Revue Transatlantique D'études Suisses
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Revue transatlantique d’études suisses 8/9 · 2018/19 ________________________________________________________ Stratégies d’écriture en Suisse et aux Antilles De la diglossie affichée aux traces de langues Manuel MEUNE, Katrin MUTZ, Charlotte SCHALLIÉ Université de Montréal Revue transatlantique d’études suisses 8/9, 2018/19 Éditeur / éditrices Manuel Meune ([email protected]) Katrin Mutz ([email protected]) Charlotte Schallié ([email protected]) Directeur de la revue: Manuel Meune © 2019 - Section d’études allemandes Département de littératures et de langues du monde Faculté des arts et des sciences Université de Montréal ISSN - 1923-306X SOMMAIRE ___________ Avant-propos / Vorwort …………………………………………………………………… p. 5 Manuel MEUNE / Katrin MUTZ / Charlotte SCHALLIÉ, « Entre diglossie sociétale et créativité indivi- duelle: vers une ‘patwaïsation’ du monde? » ………………..……………………………... p. 7-11 Manuel MEUNE / Katrin MUTZ / Charlotte SCHALLIÉ, « Zwischen gesellschaftlicher Diglossie und individueller Kreativität: die ‘Patwaisierung’ der Welt? » ……..………………………… p. 13-18 1. Le contexte suisse ………………………………………………………………………… p. 19 ARTICLES Ralph MÜLLER / André PERLER, « Diglossie und Mehrsprachigkeit im Dialektroman der Deutsch- schweiz » ………………………………………………………………………………… p. 21-39 Matthias GURTNER, « Die Dialektverwendung in Glausers ‘Studer-Romanen’. Eine empirische Studie » …………………………………………………………………………………… p. 41-62 Manuel MEUNE, « Polyphonie singinoise et jeux identitaires - D Seisler hiis böös (Ch. Schmutz), entre absence et permanence de la diglossie » ……………………………………………. p. 63-87 Margrit V. ZINGGELER, « Mehr-/Vielsprachigkeit in Rolf Niederhausers Seltsame Schleife im Kontext von Transdifferenz und Transkulturalität » …………………………………… p. 89-111 Anika REICHWALD « Ohne Sprecher keine Sprache – ein Streifzug durch die wechselvolle Geschichte des ‘Surbtaler Jiddisch’ » ………………………………………………… p. 113-130 Gabrielle OUIMET, « Du plurilinguisme familial au contexte suisse(-allemand). L’émergence d’une ‘diglossie migratoire’ chez Aglaja Veteranyi »…………………..……………… p. 131-145 Manuel MEUNE, « Mise en scène diglossique et écriture plurilingue en Suisse et en France: une perspective translémanique sur le domaine francoprovençal » ………………………. p. 147-174 TEXTE LITTÉRAIRE: Christian SCHMUTZ …………………………………………… p. 175 PRÉSENTATION - VORSTELLUNG - PRÈSENTACION ……………………………. p. 176-177 D Seisler Brätzele / Die Sensler Bretzeln [singinois / allemand] ………………………. p. 178-181 Les bricelets singinois / Lè brèchi chindzenê [français / gruérien] …..……………..….. p. 182-185 Les brecéls singenêrs [francoprovençal (‘ORB’)] ……………………………………... p. 186-187 3 Revue transatlantique d’études suisses, 8/9, 2018/19 2. Le contexte caribéen …………………………………………………………………… p. 189 ARTICLES Frenand LÉGER, « Le rôle de l’oralité kreyòl dans les deux lodyans principaux de Justin Lhéris- son » …………………………………………………………………………………… p. 191-208 Marie-José NZENGOU-TAYO, « Alternance, mélange, ou distorsion des codes linguistiques? Jeux de langues dans Bredjenn Blues de l’écrivaine haïtienne Kettly Mars » ………………. p. 209-221 Manuel MEUNE / Katrin MUTZ, « „Ki moun ki la?“ Zwischen (Nicht-)Explizierung und (Nicht-) Übersetzung: das Sichtbarmachen des Guadeloupe-Kreols in G. Pineaus Romanen »… p. 223-248 Stella CAMBRONE-LASNES / Manuel MEUNE, « Entre stéréotypes exotisants et ‘oubli’ du créole: la réception du roman antillais francophone à l’ère du numérique » ……………………... p. 249-265 Jason SIEGEL, « Spotlighting French Guianese multilingualism in a Creole graphic novel: Transla- tion strategies in Lavantir Mèt Dòkò » …………………………………………………. p. 265-283 Rohan Anthony LEWIS, « Diglossia, language prestige and translation: comparisons between the Jamaican and Haitian situations »…………………………………………..………… p. 285-294 TEXTES LITTÉRAIRES: Marie-Yanick DUTELLY ……………………………………. p. 295 PRÉSENTATION - VORSTELLUNG ……………………………………………… p. 299-301 Terre natale / Manman latè pa nou [français / créole haïtien] …………………………. p. 302-303 Péyi natif-natal / Mutter Heimat [créole guadeloupéen / allemand] …………………… p. 304-305 Motherland / Maddaland [anglais / créole jamaïcain] …………………………………. p. 306-308 Mère pourquoi ne m’as-tu dit? / Manman, pou kisa w pat di mwen? [fran. / cr. haït.] …….. p. 308 Anman poukis pa jan di-mwen? / Mutter, warum hast du mir nicht gesagt? [cr. gua. / all.] ... p. 309 Mother, why did you not tell me? / Mama, how come yuh neva tell mi? [ang. / cr. jam.] ….. p. 310 Chant d’amour / Misik lanmou [fran./ cr. haït.] ……………………………………………... p. 311 On chanté-lanmou / Liebesgesang [cr. guad. / all.] ………………………………………….. p. 312 Song of love / Tune bout love [anglais / cr. jam.] ……………………….…………………… p. 313 4 Avant-propos / Vorwort Haut : d’après Humbert1943 (voir p. 19) / Bas : d’après Alexis 2018 [1955] (voir p. 189) Photo: M. Meune 2019 Avant-propos Entre le bilinguisme où les langues font chambre à part, la diglossie où comme créole et français, pidgin et anglais, sranan et néerlandais, elles concubinent en se chamaillant, la polyglossie où malgré de réciproques défiances elles s’hébergent entre elles, la littérature est à la merci d’incursions sémantiques, mots ou expres- sions qui caméléonisent dans l’instant ou se sont installés souterrainement. Elle est aussi exposée à des impromptus stylistiques qui surgissent dans des dialo- gues souvent, dans des narrations parfois. C’est que les cultures sont rétives à leur propre disparition, même lorsque les peuples ont été massacrés. Christiane TAUBIRA, Baroque sarabande Entre diglossie sociétale et créativité individuelle: vers une ‘patwaïsation’ du monde? Dans le numéro précédent de la Revue transatlantique d’études suisses (6/7; 2016/17), nous avons proposé un débat sur l’actualité du concept de ‘diglossie’, lancé par Ferguson pour décrire la répartition fonctionnelle entre langue formelle surtout écrite (high variety) et langue orale utilisée en situation informelle (low variety), s’agissant en particulier des contextes haïtien et suisse-allemand. Nous ne revenons pas ici sur les doutes quant à la pertinence du concept – surtout parce que les domaines de l’écrit et de l’oral, tant en Suisse qu’en Haïti, semblent de plus en plus perméables. Néanmoins, nous élargissons la réflexion sur la représentation et la problématisation des situations (plus ou moins) diglossiques à la littérature même. Artistes et ‘traces’… La littérature caribéenne a souvent été placée sous le signe de l’hybridation linguistique, et l’écrivain Patrick Chamoiseau1 a récemment évoqué cette « grappe créole, surgie de la mise en contact des cultures et civilisations lors des frappes coloniales » (82) – un fruit dont chacun des grains, avec sa propre couleur, constitue un élément essentiel de l’assemblage. Au-delà du métissage culturel, l’originalité du monde créole résiderait désormais dans une « culture d’échanges et de contacts » (82). La force de l’espace caribéen serait de nous initier à la diversité des mélanges qui composeront le monde du futur. Chamoiseau reprend le concept de ‘traces’ utilisé par Édouard Glissant pour évoquer cette nouvelle communauté qui « s’alimente d’une chiquetaille de références » (104). La ‘trace’ est constituée de « grands signes et symboles » (105) semés au fil des siècles (chants, danses ou objets comme le tambour – qui renvoie aux rythmes de l’Afrique). Elle est la garante de « renaissances individuelles » (104), à l’image des traces que suivaient les esclaves pour s’enfuir. Chamoiseau évoque encore la « vertu 1 Chamoiseau, Patrick, 2018, La matière de l’absence, Paris: Points Seuil. Revue transatlantique d’études suisses, 8/9, 2018/19 combinatoire des Traces » (121): à la fois « rencontre de continents » et « maelström d’expé- riences antagonistes », elles relèvent de la « pensée tremblante », celle qui est « plus proche de la question que d’une quelconque réponse » (121). Et les artistes caribéens auraient pour tâche de « magnifier » ces ‘traces’ pour mieux « confronter l’inextricable du monde » (122). C’est parfois une langue entière qui devient ‘trace’, et Chamoiseau poursuit sa réflexion en évoquant « l’alchimie langagière du créole » (172), cette langue « qui s’ignore » et « demeure invisible à elle-même », mais une langue qui féconde la langue française dominante, « comme une muette qui parle » (172). Si l’« artiste à Traces » (122) convient particulièrement bien au contexte caribéen et créole, n’a-t-il pas également sa pertinence dans le contexte suisse? Le maelström linguistique suisse En Suisse aussi, les langues standardisées sont ‘travaillées’ par des langues souterraines – par celles qu’ont apportées les mouvements migratoires des dernières décennies, mais aussi, encore et toujours, par les dialectes autochtones, tant alémaniques que francoprovençaux, sans oublier le yiddish qui n’a pas encore dit son dernier mot. Il y existe également une multitude de ‘traces’ qui nourrissent l’imaginaire des écrivains, qui façonne cette « conscience-monde » qui oblige à vivre « dans une disponibilité ouverte » (227). En Suisse également, la rencontre entre imaginaires fragmentés contredit les rêves de pureté linguistique et façonne un « maelström anthropologique » (229). Chamoiseau, avec d’autres, appelle ‘créolisation’ ce phénomène aux « évolutions inextricables » (229). Il y a quelques années, le concept de ‘créolité’ a été appliqué à la Suisse par Pascale Casanova:2 à la Suisse alémanique, où la logique diglossique façonne la créativité tant collective qu’individuelle, mais aussi à la Suisse romande, où la réflexion sur la dialectique entre proximité et distance avec la France