mars • Osartis

Wulverdinghe Coproduction

TANDEM Scène nationale | Arras . Théâtre

Mardi 15 janvier | 20:30 Mercredi 16 janvier | 19:00 Jeudi 17 janvier | 20:30

Durée: 1 h 15 Navette gratuite au départ de Douai le 15 janvier à 19:45

2 SOMMAIRE

DISTRIBUTIONS PAGE 4 BIOGRAPHIES PAGE 5 LA COMPAGNIE HVDZ PAGE 9 PRÉSENTATION PAGE 10 ENTRETIEN AVEC LUCIEN FRADIN PAGE 11 LA PRESSE EN PARLE PAGE 13

Les Trois coups PAGE 13

Sceneweb PAGE 15 POUR ALLER PLUS LOIN PAGE 16

La forme conférence-spectacle PAGE 16

L'autofiction PAGE 18 PISTES PÉDAGOGIQUES PAGE 19

Avant le spectacle PAGE 19

Après le spectacle PAGE 22 LIENS UTILES PAGE 26

3 DISTRIBUTIONS

EPERLECQUES

Conception et interprétation Lucien Fradin Création lumière et régie François Pavot Dessins Eve Bigontina Regards extérieurs Guy Alloucherie, Didier Cousin, Aurore Magnier, Capu Prioul Voix Catherine Fradin, Laurent Fradin, Sylvain Fradin Production déléguée et accueil Compagnie HVDZ

Dispositif Hauts-de-France en Avignon 2017 Avec le soutien de Culture Commune – Scène nationale du Bassin Minier du Pas-de-Calais, Le Vivat – Scène conventionnée danse et théâtre d’Armentières, le théâtre de l’Oiseau Mouche La compagnie Hendrick Van Der Zee est financée par la DRAC Hauts-de-France, le conseil régional Hauts-de-France et le conseil départemental du Pas-de-Calais.

WULVERDINGHE

Conception et interprétation Lucien Fradin Création sonore Aurore Magnier Création lumière François Pavot Direction d’acteur Didier Cousin Regard extérieur Guy Alloucherie Production Compagnie HVDZ Coproductions Le Vivat - scène conventionnée d’Armentières, Culture Commune - scène nationale du Bassin Minier du Pas-de-Calais, TANDEM Scène nationale, Maison Folie Mou- lins, Théâtre de Poche d’Hédé La compagnie Hendrick Van Der Zee est financée par la DRAC Hauts-de-France, le conseil régional Hauts-de-France et le conseil départemental du Pas-de-Calais.

4 BIOGRAPHIE

Lucien Fradin Conception et interprétation

Lucien Fradin a suivi un Master Arts de la scène à 3, menant un travail de recherche autour des genres et des sexualités, et en parallèle le cursus théâtral du Conservatoire Régional de sous la direction de Jean-Louis Berscht. Il enseigne à Lille 3 pendant un semestre dans un Pendant ces années universitaires, il crée deux cours intitulé: «Performance: race, genre, classe». pièces dans le cadre étudiant: Au Temps pour nous À l'AFERTES d'Arras (Centre de formation au tra- (une exploration scénique des considérations théo- vail social), il intervient depuis quatre années riques de sa formation) et Mamie est (re)venue (un en séminaire, lors d’ateliers et pendant le cours spectacle déambulatoire et participatif sur le lien d'éthique sur les concepts de «scripts de la sexua- direct entre les petites histoires et la Grande His- lité». toire que représentent nos grand-mères). Il intègre par ailleurs le Collectif Urbanporn qui développe Il rencontre en 2016 la Cie HVDZ lors d'un «Pas-à- dans un cadre artistique et militant différentes Pas» (dispositif de la DRAC -Pas-de-Calais). actions et performances post-pornographiques. Suite à cette année d'accompagnement, il intègre Celles-ci cherchent à multiplier les représenta- en tant que «Compagnon de route» cette compa- tions des corps, des pratiques et des genres dans gnie et crée en son sein le spectacle Eperlecques l'espace public et/ou artistique en détournant le présenté au Festival OFF d'Avignon en juillet 2017 langage pornographique. dans le cadre du dispositif des Hauts-de-France en Avignon. Il participe par ailleurs aux diverses Il rejoint ensuite le Collectif XXY. D'abord in- Veillées et Portraits de la compagnie: spectacle co- terprète pour Amélie Poirier dans Cindy Vs Julie construit avec les habitant.e.s d'un territoire. et Hommage à la médecine chinoise, il développe ensuite ses recherches personnelles à travers la Cette saison, il a été invité par le Théâtre Natio- mise en place d'ateliers et de projections autour nal du Grand Marché de Saint-Denis à la Réu- des sexualités queers et d'un «Pas de côté» (dis- nion à venir présenter Eperlecques et mener des positif de la DRAC Nord-Pas-de-Calais) intitulé actions avec le groupe d'amateur et les employés Fantasmes et représentations (en duo avec Amélie du théâtre. Il fait partie du GANG du Vivat, scène Poirier). Il cosigne enfinZyklon/Poppers , spectacle conventionnée d'Armentières et présente dans ce transdisciplinaire autour de la question de la Mé- cadre deux petites formes: une sortie de résidence moire de la déportation pour motif d'homosexua- autour de sa grand-mère dans le cadre de Vivat la lité, avec Law Cailleretz, Rémi Hollant et Aurore danse et une petite forme chez l'habitant lors des Magnier. Occupaïe.

5 BIOGRAPHIE

Guy Alloucherie Regard extérieur

Guy Alloucherie est auteur et metteur en scène. Il débute au théâtre dans les années 80. Alors étu- diant à Lille, il suit les ateliers théâtre du Prato où il rencontre Eric Lacascade. Ensemble, ils créent une compagnie le Ballatum théâtre qu’ils codirige- ront pendant 15 ans. Avec le Ballatum, il met en scène (en duo ou en solo) des spectacles originaux de théâtre contemporain avant de revisiter les classiques tels Sophocle, Racine, Tchekhov ou Ma- rivaux. En 1997, il accède à la direction du Centre Dramatique National de Caen avec Eric Lacascade avant d’orienter différemment son parcours et de monter sa propre compagnie. En créant la Com- pagnie Hendrick Van der Zee, (très vite connue comme HVDZ), il choisit de revenir travailler dans sa région d’origine, le Nord-Pas-de-Calais. Fils de mineur, il a grandi dans le Pas-de-Calais près d’Auchel.

«Je me suis souvent demandé à quoi je pouvais servir, pourquoi je faisais ce métier, pour quelle utilité. J’ai longtemps cru que ce n’était qu’une question existen- tielle et je me suis rendu compte en arrivant au 11/19 que c’était aussi une question sociale, politique pour ainsi dire.»

6 BIOGRAPHIES

Aurore Magnier Création sonore

Aurore Magnier s'est formée à l'Université de taires radiophoniques de création au CIFAP. Elle Strasbourg en réalisant un Master Recherche en est encadrée par Laurent Tastet (réalisateur radio Arts du Spectacle sous la direction d'Olivier Ne- pour France Inter et France Culture) et réalise veux. un documentaire qui a été sélectionné au festival Longueur d'Ondes 2018 dans la catégorie Petites Depuis cinq ans, elle travaille dans le Nord-Pas-de- Ondes. Elle a intégré depuis septembre 2017 le Calais, principalement sur des gestes artistiques dispositif « Pas-à-pas » mis en place et financé par engageants la parole des habitant.e.s. Elle assiste la DRAC Hauts-de-France. Elle passe donc une Christophe Piret du Théâtre de Chambre pour la grande partie de la saison 2017/2018 à la scène création d'un Camping Complet lors du festival Pile Nationale Le Manège à . Elle assiste la au Rendez-Vous à La Condition Publique à Rou- création de deux spectacles, un solo marionnet- baix en 2014. En 2015-2016, elle coordonne une tique de Yeung Faï ainsi que la mise en scène de Présence Artistique en Territoire pour Le Collectif Nénesse d'Aziz Chouaki par Jean Louis Martinel- XXY autour de la récolte de paroles d'ancien.ne.s li. Aujourd'hui, Aurore travaille à la création d'un brodeurs et brodeuses dans le Caudrésis-Catésis. spectacle qui abordera l'acte de désobéissance Durant cette même période elle collabore artisti- à l'aune de sa lecture des écrits de la philosophe quement avec Lucien Fradin lors de la création de Hannah Arendt. Cette recherche est engagée avec Zyklon/Poppers, un spectacle sur la Mémoire de la une autrice (Marion Bordessoulles) et une créa- déportation pour motif d'homosexualité. À force trice son (Séverine Lis) qui prendront en charge d'enregistrer des témoignages, Aurore décide de l'écriture de la pièce. suivre une formation à la réalisation de documen-

François Pavot Création lumière

Depuis toujours, François aime toucher à tout. sial, la clef des champs, etc. Il a aussi collaboré en Après avoir obtenu son bac E (Mathéma- son pour Léon Napakatbra de Métalu-à-Chahuter. tiques-technologies), il se forme aux arts plas- Et depuis toujours avec le Grand Bleu et Danse à tiques, à la musique électro-acoustique, au jardi- Lille à la fois en création lumière et régie d’accueil nage, au théâtre et à sa technique, entre autres. et de tournée. Il rencontre Lucien Fradin lors de la création lumière du spectacle Zyklon/Poppers. Il travaille en lumière avec Claire Dancoisne, Depuis, ils travaillent ensemble pour les spectacles l’atelier lyrique de , dans un groupe de présents et à venir. théâtre expérimental dirigé par Jean-Marc Mu-

7 BIOGRAPHIE

Didier Cousin Direction d'acteurs

Comédien depuis 1987, il a travaillé avec de nom- de la Compagnie HVDZ en participant aux créa- breuses compagnies dont le Cosmos Kolej de Wla- tions de Quoi– L’Eternité?, La Tournée des Grands dislas Znorko (Le Chiffonnier), le Ballatum Théâtre Ducs, Base 11/19, Les Atomics et en collaborant à (Si tu me quittes, est-ce que je peux venir aussi ?, la conception des Veillées avec Guy Alloucherie, Help!, Ivanov), le Prato, la Tarande, la Bardane, Martine Cendre, Marie Letellier et Jérémie Ber- les Fous à réactions, le Théâtre du Prisme, la Fa- naert en 2003. C’est l’occasion pour lui de s’initier brique de Théâtre, la Fabrique du Vent... Il travaille à la vidéo, la prise de vue et le montage et de l’écri- régulièrement comme assistant à la mise en scène ture notamment à partir de la parole des gens. Il et a collaboré notamment avec François Cervan- développe des petites formes qui questionnent la tès sur la création Le Chemin Oublié. Il participe à perception, celle du temps avec En attendant Sa- l’élaboration des spectacles de la Compagnie Eo- muel dans un camion transformé en salle d’attente lie Songe dirigée par Thierry Poquet dont Kvetch ou celle du vécu commun d’un espace à partir de de Berkoff etChutes de Motton. Didier Cousin photos et de textes récoltés dans la cité des pro- travaille depuis de nombreuses années avec Guy vinces. Alloucherie, au sein du Ballatum Théâtre puis

8 LA COMPAGNIE HVDZ

La compagnie HVDZ, créée par Guy Alloucherie en 1997 est installée sur la Base 11/19 à Loos-en- Gohelle, compagnons de Culture commune, Scène nationale du Bassin minier du Pas-de-Calais de- puis des années. Guy Alloucherie et HVDZ ont développé un projet artistique et culturel depuis le territoire qui les entoure, les cités minières et ou- vrières. Ils font coïncider « recherches artistiques, action culturelle et engagement militant ». Le tra- vail sur les récits de vie, l’enfance et la mémoire ou la culture ouvrière sont autant de sujet qui nour- rissent l’écriture et la parole de la compagnie.

L’histoire de la compagnie est marquée par les col- laborations et compagnonnages. Fréquemment, des artistes venus du monde du théâtre, de la danse, du cirque, de la musique ou de la vidéo re- joignent HVDZ pour des temps de recherches. Les collaborations avec de jeunes artistes sur le mode de l’échange, de la transmission se développent de- puis quelques années.

9 PRÉSENTATION

EPERLECQUES

Eperlecques est le récit d’une adolescence porté par correspondances et des échanges mails datant plusieurs voix. Celle de Lucien qui affronte les der- de l’époque du récit. Mais on le désignera comme nières années du collège. Celles de sa famille dont une conférence-théâtre. Puisqu’il s’agit de jouer les souvenirs éclatés créent un récit en mosaïque. des codes de la conférence, des codes du Savoir, Celle d’un conférencier omniscient, qui travaille de ceux de l’enseignement. La place du Savoir est encore avec des transparents et un rétroprojec- donc constamment remise en cause: Pourquoi et teur, qui observe et décrypte ce qui dépasse les comment transmet-on un savoir ? Quel est le rôle individus. Eperlecques est un village-prétexte, un du professeur face à son public ? Les sciences so- espace de départ dans lequel ce professeur toutes ciales décrivent-elles des « vérités » ou font-elles matières confondues zoome jusqu’à se trouver naître des utopies ? Eperlecques cherche aussi à dans la tête de Lucien. Un prétexte pour parler de rester sérieux dans l’autofiction. Autofiction pour la violence du collège, des premiers émois (homo- ne plus croire à l’autobiographie, comme un aveu sexuels, de ce que l’on dit (ou pas) en famille, de d’échec assuré de ce genre, tout en gardant la vo- l’adolescence à la campagne…) L’enthousiasme du lonté d’être au plus près de la vérité. Une vérité conférencier, son décalage avec les témoignages que l’on ne trouve plus dans un seul récit, mais au familiaux et les sentiments emmêlés de Lucien sein même des différents récits qui la composent. nous dressent une sociologie de l’intime, une géo- Dans Eperlecques, il y a des savoirs chauds, ceux graphie des désirs. que l’on découvre en les éprouvant, lorsque Lucien (15 ans) prend la parole et nous fait entendre ce qu’il apprend de lui et du monde. Et puis, il y a les Une conférence-théâtre auto-fictive savoirs froids, ceux des chercheurs et des livres, lé- gers parfois, quand le conférencier parle de la géo- Eperlecques pourrait trouver sa place dans le graphie du village d’Eperlecques, de la sociologie théâtre-documentaire. Dans le processus de créa- de la famille Fradin, ou encore de la psychologie de tion, plusieurs sources ont été confrontées: les l’adolescent Lucien. interviews de la famille de l’auteur, un cahier de

10 ENTRETIEN AVEC LUCIEN FRADIN

Entretien réalisé par l'équipe du TANDEM

Qu’est-ce qui a motivé le choix de votre histoire personnelle comme point de départ du spectacle? Pourquoi avoir choisi le genre de l’autofiction?

Après avoir lu Retour à Reims et partagé avec des amis sur cet ouvrage, je me suis rendu compte que l'histoire personnelle de Didier Eribon résonnait en nous de manière très forte, parfois même dans les détails de certaines situations. Ce que j'avais imaginé de l'intérêt du récit autofictif, sa capacité à éveiller en chacun.e une réflexion intime s'avérait vrai, de manière évidente. J'ai voulu jouer à ce jeu- là à mon tour. Dire autofiction plutôt qu'autobio- graphie est une façon d'admettre que dire la vérité sur son passé est impossible. La mémoire fait le tri, et, en tant que raconteur d'histoire, je choisis cer- tains morceaux et pas d'autres, je transforme un tantinet la réalité pour qu'elle s'adapte au propos que je veux porter, à la durée du spectacle, à la co- hérence des événements...

Votre spectacle traite de l’intime, or vous avez choisi pour titre un nom de ville, ce qui d’office semble induire une certaine distanciation. Quelle en est la raison? Cela vous permet-il d’inclure une dimension sociologique dans votre travail?

Le titre de travail de la recherche était Retour à Eperlecques, une vraie tentative d'appliquer une méthode à mon récit de vie. Mais mon chemin s'est un peu écarté du travail de Didier Eribon. Parce que

11 je voulais faire un spectacle et pas un livre, parce Vous considérez-vous comme un artiste engagé? que je voulais que ce soit parfois drôle et pas que Et si oui, en quoi votre engagement nourrit-il sérieux, parce que les "sciences" que je convoque votre œuvre ? ne sont pas utilisées de manière réellement strictes. Alors j'ai choisi d'appeler cela Eperlecques, mot que Non, je ne me suis jamais dit artiste engagé. Par je trouve assez poétique, puisqu'il permet d'imagi- contre, il est clair que depuis longtemps je cherche ner ce qu'on veut à l'intérieur. Et puis, le village de- à créer un lien entre les pratiques militantes et les vient un point de départ à l'entourloupe d'un faux théories queers et ce que je viens présenter sur cours de géographie. scène. Je suis nourri par cette prise de distance avec le monde qui nous entoure, l'attention por- Eperlecques prend la forme d’une conférence du- tée aux rapports de domination (de classe, de race, rant laquelle vous n’intervenez, en tant que «Lu- de genre, etc.) plus ou moins visibles, la possibilité cien Fradin», que très peu. Que recherchez-vous de lutter ET de faire la fête. Je tente d'utiliser les en utilisant ce procédé? outils et les idées que j'ai appris à connaître grâce aux militant.e.s que j'ai rencontré.e.s ou que je fré- Je n'interviens en tant que Lucien Fradin qu'une quente pour les amener à un public plus hétéroc- seule fois, lorsque je touche au sujet le plus sensible lyte. Quand je crée un spectacle, je m'adresse à ces du spectacle qui tourne autour du consentement et ami.e.s qui embellissent ma vie, mais sans private de la sexualité des mineurs. Et puis il y a des prises joke, de façon à ce que cette force et cette tendresse de paroles que j'attribue à celui que j'ai appelé Lu- puissent toucher tout le monde. cien 13 ans, 14 ans, 15 ans. Mais ces paroles sont une reconstruction de ce que j'imagine que je pen- sais à cet âge-là, à partir des écrits que j'ai retrouvé de cette époque. Enfin, il y a Le Conférencier, om- niscient qui peut tout savoir sur tout, et qui prend beaucoup de distance avec l'histoire. Je crois que je me situe en fait du début à la fin dans cette ten- sion entre le regard distancié du Conférencier et ce Lucien adolescent. Ce que je suis aujourd'hui est nourri de ces deux points de vue.

Nous accueillons l’année prochaine Retour à Reims, de Thomas Ostermeier, d’après le livre de Didier Eribon que vous évoquiez comme une de vos influences. De quelles autres figures du monde littéraire et artistique vous sentez-vous proche?

J'ai hâte de voir le travail d'Ostermeier! Je me sens assez proche du travail de l'Amicale de Production qui utilise régulièrement une sorte de réflexivité comique. J'aime beaucoup Copi pour sa capacité à mettre de l'hilarité dans le drame. Je suis particu- lièrement fan des films de Gregg Araki qui traitent des désirs jeunes et/ou adolescents de manière par- fois solaire et d'autres fois beaucoup plus sombres.

12 LA PRESSE EN PARLE

EPERLECQUES VAUT LE DÉTOUR!

Par Cédric Enjalbert, Les Trois coups, 17/07/17

Avec beaucoup d’humour et de finesse, le comé- dien Lucien Fradin mêle, dans Eperlecques, les sou- venirs biographiques aux réflexions sociologiques et philosophiques.

Eperlecques ne vous dit rien? Suivez le guide: Lu- cien Fradin vous fait découvrir son bois, ses cha- pelles et son blockhaus. Le jeune comédien fait de cette bourgade du Pas-de-Calais le cœur d’un spectacle sobre et sensible. Débutant comme une conférence sur Eperlecques, avec rétroprojecteur, photos et enregistrements sonores, cette fiction sociologique se transforme en un récit intime.

Lucien Fradin suit la méthode adoptée par Guy Alloucherie dans La Brique. Dans ce remarquable spectacle, le directeur de la compagnie Hendrick Van Der Zee recherchait les traces du passé, celui du bassin minier et le sien. Sa compagnie a super- visé la production d’Eperlecques, conçu également comme un fin entremêlement d’histoires person- nelles et de réflexions sociologiques, d’éléments biographiques et d’inspirations philosophiques. Dans ce récit, les anecdotes n’en sont pas, car tout compte dans ces détails qui font la vie.

Lucien Fradin, tantôt conférencier à petite mous- tache et pull désuet, tantôt, à la faveur d’un flash- back, timide adolescent de quinze ans, se lance dans une autoanalyse passionnante. Avec une grande délicatesse, il tire les fils de sa mémoire, fouillant

13 l’héritage familial, brossant la généalogie de ses Le conférencier mentionne ainsi les travaux de la parents. À travers une expérience personnelle, il philosophe américaine Judith Butler, auteure d’un cerne progressivement «les signes d’une réalité», livre phare intitulé Trouble dans le genre, paru en selon l’expression d’Annie Ernaux. Comme elle, 1990… et traduit en français seulement quinze ans il emploie le « je transpersonnel », parlant de soi plus tard ! Elle y pose la notion de genre, distincte pour parler des autres. du sexe. Le genre serait en quelque sorte le « sexe social », celui que la société nous attribue depuis la naissance et qu’il est donc possible de changer. Sexe social En montant ce spectacle de forme légère, l’acteur Alors que les réseaux sociaux naissent à peine à contribue à la reconnaissance de ces voix passées la faveur d’Internet, Lucien découvre son homo- sous silences, de ces vies minuscules reléguées sexualité. Premiers émois vécus avec des hommes dans l’ombre. Avec érudition, mais sans esprit de plus vieux, violence de l’insulte à l’école, décep- sérieux, avec de la suite dans les idées et beaucoup tions et peurs, il traverse à nouveau sur scène ces d’humour, Lucien Fradin explore les aventures souvenirs biographiques qui ne sont pas person- de la conscience d’un jeune homme. Il retrace la nels, car ils portent en eux une dimension collec- formation d’une identité, en même temps qu’il tive. Comment vivre avec le sentiment de honte dépeint une tranche de l’histoire contemporaine. et le poids du secret, dans une commune de 3.500 Eperlecques vaut le détour ! habitants, qui n’offre pas l’anonymat des grandes villes ? Contre la puissance de l’assignation so- ciale— être ce qu’on attend de vous — et dans une forme de solitude.

14 LA PRESSE EN PARLE

EPERLECQUES, LA CONFÉRENCE SOCIOLOGIQUE DE LUCIEN FRADIN SUR L'HOMOSEXUALITÉ

Par Stéphane Capron, Sceneweb, 22/07/17

La compagnie HDVZ du metteur en scène Guy Al- cien remonte le cours de sa vie d’enfant. C’est une loucherie présente dans le Off un jeune acteur et plongée dans la France des années 90. Le web fait auteur, Lucien Fradin. Il raconte dans Eperlecques son apparition ; une aubaine pour le jeune garçon son histoire, celle d’un jeune gay qui a grandi dans qui s’ouvre à un autre monde et vit pleinement sa une petite commune du Pas-de-Calais. C’est drôle sexualité, non sans difficultés. Il doit combattre la et inventif. violence à l’école, les quolibets, les interrogations de son entourage. Eperlecques, petite commune du Pas-de-Calais de 3500 habitants au bord de l’Aa vit son heure de gloire grâce à Lucien Fradin, conférencier aux Le spectacle est un beau témoignage d’amour en- petites lunettes rondes, un peu coincé dans son dé- vers la famille de Lucien. On entend les voix de bardeur et son pantalon en flanelle qui affiche une son père, de sa mère, de son grand frère ; ils se fausse timidité. Lucien Fradin mène pendant cette confient et racontent comment ils ont découvert heure de spectacle un travail anthropologique très l’orientation sexuelle de Lucien, sans le juger. Avec drôle. Équipé d’un rétroprojecteur et de quelques humour et distance, Lucien Fradin – très investi transparents, il raconte avec une belle dose d’hu- dans le Nord dans les milieux LGBT montre une mour l’histoire de sa famille. famille unie, ouverte. Aiguillé dans son travail par le metteur en scène Guy Alloucherie de la compa- Ses parents Laurent et Catherine se rencontrent gnie HVDZ, qui s’y connaît en matière de théâtre dans les années 80. Lui est fils d’ouvrier, elle est documentaire, Lucien Fradin réussit un spectacle fille de profs. Ils fondent une famille, achètent pour tous les publics. Utile et formidablement bien une maison, des ânes, et donnent la vie à trois interprété. enfants, dont Lucien. Dans cette conférence, Lu-

15 POUR ALLER PLUS LOIN

LA FORME CONFÉRENCE-SPECTACLE

Extraits de La conférence-spectacle : Jeux avec une forme savante - Fabula https://www.fabula.org/actualites/la-conference-spectacle-jeux-avec-une-forme-savan- teappel-communication_63276.php

La transdisciplinarité à l’œuvre dans les arts de la où la transmission d’un savoir se trouve inquiétée scène depuis les années 1970 a donné naissance à ou simplement interrogée ? Peut-on parler d’un jeu des formes spectaculaires renouvelées : en nour- – et en quel sens ? – avec la « relation pédagogique rissant leur pratique de celles des autres, les ar- » induite par le discourant s’adressant à des audi- tistes du cirque, de la danse et du théâtre ont re- teurs restant muets ? poussé les cloisons disciplinaires, explorant ainsi des formes marquées du sceau de l’hybridité. Si les disciplines artistiques se sont ainsi ouvertes les Discours, pratique et légitimité : unes aux autres, elles s’hybrident aussi en investis- sant un mode d’expression a priori non-artistique : La conférence-spectacle, lorsqu’elle est l’œuvre le discours scientifique ou universitaire. d’un artiste parlant de sa propre pratique, in- terroge le chemin entre l’objectivité du discours […] Avec d’autres enjeux, la forme elle aussi sa- scientifique (horizon de vérité voulu par le cher- vante de la conférence se trouve mise en scène par cheur) et l’implication affirmée d’une subjectivité de nombreux praticiens, sous la forme de confé- (celle de l’artiste). Dès lors, c’est aussi avec le té- rence-spectacle, conférence-performance, confé- moignage (parler depuis son expérience) que flirte rence dansée, conférence gesticulée. la conférence et c’est la question du rapport entre l’art et le savoir qui est alors posée.

La conférence et le spectacle : jeux et relations

Si la conférence-spectacle tend à se jouer de la dé- finition courante de la conférence, celle d’un ex- posé didactique à destination d’un public averti voire spécialisé, elle pourrait aussi revivifier le sens ancien du terme – la conférence comme mise en commun – en proposant une réflexion sur la possi- bilité d’une assemblée que la relation spectaculaire semble avoir figée. Quel type d’adresse invente l’artiste dans ces formes hybrides où la leçon cô- toie parfois le divertissement ou le détournement,

16 Quelques exemples d’œuvres et artistes utilisant cette forme hybride:

Antoine Defoort et l’amicale de production pro- posent avec Un faible degré d’originalité de s’inter- roger sur la question de la propriété intellectuelle et la genèse du droit d’auteur.

Frédéric Ferrer auteur, metteur en scène, géo- graphe et acteur construit depuis 2008 un Atlas de l'anthropocène, cycle de conférences théâtrales qui jettent un pont entre matière géographique et fic- tionnelle, entre les arts de la scène et les connais- sances scientifiques.

La Brique de Guy Alloucherie spectacle conférence dans lequel le directeur de la compagnie Hendrick Van Der Zee recherchait les traces du passé, celui du bassin minier et le sien.

Phèdre! de François Grémaud (ci-contre) dans le- quel un conférencier spécialiste de la tragédie de Racine se laisse emporter par sa passion pour ce texte classique comme Phèdre l’est par son amour pour Hippolyte.

À découvrir au TANDEM | Arras . Théâtre les 5 et 7 novembre 2018

17 POUR ALLER PLUS LOIN

L'AUTOFICTION

Autofiction est un néologisme créé en 1977 par Pour aller plus loin sur l’autofiction Serge Doubrovsky, critique littéraire et romancier, au théâtre : pour désigner son roman Fils. Vous trouverez différentes ressources sur le lien L’autofiction est un genre littéraire qui est em- suivant : preint de contradictions : il associe deux types de narrations opposés. C’est un récit qui est fondé, https://www.erudit.org/fr/revues/jeu/2004- comme l’autobiographie, sur le principe que les n111-jeu1111886/25505ac.pdf trois figures de l’auteur, du narrateur et du per- sonnage principal sont la même personne. Elle se réclame cependant de la fiction dans ses modalités Conférence au TANDEM | Douai . Hippodrome narratives. Elle est le résultat du croisement entre un récit réel de la vie de l’auteur et un récit fictif Théâtres du monde, théâtres du moi : projection auto- explorant une expérience vécue par celui-ci. biographiques et autofictions dans le renouvellement romanesque et documentaire de la scène contempo- Une narration à la troisième personne du singu- raine lier est parfois utilisée, les noms des personnages ou des lieux peuvent être modifiés. L’autofiction Lundi 1er avril 2019 | 18 :30 laisse alors une place prépondérante à l’expres- sion de l’inconscient dans le récit de soi. Pour Autour des spectacles Retour à Reims de Thomas Serge Doubrovsky, l’autofiction est une « fiction, Ostermeier, Eperlecques de Lucien Fradin, He’s a d’événements et de faits strictement réels. Si l’on Maniac de Cyril Viallon et C’est la vie de Moham- veut, autofiction, d’avoir confié le langage d’une med El Khatib aventure à l’aventure d’un langage en liberté ». La fiction devient ici l’outil affiché d’une quête iden- titaire.

18 PISTES PÉDAGOGIQUES

AVANT LE SPECTACLE

Qu’est-ce que l’adolescence ?

Proposer aux élèves de réaliser un nuage de mots Demander aux élèves de compléter le tableau sui- (https://nuagedemots.com) avec tous les termes vant en imaginant ce que ce se disent les uns et les qu’ils associent au substantif « adolescence ». autres sur les adolescents:

Les grands- Les adultes Un adolescent Les parents Les professeurs Qu'est-ce parents (en général) qu'un ado selon...?

Inviter les élèves à répondre à la question du ro- man jeunesse ci-contre.

Demander aux élèves de dire ce qu’est pour eux Magali Wiéner «une bande de jeunes» et pourquoi ils se sentent bien parmi cet ensemble.

Proposer aux élèves de s’exprimer à l’oral ou à À QUOI TU l’écrit sur le sujet suivant: «Est-il facile d’être un adolescent?», puis de lister les difficultés liées à RESSEMBLES? l’adolescence. Amener les élèves à réfléchir à la question sui- vante: «Toutes les générations rencontrent-elles des difficultés liées à l’adolescence ou était-ce plus difficile hier?».

19 Que dire sur soi ? Comment parler de soi ? Proposer aux élèves de faire le portrait d’un de leur ami en photo et d’expliquer leurs choix (posture, Inviter les élèves à amener un objet personnel ou cadrage, lumière, mise en scène, titre, …). appartenant à la famille afin de présenter à l’oral le lien qui existe entre cet objet et l’adolescent. Proposer aux élèves d’écrire à la manière d’Akhe- naton sur Je suis peut-être (https://www.youtube. Demander aux élèves d’écrire sur un post-it trois com/watch?v=Db8HGg7g94U) et de présenter mots qui les identifient. Rassembler l’ensemble des leur travail à la classe. post-it sur un groupZap (http://groupzap.com). Mener un échange autour de l’ensemble des ré- Demander aux élèves de présenter leur ville — ponses récoltées. leur village. Cet espace géographique a-t’il une in- fluence sur leur vie? Présenter aux élèves différents portraits et leur demander parmi ces images laquelle est, selon eux, la plus proche du portrait.

Exemples de portraits: Les autoportraits de Vincent Van Gogh, Les photographies d’Aaron Nace : http://www.fubiz.net/2011/04/05/aa- ron-nace/#content

20 Demander aux élèves s’ils sont du même avis que Didier Eribon suite à la lecture de l’extrait suivant:

«(…) Le lendemain, je suis allé passer l’après-mi- di avec ma mère. Nous sommes restés plusieurs heures à bavarder, assis dans les fauteuils du salon. Elle a sorti d’une armoire des boîtes pleines de pho- tos. Il y en avait plusieurs de moi, bien-sûr, petit garçon, adolescent… De mes frères, aussi… J’avais à nouveau sous les yeux – mais n’étaient-ils pas en- core gravés dans mon esprit et dans ma chair? — ce milieu ouvrier dans lequel j’avais vécu, et cette misère ouvrière qui se lit dans la physionomie des habitations à l’arrière-plan, dans les intérieurs, les vêtements, les corps eux-mêmes. Il est toujours vertigineux de voir à quel point les corps photogra- phiés du passé, peut-être plus encore que ceux en action et en situation devant nous, se présentent immédiatement au regard comme des corps so- ciaux, des corps de classe. Et de constater à quel point la photographie comme « souvenir » en ra- menant un individu – moi – en l’occurrence – à son passé familial, l’ancre dans son passé social. La sphère du privé, et même de l’intime, telle qu’elle ressurgit dans de vieux clichés, nous réinscrit dans la case du monde social d’où nous venons, dans des lieux marqués par l’appartenance de classe, dans une topographie où ce qui semble ressortir aux relations les plus fondamentalement personnelles nous situe dans une histoire et une géographie col- lectives (comme si la généalogie individuelle était inséparable d’une archéologie ou d’une topologie sociales que chacun porte en soi comme l’une de ses vérités les plus profondes, si ce n’est la plus consciente.»

Retour à Reims de Didier Eribon coll. Champs essais, 2009

21 PISTES PÉDAGOGIQUES

APRÈS LE SPECTACLE

Demander aux élèves d’écrire ce qu’ils ont pensé des éléments suivants de la pièce:

La fable La mise en scène La scénographie Le jeu d'acteur Votre avis sur...

Inviter les élèves à utiliser un procédé scénique fonde. Il s’agissait d’amis, et donc de liens électifs proche de celui de Lucien Fradin pour parler d’eux dont l’anéantissement brutal privait ma vie de ce devant la classe en respectant la consigne sui- qui en tissait la trame quotidienne. Au contraire vante: écrire un court texte à la 3e personne dans de ces relations dont la force et la solidi- lequel je parle de moi en me rattachant à une per- té tenaient à ce que les protagonistes désiraient sonne qui m’est chère, à un lieu que j’affectionne ardemment les reconduire, d’où l’effet d’effondre- particulièrement depuis longtemps, à un objet fé- ment que provoquaient leur interruption, ce qui tiche. Je présente ensuite ce texte aux autres. m’unissait à mon père me paraissait relever du seul lien biologique et juridique : il m’avait engendré, Variante: se présenter à un camarade puis lui je portais son nom, et, pour le reste, il ne comptait demander de vous présenter aux autres à la 3e pas pour moi. Quand je lis les notes dans lesquelles personne, en reprenant les éléments discutés en Barthes consigna au jour le jour le désespoir qui amont. s’abattit sur lui à la mort de sa mère et l’insurmon- table souffrance qui transforma son être, je mesure à quel point les sentiments qui s’emparèrent de Un déterminisme prégnant ? moi à la mort de mon père diffèrent de ce désespoir et de cette affliction. « Je ne suis pas en deuil. J’ai Etudier avec les élèves l’extrait de Retour à Reims du chagrin », écrit-il pour exprimer son refus d’une de Didier Eribon: approche psychanalytique de ce qui se passe après la disparition d’un être cher. Qu’en fut-il pour «(…) Cela survient dans tout deuil, me dira-t-on, et moi? Comme lui, je pourrais dire que je n’étais pas peut-être même cela en constitue-t-il l’une des ca- en « deuil ». Mais je ne ressentais pas non plus cet ractéristiques essentielles et universelles, surtout ineffaçable chagrin sur lequel le temps ne saurait quand il s’agit des parents ? Mais, dans ce cas, ce avoir de prise. Quoi, alors? Un désarroi, plutôt, fut une façon étrange de l’éprouver : un deuil dans provoqué par une interrogation indissociablement lequel la volonté de comprendre celui qui venait de personnelle et politique sur les destins sociaux, sur disparaître, et de me comprendre moi-même, qui la division de la société en classes, sur l’effet des lui survivais, l’emporter sur la tristesse. D’autres déterminismes sociaux dans la constitution des pertes, auparavant, m’avaient atteint avec plus subjectivités, sur les psychologies individuelles, de violence et plongé dans une détresse plus pro- sur les rapports entre les individus.»

22 Comment redonner la parole Clément et êtres réels, Dunoyer de Segonzac, Car- à ceux qui ne l’ont pas ? co et Colette elle-même. Colette, âgée de 54 ans, renonce à l'amour de Valère, jeune décorateur, fou Questionner les élèves sur la notion d’engagement. amoureux d'elle qui n’est pas sans faire penser à Par exemple : qu’est-ce que signifie s’engager, selon Maurice Goudeket. vous ? Quelles différentes formes d’engagement connaissez-vous ? Comment peut-on s’engager à Expliquer en quoi Colette et son œuvre ont pu travers les arts, la politique, le journalisme, la vie faire scandale en leur temps et faire le lien avec associative. un personnage sulfureux de la littérature actuelle, Christine Angot, qui, elle aussi, place l’autofiction Leur demander de citer une personne connue qui au cœur de son œuvre. Lire l’extrait d’Un amour s’est engagée. On peut s’appuyer sur deux exemples impossible : célèbres tel que Badinter et sa lutte contre la peine de mort ou encore Lilian Turam et son combat « Mon père et ma mère se sont rencontrés à Châ- contre le racisme. teauroux, près de l’avenue de la Gare, dans la can- tine qu’elle fréquentait, à vingt-six ans elle était En quoi ce spectacle est-il une forme d’engage- déjà à la Sécurité sociale depuis plusieurs années, ment ? elle a commencé à travailler à dix-sept ans comme dactylo dans un garage, lui, après de longues D’après vous, comment donner la parole à ceux qui études, à trente ans, c’était son premier poste. Il font partie de minorités ? Demander aux élèves de était traducteur à la base américaine de La Mar- donner la parole à ceux qui ne l’ont pas ou moins. tinerie. Les Américains avaient construit entre Châteauroux et Levroux un quartier, qui s’éten- dait sur plusieurs hectares, de petites maisons L’autofiction en question individuelles de plain-pied, entourées de jardins, sans clôture, dans lesquelles les familles des mili- Demander aux élèves de rechercher et comparer taires vivaient. La base leur avait été confiée dans les définitions d’autobiographie et d’autofiction à le cadre du plan Marshall, au début des années cin- l’aide des définitions suivantes : quante. Quelques arbres y avaient été plantés, mais quand on passait devant, de la route, on voyait une http://www.autofiction.org/index.php?post/2011/09/02/Autobio- multitude de toits rouges à quatre pentes, dissémi- grphie-et-autofiction nés sur une large plaine sans obstacle. À l’intérieur de ce qui était un véritable petit village, les allées, https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&- larges et goudronnées, permettaient aux habitants source=web&cd=8&ved=2ahUKEwjas9j0iOLdAhXsxoUK- de circuler dans leur voiture au ralenti, entre les HdABAwsQFjAHegQIAxAC&url=https%3A%2F%2Fuottawa. maisons et l’école, les bureaux et la piste d’atter- scholarsportal.info%2Fojs%2Findex.php%2Frevue-analyses%- rissage. Il y avait été embauché à sa sortie du ser- 2Farticle%2Fview%2F1003%2F850&usg=AOvVaw19kTYSZr- vice militaire, il n’avait pas l’intention de rester. Il vbe_Mdl0rf1g2J était de passage. Son père, qui était directeur chez Michelin, voulait le convaincre de travailler pour Proposer aux élèves de lire des passages de La nais- le Guide Vert, lui se voyait bien faire une carrière sance du jour de Colette, première autofiction lit- de chercheur en linguistique, ou d’universitaire. téraire : elle y parle de la nature, de la campagne, Leur famille habitait Paris depuis des générations, des animaux, de sa mère, de l’amour y compris avec dans le dix-septième arrondissement, près du parc un homme plus jeune qu’elle, Maurice Goudeket. Monceau, était issue de Normandie. De père en fils Dans ce roman, en partie autobiographique, l'au- on y avait souvent été médecins, on y était curieux teur mêle personnages fictifs, Valère Vial, Hélène du monde, on y avait la passion des huîtres.

23 Il l’a invitée à prendre un café. Et quelques jours La piste était pleine, c’était une chanson très après à danser. Ce soir-là, elle devait aller à un bal connue. dit « de société » avec une amie. Organisés par un groupe ou une association qui louait un orchestre — « Ceux qui s’aimment jouent la mêmme, je le sais et une grande salle, les bals de société, à la diffé- Ma complainneteu c’est la plainneteu, de deux cœurrs rence des dancings, fréquentés des Américains C’est un roman comme tant d’autrres, qui pourrait mais aussi des prostituées, attiraient les jeunes être le vôtrre gens de Châteauroux, celui-là avait lieu dans une C’est la flamme qui enflamme, sans brrûler grande salle d’exposition de la route de Déols, le C’est le rrêve queu l’on rrêve, sans dorrmirr parc Hidien. Mon père n’en avait pas l’habitude. Monne histoirreu c’est l’histoirreueu... d’un... am- mourr. » — Oh moi je ne vais pas dans ce genre de chose... Nous sortirons ensemble un autre soir. Je vais rester Pendant toute la chanson, ils se sont tus. chez moi. J’ai du travail... — « ... avec l’heurrre où l’on s’enlasssse, celle où l’on Elle y est allée avec son amie, Nicole, et le cousin seu ditttadieu de celle-ci. La soirée était déjà bien entamée quand Avec les soirées d’angoisssse, et les matins... merrr- au loin à travers la foule, elle l’a vu se frayer un che- veilleux... min. Il avançait vers leur table. Il l’a invitée à dan- Et trrragique ou bien profonnedeu, c’est la seule his- ser, elle s’est levée, elle portait une jupe blanche toirrre du monnedeu, avec une ceinture large. Ils se sont faufilés en di- Qui ne finirrra jamais rection de la piste, en arrivant sur le parquet il a C’est l’histoirreu d’un ammourrr... » souri, elle était prête à se glisser dans ses bras, il a pris sa main pour la guider, et la faire évoluer parmi Ils ne se regardaient pas. les danseurs. À ce moment-là l’orchestre s’est mis à jouer les premières mesures de : «Notre histoire — « ... mais naïve ou bien profonnedeu, c’est la seule c’est l’histoire d’un amour ». histoirre du monnedeu, Notrre histoirreu c’est l’histoirreueu... d’un ammourrrr. » C’était une chanson qu’on entendait partout. Da- lida venait de la créer. Elle la chantait avec inten- La chanson s’est terminée. Ils ont repris de la dis- sité, en mêlant le tragique à la banalité. Son accent tance. Et ils ont retraversé la salle en direction de oriental arrondissait les mots, les étirait en même la table. Elle lui a présenté Nicole et son cousin. temps, sa voix grave enveloppait les sons et leur donnait une substance particulière, l’ensemble Ils ont commencé à se voir. Ils allaient au cinéma, avait quelque chose d’envoûtant. Et pour mieux au restaurant, à des soirées dansantes, le week-end emporter les gens, la chanteuse de l’orchestre se ils sortaient, il louait une voiture, et ils partaient. coulait dans l’interprétation d’origine. Les jours de semaine, il passait la chercher à son bureau, ou bien il allait chez elle. Très vite, ils se — « Notrre histoirreu, c’est l’histoirreu d’un am- sont vus tous les jours. mourr Éterrrnell et banall qui apporrrteu, chaqueu jourr Elle découvrait un monde. Tout le bien tout le mall... » Un monde d’intimité, de paroles constantes, de Ils ne se parlaient pas. questions, de réponses, la moindre impression était fouillée, personnelle et détaillée. Les détails — « C’est l’histoirrreu qu’on connaît... » inattendus, les mots nouveaux. Les comparaisons, surprenantes, inédites, à contre-courant, osées.

24 Des idées qu’elle n’avait jamais entendu exprimer. Débattre la forme littéraire de l’autofiction, à tra- Il balayait les convenances d’un air naturel. Et il vers les questions et controverses qu’elle soulève: décrivait tout ce qu’il voyait, les lieux qu’ils traver- Pourquoi l’autofiction pose problème ? Pourquoi saient, les paysages dans lesquels ils marchaient, fait-elle polémique ? Répond-elle à notre moder- les gens qu’ils croisaient, avec une précision telle nité qui nous pousse au voyeurisme, à l’exhibition que ça gravait ce qu’il disait en elle. Il lui expliquait de soi ? Parle-t-elle de celui qui écrit uniquement qu’il avait fait le choix de la liberté, il ne critiquait ou de l’homme de manière universelle ou de notre pas la façon dont les autres vivaient, mais il s’en société ? écartait. Certaines choses le mettaient hors de lui, d’autres qui la choquaient le faisaient rire ou Les débats tournent autour de la gêne pour cer- l’attendrissaient. Dieu, qu’elle avait toujours pen- tains d’exister dans des livres, d’être reconnus, des sé au-dessus d’elle, n’existait pas pour lui, la reli- procès qui peuvent être faits aux auteurs. gion était faite pour les esprits faibles. À l’époque, c’était un sujet qui importait. Est-elle un moyen d’expression pour se libérer, se faire connaître, manifester un engagement ? Pour avoir la paix il suffisait de faire une ou deux Cette forme d’expression littéraire peut témoigner concessions à la société. Ça avait le double avantage d’une volonté plus grande de vivre au grand jour de ne pas blesser les gens, et de récolter le moment sa sexualité par exemple ou de régler ses comptes venu ce qu’ils avaient à vous apporter. Elle mettait avec ses proches, son passé ou encore leur rendre les propos qui la dérangeaient sur le compte de sa hommage. personnalité non conventionnelle. Il s’arrêtait au milieu d’un sentier, la regardait, et soulignait la sin- Les élèves compareront ces éléments de discus- gularité de son intelligence, en amoureux et en ex- sion et les mettront en perspective avec le travail pert, il parlait d’elle avec la même passion que d’un de Lucien Fradin. auteur qu’il admirait. La pertinence de ce qu’elle disait n’avait rien à voir pour lui avec le fait qu’elle n’ait pas fait d’études. Il dressait une liste de gens instruits qui étaient des imbéciles, en dépit de leur Un univers familier position publique élevée. Pour la faire profiter de (Autour du spectacle Wulverdinghe uniquement) son expérience, il lui expliquait qu’il fallait les flat- ter, car pour vivre libre il fallait être seul, et seul à Inviter les élèves à réfléchir à la scénographie. savoir qu’on l’était. Comment sur scène parvient-il à recréer l’uni- vers dont il parle ? Comment redonne-t-il vie à La radio était allumée, tout à coup il se mettait en sa grand-mère ? Comment met-il à l’honneur des colère. Il critiquait les propos qu’on y entendait, lieux et des événements (par le prisme d’objets, de des otages, pleurant à chaudes larmes, demandant musique, de sons, d’images, …). à leur pays d’origine de les sauver, il les méprisait de faire prévaloir l’intérêt personnel sur l’intérêt public. D’une manière générale, les sentiments col- lectifs le laissaient froid, les éruptions volcaniques, les tremblements de terre qui causaient des mil- liers de pertes humaines, tout ça était pris dans les statistiques, ça ne comptait pas au titre d’informa- tions. C’était la première fois qu’elle entendait ça.

Il la regardait fixement sans battre un cil, jusqu’à ce que, d’émotion, il soit obligé d’abaisser les pau- pières, bouleversé par son sourire »

25 LIENS UTILES

SUR LE SPECTACLE

Page internet des spectacles sur le site du TANDEM Eperlecques http://www.tandem-arrasdouai.eu/fr/lucien-fradin Wulverdinghe http://www.tandem-arrasdouai.eu/fr/lucien-fradin-0

À PROPOS DU SPECTACLE LA BRIQUE DE GUY ALLOUCHERIE : http://www.hvdz.org/projets/en-tournee/la-brique

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Textes : Apolline Mauger (relations publiques) Lætitia Opigez, Alexandra Pulliat (professeures missionnées) Mise en page: Raphaël Mesa (communication) Crédits photographiques: © DR, © Aloïs Lecerf

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L'équipe des relations publiques en charge du secteur de l'enseignement :

Maxence Maréchal-Delmotte • TANDEM | Douai . Hippodrome • [email protected] • 09.71.00.56.64 Apolline Mauger • TANDEM | Arras . Théâtre • [email protected] • 09.71.00.56.62

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