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Notre musée Les imaginaire derniers d’Antonello achats à Rothko de l’Inha

L’irréductible 9,70 € CH: 15 FS CAN: CAN$ 12,25 GB: £7,80 £7,80 CAN$ 12,25 GB: 9,70 15 FS CAN: € CH: Gabrielle Chanel

Pantin, le Grand Paris arty DOM/GR/ITA/NL/PORT : 9,50 € BEL/LUX: 9,20 € ESP: 9,20 € ESP: 9,50 € BEL/LUX: : DOM/GR/ITA/NL/PORT Les folles créations d’Hubert le Gall " - RD E 7,90 F: - 792 MAI 2020 M 05525 ’ :HIKPPC=ZU\^UV:?a@r@j@c@k :HIKPPC=ZU\^UV:?a@r@j@c@k

CDAF0792_001_BK577015.pdf Vente25 en préparation PEINTRES D’ASIE, ŒUVRES MAJEURES HỌA SĨ CHÂU Á, TÁC PHẨM QUAN TRỌNG • 亞洲繪畫,經典傑作 Lundi 22 juin 2020, Paris

LÉ PHÔ. Adjugé 471 750 € VŨ CAO ĐÀM. Adjugé 271 560 € Record européen le 12.06.2017 2ème record mondial le 11.03.2020

SANYU. Adjugé 8,8 millions d’euros. Record européen le 18.12.2017 Les prix sont indiqués TTC MAI TRUNG THỨ. Adjugé 392 780 €. Record européen et 2ème record mondial le 9.10.2019

ère maison de ventes aux enchères en Europe 1 sur le marché des Peintres d’Asie du début du XXe siècle et saluée de multiples records mondiaux

ALIX AYMÉ. Adjugé 182 000 €. Record mondial le 12.04.2019

Expertises gratuites et confidentielles sur rendez-vous Nous recherchons les signatures Lé Phô, Nam Son, Alix Aymé, dans toutes les grandes villes de France et en Belgique, Mai Trung Thứ, Le Thy, Vũ Cao Đàm, Nguyễn Phan Chánh, Luxembourg, Suisse... Nguyễn Tiến Chung, Tran Phuc Duyen... et aussi , , Pan Yuliang... Charlotte Reynier-Aguttes Neuilly-sur-Seine • Paris • Lyon • Aix-en-Provence • Bruxelles +33 (0)1 41 92 06 49 - [email protected] aguttes.com | Suivez-nous editorial

Jamais nous n’avions connu pareille situation. Avec l’épidémie qui touche la France de plein fouet, notre monde de l’art est mis à l’arrêt. Toutes les expositions, tous les salons, tous les musées ont fermé leurs portes et ce jusqu’à une date indéterminée. Mi-mars, les autorités culturelles ont agi avec raison en suspendant ces manifes- tations car il faut d’abord préserver la santé de tous les intervenants et du public. Nous avons cependant continué à vous informer, au jour le jour, sur notre site Internet connaissancedesarts.com en vous conseillant sur les visites virtuelles et autres pro- positions numériques émanant des musées, des galeries et des maisons de ventes. Au vu de la fréquentation de notre site, qui a presque doublé, nous avons répondu à vos attentes en ces temps de guerre contre le virus. À situation inédite, remède inédit. Après avoir réajusté jusqu’à la dernière minute le sommaire de notre numéro d’avril (avec une belle couverture Turner) et l’avoir livré à nos abonnés, nous nous sommes lancés dans ce numéro de mai En temps de guerre en travaillant loin du bureau, ce qui n’est pas facile, mais en réseau et avec enthousiasme. Faisant fi, pour une fois, de l’actualité des expositions, nous RETROUVEZ avons voulu ici faire la part belle aux œuvres d’art, vous raconter des histoires surpre- LA CHRONIQUE nantes, vous passionner pour des sujets parfois intemporels comme la vie de Gabrielle HEBDOMADAIRE de Guy Boyer sur Chanel, les autochromes des Archives de la Planète sur le Paris de l’entre-deux-guerres Radio Classique, ou les nouvelles adresses du Grand Paris, de Pantin à Romainville. Sans vous dévoiler « Chronique Sorties » tout son contenu, je vous assure que vous serez étonnés par les derniers achats de le vendredi en fin de flash de 13 h l’Institut national d’histoire de l’art (Inha) auxquels nous consacrons notre Portfolio, et le samedi d’une perspective de jardin de Carmontelle aux plus belles estampes du peintre améri- à 9 h 57 et 14 h57. cain Ellsworth Kelly. Nous sommes allés dans l’atelier d’une grande artiste suisse, Renée Levi, qui avait étonné le public lors de la dernière Bien- nale d’art contemporain de Lyon, et dans la fonderie où a contre le virus travaillé le designer Hubert le

Notre Gall, inventeur de meubles complètement fous. Je me propose également de présenter musée Les imaginaire derniers d’Antonello achats à Rothko de l’Inha un musée imaginaire, piochant dans les collections de la Tate Gallery de Londres, de L’irréductible Gabrielle Chanel

Pantin, le Grand Paris arty l’Ermitage de Saint-Pétersbourg ou des Offices de Florence. Apparaît ainsi une in- Les folles créations d’Hubert le Gall croyable collection de chefs-d’œuvre, certains connus, d’autres moins, qui expliquent pourquoi je crois passionnément en la peinture, de celle de la Renaissance d’Antonello existe aussi XX e en version numérique da Messine à la spirituelle abstraction de Mark Rothko au siècle. J’espère que ce www.connaissance numéro atypique, sans expositions à la clef et sans marché de l’art, continuera à vous desarts.com donner du plaisir. En espérant vous avoir rassurés sur la continuité de nos actions, je vous remercie pour votre fidélité, vous engage à prendre soin de vous et à vous cultiver avec l’ensemble de nos publications à venir.

GUY BOYER, DIRECTEUR DE LA RÉDACTION [email protected]

CONNAISSANCE DES ARTS / MAI 2020 O3

CDAF0792_003_BK575563.pdf *sans actionnaire extérieur ART CONTEMPORAIN gte.o Suivez-nous | aguttes.com Neuilly-sur-Seine 1 [email protected] - 02 93 45 47 (0)1 +33 Guillerot Ophélie contemporain Art Spécialiste sur complet catalogue et Informations et rnep 00 Paris 2020, Printemps Vente ère asnd etsaxecèe néednee France* en indépendante enchères aux ventes de maison A E-IG(ée 1960) en (né PEI-MING YAN • Paris • Lyon • Aix-en-Provence Autoportrait 02 ul u ol,10x10cm 150 x 150 toile, sur Huile 2002. , aguttes.com • Bruxelles tcnietelssrrendez-vous sur confidentielles gratuites et Expertises Viallat... Claude Botero, Debré, Fernando Olivier Ping, Yong Huang Wou-Ki, Zao Verdier, Fabienne Venet, Bernar Teh-Chun, Soulages, Chu Pierre Shiraga, Kazuo Picasso, Hartung, Pablo Hans Combas, Robert Buffet, Bernard osrcecoslssgaue . .Basquiat, M. J.- signatures les Paris recherchons 2020, Nous octobre et Juin : ventes Prochaines MAI 2020

Pourquoi aimons-nous tant la peinture ? Début de réponse(s) en douze temps. 34Renée Levi ou la peinture à l’aune du corps de l’artiste. Comme une danse. 24 3 ÉDITORIAL 13 PORTFOLIO L’Inha s’enrichit 19 ACTUALITÉS Grand Paris / Régions / International

24 ÉVÉNEMENT Un musée imaginaire

34 VISITE D’ATELIER Dans la danse de Renée Levi

40 ÉTUDE D’UNE ŒUVRE Le bureau de Valtesse de la Bigne

44 PHOTOGRAPHIE Paris entre deux guerres

48 STYLE 48Hubert le Gall Hubert le Gall, révise son grec 35 nuances de grec et installe un drôle de bestiaire dans la Villa Kérylos. 54 RÉCIT D’UNE VIE Nom : Chanel Prénom : Gabrielle

58 ITINÉRAIRE Pantin, le Grand Paris arty

66 NOUVEAU TALENT Sarah Trouche / Marion Gronier / Florentine Lamarche et Alexandre Ovize

En couverture Ellsworth Kelly, 73 MARCHÉ DE L’ART Bleu et jaune et rouge-orangé (AX17), 1964-1965, 76 CARNET DU CONNAISSEUR / lithographie sur SUR LE WEB papier BFK Rives®, 89,5 x 60,3 cm PARIS, BIBLIOTHÈQUE DE 80 COURRIER / MOIS PROCHAIN L’INHA. ©INHA.

CONNAISSANCE DES ARTS / MAI 2020 O5

CDAF0792_005_BK581583.pdf Retrouveztousnosouvragessur www.moleiro.com

Vers 1564-1584

La médecine et la science botanique présentées sous l’angle de l’art et du respect de la nature

Protégéparunesuperbereliured’artisan, ce véritable clone du manuscrit original est réalisé selon les méthodes traditionnelles. Le plus grand soin a été apporté pour garantir que vous ayez entre les mains un chef-d’œuvre impossible de distinguer de celui peint par l’artiste de génie Gherardo Cibo. Laissez-vous émerveiller Nouveauté ! par ce petit bijou de la Renaissance italienne où les plantes vibrantes et les paysages pittoresques Édition limitée prennentviedepageenpage.

Contactez-nous M. Moleiro – L’Art de la Perfection M. Moleiro Editor et bénéficiez 01 83 75 34 43 Travessera de Gràcia, 17-21 Éditions premières, uniques, numérotées d’une remise [email protected] 08021 Barcelone et limitées à 987 exemplaires exceptionnelle certifiés devant notaire de 45% ! moleiro.com/online Espagne Après décembre et les fêtes de Noël, mai est le grand mois du livre d’art. Voici notre sélection, en prévision des futures fêtes des mères et des pères.

L’IMPRESSIONNISME, collection « L’Art en mouvement », par Joséphine Le Foll, éd.Citadelles & Mazenod, 400 pp.,189 €.

AU CŒUR DE Après le préraphaélisme et l’orientalis- techniques artistiques employées. Elle s’intéresse également L’IMPRESSIONNISME me, c’est à présent au mouvement im– aux peintres, à leurs idéaux et leurs inspirations. Présentée pressionniste que les éditions Cita- dans un coffret, cette édition luxueuse est illustrée de plus de delles & Mazenod consacrent un trois cents œuvres reproduites en doubles et pleines pages, ouvra ge. L’historienne de l’art Joséphine Le Foll explore son qui permettent au lecteur de plonger au cœur des tableaux. émergence et son évolution, jusqu’à sa dissolution, mais aussi Très complet, cet ouvrage ravira les amateurs d’art et de beaux son rayonnement important à l’étranger, ainsi que les différentes livres. C. P.

DALÍ MIS À NU RENA DUMAS, HABITER LA LUMIÈRE ANDRÉE PUTMAN, BOURGEOISE REBELLE

Ce n’est pas un ca- Ce livre revient Silhouette andro- talogue raisonné avec justesse sur gyne, mèche cran- de Dalí, c’est beau- trente-cinq années tée, voix de basse, la coup plus. Après de création de Rena décoratrice Andrée des années de re- Dumas, architecte Putman (1925-2013) cherches, Robert d’intérieur, desi- a marqué les esprits Descharnes et gner et fondatrice par ses intérieurs Gilles Néret dé- de l’agence RDAI. aux lignes sobres taillent son par- D’origine grecque, héritées de l’Art cours artistique et cette femme pas- Déco, et sa palette publient certaines œuvres encore jamais dé- sionnée, exigeante déclinant le noir, le voilées au public. Le livre se dévore comme un et généreuse, a fait de la lumière naturelle sa blanc, le beige et le gris. « Ni vraiment desi- roman, abordant sa vie de manière chronolo- principale inspiration. Créatrice de l’intem- gner ni tout à fait architecte, Andrée fut, s’ac- gique, de sa première peinture à l’âge de 6 ans porelle collection de meubles nomades Pippa, cordent les exégètes, une remarquable styliste. à ses éternelles provocations, tout en livrant Rena Dumas a formé un inséparable duo avec Une ensemblière hors pair », écrit la journa- des anecdotes inédites sur sa relation avec son son époux Jean-Louis Dumas au service de la liste Sylvie Santini dans cette biographie très grand amour, Gala. Il s’agit de la réimpression maison Hermès, et signé de nombreuses créa- vivante. De la jeune fille mutique à la reine en un seul volume de l’étude la plus complète tions pour de grandes maisons comme Chris- des soirées mondaines, un portrait qui se lit de cet artiste si prolifique que fut Dalí. E. S. tie’s, John Lobb ou Yves Saint Laurent. J. F.-N. comme un roman. G. M. DALÍ. L’ŒUVRE PEINT, par Robert Descharnes RENA DUMAS. UNE ARCHITECTURE INTÉRIEURE, par ANDRÉE PUTMAN, LA DIVA DU DESIGN, et Gilles Néret, éd. Taschen, 752 pp., 40 €. Chloé Braunstein-Kriegel, éd. Norma, 432 pp., 49 €. par Sylvie Santini, éd. Tallandier, 304 pp., 20,90 €.

CONNAISSANCE DES ARTS / MAI 2020 O7

CDAF0792_007_BK568406.pdf TRÉSORS DE LA NATURE

DIOSCORIDE DE CIBO ET MATTIOLI, éd. Moleiro, 370 pp., 168 enluminures, prix sur demande.

Dioscoride est un médecin et botaniste grec du Ier siècle, auteur en latin. Un manuscrit de la British Library, daté de 1564-1584, d’un Traité de matière médicale qui fit autorité en Occident jusqu’à reproduit ce texte où chaque notice est accompagnée d’une déli- la Renaissance. Il décrit les ressources médicinales de quelque cate illustration du botaniste érudit Gherardo Cibo (1512-1600), huit cents espèces, principalement végétales. L’ouvrage connut représentant la plante dans son paysage naturel. Ce nouveau plusieurs traductions au Moyen Âge, dont celle du Siennois Pie- titre vient s’ajouter au catalogue déjà riche des éditions Moleiro, tro Andrea Mattioli (1501-1577), publiée à Venise en italien puis spécialisées dans l’édition de fac-similés de haute qualité. M. J.

AU PLUS PRÈS DE RAPHAËL L’ART DU DIADÈME JE T’AIME, MOI NON PLUS

Après deux Boutons d’églantine, Nouvelle édition volu mes consa- feuilles de chêne, augmentée de ce crés à Léonard étoiles… Depuis remarquable ou- de Vinci et à plus de deux siècles, vrage consacré Caravage, l’his- les deux mille cinq aux liens étroits torien de l’art cents diadèmes et mouvementés Stefano Zuffi réalisés par la Mai- entre peinture ajoute un Ra- son Chaumet s’ins- et photographie, phaël (1483- pirent de la nature dont l’avènement 1520) à cette ou du répertoire en 1839 et sa ré- collection qui ar chitectural clas- ception dans les donne la plus sique. La maison fut créée par l’artisan joaillier cercles artistiques large place à l’image. L’éloquence du geste, la Marie-Étienne Nitot en 1780, devenu en 1802 suscitèrent de nombreuses controverses. Au beauté, le sens de l’espace, l’harmonie univer- le joaillier attitré de l’empereur Napoléon Ier. Il fil de chapitres historiques et thématiques, selle… constituent quelques-unes des entrées réalisera les parures officielles de l’impératrice Dominique de Font-Réaulx, conservatrice gé- thématiques de cet ouvrage didactique. Les Joséphine puis de Marie-Louise, et ses embléma- nérale au musée du Louvre et grande spécialiste trente œuvres choisies, reproduites en entier tiques diadèmes. Chaumet Divines, ce très beau de Delacroix, livre ici une étude érudite d’une en début de livre, font l’objet d’une étude par livre qui mêle dessins d’archives, parures sur fond grande finesse sur ces dialogues contradictoires le détail, en se focalisant sur un visage, une ex- pop et photographies contemporaines, rend hom- et féconds qui ont jalonné l’histoire des arts au pression, un objet qui, d’ordinaire, échappent mage à cette maison d’exception. D. DE C. xixe et au début du xxe siècle. J. F.-N. au regard. G. M. CHAUMET DIVINES, DIADÈMES DE LÉGENDE, PEINTURE ET PHOTOGRAPHIE. LES ENJEUX RAPHAËL PAR LE DÉTAIL, par Stefano Zuffi, par Clare Phillips et Natasha Fraser-Cavassoni, D’UNE RENCONTRE, 1839-1917, par Dominique éd. Hazan, 224 pp., env. 100 ill., 39,95 €. éd. Thames & Hudson, 256 pp., 90 €. de Font-Réaulx, éd. Flammarion, 336 pp., 25 €.

8 O MAI 2020 / CONNAISSANCE DES ARTS

CDAF0792_008_BK563146.pdf DUVELLEROY. MON TRUC Utilisé depuis la nuit des temps, la maison Duvelleroy démocratise l’usage de l’éven- TRÉSORS DE EN PLUMES l’éventail a toujours été un signe d’élé- tail en multipliant brevets et innovations. Plus qu’un L’ÉVENTAIL COUTURE gance. Le premier éventail aurait été mini-aérateur, cet accessoire de mode est également PARISIEN, par Marie- Clémence Barbé- retrouvé dans la tombe de Toutân- un formidable média de communication que la mai- Conti, In Fine éditions khamon, puis remis au goût du jour des siècles plus son a su magnifier. Toute la finesse et le savoir-faire d’art, 248 pp., 45 €. tard par la comtesse du Barry. Fondée à Paris en 1827, Duvelleroy sont compilés dans cet ouvrage. D. C.

IL ÉTAIT UNE FOIS LA MODE PROFESSION : ARCHITECT.E.S LES DESSOUS DU PATCHWORK

Apparu pour la « Je ne suis pas Imaginé par première fois en une femme ar- souci d'écono- 1393, le mot mode chitecte. Je suis mie, le patchwork caractérise une architecte. » Par existe depuis manière collective cette affirmation, toujours. Mais de vivre. L’histo- Dorte Mandrup le principal ap- rien Olivier Sail- revendique la port de ce livre lard – qui a dirigé qualité d’archi- aux images cha- le palais Galliera tecte au-delà de toyantes est de et qui est, depuis toute considéra- rappeler le rôle 2018, le directeur tion de genre. émancipateur artistique de J.-M. Alors que nombre de femmes architectes ont de ces travaux d'aiguille depuis le milieu du Weston et le direc- été des pionnières, elles ont trop longtemps xixe siècle. Des chercheurs ont vu dans cer- teur de l’association Azzedine Alaïa – retrace été reléguées au second plan, éclipsées par un tains patchworks des messages codés utili- dans cette grande fresque de plus de mille deux conjoint ou un collaborateur masculin. Cet ou- sés dans l'Underground Railroad, les routes cents pages l’histoire de la mode et du vêtement. vrage rend hommage à plus de cent cinquante clandestines permettant aux esclaves de s'en- Entouré d’une équipe de spécialistes, il nous femmes et présente une histoire architecturale fuir vers les nord des États-Unis. Ils ont éga- raconte l’art du paraître depuis le xve siècle jus- des bâtiments à travers un prisme féminin. On lement servi de support aux revendications qu’à l’institutionnalisation de la Haute Couture y croise les talentueuses Ray Eames, Charlotte des femmes pour le droit de vote ou pour les par la création d’un label à son nom. D. DE C. Perriand ou Zaha Hadid. D. DE C. droits civiques. Une découverte. C. L.

LE BOUQUIN DE LA MODE, sous la direction JE NE SUIS PAS UNE FEMME ARCHITECTE. PATCHWORK, CONTRE-CULTURES, d’Olivier Saillard, éditions Robert Laffont, JE SUIS ARCHITECTE, par Jane Hall, par Marie Le Goaziou, éditions Courtes 1280 pp., 32 €. éditions Phaidon, 224 pp., 39,95 €. et Longues, 144 pp., 39,90 €.

CONNAISSANCE DES ARTS / MAI 2020 O9

CDAF0792_009_BK563101.pdf En partenariat avec la Caisse des Dépôts Objectif jeunes talents Le mécénat de la Caisse des Dépôts

Repérer et aider les talents naissants, favoriser la cohé- classique, la danse, l’architecture et le paysage. Quatre sion sociale en luttant contre les inégalités, et contri- cents projets (nationaux ou régionaux) sont soutenus buer au développement territorial : tels sont les objec- chaque année, pour un budget global de quatre mil- tifs de la politique de mécénat menée par la Caisse des lions d’euros. Tous les dossiers reçus font l’objet d’une Dépôts. Fondée en 1816, cette institution publique sélection rigoureuse. Ils sont instruits en interne par au service de l’intérêt général et du développement l’équipe Mécénat, avant d’être présentés à un comité économique du pays a choisi de centrer ses actions d’experts – directeurs de festivals, chorégraphes, uni- autour de trois grands domaines culturels : la musique versitaires… –, dont la décision est souveraine.

Textes Guillaume Morel

Danse Inscrite dans l’histoire du mécénat de la Caisse des Dépôts depuis trente ans, la danse est un secteur financière- ment fragile. Pour être accompagnés dans leur projet, les jeunes chorégra- phes ou compagnies doivent avoir déjà écrit deux pièces chorégraphiques

(pas de solo), et avoir au maximum dix LEJOLIVET. ©TIMOTHÉE PSY. GY ), ans d’activité professionnelle. Tous les styles de danse sont acceptés, clas- sique, néoclassique, baroque, hip-hop ou contemporain. LÉA CAZAURAN (COMPAGNIE LADY-ROCKS (COMPAGNIE LÉA CAZAURAN

CDAF0792_010_BK563529.pdf Architecture et paysage Rencontre avec Quel rôle peuvent jouer l’architecture et le paysage au sein d’une société soumise à des impératifs environnementaux et sociaux tou- jours plus pressants ? La Caisse des Dépôts s’investit dans des pro- Sylvie Roger, jets portés par des associations et des collectifs qui impliquent de responsable du jeunes architectes ou paysagistes, ou qui s’inscrivent dans un projet département Mécénat innovant (économie circulaire, transition énergétique…). Elle apporte et Partenariats de

également son aide à la recherche. ©FRANÇOIS HEBRAS. la Caisse des Dépôts

En 2020, votre champ d’action va s’élargir. De quelle manière ? Nous devons veiller à rester au service du plus grand nombre, à nous remettre sans cesse en question, sans changer de domaines d’intervention pour autant. Désormais, la Caisse des Dépôts va également soutenir

L’ASSOCIATION ART & JARDINS, JARDINS, & ART L’ASSOCIATION des projets qui ont une vocation clairement destinée au jeune public, dans nos trois secteurs, musique, danse, architecture et paysage. D’autre part, l’équipe est de plus en plus souvent sollicitée pour des projets pluridisciplinaires qui associent musique et danse, architecture et art contemporain, danse et cirque… Jusque-là, le jury avait tendance à les écarter. Il nous faut évoluer. La tendance actuelle est au décloisonnement, AGENTS DU CHANTIER D’INSERTION DE DU CHANTIER D’INSERTION AGENTS FARCY. ©MATHIEU HAUTS-DE-FRANCE. au mélange des genres, à l’ouverture. Cependant, les projets transverses Musique classique que nous retiendrons devront avoir comme dominante l’un des trois secteurs La musique classique, dite savante, doit de notre politique de mécénat. être accessible à tous, et sur l’ensemble du territoire. Propriétaire du Théâtre Le mécénat de la Caisse des Dépôts des Champs-Élysées depuis 1970 et est-il purement financier ? mécène de sa programmation depuis Il l’est essentiellement aujourd’hui. Pourtant, 1987, la Caisse des Dépôts soutient des les jeunes talents n’ont pas seulement besoin jeunes ensembles musicaux ou vocaux, d’argent, mais aussi d’un réseau, de contacts… ainsi que des structures de formation, Les accompagner fait partie de notre mission. de détection, de transmission ou Nous les suivons pendant quatre à cinq ans, d’insertion (association Jeunes et le soutien est dégressif à partir de la Talents, Les Concerts de troisième année. Nous sommes un incubateur, Poche…). qui mettons le pied à l’étrier des jeunes professionnels, pour favoriser leur envol. Nous engageons aussi une réflexion visant à revoir notre pratique du mécénat de compétences. L’idée est de permettre aux collaborateurs de s’engager à nos côtés, auprès des associations qui pourraient ainsi bénéficier d’une des multiples expertises PAR JÉRÉMIE RHORER. ©CAROLINE DOUTRE. ©CAROLINE RHORER. JÉRÉMIE PAR présentes au sein de la Caisse des Dépôts.

Caisse des Dépôts 56, rue de Lille, 75007 Paris, 01 58 50 00 00. Pour déposer un projet : www.caissedesdepots.fr/mecenat LE CERCLE DE L’HARMONIE, DIRIGÉ LE CERCLE DE L’HARMONIE,

CDAF0792_011_BK563529.pdf

portfolio

Archives Loudmer C’est un fonds très original qui est entré au début de 2019 à l’Inha, celui du commissaire-priseur parisien Guy Loudmer dont l’étude, succédant à celle d’Alphonse Bellier et Raoul Oury, fonctionna jusqu’en 1998. Il s’agit de soixante-seize mètres linéaires de dossiers de ventes et documents liés aux ventes aux enchères comme celle de la collection des Picabia de en 1926 ou de la collection Félix Fénéon entre 1941 et 1947. Un rare fonds complet, auquel s’ajoutent certaines archives de la galerie du marchand Heinz Berggruen, dont les albums photos des œuvres de et Vassili Kandinsky passées par la galerie de la rue de l’Université. Dossier de la vente judiciaire Jacob, 1942 (en haut) et dossier de vente de la collection de tableau de appartenant à Marcel Duchamp, 1926 (en bas). COLL. JACQUES DOUCET. ©INHA/M. QUEMENER.

Ces derniers mois, l’Institut national d’histoire de l’art (Inha) s’est enrichi de manière importante. De la donation d’œuvres graphiques de l’artiste japonais Takesada Matsutani à des achats de fonds d’archives utiles pour la recherche. / Texte Guy Boyer

CDAF0792_013_BK568731.pdf portfolio

Carmontelle au jardin Repéré lors d’une vente aux enchères à Troyes en novembre 2019, ce traité de perspective rédigé et illustré par Louis de Carmontelle (1717-1806) a été aussitôt préempté par l’Inha. Il s’agit du dénouement d’une histoire incroyable car ce carnet était le projet d’une publication qui n’avait jamais vu le jour. Il avait disparu au tournant du XIX e siècle. Ses dessins à l’aquarelle et à la plume sont d’une grande fraîcheur. Carmontelle La Perspective démontrée à l’usage des jeunes gens qui savent la géométrie et le dessin. Extraits des élémens de la géométrie applicable à la perspective démontrée, 1795, pp. 16-17 et pl. VIII COLL. JACQUES DOUCET. ©INHA/ M. QUEMENER.

CDAF0792_014_BK568731.pdf Dessins de procession Acquis récemment chez un libraire parisien, ce rouleau représentant une procession lors de la fête des vignerons de Vevey (Suisse) est passionnant à plus d’un titre. D’abord par son sujet, puisqu’il s’agit du récit en images et en couleurs d’un événement populaire qui n’est célébré qu’une fois par génération. Ensuite parce que le collectionneur Jacques Doucet, à l’origine d’une partie des fonds de l’Inha (lire l’encadré), avait acheté en 1913 un petit recueil rassemblant deux livrets : ceux des processions de 1833 et de 1865. Ce rouleau décrit justement la première, avec ses faneuses, faucheurs et autres joueurs de trompe. Ci-contre Christian Gottlieb Steinlen Fête des vignerons, Vevey, 1833, lithographie, 18 x 1470 cm, détail COLL. JACQUES DOUCET.©INHA/ M. QUEMENER.

Ci-dessous Takesada Matsutani, Propagation-Pink, 1970, sérigraphie sur papier offset, éd. 6/50, 56,3 x 78 cm ©HAUSER & WIRTH.

Radical Matsutani Membre du mouvement Gutaï, Takesada Matsutani (né en 1937 et vivant en France depuis 1966) vient de donner en janvier 2020 un fonds quasi complet de son œuvre gravé. S’exprimant aussi bien par le biais de la performance que par celui de la peinture abstraite, il aime également les ressources de la gravure, qu’il a apprise dans l’Atelier 17 de Stanley William Hayter. Ses gravures en noir et blanc et ses sérigraphies jouent des rythmes, de la sensualité des matières et du hasard. Cette donation de quatre-vingt-huit estampes, un portfolio de photogravures et trois livres d’artistes complète parfaitement les fonds d’œuvres d’artistes ayant travaillé près de Hayter, comme Shoichi Hasegawa.

CDAF0792_015_BK568731.pdf À droite Ellsworth Kelly, Les archives Barye Bleu et jaune et rouge-orangé (AX17), Ne subsistent aujourd’hui que peu d’archives concernant 1964-1965, lithographie le sculpteur animalier Antoine-Louis Barye (1795-1875). sur papier BFK Rives®, D’où l’intérêt de ce lot acheté avec l’aide des Amis de la Ci-dessous 89,5 x 60,3 cm Ensemble de bibliothèque de l’Inha chez le marchand lyonnais Michel ©INHA. Descours. Correspondance avec des artistes comme Delacroix, documents autour du sculpteur TOUTES LES ŒUVRES catalogues annotés, documents comptables voisinent Antoine-Louis Barye SONT CONSERVÉES À PARIS, avec des photographies de monuments parfois disparus. BIBLIOTHÈQUE DE L’INSTITUT COLL. JACQUES DOUCET. NATIONAL D’HISTOIRE ©INHA/M. QUEMENER. DE L’ART.

Ellsworth Kelly en estampes 1,7 MILLION DE DOCUMENTS À L’INHA En 2018, l’Institut national d’histoire de l’art a reçu une cinquantaine L’idée d’un Institut national d’histoire de l’art (Inha) a germé dans d’estampes de Ellsworth Kelly (1923-2015) complétée par un livre la tête d’André Chastel dans les années 1970, puis le président François Mitterrand lui a commandé un rapport sur ce sujet. d’artiste. Elles rappellent les liens de l’artiste américain avec Il fallait réunir, dans un même lieu, universitaires et personnels la France puisqu’après avoir participé à la Libération de la France des musées et mettre à leur disposition une grande bibliothèque durant la Seconde Guerre mondiale, Kelly y est revenu, de 1948 spécialisée. Il a fallu attendre 2001 pour que l’Inha soit créé à 1954. L’estampe la plus ancienne remonte d’ailleurs à 1949 et et 2016 pour que ses très riches fonds soient installés dans la a été réalisée aux Beaux-Arts de Paris. Figurent également dans bibliothèque construite par Henri Labrouste en 1860. Parmi ses cette donation exceptionnelle des séries comme ces aplats de collections, il faut mentionner les quelque cent mille documents bleu, rouge et jaune aux formes abstraites, des dessins de plantes de la Bibliothèque d’art et d’archéologie Jacques Doucet, ainsi (en dialogue avec Matisse) réalisés à Paris au milieu des années 1960, que la Bibliothèque centrale des musées nationaux et les Archives et des visages qui sont des autoportraits ou des portraits de son de la critique d’art. Sous la direction d’Éric de Chassey, ces fonds s’ouvrent au contemporain. L’Inha organise depuis 2011 le Festival ami Jack. Sans oublier un livre orné de onze lithographies illustrant d’histoire de l’art au château de Fontaiebleau en juin. G. B. le texte de Mallarmé, Un coup de dés jamais n’abolira le hasard, ainsi que quatre lithographies monumentales de la Suite Mallarmé.

CDAF0792_016_BK568731.pdf portfolio

CDAF0792_017_BK568731.pdf Accès gratuit au nouveau parcours

– Bodhisattva, Dynastie Ming (1368-1644), M.C. 5173, Legs Pauline Tarn, dite Renée Vivien, 1909 des collections 7, avenue Velasquez Paris 8e

© Stéphane Piera / Musée Cernuschi/ Paris Musées www.cernuschi.paris.fr +++ indispensable GRAND PARIS ++ bravo + bien

CHAUMET MIS EN BEAUTÉ PAR PATRICIA GROSDEMANGE Ci-dessus Le salon des Perles « Je suis sensible à cette phrase de Dostoïev ski : “La beauté sauvera le monde”. C’est ce qui m’anime, et si c’est ressenti de la Maison Chaumet dans les lieux que j’aménage, c’est ma plus grande satisfaction », énonce l’architecte d’intérieur Patricia Grosdemange. place Vendôme ©STÉPHANE MURATET. Passionnée par l’artisanat d’art depuis ses débuts en 1989 dans l’agence Didier Gomez Interior Design, elle a découvert la dimension émotionnelle de l’objet lors d’un séjour au Japon pour la marque Shu Uemura en 2003. « J’ai réalisé que l’échange avec les grands artisans d’art pouvait enrichir nos projets et les faire vibrer. Les vibrations de la main dans la matière résonnent ensuite dans le lieu et créent des émotions », dit la directrice artistique Architecture et Design du CHAUMET, groupe LVMH (ndlr: auquel appartient « Connaissance des Arts »). Témoin, l’extraordinaire réaménagement de l’hô- 12, place Vendôme, tel particulier de la Maison Chaumet place Vendôme, où sont intervenus ébénistes, marqueteur de paille, brodeurs 75001 Paris, d’art, sculpteurs, fondeurs et artistes. Des bas-reliefs ont été mis au point par l’atelier de peinture décorative L’Étoile 01 44 77 24 24, www.chaumet. pour le salon Arcade, des « cartons pierre » ont été réalisés par l’Atelier d’Offard pour le salon des Perles, revisité dans com/fr/notre- des tons bleu nuit et or, et des motifs de champ de blé ont été brodés de fils d’or sur les murs par la Maison Lesage. maison/12- « Je dessine les espaces et les matières, emmenant les artisans d’art vers des territoires nouveaux. Ce sont de grandes âmes, place-vendome qui ont besoin de rêver différemment leur geste », dit cette inconditionnelle du décorateur Jean-Michel Frank. M. B.

CONNAISSANCE DES ARTS / MAI 2020 O19

CDAF0792_019_BK570408.pdf RÉGIONS +++ indispensable ++ bravo + bien

CHIARA PARISI FÊTE LES 10 ANS DU CENTRE POMPIDOU-METZ En décembre dernier, Chiara Parisi prenait les rênes du Centre Pompidou-Metz, qui célèbre ses 10 ans en 2020. « Je suis très heureuse. J’ai toujours suivi ce qui se passait dans cette ville, j’ai été directrice de la Nuit blanche à Metz en 2013 et j’ai apprécié la programmation établie par mes prédécesseurs, Laurent Le Bon et Emma Lavigne », explique l’ancienne directrice du Centre international d’art et du paysage de Vassivière (2004-2011). Chiara Parisi a ensuite organisé un cycle d’expositions à la Villa Médi- cis, à Rome, et œuvré à la Monnaie de Paris en tant que responsable des programmes culturels, jusqu’en 2019. À l’occasion du dixième anniver- saire du Centre Pompidou-Metz, la nouvelle directrice a eu une idée originale : inviter dix créateurs contemporains (Shigeru Ban, l’archi- tecte du bâtiment, Maurizio Cattelan, Daniel Spoerri…) à « écrire » les dix commandements du lieu, en concevant un projet événementiel ou de longue durée, où se mêleront arts plas- tiques, musique, danse, cinéma et magie. « Ce caractère pluridisciplinaire est l’une des forces du centre. Je vais poursuivre dans cette voie », assure Chiara Parisi, dont les projets d’expositions Chiara Parisi sont nombreux. En 2021-2022, Arcimboldo directrice du Centre sera confronté à la création d’aujourd’hui, les Pompidou-Metz arts martiaux s’inviteront dans l’art contem- ©PHILIPPE LEVY. porain, et le Land Art sera à l’honneur. Deux grandes monographies sont également envisa- gées, l’une consacrée à André Masson, l’autre à Kasimir Malevitch. G. M.

CENTRE POMPIDOU-METZ, 1, parvis des Droits-de- l’homme, 03 87 15 39 39, www.centrepompidou-metz.fr ++« FOLKLORE », prévue jusqu’au 21 septembre, « LE CIEL COMME ATELIER. YVES KLEIN ET SES CONTEMPORAINS » prévue de mai à novembre. Dates à vérifier.

20 O MAI 2020 / CONNAISSANCE DES ARTS

CDAF0792_020_BK568620.pdf Devenez le futur de l’excellence à la française Vous aimez les arts décoratifs et êtes sensibles à la conservation du patrimoine artistique ? Vous souhaitez travailler de vos mains et perpétuer une tradition pluricentenaire ? Vous avez entre 16 et 29 ans, de bonnes dispositions pour le dessin et le goût du travail minutieux ? Alors venez-vous former dans les ateliers du Mobilier national et bénéficiez d’un apprentissage reconnu par l’Éducation nationale et sanctionnée par un Brevet des métiers d’art.

Informations sur mobiliernational.culture.gouv.fr

Le Mobilier national est le garant devant la Nation d’un patrimoine historique composé de plus de 130 000 objets textiles et mobiliers qu’il a pour mission de conserver, d’entretenir et de valoriser. Les manufactures nationales des Gobelins, de Beauvais et de la Savonnerie, suivez-nous sur les ateliers de créations et de restauration, perpétuent l’excellence des arts décoratifs à la française et des savoir-faire qui y sont attachés, tout en montrant une vitalité et un caractère novateur d’exception en matière de création artistique et de design contemporain. #ModerneDepuisDesLustres INTERNATIONAL +++ indispensable ++ bravo + bien

LES VOIX D’UNE RENAISSANCE Abdellah Karroum porte les aspirations d’un art politique. Puiser dans une menace une opportunité ou dans un danger une résistance n’a, pour lui, rien de paradoxal. Que la terre souffre, que nos sociétés s’abîment dans leurs failles : ce sont, pour ce directeur du Mathaf (Musée arabe d’art moderne et contemporain) de Doha, au Qatar, autant de motifs pour repenser le monde et le transformer. Les trente artistes de tous horizons qu’il a réunis à Paris, dans l’exposition « Notre monde brûle », tout comme ceux que le curateur célèbre au sein de la collection de neuf mille œuvres qu’il constitue au musée qatari, ont en commun un civisme humaniste, une réflexion libre, lucide et courageuse faisant fi de toute forme de censure. Au Palais de Tokyo, observant l’histoire, le À LIRE Vietnamien Dahn Vo a fragmenté une symbolique statue de - NOTRE MONDE BRÛLE, la Liberté (We the people) tandis que le Marocain Mustapha textes de Sheikha al Mayassa, Akrim a proposé au visiteur de devenir le témoin d’« His- Emma Lavigne, Abdellah Karroum, toires plus que parfaites » et d’en révéler les images contra- Fabien Danesi, éd. Palais dictoires en grattant l’enduit qui les recouvre. Ainsi, d’ex- de Tokyo/Mathaf (français/ positions en projets, de l’Appartement 22, vitrine à Rabat anglais, 192 pp., 17 €). de la création contemporaine, au Reina Sofia à Madrid, Abdellah Karroum où il présentera, en octobre 2021, une trilogie marocaine directeur du Mathaf de l’art contemporain, Abdellah Karroum explore et trans- de Doha met la dimension universelle d’œuvres engagées. « Les ©BERNARD SAINT-GENÈS. années 2000 ont procuré aux artistes de l’ensemble des pays arabes un laboratoire pour imaginer le changement des socié- tés », conclut-il. Les désordres et mutations du monde annonce raient-ils sa renaissance ? C. A.

22 O MAI 2020 / CONNAISSANCE DES ARTS

CDAF0792_022_BK587825.pdf L’EXPOSITION POMPEI CHEZ VOUS sur grandpalais.fr #ExpoPompei #CultureChezNous

En attendant de vivre l’exposition Pompéi au Grand Palais... découvrez en avant-première des vidéos, de la réalité augmentée et virtuelle, de la lecture, des jeux, des ressources pédagogiques, des dessins. événement

Hubert Robert Projet d’aménagement de la Grande Galerie du Louvre en 1796, 1796, huile sur toile, 112 x 143 cm PARIS, MUSÉE DU LOUVRE. ©PHOTO RMN-GP. Un musée

CDAF0792_024_BK580103.pdf Chacun possède son musée imaginaire constitué de chefs-d’œuvre croisés au fil de ses visites dans les musées. Du musée des Beaux-Arts de Lyon à la Tate Gallery de Londres, voici un choix très subjectif de tableaux, des grands maîtres de la Renaissance jusqu’au milieu du XXe siècle. / Texte Guy Boyer

Alors que tous les musées du monde ont fermé leurs portes, il est agréable de se souvenir de leurs collections permanentes, de se rappeler les chefs-d’œuvre qui nous ont marqués. Grâce au (ou à cause du) confinement lié au Covid-19, j’ai ressassé mes coups de cœur, les tableaux vers les- quels je me dirige systématiquement lorsque je reviens dans un musée des Beaux-Arts, à Paris, en régions ou à l’étranger. Vous avez tous, j’en suis sûr, fait cette expérience des retrouvailles. Il est doux de retourner sur les lieux de nos émotions artistiques, de vérifier si la première impression est toujours la même. Il était cependant impossible de tout mettre dans ce musée imaginaire. J’ai donc laissé de côté les paysages ou les natures mortes, même s’ils apparaissent parfois dans des portraits, des scènes religieuses ou mythologiques. Et je me suis cantonné à la peinture. Pas de sculpture, donc. Pas de photographie, de dessin ou d’objets d’art. Ni d’œuvres montrées récemment. C’est pourquoi, dans ma sélection, vous ne trouverez ni Van Eyck, ni Caravage, ni Vermeer, ni Greco. Vous ne verrez pas Le Bar aux Folies-Bergère de Manet, présenté l’an dernier à la Fondation Louis Vuitton, ni le Triptyque marocain de Matisse, qui y sera exposé en octobre prochain avec la collection Morosov.

Subjectivité et sensibilité Les maîtres mots de cette sélection de douze œuvres sont la subjectivité et la sensibilité. L’exhaustivité n’est pas de mise : comment montrer, en trois tableaux, ne serait-ce que le xxe siècle ? Mais le jeu en vaut la chandelle car il fait ressurgir quantité de souve- nirs, permet de s’interroger sur les raisons profondes de nos choix, d’éliminer telle œuvre soi-disant in contournable (Les Demoiselles d’Avignon ou Guer- nica de Picasso, par exemple) au profit d’une autre qui nous émeut par d’autres aspects (Le Charnier de Picasso). Et ce sont ces choix qui nous permettront de comprendre pourquoi nous aimons tant la peinture. imaginaire

CDAF0792_025_BK580103.pdf Un musée imaginaire

La Vierge de l’Annonciation d’Antonello da Messine Caché au sein du Palazzo Abatellis Ci-dessus Antonello de Palerme, cet inoubliable buste da Messine, La Vierge de l’Annonciation, de la Vierge intrigue par sa dou- v. 1475, huile sur ceur, sa retenue et sa simplicité. bois, 45 x 34,5 cm Peint sur bois vers 1475, il s’agit PALERME, GALLERIA REGIONALE DELLA SICILIA. d’un chef-d’œuvre de cet artiste de ©LEEMAGE. la Première Renaissance, influencé par les Flamands Jan Van Eyck et Petrus Christus pour la précision La Vierge au long cou de Parmesan des détails et par les peintres floren- Soixante ans plus tard, vers 1535, Parmesan peint cette huile sur bois tins pour la traduction en peinture très étrange. Commandée par une riche collectionneuse pour sa de la perspective. Ici, Antonello da chapelle dans l’église Santa Maria dei Servi de Parme, elle représente Messine opte pour un fond abs- une Vierge à l’Enfant entourée de six anges entassés à gauche et d’un trait noir, cerne l’ovale du visage minuscule saint Jérôme à droite. L’étrangeté de l’œuvre vient de ces de la Vierge d’un drapé bleu aux différences de proportions, de ces pleins et ces vides, de cette pers- plis cassés, impressionne par sa pective ne débouchant que sur une seule colonne. Le plus inquiétant capacité à donner de la profondeur vient de la silhouette de cette Vierge amphore, à la tête minuscule, à son panneau en peignant cette aux hanches larges et aux pieds pointus. Comme le corps de Jésus, main vue par en dessous, éclairée ses doigts sont effilés, étirés à l’extrême. Elle flotte, mystérieuse, dans latéralement et redoublant l’oblique cet espace artificiel. Nous sommes dans l’art pour l’art de la période du lutrin. Une leçon de géométrie. maniériste, loin des canons classiques et de la tradition.

CDAF0792_026_BK580103.pdf À gauche Francesco Maria Mazzola, dit Parmesan, La Madone au long cou, 1535-1540, huile sur bois, 216 x 132 cm, détail FLORENCE, GALERIE DES OFFICES. ©LEEMAGE.

La Lucrèce de Guido Cagnacci C’est au musée des Beaux-Arts de Lyon qu’il faut se rendre si l’on veut contempler cette merveille de sen- sualité. Son auteur, Guido Cagnacci, était encore, il y a peu, complète- ment oublié. Tout comme Vermeer, redécouvert par le journaliste fran- çais Théophile Thoré-Burger au xixe siècle, Cagnacci a été remis en lumière au milieu des années 1950 par des historiens d’art passionnés par ses tableaux de demi-figures représentant des héroïnes de l’his- toire antique ou de la mythologie. De la célèbre Cléopâtre à l’injus- tement délaissée sainte Mustiole, Cagnacci saisit leurs corps dénu- dés, leurs chairs nacrées, dans une lumière enveloppante. En se don- nant la mort d’un coup de poignard après avoir été violée par le fils du roi Tarquin, la belle Lucrèce devient un exemple à suivre car elle ne veut pas survivre au déshonneur.

À droite Guido Cagnacci, Lucrèce, 1657, huile sur toile, 87 x 66 cm, détail LYON, MUSÉE DES BEAUX-ARTS. ©PHOTO JOSSE/ BRIDGEMAN IMAGES.

CDAF0792_027_BK580103.pdf L’Enlèvement des filles de Leucippe de Rubens Ci-dessus Pierre Un beau tableau, c’est un jeu de lignes et de couleurs, cercles qui se croisent, comme celui formé par le bras Paul Rubens, L’Enlèvement un sujet et la manière de le représenter. Dans le cas du cavalier, qui se poursuit avec la cuisse de l’une des des filles de de cette monumentale toile de Rubens, conservée à belles et le dos de l’autre. Celle-ci se cambre et crée une Leucippe, v. 1618, la Alte Pinakothek de Munich, tout l’intérêt provient autre courbe dans le sens opposé. Ce génial tourbil- huile sur toile, du savant et précaire équilibre voulu par le peintre fla- lon de formes, évoquant l’enlèvement des mortels par 224 x 210,5 cm e MUNICH, mand du xvii siècle. Pour saisir le mouvement désor- les dieux, cache en fait un sujet plus sérieux. Sous les ALTE PINAKOTHEK. donné des jumeaux Castor et Pollux en train d’enlever nudités un peu grasses et l’attirail guerrier, il faut savoir ©LEEMAGE. les filles de Leucippe, Rubens joue avec des arcs de décrypter la difficile ascension de l’âme vers le ciel.

CDAF0792_028_BK580103.pdf Un musée imaginaire

Le Retour du fils prodigue de Rembrandt Comme Le Massacre des Innocents de Poussin (musée Condé de Chantilly), La Famille de saltimbanques de Picasso (National Gallery de Washington) ou La Joie de vivre de Matisse (Barnes Foundation, Philadelphie), il est des chefs-d’œuvre qui ne circulent jamais. C’est le cas de cette grande toile de Rembrandt conservée à Saint-Péters- bourg. Il faut donc se rendre en Russie si l’on veut, comme moi, tom- ber en arrêt devant cette scène où un vieillard aveugle, qui attend son fils depuis des années, reconnaît cet enfant prodigue en palpant ses épaules. L’œuvre n’est qu’un camaïeu de couleurs chaudes, jaunes, rouges, bruns surpris par des coups de lumière. Dans cette atmos- phère fuligineuse, Rembrandt peint une scène éminemment humaine, rappelant les souffrances, le pardon et la grandeur d’âme.

Ci-contre Nicolas Poussin, Portrait de l’artiste, 1650, huile sur toile, 98 x 74 cm, détail PARIS, MUSÉE DU LOUVRE. ©LEEMAGE.

À droite Rembrandt Harmensz van Rijn, Le Retour du fils prodigue, v. 1668, huile sur toile, 262 x 205 cm SAINT-PÉTERSBOURG, MUSÉE DE L’ERMITAGE. ©LEEMAGE. L’Autoportrait de Nicolas Poussin Voici, bien sûr, l’un des chefs-d’œuvre du Louvre, mais cet autoportrait du peintre Nicolas Poussin âgé de 56 ans est d’abord un portrait sans concession. C’est son mécène, Paul Fréart de Chatelou, qui l’a commandé car il souhaitait garder avec lui les traits de son ami. Sur ce tableau, on voit le peintre recueilli, réfléchi, presque inquiet. Rien d’ostentatoire dans la représentation de ce « prince de l’Académie de Rome, peintre ordinaire du roi », comme il l’a mentionné dans un premier autoportrait. Pas de palette, pas de stylet de dessinateur, pas de chevalet. L’artiste vient de se retourner, il pose de trois quarts et regarde le spectateur dans les yeux, d’égal à égal. Ce pour- rait être une méditation sur la force de la peinture, sur sa capacité à égaler voire à dépasser le réel. Poussin, peintre-philosophe, nous invite à considérer la peinture comme point de départ de la réflexion.

CDAF0792_029_BK580103.pdf Un musée imaginaire

Portrait d’Antoine-Laurent Lavoisier et de sa femme de David Toutes les fois que mes pas m’ont conduit au Metropolitan Museum de New York, je suis allé revoir ce double portrait peint par le peintre néoclassique Jacques-Louis David. Non pas pour la robe en mousseline blanche, la ceinture de tissu bleu et la perruque poudrée de Marie-Anne-Pierrette Paulze, la commanditaire du tableau et épouse du chimiste Antoine Lavoisier, qu’elle relègue au second plan, mais pour les ins- truments scientifiques posés sur la table et pour le ballon de verre au premier plan à droite. Baromètre, gazomètre et cuve à eau montrent la dextérité de David à traduire en image les instruments ayant permis à Lavoisier ses études sur les gaz et l’eau. Moins subtile que celles de Chardin, mais avec plus d’impact visuel, cette nature morte rappelle le rôle primor- dial de la science au Siècle des Lumières. Quand un genre (la nature morte) l’emporte sur le sujet principal (le portrait).

La Coiffure d’ La National Gallery de Londres a été conçue dès sa tout est rouge-orangé : les murs de l’alcôve, le rideau, le Ci-dessus Jacques création en 1824 comme un musée de chefs-d’œuvre. déshabillé de la femme, ses cheveux et même ceux de Louis David, Antoine- Laurent Lavoisier Contrairement au Louvre, elle ne cherchait pas l’uni- la coiffeuse. Un monochrome rompu seulement par le et sa femme, Marie- versalité, mais optait pour l’excellence dans la qualité blanc de la table au premier plan et celui du tablier de Anne-Pierrette Paulze, de ses tableaux. Dans le département Impressionnistes la servante. À cette présence entêtante du rouge vient 1788, h/t, 260 x 195 cm NEW YORK, THE METROPOLITAN et postimpressionnistes, il y a quantité de toiles impor- s’ajouter la diagonale dynamique constituée par les deux MUSEUM OF ART. ©LEEMAGE. tantes, des Tournesols de Van Gogh aux Parapluies de protagonistes en état de tension, l’une retenant sa che- Renoir, capables de rivaliser avec celles de la Courtauld velure, l’autre tirant sur son peigne dans le sens opposé. À gauche Edgar Degas, La Coiffure, vers 1896, Gallery voisine. Cependant, c’est une huile sur toile On sent une énergie palpable, quasi électrique. Rien h/t, 114,3 x 146,7 cm inachevée que j’ai décidé de garder. Comme dans de d’étonnant à ce qu’, l’auteur en 1911 de LONDRES, NATIONAL GALLERY. nombreuses variantes, Degas représente une femme de L’Atelier rouge (autre pépite, mais conservée au MoMA ©LEEMAGE. chambre peignant les longs cheveux de sa maîtresse. Ici, de New York), ait été le propriétaire de ce tableau.

CDAF0792_030_BK580103.pdf Nocturne en bleu et or de Whistler Aux stridences vermillon de Degas peut répondre le doux poudroiement bleu et or de ce tableau de James McNeill Whistler. Cette toile très verticale représente l’ancien pont en bois de Battersea, à Londres. On songe aussitôt à une estampe japonaise avec cette barque qui glisse au premier plan, la brume qui envahit les bords de la Tamise et la courbe qui rappelle celle du pont de Kyobashi, décrit par Hiroshige. Cette vue nocturne, agitée par les éclats dorés d’un feu d’artifice à l’arrière-plan, a quelque chose de musical, entre Debussy et Satie. Et ce n’est pas le titre choisi par l’auteur, Nocturne en bleu et or, comme pour une partition musicale, qui dira le contraire.

À droite James Abbott McNeill Whistler, Nocturne : bleu et or, le vieux pont de Battersea, v. 1872-1875, h/t, 68,3 x 51,2 cm LONDRES, TATE COLLECTION. ©PHOTO RMN-GP.

CONNAISSANCE DES ARTS / MAI 2020 O31

CDAF0792_031_BK580103.pdf À gauche , Le Charnier, 1945, huile et charbon sur toile, 200 x 250 cm ©NEW YORK, THE MUSEUM OF . BRIDGEMAN IMAGES.

En bas Henri Matisse, Les Poissons rouges, 1912, huile sur toile, 140 x 98 cm MOSCOU, MUSÉE POUCHKINE. ©AKG-IMAGES.

Page de droite Mark Rothko, No.16 (Rouge, blanc et brun), 1957, huile sur toile, 252,5 x 207,3 cm BÂLE, KUNSTMUSEUM, M. P. BÜHLER.

Le Charnier de Pablo Picasso Les Poissons rouges de Matisse N°16, Rouge, blanc et brun de Mark Rothko Impossible, pour le xxe siècle, de ne pas évoquer l’éternel duo Matisse et Picasso. Deux facettes de la modernité. L’une, tout en rondeur et Comment terminer ce tour de six en couleurs, avec ces Poissons rouges ayant appartenu à l’industriel siècles de peinture en douze tableaux russe Sergueï Chtchoukine. L’autre, sans laisser la place finale à l’Américain en noir et blanc et hérissée d’aspé- Mark Rothko ? Tout son œuvre est chef- rités, avec Le Charnier rappelant d’œuvre. Pour ceux qui n’ont jamais vu la les horreurs de la Seconde Guerre chapelle de la famille Ménil à Houston et mondiale et les camps d’extermi- ses grandes toiles violettes, voici la pro- nation nazis. Cependant, rien ne chaine expédition artistique à mettre à sert d’opposer le chef de file des votre agenda après la crise sanitaire que Fauves et l’inventeur (avec Georges nous connaissons. Si le Texas est trop Braque) du cubisme car tous les loin, envisagez un week-end à Bâle où, deux se côtoyaient et s’échangeaient près des toiles cubistes données par le des tableaux. En 2002, au Grand banquier Raoul La Roche au Kunst- Palais, une exposition mémorable museum dans les années 1950, trônent avait confronté les deux artistes. les rectangles rouge orangé, brun et blanc L’occasion de rappeler la phrase de de Rothko. Tout en subtilité, la peinture Picasso à Matisse : « Moi, j’ai le des- est posée sans gestes violents, sans effets sin et je cherche la couleur. Vous, vous expressifs, sans recherche de profondeur. avez la couleur et cherchez le dessin ». Les surfaces s’enchaînent en douceur les À CONSULTER unes aux autres, certaines limites un peu floues sont soulignées par la réapparition Depuis un mois, notre site d’une couche de couleur sous-jacente connaissancedesarts.com met en ligne chaque jour de la semaine plus intense. Peindre, pour Rothko, c’est « LE MUSÉE IDÉAL » d’une traduire la transcendance ou le néant. personnalité, de Jean-Jacques Aillagon à Ève Ruggieri, de Laissons-nous saisir enfin par cet enve- Lorenz Bäumer à Sophie Makariou. loppement spirituel.

32 O MAI 2020 / CONNAISSANCE DES ARTS

CDAF0792_032_BK580103.pdf Un musée imaginaire

CDAF0792_033_BK580103.pdf visite d’atelier

En réponse à Matisse et à l’Abstraction lyrique, Renée Levi peint de façon très contemporaine, déployant sa gestuelle ample et colorée dans le musée d’Évreux et les espaces cachés de son Palais épiscopal. / Texte Élisabeth Vedrenne Dans la danse de

Page de droite MMXX16, 2020, acrylique sur coton, 3,40 x 3,40 m.

Ci-contre Renée Levi préparant Mia, Moira and Mi, deux toiles de 5,25 x 10 m pour la Biennale de Lyon en 2019. LYON, MUSÉE D’ART CONTEMPORAIN. ©BLAISE ADILON.

CDAF0792_034_BK579842.pdf De sa longue fenêtre en bandeau orientée lumière dans ce lieu blanc. Il y a des pein- serpillières au bout de longs bâtons, balais ordi- au nord, elle peut suivre la ligne de crête des tures de dimensions moyennes aux murs, de naires ou balais-brosses très larges bricolés par petites montagnes à l’horizon et dominer grandes toiles par terre, des monotypes sur ses soins et autres instruments qu’elle invente une partie de la ville de Bâle, où poussent des une table. Tout est en cours d’exécution pour pour peindre. Ils sont tous à échelle humaine, grues et de nouvelles constructions. Avec son la future exposition à Évreux. Dans la grande pouvant être maniés jusqu’aux limites que son compagnon et complice, le graphiste Marcel cuisine donnant sur l’atelier sont rangés les pig- corps peut atteindre. Car cette grande femme Schmid, elle a construit son atelier comme un ments dans des bocaux, les bombes aérosols et a besoin de toute son énergie pour danser sur immense loft dans un bâtiment industriel où les peintures acryliques. De splendides cartons et autour de ses toiles… travaillent encore des fabricants de cartons, bruns étiquetés s’entassent avec ordre dans une Autour de la table, avec Marcel et son ordi- entre autres. Renée Levi travaille en pleine bibliothèque. Ses outils sont accrochés au mur : nateur, ils mettent au point la conception de

CONNAISSANCE DES ARTS / MAI 2020 O35

CDAF0792_035_BK579842.pdf visite d’atelier

Ci-contre Sur le sol de son studio, la peinture MMXX17 de Renée Levi est prête à partir pour Évreux.

chaque exposition et le processus de mise in situ des œuvres. Le travail de peinture à l’ate- lier, spontané et libre, nécessite d’être finalisé très minutieusement pour s’approprier l’espace dévolu et lui insuffler une nouvelle vie. Au fil de sa carrière, elle a ainsi réinventé des lieux publics comme une banque à Bâle, l’escalier d’une clinique à Zurich, un centre commer- cial à Amiens, des musées, des galeries, des centres d’art, une Biennale, ainsi que des lieux privés chez des particuliers. Il ne s’agit jamais d’un simple accrochage, puisqu’elle ne tra- vaille qu’en fonction d’un contexte original et d’un environnement précis. Elle s’inspire du genius loci de chaque endroit, se renseigne sur son histoire, se faufile au travers de ce qui reste de sa mémoire, écrite ou orale, s’insère dans sa structure même, tient compte de ses dimensions, de ses défauts et jusque dans les moindres détails.

Un art à taille humaine Ses études d’architecture à Zurich ne sont pas 3 ŒUVRES PHARES DE RENÉE LEVI étrangères à cette démarche. Née à Istanbul en 1960, elle arrive en Suisse avec ses parents et vit l’enfance modeste des émigrés turcs en exil. Elle en garde une farouche indépendance, une énergie presque têtue et parfois provocatrice, une curiosité concernant tous les langages. Elle raconte s’être tournée d’abord vers l’ar- chitecture parce que c’était une discipline où Steps, 1997, acrylique Iconoclaste, 2005, 2,50 x 2,65 m, Amelia, 2019, acrylique sur toile, l’on n’avait pas besoin de parler, où dessiner sur papier peint, détail cadre, tubes fluo 2 x 15 m, détail 5,25 x 12,40 m, R°/V°, détail ZURICH, CLINIQUE HIRSLANDEN. IBOS, PARVIS, CENTRE D’ART GENÈVE, PALAIS D’ATHÉNÉE. ©ANNIK restait le plus important pour s’exprimer. « Mes ©HEIRI HELFENSTEIN. CONTEMPORAIN. ©ALAIN ALQUIER. WETTER GENÈVE. études portaient surtout sur une architecture

36 O MAI 2020 / CONNAISSANCE DES ARTS

CDAF0792_036_BK579842.pdf Page de gauche MMXX19, 2020, acrylique sur coton, 3,40 x 3,40 m. Ci-contre Les outils de l’artiste sont soigneusement rangés dans la « cuisine ».

CDAF0792_037_BK579842.pdf visite d’atelier

régionaliste et je suis restée fascinée par la typo- logie de certains chalets de montagne construits selon le nombre d’or. » Elle garde enfoui en elle ce besoin de la dimension humaine : « La mesure de l’homme restera toujours liée à mon corps et ce sera ma force ». Renée Levi, dans son travail pictural ultérieur, n’oubliera jamais de rester « au plus près d’elle-même », son propre corps devenant et demeurant l’étalon de sa gestuelle. Pouvoir faire les choses soi- même, à ses propres dimensions. Ne pas se laisser piéger par la monumentalité, comme le font souvent les architectes. Après avoir tra- vaillé chez les architectes Herzog & De Meu- ron dans les années 1980, lorsque l’agence n’était pas aussi prestigieuse qu’elle le devint par la suite, elle ressent assez vite le besoin de plus d’indépendance et de liberté. Se sentant dans une impasse, elle se lance à 27 ans dans des études artistiques.

Entre peinture et performance Bénéficiant de l’atmosphère dynamique de la scène suisse des années 1980 et 1990, elle offre alors au spectateur une expérience de la peinture très directe, la plus simple et immé- diate possible, entre gestuelle décorative et performance. Elle emploie le jet puissant de la peinture en bombe. La projection, rapide et irréversible, procure une intensité et un rythme nouveaux. Les couleurs industrielles des sprays, criardes, électriques, acides et sans nuances, l’aident à éviter le spectaculaire et, surtout, la narration. Ce qui provoquera plus tard l’immense admiration des jeunes tagueurs contemporains, bien que son travail soit très éloigné du Street Art. Ses écritures géantes, fluctuantes, répétitives et parfaitement abs- traites, recouvrent les surfaces à la manière d’une peau lisse ou d’un rideau, dans une sorte de chorégraphie décomplexée. Le mou- vement de son corps et le rythme de son bras inventent des motifs linéaires minimaux, des arabesques plus ou moins emberlificotées, des zébrures hachurées qui peuvent tenir autant des gribouillis d’un Cy Twombly que des séries bouclées de Pierrette Bloch. L’amplitude des jets instantanés et la violence des coloris fluo font exploser les surfaces. Puis, pendant dix ans, Renée Levi abandonne l’instantanéité du spray. Sa démarche concep- tuelle pour investir les lieux reste la même, ce sont les matériaux et les outils qui diffèrent.

38 O MAI 2020 / CONNAISSANCE DES ARTS

CDAF0792_038_BK579842.pdf L’atelier redevient important. La ser- pillière entre en scène, l’acrylique et les mélanges de couleurs aussi. Le geste toujours ample, toujours humain. Le tableau redevient objet et peut se détacher du mur, s’exposer en double face. Dans la lignée de Supports/Surfaces, elle s’intéresse au dos du tableau, À VOIR à la lumière qui le traverse, pour ++ L’EXPOSITION en montrer la fabrication. Lors de la « RENÉE LEVI : dernière Biennale de Lyon, elle suit les MMXX » au musée d’Art, Histoire conseils du commissaire, Hugo Vitrani, et Archéologie, qui lui recommande de nouveaux aérosols 6, rue Charles- beaucoup plus puissants, ce qui lui permet- Corbeau, 27000 Évreux, tra d’investir les murs d’une longue enfilade 02 32 31 81 90, bleue et beige. Le spectateur s’immerge, hyp- www.evreux.fr notisé, joyeux. Désormais, aérosols et pein- prévue du 27 juin au 31 décembre. tures font bon ménage. Dates à vérifier. À Évreux, préparant son exposition, médusée par le magnifique mur gallo-romain qui court À LIRE En haut, à gauche dans les entrailles du musée, elle le choisit - LE CATALOGUE et ci-contre Renée DE L’EXPOSITION, Levi préparant Mia, comme déclic de tout le reste. Pas question de éd. mïusée d’Évreux, Moira and Mi, deux toucher à la beauté de ces pierres mémorielles. par Hugo Vitrani, toiles de 5,25 x 10 m Elle prévoit de grands tableaux représentant Claire Le Restif pour la Biennale la lettre « E » peinte en bleu, mais en épigra- et la commissaire de Lyon en 2019. de l’exposition, LYON, MUSÉE D’ART phie latine, en écriture cursive des Romains. Florence Calame- CONTEMPORAIN. ©BLAISE ADILON. Renée Levi est très attachée à la lettre « e », Levet, conception souvent redoublée comme dans son prénom. graphique En bas, à gauche Elle investit aussi, avec de grandes toiles, des Marcel Schmid MMXX13, 2020, (112 pp., 29 €). acrylique sur dessins et de magnifiques monotypes bleus, - « TOHU-BOHU, coton, 3,40 x 3,40 m. d’autres espaces vides de ce palais épiscopal : RENÉE LEVI », par Marion Daniel, le chemin de ronde, le cloître, l’esplanade. éd. galerie Bernard Encore une fois, c’est la structure architectu- Jordan et Frac- rale du lieu qui la retient. C’est le contenant, Bretagne, conception graphique Marcel pas le contenu. Schmid 2 014 (français/anglais, 200 dessins, 448 pp., 28 €).

CDAF0792_039_BK579842.pdf Grâce à un don de l’antiquaire Benjamin Steinitz, le musée des Arts décoratifs de Paris vient d’enrichir ses collections d’Art Nouveau avec un magnifique bureau ayant appartenu à Valtesse de la Bigne, flamboyante courtisane surnommée l’« Union des peintres ». / Texte Hervé Grandsart

Bureau deValtesse de la

40 O MAI 2020 / CONNAISSANCE DES ARTS

CDAF0792_040_BK580444.pdf étude d’une œuvre

Grâce à ses résidences secondaires de qua- lité à Ville-d’Avray (Yvelines), Valtesse de la Bigne (1848-1910) put figurer dans l’annuaire des châtelains de son temps. D’abord proprié- taire d’une villa ayant appartenu à la duchesse de Riaro-Sforza, Valtesse s’était fait construire, au tout début du xxe siècle, une somptueuse demeure baptisée « La chapelle du Roy ». Aban- donnant Paris, elle y vécut, à partir de 1902 avec, parmi son mobilier, ce précieux bureau. Née Émi- lie-Louise Delabigne au sein d’une famille pauvre, la jeune femme avait pris ce pseudonyme – re- connu en 1882 par l’état civil – après avoir gravi les échelons de la galanterie au point de devenir, après 1870, l’une des courtisanes les plus en vue

de « la haute gomme » pari sienne. Valtesse, qui se prévalait d’un titre de comtesse prétendument octroyé par Napoléon III, résidait à Paris, depuis 1877, dans un hôtel particulier construit pour elle au 98, boulevard Malesherbes, artère du nouveau quartier à la mode de la Plaine-Monceau. À cette fin, un prince s’y était ruiné, les faveurs de Valtesse se négociant à prix d’or. Pour ces dames, condamnées à la surenchère et aux excentricités, cela faisait partie du jeu. « Elle avait des cheveux étranges, roux, mais d’un roux particulier où semblaient scintiller mille paillettes d’or. » Valtesse décrivit ainsi sa célèbre

Attribué à un atelier du faubourg Saint-Antoine, Bureau de Valtesse de la Bigne, Henri Gervex 1905, hêtre, tulipier de Virginie, Madame Valtesse citronnier de Ceylan et de de la Bigne, 1889, huile Saint-Domingue, bronze doré, sur toile, 200 x 122 cm 104 x 139 x 80 cm PARIS, MUSÉE D’ORSAY. ©PARIS, MAD/CHRISTOPHE DELLIÈRE. ©PHOTO RMN-GP.

CDAF0792_041_BK580444.pdf chevelure dans Isola, roman autobiographique Pieds évidés Imprimant au bureau publié en 1876 sous le pseudonyme d’« Ego ». une vive tension typique Mais la beauté ne faisait pas tout. Pour obtenir de l’Art Nouveau, un rang dans la société parisienne, il convenait la cambrure de la partie supérieure évidée des de briller par l’esprit, qualité que l’on pouvait pieds en tulipier de Virginie acquérir en ouvrant sa porte au monde des a permis d’augmenter arts et des lettres. Boulevard Malesherbes, où la surface du plateau. le mobilier de style ancien prévalait, Valtesse accrocha maints tableaux d’amis artistes dont la fréquentation lui avait valu le sur- La pendule nom d’ « Union des La beauté ne faisait Intégré à l’angle gauche peintres ». Parmi pas tout. Il convenait du gradin, un enroulement ceux-ci, Édouard en bronze doré décoré d’ouvrir sa porte au monde de feuilles, fleurs et Detaille, célèbre graines de pavot renferme peintre de sujets des arts et des lettres. une pendule dont le cadran militaires, allait porte les mentions « VALTESSE » et « 1905 ». rester l’ami le plus cher. Valtesse lui avait fait davantage de force si ce meuble résultait édifier un atelier à Ville-d’Avray et avait com- d’un cadeau plutôt que d’une commande de mandé à Aimé Morot, en 1899, un portrait Valtesse. Jointe à la qualité du bronze doré, du maître en habit d’académicien qu’elle lui l’union de l’Art Nouveau avec les chantourne- offrit en cadeau d’anniversaire. ments d’esprit rocaille pourrait-elle D’esprit Art Nouveau, ce bureau, daté de alors désigner l’une de ces grandes 1905, n’était pas la seule œuvre moderne maisons du faubourg Saint-Antoine abritée à « La chapelle du Roy ». On y voyait dont les productions, inspirées par aussi, connue par des cartes postales, une celles du glorieux xviiie siècle, s’ex- salle à manger (détruite) ornée de boiseries portaient dans le monde entier ? L’une qu’Audrey Gay-Mazuel, conservatrice au d’entre elles, la maison Krieger, avait pré- musée des Arts décoratifs, a pu attribuer à la senté à l’Exposition universelle de 1900 une maison dirigée par Paul-Alexandre Dumas. salle de style Art Nouveau. Mais il y avait Retirée de la galanterie mais restée richissime, d’autres maisons adeptes du nouveau style et Valtesse avait rassemblé dans son domaine les parentés notées par Audrey Gay- Mazuel de Ville-d’Avray tout ce qui avait échappé, en avec les réalisations de la maison Dumas juin 1902, à la vente du contenu de son hôtel rendent cette hypothèse fragile. Quoi qu’il en parisien à Drouot. En faisait partie, rutilant soit, le bureau de Valtesse de la Bigne comp- de bronze doré, son fameux lit, commandé à tera désormais, grâce à la générosité de l’anti- Édouard Lièvre. Réalisé en 1880-1881, selon quaire Benjamin Steinitz, parmi les pièces les les dates retrouvées sur les bronzes, ce meuble pplus séduisantes d’Art Nouveau du musée des extravagant fut légué, par voie testamentaire ddee Arts ddécoratifs.écoratifs. Valtesse, au musée des Arts décoratifs. Entrétré en 1911, il « trône », désormais, dans une sallelle du musée consacrée aux grandes courtisanesnes du xixe siècle (lire encadré).

Paris plutôt que Nancy Vulgarisé par l’École de Nancy pour imprimermer au mobilier cette tension dynamique propree à l’Art Nouveau, l’évidement de la partie supé-pé- rieure des pieds avant recourbés caractériseise ce bureau à gradin. Grand maître de cettette École de Nancy née à la fin du xixe siècle,le, Louis Majorelle, dont les productions étaientnt volontiers plagiées, avait mis également à llaa Un stylestyle LouLouisis XV adaadapté daptépt LesLes chantournementschanton urnements du stylestyle mode ce type de bureau de dame comprenant,nt, Louis XVLouis XXV ss’harmonisent’harmonisent avecavece pour certains modèles, pendule et baromètretre bonheurbonb heur à l’Artl’lArtA Nouveau.Noouveauau. LLesese incorporés. Audrey Gay-Mazuel suggère queue sculpturessculptures à motifsmotiffsns naturalistes,natua ralistes,s la maison Dumas aurait pu à nouveau four-ur- notammentnotamment vivisiblessibles à l’al’arrièrerriière du bbureau,ureau, évoquent ffortementortement les nir ce bureau, sans écarter a priori l’idée d’unene rréalisationséalisations de la maison Dumas. autre origine parisienne. Celle-ci trouveraitait

42 O MAI 2020 / CONNAISSANCE DES ARTS

CDAF0792_042_BK580444.pdf étude d’une œuvre

Le baromètre D’une ciselure aussi superbe, l’enroulement de droite porte un baromètre. Mais les lettres « TPVVBFS » qu’on y lit ne se rapportent pas à d’hypothétiques amants de Valtesse mais à la météorologie.

LE SALON DES COURTISANES Ouverte en 2006, une salle du musée des Arts décoratifs honore le goût des grandes courtisanes installées à Paris, traditionnelle capitale européenne de la galanterie. Entre le milieu du XIXe siècle et la veille de la Première Guerre mondiale, ces « grandes horizontales » ayant fini par acquérir un statut Une délicate polychromie quasi officiel purent passer, Le placage de citronnier des tiroirs laissés nus, à l’exception des entrées de serrures grâce à leurs moyens financiers de bronze doré, jouait avec une teinte verte et leurs amitiés artistiques, appliquée sur le bâti en hêtre et tulipier, des commandes où le effacée depuis, de même que la dorure luxe le disputait à l’audace. qui anime les parties sculptées. Aux côtés, entre autres, de l’une des fameuses consoles (v. 1864-1868) de l’hôtel de la Païva sur les Champs-Élysées, le bureau de Valtesse de la Bigne ainsi que son lit (ill. : Édouard Lièvre, Lit de parade de Valtesse de la Bigne, v. 1880, bois, bronze doré et velours de soie vert. ©Paris, MAD/Jean Tholance) viennent témoigner avec éclat de ce rôle dans les arts décoratifs français. H. G.

Des bronzes raffinés Répandues dans l’ébénisterie parisienne du XVIIIe siècle, les feuilles d’acanthe des sabots de pieds À VOIR accueillent, dans leur partie supérieure, des graines de pavot, LA SALLE DES « SPLENDEURS motif cher au style « 1900 ». DES COURTISANES », musée des Arts décoratifs (MAD), 107, rue de Rivoli, 75001 Paris, 01 44 55 57 50, www.madparis.fr

CONNAISSANCE DES ARTS / MAI 2020 O43

CDAF0792_043_BK580444.pdf photographie

Ci-contre Frédéric Gadmer, Paris 1er, la crue de la Seine à la pointe de l’île de la Cité, square du Vert-Galant, 4 janvier 1924, autochrome, 9 x 12 cm.

44 O MAI 2020 / CONNAISSANCE DES ARTS

CDAF0792_044_BK572723.pdf Avant de rouvrir ses portes à l’automne à Boulogne, le Musée départemental Albert-Kahn dévoile un rare album souvenir d’une métamorphose, celle qu’opéra Paris entre Belle Époque et Années folles. / Texte Virginie Huet

7,32 m. Elle n’était pas montée si haut depuis 1910. Ce 4 janvier 1924, la Seine est sortie de son lit pour grimper jusqu’au sommet des réverbères quadrillant le square du Vert- Galant, à la pointe de l’île de la Cité. De pareils clichés, les Archives de la Planète en comptent des milliers. Initié en 1909 par le banquier et philanthrope Albert Kahn (1860-1940), cet ensemble, sorte d’encyclopédie universelle compilant une centaine d’heures de films noir et blanc et 72 000 autochromes – les premières photographies couleur sur plaques de verre, ancêtres des diapositives – entend « fixer une fois pour toutes des aspects, des pratiques et des modes de l’activité humaine dont la disparition fatale n’est plus qu’une question de temps ». C’est au géographe Jean Brunhes (1869-1930) que Kahn confie en 1912 la direction scienti- fique de ce programme, qu’il pilote avec ardeur depuis l’archipel que forment son hôtel par- ticulier et son jardin paysager de quatre hec- tares, à Boulogne-sur-Seine. Jusqu’en 1931, avant que le krach boursier n’ait raison de sa fortune, douze opérateurs sillonnent le monde, à ses frais, pour dresser « un dossier de l’huma- nité prise en pleine vie, à l’heure critique de l’une des “mues” économiques, géographiques et his- toriques les plus complètes qu’on ait jamais pu constater ». Cotonou, Tirana, Delhi, Rio… la entre liste est longue des destinations exotiques cou- vertes par ces agents spéciaux. deux Un fonds resté confidentiel Si proche, Paris n’échappe pourtant pas aux radars, caracolant en tête des sites les plus guerres représentés de cet atlas imagier, avec pas moins de 5000 autochromes, 90 000 mètres de films, 600 Filmcolor Lumière et 200 plaques stéréoscopiques noir et blanc. Une somme inestimable, pourtant restée dans une « rela- tive confidentialité », comme l’explique Magali Mélandri, directrice déléguée à la conservation

CONNAISSANCE DES ARTS / MAI 2020 O45

CDAF0792_045_BK572723.pdf photographie

Page de droite, Ci-contre Stéphane en haut Stéphane Passet, Paris 5e, Passet, Paris 2e, Les rues Boutebrie, carrefour des de la Parcheminerie rues d’Alexandrie et des Prêtres-Saint- et Sainte- Foy, Séverin,23 juin 1914, 25 juillet 1914, autochrome, autochrome, 12 x 9 cm. 9 x 12 cm. TOUTES PHOTOGRAPHIES CONSERVÉES À En bas Auguste Léon, BOULOGNE-BILLANCOURT, Paris 7e, la passerelle MUSÉE DÉPARTEMENTAL Debilly et le palais du ALBERT-KAHN, COLL. DES ARCHIVES Trocadéro, 16 octobre DE LA PLANÈTE. 1921, autochrome, ©DÉPARTEMENT 9 x 12 cm. DES HAUTS-DE-SEINE. du Musée départemental Albert-Kahn, qui prépare une exposition sur le sujet, en col- laboration avec la Cité de l’architecture & du patrimoine : « L’accès à cette collection est alors limité : Albert Kahn l’utilise dans le cadre de projections privées qu’il réserve à ses invi- tés privilégiés, et Jean Brunhes lors des cours et conférences qu’il donne à la Sorbonne et au Collège de France où il tient chaire. Ce n’est pas une banque d’images servant de support péda- gogique de masse : il s’agit avant tout d’éduquer les élites à venir ou existantes ».

Dans le tumulte de la ville Du reste, l’époque préfère aller voir ailleurs. « Si Paris se transforme, ceux qui la saisissent et ceux susceptibles de regarder leurs produc- tions vivent la ville au même moment. On est dans le quotidien, il manque une distance rétrospective, c’est une question d’épaisseur his- torique », analyse Jean-Marc Hofman, adjoint au conservateur de la galerie des moulages à la Cité de l’architecture & du patrimoine. Il n’en reste pas moins que ces images-documents signées Georges Chevalier, Fernand Cuville, Roger Dumas, Frédéric Gadmer, Léonard Jules, Martial Lachalarde, Auguste Léon, Stéphane Passet ou Camille Sauvageot, livrent un pré- tures remarquables, les images en mouvement hygiénistes. Dans cet état des lieux, Jean-Marc cieux témoignage sur la Ville lumière au temps capturent le tumulte de la « rue urbaine » qui, Hofman voit l’expression d’une « vision pro- des frères Lumière et de leurs deux géniales selon Jean Brunhes, « mérite d’être étudiée fondément animée d’une foi en l’être humain », inventions : le cinémato graphe (1895) et l’auto- comme fait géographique ». Piétons et vendeurs celle de Kahn, dont « la personnalité progres- chrome (1903). « Il y a encore cet attrait de la à la sauvette y croisent charrettes, tramways, siste » surgit partout. nouveauté : prendre une photographie n’est pas autobus… Et c’est une certaine idée du progrès si répandu que cela, une photographie couleur que l’on se fait devant cet échantillon – une encore moins. Quant à la caméra, elle intrigue centaine d’autochromes et une dizaine de films À VOIR tant que dans la plupart des films, on peut voir – courant de 1910, date du premier reportage ++« PARIS 1910-1937, PROMENADES le passant s’arrêter, amusé, regarder fixement parisien des Archives de la Planète, à 1937, DANS LES COLLECTIONS ALBERT-KAHN », l’objectif… C’est un mélange de trajectoires », année de l’Exposition internationale des « arts Cité de l’architecture & du patrimoine, 1, place du Trocadéro et du 11 Novembre, 75116 Paris, commente Magali Mélandri, pour qui la confu- et des techniques appliqués à la vie moderne », 01 58 51 52 00, www.citedelarchitecture.fr sion entre petite et grande histoire n’est pas le qui verra sortir de terre le palais de Chaillot, ouverture reportée fin août/début septembre. fruit du hasard mais « une volonté originelle, futur écrin de la Cité de l’architecture & du Dates à vérifier. un binôme intrinsèque de cette collection », qui patrimoine. Grande Guerre, grandes crues, RÉSERVEZ VOTRE BILLET SUR CONNAISSANCEDESARTS.COM balance entre inventaire monumental et por- grands travaux, Grand Paris… mais aussi trait de ville, patrimoine et modernité. petits métiers, tel celui de prostituée, qu’étudie À LIRE Tandis que les images fixes voient la capitale un reportage sur les « brasseries de femmes », LE CATALOGUE DE L’EXPOSITION, coédition « s’affirmer dans ses lignes », alternant vues ces maisons closes dites « d’abattage », alors Liénart/Cité de l’architecture & du patrimoine/ pittoresques, grandes perspectives et architec- au cœur des débats alimentés par les théories Musée départemental Albert-Kahn (160 pp., 26 €).

46 O MAI 2020 / CONNAISSANCE DES ARTS

CDAF0792_046_BK572723.pdf CDAF0792_047_BK572723.pdf Page de droite Hubert le Gall, La Parade des minotaures, 2020, bougeoir d’une série, fer forgé et bronze, 48 x 38 cm ©BRUNO SIMON.

Ci-contre Alcyon, oiseau de jour, oiseau de nuit, 2020, tapisserie, tissu et broderie Lesage Intérieurs, dans le thyrôreion (vestibule) de la Villa Kérylos. ©JEAN-FRANCOIS JAUSSAUD/ LUXPRODUCTIONS. Hubertle Gallnuances 35de grec

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Le designer et scénographe donne naissance à une série de créations inspirées de la mythologie grecque au cœur de la Villa Kérylos, à Beaulieu-sur-Mer. Une odyssée buissonnière nourrie d’un vocabulaire décoratif décomplexé.

Des bougeoirs en forme de Trente-cinq sculptures et pièces de minotaures frimeurs roulent des mobilier hybrides ont pris place dans mécaniques (La Parade des mino- la sublime villa d’inspiration grecque taures), une chèvre broutant des Kérylos, à Beaulieu-sur-Mer, au gré feuilles d’acanthe sert de sup- d’un parcours narratif né de leur port à un bureau en bronze dialogue formel et littéraire, en patiné (Virgile), une sculp- adéquation avec le lieu. Le desi- ture d’Aphrodite des jardins gner et l’historienne de l’art ont aux multiples seins fait ainsi décliné une thématique face, haletante, à un pilier « virile » dans l’andrôn, grand hermaïque doté d’un salon dévolu aux hommes, phallus. Le créateur en s’inspirant d’un motif Hubert le Gall revi- de mosaïque illustrant la site avec humour lutte héroïque de Thésée les Métamorphoses et du Minotaure : « un d’Ovide, avec la imposant cabinet Tau- complicité scienti- reau évoque la force fique et onirique de sauvage de la créature Bérénice Geoffroy- légendaire née des amours Schneiter, historienne contre-nature de Pasiphaé, de l’art et helléniste l’épouse du roi Minos, et d’un (n.d.l.r. : et journaliste / Texte taureau blanc envoyé par Poséi- à « Connaissance des Arts »). Myriam Boutoulle don. Lui fait face un canapé-sculpture

CONNAISSANCE DES ARTS / MAI 2020 O49

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On retrouve la Grèce dans tout mon travail, une Grèce nourrie des Étrusques, de Burne-Jones et de Pompéi

épousant les courbes sensuelles d’un simu- Ci-contre Le Supplice des lacre de vache, baptisé malicieusement Danaïdes, 2020, Pasiphaé par l’artiste », explique Bérénice bronze patiné, Geoffroy-Schneiter. 92 x 80 cm ©THOMAS DUVAL. Facétieux et éclectique « On retrouve la Grèce dans tout mon tra- vail, une Grèce nourrie des Étrusques, de Burne-Jones et de Pompéi », rappelle le designer et scénographe autodidacte qui n’a fait « aucune école qui l’ait formé et déformé ». Pour cet amoureux de l’île de Paros parlant le grec moderne, cette expo- sition « Fantaisie grecque » est le résumé de

CDAF0792_050_BK571795.pdf Ci-contre canapé Pasiphaé, 2020, bronze patiné et broderie Lesage Intérieurs (premier plan) et cabinet Taureau, 2020, bronze patiné et dorure, 140 x 109 x 54 cm (à droite) ©JEAN-FRANCOIS JAUSSAUD/ LUXPRODUCTIONS. tout son vocabulaire décoratif et de son ins- enlevé. Facétieux, le décorateur qui dit et de William Morris, et les sculptures de piration. Ainsi Hubert le Gall, qui « a fait être « Poillerat dans une partie de la tête . des études de gestion et de finance pour être et Royère dans l’autre », ne craint pas de obéissant », avant de tout lâcher pour faire mélanger les genres et mêle sans complexe Des meubles animés ce qu’il aimait, « être créatif », a d’abord été des sources éclectiques : « Je ne suis pas le Concepteur de « sculptures fonctionnelles », peintre dans les années 1990. L’aménage- sage admirateur d’un seul style ou d’une telle la commode Anthémis (1998) en bois ment d’hôtels et de demeures privées pour seule époque. J’éprouve la même délectation et bronze doré dont les fleurs courent sur le décorateur Jacques Garcia a affûté sa devant le mobilier précieux de Marie-An- les quatre faces pour mieux en dissimu- curiosité et lui a permis de voyager dans le toinette que devant les créations irrévéren- ler la fonction, Hubert le Gall est aussi temps. « La reine Marie-Antoinette et bien cieuses de Gaetano Pesce », énonce l’auteur « sculpteur de meubles animés d’animaux d’autres fantômes allaient me mener vers l’Inde de la célèbre table Marguerites (2004) qui farceurs » (Jean-Louis Gaillemin). « J’ai des Rajahs, l’Angleterre des Country Houses, la avoue sa fascination pour le mobilier des commencé assez tôt à m’intéresser au bes- Russie pour y découvrir les restaurations à xviie et xviiie siècles français, les objets tiaire, après avoir découvert l’importance de Tsarskoïe Selo ou à Pavlovsk », déclarait-il révélés lors des fouilles de Pompéi, l’art l’animal dans le mobilier ancien, aussi bien en 2013 à l’historien de l’art Jean-Louis total prôné par les Anglais de l’Arts & les rhinocéros-porte-pendule que les bronzes Gaillemin dans une monographie au style Crafts dans le sillage d’Edward Burne-Jones dorés de Boulle, ou encore les lits antiques avec

CONNAISSANCE DES ARTS / MAI 2020 O51

CDAF0792_051_BK571795.pdf Ci-contre bureau Virgile, 2020, bronze patiné, 95 x 150 x 90 cm ©BRUNO SIMON.

Page de droite Aphrodite aux deux visages, 2020, bronze patiné, 210 x 63 cm, dans le jardin de la Villa Kérylos ©JEAN-FRANCOIS JAUSSAUD/ LUXPRODUCTIONS.

leur biche si joliment reprise par Rateau dans les années 1910 », dit le designer fabu- liste qui adore « faire son cir- que ». Tout un bestiaire est né dans son atelier parisien occupé jadis par Bonnard, où le tuyau de poêle qui traverse l’espace est transformé en girafe : commode 1, 2, 3 mouton en bois verni et résine laquée (2000), fauteuil Placide le lapin câlin en fausse fourrure (2012), secré- taire Cheval en bronze patiné (2018) ou miroir orgiaque Ronde des lapins (2008). « Je me moque des convenances et j’adore cultiver l’ambiguïté. Tout est prétexte à raconter une histoire », dit avec jovialité le scénographe, dont les narrations colorées ont magnifié l’art d’Edward Burne-Jones lors d’une exposition au musée d’Orsay en 1999, celui de au Grand Palais en 2010, de Pompéi au musée Mail- lol en 2011, et soulignent les peintures et aquarelles de Turner au musée Jacquemart- André dans l’exposition prévue jusqu’au 20 juillet. « La scénographie aussi est là pour raconter une histoire. J’ai beaucoup contri- bué à l’apport de couleurs dans les exposi- tions au début des années 2000, à l’époque où prévalait encore le white cube », dit cet électron libre . « La scénographie a été une Ci-contre table chance pour moi, j’y ai appris mon histoire Le Fil d’Ariane, 2020, de l’art. » Ainsi vient-il d’enclore le voile de bronze patiné, la Vierge de la cathédrale de Chartres dans 37 x 127 cm, devant une vitrine en laiton doré inspirée d’une le canapé Pasiphaé, e dans l’andrôn châsse du x siècle, dotée d’un extraordi- (grand salon) naire verre bleu créé par le restaurateur des ©JEAN-FRANCOIS JAUSSAUD/ vitraux. De la couleur à la lumière… LUXPRODUCTIONS.

52 O MAI 2020 / CONNAISSANCE DES ARTS

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À VOIR À LIRE +++L’EXPOSITION - HUBERT LE GALL, « HUBERT LE GALL, FANTAISIE FANTAISIE GRECQUE, GRECQUE » à la Villa Kérylos, par Bérénice Geoffroy- Centre des monuments Schneiter, In Fine éditions nationaux, impasse Gustave- d’art (96 pp., 80 ill., 29 €). Eiffel, 06310 Beaulieu-sur-Mer, - HUBERT LE GALL. 04 93 01 01 44, www. FABULA, par Dany Sautot, monuments-nationaux.fr éditions Flammarion, prévue du 7 juin au 2018 (238 pp., 125 €). 27 septembre, dates à vérifier. - HUBERT LE GALL, ++L’EXPOSITION par Jean-Louis Gaillemin, À LA GALERIE AVANT-SCÈNE Norma éditions, 2013 (qui représente Hubert le Gall), (207 pp., 55 €). 4, place de l’Odéon, 75006 Paris, 01 46 33 12 40, www. avantscene.fr du 14 octobre au 14 novembre. LE SITE INTERNET de l’artiste : hubertlegall.blog

CDAF0792_053_BK571795.pdf récit d’une vie

À gauche Ci-dessous broche Comète, Portrait de coll. Bijoux Gabrielle Chanel, de Diamants, dite Coco Chanel, 1932, platine vers 1936 Nom: et diamants ©AKG-IMAGES. Chanel Prénom: Gabrielle Profession: couturière « Chaque jour, quand Chanel arrivait rue Cambon, elle retouchait le portrait d’elle réalisé par Marion Pike, accroché dans les escaliers, en utilisant un bâton Particularité: de rouge à lèvres rouge. De même qu’elle retouchait son portrait, elle n’avait de cesse de revoir et corri- ger les récits sur son passé, qui changeait d’un jour à l’autre », écrit Caroline Evans dans le catalogue de l’exposition « Gabrielle Chanel. Manifeste de irréductible Mode ». Ses biographes se sont heurtés à ses men- songes, à commencer par Edmonde Charles-Roux dans L’Irrégulière, qui soulignait « la honte perma- Le palais Galliera, musée nente de ses origines ». Qu’a d’infamant son humble de la Mode de la Ville de Paris, filiation, d’un père colporteur d’origine cévenole et d’une paysanne native d’Auvergne ? Sa naissance rouvrira prochainement hors mariage dans un hospice de Saumur le 19 août ses portes avec une grande 1883 ? Son abandon dans l’orphelinat d’Aubazine exposition sur Gabrielle Chanel, (Corrèze) par son père dans la semaine qui suivit orpheline d’origine modeste la mort de sa compagne en 1895 ? « S’il est un mot, qui a forgé sa légende, et son entre tous, que jamais les lèvres de Gabrielle Chanel style inimitable, avec obstination. ne prononcèrent, ce fut bien le mot orphelinat. Elle / Texte Myriam Boutoulle s’attacha avec acharnement à effacer toute trace du sort si cruel qui fut sien », écrit Edmonde Charles- Roux dans Le Temps Chanel. Celle dont l’arrière- grand-père gravait deux grands C sur les tables rudi- mentaires de sa maison n’aura d’autre ambition que Ci-contre Page de droite Parfum N°5, Tailleur, printemps- de réussir, se rêvant d’abord chanteuse sur la scène 1921, verre, été 1965 (Paris, Palais d’un « beuglant » à Moulins (l’une de ses chansons, cordon noir, Galliera) et Ensemble lui vaudra son surnom) puis cachet de cire veste et jupe, Qui qu’a vu Coco ? noir et papier printemps-été 1971, l’épouse d’un officier d’infanterie de la haute bour- (Chanel) geoisie, Étienne Balsan. Mais Gabrielle Chanel ne

54 O MAI 2020 / CONNAISSANCE DES ARTS

CDAF0792_054_BK571882.pdf CDAF0792_055_BK571882.pdf Ci-dessous Romy Page de droite, En haut sac 2.55, mettra au point le parfum n° 5 de Chanel en Schneider porte à gauche entre 1955 1920, qui fera sa fortune, quelques années une robe Chanel Robe du soir, et 1971, agneau avant le succès de sa petite robe noire en et des chaussures Automne-hiver teint en noir bicolores, 1933-1934, matelassé, métal crêpe de Chine. Vingt et un ans plus tard, Londres, 1962 dentelle de doré et fermoir à alors qu’elle ne possède que 10 % des parts ©CHANEL/ soie ivoire, tourniquet de la société des Parfums Chanel, la « Grande ALL RIGHTS fil métallique RESERVED. tentera en vain d’en prendre or et strass En bas Robe de Mademoiselle » jour, entre 1926 le contrôle en profitant des lois d’aryanisation et 1928, crêpe de des biens juifs, selon Hal Vaughan dans son Chine ivoire imprimé rouille ouvrage Dans le lit de l’ennemi : Coco Chanel sous l’Occupation. Selon l’ancien diplomate, elle aurait aussi entretenu une relation passionnelle avec le baron Hans Günther von Dincklage, espion nazi de haut rang. Arrêtée au lendemain de la Libération par les Forces Ci-contre françaises de l’intérieur dans Pendentif, création sa suite du Ritz, elle aurait été Chanel réalisée par Goossens, relâchée grâce à l’intervention v. 1960, or jaune, de Winston Churchill, ami du turquoise, perle, duc de Westminster. tourmaline Au terme d’un prudent exil SAUF MENTION CONTRAIRE, TOUTES en Suisse, seul un rival la fera LES CRÉATIONS : PARIS, sortir de son silence : Chris- PATRIMOINE DE CHANEL. ©JULIEN T. HAMON. tian Dior, qui triomphe avec le « New Look ». En 1954, à l’âge de 71 ans, elle riposte en sera jamais que « l’irrégulière » de ce passionné inventant son fameux tailleur de courses, qui l’initiera à la vie de château et en tweed gansé et ourlé d’une lui prêtera sa garçonnière à Paris pour débu- chaîne de plomb qui habil- ter son activité de modiste. Dès 1909, le succès lera successivement Jeanne ne se fait pas attendre. Les femmes sont folles Moreau, Romy Schneider et de ses chapeaux, et un bel Anglais surnommé Jackie Kennedy lors de l’assas- Boy tombe amoureux de Coco… « Gabrielle sinat de son mari en 1963… Chanel a soutenu [...] qu’elle n’avait aimé qu’une Sept ans plus tard, Katharine fois et connu un homme qui parût créé pour Hepburn incarne Gabrielle elle : Arthur Capel. Et il est à peu près certain Chanel dans la comédie musi- que, pour une fois, elle disait vrai », affirme cale Coco à Broadway. Made- Edmonde Charles-Roux. Ce champion de de Chanel. Dévastée par sa brutale dispa- moiselle ne fera aucun commentaire sur ces polo « plus que beau, magnifique », introduira rition, elle ne retrouve goût à la vie qu’avec « mensonges qui disent la vérité » – selon la Gabrielle dans le monde du théâtre et lui avan- ses amis José Maria et Misia Sert, et grâce à formule de son ami – avant de cera en 1910 les fonds nécessaires à l’achat une brève liaison en 1920 avec le grand-duc s’éteindre le 10 janvier 1971. d’un commerce de chapeaux au 21 de la rue Dimitri Pavlovitch. Courtisée par ce sei- Cambon, dont le nom est désormais associé gneur russe de onze ans son cadet, elle le sera À VOIR au sien. Il renouvellera l’expérience en 1912 aussi en 1925 par l’homme le plus puissant +++« GABRIELLE CHANEL. MANIFESTE à Deauville, puis en 1915 à Biarritz avec une d’Angleterre, Bend’or, duc de Westminster. DE MODE », l’exposition inaugurale du palais véritable maison de couture. « Gabrielle Chanel tira profit de ces deux liai- Galliera, musée de la Mode de la Ville de Paris, 10, avenue Pierre-Ier-de-Serbie, 75116 Paris, sons. Elle acquit auprès du gentilhomme russe 01 56 52 86 00, www.palaisgalliera.paris.fr De l’opulence byzantine un goût pour les chaudes pelisses et les tissus Dates à vérifier. aux tweeds anglais d’une opulence byzantine ; avec l’Anglais, elle se RÉSERVEZ VOTRE BILLET SUR À Étienne Balsan comme à Arthur Capel, familiarisa avec les tweeds du Royaume-Uni, CONNAISSANCEDESARTS.COM Coco emprunte des éléments du vestiaire qu’elle fit porter aux femmes avec des blouses À LIRE masculin qu’on retrouvera plus tard dans en jersey et des colliers de perles, mélange sa mode dandy, de la cravate aux sweaters. , souligne - LE CATALOGUE DE L’EXPOSITION, sous la révolutionnaire pour l’époque » direction de Miren Arzalluz et Véronique Belloir, Mais le 24 décembre 1919, le beau Boy se Edmonde Charles-Roux. éd. Paris Musées (304 pp., 200 ill., 44,90 €). tue au volant de son automobile. « Il fut pour Ce n’est pas un hasard si elle rencontre alors - LE TEMPS CHANEL, par Edmonde Charles-Roux, , l’éminent chimiste Ernest Beaux, fils d’un Éditions de La Martinière, 2004 (384 pp., 45,90 €). moi mon frère, mon père, toute ma famille » - LE HORS-SÉRIE de « Connaissance des Arts » confiera-t-elle à Paul Morand dans L’Allure employé à la cour des tsars. C’est lui qui consacré à l’exposition (n° 913, 68 pp., 11 €).

56 O MAI 2020 / CONNAISSANCE DES ARTS

CDAF0792_056_BK571882.pdf récit d’une vie

CONNAISSANCE DES ARTS / MAI 2020 O57

CDAF0792_057_BK571882.pdf itinéraire

Installés dans d’immenses entrepôts des années qui s’est prêtée, le temps d’une séance de pose, 1930 réhabilités en 2013, les Magasins généraux au jeu des One Minute Sculptures d’Erwin Wurm. donnent le ton de ce quartier du Grand Paris L’artiste autrichien devrait être à l’honneur aux en pleine métamorphose. Au bord du canal de Magasins généraux au mois de mai, à l’occasion l’Ourcq, ce centre de création fondé par l'agence d’une exposition coproduite par la Maison euro- de publicité BETC propose une programmation péenne de la photographie. pluridisciplinaire et gratuite, autour de saisons thématiques qui allient expositions et festivals. l MAGASINS GÉNÉRAUX, 1, rue de l’Ancien-Canal, 93500 Pantin, magasinsgeneraux.com À lire : GUIDE DES Le tout piloté par une jeune et joyeuse équipe, GRANDS PARISIENS, éd. Magasins généraux (208 pp., 19 €).

1 Aux Magasins généraux

58 O MAI 2020 / CONNAISSANCE DES ARTS

CDAF0792_058_BK575654.pdf Avis aux Parisiens, il y a une vie artistique au-delà du périph’ ! La preuve à Pantin, où d’anciens bâtiments industriels abritent centres de création contemporaine, fondations, résidences d’artistes et galeries d’art de renommée internationale. / Textes Guillaume Morel / Photos Manolo Mylonas

Pa nt i n le Grand Paris arty

CDAF0792_059_BK575654.pdf 2 Chez Thaddaeus Ropac

C’est à deux pas des ateliers de Chanel sous la lumière d’immenses verrières. l GALERIE THADDAEUS et d’Hermès que le galeriste Thaddaeus Il devrait accueillir jusqu’au 20 juin ROPAC, 69, avenue du Général-Leclerc, 93500 Ropac s’est installé en 2012. Derrière « Dimensions of Reality : Female Mini- Pantin, 01 55 89 01 10, les murs de briques d’une ancienne mal », un accrochage exclusivement www.ropac.net chaudronnerie des années 1920 res- féminin qui réunit, entre autres, Rose- taurée par les architectes Buttazzoni et marie Castoro, Kazuko Miyamoto, Associés, l’espace d’exposition de deux Mary Miss et Vera Molnár. Avant ou mille mètres carrés se déploie en quatre après la visite, une petite halte s’im- nefs aux murs d’un blanc immaculé, pose au Café bleu, dans la cour.

À la 3 Compagnie du verre « Mon premier atelier était à Aubervilliers,villiers, mais je tenais absolument à venir m’installernstaller à Pantin, qui a toujours été une villee d’arti-d’ar ti- sans d’art. Céramistes, ébénistes, relieurseurs ou serruriers d’art, beaucoup continuentt de s’ys’y installer », explique le verrier ThomasArnal. Arnal. À 30 ans, celui qui a déjà collaboré avecvec des créateurs de la trempe de Yann Kersalé,ersalé, Vincent Darré ou Mathias Kiss, a inauguréauguré en juin 2019 la Compagnie du verre, uunn ateate-- lier de création au service du design eett de la décoration. Il est situé à proximité de lala mai-mai- son Revel-pôle des Métiers d’art, qui fédère soixante-dix professionnels du territoirere « Est ensemble » (Pantin, Romainville, Noisy-le-oisy-le- Sec, Montreuil, Bondy, Les Lilas…).

l COMPAGNIE DU VERRE, 11, rue Gabrielle-Josserand, 93500 Pantin, www.compagnieduverre.com

60 O MAI 2020 / CONNAISSANCE DES ARTS

CDAF0792_060_BK575654.pdf itinéraire 4 Le CNEAI hors-les-murs Créé en 1997, le Centre national édition art image (CNEAI) vient de quitter les Magasins généraux pour emménager à la Goutte de lait, un ancien Centre d’hygiène social dont la réhabilitation devait être achevée en 2019. « À cause de problèmes de plomb et d’amiante, le bâtiment ne sera finalement prêt qu’en 2022, explique Sylvie Boulanger, directrice du CNEAI, lieu de recherche, de production, de résidence et de diffusion de l’art.En attendant, nous poursuivons notre activité hors-les-murs, avec le Frac Hauts-de-France, la Biennale de sculpture de Genève, la Bakery Art Gallery (Bag) de Bordeaux, les Laboratoires d’Auber- villiers… » L’ouverture de la Goutte de lait, prévue pour 2023, devrait coïncider avec celle du Centre national des arts plastiques (Cnap), qui quittera La Défense pour rejoindre Pantin. l INFORMATIONS sur www.cneai.com

Païenne,PaPaïeïennnnee, ggouailleuse,ououaiaillleueusese, babbaroque,aroroquq e,e, cchaotiquehahaototiqiquuee eett 3 déddélicieusementélil cicieue seemem ntnt ddécadente,écécadadenenttee, NaplesNaNapplleess estesstt uunenene VARGELIS. ©NICHOLAS ATION. vivvillelll e fascinantefafascscininaantete qquiuiui rregorgeegegororgge ddee pappalaisalalaisis eett dde mmumuséesuséséeses ddontonont lleleses coccollectionsollllecectitionons vertigineusesvevertr iigginineueuseses rerreflètenteflflèètetentnt l eseless s ouosoubresautsubrbresesauautsts d ede l’l ’l’HistoireHiHissttoio rere e tet lle eless INSTALL 2020, diddifférentsifffférreenntsts rroyaumesoyoyauaumem s quqquiui s’ss’y’y sosontontn ssuccédé.ucuccécédédé. ÉtÉÉtapetapape inincoc contournable,ontntouournrnababllee, lele MMuséeususéeée aarchéolo-rcrchéhéoollo- giggiquequque nannationalattiioonalal rregorgeegegoorrggee ddee chcchefs-d’œuvre,hefefs-s-dd’’œuœuvrvre,e papparmiarmrmi lesquelslelesqsqueelsls lleseess ffresquesrreesqsqueues etet lleseses ssculpturescuculplptuturees enen bronzebroronnzze desdedes citéscicittéés vésuviennes,vévésusuvivieennenes,, ainsiaini sisi quequeue lele célébrissimecélélébébrriissssimime HHeHerculeercrculule FarnèseFaFarrnnèèsse (ill.ililll. :: copiecooppiiee romainerorommaainine dudu iiiiiiiie sièclesièiècclle dd’d’après’apprèrès uunn ooriginalrir giginnaal DV ©C MAIS OÙ EST L’INFRASTRUCTURE, L’INFRASTRUCTURE, MAIS OÙ EST ©CDV.

grec),grgrecec),), dontdonont lala mmusculatureususcuculalatuturree athlétiqueaththléétitiquque ananti-ti- T cipecicipepe lesleses nusnusus héroïqueshéréroïoïququeess dede Michel-Ange.MMichhelel-AAngn e.

l MUMMUSÉEUSSÉESÉÉÉEE ARCHÉOLOGIQUEARARCHCCHÉHÉHÉOLOLOOLOLOGIQGIGIQIQUEUE NATIONAL,NATNNAATTIONIONO ALA , PARAVENT piazzapiapiaiazzazzzzaza MuseoMuMuseoseeoeo 19,1919,,8 801358001313355N Naples,Naplapa es,ess,s 3399 8181 444422149,4221449,49 www.museoarcheologiconapoli.itwwwwwwwww.m.mumumuseoseseoeoarcaarrcrcheoheheoeologlologogicoicicoconapnaappoololilil .itt MSKY TTO NICHOLAS VARGELIS, RNAL DI AS A H THOMAS ARNAL, DIT TOMSKY, TOMSKY, DIT THOMAS ARNAL, THOM

CONNAISSANCE DES ARTS / MAI 2020 O61

CDAF0792_061_BK575654.pdf Construit en 1965 par l’architecte brutaliste Jacques Kalisz, l’édifice qui abrite depuis 5 2004 le Centre national de la danse (CND) peut paraître bien austère. Il est heureu- sement réchauffé, à l’intérieur, par les jeux de couleurs vives qui illuminent l’atrium. Situé sur les berges du canal de l’Ourcq, le CND (également implanté à Lyon), Au Centre multiplie les collaborations avec les autres institutions de Pantin. Il devrait proposer en juin des performances de Kubra Khademi, une artiste afghane en résidence à la national Fondation Fiminco, à Romainville, et sera partenaire des deux prochaines saisons artistiques des Magasins généraux, « Jardins partagés » du 27 juin au 13 septembre de la danse et « Hôtel Sahara » du 3 octobre au 29 novembre.

l CENTRE NATIONAL DE LA DANSE, 1, rue Victor- Hugo, 93507 Pantin, 01 41 83 27 27, www.cnd.fr

62 O MAI 2020 / CONNAISSANCE DES ARTS

CDAF0792_062_BK575654.pdf itinéraire

6 Avec la Fondation Fiminco Inauguré à Romainville lors de la Fiac 2019, Komunuma a été créé par la Fondation Fiminco, dirigée par Joachim Pflieger. Ce pôle dédié à l’art contem- l FONDATION FIMINCO, porain investit les locaux d’un ancien site de production de médicaments des 43, rue de la Commune- de-Paris, 93230 Romainville, années 1940. Il abrite l’association Jeune Création, comprend un immense lieu www.fondationfiminco.com d’exposition (La Chaufferie) aménagé dans l’ancienne centrale thermique, des résidences d’artistes, des ateliers de gravure et de sérigraphie, un studio photo, vidéo et son, un four à céramique… Fiminco loue par ailleurs une partie de ses espaces à des galeries d’art. Jocelyn Wolff, Air de Paris, In Situ Fabienne Leclerc et Vincent Sator ont déjà répondu à l’appel. Dès l’automne 2020, le site accueillera également les réserves (visitables) du Frac Île-de-France.

CONNAISSANCE DES ARTS / MAI 2020 O63

CDAF0792_063_BK575654.pdf LA DOLCE VOLTA SOUTIENT LA FONDATION HÔPITAUX DE FRANCE

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Entre arts plastiques, spectacle vivant et film documentaire, Sarah Trouche développe un univers inclassable, chargé d’un message militant. Sarah Trouche au-delà des frontières

Sa personnalité, généreuse et volubile, finalement la poitrine offerte au specta- est à l’image de son travail, où l’on per- teur… ». Elle en fera un film (Vertical çoit une filiation avec la performeuse Strike /Je ne peux rester silencieuse), dans Découvrez cette artiste avec Marina Abramović, et avec l’art mêlé lequel elle demande à des championnes à la vie de Sophie Calle. Elle ajoute à la de boxe de donner leur réaction à chaud. liste Carolee Schneemann et Gina Pane. Elle a par ailleurs mené des projets en Quant aux sujets, ils traitent souvent de Afrique, comme en témoigne la pièce la perception de la femme, plus que de chorégraphique Dide, qui analyse la féminisme ou de ce que l’artiste nomme place des femmes au Bénin au travers de « les anomalies sociologico-politiques ». danses exécutées par des hommes dotés Sarah Trouche aborde de masques ancestraux revisités. Peut-être celles-ci par le regard des parce qu’elle a étudié avec Mike Kelley, à personnes ayant peu d’accès Los Angeles, la plasticienne estime qu’elle à la culture, « car la réap- ne doit pas se limiter à un médium ou propriation de soi passe à un message trop précis. Elle souhaite par le rapport à l’autre ». notamment élargir les frontières de l’art Comme souvent dans les en développant des projets en territoires 1983 Naissance de Sarah récits, cela commence par ruraux, avec son association Winter Trouche (ill.) à Bordeaux. un détail, à l’exemple de sa Story in The Wild Jungle. Tout est dans 2006 Première exposition fascination pour la peinture le dépassement des communautarismes collective, « Supersonic », Le Baptême et la mort de et des idées reçues. MARIE MAERTENS qui valide son MFA à l’Art Clorinde de Jean-Baptiste Mauzaisse, conservée au Ci-contre Sarah Center College of Design, musée des Beaux-Arts de Bor- Trouche et Marcel en Californie. Gbeffa, répétition deaux. « Il est très révélateur du spectacle 2007 Diplôme de l’École que cette valeureuse combat- présenté en juin nationale supérieure tante musulmane, amoureuse 2020 aux June des beaux-arts de Paris. du guerrier chrétien Tancrède, Events des Ateliers de Paris/CDCN 2014 Prix de la Villa Médicis mais qui préfère se laisser tuer ©MAURINE TRIC. hors les murs, catégorie Arts plutôt que de renoncer à ses vivants. Participe à la Biennale convictions, soit représentée de Marrakech, au Maroc. 2017 Résidence à la Fondation Zinsou, à Cotonou, Bénin. 2018 Met en scène et performe Corps et Artivisme. Comment écrire collectivement un manifeste engagé et radical ? à l’amphithéâtre d’honneur des Beaux-Arts de Paris. 2019 Nommée chevalier dans l’ordre des Arts et des Lettres.

66 O MAI 2020 / CONNAISSANCE DES ARTS

CDAF0792_066_BK588006.pdf À VOIR Ci-contre - « JE NE PEUX PAS RESTER Sarah Trouche, SILENCIEUSE », galerie Marguerite Milin Aral Revival, (46, rue du Château-d´Eau, 75010 Paris) galeriemargueritemilin.com prévue Kazakhstan, 2013, du 28 mai au 4 juillet. Dates à vérifier. performance ©S. TROUCHE. À CONSULTER LE SITE INTERNET de l’artiste : www.sarahtrouche.com

Ci-contre Vue de son exposition « Seule la femme qui gratte le sol semble totalement étrangère à la folie des gens », CAC La Traverse, Alfortville,2020 ©MAURINE TRIC.

CONNAISSANCE DES ARTS / MAI 2020 O67

CDAF0792_067_BK588006.pdf nouveau talent

Captivée par les visages, Marion Gronier tire le portrait de ceux dont la condition leur colle à la peau. Marion Gronier monuments aux vivants

Ils prennent toute la place ou presque, dans le carré de l’image. Ce sont les « monuments » américains que Marion Gronier fait poser, depuis 2013, assis contre un mur à l’ombre, avec pour seule consigne de ne pas sourire. Les yeux plantés dans les siens, et donc dans les nôtres, ils 1976 Naissance de Marion racontent en silence Gronier (ill. : ©Lidwine Kervella) une histoire de la aux Lilas. violence. Menno- nites, Amérindiens, 1994-2000 Maîtrise en lettres Africains-Améri- modernes et cinéma, DESS de cains, ils forment direction de projets culturels les minorités vi si- à la Sorbonne Nouvelle. bles d’une terre 2000-2003 Assistante pro mise qui leur presse à l’Agence VU’. est restée interdite. Tout commence 2003 Sa série Street Side en 2009 à New Attractions mêle portraits et York, dans un couloir de métro animé par une de « textes de loi » – la Bible, les traités passés scènes de rue aux États-Unis. chorale de Mennonites, ces protestants anabap- entre les États-Unis et les tribus indiennes, les 2005-2006 Avec Sosies, elle tistes que la foi retient coupés du monde : « Il y Codes noirs – pour mieux épingler le système avait dans cette scène un côté très irradiant : le d’oppression américain. Alors qu’elle s’apprête saisit les doubles de Dalida ou son cristallin des voix, l’étrangeté des visages… à ouvrir un quatrième chapitre sur les « héri- Chaplin entre Lyon et Bruxelles. Des images que j’ai gardées en tête avant qu’elles tiers des métayers de Walker Evans », les White 2005-2008 Nuit blanche ou la ne viennent se télescoper à d’autres, celles des Trash de Virginie-Occidentale et du Kentucky, notion de masque au théâtre, Indiens d’Edward S. Curtis ». Considérer ces Marion Gronier songe déjà à pointer son en Chine, en Inde et au Japon. deux communautés, « les premières à se rencon- 6 x 6 sur une autre foule stigmatisée : les trer au moment de la colonisation », la pousse malades mentaux. VIRGINIE HUET 2011 I am your fantasy, à se pencher sur le sort des Africains-Améri- diptyques sur les « mini-miss » cains : à la Nouvelle-Orléans, dans le ghetto À VOIR et leurs mères, au musée de de Tremé, elle complète la galerie de portraits L’EXPOSITION « AMERICAN MONUMENTS », glanés en Pennsylvanie ou dans le Montana. Si Centre régional d’art contemporain d’Occitanie, la Photographie de Charleroi. 26, quai Aspirant-Herber, 34200 Sète, 2012 Les Glorieux, fruit de le décor « prend peu de place », il dépeint « de 04 67 74 94 37, crac.laregion.fr prévue façon métonymique le contexte » : aux planches du 2 au 24 mai, dans le cadre du festival sa résidence BMW au musée de bois immaculées répondent les briques ImageSingulières. Dates à vérifier. Nicéphore Niépce de Chalon- pleines de graffitis qui recouvrent les « pro- À CONSULTER sur-Saône, sur les artistes jects », pendants transatlantiques de nos HLM. LE SITE INTERNET de l’artiste : de cirques ambulants. Trois fois seize portraits, augmentés d’extraits www.mariongronier.com

68 O MAI 2020 / CONNAISSANCE DES ARTS

CDAF0792_068_BK573042.pdf Ci-contre Marion Gronier, Miss Pyjama, Raimbeaucourt, 25 avril 2010, tirages jet d’encre, diptyque, 50 x 50 cm. Ci-dessous Miss Mille et une nuits, Somain, 8 mai 2010, tirages jet d’encre, diptyque, 50 x 50 cm. Les deux : série I am your fantasy.

Ci-contre, à gauche Taylor Breckenridge, Laveen, Communauté indienne de Gilda River, Arizona, 2015, tirages jet d’encre, 90 x 90 cm. À droite Elton Gehman, Lebanon, Pennsylvanie, 2014, tirages jet d’encre, 90 x 90 cm. Page de gauche Kevin Hawkens, Tremé, Nouvelle- Orléans, Louisiane, 2017, tirages jet d’encre, 90 x 90 cm. Les trois : série American Monuments. TOUTES LES PHOTOS : ©MARION GRONIER.

CONNAISSANCE DES ARTS / MAI 2020 O69

CDAF0792_069_BK573042.pdf nouveau talent

Ci-contre Florentine Lamarche et Alexandre Ovize, Rufus, 2020, vue de l’exposition à Caen, Frac Normandie ©M. DOMAGE.

Adeptes d’une pratique mêlant art et décor, Florentine et Alexandre Lamarche-Ovize rendent un malicieux hommage à la nature. 1978 Naissance de Florentine Lamarche (ill. : ©Olivier Lechat) à Rosenheim, en Allemagne. L’art total de 1980 Naissance d’Alexandre Ovize au Côteau, dans la Loire. 2003-2004 Diplômés de Lamarche-Ovize l’École nationale supérieure des beaux-arts de Lyon. Le motif est un fragment de mémoire de la nature. À l’instar d’un journal intime, 2004 Résidence au Point que Florentine et Alexandre Lamarche- leurs croquis, consignés dans des carnets éphémère, Canal Valmy à Paris. Ovize explorent, confrontent et déclinent à puis imprimés sur d’immenses lés de tissu, l’envi. Tels de volubiles récits, oniriques et préservent la mémoire de leur travail, de 2006 Lauréats du Prix Altadis. envoûtants, leurs foisonnantes fresques de leur approche et de leur inlassable voyage Exposition « Artist’s Project » papier, peuplées de poulpes et de méduses, dans l’univers du motif. Protéiforme, leur à la suite d’une résidence au se fondent dans une luxuriante et immer- production s’affranchit des étiquettes, s’in- Camden Arts Centre, Londres. sive végétation pour célébrer un monde du vitant tout autant au Frac-Normandie qu’au vivant où se mêlent des sentiments d’attrac- nouveau café de la Maison de Victor Hugo. 2013 « The Drawer cabinet, tion et de répulsion. Jules Verne n’est jamais « Nous faisons des contraintes des libertés et one night show », exposition à loin, tout comme le géographe Élisée Reclus nous approprions le travail de l’autre », sou- la Galerie du jour agnès b., Paris. (1830-1905), précurseur d’une conception lignent-ils. Sans frontière, dans une narration 2018 Résidence au Blueroof novatrice de l’écologie. S’inspirant du mystère sans fin, Florentine et Alexandre Lamarche- Studio, Los Angeles, États-Unis. du premier et des engagements du second, Ovize prônent un art total où art et décor le duo conjugue les pratiques Arts & Crafts ne font qu’un, réinventant avec malice un 2019 Exposition « Élisée, à d’inédites expériences plastiques pour regard émerveillé sur le monde animal et une biographie » au Drawing créer dessins géants ou objets de céramique végétal, puissant et délicat, comme un poème Lab, Paris. colorés qui traduisent l’irrépressible énergie en prose. CHRISTOPHE AVERTY

70 O MAI 2020 / CONNAISSANCE DES ARTS

CDAF0792_070_BK571833.pdf À VOIR

- L’EXPOSITION à la galerie 75004 Paris, 01 42 72 10 16, Laurent Godin, 36 bis, rue www.maisonsvictorhugo. Eugène-Oudiné, 75013 paris.fr ouverture Paris, 01 42 71 10 66, prévue le 15 juin. www.laurentgodin.com - L’EXPOSITION « RUFUS », prévue jusqu’au 30 mai. Frac-Normandie, - LE CAFÉ DE LA MAISON 7 bis, rue Neuve-Bourg- DE VICTOR HUGO, l’Abbé, 14000 Caen, dont le décor, créé avec 02 31 93 09 00, Nem architectes, s’inspire www.fracnormandiecaen.fr des Travailleurs de la mer, prévue jusqu’au 24 mai. 6, place des Vosges, Dates à vérifier.

À gauche Élisée, une biographie, 2017, technique mixte sur papier, 110 x 160 cm PARIS, COLL. LE CHAMP DES POSSIBLES. ©O. LECHAT. Ci-ontre Vue de l’exposition « La Bouche d’ombre », 2019, Paris, maison Fabre.

CONNAISSANCE DES ARTS / MAI 2020 O71

CDAF0792_071_BK571833.pdf MUSÉE DE MONTMARTRE JARDINS RENOIR 12 rue Cortot - 75018 Paris

OTTO 1878-1943 FREUNDLICH La révélation de l’abstraction

Une œuvre saisissante, un destin bouleversant.

28 février 6 septembre 2020 !#l'œuvre du mois MARCHÉ DE L'ART

UNE SALLE « C’est formidable, « On ouvre la gueule d’un hippopotame et on DE BAINS DE très amusant, ce voit un miroir. Dans la tête se cache le porte- FRANÇOIS-XAVIER n’est que du plaisir », savon et la douchette. Les œuvres de François- LALANNE s’enthousiasme Xavier Lalanne sont toujours des sculptures le décorateur Jacques fonctionnelles », explique Florent Jeanniard, Grange face à cette directeur Europe du design chez Sotheby’s. salle de bains. Mais comment est né cet De fait, François-Xavier Lalanne se voulait ensemble unique, composé d’une maman un sculpteur « utilitaire ». En 1964, la première

©BENOÎT PEVERELLI. PEVERELLI. ©BENOÎT hippopotame faisant office de baignoire, exposition des Lalanne à la galerie J, de L’avis de PIERRE et de deux petits, formant bidet et toilettes ? Jeanine Restany, dévoilait déjà un rhinocéros- PASSEBON, directeur de Grâce à la rencontre de la fille de Claude bureau. Un modèle approchant, une pièce la Galerie du Passage, Paris Lalanne avec un amateur, à qui elle a fait unique de 1991, a été adjugé 5,4 M€ chez Cette salle de bains est connaître les sculptures de Claude et Sotheby’s le 23 octobre dernier, quintuplant complètement dans l’esprit François-Xavier, « prêtes à rendre service », son estimation. Cette dispersion du contenu animalier surréaliste de puis les créateurs eux-mêmes. Au début des de leur maison-atelier a d’ailleurs consacré François-Xavier Lalanne, années 1990, le collectionneur et son épouse l’œuvre du couple Lalanne, enregistrant le plus que l’on retrouvait à la se décident et commandent une œuvre haut montant pour une vente chez Sotheby’s même époque chez César, à François-Xavier pour la salle de bains de à Paris et pour une collection vendue en Arman, Tinguely et Niki leur maison du XVIII e siècle, posée près du lac France ces dix dernières années (91,3 M€). de Saint Phalle. Dans le Léman, en Suisse. Ils connaissent la baignoire De belles récompenses pour ces « animaux même genre, j’avais vu bleue que possède l’ex-épouse de Marcel joyeux ». F. C. chez les Lalanne des toilettes Duchamp et veulent la même, plus deux « Mouche à merde », où petits hippopotames similaires. Le sculpteur À VOIR la tête de la mouche était rétorque qu’une femelle hippopotame VENTE CHEZ le réservoir d’eau, et une ne peut avoir de grossesse gémellaire… SOTHEBY’S, des élytres la chasse d’eau. Qu’importe, ce sera un petit, et son ami ! 76, rue du Faubourg- Quant à cette salle de bains, Saint-Honoré, 75008 Paris, 01 53 05 53 05, elle me rappelle une www.sothebys. baignoire hippopotame en com le 23 juin. résine bleue qui a appartenu à Teeny Duchamp, l’ex- François-Xavier Lalanne salle de épouse de Marcel Duchamp. bains constituée de Plongé dans son monde trois hippopotames poétique, François-Xavier (pièces uniques), 1996, estimée Lalanne était un admirateur de 2 M€ à 2,5 M€. de François Pompon et de Marcel Sandoz, et se revendiquait avant tout sculpteur.

CONNAISSANCE DES ARTS / MAI 2020 O73

CDAF0792_073_BK580068.pdf adjugé MARCHÉ DE L'ART 17,3 M$ GIOVANNI BATTISTA TIEPOLO, MADONE DU ROSAIRE ENTOURÉE D’ANGES

Giovanni « On ignore pour quelle congrégation Tiepolo a réalisé cette œuvre, mais je suppose que Battista Tiepolo, les armées de Napoléon en Italie ont joué un rôle dans son arrivée en Angleterre. On Madone du Rosaire entourée y trouve sa trace dès 1824 sur le marché de l’art », déclare Christopher Apostle, vice- d’anges, 1735, président et directeur du département Peinture ancienne de Sotheby’s. Ce retable fut h/t, 246 x 156 cm. un fleuron de la légendaire collection de Joseph Robinson, magnat sud-africain de l’or et du diamant. « Le nouvel aquéreur est un collectionneur important. L’œuvre devrait bientôt trouver sa place dans un grand musée américain », ajoute l’expert. Sotheby’s, New York, le 30 janvier. 195 000 € René Lalique, Plaque RENÉ LALIQUE, PLAQUE DE COU de cou, or jaune, opale, émail et diamants, Cette plaque de cou se portait en collier de chien, sur une colerette attachée à des rangs vers 1898, de perles. Très représentatif du travail de joaillier de René Lalique, ce bijou est égale- l. 4,7 cm. ment travaillé à l’arrière, ciselé d’un motif floral. « Les opales sculptées en fleur sont impressionnantes, quand on connaît la fragilité de cette pierre », remarque Julie Valade, directrice du département Joaillerie d’Artcurial. Adjugée dans la fourchette haute de son estimation, cette plaque a appartenu au grand collectionneur d’Art Nouveau Maurice Rheims. « Un autre grand collectionneur français d’Art Nouveau et d’Art Déco l’a acquise. » Artcurial, Monaco, le 15 janvier. 1 M ZAR ANDY WARHOL, GREVY’S ZEBRA

Un million de rands sud-africains (env. 64 000 €) salua ce Zèbre de la série Espèces en danger d’Andy Warhol, adjugé à un collectionneur sud-africain. Piasa, qui fait depuis 2014 des ventes d’art africain à Paris, organisait pour la première fois une vacation en partena- Andy Warhol, riat avec une maison de ventes sud-africaine. « Notre approche devient panafricaine. Le Grevy’s Zebra, marché de l’art africain se développe en Afrique du Sud, au Maroc et au Nigeria. La vente 1983, sérigraphie a draîné des collectionneurs occidentaux, mais aussi de plusieurs pays d’Afrique », dit en couleur, signée, 133/150 ex., Christophe Person, directeur du département Art contemporain africain chez Piasa. 96,5 x 96,5 cm. Piasa avec Aspire Art Auction, Cape Town, le 14 février. 5292 € LUCIEN BONTEMPS, CAGE À OISEAU CHANTEUR

Lucien Au XIXe siècle, plusieurs fabricants d’automates, horlogers de formation, vendaient sur Bontemps, catalogue leurs modèles, du plus simple, à deux mouvements, au plus prodigieux, capa ble Cage à oiseau chanteur, v. 1880, d’en enchaîner une douzaine. Lucien Bontemps était spécialiste des cages à oiseaux automate, bois chanteurs. « Ce modèle de mère qui revient au nid est une rareté. Destiné à un lieu public, doré et laiton. gare ou café, il possède un système de monnayeur au lieu d’une clé. » En parfait état d’origine, cette cage part pour un musée chinois : « Même les empereurs de Chine ont commandé en France des automates extraordinaires », commente l’expert. A. C. Pescheteau-Badin, Drouot, le 31 janvier.

74 O MAI 2020 / CONNAISSANCE DES ARTS

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nouveau hors série

les animaux dans la sculpture contemporaine APARIS! 14 MARS - 12 JUILLET 2020

N° 904 Les métiers d'art en France 2020 En écho aux Journées Européennes 2020 des Métiers d’Art, « Connaissance des Arts » vous propose ce hors-série consacré aux métiers d’art en France. Un numéro dédié à une riche actualité, entre transmission des savoir-faire et création contemporaine.

! 68 pp., 147 ill., 11€ BON DE COMMANDE À retourner sous enveloppe non affranchie à : « Connaissance des Arts » Service Abonnements - Libre réponse 23427 - 60439 Noailles cedex. Je souhaite commander le hors-série n°904 ci-dessus au tarif de 11 € le numéro + frais de transport : 2,50 € en France = 13,50 € 5 € pour les Dom-Tom et l’étranger = 16 € Mes coordonnées o M o Mme o Mlle Nom...... Prénom ...... Adresse ...... Ville ...... Code postal Pays (si étranger) ...... ESPACE MONTE-CRISTO CDA792HS904 Fondation Villa Datris / PARIS 9, rue Monte-Cristo 75020 Paris Je joins mon règlement par o Chèque établi à l’ordre de «SFPA Connaissance des Arts» ENTRÉE LIBRE o Carte bancaire N° Retrouvez toutes les infos en ligne sur Date et signature obligatoires : Date d’expiration : fondationvilladatris.fr Notez les 3 derniers chiffres du numéro inscrit au dos de votre carte, près de la signature :

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CDAF0792_076_BK588373.pdf ! carnet du connaisseur # GUIDE

ASSURANCES PEINTURE - DÉCORATION - DORURE VITRAUX ART – Judith Goldnadel Atelier de Ricou Ateliers Duchemin - vitraux Spécialiste de l’assurance des œuvres d’art. Création et Restauration de Décors d’exception. Création - Restauration - Verre architectural - Collectionneurs - Galeries - Expositions. Techniques rares et anciennes : peinture - dorure. Verre décoré - Réalisations d’artistes. 80, bd Haussmann, 75008 Paris. 51, rue de Visien, 92400 Courbevoie. www.ateliers-duchemin.com Tél. : 01 44 20 95 04. [email protected] Tél. : 01 46 91 07 55 - [email protected] 14, av. Georges-Lafenestre, 75014 Paris. Tél. : 01 45 42 84 17. Fax : 01 45 42 01 56. [email protected] FONDERIE D’ART Atelier Mériguet-Carrère Fonderie Susse - Renommée dès le XIXe siècle Peinture - Dorure - Restauration. 19, rue Perrot, 92240 Malakoff. 12, rue du Parc-Royal, 75003 Paris. Tél. : 01 46 57 53 53. [email protected] Tél. : 01 56 56 79 15. Fax. : 01 45 32 57 84. Restauration de patines - Patines XIXe et XXe. e-mail : [email protected] Réparation de bronzes cassés, tordus, abîmés. Devis gratuits - La compétence d’un grand fondeur. LA LIGNE : 23,10 € H.T. + 20 % DE T.V.A. Atelier de Bénédicte S’ADRESSER À PHILIPPE THOMAS, Restauration céramiques - objets d'art - sculptures. « CONNAISSANCE DES ARTS », LAQUES 06 24 96 67 45 - [email protected] 10, BD DE GRENELLE, CS 10817, 75738 Ateliers A. Brugier www.restauration-de-ceramiques.com PARIS CEDEX15 - 01 87 39 82 42 / 82 35. Collection importante de laques anciennes. Restauration de laques et de meubles peints. 74, rue de Sèvres, 75007 Paris. Tél. : 01 47 34 83 27. www.ateliersbrugier.com

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77 O MAI 2020 / CONNAISSANCE DES ARTS

CDAF0792_077_BK580087.pdf Hôtel particulier, Ixelles, Belgique © Jose Manuel Alorda Grand Foyer de l’Opéra Garnier, 2005 © Jean-Pierre Delagarde ©Philippe GARCIA Hôtel de Crillon Chambre de la Reine au Château de Versailles @ Bérangère LOMONT

12, rue du Parc Royal, 75003 Paris +33 (0)1 48 28 48 81 - [email protected] - www.ateliermeriguet.fr sur leL’actualité en directweb sur .com S’il est un domaine qui n’a pas connu la crise durant le confinement obligatoire, c’est bien le numérique. Répon- dant à l’appel du ministère de la Culture avec l’opération #CultureChezNous, les musées (ill. : Beyond the Glass - XP Captures. Courtesy Emissive and HTC Vive Arts), les galeries et les artistes ont rivalisé d’ingéniosité pour faire venir l’art dans notre salon. Découvrez notre sélection de visites, expositions virtuelles et opérations inédites dans notre dossier du mois. A.-S. L.-M.

LE THÈME DU MOIS Face à la crise, l’art se dématérialise

Le marché de l’art en résistance Une Le marché de l’art aussi se décarcasse ! Annulée, impératrice Art Basel a très vite proposé des dans son « Online Viewing Rooms » où les marchands salon montraient les œuvres réservées pour la foire. En association avec Puis des galeries ont lancé des opérations du le Parc archéolo- type « Un jour, une œuvre», ou mis en ligne gique de Pompéi et des visites d’expositions. Quant aux maisons de la société Gedeon Notre-Dame en VR ventes aux enchères (ill. : Vente en visioconfé- Programmes, le À la stupeur a succédé l’inquiétude. Et peu à peu l’oubli. rence. ©FauveParis), elles basculent leurs ventes Grand Palais pro- Car si nous nous sommes tous émus de voir Notre- en live à huis clos ou « online only ». C. L. pose une expé- Dame ravagée par les flammes le 15 avril 2019, puis pas- rience inédite. À l’aide d’un télé- sionnés pour les débats autour de sa reconstruction, que phone, le visiteur 2.0 peut faire savons-nous aujourd’hui de sa convalescence, de son apparaître dans son salon la statue avenir ? Grâce au studio Targo, il est à présent possible polychrome en marbre de Livie res- de voir, mieux de ressentir, l’état actuel de cette grande taurée en réalité augmentée (ill. : accidentée grâce au documentaire en réalité virtuelle ©Gedeon Programmes), accom- Revivre Notre-Dame (ill. : ©Targo/Oculus), disponible pagnée de cartels virtuels enrichis sur Oculus. Confrontant des vues d’avant et d’après d’anecdotes. De quoi patienter l’incendie, émaillé d’interventions de personnalités intelligemment avant l’ouverture au (Jean-Michel Leniaud, Anne Hidalgo), ce film plus vrai public de l’exposition immersive que nature nous met face à la destruction d’un illustre « Pompéi ». A. H. chef-d’œuvre. A.-S. L.-M.

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CONNAISSANCE DES ARTS / MAI 2020 O79

CDAF0792_079_BK578571.pdf Faites du mail art en nous écrivant ou en nous faisant part de vos réactions à ce numéro des lecteurs

La vasque de la Montespan France 1 ou 3 Des amis ayant visité l’exposition « Versailles Dans votre sympathique quizz, intitulé « Ma langue au Revival » au château m’ont parlé de la vasque chat », consacré à l’exposition du musée des Années 30 de la Montespan, qui fut un temps au Vésinet. de Boulogne-Billancourt sur le paquebot Île-de-France Savez-vous où elle se trouve aujourd’hui ? et diffusé sur votre site Internet, vous écrivez que ce Diane Villette, Le Vésinet navire a été remplacé par le paquebot France à la fin des années 1950. Or, France a été lancé en 1910 Cuve en marbre de Rance, cette lourde vasque octo- et était surnommé « Versailles des mers ». gonale ornait l’appartement des Bains que Louis XIV Jacques Autingier, Le Havre avait fait aménager au rez-de-chaussée de son châ- teau de Versailles au temps de sa maîtresse Madame Trois paquebots se sont appelés France. Le premier, actif de 1910 à 1934, de Montespan. En 1750, il fallut vingt-deux hommes était surnommé « Versailles des mers » ou « château de l’Atlantique » et reliait pour la transférer sur des rondins de bois jusqu’au Le Havre à New York en cinq jours et dix-neuf heures. Le décor de ce pre- jardin de l’Ermitage de Madame de Pompadour, non mier France faisait allusion au Grand Siècle français avec des citations du loin du château. Au xixe siècle, sur les conseils de palais Mazarin, du Grand Trianon ou du salon des Maréchaux de l’École son secrétaire et compagnon Gabriel de Yturri, le militaire. Une copie du portrait en pied de Louis XIV par Hyacinthe Rigaud poète Robert de Montesquiou l’achète aux sœurs auxilliatrices du Purgatoire, devenues propriétaires du terrain, et la fait transporter à Neuilly. La vasque de la Montespan l’inspire et il célèbre « la chair marmoréenne, le sang rose et le flanc veiné de la cuve historique ». Lors de son déménagement au Vésinet, dans le Palais rose qu’il fait construire en 1899 en hommage au Grand Trianon, Robert de Montesquiou emporte la vasque de douze tonnes et l’installe sous le dôme d’un temple de l’Amour placé dans le jardin. Après la mort du comte-poète, la vasque revint à Versailles en 1934 et fut placée dans l’orangerie, où l’on peut la voir encore aujourd’hui. G. B. Ci-dessus ornait même le salon de conversation, dit salon Louis XIV. Le paquebot Une enveloppe Île-de-France, mis en service en 1927 et démantelé en 1959, est célèbre pour adressée à la rédaction son décor Art Déco signé par Jacques-Émile Ruhlmann et Pierre Patout. par Philippe Enfin,France est également le nom d’un autre paquebot, troisième du nom, Charron, qui remplaça Île-de-France en 1960 sur la ligne transatlantique, fut rebaptisé de Bourgneuf. Norway en 1979 et a été démantelé en 2009. G. B.

Sert à Carnavalet Dans votre article sur les travaux du musée ABONNEZ-VOUS À CONNAISSANCE DES ARTS Carnavalet paru en mars, l’auteur du texte dit Abonnement d’un an : 79 € que la salle de bal de l’Hôtel de Wendel, peinte Abonnement d’un an pour les étudiants en 1925 par José-Maria Sert, a été remontée (photocopie de la carte d’inscription) : 43 € à une date récente. Laquelle ? Coffret-reliure : 12 € + 3 € de port (2 € par coffret supplémentaire) Ces tarifs sont valables en France métropolitaine. Jacques Ponticelli, Nancy Adresser votre règlement à : Connaissance des Arts - Service Abonnements - 4, rue de Mouchy, 60439 NOAILLES CEDEX Rachetée en 1981, elle fut remontée en 1989, au moment où l’Hôtel Relations Abonnés : 01 55 56 71 08 Le Peletier de Saint-Fargeau fut rattaché au musée Carnavalet. [email protected] Sa restauration, avec des étudiants en fin de cursus de l’Institut national du patrimoine, a été rendue possible grâce à la Fondation CONNAISSANCE DES ARTS IS PUBLISHED MONTHLY EXCEPT JOINT JULY/AUGUST ISSUE. FOR SUBSCRIPTIONS OUTSIDE FRANCE, PLEASE VISIT OUR WEBSIT du Crédit Agricole-Pays de France et Crédit Agricole d’Île-de- BOUTIQUE.CONNAISSANCEDESARTS.COM France-Mécénat. G. B.

80 O MAI 2020 / CONNAISSANCE DES ARTS

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Vos contacts

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La Lumière du Loup UNECRÉATIONDE BENJAMIN DEROCHE - Abbaye de Jumièges Logis abbatial - - 1er mars 31 mai 2020

www.abbayedejumieges.fr - Directeur de la publication À PARAÎTRE Gérant de SFPA Pierre Louette LE Connaissance des Arts est édité par SFPA 20 (Société Française de Promotion Artistique), MAI SARL au capital de 150 000 €. 304 951 460 RCS Paris. Commission paritaire 1020 K 79964. ISSN 0293-9274. Dépôt légal mai 2020. 10, boulevard de Grenelle, CS 10817, 75738 Paris cedex 15. Tél. : 01 87 39 73 00 www.connaissancedesarts.com Pour obtenir votre correspondant, composer le 0187 39 suivi des chiffres entre parenthèses. Les adresses e-mail se constituent ainsi : initialedupré[email protected] e-mail de la rédaction : [email protected] ABONNEMENTS : 01 55 56 71 08 Fax : 01 55 56 70 38 [email protected] Directeur de la rédaction Guy Boyer Rédactrice en chef adjointe Céline Lefranc Secrétaire générale de la rédaction Sylvie Ragey Conception graphique et direction artistique Nathalie Lasserre Rédactrice-iconographe /Assistante de rédaction Delphine Chabaillé Photographe Bernard Saint-Genès Chefs de fabrication Anaïs Barbet, Sandrine Lebreton, Assistante Mélody Besson Ont collaboré à ce numéro Christophe Averty, Valérie Bougault, Myriam Boutoulle, Françoise Chauvin, Jérôme Coignard, Diane de Contades, Axelle Corty, Jeanne Fouchet-Nahas, Hervé Grandsart, Agathe Hakoun, Manuel Jover, Virginie Huet, Jean-François Lasnier, Marie Maertens, Valérie de Maulmin, Guillaume Morel, Charlotte Petitjean, Élodie Stracka, Élisabeth Védrenne Ateliers d’artistes Profitons du calme imposé dans l’actualité des expositions pour regarder Directeur du développement et Carnet du connaisseur Philippe Thomas (82 42) les ateliers d’artistes d’un peu plus près. Avec d’impressionnants clichés Chargé commercial Jérôme Duteil (82 35) réalisés par Manolo Mylonas et une fine analyse d’Axelle Corty, Responsable de la communication Lise Léger (82 37) partons pour la Cité des fusains, où travaillèrent Renoir, Derain Rédactrice en chef adjointe des hors-série et développements numériques Lucie Agache et Bonnard, et pour quelques lieux surprenants à Paris. Rédactrice Web /Responsable du site Internet Anne-Sophie Lesage-Münch Hors-série (coordination) Jean-Michel Charbonnier, Jeanne Fouchet-Nahas, Raphaëlle Roux Chez Gérard Fromanger Iconographe des hors-série Diane de Contades Expéditions Jean-Marc Olin Il incarne parfaitement l’artiste engagé, lui PUBLICITÉ : LES ECHOS LE PARISIEN MEDIAS Tél. : 01 87 39 78 00 qui est l’un des fondateurs Pour obtenir votre correspondant, composer de l’Atelier des Beaux-Arts le 01 87 39 suivi des chiffres entre parenthèses. en Mai 68 et l’un des Les adresses e-mail se constituent ainsi : [email protected] membres du groupe Présidente Corinne Mrejen de la Figuration narrative. Directeur général Philippe Pignol Directrice commerciale du Pôle Culture Loisirs Nous avons interviewé Emmanuelle Astruc (8319) Gérard Fromanger à Directrice de la publicité de Connaissance des Arts l’occasion de sa future Magali Harmange (7527) exposition au musée des Directrice de clientèle Alison Vonthron Nasnas (7559 ) Directeur de clientèle Sébastien Beaurain (7572 ) Normandie Beaux-Arts de Caen. Assistante commerciale Isabelle Titin Snaider (8339) Technique Isabelle Nassoy (7543), Catherine Lefevre impressionniste N°4 Directeur pôle international À partir de juin, toute Nicolas Grivon Directeur de la Diffusion et du Marketing la Normandie se pare des Étienne Porteaux couleurs impressionnistes Connaissance des Arts pour la quatrième édition est une publication du Groupe Les Échos. de son festival. Du musée Président-directeur général Pierre Louette Directeur délégué Bernard Villeneuve des Beaux-Arts de Rouen Directrice de Connaissance des Arts avec la collection de François Claire Lénart Turpin Depeaux, jusqu’à Giverny, Droits de reproduction textes et illustrations réservés pour tous pays. ©2020 Société Française de Promotion Artistique. dans les pas des peintres ©Photothèque R. Magritte/Banque d’images. ©Adagp, de plein air, de Corot à Monet, Paris 2020. ©Succession Picasso 2020. ©Succession Miró, 2020. ©Succession H. Matisse 2020. ©2020 Artists Rights ou à Cherbourg, où le musée Society, New York. ©DACS, London 2020. ©Pro Litteris, Zurich, 2020. ©Vegap, Madrid, 2020. ©Sabam, Bruxelles 2020. Thomas Henry évoque ©VG Bild-Kunst, Bonn, 2020. les côtes ventées vues Photogravure Key Graphic, Paris. Impression Imaye Graphic (53). Origine du papier : Finlande. Taux de fibres recyclées : 0%. par Boudin ou Signac. Le papier Stora Enso de ce magazine est issu de forêts gérées durablement. Eutrophisation : Ptot 0.011kg/tonne Un encart abonnements broché (abonnés et vente au numéro). Encart FAE (abonnés).

82 O MAI 2020 / CONNAISSANCE DES ARTS

CDAF0792_082_BK580013.pdf 2043-Une idée sur le toit

Penser la lumière

1965: Jean Perzel associe la lentille de Fresnel au bronze pour sublimer la lumière. Ainsi débute la légende… Venez nous voir au show room: 3 rue de la Cité Universitaire, 75014 Paris, tél. 01 45 88 77 24

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