NGUYEN Duyen Delphine Professeure COTTENET Cécile

Master 2 Monde du livre

Mémoire Année 2019/2020

« Passage » de la littérature young adult en France : L’exemple des ouvrages de Marie Lu

Université Aix-Marseille

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« Passage » de la littérature young adult en France :

L’exemple des ouvrages de Marie Lu

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Remerciements

Je tiens à remercier madame la Professeure Cécile Cottenet, grâce à qui j’ai pu étudier un sujet qui m’intéresse autant. Je la remercie également pour sa disponibilité, sa gentillesse et sa patience.

Je remercie également madame la Professeure Barbara Dimopoulou pour sa présence comme jury pour ma soutenance.

Enfin, un grand merci à mon amie Amal El Jabri pour son soutien et ses encouragements.

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Abréviations

CCBC Cooperative Children’s Book Center ISBN International Standard Book Number MCGP Macmillan Children’s Group op.cit opus citatum SNE Syndicat national de l’édition YALSA Young Adult Library Services Association

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Table des matières

Remerciements ...... 3 Abréviations ...... 4 Table des matières ...... 5 Introduction ...... 6 Première partie. La littérature young adult : une histoire et un marché propre à chaque territoire ...... 11 I. L’adoption française d’une littérature anglo-américaine ...... 12 A. L’émergence de la littérature young adult aux États-Unis ...... 12 B. L’importation de la littérature young adult en France ...... 15 II. Deux territoires, deux marchés distincts ...... 19 A. Marché et territoire : définitions ...... 19 B. Des ressemblances malgré une différence culturelle ...... 21 C. Des divergences causées par une différence culturelle ...... 26 III. Réception critique de la littérature young adult...... 38 Deuxième partie. Marie Lu et la littérature young adult ...... 47 I. Marie Lu : présentation et réception critique...... 48 II. Genres et mouvements ...... 55 A. Marie Lu et le courant dystopique dans la littérature young adult ...... 55 B. Auteurs d’origines asiatiques : quelques comparaisons ...... 60 III. Titres et collections ...... 66 A. Collections et littérature young adult ...... 66 B. L’insertion des titres de Marie Lu dans leur collection respective ...... 71 Troisième partie. Le paratexte sous l’influence de la littérature young adult ...... 79 I. La première de couverture : capter l’attention...... 82 A. La première de couverture : entre enjeu économique et enjeu social ...... 82 B. Maintien ou modification des éléments paratextuels ...... 90 II. La quatrième de couverture : pousser à l’achat ...... 98 A. La fonction de la quatrième de couverture selon le territoire ...... 98 B. Étude des résumés ...... 101 Conclusion générale ...... 106 Bibliographie ...... 110 Annexe 1 : la diversité dans les livres pour enfant en 2018 ...... 123

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Introduction

Le monde de l’édition ne peut pas se passer de la traduction. Cela est d’autant plus vrai malgré les derniers chiffres annoncés par Livres Hebdo qui montrent que moins de livres ont été traduits en 2018. En effet, si en 2017, 19,1% de la production totale était des titres traduits, en 2018, ce pourcentage baisse légèrement pour arriver à 18,5%1. La traduction de romans reste stable, notamment de romans écrits en anglais, langue préférée des éditeurs en 2018 quand il s’agissait des romans de fiction pour la jeunesse2. Il faut souligner que l’édition d’un livre étranger va au-delà de la simple demande de l’éditeur de faire traduire un récit. En effet, traduire un texte ne suffit pas parce que le lecteur n’achète pas seulement le texte traduit « brut » mais achète un ouvrage, un objet. L’éditeur doit alors préparer le terrain en amont : il doit penser l’objet-livre comme un réceptacle du texte traduit, et il doit le penser pour le lecteur français. Ainsi il ne peut pas simplement reprendre l’objet produit à l’étranger pour l’implanter sur le territoire français.

La littérature young adult – dont la définition sera étudiée dans le développement de ce mémoire de recherche – est une singularité. En effet, son arrivée soudaine sur le marché français interroge sur la manière dont une telle littérature a pu s’imposer en France, tout en soulevant des questions sur les changements et les adaptations qui ont dû être opérés par les acteurs du monde du livre pour qu’elle puisse complètement s’intégrer au marché du livre. La littérature young adult est principalement un produit étasunien mais une fois passée l’Atlantique, elle doit devenir et doit être un produit français. Pour cela, les acteurs du monde du livre doivent agir pour qu’elle le devienne. Il est alors intéressant de s’attarder sur ce qu’il se passe lors de ce « passage » de la littérature young adult du territoire étasunien au territoire français. Il faut se questionner sur la viabilité de certains aspects de cette littérature hors du territoire où elle est née. Autrement dit, il s’agit de se s’interroger sur ce qu’il reste de cette littérature une fois qu’elle a été importée sur un marché totalement différent de son marché d’origine mais également de penser à ce qui a dû être modifié et ce qui n’a pas pu être gardé.

Ainsi, il ne s’agit pas simplement du « passage » d’un texte écrit par un auteur d’une langue à une autre mais du « passage » d’une littérature dans son ensemble et de tout le bagage qui se trouve autour. En effet, si l’objet-livre reste finalement la part la plus importante et la

1 PIAULT (F.), « On a moins traduit en 2018 », Livres Hebdo, Hors-série, n°39, octobre 2019. 2 Ibidem.

p. 6 plus visible, il faut également prendre en compte le fait que la littérature young adult se développe pour prendre en compte les évolutions sociales, sociétales et culturelles. Il est aujourd’hui impossible de détacher l’impact causé par les questions sociales sur les livres issus de cette littérature. Il s’agit d’une remarque d’autant plus intéressante qu’il s’agit également d’une facette de la littérature young adult qui doit être pensée lors du passage d’un territoire à un autre. Cependant, il faut noter que si les questions sociales ou encore sociétales restent propres à chaque territoire, certaines de ces questions se sont tellement ancrées dans la littérature young adult qu’elles en deviennent indissociables l’une de l’autre.

La problématique principale – et celle qui est étudiée dans ce rapport de recherches – est celle liée au manque de représentation et de diversité. Il s’agit de questionnements qui se répandent depuis plusieurs années maintenant en littérature mais également dans tous les domaines liés à l’art. La définition même du terme « diversité » montre le clivage entre le territoire étasunien et français. Le terme est employé depuis une quarantaine d’année déjà aux États-Unis alors qu’il apparait régulièrement dans la presse française seulement depuis 20053. La définition étasunienne concerne les différences ethniques et raciales et le mot « diversité » est alors utilisé pour désigner « les minorités et les questions relatives aux minorités dites “visibles”4 ». Ainsi, la définition concerne les personnes afro-américaines, mexicaine- américaines, native-américaines et asiatique-américaines. À l’inverse, il n’existe pas de réelle définition en France. En effet, le terme est utilisé de manière large pour désigner des problématiques de genre, d’âge, de handicap, ou encore d’orientation sexuelle,5… Il faut alors souligner que même s’il est question de problématiques liées à l’ethnicité, le mot « diversité » n’est pas nécessairement utilisé. La presse française utilise également le terme de « diversité » sans pour autant qu’il y ait un lien avec l’identité d’une personne. C’est ainsi que le terme a pu être utilisé pour désigner les différents choix de consommation ou alors le lieu de domicile6.

Il n’existe également pas une définition claire et précise de la diversité quand il s’agit de littérature young adult, que cela soit sur le territoire étasunien, anglais ou français. Cependant, en ce qui concerne les États-Unis, les professionnels du livre, les auteurs et les lecteurs semblent s’accorder sur le fait que la diversité est le fait pour un livre de mettre en

3 TAKAGI (J.), « Pour une approche sociologique de la “diversité” », Revue internationale et stratégique, vol. 73, n°1, 2009, pp. 109-112. Disponible ici : https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2009-1-page- 109.htm 4 Ibidem. 5 Ibidem. 6 Ibidem.

p. 7 avant un ou des personnages qui historiquement viennent de groupes marginalisés. Si à l’origine cette définition faisait référence à l’orientation sexuelle et à l’origine ethnique d’une personne, aujourd’hui le terme s’étend à toutes les minorités. Ainsi, la diversité comprend également les personnes handicapées – qu’il s’agisse d’un handicap physique ou mental –, les personnes qui ne sont pas cisgenres ou encore les personnes issues de minorités religieuses. S’il n’existe pas de définition « officielle » il s’agit de la définition adoptée dans l’article universitaire « Culturally Diverse Literature: Enriching Variety in an Era of Common Core State Standards7 » et par l’association We Need Diverse Books8, créée pour pousser au changement dans l’industrie du livre et notamment pour proposer une meilleure diversité et représentation. Le manque d’une telle définition sur le territoire français reflète le semblant de définition qui peut être trouvé dans la presse française. Depuis quelques années maintenant, depuis que les débats autour de la diversité et de la représentation ont fait leur apparition en France en littérature young adult, il est possible de remarquer que s’il n’existe toujours pas de définition, quand il est fait mention de diversité et de représentation, ces termes sont régulièrement associés à la diversité ethnique ou sexuelle. Dans le cadre de ce mémoire, les termes de « diversité » et « représentations » sont utilisés en accord avec la définition donnée par l’association We Need Diverse Books.

Il s’agit de questions auxquels l’éditeur se doit de penser parce qu’elles correspondent aux attentes qu’ont les lecteurs vis-à-vis de la littérature et surtout de la littérature young adult qui est porté par un public qui est en partie composé de personnes qui revendiquent aujourd’hui leur appartenance à une communauté marginalisée. Comparer la manière dont l’éditeur étasunien et l’éditeur français travaille le livre young adult en prenant en compte une telle problématique est alors intéressant. La manière dont est défini le terme « diversité » sur les deux territoires montrent déjà une différence quant à la manière dont le mot est perçu et laisse donc apercevoir la manière dont il peut être accueilli dans un domaine comme celui la littérature.

Un tel sujet cependant est bien difficile à traiter dès lors qu’il existe une réelle disparité entre les ressources documentaires anglophones et françaises. En effet, la littérature young adult est une littérature contemporaine, ce qui signifie qu’il existe encore très peu de documentation qui l’étudie. Ce manque est surtout présent sur le territoire français où la littérature young adult

7 HANNON (C.), « Representation in YA literature », arcgis.com, date inconnue. Disponible ici : https://www.arcgis.com/apps/Cascade/index.html?appid=15ec60ee734a4bec879ac99b49ba7956 8 « About WNDB », diversebooks.org.

p. 8 ne s’est réellement ancrée sur le marché du livre qu’au milieu voire même la fin des années 2000 avec l’arrivée de Twilight (2005) et Hunger Games (2009). De l’autre côté de l’Atlantique, les premiers pas de la littérature young adult ont été réalisés il y a plus d’une cinquantaine d’années déjà, ce qui laisse plus de temps à toutes personnes de réaliser des études sur cette littérature. Cependant, la différence temporelle entre les années de « naissance » de cette littérature n’est certainement pas la seule raison pour expliquer un si grand manque de documentation sur le territoire français. En effet, la documentation et les études existent mais ne semblent se concentrer que sur une seule facette de la littérature young adult : l’argent. Livres Hebdo, un magazine littéraire destiné aux professionnels du livre, est l’un des seuls médias qui réalise régulièrement des études chiffrées du marché du livre. Ces études se concentrent essentiellement sur la manière dont le secteur du livre jeunesse – le magazine n’effectue pas de distinction entre jeunesse et young adult, ce qui renforce la confusion sur la fourchette d’âge considérée pour la littérature young adult – évolue par rapport aux autres secteurs du livre. Ainsi, il est plutôt question d’étude chiffrée sur la production de nouveaux titres en une année ou encore déterminer quel éditeur domine ce secteur du marché.

S’il s’agit d’informations et de données intéressantes à étudier dans le cadre de ce mémoire, il faut néanmoins souligner que ces seules données empêchent une étude totalement pertinente de la littérature young adult sur le territoire français. C’est ainsi que l’étude même des effets du « passage » de la littérature young adult des États-Unis à la France peut être considérée comme limitée dès lors que le manque de source – notamment des sources universitaires – empêchent une vision totale d’une partie du sujet étudié et notamment en ce qui concerne l’étude de la représentation et de la diversité. Il faut néanmoins souligner que ces trois dernières années montrent la parution d’un nombre plus important d’articles en lien avec la littérature young adult – Livres Hebdo publie depuis 2017 un « dossier » sur cette littérature chaque année – mais que ce nombre reste malgré tout faible comparé à la documentation présente sur le territoire étasunien et même anglais.

En prenant en compte cette limite, il s’agit alors de s’intéresser à la littérature young adult dans les territoires choisis : les États-Unis et la France principalement, et l’Angleterre dans une moindre mesure ; mais également d’étudier la naissance de cette littérature et comprendre quels éléments ont pu être importés et les conséquences de cette importation sur le marché receveur. L’étude comparative des deux marchés permet d’étudier leurs ressemblances et différences tout en prenant en compte la manière dont les territoires dans lesquels ils se développent respectivement influencent leur fonctionnement. L’étude des ouvrages de Marie

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Lu, une autrice9 déjà établie sur le marché anglophone et dont une grande majorité ont été traduit en France, permet d’observer les effets de ce « passage » d’un territoire à un autre. Plus exactement, les ouvrages de l’autrice servent de points de comparaisons dans ce rapport de recherche : une comparaison entre la manière dont ces récits ont été accueillis aux États-Unis par rapport à leur accueil sur le territoire français. Plus que comparer comment le paratexte entre en jeu dans la réception d’un ouvrage young adult sur les deux territoires, le but est d’étudier comment la littérature young adult dans son ensemble influence la manière dont l’éditeur français pense l’objet-livre. L’influence de cette littérature semble aller au-delà de la conception de l’objet parce qu’il doit penser à la réception de chaque ouvrage – qu’il s’agisse de la réception critique ou de la réception du public qui paraît de plus en plus exigeant quand il s’agit de littérature young adult.

9 Dans le cadre de ce mémoire, le terme « autrice » sera utilisée à la place du terme « auteure ». Ce choix se fait en accord avec un rapport de l’Académie française qui valide l’usage des noms de métiers féminisés, notamment du terme « autrice » qui est considérée comme le féminin du terme « auteur » (Libération, 20 février 2019). Ce choix se fait également au regard de la place de la femme dans la société et la nécessité d’utiliser un mot qui puisse affirmer la place dans la femme dans les arts et notamment l’écriture.

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Première partie. La littérature young adult : une histoire et un marché propre à chaque territoire

La littérature dite young adult n’est pas une invention française mais cela ne veut pas dire qu’elle n’a pas son propre historique en France. Cette partie aura pour but de montrer que si le secteur young adult est une littérature venue d’un autre continent et qui a été adoptée par l’édition française, les marchés qui se sont développés sont propre à chaque territoire. Malgré les ressemblances et les différences qui peuvent être notées entre marché français et marché anglophone, la réception critique de la littérature young adult, elle, offre des similitudes quel que soit le territoire où elle est étudiée.

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I. L’adoption française d’une littérature anglo- américaine Pour comprendre la manière dont la littérature young adult s’est exportée jusqu’en France, il convient tout d’abord d’étudier la manière dont cette littérature s’est développée aux États-Unis

A. L’émergence de la littérature young adult aux États-Unis

Selon Michael Cart, auteur et ancien président de la Young Adult Library Services Association10 (YALSA), Seventeenth Summer de Maureen Daly, publié en 1942, est considéré comme étant le premier roman écrit et publié pour les adolescents. Il est toutefois difficile de dire avec certitude que la littérature young adult est née à partir de la publication de ce roman. Des auteurs ont pourtant publié des romans suivant les traces de Seventeenth Summer : il y a eu d’autres romances visant principalement des adolescentes mais également des romans sur le sport pour les adolescents. Cependant, la « vague » young adult telle qu’elle est connue aujourd’hui n’existait pas. Il faut d’ailleurs souligner que la notion même de « young adult » n’est apparue que bien après la publication de Seventeenth Summer. En effet, la YALSA a inventé le terme que dans les années 60 et cela, pour pouvoir donner une catégorie aux lecteurs âgés de 12 à 18 ans11.

Cart considère que le premier « âge d’or » de la littérature young adult se trouve dans les années 70 avec des auteurs comme S.E Hinton, Judy Blume ou encore Lois Duncan. Bien que ces dernières aient toutes les deux exercé plusieurs professions au cours de leur vie, elles restent connues pour avoir développé la littérature young adult aux États-Unis. Les ouvrages des auteurs précités diffèrent principalement de ceux des années 1940 parce que ces derniers n’avaient pas été écrits pour des jeunes adultes mais pour des adultes12. Ce n’est que des années plus tard que des romans comme The Catcher in the Rye13 ou Lord of the Flies14 ont été

10 La Young Adult Library Services Association (YALSA) est une division de la American Library Association, née en 1957. Il s’agit d’une association nationale étasunienne regroupant des bibliothèques, des bibliothécaires ou tous partisans, ayant pour but de donner plus de moyens aux bibliothèques afin de leur permettre de mieux servir les adolescents. « About YALSA », www.ala.org/yalsa/aboutyalsa. 11 STRICKLAND (A.)., « A brief history of young adult literature », edition.cnn.com, 15 avril 2015. Disponible sur : https://edition.cnn.com/2013/10/15/living/young-adult-fiction-evolution/index.html 12 TeamEpicReads, « A Brief History of Young Adult Books », epicreads.com, 19 février 2015. Disponible sur : https://www.epicreads.com/blog/a-brief-history-of-young-adult-books/ 13 SALINGER (J.D.), L’Attrape-cœur (The Catcher in the Rye), Little, Brown and Company, New York 1951. En France : Robert Laffont, Paris, 1953. 14 GOLDING (W.), Sa Majesté des mouches (Lord of the Flies), Faber and Faber, Londres, 1954. En France : Gallimard, Paris, 1956.

p. 12 considérés comme des romans young adult et non plus comme des romans adultes. Autrement dit, la différence principale est que le public young adult n’avait pas été pris en compte, contrairement aux romans d’autrices comme Judy Blume ou Lois Duncan qui, dès leurs publications, étaient vendus pour les jeunes adultes.

Lois Duncan était connue comme étant une pionnière, développant l’horreur, le suspense et les thrillers pour un public adolescent. Surnommée la « reine des thrillers pour ados15 » par les médias, Lois Duncan a écrit près d’une centaine d’œuvres dont certaines ont connu une adaptation cinématographique. Son travail a été récompensé en 1992 par le prix Margaret Edwards décerné par l’American Library Association16 pour sa contribution à la littérature pour adolescents. Il s’agit d’une récompense attribuée annuellement à un auteur ayant contribué de manière « significative et durable à la littérature young adult.17 »

Judy Blume, quant à elle, est considérée comme étant l’autrice qui a déclenché un tout nouveau mouvement dans la littérature young adult, avec l’inclusion de sujets que beaucoup, à l’époque, considéraient comme tabou, dans des livres s’adressant à un jeune public. Ainsi, ses livres abordaient des sujets comme la masturbation, les règles ou encore les pratiques sexuelles entre adolescents. Ses livres ont été – et sont encore – contestés par de nombreux individus qui auraient préféré les voir bannis. Au sujet de cette censure, l’autrice avait exprimé lors d’une interview qu’aux États-Unis « nous n’avons pas de censure, nous avons la liberté de lire, la liberté d’écrire, la liberté de la presse, nous ne censurons pas les livres. Mais c’est ce qu’ils ont fait.18 » Malgré cela, ses livres restent très appréciés du jeune public. Le New Yorker les avait qualifiés comme « [des] talisman[s] qui, pour une grande partie de la population féminine d’Amérique, marque le passage de l’enfance à l’adolescence.19 » Comme ce fut le cas pour Lois Duncan, le travail de Blume a été récompensé par un prix Margaret Edward. Elle a, de plus, été nommée comme l’une des autrices qui a été le plus contesté du XXIe siècle20.

15 MAYER (P.), « Remembering Lois Duncan, The Queen of Teen Suspense », npr.org, 16 juin 2916. Disponible sur : https://www.npr.org/sections/thetwo-way/2016/06/16/482339625/remembering-lois-duncan-the-queen-of- teen-suspense 16 « Margaret A. Edwards Winners », YALSA, ala.org. 17 « Edwards Award », YALSA, ala.org. 18 « Judy Blume: “I thought, this is America: we don’t ban books. But then we did.” », theguardian.com, 11 juillet 2014. Disponible sur : https://www.theguardian.com/books/2014/jul/11/judy-blume-interview-forever-writer- children-young-adults 19 HOLMES (A.), « Judy Blume’s Magnificent Girls », newyorker.com, 22 mars 2012. Disponible sur : https://www.newyorker.com/books/page-turner/judy-blumes-magnificent-girls 20 « Most frequently challenged authors of the 21st century », ala.org.

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Il faut cependant souligner que ces deux autrices n’avaient pas réellement ancré la littérature young adult dans l’édition étasunienne. Si les années 80 montrent l’apparition de nouveaux genres – c’est-à-dire des genres inconnus à la littérature young adult mais déjà existant dans d’autres littératures21 –, les années 90 montrent un total désintérêt pour cette littérature puisque le taux de natalité bas du milieu des années 70 fait qu’il n’y a que très peu d’adolescents pour lire cette littérature. Cart explique que ce manque d’intérêt disparait grâce à un baby-boom en 1992, faisant apparaître le second âge d’or dans les années 200022.

Le second âge d’or est marqué par Harry Potter23 de J.K Rowling, une curiosité puisque la saga vise d’abord des lecteurs âgés de 8 à 12 ans et non des jeunes adultes. Cependant, au fil des livres, les thèmes abordés étaient considérés comme étant de plus en plus sombres et les lecteurs fidèles de la saga grandissaient en même temps que les personnages fictifs. C’est pour cela qu’il est possible de considérer Harry Potter comme étant une série transcendant les âges, s’adressant aux plus jeunes / enfants comme aux jeunes adultes. L’impact de la saga Harry Potter sur le marché du livre pour enfant – compris ici dans le sens large du terme et donc comprenant également les adolescents – est considérable et a notamment poussé les maisons d’édition à créer un marché dédié aux jeunes adultes24, ce qui a ouvert la voie au succès de la saga Hunger Games25 de Suzanne Collins ou encore Twilight26 de Stephenie Meyer.

Le marché du livre young adult étasunien est en perpétuel changement : certains genres restent en tête d’affiche pendant quelques années pour ensuite laisser leur place. La manière dont les livres sont lus change : si les trilogies étaient auparavant préférées, les tomes uniques sont maintenant privilégiés. Concernant ces dernières années, Shannon Peterson, ancienne présidente de la YALSA explique que les réelles opportunités sont « dans la diversité, même si la littérature young adult dépasse déjà la littérature pour enfant dans ce domaine.27 »

21 C’est ainsi que dans les années 1980, il est possible de voir apparaître en fiction young adult des genres qui lui étaient encore inconnus. C’est l’exemple des fictions d’horreur écrits par des auteurs comme Christopher Pike (un grand nombre de ses écrits ont été publiés par l’éditeur J’ai Lu dans la collection Peur bleue) ou encore R. L Stine connu pour sa série de livres Chair de poule chez Bayard Poche. (STRICKLAND (A). op cit.) 22 STRICKLAND (A.), op cit. 23 ROWLING (J.K), Harry Potter, Bloomsbury Publishing, Londres, 1998. 24 STRICKLAND (A.),, op cit. 25 COLLINS (S.), The Hunger Games (Hunger Games), Scholastic Press, New York, 2008. En France : Pocket Jeunesse, Paris, 2009. 26 MEYER (S.), Twilight, Little Brown and Company New York,2005. En France : Hachette Jeunesse, coll. Black Moon, Vanves, 2005 27 STRICKLAND (A.), op cit.

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L’émergence de la littérature young adult s’est ainsi faite en plusieurs temps avant de finalement s’ancrer dans la culture littéraire étasunienne, ce qui n’était pas le cas pour la France, qui a attendu les années 2000 voire 2010, pour exporter la littérature young adult, après avoir observé son succès outre-Atlantique, ce qui a entraîné de nombreux changement sur le marché du livre.

B. L’importation de la littérature young adult en France

Quand il est question de l’importation de la littérature young adult en France, les professionnels du monde du livre s’accordent pour citer les trois mêmes œuvres : Hunger Games, Twilight et Harry Potter, faisant écho au second âge d’or de cette littérature aux États-Unis. Il faut souligner que si Harry Potter est un succès de la littérature traduite, il s’agit d’un titre qui a beaucoup plus fait pour le marché du livre jeunesse que le marché du livre young adult28. En effet, Christine Baker, l’éditrice ayant fait publier Harry Potter en France en 1997, expliquera que « l’édition jeunesse est, depuis Harry Potter, prise au sérieux.29 » Cela peut s’expliquer par le fait que Harry Potter n’a pas un public « fixe », allant des jeunes jusqu’aux adolescents, comme cela a été expliqué dans la partie précédente.

Il serait inexact de considérer que la littérature pour adolescents était inexistante avant l’arrivée des trois œuvres précitées. Cependant il serait également inexact de nier l’impact considérable de Hunger Games (2009) sur le marché du livre français. En effet, Carola Strang, directrice d’édition chez Nathan, explique que ce n’est qu’à l’arrivée de Hunger Games en France que dans les librairies, des rayons spécialement dédiés aux livres young adult apparaissent et qu’un nouveau lectorat, composé des amateurs de livres jeunesse et de littérature adulte, émerge30. Xavier d’Almeida nuance ces propos en expliquant que Twilight (2005) a « posé les bases de la littérature young adult de la romance31 »32 alors que Hunger Games a

28 Le marché du livre jeunesse et le marché du livre young adult sont des marchés qui ont la particularité de se définir par l’âge de ses lecteurs et non par son genre. Ainsi, le marché du livre young adult ne s’interdit aucun genre dès lors que le livre est écrit pour des jeunes adultes. Ces marchés seront définis et explicités plus bas en II- B. 29 ROMAIN (V.), « “Harry Potter” a 20 ans : l’éditrice française qui l’a découvert raconte », sudouest.fr, 26 juin 2017. Disponible sur : https://www.sudouest.fr/2017/06/26/harry-potter-a-20-ans-l-editrice-francaise-qui-l-a- decouvert-raconte-3565379-4692.php 30 CROQUET (P.), « En une décennie, “Hunger Games” a bouleversé la littérature adolescente », lemonde.fr, 1er octobre 2019. Disponible sur : https://www.lemonde.fr/pixels/article/2019/10/01/en-dix-ans-hunger-games-a- bouleverse-la-litterature-adolescente_6013776_4408996.html 31 Ibidem. 32 La romance est un genre littéraire venu des pays anglophones. La Romance Writers of America, une association à but non-lucratif qui a pour but de réunir des auteurs de romance, définit la romance comme un genre littéraire dont les récits doivent s’articuler autour de deux personnages qui tombent amoureux et qui traversent des péripéties pour que leur relation amoureuse puisse fonctionner. L’association précise également que le récit doit se conclure

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« initié un phénomène avec un public plus mixte.33 » Ces trois œuvres arrivent à elles seules à bousculer le monde du livre et à créer un véritable marché : les jeunes adultes sont alors considérés comme un public réel, n’en déplaise à de nombreux observateurs qui pensent que les jeunes adultes ne lisent pas.

Pour pouvoir tirer le meilleur profit de ce nouveau marché exigeant, les acteurs du monde du livre ont dû s’adapter. Plus que créer des nouveaux rayons dans des librairies, il fallait garder l’attention de ce public, ce qui a d’abord incité les maisons d’édition à changer leur image, à se « moderniser ». Le changement de logo de Pocket Jeunesse est un exemple de cette adaptation. En effet, créé en 1994, cette maison d’édition montrait clairement sa volonté de publier des livres pour un jeune public par le biais de son nom et son logo rouge et bleu qui affichaient tous deux les mots « Pocket Jeunesse ». Ce n’est qu’en 2012 que la maison d’édition change de logo et de signature, effaçant toute trace du terme « jeunesse ». Le logo prend alors une apparence sobre et moderne, « Pocket Jeunesse » disparaît des livres et est remplacé par « PKJ ». Ces changements s’expliquent du fait que « les jeunes adultes ne se reconnaissent pas dans le terme “jeunesse”34 » comme a pu le déclarer Natacha Derevitsky, directrice éditoriale de Pocket Jeunesse.

Cette exportation de la littérature young adult marque également l’apparition d’un nouveau phénomène : la création, par des maisons d’édition déjà existantes, de collections spécialisées dans cette littérature. C’est dans ce contexte que les éditions Robert Laffont avaient lancé en 2012, la « Collection R », dirigé par Glenn Tavenec, ancien éditeur principal chez Pocket Jeunesse. Sur le site internet de la maison d’édition, la collection se vante d’apporter « un nouveau souffle dans la littérature ados et jeunes adultes.35 » Un exemple plus récent serait celui des éditions Bragelonne qui a créé en 2019 sa collection « Big Bang », après avoir constaté un « rajeunissement de son lectorat36 ». Sur le site internet dédié à cette nouvelle collection, il est expliqué que la naissance de Big Bang vient du fait que si les éditeurs appréciaient certains projets, ils n’avaient jamais eu l’occasion de les publier parce qu’ils ne savaient pas comment

par une fin heureuse (rwa.org). En littérature young adult cependant, l’utilisation du terme « romance » ne renvoie pas systématiquement à la définition donnée par l’association. En effet, celui-ci est plus souvent utilisé pour désigner une histoire d’amour entre deux personnages sans pour autant signifier que cette histoire soit le point principal du récit. 33 CROQUET (P.), op.cit. 34 COMBET (C.), « Pocket Jeunesse signe PKJ », livreshebdo.fr, 24 août 2012. Disponible sur : https://www.livreshebdo.fr/article/pocket-jeunesse-signe-pkj 35 « Collection R »., lisez.com 36 CONTRERAS (I.), « Bragelonne. A la conquête des young adults », livreshebdo.fr, 8 mars 2019. Disponible sur : https://www.livreshebdo.fr/article/bragelonne-la-conquete-des-young-adults

p. 16 faire. En effet, il est écrit que ces projets « ne rentraient dans aucune case : trop sérieux, trop durs pour de la jeunesse, mais avec des héros trop jeunes, et des problématiques trop différentes pour la littérature adulte.37 » Ces propos montrent donc une réelle adaptation au nouveau marché qui est apparu.

La manière de promouvoir le livre a changé au tournant des années 2010 : il est maintenant indispensable pour les maisons d’édition d’utiliser les réseaux sociaux et de trouver de nouvelles manières de toucher un public très volatile. En effet, longtemps ignorés par les maisons d’éditions, la crise des médias traditionnels les a obligés à se tourner vers des médias qui avaient la capacité de capter l’attention des lecteurs volages38. En ce sens, Jean-Marc Levent, directeur commercial des éditions Grasset explique qu’aujourd’hui, « le paysage médiatique est tellement fragmenté qu’il faut être présent partout pour toucher le même nombre d’individus39 ». C’est ainsi qu’il est possible de remarquer que de nombreuses maisons d’édition ont ouvert leur premier compte Twitter entre 2010 et 2012 mais qu’il a fallu attendre quelques années supplémentaires pour que les premiers postes spécialisés dans la communication digitale soient créés au sein de ces maisons40. A l’inverse, aux États-Unis, les maisons d’édition avaient compris dès 2008 l’importance des réseaux sociaux et leur place dans le marketing. Il faut alors noter qu’une grande majorité des éditeurs qui publient des titres de littérature young adult ont commencé à rejoindre Twitter entre 2007 et 200941.

En ce qui concerne la littérature jeunesse et young adult surtout, les maisons d’édition font appel à de nouveaux acteurs : les blogueurs littéraires. Actuellement, il est impossible de connaître le nombre exact de blogueurs qui se sont spécialisés dans cette littérature tant ils sont nombreux et se spécialisent sur des plateformes différentes. Entre blogueurs traditionnels – sur des blogs –, blogueurs sur Youtube ou encore ceux sur Instagram, il est difficile de tous les référencer. Leur relation aux éditeurs est très simple : la maison d’édition envoie gratuitement les dernières parutions aux blogueurs et leur demandent en échange de publier un article sur leur blog concernant le titre en question. Les maisons d’édition s’entendent à dire qu’elles laissent une liberté totale quant au contenu de l’article, la critique peut être positive ou négative.

37 « Bragelonne à l’origine du Big Bang », collectionbigbang.com. 38 GOLDSZAL (C.), « Les réseaux sociaux, nouveaux terrains de chasse des grandes maisons d'édition », vanityfair.fr, 4 septembre 2018. Disponible ici : https://www.vanityfair.fr/culture/voir-lire/story/article-mag-les- reseaux-sociaux-nouveaux-terrains-de-chasse-des-grandes-maisons-dedition-parisiennes/3613 39 Ibidem. 40 Ibidem. 41 NOLAN (S.), DANE (A.), « A sharper conversation: book publishers’ use of social media marketing in the age of the algorithm », Media International Australia, vol. 168 (1), p. 153-166, 2018. Disponible ici : https://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.1177/1329878X18783008

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Avec cette nouvelle manière de promouvoir le livre, « les éditeurs espèrent déclencher l’envie d’achat chez les internautes.42 »

Les maisons d’édition spécialisée dans le young adult comme celles ayant une collection dédiée à cette littérature deviennent ultra-connectée. Plus qu’une manière de promouvoir, ces maisons d’édition cherchent maintenant à créer une véritable communauté active autour de leur enseigne. C’est par exemple le chemin qu’a pris la Collection R des éditions Robert Laffont. Très active sur Twitter et Instagram, la collection réunit plus de 46 000 followers sur ces deux réseaux sociaux. Si le format particulier de Twitter permet de prévenir rapidement et succinctement des nouveautés et dernières actualités de la collection, Instagram – réseau beaucoup plus « visuel » – lui permet une plus grande marge de manœuvre. En effet, la collection utilise régulièrement cette plateforme pour se connecter à ses lecteurs : elle actualise régulièrement son compte, postant de nouvelles photos mais n’oubliant jamais d’interagir avec la communauté créée. Les lecteurs avaient par exemple été sollicités par la maison d’édition afin de révéler la couverture de Cogito, un roman young adult écrit par Victor Dixen, l’un des auteurs phares de la collection. Pour que la couverture soit totalement dévoilée, un nombre de like était demandé sous chaque post Instagram. Il avait fallu moins de deux semaines pour que la couverture ainsi que le résumé soient dévoilés sur les réseaux sociaux.

L’importation de la littérature young adult a changé le marché du livre jeunesse français. Cela montre une adaptation des maisons d’édition pour s’emparer de ce nouveau public toujours plus demandeur, comme le montre le bilan annuel de 2019 de Livres Hebdo qui met en avant une hausse de la production de 9% en ce qui concerne les livres jeunesses, soit 3915 nouveaux titres contre 3608 l’année précédente. Livres Hebdo souligne le fait que cette hausse est considérable dès lors que le secteur du livre jeunesse – avec celui de la bande dessinée – est l’un des seul à avoir connu une croissance en 2018. Il faut cependant souligner que Livres Hebdo n’opère pas de distinction entre la littérature jeunesse et la littérature young adult ce qui signifie qu’il est difficile de constater si la hausse de production concerne seulement les titres jeunesses – et donc qu’il n’y a pas eu plus de production pour la littérature young adult – ou si inversement, la production a augmenté seulement pour les titres young adult.

42 NICOLAS (V.), « Comment les blogs bousculent l’édition », europe1.fr, 19 juin 2013. Disponible sur : https://www.europe1.fr/evenements/Comment-les-blogs-bousculent-l-edition-545066

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II. Deux territoires, deux marchés distincts

En édition, le territoire influe souvent sur la manière dont le marché fonctionne. Il est alors possible de dire que territoire et marché sont dépendants l’un de l’autre. C’est ainsi que l’histoire d’un territoire peut avoir une influence sur le marché ; que la taille du marché dépend de celle du territoire, etc. Il sera ainsi intéressant de tout d’abord s’intéresser à leurs définitions. Le secteur young adult s’est, de plus, imposé dans la littérature contemporaine, ce qui oblige les acteurs du monde du livre à s’adapter à cette littérature qui prend de plus en plus de place. Malgré cela, chaque marché et chaque territoire ont leurs différences et leurs ressemblances.

A. Marché et territoire : définitions

« Territoire » et « marché » sont des termes qui ont plusieurs définitions selon le contexte dans lequel ils sont utilisés. Ainsi, la définition socioculturelle de « territoire » ne sera pas la même que la définition juridique.

En effet, dans le milieu de l’édition, il arrive que le territoire dépasse les frontières juridiquement tracées. Il faut alors prendre en compte d’autres facteurs telle que la langue parlée, il est alors possible de parler de « territoire linguistique », « zone linguistique » voire même de « communauté de langues », désignant une zone géographique où un groupe de personnes parlent la même langue ou le même dialecte43. Cependant, quand il s’agit de l’édition, il faut nuancer ce propos. En effet, s’il existe une zone linguistique anglophone regroupant – entre autres – le Royaume-Unis, les États-Unis, le Canada, l’Australie, l’Irlande et la Nouvelle- Zélande44, cela ne veut pas dire que l’édition américaine s’étend sur tous ces pays. En effet, l’édition américaine telle qu’elle est connue aujourd’hui ne prend en compte que les États-Unis et le Canada. Autrement dit, les livres publiés par une maison d’édition new yorkaise seront diffusés sur le territoire – dans son sens géographique – étasunien et canadien.

Plus spécifiquement, l’édition canadienne et l’édition étasunienne restent deux entités indépendantes mais les éditeurs étasuniens montrent une tendance à s’emparer de plus en plus du marché canadien. En effet, s’il existe encore des maisons d’édition canadiennes indépendantes, l’édition canadienne est dominée par des maisons d’éditions appartenant à des multinationales. Ainsi, 32% du marché du livre traditionnel – vente du livre au consommateur et ne prenant donc pas en compte la vente du livre à but scolaire – appartient à la maison

43 GARABATO (C.A.), et KIS-MARCK (A.), « Le concept de “communauté linguistique” face à la réalité du terrain », Lengas (en ligne), n°77, 2015. Disponible sur : https://journals.openedition.org/lengas/866 44 « Zone linguistique », fr.wikipedia.org

p. 19 d’édition Penguin Random House Canada, un éditeur dont les capitaux sont détenus à l’étranger45. Il faut également ajouter que les auteurs ont encore tendance à céder les droits d’exploitation canadien et étasunien de leurs œuvres à leur éditeur américain46. Ces deux raisons combinées peuvent expliquer pourquoi il est possible « d’unir » Canada et États-Unis quand il est question de territoire de l’édition américaine.

En réalité, il n’existe pas une unique définition de « marché du livre ». Le Ministère de la culture parle seulement d’une « industrie culturelle47 ». Cependant, dans le contexte de l’édition, il est plus sensé de se baser sur une définition économique. Ainsi, en économie, le marché est ce qui « permet la rencontre d’une demande et d’une offre et la formation d’un prix. Les marchés sont multiples, par leur nature et leur fonctionnement.48 » Le marché du livre serait alors la rencontre entre l’offre faite par les maisons d’édition et la demande venant des consommateurs-lecteurs. Le prix du livre dépend alors de cette rencontre. De plus, il est possible de remarquer qu’outre les nécessités de rentabilité pour l’éditeur, le prix dépend fortement du public visé. C’est ainsi que très souvent, les livres young adult sont vendus entre 15€ et 17€ alors que les livres jeunesse le sont entre 12€ et 14€. Il serait cependant réducteur de considérer le marché du livre seulement de cette manière. En effet, en se basant sur les mots du Ministère de la culture, il est aisé de se rendre compte que le marché du livre va bien au-delà d’un simple échange entre offre et demande. Les chiffres souvent donnés, notamment par la SNE ou encore Livre Hebdo, montrent qu’il faut prendre en compte toute la chaîne du livre.

En ce qui concerne la France cependant, il est difficile d’estimer avec certitude le nombre de lecteurs de littérature young adult puisqu’il n’existe pas aujourd’hui de données chiffrées qui font état de l’ampleur de ce lectorat. Cependant, il faut souligner que les bilans annuels de Livres Hebdo font régulièrement état d’une croissance de production des livres jeunesses – jeunesses qui regroupe ici autant la littérature jeunesse que young adult. Ainsi, le dernier rapport en date, celui délivré en octobre 2019, montre une croissance de production de +1%, l’un des seuls secteurs à connaître une telle performance pour l’année 2018. Le magazine littéraire explique alors que cette croissance affirme la place de la littérature jeunesse sur le

45 DEWAR (E.), « How Canada sold out its publishing industry », thewalrus.ca, 8 juin 2017. Disponible sur : https://thewalrus.ca/no-one-blinked/ 46 ANDERSON (P.), « American and Canadian Publishers — Myths versus Facts », helpingyougetpublished.com, 2012. Disponible sur : http://www.helpingyougetpublished.com/2000-3-US-Canada-publishers.html 47 « Marché du livre », culture.gouv.fr 48 « Qu’est-ce qu’un marché ? », lafinancepourtous.com, https://www.lafinancepourtous.com/enseignants/tous- nos-modules-d-economie/marche-et-role-de-l-etat/quest-ce-quun-marche/

p. 20 marché français et qualifie cette littérature comme « porteuse sur la longue durée49 ». S’il est difficile d’estimer le lectorat de la littérature young adult, il est possible de supposer que si la production est stable et ne cesse de croître, cela veut dire qu’il existe encore aujourd’hui un lectorat pour lire ces ouvrages. Autrement dit, il est difficile d’imaginer que la production continuerait d'augmenter s'il n'existe pas de lecteurs pour lire les ouvrages en question. Il faut cependant nuancer le propos et souligner que Livres Hebdo, par l’utilisation du terme « littérature jeunesse » ne fait pas de distinction avec la littérature young adult. Cela peut ainsi donner une fausse impression quant à la production young adult. En effet, écrire que la production de la littérature jeunesse continue de croitre ne veut pas forcément dire que tel est le cas pour la littérature young adult. Cela peut par exemple dire que la production du livre young adult a été faible mais que cela a été contrebalancé par la production forte du livre jeunesse.

C’est ainsi que le marché young adult américain peut paraître semblable en certains points au marché français tout en ayant des facettes différentes.

B. Des ressemblances malgré une différence culturelle

Quel que soit le territoire et le marché dont il est question, la littérature young adult a pour particularité de viser une catégorie de personnes. Autrement dit, il s’agit d’une littérature qui se définit par l’âge du lecteur et non par son genre : en ce sens, la littérature young adult ne s’interdit aucun genre. Ainsi, à l’inverse d’un genre narratif telle que la science-fiction qui englobe les récits qui cherchent à « décrire un état futur du monde, en s’appuyant notamment sur la science actuelle, tout en anticipant ses progrès à venir et leurs conséquences sur l’humanité50 », la littérature young adult comprend des romans de science-fiction mais seulement si ceux-ci sont adressés à son public cible, c’est-à-dire les jeunes adultes. Bien que l’édition américaine et l’édition française ne s’accordent pas sur la tranche d’âge en question – la première considère que le public est constitué des 12 à 18 ans alors que la seconde donne une plus large fourchette : de 12 à 30 ans – elles s’accordent sur ce que devrait contenir la littérature young adult.

49 PIAULT (F.), CONTRERAS (I.), COMBET (C.), « Le livre fait maigre », Livres Hebdo, Hors-série, octobre 2019. 50 DELRIEU (J.), « Qu’est-ce que la science-fiction ? », pedagogie.ac-nantes.fr.

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La littérature young adult peut s’assimiler à une « littérature fourre-tout51 », dans le sens où elle est composée de romans de tous les genres littéraires. Comme dit précédemment, il s’agit d’une littérature qui ne s’interdit aucun genre dès lors qu’elle vise le bon public. C’est ainsi qu’en France, Eva Grynszpan, responsable d’édition aux éditions Nathan, considère qu’il s’agit d’une littérature qui peut être contemporaine mais peut également abriter « une littérature de genre52 ». Cette notion de « littérature de genre » – également appelée « littérature commerciale » – vient de l’édition anglophone qui la définit comme l’écriture de « récits qui ont pour but d’attirer un large public déjà lecteur d’un genre spécifique53 ». Autrement dit, il s’agit par exemple d’un roman de fantaisie écrit dans le but d’attirer les lecteurs de fantaisie.

Cette vision est également partagée sur le marché américain où il est dit que les livres young adult explorent « tous les mondes et tous les sujets – contemporain, dystopie, romance, paranormal, drogues, sexe, divorce, harcèlement.54 » Le marché du livre young adult semble alors ouvert à toutes les thématiques qui concernent – et peuvent concerner – les jeunes adultes. C’est ainsi que les récits contemporains explorent régulièrement les premières ruptures amoureuses, les questionnements autour de la sexualité ou encore l’angoisse liée à la fin du lycée. Cette citation montre également que la littérature young adult ne s’interdit aucun genre, à l’exception peut-être, de la littérature érotique. La littérature érotique regroupe les romans où le sexe joue une place importante dans la relation des protagonistes. De plus, il est précisé que le personnage principal se découvre au travers de ses expériences sexuelles et quand il s’agit d’un couple, ils se découvrent également par leur relation sexuelle, relation sans laquelle leur couple n’existerait pas55. Les romans érotiques mettent souvent en avant des scènes de sexe explicites et sont alors recommandés à un public adulte ou du moins averti. Le public young adult n’est alors pas la première cible – ni même la cible idéale – de la littérature érotique. C’est ainsi qu’il n’existe pas – ou alors très peu – de romans érotiques vendus sur le marché young adult.

51JACQUEMART (M.), « L’édition de jeunesse française face à l’industrialisation. La représentation de l’industrialisation au travers de la littérature Young Adult », Mémoire de master 1, Université Toulouse Jean Jaurès, vol 1, mai 2016. Consulté sur http://dante.univ-tlse2.fr/1546/ 52 COMBET (C.), « Le livre d’aujourd’hui : Les Défis de l’édition », éd Milan, Toulouse, 2007, p.29. 53 FRENCH (C.T.), « Literary Fiction vs. Genre Fiction », authorsden.com. 54 PETERSON (V.), « Young Adult and New Adult book markets », thebalancecareers.com, 16 décembre 2018. Disponible sur : https://www.thebalancecareers.com/the-young-adult-book-market-2799954 55 DE SEPAUSY (V.), « Pourquoi la romance érotique connait-t-elle un tel succès ? », actualitte.com, 24 mars 2013. Disponible sur : https://www.actualitte.com/article/monde-edition/pourquoi-la-romance-erotique-connait- un-tel-succes/40219

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Plus qu’une littérature « fourre-tout », la littérature young adult est une littérature « à tendance », suivant la loi du marché. Autrement dit, quand un certain type de roman plaît, la première réponse des maisons d’édition est de publier un grand nombre de livres du même type. Il est alors dit que le secteur young adult fonctionne par « mimétisme56 ». C’est à cause de cette loi du marché que les débuts de la littérature young adult, en France comme aux États-Unis, sont marqués par la littérature de genre. Par exemple, avec le succès de Twilight – qui totalise en 2010 plus de 100 millions d’exemplaires vendus dans le monde dont 48 millions aux États- Unis et 4,6 millions en France57 – d’autres éditeurs ont suivi le mouvement et ont publié d’autres sagas racontant l’histoire de vampires. C’est ainsi que les séries Vampire Academy58 et Journal d’un vampire59 – republié après le succès de Twilight – sont apparus sur le marché américain puis français.

Un autre exemple serait évidemment celui de Hunger Games qui a ouvert la voie à la dystopie sur le marché young adult. Avec son succès planétaire – plus de 26 millions d’exemplaires vendus rien qu’aux États-Unis60 – de très nombreuses dystopies ont fleuri sur le marché. Les plus connues sont Divergente61 et Le Labyrinthe62 qui, à l’image de Hunger Games, ont également été adaptés sur grand écran mais des dizaines d’autres titres peuvent également être cités comme Uglies63, Insaisissable64, Legend65 ou encore La Sélection66.

Dire que la littérature young adult est une littérature « à tendance » veut également dire que les éditeurs doivent s’adapter à la demande des lecteurs. C’est ainsi qu’il est très rare qu’un même genre reste longtemps le favori du public. Le paysage young adult change au fil des années et cela se ressent d’abord du côté étasunien avant que cela n’impacte le marché français.

56 La Rédaction, « La littérature Young Adult, une quête qui transgresse les âges », ActuaLitté, 6 janvier 2016. Disponible sur : https://www.actualitte.com/article/monde-edition/la-litterature-young-adult-une-quete-qui- transgresse-les-ages/62833 57 Auteur non indiqué, « Twilight : 100 millions d’exemplaires vendus dans le monde », lapresse.ca, 24 mars 2010. Disponible sur : https://www.lapresse.ca/arts/livres/201003/24/01-4263865-twilight-100-millions-dexemplaires- vendus-dans-le-monde.php 58 MEAD (R.), Vampire Academy, Razorbill, New York, 2007. En France : Castelmore, Paris, 2010. 59 SMITH (L.J.), Journal d’un vampire (The Vampire Diaries), HarperCollins New York, 1991. En France : Hachette, Paris, France, 2009. 60 SPRINGEN (K.), « The Hunger Games Franchise: The Odds Seem Ever in Its Favor », publishersweekly.com, 22 mars 2012. Disponible sur : https://www.publishersweekly.com/pw/by-topic/childrens/childrens-book- news/article/51167-the-hunger-games-franchise-the-odds-seem-ever-in-its-favor.html 61 ROTH (V.), Divergente (Divergente), HarperCollins, New York, , 2011. En France : Nathan2011. 62 DASHNER (J.), Le Labyrinthe (The Maze Runner), Delacorte Press, New York, 2009. En France : PKJ, Paris, 2012. 63 WESTERFELD (S.), Uglies, Simon Pulse, New York, 2005. En France : PKJ, Paris, 2015. 64 TAHEREH (M.), Insaisissable (Shatter Me), HarperCollins, New York, 2011. En France : Michel Laffn, Paris, France, 2012. 65 MU (M.), Legend, Putnam Juvenile, New York, 2011. En France : Castelmore, Paris, 2012. 66 CASS (K.), La Sélection (The Selection), HarperTeen, New York, 2012. En France : Robert Laffont, 2012.

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En effet, il est possible de détecter une sorte de « décalage » temporel entre les deux marchés. Le marché américain a connu une rapide saturation de la dystopie et a basculé vers des textes plus contemporains. C’est ainsi que mi-décembre 2013, alors que le troisième volet de Hunger Games était sorti au cinéma, le New York Times affichait seulement quatre livres de genre dans sa liste des dix livres les mieux vendus67. Nos étoiles contraires68 de John Green avait alors réussi à maintenir sa place sur le classement et à atteindre la deuxième position même un an après sa première publication, avec un récit contemporain, racontant l’histoire d’une jeune fille atteinte d’un cancer. Le succès littéraire comme cinématographique de cette œuvre avait alors annoncé un vent de changement pour la littérature young adult : Eva Grynszpan avait alors dit qu’après la vague dystopique, il était plus simple de trouver des romans de réalisme contemporain69.

Cela s’est rapidement démontré, sur le marché américain d’abord puis sur le français. À l’image de tous les romans dystopiques, les récits contemporains ont rapidement envahi les librairies. Fin 2013, 60% du catalogue de l’éditeur Nathan était composé de titres contemporains70 alors que d’autres maisons d’édition restructuraient leurs collections afin d’accueillir cette nouvelle « mode », à l’image des éditions Albin Michel qui avaient décidé de créer la collection « Mojo » afin de publier « des auteurs de littérature étrangère et des thèmes résolument contemporains destinés à un lectorat ado.71 »

Si la littérature young adult se définit par l’âge du lecteur, il faut souligner que sur ce marché, un phénomène est frappant : de plus en plus, les lecteurs de young adult ne sont pas ceux qui sont, de prime abord, visés par cette littérature. Aux États-Unis par exemple, plusieurs estimations du marché ont démontré que près de 70% des achats de titres young adult sont effectués par des adultes72. S’il est légitime de prendre en compte dans ce pourcentage le nombre de parents achetant des livres pour leurs adolescents, il faut également prendre en compte le fait que de nombreux jeunes adultes peuvent déjà acheter leur livre par eux-mêmes. Il existe alors des adultes qui achètent ces livres pour leur lecture personnelle. Une étude

67 DEHESDIN (C.), « Littérature Young Adult : hors de la dystopie, point de salut ? », slate.fr, 28 décembre 2013. Disponible sur : http://www.slate.fr/story/81623/litterature-young-adult-dystopie-realisme 68 GREEN (J.), Nos étoiles contraires (The Fault in Our Stars), Dutton Books, New York, 2011. En France : Nathan, 2013. 69 DEHESDIN (C.), op. cit. 70 Ibidem. 71 DE LEUSSE-LE-GUILLOU (S.)., « Entretien avec Shaïne Cassim (Albin Michel), de Wiz à Mojo », lecturejeunesse.org, juillet 2015. Disponible sur : http://www.lecturejeunesse.org/articles/entretien-avec-shaine- cassim-collection-mojo-albin-michel/ 72 PETERSON (V.), op.cit.

p. 24 similaire effectuée en Angleterre révèle que les adultes correspondent à 55% des acheteurs de young adult73. Il est beaucoup plus difficile de trouver des études similaires pour le marché français. Cependant, certains médias s’accordent à dire que la littérature young adult « transgresse les âges74 », signifiant qu’il s’agit d’une littérature pouvant attirer les jeunes adultes comme les adultes.

Ces chiffres posent alors une question : pourquoi les adultes lisent-ils de la littérature young adult ? La nostalgie est la raison la plus souvent apportée par les professionnels. Beaucoup d’adultes lecteurs de young adult sont des personnes ayant grandi tout en lisant la saga Harry Potter. Cécile Terouanne, directrice de la collection Black Moon chez Hachette Jeunesse, parle ainsi de se « replonger dans les émotions de la première fois75 » et de « revenir à une innocence à laquelle on n’a plus accès76 ». La professeure de littérature anglaise Virginia Zimmerman de l’université de Bucknell, a également avancé une explication similaire tout en ajoutant que beaucoup d’adultes n’auraient jamais considéré lire un livre pour « enfant » s’ils n’avaient pas lu au préalable Harry Potter77. Elle rajoute même que la littérature young adult devient alors plus facile avec « une baguette magique et une chouette78 ». Il est également avancé que les expériences vécues par les personnages de ces romans ne sont pas inconnues aux adultes puisque très souvent, il s’agit d’expérience qu’ils ont vécues dans leur adolescence79. Ainsi, même s’ils ne sont pas le public privilégié de ces romans, ils arrivent tout de même à s’identifier, d’une manière ou d’une autre, aux vécus de ces personnages qui sont souvent beaucoup plus jeunes qu’eux.

Les différences entre ces marchés sont beaucoup plus nombreuses et plus importantes : de leur manière de considérer le public young adult jusqu’à leur manière de prendre la demande grandissante de plus de représentation et diversité.

73 WILLIAMS (I. R.), « What are YA books? And who is reading them? », The Guardian, 31 juillet 2014. 74 La rédaction, op.cit. 75 RAJA (N.), « Phénomène : pourquoi les adultes se passionnent pour la littérature jeunesse ? », elle.fr, date non indiquée. Disponible sur : https://www.elle.fr/Loisirs/Livres/News/Phenomene-pourquoi-les-adultes-se- passionnent-pour-la-litterature-jeunesse-2423036 76 Ibidem. 77 KITCHENER (C.), « Why so many adults love young-adult literature », The Atlantictheatlantic.com, 1er décembre 2017. Disponible sur https://www.theatlantic.com/entertainment/archive/2017/12/why-so-many-adults- are-love-young-adult-literature/547334/ 78 Ibidem. 79 Ibidem.

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C. Des divergences causées par une différence culturelle

Comme cela a été expliqué précédemment, la littérature young adult est une littérature qui se définit par l’âge du lecteur et non par son genre. Il est cependant possible de remarquer que l’édition française et l’édition américaine ne prennent pas en compte les mêmes tranches d’âge. Si du côté étasunien l’âge des lecteurs est fixé – la tranche d’âge n’est pas remise en question – ce n’est pas encore le cas du côté français.

Ainsi, la YALSA considère que la littérature young adult est écrite pour des lecteurs âgés de 12 à 18 ans80. Il semblerait qu’il s’agisse de la tranche d’âge très largement acceptée par les acteurs de la chaîne du livre étasunienne. A l’inverse, au Royaume-Uni, certains médias choisissent de faire la distinction entre littérature pour « adolescent » (teen, en anglais) et littérature pour jeune adulte (young adult, en anglais). C’est ainsi que The Guardian parle d’une possible distinction entre les deux catégories : teen pour les lecteurs âgés de 12 à 14 ans et young adult pour les lecteurs de 14 ans ou plus81. Si cette distinction n’est pas reconnue par tous – puisque le terme teen n’est pas utilisé dans le vocabulaire éditorial quand il s’agit de marketing, contrairement à young adult – The Guardian explique toute de même que les romans young adult traiteraient de sujets comme le sexe ou les relations adultes alors que les romans adolescents traiteraient de sujets moins « durs82 ».

En France, il n’existe pas d’institution semblable à la YALSA qui aurait pu poser de véritables « barrières » à la catégorie young adult. C’est pour cela que déterminer qui est le public visé par la littérature young adult est plus difficile en France que cela ne l’est aux États- Unis. Les professionnels de l’édition comme les médias ne s’accordent pas, ce qui donne des fourchettes d’âge presque grotesques. Agnès Marot, directrice de la collection young adult aux éditions Scrinéo explique qu’elle considère qu’il s’agit de roman « que l’on peut lire à partir de 14-15 ans et jusqu’à pas d’âge. Peu importent le genre, la structure de l’intrigue ou le thème abordé.83 » ActuaLitté et Lecteurs.com parlent d’un terme englobant les 12-3084 ans alors que

80 PETERSON (V.), op.cit. 81 WILLIAMS (R.I.), « What are YA books? And who is reading them? », theguardian.com, 31 juillet 2014. Consulté sur https://www.theguardian.com/books/booksblog/2014/jul/31/ya-books-reads-young-adult-teen-new- adult-books 82 Ibidem. 83 MAROT (A.), « Les éditions Scrinéo, le Young Adult et moi », lesmotsdaelys.blogspot.com, 2 juin 2015. Disponible sur : http://lesmotsdaelys.blogspot.com/2015/06/les-editions-scrineo-le-young-adult-et.html 84 La Rédaction, op.cit et Auteur non indiqué, « Littérature Young Adult : qu’est-ce que c’est ? », Lecteurs.com, 11 décembre 2017. Disponible sur : https://www.lecteurs.com/article/litterature-young-adult-quest-ce-que- cest/2443182

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Le Monde parle d’une littérature destinée au 16-20 ans85. Cette confusion est accentuée sur le site des maisons d’édition et les sites marchands. a, par exemple, une catégorie « adolescent » et « jeunesse » sur son site. La mention « jeune adulte » est donc ignorée. Il est alors possible de se poser plusieurs questions : Amazon englobe-t-il la littérature young adult dans la catégorie « adolescent » ? Ou utilise-t-il le terme « adolescent » comme synonyme de young adult ? La réponse est incertaine mais il est possible de penser qu’Amazon utilise les deux termes de manière interchangeable malgré le fait que « young adult » ne se traduise pas par « adolescent ». Décitre, un autre site marchand, utilise le même fonctionnement avec l’appellation « Romans Ados ». Il faut cependant souligner que pour arriver jusqu’à cette catégorie sur le site, le lecteur doit tout d’abord cliquer sur le mot « jeunesse », ce qui laisse comprendre que le mot est utilisé pour tous les livres n’ayant pas pour public des adultes. Le fonctionnement de Décitre laisse comprendre que les « Romans Ados » visent les lecteurs ayant plus de 12 ans. En effet, la catégorie « jeunesse » est divisée en quatre sous-catégories : les livres pour les enfants de 0 à 3 ans, celle pour les enfants de 3 à 6 ans, celle pour ceux de 6 à 12 ans et enfin, les romans ados. Cela laisse penser que la littérature adolescente – ou la littérature young adult s’il faut considérer que les deux sont synonymes – débute à partir de 12 ans.

L’éditeur Nathan propose ses livres young adult sur son site dédié à la jeunesse. À l’image de Décitre, l’éditeur différencie ses titres par catégorie d’âge sauf qu’il ne donne pas une fourchette mais plutôt une indication à partir de laquelle le titre en question peut être lu. Ainsi, il y a six catégories d’âge : à partir de 3 ans, à partir de 6 ans, à partir de 8 ans, à partir de 10 ans, à partir de 12 ans et à partir de 14 ans. Ces deux dernières catégories sont les plus intéressantes pour l’étude de ce mémoire. En effet, il est difficile de savoir quelle est la réelle différence entre ces deux âges. L’éditeur fournit la même description pour ces deux catégories : « le “teen novel” ou roman ado est un genre littéraire à part entière. Qu’il soit sous la forme d’un thriller, d’un roman urbain ou racontant l’errance d’un personnage, il intéresse aujourd’hui les adolescents et les jeunes adultes, car sans compromis.86 » Ces quelques lignes montrent plusieurs choses : n’utilisant pas le terme « young adult », l’éditeur souhaite que ses romans ados soient lus par des adolescents et des jeunes adultes. Il faut également souligner que dans la catégorie « dès 14 ans », des romans connus comme étant des romans young adult aux États- Unis sont donc, en France, considérés comme des romans ados. C’est par exemple les cas de

85 GALLOT (C.), « La faim justifie-t-elle les moyens ? En librairie comme au cinéma », Le Monde, 12 avril 2012. Disponible sur : https://www.lemonde.fr/culture/article/2012/04/12/la-faim-justifie-t-elle-les-moyens-en- librairie-comme-au-cinema_1684689_3246.html 86 nathan.fr/jeunesse/12-14ans et nathan.fr/jeunesse/14ans-plus.asp.

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La haine qu’on donne87 et De sang et de rage88. Cela peut laisser penser que l’éditeur englobe le young adult en utilisant le terme « roman ado ».

Un autre exemple intéressant est celui de la Collection R des éditions Robert Laffont. Comme cela a été dit précédemment, il s’agit d’une collection qui se vante d’apporter « un nouveau souffle dans la littérature ados et jeunes adultes89 ». Cette seule phrase fait comprendre que l’éditeur fait déjà une distinction entre adolescent et jeune adulte. Cependant, en parcourant le catalogue de la collection, il est impossible de trouver ne serait-ce qu’une référence aux jeunes adultes. En effet, sur les six pages de catalogues, présentant près d’une centaine de livres, chaque titre est catégorisé comme étant un « roman adolescent 13 ans+ ». Il est alors possible de comprendre plusieurs choses : les titres publiés par l’éditeur visent tout d’abord les adolescents à partir d’un certain âge mais sont également accessibles aux jeunes adultes, puisque la ligne éditoriale de la collection est de publier pour les adolescents et les jeunes adultes. Malgré le manque de « reconnaissance » du public jeune adulte par le catalogue de l’éditeur, il faut souligner que sur les réseaux sociaux, tel que Instagram, l’éditeur n’hésite pas à utiliser des hashtags spécifiques à la littérature young adult pour promouvoir ses livres. C’est ainsi que sous certaines de leur publication, il est possible de trouver des hashtags tels que « #litteratureya » ou encore « #litteratureyoungadult ». Il est difficile de savoir les raisons pour lesquelles de tels termes ne sont pas utilisés sur le site de la maison d’édition alors qu’ils sont à la vue de tous sur les réseaux sociaux. Il est cependant possible de supposer que plus qu’une littérature considérée au même titre que la littérature adolescente, l’éditeur utilise les mots « littérature young adult » comme un outil marketing pour attirer un public qui pourrait être désintéressé par une littérature plus jeune.

Cette différence « d’étiquette », c’est-à-dire le fait qu’un livre considéré comme young adult aux États-Unis soit en revanche considéré comme étant destiné aux adolescents en France peut s’expliquer de plusieurs manières. La première raison pourrait être le fait que la littérature young adult n’est pas aussi ancrée dans le marché du livre en France qu’elle l’est dans les pays anglophones. Ainsi, les maisons d’édition françaises utilisent le mot « adolescent » pour faire une distinction avec les titres jeunesses ou utilisent « jeunesse » pour englober toute la littérature qui n’est pas destinée aux adultes. Il est également possible de considérer que les

87 THOMAS (A.), La haine qu’on donne (The Hate U give), Balzer + Bray, New York, 2017. En France : Nathan, Paris, 2018. 88 ADEYEMI (T.), De sang et de rage (Children of Blood and Bone), Henry Holt Books for Young Readers, New- York, 2018. En France : Nathan, Paris, 2019. 89 Op.cit.

p. 28 lectorats sont différents d’un territoire à un autre. Les tranches d’âge considérées pour chaque public sont différentes, ce qui peut entraîner une manière de vendre un même livre différemment. Si La haine qu’on donne est vendu comme un roman young adult sur les marchés anglophones, il est vendu comme un titre adolescent en France dès lors que le public young adult français est considéré comme étant plus « âgé », puisque les tranches d’âge à prendre en compte vont de 12 à 30 ans. Enfin, il faut également mentionner le fait que certains titres considérés comme « adulte » aux États-Unis sont vendus comme du young adult en France. Cela peut s’expliquer par le fait que les thèmes abordés dans ces titres peuvent sembler attractifs au public jeune adulte. Shades of Magic90 de V.E Schwab, vendu comme titre adulte aux États- Unis est vendu en France comme un titre young adult par les éditions Lumen, une maison d’édition spécialisée dans cette littérature. Un autre exemple plus récent est celui du Prieuré de l’Oranger91 de Samantha Shannon, qui est nominé dans la catégorie jeunesse du prix Imaginales92. Titre publié par De Saxus, un éditeur qui publie principalement des titres adultes, ce choix de nomination dans une telle catégorie avait fait débat sur les réseaux sociaux. L’éditeur l’avait justifié en expliquant que s’il avait présenté ce titre comme étant un roman adulte à ses représentants – et qu’il devait alors être vendu comme tel dans les surfaces de vente – le lectorat principal de ce roman était en réalité composé d'adolescents et de jeunes adultes, ce qui justifiait alors sa catégorie pour le prix Imaginales. Sur son compte twitter, l’éditeur avait alors expliqué que proposer ce titre dans une autre catégorie que « jeunesse » aurait comme pour effet de « repousser » les jeunes lecteurs93.

Ainsi, une des premières différences entre le marché étasunien et le marché français est la manière dont est défini l’âge du lecteur. Une autre différence serait le fait que le marché étasunien est beaucoup plus politisé que le marché français. Cette politisation se retranscrit notamment par la présence – de plus en plus récurrente – de discussions autour de la représentation et de la diversité ethnique et raciale dans le monde du livre et surtout, dans le contenu des romans young adult et romans pour la jeunesse dans un sens plus général. Cette représentation et diversité se remarque du côté des auteurs : de plus en plus, les auteurs d’ethnicité minoritaire cherchent à se faire une place sur un marché dominé par les personnes blanches. Les derniers chiffres montrent une augmentation du nombre de romans écrits par des

90 SCHWAB (V.E), Shades of Magic (A Darker Shade of Magic), Tor Books, New York, 2015. En France : Lumen, Paris, 2017. 91 SHANNON (S.), Le prieuré de l’Oranger (The Priory of the Orange tree), Bloomsbury Publishing, Londres 2019. En France : De Saxus, Paris, 2019. 92 « Prix imaginales, la sélection 2020 », imaginales.fr. 93 twitter.com/DeSaxus.

p. 29 personnes ethniques, toutefois, cela ne représente qu’une légère augmentation. Une étude du Cooperative Children’s Book Center (CCBC)94 datant de février 2018 montre que combinés, les auteurs noirs, amérindiens et latino-américains ont écrit seulement 7% des nouveaux livres jeunesses – au sens large, soit 276 livres sur 370095 publiés en 2017. En 2016, il s’agissait seulement de 6% des minorités précitées, soit 215 livres sur 3400 publiés cette année-là96.

Il faut noter que l’importance de la discussion sur la représentation et la diversité en littérature young adult dépend du territoire sur lequel cette discussion est faite. Les États-Unis ont été le précurseur d’un « mouvement » pour pousser à plus de représentation dans cette littérature. En effet, c’est en 2014 que l’autrice Ellen Oh, a lancé le hashtag « #WeNeedDiverseBooks » sur twitter après avoir été la seule femme et la seule personne ethnique à avoir été invitée à un panel d’auteur lors de la convention littéraire « BookCon ». Le hashtag a rapidement été repris par des milliers de personnes sur le réseau social avant qu’une vingtaine d’auteurs et de personnes travaillant en maison d’édition décident de créer une organisation à but non lucratif, portant le nom du hashtag. Le but de cette organisation était de « mettre dans les mains de tous les enfants des livres incluant des personnages plus divers.97 » Depuis sa création, l’organisation a collecté de l’argent afin de financer des bourses pour des auteurs et illustrateurs, financer des stages pour des personnes intéressées par le travail au sein de maisons d’éditions. Elle a également sponsorisé des concours et des séminaires et fait dons de milliers de livres98. Ce mouvement et surtout la création de cette organisation ont permis de changer le ton de la discussion de la diversité et la représentation dans la littérature young adult. C’est ainsi que sur le marché du livre young adult, une augmentation de titres contenant des personnages avec des identités marginalisées – ethniques, orientation sexuelle, handicap – avait été soulignée par la CCBC lors de son étude précitée : de 28% en 2016, il y en avait 31% en 201799.

94 La Cooperative Children’s Book Center (CCBC) est un centre de recherche, d’examen et d’étude liée à l’Université du Wisconsin-Madison. La CCBC encourage l’enseignement, l’apprentissage et la recherche liée à la littérature jeunesse et young adult. (ccbc.education.wisc.edu). 95 JALISSA, « The diversity gap in children’s book publishing, 2018 », blog.leeandlow.com, 10 mai 2018. Disponible sur : https://blog.leeandlow.com/2018/05/10/the-diversity-gap-in-childrens-book-publishing-2018/ 96 ERLICH H., « The diversity gap in children’s book publishing, 2017 », blog.leeandlow.com, 30 mars 2017. Disponible sur : https://blog.leeandlow.com/2017/03/30/the-diversity-gap-in-childrens-book-publishing-2017/ 97 CHARLES (R), « “We need diverse books,” they said. And now a group’s dream is coming to fruition », The Washington Postwashingtonpost.com, 3 janvier 2017. 98 Ibidem. 99 RODRIGUEZ (G.), Increasing diversity in YA lit raises questions about authorship », mountholyokenews.com, 13 avril 2019. Disponible ici : http://www.mountholyokenews.com/books/2019/4/13/increasing-diversity-in-ya- lit-raises-questions-about-authorship, 13 avril 2019.

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En plus du nombre plus conséquent de titres abordant des identités marginalisées, des initiatives ont été créées à la suite du mouvement « #WeNeedDiverseBooks » afin de renforcer la présence d’auteurs ne faisaient pas partie de la majorité – c’est-à-dire des auteurs qui ne sont ni blancs, ni hétérosexuel, ni cisgenre, ou valide – sur le marché du livre. C’est ainsi que l’agent littéraire Beth Phelan a créé le « #DVpit », un événement exclusivement sur twitter, où des auteurs marginalisés100 publient des courts argumentaires à propos de leur manuscrit et attendent que des agents littéraires ou des éditeurs, intéressés par leur projet, prennent contact avec eux pour discuter d’un éventuel contrat de représentation ou d’un contrat d’édition. Interrogée sur les raisons qui l’ont poussée à créer un tel événement, Beth Phelan explique qu’elle était « frustrée du peu qu’elle pouvait faire en tant que personne qui voulait faire une différence [sur le marché du livre]101 » et qu’il s’agissait d’un moyen de traduire les mots – l’envie de voir plus de diversité et de représentation – en action.

Depuis son lancement en avril 2016, le #DVPit a connu un certain succès. Avec six sessions déjà passées – la septième aura lieu en avril 2020 – Beth Phelan explique que déjà une centaine de participants ont trouvé un agent littéraire et qu’une douzaine de titres ont été publiés ou le seront prochainement102. C’est par le biais de cet événement que l’agent Brooks Sherman – qui est également l’agent d’Angie Thomas – a découvert l’autrice Jennifer Dugan lors d’une des deux sessions de 2017, ce qui lui a permis de signer un contrat pour deux livres avec la maison d’édition Putnam. Le premier de ces deux livres, Hot Dog Girl103 qui est une romance queer, a été publié en avril 2019. Un autre exemple serait celui de Beth Phelan même, qui a « déniché » et représente maintenant l’auteur Justin A. Reynolds. Son premier roman, Opposite of Always104, a été publié en mars 2019 par HarperCollins’s Katherine Tegen Books après avoir gagné une mise aux enchères impliquant six autres maisons d’édition105.

Ce ne sont là que quelques exemples parmi d’autres sur la manière dont la littérature young adult tente de s’accommoder de ce besoin de représentation et diversité demandé par les

100 Le site official du #DVPit considère les auteurs marginalisés comme étant « des personnes dont la voix a été historiquement sous-représentée dans le monde du livre ». Le site donne ainsi une liste non-exhaustive : les amérindiens, les personnes ethniques, les personnes vivant et/ou ayant grandis dans des cultures et pays sous- représentées, les personnes handicapées (handicap physique et/ou mental), les personnes vivant avec une maladie ou encore des personnes faisant partie de la communauté LGBTQ+. (dvpit.com/about) 101 KIRCH (C.), « #DVPit connects agents and diverse authors », publishersweekly.com, 1er février 2019. Disponible ici : https://www.publishersweekly.com/pw/by-topic/childrens/childrens-industry-news/article/79181- dvpit-connects-agents-and-diverse-authors.html 102 Ibidem. 103 DUGAN (J.), Hot Dog Girl, G.P. Putnam's Sons Books for Young Readers, New York, 30 avril 2019. 104 REYNOLDS (J.), Opposite of Always, HarperCollins’s Katherine Tegen Books, New York, 5 mars 2019. 105 KIRCH (C.), op. cit.

p. 31 lecteurs. Cependant, bien que la littérature young adult soit répandue sur de nombreux territoires, les actions des acteurs du livre pour promouvoir la représentation et la diversité n’ont pas la même importance qu’aux États-Unis. Cela peut s’expliquer pour diverses raisons – qui seront étudiées par la suite – comme des raisons sociologiques ou encore économiques.

Au Royaume-Unis et malgré les nombreuses initiatives pour aider à la promotion de la représentation et la diversité dans la littérature jeunesse et young adult, les derniers chiffres montrent que le pourcentage de romans young adult écrits par des personnes ethniques ne cessent de décroitre depuis les années 2010106. En effet, l’étude du docteure Melanie Ramdarshan Bold de l’université de Londres montre que si en 2006, 7% des titres publiés avaient été écrits par des auteurs issus de minorité ethniques, seuls 8% l’ont été en 2016 et cela, après avoir atteint un pourcentage historique de 14% en 2008107. Cette étude montre également que sur les 8500 titres young adult publiés entre 2006 et 2016, 8% ont été écrits par des personnes issues de minorité ethnique108. Le docteur Ramdarshan Bold continue en expliquant qu’il existe des inégalités de genre sur ce marché : entre 2006 et 2016 seul 1.7% des titres étaient écrits par des hommes issus de minorité ethnique, contre 31% d’hommes blancs et 59% de femmes blanches109. Cela montre que si le marché est dominé par les auteurs blancs, il est d’autant plus dominé par les femmes, renforçant l’idée que la littérature young adult est une littérature d’abord féminine.

Le cas de l’édition française est plus particulier. En effet, il n’existe pas d’étude montrant une existence ou une absence de représentation et de diversité ethnique et ou raciale en littérature young adult. Autrement dit, il n’existe pas, en France, d’études semblables à celles du docteur Ramdarshan Bold ou de la Cooperative Children’s Book Center, montrant le pourcentage d’auteurs ethniques publiés par rapport aux auteurs blancs, comme il n’existe pas d’études pour montrer combien de titres contenant de la diversité et de la représentation ont été publiées une certaine année. En l’absence de telle étude, il est donc difficile de se prononcer sur un tel sujet. Il est seulement possible de faire un constat en observant les catalogues des maisons d’édition publiant des titres young adult et de faire attention aux discussions autour du sujet. Pour certains acteurs du monde du livres tels que les auteurs, les éditeurs et même les bibliothécaires, l’absence de représentation de la diversité ethnique/ raciale/ sexuelle / de

106 FLOOD (A), « “Dire statistics” show YA fiction is becoming less diverse, warns report », theguardian.com, 27 juillet 2018. Disponible sur : https://www.theguardian.com/books/2018/jul/27/dire-statistics-show-ya-fiction- becoming-less-diverse-warns-report 107 Ibidem. 108 Ibidem. 109 Ibidem.

p. 32 genre… se fait ressentir depuis plusieurs années déjà, surtout s’il faut considérer que le marché young adult français est un miroir du marché américain. Sur ce sujet, Laura Nsafou, une autrice de livres pour enfants mettant en avant des personnages noirs explique que :

Le marché américain sert d’indicateur pour le marché français. Ce qui est aux Etats- Unis maintenant arrivera en France dans une année ou deux, par exemple. Ce qui veut dire que si les chiffres sont déjà révélateurs d’un manque de diversité outre-Atlantique, l’état des lieux est sans doute pire dans l’hexagone. Nous n’avons pas la même culture de l’édition : des enfants peuvent publier leurs propres livres là-bas, en France notre culture du livre est très élitiste.110

Si le secteur young adult est une littérature à tendance et que l’édition française suit « la mode » étasunienne, elle semble avoir raté le coche de la diversité et de la représentation. Plus exactement, il serait plus juste de dire que si les progrès dans ce domaine commencent à être visible aux États-Unis, l’édition française semble y être insensible. Malgré le manque de chiffres pour le prouver avec justesse, les mêmes personnes sont toujours pointées du doigt pour expliquer le manque de représentation et de diversité en littérature young adult. En effet, Laura Nsafou et Diariatou Kebe – autrice et présidence de l’association Divéka111 – jugent que ce manque est d’abord causé par les maisons d’édition, puis par les auteurs et illustrateurs.

Kebe explique ainsi que si les livres considérés comme représentatifs et divers existent, ils ne sont pas assez mis en avant car « ils ne profitent pas du réseau de diffusion des grandes maisons d’édition.112 » Même quand le livre est publié dans une « grande » maison d’édition et donc avec un réseau de diffusion et distribution conséquent, il arrive que cela soit l’éditeur qui décide de lui-même de ne pas mettre en avant cette diversité. Par exemple, la maison d’édition Sarbacanne a, en 2009 et 2014, traduit et publié les titres Iggy Peck, l’architecte et Rosie géniale, l’ingénieure de l’autrice américaine Andrea Beaty, deux titres mettant en avant des personnages blancs. Cependant, malgré les ventes record113 aux États-Unis d’Ada Twist, scientist, troisième titre de cette autrice, qui met en avant une petite fille noire, le livre n’a jamais été traduit en France. Interrogée sur ce point, la directrice éditoriale des éditions

110 AMETIS (E.), « La diversité, grande absente de la littérature jeunesse », slate.fr, 4 juillet 2017. Disponible ici : http://www.slate.fr/story/147003/diversite-absente-litterature-jeunesse 111 Divéka – contraction de « Diversité & Kids » – est une association qui a été créée en 2016 et qui a pour but de promouvoir et valoriser les livres mettant en avant la diversité, que celle-ci soit à propos de la culture, du genre, de l’orientation sexuelle ou encore de l’ethnicité. (diveka.fr) 112 AMETIS (E.), op.cit. 113 « Children’s Picture Books », The New York Times, 25 septembre 2016.

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Sarbacanne explique que la traduction de ce titre « n’est pas prévue pour des raisons “confidentielles”114. » S’il est impossible de déterminer les raisons pour lesquelles ce troisième tome n’a pas été traduit, il est possible de faire des suppositions. La raison peut être financière : le succès du troisième tome aux États-Unis a pu entraîner une augmentation des droits à la traduction, une augmentation que l’éditeur français ne pouvait pas se permettre. Dans le même sens, le second tome traduit en France n’a peut-être pas connu le succès attendu, ce qui n’aurait pas encouragé l’éditeur à acheter les droits du troisième livre par manque de fonds et par crainte que ce dernier ne soit pas rentable.

Il est impossible d’avoir une réponse certaine pour expliquer pourquoi telle ou telle maison d’édition décide de ne pas publier plus de titres contenant de la diversité et de la représentation. Il est, en effet, peu probable qu’un éditeur réponde ouvertement qu’il n’est pas intéressé par de tels titres. Comment peut-on alors expliquer ces différences entre les marchés anglophones et le marché français ? Comment expliquer qu’un marché semble plus intéressé par la question de la diversité qu’un autre ? Comme cela a été brièvement mentionné plus haut, les raisons peuvent être multiples : économique, sociologique, culturelle. Contrairement aux États-Unis et au Royaume-Unis, la France n’effectue que très peu de statistiques ethniques. Plus exactement, les statistiques ethniques sont autorisées mais seulement sous certaines conditions et seulement pour certains cas. La loi du 6 janvier 1978 dite « loi informatique et libertés », le règlement général sur la protection des données (RGPD) et la décision du Conseil constitutionnel du 15 novembre 2007 sont les textes régissant la manière dont sont effectuées ces statistiques. La décision du Conseil constitutionnel de 2007 explique que sont proscrits :

La réalisation de traitements de données à caractère personnel faisant apparaître directement ou indirectement les origines raciales ou ethniques des personnes. L'introduction de variables de race ou de religion dans les fichiers administratifs. Cela vaut pour le répertoire d'identification des personnes physiques.115

La loi informatique et liberté ajoute qu’il est interdit de « recueillir et enregistrer les informations faisant apparaître les origines “raciales” ou ethniques, ainsi que les appartenances religieuses des personnes116. » Le Conseil constitutionnel a explicité cette législation : la

114 AMETIS (E.), op.cit. 115 « Statistiques ethniques », insee.fr, 26 juin 2015. 116 ROUCAUTE (D.), « Quatre questions sur les statistiques ethniques », lemonde.fr, 6 mai 2015. Disponible sur : https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/05/06/quatre-questions-sur-les-statistiques- ethniques_4628874_4355770.html

p. 34 statistique publique, c'est-à-dire l'Insee et les services statistiques ministériels, peut réaliser des statistiques ethniques dès lors que l’étude se fonde sur « des données objectives, comme le nom, l’origine géographique ou la nationalité antérieure à la nationalité française.117 »

Depuis près d’une vingtaine d’années maintenant, la législation autour des statistiques ethniques fait débat. En effet, il est question de savoir si la loi informatique et liberté doit être réformée afin de transformer l’interdiction de principe en autorisation. Si de telles statistiques permettraient de relever de potentielles discriminations basées sur la couleur de peau, à l’image des statistiques sexuées qui ont mis en évidence des discriminations vis-à-vis des femmes118, l’utilité de la statistique ethnique est débattue. L’argument premier contre de telles statistiques est « la volonté de préserver la culture universaliste française, qui ne reconnaît aucune communauté en République119 », autrement dit, une crainte de fragiliser la cohésion sociale et la culture universaliste de la France en reconnaissant, par la statistique ethnique, qu’il existe des « groupes » au sein de la population française. C’est dans ce sens que Dominique Sopo, ancien président de l’association SOS-Racisme, a expliqué que la statistique ethnique contient « une dimension communautariste qui n’est pas acceptable120 » et qu’il faut lutter contre les discriminations au lieu de « mesurer la diversité121 ». Trois chercheurs de l’Institut national d’études démographiques ont rajouté que bien que l’Angleterre et les États-Unis utilisent les catégories ethno-raciales dans leurs recensements, « la situation des minorités cernées par les statistiques n’y est pas meilleure qu’en France. […] Les émeutes raciales qui secouent régulièrement ces deux pays sont plus violentes et plus meurtrières qu’en France.122 »

Ce refus expliqué par la volonté de préserver la culture universaliste de la France pourrait alors expliquer le désintérêt de l’édition française quant à la question de la diversité et de la représentation dans la littérature young adult. Il est donc possible d’imaginer que ce refus de reconnaître des « groupes » dans la population française entraîne un phénomène semblable sur le marché du livres young adult, où la reconnaissance d’une certaine diversité et la

117 Op.cit. 118 MERON (M.), « Statistiques ethniques : tabous et boutades », Travail, genre et sociétés, vol. nº 21, no. 1, 2009, pp. 55-68. Consulté sur : https://www.cairn.info/revue-travail-genre-et-societes-2009-1-page-55.htm 119 DAGORN (G.), « La difficile utilisation des statistiques ethniques en France », lemonde.fr, 19 mars 2019. Disponible sur : https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2019/03/19/la-difficile-utilisation-des-statistiques- ethniques-en-france_5438453_4355770.html 120 Ibidem. 121 Ibidem. 122 BLUM (A.), GUERIN-PACE (F.) et LEBRAS (H.), « La statistique, piège ethnique », lemonde.fr, 9 novembre 2007. Disponible sur : https://www.lemonde.fr/idees/article/2007/11/09/la-statistique-piege-ethnique-par-alain- blum-france-guerin-pace-et-herve-le-bras_976492_3232.html

p. 35 représentation des diversités remettrait alors en cause l’unité française. À contrario, les États- Unis et le Royaume-Unis n’hésitent pas à demander l’ethnicité et la « race » voire même la religion lors du recensement, trois « critères » qui tendent à être évités en France. L’utilisation de telles données aux États-Unis est expliquée par leur nécessité quand il s’agit de prendre des décisions fondamentales qui affectent les opportunités éducatives mais également pour mesurer l’égal accès à un emploi et aux soins médicaux123. L’intégration de la « race » et de l’ethnicité comme critères de recensement est profondément liée à l’histoire des deux pays. En Grande- Bretagne par exemple, au fur et à mesure que la législation autour de l’immigration se durcissait après la Seconde Guerre mondiale, la nécessité de prendre des mesures afin de lutter contre les discriminations raciales s’était fait ressentir et cela s’était traduit par l’adoption du Race Relation Bill en 1965 et du Race Relation Act de 1976124. Cependant, la lutte contre ces discriminations s’est montrée inefficace dès lors qu’il n’existait pas de données fiables concernant l’immigration. Après plusieurs tentatives non-concluantes, le choix britannique pour recenser l’ethnicité de sa population se fait sur le critère de « l’auto-identification », ce qui permet d’enregistrer les individus dans un « système ethnico-racial, que ce soit en intériorisant une origine donnée ou en la refusant.125 » Aux Etats-Unis, les origines ethniques et la « race » sont des données enregistrées depuis le premier recensement effectué en 1790. Seule la manière dont est enregistrée les origines ethniques a changé au fil des années, influencée par les débats politiques et les transformations juridiques. C’est ainsi que les derniers recensements proposent quatorze catégories de « race126 ».

Cette facilité des États-Unis et du Royaume-Unis à mettre en place de tels critères pour leur recensement peut expliquer pourquoi la question de la diversité et la représentation s’est facilement ancrée dans les discussions en littérature young adult et jeunesse. Plus que cela, il s’agit aujourd’hui d’un sujet récurrent dans d’autres domaines artistiques et culturels tel que le cinéma. La notion de culture universaliste n’ayant pas autant prise dans ces deux pays qu’en France, il a été plus facile pour les lecteurs et certains acteurs du monde du livre de réclamer une plus grande diversité. Il n’est donc pas étonnant que le mouvement #WeNeedDiverseBooks d’Ellen Oh ait connu un tel engouement dès son lancement et que, d’autre part, il n’existe aucune réticence à effectuer des études pour quantifier le nombre d’auteurs ethniques par

123 « Race & Ethnicity », census.gov. 124 PATRICK (S.), « La statistique des origines : L'ethnicité et la “race” dans les recensements aux États-Unis, Canada et Grande-Bretagne », Sociétés contemporaines, n°26, pp. 11-44, janvier 1997. Consulté sur : https://www.persee.fr/doc/socco_1150-1944_1997_num_26_1_1442 125 Ibidem. 126 Rapport de la CNIL, « Mesure de la diversité et protection des données personnelles », pp. 18-19, mai 2007.

p. 36 rapport au nombre d’auteurs blancs voire même des études pour quantifier le nombre de personnages blancs par rapport au nombre de personnages ethniques dans des livres pour enfant127.

La littérature young adult est une littérature populaire, qui semble très appréciée par son public premier, les jeunes adultes. Il serait alors intéressant de s’interroger sur la réception critique d’une telle littérature.

127 Cf. annexe 1.

p. 37

III. Réception critique de la littérature young adult

La réception serait ce qui permet à l’œuvre de « s’inscrire dans l’histoire128 » et c’est le destinataire de celle-ci qui, quelle que soit la manière dont il la reçoit – qu’il l’oublie, la rejette, en fait l’éloge – détermine sa postérité. Plus spécifiquement, la réception critique recouvre « des objets et des méthodes variés, relevant de traditions intellectuelles distinctes.129 » En art comme en littérature, cette notion de « réception critique » renverrait à « l’esthétique de la réception » développée par Hans Robert Jauss, au sein de l’école de Constance dans les années 1960130. Cet universitaire allemand considère qu’une œuvre devient véritablement littéraire dès lors qu’elle fait l’objet de « l’expérience littéraire des contemporains ou de la postérité.131 »

Étudier la réception critique de la littérature young adult reviendrait à étudier la manière dont les spécialistes – des critiques littéraires ou encore des blogueurs littéraires – l’apprécient ; alors que la notion de « réception » seule, renverrait à la réception par le public. La notion même de « public » est ambiguë : elle désigne les lecteurs pris de manière individuelle mais les considère également comme un ensemble132. Il faut également souligner qu’un public ne peut exister seulement quand une œuvre est publiée, c’est-à-dire à partir du moment où l’œuvre est divulguée « hors du cadre de la publication intime133 ». Dans le cadre de la réception de la littérature young adult, où il s’agit d’étudier la réception d’une littérature dans son ensemble et pas seulement la réception d’une œuvre prise individuellement, la publication qu’Alain Vaillant mentionne ferait alors référence à la publication d’un nombre assez conséquent de titres young adult, assez pour que cet ensemble puisse être considérée comme une « catégorie » littéraire à part entière. Vaillant écrit que la réception du public se base sur la manière dont celui-ci réagit en fonction du plaisir qui lui est fourni, « de la connivence idéologique qu’il éprouve, de ses propres habitudes culturelles dont il recherche la confirmation134 ». Il est considéré que la réception du critique peut se résumer au fait d’émettre un commentaire évaluatif sur l’objet qui concerne sa critique135 – ici, la littérature young adult. À l’inverse, il est dit que la réception du public est de moindre intérêt si celle-ci était amenée à être comparée à la réception du critique.

128 MARPEAU (E.), et MARTIN (F-R.), « RECEPTION, art et littérature », universalis.fr. Disponible sur : http://www.universalis-edu.com.lama.univ-amu.fr/encyclopedie/reception-art-et-litterature/ 129 Ibidem. 130 Ibidem. 131 Ibidem. 132 VAILLANT (A.), L’histoire littéraire, Armand Colin, coll. U, Paris, 2010. 133 VAILLANT (A.), op.cit. 134 Ibidem. 135 Ibidem.

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En ce sens, il est dit que « s’intéresser aux réactions du public […] est d’un intérêt limité en comparaison du travail herméneutique qu’opère le critique-historien et qui est seul capable de restituer au réseau textuel sa complexité sémiotique136 ». La réception du public se résumerait alors à son « poids économique » c’est-à-dire que la réception se mesure par le volume cumulé des achats individuels effectués par ce même public137. Autrement dit, il est possible de considérer la réception du public comme « bonne » dès lors que le volume d’achat des titres young adult est élevé. Jauss explique cependant qu’il ne faut pas opposer réception critique et réception publique. En effet, les critiques comme le public participent à la réception de l’œuvre – ou de la littérature – même si cette réception se manifeste de manière différente138. Il écrit alors qu’il existe « une équivalence fonctionnelle au sein du système littéraire, les seules différences se situant entre les modalités pratiques qui permettent à chacun d’exercer sa fonction de “réception active” (ou “productive”)139 ».

La réception critique d’une œuvre est subjective et dépend ainsi de la personne qui l’apprécie : les critères de jugement critique ne seront pas les mêmes selon les personnes. Par exemple, dans le cas d’une critique journalistique, il faudra prendre en compte le degré d’indépendance du journaliste par rapport à la ligne éditoriale du journal pour lequel il travaille140. De plus, la réception dépend également de l’époque qui la reçoit : des œuvres créées à une certaine époque ne connaîtront pas la même appréciation à une autre époque. C’est l’exemple des romans de Judy Blume qui ont été contestés lors de leur première publication dans les années 70 mais qui sont aujourd’hui appréciés pour avoir marqué les débuts de la littérature young adult.

Comment est perçue la littérature young adult aux États-Unis ? Cette littérature a parcouru un long chemin : des premiers romans considérés comme young adult mais détestés par les parents à cause de leur thématique « taboue » à la « consécration » de romans tels que Harry Potter et Hunger Games, considérés comme ayant marqué l’industrie du livre et la pop culture141. Cela ne veut cependant pas dire que la littérature young adult est appréciée par tous.

136 Ibidem. 137 Ibidem. 138 Ibidem. 139 Ibidem. 140 BERTELLI (D.), « La réception du fait littéraire par la critique journalistique », Questions de communication, n°8, 2005, pp. 165-178. Disponible sur : https://journals.openedition.org/questionsdecommunication/4800 141 WALTER (D.), , « Young adult fiction is loved because it speaks to us all – unlike adult stories », theguardian.com, 19 septembre 2014. Disponible sur : https://www.theguardian.com/books/booksblog/2014/sep/19/young-adult-fiction-speaks-to-all

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La YALSA considère qu’il existe une valeur derrière une telle littérature : il s’agit de romans permettant aux lecteurs d’avoir une opportunité de se reconnaître dans une histoire, surtout à une période de leur vie où ils ont le besoin de sentir qu’ils ne sont pas seuls et qu’ils appartiennent à une plus grande communauté de personnes qui partagent une humanité commune142. De plus, La YALSA considère que la littérature young adult permet de développer une meilleure empathie, compassion et compréhension chez ses lecteurs puisqu’il s’agit d’une littérature qui invite également à découvrir les vies d’individus qui ne leur ressemblent pas143. De nombreux professeurs étasuniens s’accordent également sur les mérites de cette littérature. De plus en plus, ils choisissent de faire étudier à leurs élèves des ouvrages young adult en plus des ouvrages dits « classiques ». D’autres vont même plus loin et choisissent tout simplement de faire étudier à leurs élèves exclusivement des titres issus de cette littérature. Pour justifier ce choix, les professeurs d’anglais expliquent que la littérature young adult offre aux élèves une « lecture sophistiquée qui implique les jeunes adultes dans de riches discussions autour de la vie et de la littérature.144 »

Cela ne veut pas dire que la littérature young adult est une littérature protégée de toute critique. En effet, à cause de son succès et de la machine éditoriale qui s’est créée autour de ces livres, le young adult est très souvent appelé « littérature commerciale145 », c’est-à-dire une littérature où les livres sont publiés pour engendrer un chiffre d’affaire important au détriment de la qualité des textes proposés au public. Des auteurs, comme Ruth Graham, ont pu qualifier la littérature young adult comme « non sérieuse146 », désignant des best-sellers comme Divergente et Twilight de « camelote147 ». Elle considère que la littérature young adult manque de profondeur et de complexité, disant que les adultes qui lisent cette littérature devraient avoir honte d’eux-mêmes parce qu’ils devraient lire des livres « complexes de la grande littérature pour adulte.148 » Certains éditeurs sont du même avis. En France, Antoine Gallimard, président du groupe Madrigall, expliquait qu’il avait réduit la présence du groupe au salon du Livre de Paris au fil des années à cause du « crève-cœur ressenti à la vue d’écrivains exigeants attendant

142 CART (M.), « The Value of Young Adult Literature », ala.org, janvier 2008. 143 Ibidem. 144 GIBBONS (L.C.), DAIL (J.), et STALLWORTH (J.S.), « Young Adult Literature in the English Curriculum Today: Classroom Teachers Speak Out », The Alan Review, été 2006. Disponible sur : https://scholar.lib.vt.edu/ejournals/ALAN/v33n3/gibbons.pdf 145 GALAKOF (A.), « La littérature jeunesse “young adult” manque-t-elle de “sérieux” ? », buzz-litteraire.com. 146 GRAHAM (R.), « Against YA: Read whatever you want. But you should feel embarrassed when what you’re reading was written for children », Slateslate.com, 5 juin 2014. Disponible sur : https://slate.com/culture/2014/06/against-ya-adults-should-be-embarrassed-to-read-childrens-books.html 147 Ibidem. 148 Ibidem.

p. 40 le lecteur tandis que des hordes de fans piétinent des heures durant pour apercevoir leurs auteurs fétiches en “young adult”.149 » Ces paroles montrent qu’Antoine Gallimard opère une distinction entre les auteurs de romans young adult et les auteurs d’autres catégories littéraires qu’il qualifie « d’exigeants », sous-entendant que les auteurs de young adult ne le sont pas. Ces propos montrent, de plus, que les lecteurs de young adult ne sont pas perçus comme de « vrais » lecteurs mais simplement comme des « fans » de certains auteurs, comme des personnes seraient « fans » de certains acteurs ou musiciens.

Dans sa tribune pour le site Bustle150, l’autrice Lauren Oliver151 expliquait les raisons pour lesquelles certaines personnes considéraient la littérature young adult comme manquant de sérieux. Elle avance tout d’abord que beaucoup considèrent que le vécu d’un adolescent n’aurait aucune valeur à être exploré dans un livre et qu’ainsi, le young adult serait une littérature qui n’aurait « aucune valeur à part apporter un peu de divertissement.152 » L’autre raison qu’elle avance est le fait qu’il s’agit d’une littérature où les livres sont principalement écrits par des femmes et qui mettent en avant des héroïnes. Elle pointe du doigt la manière dont les femmes ont toujours été traitées dans l’histoire de l’édition, expliquant que les titres mettant en avant des héroïnes sont plus durement jugés par la critique masculine parce qu’ils « ne correspondent pas à l’audience ciblée153 », sous-entendant qu’à partir du moment où une héroïne est mise en avant et non pas un héros, le public masculin ne considère pas que ces livres sont écrits pour eux.

La littérature young adult fait débat entre les personnes qui considèrent ses bienfaits auprès des adolescents et jeunes adultes et les personnes qui la considèrent comme une sorte de « sous littérature ». Cependant, malgré ces critiques, il faut souligner qu’il s’agit d’une littérature qui est toujours aussi appréciée par des jeunes – et souvent moins jeunes – lecteurs. Face à cette popularité grandissante, les acteurs du livre ont dû s’adapter pour ne pas laisser fuir cette clientèle potentielle. En effet, le salon littéraire Livre Paris a inauguré sa toute première

149 LEDUC (P.), « Madrigall presque absent de Livre Paris : Antoine Gallimard s'explique », Livres Hebdo, 16 janvier 2020. Disponible sur : https://www.livreshebdo.fr/article/madrigall-presque-absent-de-livre-paris-antoine- gallimard-sexplique 150 OLIVER (L.), « “Before I Fall” Author Lauren Oliver: Why Don't People Take Teen Books Seriously? », Bustlebustle.com, 3 mars 2017. Disponible sur : https://www.bustle.com/p/before-i-fall-author-lauren-oliver-why- dont-people-take-teen-books-seriously-42114 151 Lauren Oliver est une autrice américaine à succès ayant notamment écrits la trilogie Delirium (Hachette, 2011- 2013) et le tome unique Before I Fall (Hachette, 2011). 152 Ibidem. 153 GALAKOF (A.)., op.cit.

p. 41 scène young adult en 2018154. En 2020, cette littérature était mise en avant par une programmation de vingt conférences155, avec pour invités des auteurs phares du young adult. Il n’existe pas encore, en France, de salon littéraire spécialisé dans le young adult156, contrairement aux pays anglophones qui en organisent régulièrement. L’Angleterre a inauguré son tout premier salon réservé à la littérature young adult en 2014157, salon qui a immédiatement été considéré comme un franc succès et qui est, depuis, renouvelé chaque année. Du côté des États-Unis les offres de conventions littéraires autour de la littérature young adult sont beaucoup plus nombreuses, plus diverses et se déroulent chaque année sur tout le territoire étasunien. En 2019, il était possible de dénombrer près d’une quarantaine de ces conventions158.

Il est plus difficile d’analyser la réception critique de la littérature young adult par les critiques. En effet, de très nombreux blogs littéraires se focalisent uniquement sur la critique de livres young adult de manière individuelle et non sur la critique de la littérature même. Il existe néanmoins quelques blogs qui proposent une critique de la littérature young adult dans son ensemble mais ils ne sont pas assez nombreux pour que cela soit représentatif de la réception critique de cette littérature. Sur le blog la République des livres tenu par Pierre Assouline, il est possible de retrouver un article nommé « Non au “Young Adult” à Livre Paris ! », un article signé par un collectif d’auteurs159. Contrairement à ce que le titre peut laisser penser, cet article ne critique pas le bien-fondé ni même l’intérêt de cette littérature mais critique en réalité l’usage de l’anglais pour la désigner. Autrement dit, ce collectif d’auteurs remet en cause l’utilisation des termes « young adult » au lieu de « jeune adulte » :

À Paris, dans un salon consacré au livre et accessoirement à la littérature, n’est-il plus possible de parler français ? Pour nous, intellectuels, écrivains, enseignants, journalistes, et amoureux de cette langue venus de tous les horizons, « Young adult » représente la goutte d’eau qui fait déborder le vase de notre indulgence, de notre fatalisme parfois. Ce « Young adult », parce qu’il parle ici de littérature

154 « Livre Paris », fr.wikipedia.org. 155 « Scène Young Adult », livreparis.com. 156 Il existe en France le salon du livre et de la presse jeunesse qui a lieu chaque année à Montreuil. Si depuis plusieurs années, les éditeurs ont pris l’habitude d’inviter des auteurs de romans young adult comme ils ont pris l’habitude de mettre sur leurs stands des titres young adult, il n’est pas question d’un salon du livre exclusif à la littérature young adult. 157 CHILTON (M.), « UK’s first YA book convention is a hit », telegraph.co.uk, 12 juillet 2014. Disponible sur : https://www.telegraph.co.uk/culture/books/children_sbookreviews/10963755/Uks-first-YA-book-convention-is- a-hit.html 158 JENSEN (K.), « YA Literary Events Across The USA For Your Bookish Road Tripping Needs », bookriot.com, 24 janvier 2019. Disponible sur : https://bookriot.com/2019/01/24/ya-literary-events/ 159 Collectif d’écrivains, « Non au “Young Adult” à Livre Paris ! », larepubliquedeslivres.com, 27 janvier 2019. Disponible sur : larepubliquedeslivres.com/non-au-young-adult-livre-paris/

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francophone, parce qu’il s’adresse délibérément à la jeunesse francophone en quête de lectures, est de trop. Il devient soudain une agression, une insulte, un acte insupportable de délinquance culturelle160.

Plus qu’une critique de la littérature young adult, il s’agit d’une critique de la manière dont elle est présentée au public, de la manière dont l’anglais remplace le français pour des raisons de « mode, de modernité chic […], d’impérialisme linguistique pour mieux vendre partout les mêmes produits161 ».

Les journaux « généraux », c’est-à-dire ceux qui ne sont pas spécialisés dans la littérature, n’offrent pas de critiques de la littérature young adult. Plus souvent, ils se contentent de relayer les dernières informations liées à cette littérature : les sorties très attendues par le public à l’image du préquel d’Hunger Games, quelques interviews d’auteurs et d’autrices et parfois même, proposent des sélections de titres pour certaines périodes spécifiques de l’année (Noël, vacances d’été). Il faut cependant souligner qu’il s’agit du journal Le Monde qui a publié la tribune « Dans un salon consacré au livre, et à la littérature française, n’est-il plus possible de parler français ? »162, qui est en réalité l’article posté sur le blog de Pierre Assouline. Parmi les médias spécialisés, Livres Hebdo est celui qui publie régulièrement – au moins une fois par an – un dossier consacré à la littérature young adult163. Le dernier164 en date fait l’état d’une perte de dynamisme du secteur car le « public est un peu plus difficile à situer dans ses attentes165 » comme l’estime Marion Jablonski, directrice d’Albin Michel Jeunesse. Cécile Térouanne, directrice d’Hachette Romans, arrive à la même conclusion tout en ajoutant que cela vient du fait que les meilleures ventes se font maintenant autour des titres qui ont été adaptés sur écran et notamment sur la plateforme de streaming Netflix166. Ces dossiers réalisés par Livres Hebdo offrent plus souvent un état des lieux du marché young adult qu’une critique en elle-même. Il est donc difficile de cerner la manière dont les critiques perçoivent cette littérature contrairement à d’autres acteurs de la chaîne du livre – éditeurs ou encore auteurs – qui s’expriment plus ouvertement sur le sujet.

160 Ibidem. 161 Ibidem. 162 Collectif, « Dans un salon consacré au livre, et à la littérature française, n’est-il plus possible de parler français ? », lemonde.fr, 26 janvier 2019. Disponible uniquement pour les abonnés. 163 Ces dossiers sont consultables seulement pour les personnes ayant un abonnement à Livres Hebdo. 164 GINDENSPERGER (S.), « Dossier young adult : le temps de l’émancipation », Livres Hebdo, 14 juin 2019. Disponible uniquement pour les abonnés. 165 GINDENSPERGER (S.), op.cit. 166 Ibidem.

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Il est difficile d’étudier la réception critique sans mentionner les prix littéraires. Un prix littéraire est une « distinction remise pour une œuvre littéraire particulière par des institutions publiques ou privées, des associations, des académies, des fondations ou encore des personnes individuelles.167 » S’il existe en France près de six-cents distinctions différentes, elles n’ont pas toutes la même importance. Aujourd’hui encore les prix qui sont les plus considérés restent le Goncourt, l’Académie française ou encore le Renaudot168. Le nombre important de prix littéraire soulève néanmoins certaines questions : au vu du nombre de prix existants, ont-ils encore une valeur ? Au début du XXe siècle, la motivation principale derrière la création des premiers prix était sans aucun doute de récompenser la qualité du récit. Aujourd’hui cependant, ce constat n’est plus certain : les prix littéraires sont devenus un outil marketing pour les éditeurs et les libraires, ils permettent « l’écoulement en masse de “marchandises-livres”169 ». La force d’un prix littéraire est incontestable. Gisèle Sapiro écrivait qu’en s’appuyant sur une présupposée valeur littéraire, les prix littéraires arrivent à la « convertir en valeur économique170 ». Ces distinctions permettent de faire vendre un livre qui ne l’était peut-être pas : elles permettent à une œuvre de rencontrer un public, un public qui aurait été inexistant si le prix ne lui avait pas été décerné171. Dans ce sens, Sylvie Ducas expliquait que « le prix littéraire conçoit l’œuvre comme une valeur à la fois littéraire et marchande.172 »

Quoi qu’il en soit, les prix littéraires sont indissociables du monde du livre, qu’ils soient considérés comme simple indicateur d’une qualité littéraire ou qu’ils soient utilisés comme outil marketing. C’est pour cela que leur place est devenue plus importante pour la littérature jeunesse et young adult. S’il existe des prix pour de telle littérature, comme la « Pépite fiction ado », le « prix Imaginale des lycéens » ou encore le « Prix RTS Littérature Ado », il est possible de remarquer que très peu encore brandissent les mots « young adult » alors qu’un coup d’œil dans la liste des nominés montrent que certains de ces auteurs sont décrits comme étant des « prodiges de la littérature Young Adult173 ». Actuellement, seul le Festival du livre

167 « Liste des prix littéraires », fr.wikipedia.org. 168 WEIDENBAUM (A.), « Prix et mépris littéraire », Le vent se lève, 4 novembre 2019. Disponible sur : https://lvsl.fr/prix-et-mepris-litteraires/ 169 LEFORT (C.), « Prix littéraires : entre valeur littéraire et logique marchande », eclairs.aquitaine.fr, 6 novembre 2017. Disponible sur : http://eclairs.aquitaine.fr/prix-litteraires-entre-valeur-litteraire-et-logique-marchande.html 170 SAPIRO (G.), La sociologie de la littérature, Repères n°641, 2014, pp. 49 171 WEIDENBAUM (A.), op.cit. 172 DESEILLIGNY (O.), « La littérature à quel(s) prix ? Histoire des prix littéraires. DUCAS Sylvie, La Découverte, coll. « Cahiers libres », 2013, 245 p. », Communication & langages, vol. 182, no. 4, 2014, pp. 128- 129. Disponible sur : https://www.cairn.info/revue-communication-et-langages1-2014-4-page-128.htm 173 « Sélection des prix Imaginales 2020 », leslibraires.fr.

p. 44 de Marseille attribue un « Prix Young Adult », initiative prise depuis la création du festival en 2018174.

L’« Alex Awards » décerné par la YALSA depuis 1998 est le premier prix littéraire étasunien à prendre en compte le public jeune adulte. Il s’agit d’une distinction donnée chaque année à dix livres pour les adultes mais qui, d’une manière ou d’une autre – par les thématiques abordées, la manière dont ils sont écrits… – peuvent aussi intéresser les jeunes adultes175. Il serait alors plus juste de considérer le prix « Andre Norton » créé par la Science Fiction and Fantasy Writers of America176 en 2006, comme étant le premier prix qui récompense spécifiquement des titres young adult, même si ce prix ne prend en compte que la science- fiction et la fantasy177. Il existe une dizaine d’autres prix réservés spécifiquement au young adult et cela, sans prendre en compte ceux décernés, sans distinction, à la littérature jeunesse et young adult. La création de certains prix reflète la manière dont la littérature young adult évolue. En 2010, le Stonewall Book Award a été créé afin de récompenser tout livre ayant un « mérite exceptionnel » à partager une expérience gay, lesbienne, bisexuelle ou transgenre178.

En Angleterre, le premier prix exclusivement décerné à la littérature young adult a été créé en 2014 par The Bookseller, l’équivalent anglais de Livres Hebdo en France179, et a été intitulé le « YA Book Price ». Sa création a répondu à la nécessité d’un prix correspondant au marché grandissant de la littérature et au marché du young adult. Il est expliqué qu’il s’agit d’un prix pour célébrer les livres « importants » pour les adolescents et jeunes adultes, tout en ayant pour but de les inciter à lire plus180. Contrairement à la France où il existe plusieurs prix pouvant être décernés aux titres de fiction adolescente – même si le terme « young adult » n’est pas mentionné – il n’existe pas d’autres prix que le YA Book Price en Angleterre. Il ne semble pas exister de prix exclusif à la littérature jeunesse non plus. Il serait en réalité plus exact de dire qu’il existe un prix pour la littérature jeunesse, le Children’s Fiction Book of the Year, mais il s’agit d’une « sous-catégorie » lié au « British Book Awards » et non un prix à part entière. Ce

174 festivaldulivredemarseille.com. 175 « Alex Awards », ala.org. 176 La Science Fiction and Fantasy Writers of America (SFWA) est une organisation à but non-lucratif regroupant principalement des écrivains de science-fiction ou de fantasy américains. Elle est notamment connue pour avoir créée le Prix Nebula. (fr.wikipedia.org) 177 « New Andre Norton Award for young adult fiction », web.archive.org. 178 « Stonewall Book Awards », ala.org. 179 RICOU (F.), « Premier prix de littérature “Young Adult” en Angleterre », actualitte.com, 5 décembre 2014. Disponible sur : https://www.actualitte.com/article/ailleurs/premier-prix-de-litterature-quot-young-adult-quot-en- angleterre/82147 180 « YA Book Prize », The Bookseller.

p. 45 nombre très restreint de prix pour la littérature young adult et même jeunesse peut interroger sur la place et même la perception de ces littératures en Angleterre.

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Deuxième partie. Marie Lu et la littérature young adult

L’étude des ouvrages de Marie Lu permet d’appliquer ce qui a été étudié précédemment à un cas spécifique. Cela permet ainsi de comparer la manière dont une autrice peut être reçue sur deux territoires différents que cela soit par la réception critique ou par ses éditeurs et donc s’interroger sur la manière dont ses ouvrages s’intègrent dans leur collection respective. Il est également question d’étudier la manière dont Marie Lu s’est imposée sur la scène young adult dès l’écriture de son premier ouvrage publié, notamment par son rapport à la dystopie, le genre dans lequel elle a débuté. Il est enfin intéressant de se pencher sur la manière dont la problématique de la représentation et de la diversité a impacté l’écriture de ses ouvrages et que cet impact n’est pas inconnu à d’autres auteurs asiatiques de la littérature young adult.

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I. Marie Lu : présentation et réception critique Il est difficile de trouver plus que des informations rudimentaires sur Marie Lu. Aujourd’hui, si de nombreux auteurs possèdent des sites internet qui leur permettent de se présenter et de donner des informations sur les ouvrages qu’ils ont écrits, ce n’est pas le cas de Marie Lu. Plus précisément, il existe un site internet développé par l’autrice mais dont l’utilité principale est de faire la promotion de sa dernière duologie, Warcross181. Sur ce site, il est possible de trouver une biographie de moins de dix lignes, texte que l’on retrouve sur le site de son éditeur principal ainsi qu’à la fin de ses romans, sous sa photo d’autrice.

Marie Lu est une autrice américaine d’origine chinoise. Née Xiwei Lu182 en 1984 en Chine, elle a dû avec sa famille quitter son pays natal pour le Texas, pendant les manifestations de la place Tian'anmen. Diplômée de l’université de Californie du Sud, elle a pendant de nombreuses années travaillé dans le monde du jeux vidéo en tant qu’artiste, avant de quitter cet emploi pour se concentrer à sa carrière d’autrice183. Elle est notamment connue pour sa trilogie The Young Elites, qui sont des livres bestsellers selon le New York Times184, ce qui signifie que 5 000 exemplaires185 au moins ont été vendus en une seule semaine186. En plus de devoir attendre ce nombre, il faut que les canaux de ventes soient diversifiés, c’est-à-dire que les 5 000 ventes ne peuvent par exemple pas se faire uniquement par le biais d’Amazon187. Elle a fait ses débuts sur la scène young adult avec la trilogie dystopique Legend (2011). Après la trilogie à succès The Young Elites (2014), elle a continué avec sa duologie de science-fiction : Warcross (2017). Plus récemment, elle s’est essayée à la fiction historique avec The Kingdom of Back (2020) mais revient avec de la science-fiction en septembre 2020 avec Skyhunter. En plus de ces titres, Marie Lu a également écrit des tomes uniques qui font partie de séries où chaque livre est écrit par un auteur différent. Elle a ainsi écrit Batman : Nightwalker (2018) qui fait partie de la série de livres DC Icons et L’arbre éternel (2015) qui fait partie de la série Animal Tatoo.

181 LU (M.), Warcross, G.P. Putnam’s Sons, New York, 2017. En France : PKJ, Paris, 2018. 182 « Marie Lu », en.wikipedia.org. 183 Ibidem. 184 playwarcross.com. 185 Le nombre d’exemplaires à vendre en une semaine pour être certain de décrocher une place sur la liste du New York Times fluctue. La fourchette généralement donnée est celle de vendre entre 5 000 et 10 000 exemplaires en une semaine. Le nombre minimal de vente semble également varier selon la liste visée. En effet, il est estimé qu’il faut vendre un minimum de 7 500 exemplaires en une seule semaine pour espérer avoir une place sur la liste des titres non-fiction (startawildfire.com). 186 EAGAR (R.), « An Insider’s Guide to Become a New York Times Bestseller », startawildfire.com, date inconnue. Disponible sur : https://www.startawildfire.com/insiders-guide-become-new-york-times-bestseller 187 MUNIZ (G.), « How to Get on the New York Times Bestseller List », self-publishingschool.com, 12 juin 2019. Disponible sur : https://self-publishingschool.com/get-on-the-new-york-times-bestseller-list/#sales

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Autrice qui ne se restreint pas à un seul genre, Marie Lu est tout d’abord entrée sur la scène de la littérature young adult avec une trilogie dystopique avant d’écrire de la fantaisie et de la science-fiction. Son dernier livre, paru en mars 2020 sur le marché anglophone, est une fiction historique qui s’inspire de l’histoire de Wolfgang Amadeus Mozart et de sa sœur, Maria Anna Mozart, surnommée Nannerl. Pour ce dernier livre, l’autrice explique qu’écrire une fiction historique était « différent de ce dont elle avait l’habitude et qu’il s’agissait d’une expérience intimidante188 » et que contrairement à ses autres titres, celui-ci avait nécessité beaucoup de recherches189. Interrogée sur ces changements constants de genre, Marie Lu explique que la fantaisie et la science-fiction restent les genres dont l’écriture lui vient le plus facilement190. C’est ainsi que pour ses futurs projets, elle annonce « retomber » dans la fantaisie et la science-fiction191.

Marie Lu est aujourd’hui une autrice dont la présence est assurée dans la littérature young adult anglophone. S’imposant depuis ses débuts sur cette scène littéraire, le New York Times avait dit d’elle qu’elle faisait « partie d’une élite », en référence au fait que tous ses titres, depuis le début de sa carrière en 2013, soient des bestsellers192. Être nommé sur la liste des bestsellers du New York Times n’est pas chose aisée, aujourd’hui encore plus qu’en 2013. En effet, la surproduction empêche les nouveaux auteurs de se démarquer, et très souvent, leurs débuts passent inaperçus. Marie Lu, en écrivant un premier roman qui arrive à décrocher une place sur la liste des bestsellers du New York Times, réalise ainsi un certain exploit. Plus que cela, le roman était à l’époque resté plus de neuf semaines dans le classement des dix meilleures ventes du moment193.

Comme cela a été expliqué précédemment, la réception critique d’une œuvre est subjective. Cela étant dit, les romans de Marie Lu sont, de manière générale, très appréciés des critiques et du public. Legend (2011)194, reste l’œuvre qui a reçu le plus grand nombre de prix ainsi que de nombreuses critiques positives, ce qui est un accomplissement considérable dès

188 GROCHOWSKI (S.), « Four questions for Marie Lu », Publishers Weekly, 20 septembre 2018. Disponible sur : https://www.publishersweekly.com/pw/by-topic/childrens/childrens-authors/article/78084-four-questions-with- marie-lu.html 189 Ibidem. 190 GROCHOWSKI (S.), op cit. 191 Ibidem. 192 COWLES (G.), « Inside the list », nytimes.com, 30 octobre 2015. Disponible sur : https://www.nytimes.com/2015/11/08/books/review/inside-the-list.html 193 The New York Times. 194 LU (M.), Legend, Putnam Juvenile, New York, 29 novembre 2011. En France : Castelmore, Paris, 14 septembre 2012.

p. 49 lors qu’il s’agit du premier roman de l’autrice. Nominé pour de nombreuses récompenses young adult et jeunesse, Legend (2011) a notamment remporté, en 2012195, le Teen’s Top Ten, un prix littéraire décerné par la YALSA – l’association qui a pour but de donner plus de moyens aux bibliothèques afin de leur permettre de mieux aider les adolescents – et qui a pour but de primer un livre nominé et choisi par des adolescents196.

En plus des distinctions littéraires, les ouvrages de Marie Lu font régulièrement l’objet de coups de cœur de critiques littéraires, appelés « starred review197». C’est ainsi que le magazine spécialisé Publishers Weekly avait loué les qualités de Legend (2011), en écrivant que pour un premier roman, celui-ci était une « bombe dont l’histoire est entraînante et qui met la barre haut pour les deux tomes à venir198 ». Pour le même ouvrage, Kirkus Reviews avait parlé d’un « thriller captivant se déroulant dans un Los Angeles dystopique199 ». Pour son dernier ouvrage, The Kingdom of Back (2020)200, le School Library Journal201 – une revue littéraire destinée aux bibliothécaires jeunesses – avait déclaré qu’il s’agissait d’un récit « merveilleusement composé, entre l’histoire et la fantaisie, qui enchantera les lecteurs202 ». Il est également courant que des journaux qui ne sont pas destinés à un public du monde du livre écrivent des critiques sur des ouvrages nouvellement parus. C’est ainsi qu’à la sortie de Legend (2011), le New York Times avait complimenté Marie Lu d’avoir écrit un récit qui avait réussi à survivre à tout l’engouement que son éditeur avait créé autour de cette parution203. Du côté britannique, les chroniqueurs du journal The Guardian avaient été plus partagés sur ce premier roman. L’un avait écrit que « l’histoire [était] prévisible et clichée204 » alors qu’un autre rapportait que l’histoire était « captivante et que le suspense et l’action constante empêchait de reposer le livre avant de le terminer205 ». Si le Sunday Times dispose d’une liste qui répertorie

195 « Legend », ala.org. 196 « Teen’s Top Ten », ala.org. 197 « Starred review » est une notion utilisée dans l’édition anglophone pour désigner les ouvrages d’une haute qualité littéraire. Ces starred reviews peuvent également servir d’outil marketing afin d’aider les ventes de l’ouvrage en question. Elles sont généralement données par des revues littéraires comme Publishers Weekly ou encore Kirkus Reviews (aux États-Unis). 198 « Children’s Book Review: Legend by Marie Lu », publishersweekly.com, 10 octobre 2011. Disponible sur : https://www.publishersweekly.com/978-0-399-25675-2 199 « Legend », Kirkus Reviews, 15 octobre 2011. 200 LU (M.), The Kingdom of Back, G.P. Putnam's Sons Books for Young Readers, New York, 3 mars 2020. 201 Comme Publishers Weekly et Kirkus Reviews, School Library Journal est une revue littéraire. Celle-ci est cependant destinée aux bibliothécaires jeunesses. 202 SALVA CRUZ (D.), « The Kingdom of Back », slj.com, 1er Janvier 2020. Disponible sur : https://www.slj.com/?reviewDetail=the-kingdom-of-back 203 PEARSON (R.), « Post-Apocalyptic Teenagers in Love », The New York Times, 2 décembre 2011. 204 Wanderer378, « Legend by Marie Lu – review », theguardian.com/childrens-books-site, 11 mai 2016. Disponible sur : https://www.theguardian.com/childrens-books-site/2016/may/11/legend-marie-lu-review 205 Booktrain125, « Legend by Marie Lu – review », theguardian.com/childrens-books-site, 26 octobre 2015. Disponible sur : https://www.theguardian.com/childrens-books-site/2015/oct/26/legend-marie-lu-review

p. 50 les ventes à succès du moment, celle-ci ne propose pas plusieurs catégories comme celle du New York Times. Ainsi, les ouvrages ne sont pas séparés comme ils le sont par le New York Times : il n’existe pas de liste spécifique pour les livres young adult comme il n’existe pas de liste pour les titres de non-fiction. En ce sens, tous les titres semblent être regroupés dans une même liste ce qui soulève des interrogations sur la pertinence d’une telle liste – une même interrogation posée pour les classements effectués par Livres Hebdo et qui sera critiquée dans la suite de ce rapport. Il est alors difficile d’évaluer la réception critique au-delà des critiques littéraires que les médias généraux et spécialisés font. Cela pose néanmoins la question de l’importance et de la place de la réception critique des titres young adult par les médias français et anglais par rapport aux médias étasuniens.

En France, il est beaucoup plus difficile d’évaluer la réception critique de Marie Lu et ses œuvres. Livres Hebdo réalise quatre sortes de « classements » : hebdomadaire, mensuel, trimestriel et un bilan en fin d’année. Cependant, contrairement au New York Times, Livres Hebdo ne possède pas de classement exclusif des titres young adult. C’est ainsi que Livres Hebdo classe des romans comme Sami à l’école206, un ouvrage destiné aux plus jeunes et qui a pour but de leur apprendre à lire, avec des titres comme La passe-miroir207, un roman pour un lectorat déjà plus confirmé. Cette méthode de classement peut alors soulever une interrogation : y a-t-il réellement un sens à mettre en commun des romans ne visant pas les mêmes publics ? Il est difficile de répondre à cette question mais il est possible de supposer que si Livres Hebdo a opté pour cette classification, c’est parce qu’il s’agit de la manière dont l’édition française perçoit la littérature young adult : comme une extension de la littérature jeunesse. Cela renforce la difficulté à correctement définir les frontières entre la littérature young adult et la littérature jeunesse. En effet, en mettant en commun les titres jeunesses et young adult de cette manière, Livres Hebdo renforce l’idée qu’il s’agit de deux types de littératures interchangeables c’est-à- dire que « littérature jeunesse » et « littérature young adult » sont et peuvent être synonymes. Ce genre de classification peut également porter à confusion, surtout chez les personnes qui ne sont pas familières avec le terme « young adult ».

C’est ainsi qu’il est difficile d’évaluer la réception des ouvrages de Marie Lu en France dès lors que les indicateurs qui permettrait de la mesurer ne sont pas des plus pertinents. Plus que cela, l’absence d’un classement semblable à celui du New York Times, entraîne une

206 ALBERTIN (I.), Sami à l’école : début de CP, niveau 1, Hachette éducation, Paris,8 janvier 2020. 207 DABOS (C.), La passe-miroir : la tempête des échos, Gallimard Jeunesse, Paris, 28 novembre 2019.

p. 51 difficulté à mesurer la réception des livres de Marie Lu auprès du public. En effet, un tel classement a pour objectif de mesurer le nombre d’exemplaires vendus sur une durée déterminée. Ainsi, si un titre atteint la première place dudit classement, cela veut dire qu’il s’agit de l’ouvrage qui a été le plus acheté par le public pendant une durée déterminée. Dans l’édition étasunienne, le classement du New York Times sert de premier indicateur quant à la popularité d’un ouvrage auprès du public.

Les médias français publient rarement des critiques littéraires des ouvrages de Marie Lu, contrairement aux médias anglophones. Plus généralement, les médias semblent se concentrer sur la critique d’ouvrages écrits pour un public adulte plutôt que jeune adulte, à l’exception de critiques concernant des romans écrits par des auteurs déjà bien établis sur la scène littéraire ou écrits par des auteurs qui ont fait grand bruit sur la scène anglophone avant d’être traduits en France. Si Marie Lu a fait une entrée fracassante sur le marché étasunien, les médias français sont restés assez silencieux lors de la traduction de sa première trilogie. Ce n’est qu’à la sortie française de Warcross (2018) que les médias français ont publié quelques critiques de ce nouvel ouvrage, tout en profitant de l’occasion pour dire quelques mots sur les titres déjà parus de l’autrice. C’est ainsi qu’Actualitté parle d’un récit avec une « intrigue haletante, [des] rebondissements à gogo et même une romance208 » tout en précisant au début de son article que Marie Lu s’est « déjà illustrée dans le paysage de la SF young adult avec sa trilogie Legend209 ». Atlantico explique que « si Warcross est un digne représentant de la science-fiction, il fait aussi partie de la littérature Young Adult avec ses stéréotypes210 », mais nuance néanmoins en rajoutant qu’il s’agit du premier roman d’une duologie qui est « addictif par l’univers développé et son style précis, concis, allant directement à l’essentiel211 ». Si le Monde n’a pas écrit de « réelle » critique de Warcross (2018), il l’a néanmoins recommandé parmi cinq autres titres afin de se familiariser aux romans adolescents qui étaient vendus lors du Salon du livre de Paris de 2018. Dans cet article, Warcross (2018) est décrit comme étant un roman faisant écho au jeu Warcraft et au film RollerBall mais qui, bien que futuriste et

208 BOUDER (R.) « Warcross : enquête haletante dans un jeu vidéo futuriste », Actualitté, 9 février 2018. Disponible ici : https://www.actualitte.com/article/livres/warcross-enquete-haletante-dans-un-jeu-video- futuriste/87232 209 Ibidem. 210 TRIPAULT (O.), « “Warcross” - Univers ados : un roman actuel et addictif », atlantico.fr, 7 mars 2018. Disponible sur : https://www.atlantico.fr/decryptage/3326958/warcross--univers-ados-un-roman-actuel-et- addictif 211 Ibidem.

p. 52 transhumaniste, est un récit qui « s’appuie sur des risques plutôt contemporains212 ». À l’image de l’article d’Actualitté cité ci-dessus, la journaliste avait également, en quelques lignes, rappelé le parcours de Marie Lu. Elle la décrivait comme une « véritable référence du roman pour jeunes adultes [qui] s’est fait connaître avec sa trilogie dystopique Legend et [qui] place régulièrement ses œuvres en tête de la liste convoitée des best-sellers du New York Times213 ».

Globalement, les romans de Marie Lu sont bien reçus par le public anglophone comme francophone. Les fortes ventes ainsi que les placements de ses titres sur la liste des best-sellers en sont une première preuve. Aujourd’hui, la réception du public peut également s’évaluer à travers des communautés de lecteurs sur internet. En France, ces lecteurs se rassemblent principalement sur les sites Book Node et Babelio214. Sur ces sites où il est possible de donner une note – sur cinq ou sur dix selon la plateforme – les titres de Marie sont généralement bien notés. À titre d’exemple, Legend (2011), avec 956 notes données par les lecteurs sur Book Node et 582 notes données sur Babelio, atteint respectivement une moyenne générale de 8,23/10215 et 4,09/5216. S’il n’est pas obligatoire pour les utilisateurs des plateformes de laisser une critique de l’ouvrage, il faut de même souligner que les récits de Marie Lu font l’objet de nombreux commentaires. Ainsi, en additionnant les chiffres de ces deux plateformes, près de 700 commentaires et critiques ont été écrits et postés à propos de son premier livre. En ce qui concerne la communauté anglophone – et même internationale – celle-ci se regroupe principalement sur le site internet Goodreads217. Sur 397 430 notes données, Legend (2011) arrive à une moyenne générale de 4,18/5 et cumule plus de 28 000 critiques218. Comme expliqué précédemment, il s’agit de chiffres surprenants dès lors qu’il s’agit du tout premier roman de l’autrice. À titre de comparaison, le premier roman d’Alexandra Bracken, Les insoumis219, publié un an après Legend (2011) mais qui a récemment reçu une adaptation

212 CROQUET (P.), « Cinq romans pour adolescents à découvrir au Salon du livre de Paris », lemonde.fr, 12 mars 2018. Disponible sur : https://www.lemonde.fr/pixels/article/2018/03/12/cinq-romans-pour-adolescents-a- decouvrir-au-salon-du-livre-de-paris_5269395_4408996.html 213 Ibidem. 214 Book Node et Babelio sont considérés comme des réseaux sociaux littéraires c’est-à-dire une plateforme où se trouve une communauté de lecteurs qui échangent autour de livres. Plus que cela, ces plateformes offrent – entre autres – un moyen à leurs utilisateurs de « noter » les livres et de laisser des critiques sur les livres. Book Node regroupe, en juin 2020, 518 451 membres. En octobre 2018, Babelio en comptait 650 000. 215 « Legend, Tome 1 : Legend », booknode.com. 216 « Legend, Tome 1 : Legend », babelio.com. 217 À l’image de Book Node et Babelio, est un réseau social littéraire. En juillet 2019, Goodreads comptabilisait 90 millions d’utilisateurs. (statista.com) 218 « Legend (Legend, #1) by Marie Lu », goodreads.com. 219 BRACKEN (A.), Les insoumis (The Darkest Minds), La Martinière Jeunesse, Paris, 7 mars 2013. Version originale : Disney Hyperion, New York, 18 décembre 2012.

p. 53 cinématographique, atteint la moyenne de 4,19/5 avec « seulement » 141 316 notes et 16 280 critiques220.

220 « The Darkest Minds (The Darkest Minds, #1) by Alexandra Bracken », goodreads.com.

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II. Genres et mouvements La dystopie est le genre littéraire qui a marqué la littérature young adult. Il s’agit également du genre qui a servi de tremplin à beaucoup d’auteurs maintenant reconnu dans cette littérature. Il sera alors intéressant de se pencher sur la relation qu’entretient Marie Lu avec le genre dystopique et surtout comment ses ouvrages s’inscrivent dans celui-ci. Si la dystopie a inspiré sa première trilogie, il sera également intéressant de comparer le parcours de Marie Lu avec d’autres autrices asiatiques et tenter de comprendre comment leur parcour est influencé par la problématique de la diversité et représentation en littérature young adult.

A. Marie Lu et le courant dystopique dans la littérature young adult Il est plus aisé de définir la dystopie à partir de la définition de l’utopie. Le terme « utopie » est né au XVème siècle sous la plume de l’auteur Thomas More alors mécontent des conditions politiques et sociales en Angleterre. Il cherchait un moyen – dans son imagination – de protester et critiquer l’ordre établi221. « L’utopie » est alors née de cette volonté de proposer un nouveau modèle social. À l’origine, le terme était construit à partir des vocables gréco-latins « ou » pour « non » et « topos » pour « lieu », ce qui donnait en latin « pays de nulle part ». Cependant, non satisfait de la signification du terme, l’auteur rajouta par la suite le vocable « eu » qui signifie « bon ». « Utopia » devient alors « Eutopie » et revêt la signification de « pays de bonheur ». Il est alors expliqué que « chancelant entre l’irréalité “ou” et l’idéalité “eu” de ce “topos”, le mot “utopie” acquiert sa première signification comme pays de bonheur qui n’existe nulle part222 ». Par définition, la « dystopie » est le contraire de l’utopie : le préfixe grec « dys » a pour signification quelque chose de « déformé » ou plus généralement désigne une négation223. Le terme « dystopie » désigne alors une « mauvaise utopie », une « utopie déformée » ou encore un « mauvais lieu ». Si l’utopie est racontée du point de vue du philosophe, la dystopie est racontée du point de vue du peuple vivant dans cette société qui s’avère ne pas être aussi idéale qu’il n’y parait224.

221 KHALED IBRAHIM (L.), « Qu’est-ce que l’utopie ? », Dirasat, Human and Social Sciences, Volume 43, No. 1, 2016. Disponible ici : http://www.cellf.paris-sorbonne.fr/sites/default/files/theses/quest-ce_que_lutopie.pdf 222 Ibidem. 223 LUPIOT, « La dystopie : les origines », allezvousfairelire.com, 24 janvier 2016. Disponible ici : https://allezvousfairelire.com/2016/01/24/la-dystopie-les-origines/ 224 Ibidem.

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Le courant littéraire de la dystopie est apparu au milieu XXe siècle avec les parutions de Nous autres d’Ievgueni Zamiatine (1920)225, Le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley (1932)226 ou encore 1984 de George Orwell (1949)227. Considérée comme un sous-genre de la science-fiction, la dystopie met en scène une « société imaginaire basée sur les craintes humaines228 » et où l’auteur anticipe « les dérives de la société229 » suite à l’arrivée au pouvoir de régime totalitaire. Les romans cités ci-dessus n’ont pas été écrits pour le public jeune adulte malgré le fait qu’aujourd’hui, ils sont également lus par ce public. Pour beaucoup, Le Passeur de Lois Lowry (1993)230 est considéré comme le premier roman dystopique écrit pour les jeunes adultes. Récompensé dans de nombreux pays qui ont publié sa traduction, Le Passeur reste néanmoins une œuvre majeure de la culture étasunienne. C’est ainsi que pour ce travail, Lowry a reçu d’importantes récompenses comme la Newbery Medal (1994) délivrée par l’Association for Library Service to Children, un prix qui a pour but de récompenser les œuvres qui ont contribué de manière importante à la littérature américaine pour enfants231. La même année, Lowry reçoit également la Regina Medal, un prix littéraire qui récompense une personne qui « contribue régulièrement et de manière qualitative à la littérature pour enfants, quelle que soit la nature de cette contribution232 ». Cependant, malgré ces nombreuses récompenses, Le Passeur reste une œuvre dont la réception est partagée. Si une partie de la critique considère l’œuvre comme importante pour la culture et l’éducation des jeunes lecteurs – d’après un sondage de 2007 réalisé par la National Education Association, il s’agit d’une des cent œuvres les plus choisies par les professeurs233 –, l’autre partie discute du manque d’originalité et pointe du doigt certains passages du récit qui ne font pas sens234. Dans le même sens, l’autrice Debra

225 ZAMIATINE (I.), Nous autres (Мы), Gallimard, coll. Les jeunes russes, Paris, 1929. Version originale : Paris, 1920. 226 HUXLEY (A.), Le Meilleur des mondes (Brave New World), Plon, Paris, 1932. Version originale : Chatto & Windus, Londres, 1932. 227 ORWELL (G), 1984 (Nineteen Eighty-Four), Gallimard, coll. Du monde entier, Paris, 1950. Version originale : Secker and Warburg, Londres, 1949. 228 MUTELET (M-C.), « La dystopie, gros plan sur un genre littéraire en pleine explosion… », mondedulivre.hypotheses.org, 24 janvier 2012. Disponible ici : https://mondedulivre.hypotheses.org/337 229 Ibidem. 230 LOWRY (L.), Le Passeur (The Giver), L’école des loisirs, coll. Médium, Paris, 1994. Version originale : Houghton Miffin, Boston, 1993. 231 « 1994 Newbery Medal and Honor Books », ala.org. 232 « Regina Medal », cathla.org. 233 « Teachers’ top 100 Books for Children », National Education Association, 2007. 234 RAY (K.), « Children’s Books », nytimes.com, 31 octobre 1993. Disponible ici : https://www.nytimes.com/1993/10/31/books/children-s-books-335293.html

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Doyle avait expliqué que Le Passeur échouait au « test de la plausibilité de la science- fiction235 ».

Malgré le succès certain de l’œuvre de Lois Lowry, il est difficile de considérer Le Passeur comme étant le roman qui a fait de la dystopie ce qu’elle est aujourd’hui en littérature young adult. Autrement dit, Le Passeur n’est pas l’œuvre qui a créé l’engouement autour de la dystopie. C’est avec Hunger Games (2009) de Suzanne Collins que la dystopie est renouvelée dans la littérature young adult. Comme cela a été expliqué précédemment, la littérature young adult est une littérature « à tendance ». Avec le succès international du livre comme de son adaptation cinématographique, Hunger Games a poussé les éditeurs étasuniens à publier plus de dystopies young adult et a poussé les éditeurs français à en traduire tout autant. Hunger Games a ainsi ouvert la voie à de nombreuses œuvres dystopiques visant les jeunes adultes. La liste des œuvres nées pendant cette période où la dystopie était « à la mode » est longue. En plus de celles mentionnées précédemment et à titre d’exemple, il est également possible de citer Promise d’Ally Condie236, Delirium de Lauren Oliver237, Les insoumis d’Alexandra Bracken238 ou encore Partials de Dan Wells239. Le fait que les romans dystopiques ait si bien marché auprès du public jeune adulte soulève alors plusieurs hypothèses pour expliquer ce succès. Tout d’abord, il est possible d’imaginer que les adolescents et jeunes adultes, après avoir lu – ou plus probablement vu – le premier Hunger Games, cherchaient des récits similaires à consommer. Autrement dit, ils cherchaient des récits semblables à un livre/film qu’ils avaient apprécié. Ensuite, il ne faut pas mettre de côté que les récits dystopiques ont un attrait particulier pour le public adolescent et le public jeune adulte. Ainsi, plus qu’une similitude à un récit qu’ils auraient appréciés, la dystopie serait un genre de littérature comportant des caractéristiques qui attirent plus particulièrement les adolescents et les jeunes adultes.

Une des premières raisons serait le fait que la dystopie, tout simplement, offre à son lecteur un récit excitant à lire240. Les thèmes principaux mis en avant dans ces récits parlent

235 DOYLE (D.), « Doyle’s YA SF rant », doyleandmacdonald.com/ya-riff.htp, date inconnue. 236 CONDIE (A.), Promise (Matched), Gallimard Jeunesse, Paris, 7 avril 2011. Version originale : Dutton Books for Young Readers, New York, 2011. 237 OLIVER (L.), Delirium, Hachette Jeunesse, Vanves, 2 février 2011. Version originale : HarperTeen, New York, 3 février 2011 238 BRACKEN (A.), op. cit. 239 WELLS (D.), Partials, Albin Michel Wiz, Paris, 2 octobre 2013. Version originale : Balzer + Bray, New York, 28 février 2012. 240 YOUNG (M.), « Why is dystopia so appealing to young adults? », theguardian.com, 23 octobre 2011. Disponible ici : https://www.theguardian.com/books/2011/oct/23/dystopian-fiction

p. 57 particulièrement aux adolescents et jeunes adultes. En effet, la dystopie met en avant des sociétés où tout est contrôlé ou plus simplement, un environnement « chaotique », ce qui se rapproche de la manière dont les adolescents perçoivent leur propre vie241. C’est ainsi que certains journalistes ont écrit que la dystopie est un miroir de l’adolescence242. Interrogés sur le succès de la dystopie, des adolescents répondent qu’ils apprécient particulièrement le fait qu’ils arrivent facilement à s’identifier à ces récits. Un premier explique que ce sont des récits qui contiennent des « angoisses d’adolescent » comme le fait d’avoir l’impression que « le monde est contre eux et que tout va mal243 ». Un second rajoute que les héros de ces dystopies « sont nés dans un monde que leurs parents ont gâché244 », ce qui fait écho au monde dans lequel ces lecteurs grandissent actuellement. Laurent Perron, psychiatre et psychothérapeute pour enfants et adolescents à Genève explique que « ces films [de dystopie] parlent du développement des adolescents [et que] pour eux, la construction de soi est vécue comme un combat245 ».

La dystopie est un genre qui offre à l’auteur un moyen de se projeter dans un futur plus ou moins proche afin de s’interroger sur « les manières de vivre dans le monde, sur les problèmes qui subsistent depuis trop longtemps, sur les nouvelles préoccupations, […]246 ». C’est pour cela que les auteurs dépeignent des sociétés « noires », c’est-à-dire où l’espoir ne semble plus permis, afin de provoquer chez les lecteurs une réflexion sur ce que l’avenir peut leur réserver. Les auteurs, surtout en littérature young adult, utilisent ce genre afin de mener leur public à réfléchir sur le monde qui les entoure et surtout, à s’interroger sur les structures, les politiques déjà mises en place.

Marie Lu, avec sa première trilogie Legend (2011), s’inscrit parfaitement dans le courant porteur qu’est la dystopie young adult. Elle écrit un récit qui se déroule dans un Los Angeles dystopique et qui met en scène deux adolescents – chacun appartenant à des camps ennemis – alors qu’une guerre civile fait rage entre la « République » et les « Colonies ». Inévitablement

241 Ibidem. 242 RINNY (G.), « La dystopie en miroir de l’adolescence », letemps.ch, 14 novembre 2014. Disponible ici : https://www.letemps.ch/culture/dystopie-miroir-ladolescence 243 NADWORNY (E.), « Why Teens Find The End Of The World So Appealing », npr.org, 18 décembre 2017. Disponible ici : https://www.npr.org/sections/ed/2017/12/18/536007249/why-teens-find-the-end-of-the-world-so- appealing?t=1593542162836 244 NADORNY (E.), op. cit. 245 RINNY (G.), op. cit. 246 VINCENTI (C.), « La littérature dystopique pour les jeunes adultes : Un genre entre divertissement, réflexions philosophiques et construction de soi », Master 2 EIE, Université Toulouse Jean-Jaurès, Dominique Auzel (dir.), année 2015-2016. Disponible ici : http://dante.univ-tlse2.fr/1987/7/vincenti_chloe_M22016.pdf

p. 58 comparé à Hunger Games247 et conseillé aux fans de Divergente248, Legend (2011) répond à tous les codes de la dystopie : une société où tous les citoyens sont surveillés, où le gouvernement utilise la propagande et où l’Homme est déshumanisé249. Si le but principal de son récit est de captiver les lecteurs afin qu’ils achètent les livres suivants, le genre dystopique permet à Marie Lu d’interroger son public sur l’avenir et sur ce que peut devenir les États-Unis. La lecture de Legend (2011) soulève principalement deux questions : « Est-ce que les États- Unis peuvent devenir comme la République » et « est-ce qu’un jour, des épidémies250 prendront possession du monde ?251 ». En plus de cela, l’autrice interroge sur la dangerosité des armes biologiques et de l’utilisation de la propagande par un gouvernement comme moyen de contrôle de la population.

Si Legend (2011) est la seule trilogie de l’autrice catégorisée comme « dystopie », ses autres titres renferment tous des éléments qui viennent de ce genre. En effet, sa seconde trilogie, The Young Elites (2014)252, est une fantaisie où les enfants et adolescents survivants d’une maladie se retrouvent dotés de capacités particulières. Dans ce récit, Marie Lu crée des personnages qui espèrent un meilleur gouvernement, et agissent en ce sens253. Ce point – le fait d’agir contre un gouvernement qui ne traite pas sa population avec la dignité requise – est en effet un élément central des dystopies comme le montre très bien Hunger Games, où le personnage principal se retrouve à la tête d’un mouvement pour renverser le pouvoir en place. Enfin, la duologie Warcross (2017) est un récit de science-fiction où Marie Lu explore les dérives possibles que peuvent amener l’utilisation de certaines technologies. À l’occasion d’une récente interview réalisée pour la promotion de son prochain ouvrage, Skyhunter (2020)254 – un tome unique de science-fiction –, l’autrice explique l’importance des récits dystopiques : « j’écris la dystopie pour exagérer quelque chose de notre monde réel pour ensuite rêver d’un

247 Auteur inconnu, « From Marie Lu, a dystopian ‘Legend’ in the making », eu.usatoday.com, 28 novembre 2011. Disponible ici : https://eu.usatoday.com/story/life/books/2013/06/28/from-marie-lu-legend-in-the- making/2470331/ 248 VERONICA, « Legend by Marie Lu: Dystopian Action Done Right! », sweetyhigh.com, 9 janvier 2014. Disponible ici : https://www.sweetyhigh.com/read/legend-by-marie-lu 249 Auteur inconnu, « What makes this society a dystopia? – Legend Book Report », site.google.com, date inconnue. Disponible ici : https://sites.google.com/site/legendbookreport/what-makes-this-society-a-dystopia 250 L’un des éléments de Legend est le fait que, chaque année, une nouvelle épidémie apparait sur le territoire de la République pour finalement disparaître avec le temps. Les personnes infectées par l’épidémie sont isolées et leur présence est signalée par une croix rouge dessinée sur leur porte. 251 RATLIFF (E.), « Dystopian Fiction: Legend by Marie Lu », prezi.com, 11 décembre 2013. Disponible ici : https://prezi.com/orh5mvtdxxjk/dystopian-fiction-legend-by-marie-lu/?fallback=1 252 LU (M.), The Young Elites, Castelmore, Paris, 17 juin 2015. Version originale : G.P Putnam’s Sons Books for Young Readers, New York, 7 octobre 2014. 253 Laura137, « The Young Elites by Marie Lu – review », theguardian.com, 23 octobre 2014. 254 LU (M.), Skyhunter, Roaring Brook Press, New York, 29 septembre 2020.

p. 59 moyen de réparer ce problème en créant une histoire autour255. » Elle raconte que Skyhunter est l’histoire d’une jeune femme qui se bat pour son pays dans le but de construire un meilleur monde, même si la nation dont elle vient est imparfaite. Par ce nouveau récit, elle espère partager un « message positif même si le voyage [pour y arriver] est périlleux256 ». Pour terminer, Marie Lu explique que :

La différence entre la dystopie dans la réalité et la dystopie dans la fiction et que l’auteur a le pouvoir de changer cette dernière. Le lecteur peut voir les personnages utiliser leur propre force et détermination pour réparer ce qui est cassé. Vous pouvez terminer un livre avec l’espoir que oui, malgré tout, nous pouvons survivre ça, nous pouvons conquérir ce qui paraissait impossible. Nous pouvons ressortir de cela en étant de meilleures personnes et c’est de cette manière que nous le faisons257.

B. Auteurs d’origines asiatiques : quelques comparaisons Au moment où la dystopie domine la littérature young adult, c’est-à-dire entre les années 2010 et 2013, la plupart des livres vendus sur le marché sont des titres écrits par des auteurs blancs. En effet, un rapport de la Cooperative Children's Book Center School of Education montre qu’en 2010, sur les 3 400 titres qui avaient servi à leur étude, seuls 226 (6,65%)258 avaient été écrits par des auteurs issus de minorités ethniques259. En 2013, sur les 3 200 titres étudiés, seuls 226 (7%)260 avaient été écrits par des minorités ethniques. À cette période, la dystopie est également un genre qui est dominé par les auteurs blancs. En effet, il est possible de remarquer que très souvent, les médias qui évoquent la dystopie en littérature young adult citent les trois mêmes œuvres : Hunger Games (2008), Divergente (2012) et Le Labyrinthe (2009), des œuvres écrites par des auteurs blancs. Hunger Games est continuellement cité à juste titre : il s’agit, comme expliqué précédemment, de l’œuvre qui a créée tout l’engouement autour de la dystopie pour jeunes adultes. Divergente et Le Labyrinthe ont également reçu des adaptations

255 GREEN (A.), « BookExpo 2020: Marie Lu on Finding Hope in Dystopia », publishersweekly.com, 27 mai 2020. Disponible ici : https://www.publishersweekly.com/pw/by-topic/industry-news/bea/article/83420- bookexpo-2020-marie-lu-on-finding-hope-in-dystopia.html 256 Ibidem. 257 Alex Green, op. cit. 258 Cooperative Children's Book Center School of Education, « Publishing Statistics on Children's/YA Books about People of Color and First/Native Nations and by People of Color and First/Native Nations Authors and Illustrators », ccbc.education.wisc.edu, page internet mise à jour chaque année. Disponible ici : https://ccbc.education.wisc.edu/books/pcstats.asp 259 En parlant de « minorités ethniques », la Cooperative Children's Book Center School of Education prend en compte, dans ses études, des : africains, africains-américains, asiatiques, polynésiens-américains, personnes d’Amérique latine et les amérindiens. 260 Cooperative Children's Book Center School of Education, op.cit.

p. 60 cinématographiques, à la seule différence que le troisième tome de la trilogie Divergente, Allégeance, n’a jamais été complètement diffusé dans les salles de cinéma. En effet, à l’image du dernier volet de Hunger Games, les réalisateurs de Divergente avaient décidé de scinder le film en deux : une première partie diffusée en 2016 et la seconde partie qui aurait dû être diffusée l’année suivante. Cependant, cette dernière n’est jamais arrivée à cause du manque d’engouement pour le troisième opus. Malgré cela, la trilogie reste un grand succès de la littérature young adult avec plus de 6,7 millions de copies vendues aux États-Unis en 2013261. À titre de comparaison, Le Labyrinthe de James Dashner comptabilisait, en 2014, près de 6,5 millions de copies vendues aux États-Unis262.

Parmi toutes les œuvres dystopiques précédemment citées, très peu sont en réalité écrites par des auteurs issus de minorités ethniques. En plus des titres écrits par Marie Lu, il est possible de citer la série Insaisissable (2011) de Tahereh Mafi ainsi que la duologie Dualed (2013) d’Elsie Chapman263. Toutes deux d’origines asiatiques – iranienne pour la première et chinoise pour la seconde – il est intéressant de comparer leurs parcours avec celui de Marie Lu puisque, comme cela sera étudié par la suite, le fait qu'elles soient toutes les trois issues d'une minorité ethnique a fortement influencé la manière dont elles perçoivent l'écriture de leurs ouvrages et, de manière plus globale, la manière dont cela a influencé leur carrière d’autrice. Comme Marie Lu, Tahereh Mafi et Elsie Chapman ont fait leurs débuts sur la scène littéraire young adult par la vague dystopique créée par Hunger Games.

À l’image de Legend (2011), la série Insaisissable de Tahereh Mafi a rapidement grimpé la liste des meilleures ventes du New York Times. Ce succès – dès le premier livre sorti – s’est traduit par la vente des droits à la traduction de l’ouvrage dans dix-neuf pays ainsi que la vente des droits audiovisuels par la 20th Century Studios264. En ce qui concerne ce premier ouvrage, les médias spécialisés du monde littéraires offraient des critiques partagées. En effet, Kirkus parlait d’un thriller dystopique « qui rejoint des étagères [de librairies] déjà pleine à craquer

261 ROBACK (D.), « Facts & Figures 2013: For Children’s Books, Divergent Led the Pack », publishersweekly.com, 14 mars 2014. Disponible ici : https://www.publishersweekly.com/pw/by- topic/childrens/childrens-industry-news/article/61447-for-children-s-books-in-2013-divergent-led-the-pack- facts-figures-2013.html 262 Auteur inconnu, « Author James Dashner throws himself in 'Maze Runner' », fredericksburg.com, 15 décembre 2014. Disponible ici : https://www.fredericksburg.com/entertainment/tv_movies/author-james-dashner-throws- himself-in-maze-runner/article_09524999-ef79-5564-8ea1-e9023512babc.html 263 CHAPMAN (E.), Dualed, Lumen, Paris, 6 mars 2014. Version originale : New York, Random House Children’s Books, février 2013. 264 BRISSEY (B.), « 'Shatter Me' author Tahereh Mafi talks her debut dystopian novel », ew.com, 22 novembre 2011. Disponible ici : https://ew.com/article/2011/11/22/shatter-me-tahereh-mafi-debut-novel/

p. 61 sans pour autant se distinguer [des autres livres]265 » avant de rajouter qu’il s’agit néanmoins d’un titre qui pouvait « intéresser les lecteurs qui aiment l’action et l’aventure et qui n’en ont pas encore marre de ce genre [la dystopie]266 ». Le School Library Journal expliquait que Tahereh Mafi avait créé un univers intéressant, où l’environnement s’était détérioré à cause des décisions prises267 mais que, malgré cela, l’autrice était « plus intéressée par l’histoire d’amour [entre ses personnages], ce qui a entrainé une conclusion invraisemblable268 ». Du côté des médias non spécialisés, une chroniqueuse du journal The Guardian écrivait qu’il s’agissait d’un livre captivant malgré les nombreuses scènes « romantiques » entre les deux personnages principaux269. Elle rajoute néanmoins que « malgré ce petit détail, ce livre est à recommander à tous les adolescents qui ont lu et aimé des livres comme Divergente et Hunger Games270 ». De manière plus générale, les ouvrages de l’autrice sont bien notés par le public : Insaisissable atteint ainsi une moyenne 3,96/5 sur la plateforme Goodreads avec près de 28 319 critiques laissées par des lecteurs.

Elsie Chapman a connu des débuts relativement plus discrets avec des ouvrages qui ne sont jamais apparus sur la liste des meilleures ventes du New York Times, contrairement à ceux de Tahereh Mafi et Marie Lu. Malgré cela, comme les deux autres autrices, ses œuvres ont bien été reçus par les critiques comme le public. C’est ainsi que Dualed, son premier roman avait été décrit comme étant « élégant, frénétique et violent, [ce] premier livre est l’équivalent d’un film de Quentin Tarantino271 » par Publishers Weekly alors que Kirkus écrivait que les lecteurs qui restaient habituellement de marbre face à la violence seraient admiratifs face aux nombres de victimes de Chapman272.

Il faut également souligner que si elles ont toutes les trois commencé avec des romans dystopiques, Mafi et Chapman ont par la suite écrit des récits plus proches de leurs identités, c’est-à-dire des romans où les protagonistes leurs ressembles et/ou partagent leurs histoires. Par

265 Auteur inconnu, « SHATTER ME | Kirkus Review », kirkusreviews.com, date inconnue. Disponible ici : https://www.kirkusreviews.com/book-reviews/tahereh-mafi/shatter-me/ 266 Ibidem. 267 DAVIDSON (S.L), « SHATTER ME | School Library Journal », slj.com, 1er février 2012. Disponible ici : https://www.slj.com/?reviewDetail=shatter-me 268 Ibidem. 269 Rosa.Reader, « Shatter Me by Tahereh Mafi – review », theguardian.com, 28 juin 2014. Disponible ici : https://www.theguardian.com/childrens-books-site/2014/jun/28/review-tahereh-mafi-shatter-me 270 Ibidem. 271 Auteur inconnu, « Dualed », publishersweekly.com, 24 décembre 2012. Disponible ici : https://www.publishersweekly.com/9780307931542 272 Auteur inconnu, « Dualed | Kirkus Reviews », kirkusreviews.com, 12 décembre 2012. Disponible ici : https://www.kirkusreviews.com/book-reviews/elsie-chapman/dualed/

p. 62 l’écriture de Nos horizons infinis (2018)273, Tahereh Mafi signe ce qu’elle décrit comme étant « la chose la plus honnête qu’elle ait jamais écrite274 ». En effet, par ce récit qui se déroule quelques temps après les attentats du 11 septembre, elle raconte l’histoire d’une adolescente musulmane qui porte le voile, un personnage qui s’inspire directement de l’autrice elle-même et de son vécu en tant que femme musulmane et qui vit aux États-Unis. Dans une interview, l’autrice explique qu’il s’agit du livre le plus autobiographique qu’elle ait écrit, à un point où de nombreux éléments du récit « sont inspirés de choses qu’elle a vécues dans sa vie – des conversation qu’elle a eue avec des personnes, des choses qui lui sont arrivées – mais tout cela romancé pour le bien de la fiction275 ». Elle termine en ajoutant que Nos horizons infinis est « son histoire, l’histoire qu’elle a écrite pendant des années dans sa tête276 ». Dans le même sens, en écrivant All the ways home (2019)277, Chapman s’inspire directement de son vécu pour décrire le voyage d’un garçon canadien-japonais qui retourne au Japon pour être réuni avec son père et son frère avec qui il n’a plus parlé depuis longtemps. Elle écrit un récit où elle n’hésite pas à intégrer du vocabulaire japonais et invite ainsi ses jeunes lecteurs à rejoindre son personnage dans un voyage vers le pays où elle réside actuellement.

Il est intéressant de noter que la thématique de la représentation et de la diversité revient régulièrement dans les interviews auxquelles ces trois autrices participent. En ce sens, Marie Lu explique que si le public demande plus de diversité, elle se sent responsable, en tant qu’autrice issue d’une minorité ethnique, de faire en sorte que la diversité soit plus présente dans ses écrits. Elle précise néanmoins que la diversité devrait être une « inquiétude pour tous les auteurs [parce que] les minorités ne peuvent pas agir seules dans l’espoir de voir un changement – tout le monde doit agir pour faire une différence278 ». Interrogées sur la manière dont elles perçoivent le marché et la littérature young adult à propos de la diversité et de la représentation, les trois autrices donnent des réponses assez similaires. Lu et Chapman parlent toutes les deux d’un changement conséquent dans la littérature young adult : il existe une

273 MAFI (T.), Nos horizons infinis (A Very Large Expanse of Sea), Michel Lafon, Paris, 28 mai 2020. Version originale : HarperTeen, New York, 16 octobre 2018. 274 SMITH (C.), « Tahereh Mafi: A Powerfully Diverse Voice », hercampus.com, 28 septembre 2018. Disponible ici : https://www.hercampus.com/school/murray-state/tahereh-mafi-powerfully-diverse-voice 275 FRENCH (A.), « Exclusive: Tahereh Mafi on her next book, ‘A Very Large Expanse of Sea,’ about a Muslim American teen after 9/11 », latimes.com, 22 février 2018. Disponible ici : https://www.latimes.com/books/la-et- jc-tahereh-mafi-20180222-story.html 276 Ibidem. 277 CHAPMAN (E.), All the ways home, Feiwel & Friends, New York, 28 mai 2019. 278 CHARAIPOTRA (S.), « NY Times Bestseller Marie Lu Talks Diversity, Villains and The Young Elites », parade.com, 13 octobre 2015. Disponible ici : https://parade.com/429558/sonacharaipotra/ny-times-bestseller- marie-lu-talks-diversity-and-villains-and-the-young-elites/#

p. 63 présence plus forte des discussions autour de la diversité et de la représentation. Ainsi, Marie Lu explique que ce marché devient plus diversifié et cela grâce à l’organisation We Need Diverse Books279. Elsie Chapman exprime la même chose et rajoute qu’il existe de plus en plus de conversations « sur la manière d’écrire des récits qui reflètent le monde tel qu’il l’est280 » et qu’il existe plus d’opportunités « pour les auteurs marginalisés d’écrire sans crainte à propos de leurs cultures et de leurs identités281 ».

Ce manque de diversité et de représentation a influencé leur manière d’écrire. En effet, Marie Lu dit avoir grandi en ne lisant presque que de la fantaisie et de la science-fiction et que ces récits étaient « uniformes » c’est-à-dire qu’ils mettaient en avant seulement des héros blancs282. Elle explique que cela a influencé ses premiers manuscrits, qu’elle a ainsi écrit seulement des héros blancs parce qu’elle ne trouvait pas ça « étrange » et qu’elle pensait que la fantaisie et la science-fiction étaient des genres où il n’y avait que ce type de personnages principaux283. Elle conclue que ce n’est qu’à l’université, qu’après avoir lu d’autres récits sans héros blanc qu’elle s’est rendue compte qu’elle s’était « exclue de ses propres histoires284 ». Comme Marie Lu, Chapman explique que c’est à la lecture de récits de tous les genres – science-fiction, fantaisie, contemporains, ou encore horreur,– qu’elle s’est rendue compte que très peu de ces ouvrages mettaient en avant des personnages ethniques avec un rôle important ou qui étaient écrits par des auteurs issus de minorités ethniques285. Elle dit néanmoins qu’il existe maintenant « plus de titres young adult avec des personnages ethniques comme de titres écrits par des auteurs issus de ces minorités286 » mais nuance en rappelant que « ces titres sont encore trop peu nombreux dans l’industrie du livre et que cela doit changer287 ». Chapman termine avec une explication sur la création des personnages de sa duologie Dualed :

279 K (E.), « #TTBF14: Interview with Marie Lu », texasteenbookfestival.org, 18 octobre 2014. Disponible ici : https://texasteenbookfestival.org/ttbf14-interview-with-marie-lu/ 280 Inautopiastateofmind, « Interview with Elsie Chapman », utopia-state-of-mind.com, 25 mars 2019. Disponible ici : https://utopia-state-of-mind.com/interview-with-elsie-chapman/ 281 Ibidem. 282 MASON (E.), « How Marie Lu found out that fantasy books didn’t have to have white heroes », washingtonpost.com, 22 juillet 2016. Disponible ici : https://www.washingtonpost.com/entertainment/books/marie-lu-the-midnight-star-young-elites-book- interview/2016/07/22/4b0e9e30-4f69-11e6-a422-83ab49ed5e6a_story.html 283 Ibidem. 284 Ibidem. 285 CHAPMAN (E.), « Why DUALED’S Characters Are People of Color », diversityinya.com, 5 mars 2014. Disponible ici : http://www.diversityinya.com/tag/elsie-chapman/ 286 Ibidem. 287 Ibidem.

p. 64

Écrire uniquement des personnages issus de minorités ethniques était un choix délibéré mais aussi naturel et ce n’était pas simplement pour combler le manque de personnage chinois que je n’ai pas pu lire quand j’étais une enfant ; je n’en suis plus une et je n’ai plus besoin qu’ils me ressemblent. Je crée des personnages de toutes les formes et toutes les « couleurs » parce que je veux qu’ils ressemblent à mes enfants. Ils sont métis et ont l’âge de lire du young adult, et je veux qu’ils puissent se voir dans des personnages, bien plus que je n’aie pu le faire [plus jeune]288.

288 CHAPMAN (E.), op.cit.

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III. Titres et collections L’étude des ouvrages de Marie Lu et la manière dont ils s’insèrent dans leur collection respective permet de se rendre compte que la littérature young adult a la particularité de ne pas s’inscrire dans l’idée de la collection pensée par Gervais Charpentier.

A. Collections et littérature young adult Isabelle Olivero, docteure en histoire du livre, écrit que la Bibliothèque Charpentier est à la base de l’invention d’un nouveau genre littéraire : les collections289. En créant ce nouveau modèle éditorial, Olivero explique que l’un des enjeux de Gervais Charpentier était de concevoir des ouvrages dans un format particulier afin de faire grandir son lectorat en les attirant grâce à la maniabilité et le coût proposés. Cependant, le format n’est pas la seule particularité arrivée avec les collections. Pour Charpentier, il s’agissait également « d’opérer un tri dans la production afin de parvenir à proposer à son lectorat une “bibliothèque choisie290” ». Ce nouveau modèle éditorial, inédit, permet à Olivero de parler d’une véritable « révolution éditoriale, […] à la fois technique, commerciale et culturelle291 ». Il s’agit d’ailleurs d’un modèle qui sera rapidement repris et imité par d’autres éditeurs en France comme à l’étranger292.

Un emprunt à l’analyse d’Isabelle Olivero semble d’autant plus opportun vis-à-vis de la littérature young adult puisque si son apparition et son importance sur le marché du livre ont modifié l’économie de celui-ci, il faut également souligner que les maisons d’édition qui publient des titres young adult – et même des titres jeunesses – se sont éloignés du modèle de la « bibliothèque idéale293 » imaginée par Charpentier. En effet, Olivero explique que cette « bibliothèque idéale » est le fruit d’un travail effectué par l’éditeur afin de proposer un « ensemble adéquat294 » et qui forme une bibliothèque « universelle et utile295 ». Pour cela, une sélection des textes est opérée dans le but de créer un ensemble cohérent. Olivero parle alors d’un « traitement particulier des textes [avec une] sélection, compilation, classement, appareil

289 OLIVERO (I.), L'invention de la collection, éditions de l'IMEC, édition de la Maison des Sciences de l'Homme, coll. In octavo, Paris, 1999. 290 HOCH (P.), (OLIVERO I.), « L'invention de la collection : de la diffusion de la littérature et des savoirs à la formation du citoyen au XIXe siècle », Bulletin des bibliothèques de France (BBF), 2000, n° 3, p. 133-134. Disponible ici : https://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2000-03-0133-011 291 Ibidem. 292 Ibidem. 293 OLIVERO (I.), op.cit. 294 Ibidem. 295 Ibidem.

p. 66 critique296 ». En ce qui concerne Charpentier et sa collection, celui-ci avait fait le choix de se concentrer sur des titres considérés comme des classiques297. C’est ainsi qu’il avait publié des titres de Mérimée, Victor Hugo, George Sand ou encore Balzac298. Pour la célèbre « Bibliothèque des chemins de fer » de Louis Hachette (1853) – bibliothèque créée peu après celle de Charpentier – l’éditeur expliquait qu’il s’agissait d’une collection destinée aux voyageurs pour qu’ils puissent « occuper agréablement leurs loisirs forcés pendant le trajet [et ainsi] leur fournir des renseignements exacts et complets sur tout ce qui peut les intéresser en route et dans les lieux où ils séjournent299 ». Ainsi, pour remplir cet objectif, Louis Hachette, choisissait des textes qui avaient été écrits par les « meilleurs auteurs français et étrangers, anciens et modernes300 » ou des textes qui avaient été écrits spécialement pour être publiés dans cette collection. De plus, chaque ouvrage devait respecter un certain format – « portatif et commode, en caractères très lisibles301 » – pensé pour que les voyageurs puissent les transporter avec facilité.

Comme cela a été écrit précédemment, les maisons d’édition qui publient de la littérature young adult et jeunesse se sont éloignés du modèle de la bibliothèque idéale de Charpentier. Plus exactement, ces maisons d’édition continuent de créer des collections où sont regroupés les ouvrages young adult et opèrent ainsi une sélection d’ouvrage pour que seuls les titres qui visent un certain public – les jeunes adultes et/ou les adolescents – soient publiés. En ce sens, il est possible de dire que ces éditeurs suivent le modèle décrit par Olivero puisqu’ils créent un « ensemble adéquat choisi dans la totalité des livres disponibles [en opérant] une sélection, compilation, […]302 ». Cependant, il faut souligner que la démarche de Charpentier – et celle d’autres éditeurs qui ont repris l’idée de la Bibliothèque Charpentier peu après son succès – n'est plus totalement présente chez les éditeurs young adult d’aujourd’hui. En effet, l’uniformité du livre, c’est-à-dire produire un objet-livre identique pour chaque ouvrage publié – au niveau de la taille, de la police de caractère utilisée, du papier utilisé, etc. – ne semble plus être aussi

296 Ibidem. 297 HOCH (P.), op.cit. 298 FONTAINE (J.P.), « Charpentier, sa bibliothèque, ses amis romantiques et naturalistes (1838-1896) », histoire- bibliophilie.blogspot.com, 10 février 2016. Disponible ici : http://histoire- bibliophilie.blogspot.com/2016/02/charpentier-sa-bibliotheque-ses-amis.html 299 HACHETTE (L.) et cie., « Bibliothèque des chemins de fer », fr.wikisource.org, 1853. Disponible ici : https://fr.wikisource.org/wiki/Biblioth%C3%A8que_des_chemins_de_fer 300 Ibidem. 301 Ibidem. 302 OLIVERO (I.), op.cit.

p. 67 importante alors qu’il s’agissait de l’un des points principaux lors de la création de la Bibliothèque Charpentier.

Ainsi, certaines maisons d’édition produisent des objets-livres de formats différents même si les livres en question font partie de la même collection. C’est par exemple le cas de certains livres publiés par l’éditeur Albin Michel dans sa collection Albin Michel Jeunesse – collection qui regroupe des livres jeunesses et des livres pour jeunes adultes. En effet, pour la trilogie Magnus Chase (2016)303, l’éditeur a fait le choix de créer un objet-livre plus grand que la série Percy Jackson304, soit respectivement un format 15cm x 23cm305 et un format 14cm x 21cm306. Ce qui est surprenant, dans ce cas de figure, est que ces deux titres sont écrits par un même auteur, Rick Riordan, et que les deux récits sont liés – dans le sens où des personnages issus de Percy Jackson apparaissent dans la trilogie Magnus Chase et que les récits se passe dans le même « univers307 ». Un tel changement de formats est effectué de manière plus récurrente chez l’éditeur Nathan qui alterne entre un format 15cm x 23cm et un format 14cm x 21cm. A priori, rien ne semble expliquer pourquoi ces deux éditeurs en particulier décident de faire varier la taille de l’objet-livre, surtout que d’autres éditeurs qui publient également de la jeunesse et du young adult, n’opèrent pas de tels changements – ce qui est par exemple le cas de Hachette Romans et PKJ. Il est difficile d’expliquer le choix d’Albin Michel Jeunesse ou celui des éditions Nathan. Cela peut s’apparenter à des raisons financières (les livres produits à un autre format que celui habituellement choisit offrent un coût de production moins élevé) ou des raisons éditoriales et/ou de mise en page.

Ces deux cas de figure restent cependant isolés en littérature young adult. S’il est possiblement question d’un éloignement de l’esprit de la bibliothèque Charpentier308, cela serait plutôt dû à la sélection des textes. En effet, la bibliothèque de Charpentier montre que le choix de l’éditeur se portait principalement vers des classiques alors que par le biais de la Bibliothèque

303 RIORDAN (R.), Magnus Chase et les dieux d'Asgard - L'épée de l'été (The Sword of Summer), Albin Michel Jeunesse, Paris, 2016. Version originale : Disney-Hyperion Books, New York, 2015. 304 RIORDAN (R.), Percy Jackson, Albin Michel Jeunesse, Paris, 2008-2010. Version originale : Disney Hyperion Books, New York, 2006-2009. 305 « Caractéristiques détaillées : Magnus Chase et les dieux d'Asgard - L'épée de l'été Tome 1 : Magnus Chase et les dieux d'Asgard », fnac.com 306 « Caractéristiques détaillées : Percy Jackson - Percy Jackson - tome 1 Tome 1 : Le Voleur de foudre », fnac.com 307 « Series interactions », riordan.fandom.com. Disponible ici : riordan.fandom.com/wiki/Series_Interactions 308 Il faut néanmoins souligner que cet éloignement n’est pas apparu avec la littérature young adult. En effet, la collection en tant que concept s’est éloigné de l’esprit de la bibliothèque Charpentier avec l’avènement du livre de poche au milieu du XXe siècle, un avènement notamment porté par les collections « Livre de Poche » (1953) ou encore « J’ai Lu » (1958). Avec le livre de poche, il ne s’agissait déjà plus d’opérer une sélection des textes comme l’imaginait Charpentier mais plutôt de décliner des textes déjà publiés, dans un format plus petit, plus compact et donc moins coûteux. (LE BLANC (B.), La révolution du livre de poche. Hermès, La Revue, 70(3), 2014, 61-62.)

p. 68 des chemins de fer, l’éditeur souhaitait des textes pour occuper les voyageurs. Pour répondre à cet objectif, l’éditeur se concentrait alors sur sept « types » d’ouvrage à publier : les guides des voyageurs, les histoires et les voyages, la littérature française, l’agriculture, l’industrie et le commerce, les livres pour enfants et enfin, les ouvrages divers309. Cet acte – le fait de sélectionner des textes qui correspond à ce que l’éditeur veut pour sa collection – n’est plus exécuté dans le même esprit. Il est possible de remarquer que la sélection des textes n’est plus faite de la même manière, du moins pas en littérature young adult. En effet, contrairement à la bibliothèque Charpentier qui se concentrait sur la littérature classique, les collection young adult d’aujourd’hui ne s’intéressent pas à un genre ou à un type de roman particulier. Il est possible d’expliquer cela par le fait que, comme cela a été expliqué auparavant, la littérature young adult ne connait pas de genres. C’est en ce sens que les collections young adult actuelles s’éloignent de ce qu’Isabelle Olivero décrit et que celles-ci semblent beaucoup plus « désordonnées » que la bibliothèque imaginée par Charpentier. Brigitte Ouvry-Vial parle d’un « geste éditorial310 » caractérisé avant tout par « les choix de l’œuvre, genre, auteur, lequel repose sur une mesure de sa valeur et des critères esthétiques311 ». Dans le cas de la littérature young adult, il est possible de remarquer que ce geste éditorial ne prend pas en compte le genre puisque cette notion n’a pas d’importance dans cette littérature. Ainsi, il serait alors plutôt question d’une sélection basée strictement sur le choix de l’œuvre, tant que celle-ci est écrite pour un public de jeunes adultes.

Il est cependant possible d’imaginer des collections young adult dont la sélection des œuvres se ferait également en prenant en compte le genre de celles-ci. Cependant, il faut noter qu’en France comme aux États-Unis, la sélection par genre est écartée. En effet, les maisons d’édition ne se restreignent que très rarement à un seul genre et publient tout type d’œuvre dès lors qu’elles correspondent au public visé. La raison principale est très certainement économique : par la publication de tout type de roman sans restriction de genre, il est possible de toucher plus de lecteurs. Il existe néanmoins des exceptions, c’est-à-dire des maisons d’édition qui ont décidé de centrer leur collection autour d’un seul « genre » de romans young adult. L’exemple le plus récent est celui de Glénat, qui lance la collection de romans young adult « On est prêt », centrée autour de titres qui ont pour but d’aider « les lecteurs dans leur

309 HACHETTE (L.) et cie., op.cit. 310 OUVRY-VIAL (B.), « L’acte éditorial : vers une théorie du geste », Communication et langages, vol. 154, n°1, 2007, p. 67-82. 311 Ibidem.

p. 69 prise de conscience face au changement climatique312 ». Par le biais de cette nouvelle collection, Aude Sarrazin, directrice éditoriale de Glénat Jeunesse, explique que la maison d’édition souhaite « mettre en lumière des actions concrètes pour lutter contre le changement climatique313 ». Si l’écologie n’est pas réellement un genre littéraire, il faut néanmoins souligner que la nouvelle collection des édition Glénat est organisée autour d’un même thème et que tous les romans publiés suivront celui-ci. Il s’agit d’une manière de faire encore très rare quand il s’agit de littérature young adult mais qui se rapproche de l’esprit de la bibliothèque Charpentier quand ce dernier choisissait exclusivement des classiques.

Il existe des exemples semblables du côté étasunien. La maison d’édition Simon & Schuster a ainsi créé la collection « Salaam Reads », une collection qui a pour but de publier exclusivement des titres qui se concentrent sur des « personnages musulmans et leurs récits314 ». Décrite comme étant la première collection de son genre créée par un des acteurs importants du marché du livre outre-Atlantique315, il est expliqué que Salaam Reads a pour but de « présenter aux lecteurs de toutes confessions religieuses une large variété [de récits] qui mettent en avant des jeunes musulmans et leurs familles, [tout en] offrant à ces jeunes une opportunité de se voir représenter positivement dans les titres publiés316 ». Encore une fois, et comme l’exemple francophone, cette collection n’est pas réellement fondée autour d’un genre littéraire mais plus sur un thème que les éditeurs souhaitent retrouver dans tous les titres qui seront par la suite publiés. L’exemple qui correspond le plus à la bibliothèque Charpentier et à la description donnée dans les travaux d’Isabelle Olivero est la collection Rick Riordan Presents. Cette dernière appartient à la maison d’édition Disney-Hyperion, créée à l’initiative de l’auteur Rick Riordan pour répondre à la demande de ses lecteurs qui souhaitaient lire des ouvrages qui traitent de mythes et de cultures – autre que grecque et romaine – venant du monde entier. Il explique que la création de cette collection vient du fait qu’il n’était pas la meilleure personne pour écrire sur ces sujets, avant de rajouter qu’il souhaite utiliser son expérience et son influence chez Disney-Hyperion pour mettre en avant des auteurs issus de ces cultures et qui feraient alors un meilleur travail à l’écriture de ces récits317. Cette collection reproduit le schéma décrit

312 LACOUR (C.), « Glénat lance une collection de romans Young adult », livreshebdo.fr, 22 juin 2020. Disponible ici : https://www.livreshebdo.fr/article/glenat-lance-une-collection-de-romans-young-adult 313 LACOUR (C.), op.cit. 314 « Simon & Schuster Children’s Publishing to Launch Muslim Children’s Book Imprint », about.simonandschuster.biz, 24 février 2016. Disponible ici : about.simonandschuster.biz/news/salaam-reads/ 315 Ibidem. 316 Ibidem. 317 « Rick Riordan Presents », rickriordan.com

p. 70 par Olivero : « la mise en série d’ouvrage [qui regroupe], pour un lectorat particulier, un ensemble adéquat choisi dans la totalité des livres disponibles318 ». Pour la collection Rick Riordan Presents, le « lectorat particulier » désigne le public jeunesse alors que « l’ensemble adéquat » désigne un ensemble de récits de fantaisie qui mettent en avant certaines mythologies. Il faut alors souligner que le travail de l’éditeur pour atteindre la « bibliothèque idéale » se concentre principalement sur une sélection basée sur le genre des récits – seulement de la fantaisie – et une sélection des auteurs – auteurs qui sont issus de minorités ethniques.

B. L’insertion des titres de Marie Lu dans leur collection respective Depuis ses débuts sur la scène young adult aux États-Unis, Marie Lu a écrit seize romans – le dernier en date, Skyhunter, est prévu pour la fin du mois de septembre 2020. Plus exactement, sur ces seize titres, treize sont des romans alors que les trois autres sont des nouvelles. L’autrice a également participé à l’écriture de courtes histoires qui ont été publiées dans des anthologies mais ces récits ne seront pas abordés dans le cadre de ce rapport de recherche puisque celui-ci se concentre seulement sur les ouvrages dont elle est la seule autrice. Sur les seize titres écrits jusqu’à présent, dix ont été traduits en français : les trilogies Legend (2012) et The Young Elites (2015) ont été publiées par l’éditeur Castelmore, la duologie Warcross (2018) par PKJ et les deux tomes uniques – Batman : Nightwalker (2018) et L’arbre éternel (2016) – par Bayard Jeunesse.

Il est intéressant de mentionner les six ouvrages qui n’ont pas été traduits et publiés et de notamment s’interroger sur les raisons qui pourraient expliquer le fait qu’ils ne soient pas proposés sur le marché français young adult. Tout d’abord, sur ces six œuvres, trois319 sont des nouvelles qui font parties de l’univers de la trilogie Legend. Sur le marché young adult français, il est très rare que les éditeurs choisissent de faire traduire des nouvelles, même si celles-ci ont été écrites par des auteurs à succès. Cela peut être lié à des raisons financières : les coûts liés à la publication d’une nouvelle sont trop grands comparé au prix de vente qui sera forcément bas à cause de la brièveté du texte. Les nouvelles écrites par Marie Lu ne sont pas les seules à ne pas avoir été publiées en France. En effet, les nouvelles dont l’intrigue se déroule dans le même univers qu’un best-seller connaissent également le même sort sur le marché français. Ainsi, les nouvelles écrites par Veronica Roth pour sa trilogie Divergente (2012) n’avaient pas été

318 OLIVERO (I.), op.cit. 319 Par date de publication : Life Before Legend (2013), Life After Legend (2017), Life After Legend II (2018). Les trois nouvelles ont été publiées par l’éditeur G.P Putnam 's Sons Books for Young Readers.

p. 71 publiées en France jusqu’à ce que son éditeur étasunien – Katherine Tegen Books – décide de les compiler en un seul livre et de publier ce dernier. Malgré la publication de cet ouvrage, il faut noter que les trois autres nouvelles de l’autrice n’ont pas été publiées en France, que cela soit en papier ou en numérique. D’autres exemples du même type peuvent être cités : les nouvelles de la saga à succès Red Queen320 de Victoria Aveyard n’ont pas été publiées en France, tout comme celles écrites par Alexandra Bracken dans le cadre de sa trilogie Les insoumis (2013).

Ensuite, le fait que les deux titres les plus récents de Marie Lu – The Kingdom of Back et Skyhunter – ne soient pas encore publiés en France peut s’expliquer par leurs dates de publication. En effet, le premier titre a été publié en mars 2020 alors que le second ne le sera qu’en septembre 2020. En ce qui concerne The Kingdom of Back, sa publication récente peut expliquer le fait que l’ouvrage ne soit pas encore disponible en France. En effet, en admettant que les droits à la traduction aient été achetés par une maison d’édition, il est possible d’imaginer que le travail éditorial ne soit pas encore terminé et que cela explique ainsi le fait que le titre ne soit pas encore disponible sur le marché young adult. Il faut également aussi souligner que The Kingdom of Back est un roman de fiction historique, un genre littéraire qui n’est pas répandu en littérature young adult. En prenant en compte cette information, il est possible d’imaginer qu’aucun éditeur ne soit intéressé par un tel ouvrage. Cependant, il est difficile de se prononcer définitivement sur une potentielle traduction française du titre dès lors que peu de temps s’est découlé depuis sa parution étasunienne.

Ensuite, Skyhunter n’est pas encore paru aux États-Unis. Il est rare que la traduction d’un titre étasunien ou anglais paraisse en France avant de paraître sur son marché originel. En général, la version française du titre tend à paraître quelques mois après sa parution anglophone. Cependant, il est possible de noter que les maisons d’édition française ont maintenant tendance à rapprocher la publication de leur traduction de la date de sortie étasunienne afin d’éviter un temps d’attente trop long entre la publication outre-Atlantique et la publication française. Cela peut s’expliquer par la nécessité pour les maisons d’édition française « d’empêcher » que les lecteurs achètent la version étasunienne du livre parce qu’ils ne souhaitent pas attendre la publication de la traduction. Un des exemples les plus récents est celui du dernier ouvrage de Suzanne Collins intitulé La ballade du Serpent et de l’Oiseau chanteur321, le préquel à la trilogie

320 AVEYARD (V.), Red Queen, HarperTeen, New York, 10 février 2015. En France : MSK, Paris, 11 mars 2015. 321 COLLINS (S.), La ballade du Serpent et de l’Oiseau chanteur (The Ballad of Songbirds and Snakes), Pocket Jeunesse, Paris, 20 mai 2020. Version originale : Scholastic Press, New York, 19 mai 2020.

p. 72 culte Hunger Games (2009). Ce dernier est arrivé sur le marché étasunien le 19 mai dernier alors que la traduction française a été publiée seulement un jour plus tard : le 20 mai. Il y a également eu un seul jour d’écart entre la sortie étasunienne de Midnight Sun322 – la réécriture du premier tome de la saga Twilight mais sous le point de vue d’Edward Cullen – et la sortie française. Cependant, il existe des instances où la maison d’édition française – en accord avec la maison originelle – publie la traduction avant sa sortie sur le territoire étasunien. C’est ainsi que la Collection R avait publié en « avant-première » Number 10323 de C.J Daugherty en octobre 2019, alors que le livre n’est toujours pas disponible sur le territoire étasunien324. Si cette dernière hypothèse reste malgré tout rare, il est possible d’imaginer que la maison d’édition l’annoncerait sur les réseaux sociaux afin de créer un certain engouement autour de la sortie du titre en question. Dans le cas de Skyhunter, de telles annonces sur les réseaux sociaux n’ont pas été faites malgré le fait que le livre sorte sur le territoire étasunien dans un peu plus d’un mois. Il est donc possible de penser qu’une sortie de type « avant-première » n’est pas prévu pour ce titre. Il arrive également que les maisons d’édition, par leur service de communication, annonce la parution prochaine d’un titre quelques mois avant la sortie dudit titre. C’est ainsi que par le biais de leur compte Instagram, les éditions Hachette avaient annoncé la sortie de Midnight Sun en France le 4 mai, soit trois mois en avance. C’est sur leur compte Twitter qu’ils avaient annoncé, également trois mois en avance, la sortie de plusieurs titres pour la fin août et septembre. Cependant, une nouvelle fois, de telles annonces n’ont pas été faites pour Skyhunter, ce qui peut signifier que si une traduction française est prévue, la publication de l’ouvrage ne se fera pas dans les prochains mois, c’est-à-dire entre sa date de parution aux États-Unis et la fin de l’année. Cela ne veut pas pour autant dire qu’une potentielle parution française est impossible. En effet, il existe de nombreux cas où la traduction d’un ouvrage étasunien n’arrive que des années après sur le marché français. C’était par exemple le cas de La haine qu’on donne (2017) qui a été publié en France un an après sa publication aux États-Unis.

Le dernier ouvrage non-traduit, Rebel325, est un cas intéressant. En effet, il conclue la trilogie – maintenant quadrilogie – Legend (2011), même s’il a été publié six ans après le troisième tome, Champion (2013). Marie Lu explique qu’elle avait pensé écrire Rebel quand elle avait terminé l’écriture de la trilogie, mais ce n’est qu’après avoir écrit sa duologie

322 MEYER (S.), Midnight Sun, Hachettes, Vanves, 5 août 2020. Version originale : Little, Brown Books for Young Readers, New York, 4 août 2020. 323 DAUGHERTY (C.J), Number 10, Robert Laffont, Collection R, Paris. 324 Le site officiel de l’autrice (christidaugherty.com) indique que Number 10 sortira en 2020 aux États-Unis. 325 LU (M.), Rebel, Roaring Brook Press, New York, 1er octobre 2019.

p. 73

Warcross (2017) qu’elle s’est réellement rendu compte qu’elle n’avait pas terminé de raconter l’histoire de Day et Eden – les personnages principaux de Legend326. Elle termine en disant qu’elle « voulait en découvrir plus » sur la manière dont ses personnages guérissaient après la guerre327. Rebel est un cas intéressant parce qu’un an après sa publication sur le territoire étasunien, il n’a pas encore été publié en France et cela, même s’il s’agit d’un titre qui conclue une série de livres à succès. Il est possible de penser que l’éditeur ne voit pas d’intérêt à publier un titre qui continue une trilogie qui était « censée » se terminer six ans auparavant. Cependant, il faut noter que sur le marché young adult, de manière générale, les éditeurs ne voient pas d’inconvénient à publier la « suite » d’une série de roman qui avait été annoncée comme « terminée » des années auparavant. Dans ce sens, Tahereh Mafi est revenue, quatre ans plus tard, avec trois tomes pour compléter sa trilogie Insaisissable (2011), tomes qui ont tous été traduits par son éditeur français, Michel Lafon Jeunesse. Ransom Riggs, auteur à succès de la série Miss Pérégrine et les enfants particuliers328, a également annoncé l’écriture de trois tomes pour continuer sa série qui était à l’origine une trilogie et qui s’était achevée en 2015. Le quatrième tome a été publié sur le territoire étasunien en 2018 et l’année suivante en France329. Bien que La ballade du Serpent et de l’Oiseau chanteur de Suzanne Collins soit un préquel à la trilogie Hunger Games et que Midnight Sun de Stephenie Meyer soit une réécriture du premier tome de Twilight, cela n’a pas empêché les éditeurs français de publier la traduction française. Il faut tout de même souligner que les deux sagas sont des succès internationaux et que cela aurait entraîner une grande perte d’argent s’ils n’avaient pas proposé ces titres sur le marché français. En prenant en compte ces éléments, il est ainsi possible de considérer que les éditeurs français ne sont pas réticents à publier des suites de sagas un jour considérées comme terminées. C’est pour cela que le cas de Rebel est intéressant car une potentielle traduction française n’a toujours pas été annoncée par son éditeur français, Castelmore.

Aux États-Unis, les trilogies Legend (2011) et The Young Elite (2014), la duologie Warcross (2017) et le tome unique The Kingdom of Back (2020), ont été publiés par G.P. Putnam's Sons Books for Young Readers alors que Batman : Nightwalker (2018) a été publié par Random House Children's Books. Il est intéressant de souligner que si les premiers titres

326 CANFIELD (D.), « Marie Lu talks returning to Legend with Rebel: 'I didn't realize I wanted closure' », ew.com, 8 août 2019. Disponible ici : https://ew.com/author-interviews/2019/08/08/marie-lu-rebel-legend/ 327 Ibidem. 328 RIGGS (R.), Miss Pérégrine et les enfants particuliers (Miss Peregrine’s Peculia Children), Toulouse, Bayard Jeunesse, 2011- ?. New York, Dutton Books for Young Readers, 2011- ?. 329 RIGGS (R.), La Carte des jours (A Map of Days), Toulouse, Bayard Jeunesse, 17 avril 2019. Version originale : New York, Dutton Books for Young Readers, 2 octobre 2018.

p. 74 cités ont été publiés dans une autre maison d’édition que Batman : Nightwalker, ces deux maisons appartiennent au groupe Penguin Random House – un groupe qui détient 275 maisons d’édition330. Il est également possible de penser que Batman : Nightmalker ainsi que L’arbre éternel (2015, Scholastic) auraient potentiellement pu être publiés par G.P. Putnam's Sons Books for Young Readers mais que, les deux titres faisant partie de deux séries de livres – D.C Icons pour le premier et Spirit Animals pour le second – créées par les deux maisons d’éditions respectives, il était alors logiquement impossible que les deux titres soient publiés chez un autre éditeur.

Le cas de Rebel est une nouvelle fois intéressant. En effet, comme cela a été expliqué auparavant, Rebel est la suite et fin de Legend. Comme il s’agit d’un récit étroitement lié à la saga, il est aisé de penser que ce quatrième tome aurait dû être publié par l’éditeur qui a publié Legend, c’est-à-dire G.P. Putnam's Sons Books for Young Readers. Malgré le lien entre Legend et Rebel, il est étonnant de voir que ce dernier a en réalité été publié par Roaring Brook Press, une maison d’édition qui fait partie du groupe Macmillan. Ce changement de maison d’édition peut cependant paraître plus censé dès lors qu’il est fait mention que Rebel, mais aussi Skyhunter, sont édités par Jennifer Besser, l’éditrice qui a acheté les droits et travaillé avec Marie Lu sur son tout premier livre mais également sur tous ses autres ouvrages jusqu’à ce qu’elle quitte Penguin Random House pour rejoindre Macmillan331. Avec cette information, il est possible de penser que Marie Lu souhaitait « suivre » l’éditrice avec qui elle travaille depuis ses débuts et a donc ainsi choisi de changer de maison d’édition même si cela signifiait que le quatrième tome de sa série culte Legend serait publiée chez un autre éditeur. Cette hypothèse est confortée par les propos de Jon Yaged, président de Macmillan Children’s Publishing Group [MCPG], qui avait expliqué que l’équipe de MCPG et lui-même étaient « aux anges que Marie rejoigne Roaring Brook Press et [qu’elle fasse] maintenant partie de la famille MCPG332 ». Il termine en se disant « honoré qu’elle est choisie MCPG pour la publication de ses trois prochains romans333 ».

330 www.penguinrandomhouse.com/imprints 331 ELLIS (M.), « Marie Lu signs three-book deal with Macmillan children’s publishing group », Macmillan children’s publishing group (communiqué de presse), 12 octobre 2018. Disponible ici : https://d1x9nywezhk0w2.cloudfront.net/wp-content/uploads/2018/10/09042412/MCPG-Marie-Lu- Announcement-.pdf 332 Ibidem. 333 Ibidem.

p. 75

Contrairement aux maisons étasuniennes, les titres traduits de Marie Lu sont répartis entre les éditeurs français sans que l’on y voie a priori de logique. Il est alors pertinent de se demander pourquoi un éditeur a choisi de traduire un titre et pas un autre. Pour cela, il semble nécessaire de comparer les titres de l’autrice avec les autres titres présents dans les collections où ils se trouvent. Castelmore est la maison d’édition qui a publié les deux premières trilogies de Marie Lu, Legend en 2012 et Young Elites en 2015. Ces deux séries sont celles qui ont introduit Marie Lu au marché français de la littérature young adult. Ces deux titres s’insèrent assez bien avec tous les autres titres présents dans la collection proposée par Castelmore. En effet, cette maison d’édition est décrite comme « spécialisé dans la publication de livres pour adolescents sur le thème de la fantasy, de la science-fiction et de l’humour334 ». Legend est une dystopie – un sous-genre de la science-fiction – et Young Elites de la fantaisie. Les deux titres entrent donc en adéquation avec la ligne éditoriale mise en avant par la maison d’édition. Au- delà du simple genre littéraire, Legend se fond parfaitement avec les autres titres proposés. En effet, publié en 2012, c’est-à-dire l’année où le premier film Hunger Games est sorti au cinéma, il entre dans la lignée des quelques titres dystopiques publiés par cet éditeur au moment où il s’agit du genre populaire sur le marché young adult. C’est ainsi que Legend rejoint d’autres titres dystopiques comme la trilogie Le dernier jardin335 de Lauren Destefano ou encore le tome parodique Hamburger Games336 écrit par The Harvard Lampoon, une revue étudiante de l’université de Harvard qui a notamment pour but d’écrire livres parodiques337. Le cas de la trilogie Young Elites est plus particulier. En effet, ce récit est considéré par son éditeur étasunien comme un récit de fantaisie mais Castelmore le présente dans son catalogue comme une dystopie et plus largement comme de la science-fiction338. Il est difficile d’expliquer ce choix puisque l’éditeur n'a pas communiqué sur les raisons derrière ce « changement » mais une des hypothèses qui pourraient l’expliquer serait le fait que l’éditeur ait voulu rattacher cette trilogie à la vague vendeuse qu’est la dystopie, malgré le fait qu’en 2015 – l’année de parution de Young Elites en France – la dystopie commençait déjà à s’essouffler. Cela paraît être un choix judicieux dans le sens où Young Elites est une trilogie qui suit plus ou moins les codes de la littérature dystopique, que l’univers créé pour ce récit est décrit comme étant inspiré de « l’Italie

334 https://fr.wikipedia.org/wiki/Castelmore_(maison_d%27%C3%A9dition) 335 DESTEFANO (L.), Le dernier jardin (The Chemical Garden), Paris, Castelmore, 2011-2014. Version originale : New York, Simon Schuster Books for Young Readers, 2011-2013. 336 THE HARVARD LAMPOON, Hamburger Games (The Hunger Pains: A Parody), Castelmore, Paris, 9 mars 2012. Version originale : Gallery Books, New York, 1 février 2012. 337 harvardlampoon.com/about/ 338 castelmore.fr/livre/view/young-elites

p. 76 de la Renaissance sur des terres dystopiques339 » et que l’autrice est alors déjà connue pour écrire de la dystopie.

Batman : Nightwalker et L’arbre éternel ont été publiés par les éditions Bayard Jeunesse. Comme expliqué précédemment, ces deux titres font parties d’une série de livres dont chaque tome est écrit par un auteur différent. Batman : Nightwalker est le deuxième tome de la série DC Icons. Le choix d’éditer une telle série semble de prime abord très surprenant parce que Bayard Jeunesse ne publie que très peu de science-fiction. De plus, les autres titres proposés ne semblent pas montrer un grand intérêt des éditeurs en ce qui concerne les super héros. Cependant, ce choix peut paraître plus censé dès lors que la sortie du premier tome de cette série, Wonder Woman : Warbringer340, coïncide avec la sortie du film portant le même nom. En plus de cela, ce premier tome a été écrit par Leigh Bardugo341, une autrice phare des éditions Milan – maison d’édition qui appartient à Bayard. Il est donc possible de supposer que les éditeurs souhaitaient publier un autre titre de l’autrice. Wonder Woman : Warbringer étant le premier tome d’une série, il était presque évident pour les éditeurs de faire traduire et de publier les tomes suivants. C’est ainsi que jusqu’à présent, tous les titres de cette série ont été publiés en France. L’arbre éternel est le septième tome de la série fantaisie Animal Tattoo. Contrairement à la série young adult DC Icons, celle-ci vise principalement les jeunes lecteurs à partir de 10 ans. Cette série de livres, bien qu’elle soit la seule série de fantaisie proposée pour cette tranche d’âge, est en réalité en adéquation avec ce que propose Bayard Jeunesse pour ses lecteurs de 10 ans et plus. En effet, le catalogue montre que, pour cette tranche d’âge, l’éditeur se concentre presque exclusivement sur l’édition de titres issus de séries de livres, que ces titres soient tous écrits par la même personne ou non. C’est ainsi que Bayard Jeunesse publie la série d’horreur Chair de Poule342 de R.L Stine, La cabane à 13 étages343 de Andy Griffiths ou encore Les 39 clés344 dont chaque tome est écrit par un auteur différent.

339 CALIX (L.), « The Young Elites by Marie Lu and Proxy by Alex London », nypl.org, 10 octobre 2014. Disponible ici : https://www.nypl.org/blog/2014/10/10/marie-lu-and-alex-london-books 340 BARDUGO (L.), Wonder Woman : Warbringer, Bayard Jeunesse, Toulouse, 9 septembre 2017. Version originale : Random House Children’s Books, New York, 28 août 2017. 341 Leigh Bardugo est notamment l’autrice à succès de la duologie Six of Crows (Toulouse, Milan), bientôt adaptée sur Netflix. 342 STINE (R.L), Chair de poule (Goosebumps), Bayard Jeunesse, Toulouse, 1995-2001 (série originale). Version originale : Scholastic Publishing, New York, 1992-1997 (série originale) et depuis 1994 pour la série spin-off. 343 GRIFFITHS (A.), La cabane à 13 étages (Treehouse), Bayard Jeunesse, Toulouse, 2016-?. Version originale : Pan Macmillan Australia, Sydney, 2011- ?. 344 Collectif d’auteurs, Les 39 clés (The 39 Clues), Bayard Jeunesse, Toulouse, 2011-?. Version originale : Scholastic Publishing, New York, 2008-?.

p. 77

Le choix des éditeurs des éditions PKJ de publier la duologie Warcross (2017) semble intéressant et même « sortir de l’ordinaire ». En effet, jusqu’à la publication de Hunger Games (2009), le catalogue ne montrait qu’un très petit intérêt des éditeurs face à la science-fiction ; seule la série Uglies (2015) de Scott Westerfled – une autre dystopie – se trouvait alors dans catalogue. L’arrivée de Marie Lu dans le catalogue avec un récit qui se déroule dans un futur proche mais encore identifiable pour le lecteur, semble alors une opportunité pour les éditeurs de faire « autre chose » que de la dystopie. Seule, la duologie semble presque « faire tache » dans le catalogue de l’éditeur qui, après que la vague dystopique soit passée, s’est plus concentré sur la fantaisie et les récits contemporains. Warcross, publié en janvier 2018, est un récit qui met en avant l’utilisation de nouvelles technologies dans un Tokyo futuriste. La publication de ce tome est suivie, quelques mois après, du premier volume d’une nouvelle série de science- fiction qui met également en avant l’utilisation d’une nouvelle technologie : Interfeel345 d’Antonin Atger. Cependant, même si Warcross a introduit aux lecteurs des éditions PKJ un autre type de récits de science-fiction, le catalogue n’a pas été « inondé » de ces récits. Au contraire, l’éditeur a gardé sa préférence pour la fantaisie et les récits contemporains et n’introduit de la science-fiction seulement quand il s’agit de publier des romans qui existent déjà chez un autre éditeur mais sous format poche.

345 ATGER (A.), Interfeel, PKJ, Paris, 7 juin 2018.

p. 78

Troisième partie. Le paratexte sous l’influence de la littérature young adult

Le texte est accompagné de ce que Genette nomme le « paratexte ». Lane rajoute par la suite sa propre définition en décrivant le paratexte comme étant un « ensemble de productions qui accompagnent le texte lui-même, l'annoncent, cherchent à le promouvoir : le paratexte est donc ce qui assure le passage de l'état de texte à celui de livre346 ». Celui-ci rajoute d’ailleurs une nuance qui n’avait pas été faites – volontairement – dans les travaux de Genette : la différence entre le paratexte auctorial et le paratexte éditorial. Lane explique que le paratexte auctorial regroupe tous les éléments qui impliquent la responsabilité de l’auteur tels que le titre, la dédicace ou encore l’épigraphe, alors que le paratexte éditorial relève de la responsabilité de l’éditeur.

Concevoir une collection permet de fidéliser un lectorat, car rassembler un certain nombre d’ouvrages sous un même « dispositif formel (format, couverture, mise en pages, etc) » permet au lecteur de retrouver et identifier plus facilement le contenu347. C’est à travers le paratexte que la collection se dessine réellement. Le paratexte construit la collection parce qu’il permet de qualifier le texte, orienter le lecteur dans sa lecture mais également de préparer à la réception. Il est alors ici question du geste éditorial : le fait pour l’éditeur d’interpréter les intentions de l’auteur pour pouvoir les transmettre au lecteur par le biais du texte qu’il aura « mis en livre348». C’est cette interprétation des intentions de l’auteur associée à la nécessité de mettre en livre tout en respectant « l’horizon d’attente de l’œuvre » qui décident des modalités d’édition349. En ce qui concerne le paratexte, le geste éditorial concerne alors « les choix techniques, format, papier, mise en page, maquette intérieure350 ».

Les éléments paratextuels font donc la collection. Ils forment une ligne directrice qui lie chaque ouvrage qui compose la collection. À titre d’exemple, la collection « Mon Histoire » de

346 LANE (P.), op.cit. 347 LITAUDON (M-P.), « Contribution des archives privées à l’étude de l’acte éditorial : le cas des collections pour la jeunesse », Strenæ, n°11, 20 octobre 2016. Disponible ici : http://journals.openedition.org/strenae/1679 348 OUVRY-VIAL (B.), op.cit. 349 Ibidem. 350 Ibidem.

p. 79 l’éditeur Gallimard Jeunesse ne cache pas sa charte graphique dominée par l’histoire : les premières couvertures mises côte à côte montrent une réelle homogénéité recherchée par l’éditeur. En effet, chaque couverture affiche systématiquement les mêmes éléments : une unique couleur qui sert de « fond » sur lequel est juxtaposé un bandeau où se trouve le titre et le sous-titre de l’ouvrage ; un portrait féminin représenté dans un médaillon. Il y a également des détails qui diffèrent d’une couverture à l’autre – le fait que les couvertures aient un « effet » abimé mais jamais représenté de la même manière – mais qui font complètement sens avec l’esprit de la collection. Même si le nom de la collection est systématiquement apposé sur la première de couverture, la charte graphique et donc le visuel des couvertures font comprendre au lecteur que tous les ouvrages font partie de la même collection. C’est donc par les éléments paratextuels et dans ce cas, les premières de couverture qui reprennent systématiquement les mêmes éléments qui aident à la réception de cette collection. Le lecteur est sensible à l’idée de la collection car il l’associe à des valeurs et des attentes qu’il s’attend à trouver avant même d’ouvrir le livre351. Ainsi, si le lecteur se trouve face à un ouvrage de la collection « Mon Histoire », il n’a pas besoin d’ouvrir le livre pour déjà se faire une idée du contenu : un récit qui aborde différentes époques de l’Histoire de France ou du monde pour un lectorat âgé de 9 à 13 ans352. Si la collection est un « vecteur particulièrement efficace de l’énoncé éditorial353 » par lequel il est plus aisé de présenter une œuvre à un public spécifique, Brigitte Ouvry-Vial souligne que cette efficacité empêche chaque œuvre d’exprimer son unicité :

[L]a standardisation des procédés d’impression, des conventions d’édition, l’importance croissante des stratégies commerciales qui prennent le pas dans la politique éditoriale d’ensemble sur la considération du texte en soi, entraînent une dilution et une réduction des traces comme de la marge de manœuvre même de cette écriture354.

Autrement dit, la collection façonne la manière dont un texte est perçu par le lecteur. Il est alors dit que les collections « conditionnent la recevabilité355 » de l’œuvre. C’est pour cela

351 LITAUDON (M-P.), op.cit. 352 VIGNARD (A.), « La collection “Mon Histoire” : quand “l’effet collection” favorise l’individu au détriment de l’Histoire », Repères, n°48, 2013. Disponible ici : http://journals.openedition.org/reperes/591. 353 LITAUDON (M-P.), op.cit. 354 OUVRY-VIAL (B.), « Performance du texte dans le livre ou le rôle de l’éditeur dans son accomplissement », dans Ambroise Barras et Éric Eigenmann (dir.), Textes en performances, Actes du colloque Cernet, novembre 2003, MétisPresses, Genève, 2006, p. 171-182. 355 LITAUDON (M-P.), op.cit.

p. 80 qu’une même œuvre publiée dans deux collections différentes ne sera pas appréhendée de la même manière par le lecteur.

L’effet de collection n’a cependant pas de prise sur la littérature young adult comme cela a été mentionnée précédemment. Une collection à l’image de la bibliothèque Charpentier n’a pas de sens pour une littérature où tous les livres sont regroupés sans réelle distinction de genre et où l’important est que les ouvrages soient écrits pour un public spécifique. C’est pour cela qu’il est difficile de distinguer une ligne directrice dans le paratexte même si ce n’est qu’au niveau de la première de couverture ou de la typographie. Comme le montre la suite de cette étude, les collections young adult montrent une grande variété de première de couverture. Des exceptions – des éditeurs qui souhaitent conserver une charte graphique cohérente pour tous les ouvrages publiés – existent mais se font rares. Cela ne veut cependant pas signifier qu’il n’existe pas de collections young adult : elles existent mais ne sont pas aussi facilement identifiables qu’une collection comme « Mon Histoire » de Galimard Jeunesse où les premières de couvertures qui suivent les mêmes « codes » suffisent pour montrer que chaque ouvrage fait partie d’un même groupement. Aujourd’hui, en littérature young adult, seuls le nom de la maison d’édition apposée sur la première de couverture et le logo de celle-ci en bas du dos permettent au lecteur de savoir à quelle collection appartient un ouvrage.

p. 81

I. La première de couverture : capter l’attention La première de couverture est le premier aspect de l’objet-livre que le lecteur aperçoit. L’éditeur doit alors la concevoir avec soin pour capter l’attention du lecteur et le pousser à l’achat. Les éléments paratextuels sont intéressants à étudier dès lors qu’ils sont amenés à être modifiés lors du passage du territoire étasunien au territoire français. Il est également important de noter que la littérature young adult et les questions sociales qu’elle soulève influencent énormément la conception de l’objet-livre.

A. La première de couverture : entre enjeu économique et enjeu social En librairie, sur les sites marchands qui vendent des livres ou encore en grande surface, la première de couverture est normalement, la première chose que le lecteur aperçoit du livre. Philippe Lane explique d’ailleurs que la première de couverture « assure une fonction importante de présentation et d’incitation à l’achat, car elle est (presque) systématiquement regardée par la personne qui manipule le livre356 ». L’enjeu est alors d’autant plus important dès lors qu’il est estimé qu’une personne passe environ huit secondes à regarder une couverture357. Il s’agit d’un enjeu économique pour pousser à l’achat mais également un enjeu auprès du lecteur car la couverture est la première image que le lecteur se fait du texte. Ainsi, il est possible de considérer la couverture comme un moyen pour le lecteur de se saisir du texte par les yeux avant même de se l’approprier par les mains en saisissait l’objet livre. Charles Grivel écrit que « la “couverture” constitue donc le passage obligé grâce auquel un lecteur se représente le livre, imagine être informé sur son contenu, adapte son attente, évalue les chances de satisfaction, décide de passer à l’acte358 ».

La première de couverture est un véritable enjeu pour l’éditeur qui se doit d’abord de démarquer son livre des centaines autres ouvrages qui sont mis sur les tables des libraires mais tout en gardant à l’esprit qu’elle a également pour objectif d’informer le lecteur sur le contenu du livre : la couverture est alors considérée comme un « support à part entière d’informations nécessaires à son appréhension359 ». L’éditeur doit construire une couverture tout en gardant à l’esprit que celle-ci doit remplir plusieurs objectifs. Cependant, quand il s’agit de se démarquer,

356 LANE (P.), « Seuils éditoriaux », Espaces Temps, n° 47-48, 1991, p. 95. 357 Auteur inconnu, « L’importance de la première de couverture », edilivre.com, 16 février. Disponible ici : https://www.edilivre.com/limportance-de-la-premiere-de-couverture/ 358 GRIVEL (C.), « De la couverture illustrée du roman populaire », Belphégor, 16-1, 2018, mis en ligne le 16 juillet 2018. Disponible ici : https://journals-openedition-org.lama.univ-amu.fr/belphegor/1270#quotation 359 Ibidem.

p. 82 il est possible de remarquer qu’une partie des éditeurs français ne jouent pas le jeu. En effet, à chaque rentrée littéraire, il est souligné qu’il n’y a jamais de grande surprise :

Cette saison comme les précédentes, les variations seront pâles : l’édition française aime se rouler dans la blanche. Gallimard, POL, Minuit, L’Olivier, Flammarion, Albin Michel, etc. Même Actes Sud, qui avait frappé fort, à sa création en 1978, avec son format allongé, son papier jonquille et ses couvertures photo, s’est converti il y a deux ans au magistère immaculé du blanc pour sa littérature française – ou plutôt de l’ivoire, la véritable couleur de la collection historique et emblématique, la « NRF » de - Gallimard360.

Manuel Carcassonne, patron des éditions Stock, estime que « plus une couverture est sobre, plus elle est littérairement installée361 ». Il est également dit que ce « degré zéro de l’invention362 » est typique de l’édition française littéraire car cela témoigne de « la haute estime pour le texte, rien que le texte363 ». Cette sobriété des couvertures en littérature française ne se retranscrit pas en littérature jeunesse et young adult où les éditeurs privilégient des couvertures beaucoup plus évocatrices du contenu du livre et qui se rapprochent donc de l’idée que la couverture permet au lecteur de se représenter celui-ci. C’est ainsi que les éditeurs privilégient des couvertures illustrées, photographiques – c’est-à-dire avec des personnes réelles représentées – et plus rarement, des couvertures typographiques. Les deux premiers types de couvertures sont privilégiés parce qu’elles ont l’avantage de permettre aux lecteurs de pouvoir s’approprier le texte plus facilement. En ce sens, une couverture illustrée qui représente par exemple une personne permettra au jeune lecteur d’imaginer le physique du personnage principal avant même d’avoir lu le texte. Plus que la représentation d’un ou de plusieurs personnages, l’illustration et la photographie donnent le ton sur le récit qui se trouve entre les pages de l’objet-livre. Autrement dit, une couverture aux tons sombres – comme c’est souvent le cas pour les romans policiers et les thrillers – annonce un récit plus lugubre et noir.

Gérard Genette considère cependant que « la couverture est de moins en moins souvent la première manifestation du livre qui soit offerte à la perception du lecteur, puisque l’usage se répand de la couvrir elle-même, totalement ou partiellement, d’un nouveau support paratextuel

360 CLARINI (J.), « Quand l’habit fait le livre », lemonde.fr, 25 août 2014. Disponible ici : https://www.lemonde.fr/livres/article/2014/08/27/quand-l-habit-fait-le-livre_4477732_3260.html 361 Ibidem. 362 Ibidem. 363 Ibidem.

p. 83 qui est la jaquette ou la bande364 ». Ces propos trouvent néanmoins une portée limitée sur le marché français de la littérature jeunesse et young adult puisque l’utilisation de la jaquette et même du bandeau n’est pas encore répandu, contrairement au marché étasunien où la jaquette est la norme pour les éditions reliées. L’utilisation de la jaquette sur le marché étasunien s’explique par le fait que chaque ouvrage se voit d’abord publier en format relié – couverture cartonnée dure – et que l’objet-livre doit donc être recouvert d’une jaquette parce que sans celle- ci, le lecteur n’aurait pas accès aux informations normalement présentes sur la première et la quatrième de couverture. Genette considère ensuite la jaquette et le bandeau comme des « annexes à la couverture365 » qui, par leur caractère amovible et éphémère, « invitent le lecteur à s’en débarrasser une fois remplie leur mission d’affiche366 ». Cette fois-ci, ces propos trouvent une portée limitée sur le marché étasunien de la littérature jeunesse et young adult. En effet, il est difficile de considérer la jaquette comme était une simple « affiche » dès lors qu’elle est essentielle pour donner toutes les informations au lecteur. Un livre relié sans jaquette serait alors un livre « sans information » c’est-à-dire un livre où seul le titre et le nom de l’auteur sont indiqués et cela, seulement sur le dos. Sur le marché français cependant, les propos de Genette trouvent tout à fait sens. Les rares fois où les jaquettes sont utilisées en littérature jeunesse et young adult, celles-ci ont pour but de capter le regard du lecteur. Comme Genette le mentionne, la jaquette permet alors « d’attirer l’attention par des moyens plus spectaculaires qu’une couverture ne peut ou ne souhaite s’en permettre : illustration voyante, rappel d’une adaptation cinématographique ou télévisuelle, […]367 ». Il est possible de remarquer qu’en littérature young adult, les jaquettes sont généralement utilisées pour rappeler une adaptation cinématographique. C’est ainsi que la sortie du film Divergente, les éditions Nathan avaient recouvert le premier tome d’une jaquette à l’image de l’affiche du film et avaient recouvert les deux tomes suivants avec une jaquette qui indiquait « la suite du roman adapté au cinéma ! ». Cependant, il faut souligner que l’usage de la jaquette n’est pas la norme même si un titre est adapté au cinéma. En effet, pour la sortie de l’adaptation cinématographique du roman Moi, Simon, 16 ans, homo sapiens368 – renommée « Love, Simon » pour le grand écran – les éditions Hachette avaient directement changé la première de couverture pour reprendre l’affiche du film

364 GENETTE (G.), Seuils, Paris, éditions du Seuil, 1987, p.30. 365 Ibidem. 366 Ibidem. 367 Ibidem. 368 ALBERTALLI (B.), Moi, Simon, 16 ans, homo sapiens (Simon vs. The Homo Sapiens Agenda), Hachette, Vanves 15 avril 2015. Version originale : Balzer + Bray, New York, 7 avril 2015.

p. 84 et avaient également changé le titre du roman en Love, Simon, comme pour signifier qu’il s’agissait bien du livre dont le film était tiré.

L’utilisation du bandeau est encore plus rare en littérature young adult et cela, que ce soit sur le territoire français ou étasunien. Genette explique que le bandeau est « une mini- jaquette réduite au tier inférieur de la hauteur du livre369 » où il est possible de trouver une photographie et le nom de l’auteur, une répétition du titre de l’ouvrage et également une mention de prix littéraire si le livre en a remporté un370. En prenant en compte toutes ces informations, il est compréhensible que le bandeau ne soit pas plus répandu aux États-Unis. En effet, toutes les fonctions du bandeau décrites ci-dessus sont déjà remplies par l’utilisation de la jaquette : la photographie de l’auteur se trouve sur le second rabat alors que les prix littéraires remportés ainsi que le nom de l’auteur sont imprimés sur le devant de la jaquette qui sert de première de couverture. Il est plus difficile d’imaginer les raisons pour lesquelles le bandeau n’est pas plus utilisé sur le territoire français quand il s’agit de littérature young adult. Il est possible d’imaginer que sa fabrication a un coût de revient trop élevé pour l’éditeur – ce qui avait été le cas pour les éditions du Seuil qui avait abandonné leur utilisation pour cette raison371.

Comme c’est le cas à chaque fois qu’un livre est traduit, l’éditeur a la possibilité de garder la couverture d’origine ou d’en faire créer une nouvelle. En littérature young adult, l’un n’est pas préféré à l’autre : les éditeurs gardent autant les couvertures d’origine qu’ils les changent. Il faut néanmoins noter que sur ces dernières années, les éditeurs tendent à changer les couvertures quand celles-ci sont de type typographique. Si celles-ci sont courantes sur le marché étasunien – surtout en littérature young adult et adulte – ce n’est pas le cas sur le marché français. Pour ne citer que quelques exemples, les éditions Bayard Jeunesse ont changé les couvertures de la duologie Exo372 de Fonda Lee pour y faire apparaître le personnage principal et un paysage, ce qui a également été le cas pour la duologie Warcross de Marie Lu. Cependant, il existe des instances où la couverture typographique est gardée par l’éditeur français. C’est ainsi le cas pour Frankly in Love373 de David Yoon. Il est difficile de déterminer les raisons

369 GENETTE (G.), op.cit, p. 31. 370 Ibidem. 371 Ibidem, p. 32. 372 LEE (F.), Exo, Bayard Jeunesse, Toulouse, 21 février 2018. Version originale : Scholastic, New York, 31 janvier 2017. 373 YOON (D.), Frankly in Love, Albin Michel, Paris, 26 février 2020. Version originale : G.P. Putnam’s Sons Books for Young Readers, New York, 10 septembre 2019.

p. 85 derrière les changements ou le maintien des couvertures. Cela peut relever d’un manque de moyens financiers – l’éditeur n’a pas les fonds pour acheter les droits d’utilisation de la couverture sur le territoire français – ou relever d’un choix plus « esthétique » pour convenir au marché français et ce à quoi les lecteurs sont habitués : des couvertures illustrées ou photographiques.

La prise de conscience du côté des lecteurs soulève un problème qui semble récurrent sur le marché français de la littérature young adult : l’invisibilisation des personnages ethniques sur les premières de couverture. Autrement dit, quand sur la couverture originelle un personnage ethnique est représenté, l’éditeur aura tendance d’effacer cette représentation – en mettant le personnage de dos ou encore en le représentant par une simple silhouette. S’il ne s’agit pas d’un procédé nouveau, il s’agit néanmoins d’un fait qui est de plus en plus soulevé par les lecteurs maintenant que les discussions autour du manque de représentation et de diversité sont plus présentes en littérature jeunesse et young adult. En ce sens, Nadège Da Rocha, créatrice du blog Planète Diversité, soutient qu’elle « a l’impression que le but, c’est de tout faire pour que le lecteur “lambda”, celui qui est blanc, hétéro, cis, valide…, ne se sente pas exclu sans même prendre en compte que cette exclusion existe depuis des années envers les minorités374 ». Da Rocha pointe également le fait que cette invisibilisation va au-delà des personnages ethniques et que les couples non-hétérosexuels sont soit rarement représentés sur les couvertures francophones, soit effacées lors du changement de couverture.

374 LE CORRE (M.), « En France, l'édition jeunesse a une fâcheuse tendance à effacer les héroïnes racisées », slate.fr, 20 juillet 2020. Disponible ici : http://www.slate.fr/story/192789/litterature-jeunesse-young-adult-france- edition-effacement-heroines-racisees

p. 86

Avec cette prise de conscience, les lecteurs trouvent de plus en plus d’exemples qui prouvent cette pratique éditoriale, notamment quand il s’agit de protagonistes asiatiques. Le dernier exemple en date est celui de la couverture française du titre Un été à emporter375 de Maurene Goo.

Couverture étasunienne Couverture française

Couverture étasunienne Couverture française

375 GOO (M.), Un été à emporter (The Way You Make Me Feel), Milan, Toulouse, 24 juin 2020. Version originale : Farrar Straus and Giroux, New York, 8 mai 2018.

p. 87

Pour justifier ce choix, Charlotte Mériaux, directrice littéraire du département Fictions chez Milan, explique que « ce ne sera jamais une volonté ni un parti pris d’ordre commercial376 » et rajoute qu’au contraire, « les éléments de culture coréenne qu’apportent les romans de Maurene Goo sont déterminants dans notre désire de traduire l’autrice et de défendre son travail377 ». Les éditions Milan sont alors catégoriques : ils ne « gomment pas la diversité378 ». La directrice littéraire explique que lors de la conception d’une nouvelle couverture pour la traduction française du titre, l’équipe éditoriale se devait de respecter la charte graphique de la collection. Pour cela, ils cherchaient « des éléments visuels en rapport avec l’histoire, les K-dramas ou les séries télé pour 24 épisodes pour lui plaire379, un food-truck pour Un été à emporter, avec un personnage correspondant à la description du roman – une jeune femme d’origine coréenne, donc380 ». Elle termine en expliquant qu’une telle photographie n’a pas été trouvée381 et qu’elle s’est donc résolu à utiliser une image où le personnage principal est de dos, ce qui rend alors très difficile d’identifier l’ethnicité du personnage, contrairement aux couvertures originelles où il est facile d’identifier celui-ci comme asiatique. Si les couvertures créées par la maison d’édition entrent dans leur charte graphique et s’accordent ainsi visuellement avec d’autres livres qui sont publiés à la même période, c’est l’absence d’une plus claire représentation qui est continuellement déplorée par les lecteurs.

Du côté anglophone, si l’invisibilisation des minorités est aussi notée, le principal problème dénoncé est celui de ce que l’on appelle en anglais « whitewashing » c’est-à-dire le fait pour une maison d’édition de représenter un personnage ethnique par un personnage blanc sur la couverture de l’ouvrage. Il est estimé que ce procédé est utilisé depuis des années, si ce n’est des décennies et certains de ces cas ont tellement fait de bruit que les éditeurs ont été forcés de republier les titres mais cette fois-ci avec une couverture qui représente correctement le personnage382. Pour ne citer que quelques exemples, le titre Magic Under Glass383 de Jaclyn Dolamore, dont l’héroïne est afro-américaine, avait d’abord été représentée par une femme blanche sur la couverture. Lors du changement de couverture pour obtenir une représentation

376 LE CORRE (M.), op.cit. 377 Ibidem. 378 Ibidem. 379 GOO (M.), 24 épisodes pour lui plaire (I believe in a thing called love), Milan, Toulouse, 15 mai 2019. Version originale : Farrar, Straus and Giroux, New York, 30 mai 2017. 380 LE CORRE (M.), op.cit. 381 Ibidem. 382 SCHUTTE (A.), « It Matters If You’re Black or White: The Racism of YA Book Covers », yalsa.ala.org, 10 décembre 2012. Disponible ici : http://www.yalsa.ala.org/thehub/2012/12/10/it-matters-if-youre-black-or-white- the-racism-of-ya-book-covers/ 383 DOLAMORE (J.), Magic Under Glass, Bloomsbury Children’s Books, Londres, 22 décembre 2009.

p. 88 plus fidèle du personnage principal, Bloomsbury avait parlé d’une « erreur384 » de leur équipe. Justine Larbalestier, une autrice dont la couverture avait également été « blanchie385 » par le même éditeur, avait commenté cette situation :

Il ne s’agit pas de la justesse des premières de couverture. Il ne s’agit pas de blond quand le personnage est brun ; il ne s’agit pas de la mauvaise longueur de cheveux ou d’une mauvaise couleur de robe ; ce n’est même pas à propos de gros ou mince… Mettre une fille blanche sur un livre à propos d’une fille noire n’est pas seulement un peu inexact. Cela fait partie d’une longue histoire de marginalité et de mauvaise représentation. Les éditeurs ne choisissent pas aléatoirement des modèles blancs. Cela arrive dans un contexte raciste386.

Un exemple plus récent serait celui de Winter387 de Marissa Meyer. L’héroïne noire a également été représentée par une femme blanche sur la couverture. Il s’agit d’un cas qui a fait beaucoup parler de lui sur le marché français. En effet, interpellé sur les réseaux sociaux, l’éditeur français a reconnu sa faute et a expliqué que cette erreur était dû au fait que la couverture avait été réalisée avant que le texte ne soit lu388. Pour rectifier cela, une nouvelle couverture, représentative du personnage principal, sera attribuée à la réédition en poche du titre, en décembre prochain389. L’explication de l’éditeur soulève néanmoins des interrogations. En effet il semble étrange qu’un éditeur puisse concevoir une couverture avant même que le texte ne soit lu puisque la première de couverture est censée représenter le récit. De plus, cela met également en avant une problématique liée à la représentation et à la diversité : le fait que le personnage principal d’un récit soit immédiatement imaginé comme blanc et non comme une personne ethnique.

Ainsi, si à l’origine la première de couverture avait tout d’abord un objectif commercial – attirer le lecteur – mais également un objectif informatif, il faut aujourd’hui noter qu’elle porte une sorte de message politique pour les communautés marginalisées qui réclament une meilleure représentation, surtout en littérature jeunesse et young adult, des livres écrits pour un

384 WARD (K.), « Bloomsbury withdraws 'Magic Under Glass' cover after whitewashing », ew.com, 22 janvier 2010. Disponible ici : https://ew.com/article/2010/01/22/bloomsbury-whitewashing-magic-under-glass/ 385 Le terme « blanchi » est ici utilisé comme traduction de la notion anglaise « whitewashing ». 386 LARBALESTIER (J.), « Race & Representation », justinelarbalestier.com, 19 janvier 2010. Disponible ici : http://justinelarbalestier.com/blog/2010/01/19/race-representation/ 387 MEYER (M.), Winter, PKJ, Paris, 21 avril 2016. Version originale : Feiwel & Friends, New York, 10 novembre 2015. 388 LE CORRE (M.), op.cit. 389 Ibidem.

p. 89 public encore en plein développement et en recherche de soi. Cette visibilité est d’autant plus importante qu’il a été démontré que la représentation – qu’elle soit bonne ou mauvaise comme une représentation qui perpétue des stéréotypes racistes – façonne la manière dont les minorités sont perçues par la société et comment elles se perçoivent elles-mêmes390. En ce sens, une étude a démontré que :

Des préjugés « raciaux » non-verbaux dans les expressions faciales ou le langage corporel, comme représentés dans des séries télévisées, influencent les biais préexistants des téléspectateurs blancs. […] Ces spectateurs prennent les stéréotypes qu’ils voient sur les écrans comme la réalité quand ils n’ont pas eu d’interaction directes avec des personnes issues de minorités ethniques. Par exemple, les stéréotypes contre la communauté latine peuvent amener les spectateurs à associer l’immigration avec l’augmentation du taux de chômage et du taux de criminalité. De plus, l’effacement et la représentation incorrecte des personnes ethniques peut également affecter les personnes concernées. Une longue exposition à la télévision diminuerait l’estime de soi des garçons et filles noires alors que cela augmenterait celle de leurs pairs blancs391.

B. Maintien ou modification des éléments paratextuels Les éléments paratextuels sont ici intéressants à étudier car ce mémoire porte sur des titres vendus sur le territoire étasunien puis importés sur le marché français. Il est donc intéressant de se pencher sur la manière dont le paratexte change d’un territoire à un autre et pourquoi les éditeurs font certains choix. S’il s’agit d’une étude qui concerne les marchés étasunien et français de la littérature young adult, il sera principalement fait référence aux ouvrages de Marie Lu cités précédemment.

Genette explique que « le texte se présente rarement à l’état nu392 » et qu’il doit alors être vêtu pour pouvoir être présenté mais aussi être rendu présent auprès des lecteurs393. Après l’illustration ou la photographie utilisée pour la première de couverture, le titre est certainement l’élément qui attire le plus l’œil du lecteur. En effet, il domine sur la couverture et a une sorte de présence « supérieure » aux autres éléments qui composent le paratexte. Il semble être

390 RUIA (D.), « Opinion | Move over, Chad: The importance of representation on-screen », pittnews.com, 24 mars 2020. Disponible ici : https://pittnews.com/article/156504/opinions/opinion-move-over-chad-the-importance-of- representation-on-screen/ 391 WANG YUEN (N.), « Why Is Equal Representation In Media Important? », forbes.com, 22 mai 2019. Disponible ici : https://www.forbes.com/sites/quora/2019/05/22/why-is-equal-representation-in-media- important/#2ccaa94d2a84 392 GENETTE (G.), op.cit. 393 Ibidem.

p. 90 dominant à cause de la manière dont il est présenté par rapport aux autres éléments paratextuels mais également par le fait qu’il est répété à plusieurs reprises. C’est ainsi que le titre est présent à au moins quatre endroits sur l’objet-livre : la première de couverture, le dos de la couverture, la page de titre et la page de faux-titre394. Dans certains cas cependant, le titre peut être ajouté à d’autres endroits en plus des emplacements cités précédemment. Par exemple, pour les ouvrages étasuniens, le titre se trouvera deux fois sur le dos du livre : une fois sur la jaquette et une fois sur l’objet-livre. Le titre peut également être répété à chaque page si l’éditeur décide d’ajouter des folios. D’ailleurs, le titre se démarque autant sur la première de couverture à cause de la typographie : le titre doit se démarquer de l’image utilisée pour la première de couverture et pour cela, la police d’écriture ainsi que la taille de caractère sont des facteurs à prendre en compte. C’est pour cela qu’il est très rare qu’une même police soit utilisée pour le titre et le nom de l’auteur. Les couvertures typographiques en sont la preuve puisqu’elles montrent généralement un jeu entre les différentes tailles de caractères : le titre en gros et le nom de l’auteur en plus petit.

Cette idée de différenciation est notée dans la définition que Claude Duchet donne du titre : « un message codé en situation de marché : il résulte de la rencontre d’un énoncé romanesque et d’un énoncé publicitaire […]395 ». En effet, le titre a pour objectif de décrire, d’une manière succincte, l’objet du récit tout en restant attractif aux yeux du public. Il doit être attractif pour éveiller la curiosité du public, et ce, en quelques secondes. Genette explique d’ailleurs que si le destinataire du titre est le public, ce terme est à prendre au sens le plus large possible. En ce sens, il considère que le titre vise toutes les personnes possibles et pas seulement les lecteurs de l’ouvrage396. Le titre doit alors être attractif pour les lecteurs mais également pour toutes les autres personnes qui « ne lisent pas nécessairement, ou pas entièrement, mais qui participent à sa diffusion, et donc à sa “réception”397 ». Par ces mots, Genette vise alors les libraires, les attachés de presse, les représentants, ou plus généralement toutes les personnes qui ne lisent pas mais peuvent pousser à la lecture398. Charles Grivel parle alors des trois fonctions du titre : « identifier l’ouvrage, désigner son contenu et le mettre en valeur399 ».

394 GENETTE (G.), op.cit., pg. 63. 395 ACHOUR (C.), REZZOUG (A.), Convergences Critiques : Introduction à la lecture du littéraire, Office des Publication Universitaires, Alger, 2009, p. 28. 396 GENETTE (G.), op.cit, p. 72. 397 Ibidem. 398 Ibidem. 399 Ibidem, p. 73.

p. 91

Si Genette explique que seule la première fonction – l’identification de l’ouvrage – est obligatoire et que la deuxième peut paraître inutile400, il faut noter qu’en littérature young adult, qu’il s’agisse du marché français ou du marché étasunien, le titre doit mettre en valeur l’ouvrage. Idéalement, tous les titres mettraient leurs ouvrages en valeur mais en littérature young adult, où la production ne cesse de s’accroître, chaque titre porte un enjeu économique. Cependant, il est possible de noter que sur le marché étasunien, de nombreux titres choisis – qu’ils soient choisis par l’auteur ou avec l’aide de l’éditeur – sont similaires, par leur structure, à d’autres titres de romans déjà existants sur le marché. Cette structure – [nom commun] of [nom commun] and [nom commun] –, même si elle donne des titres à chaque fois différents, peut sembler redondante à l’oreille du public et peut même aller jusqu’à porter à confusion si les titres désignent des ouvrages de même genre littéraire. Ainsi, pour ne citer que quelques exemples de ces titres : Children of Blood and Bone401, Daughter of Smoke and Bone402, Crown of Coral and Pealr403, A Song of Wraiths and Ruin404, A Court of Thorns and Roses405, etc… Il ne s’agit pas d’une difficulté qui se retranscrit forcément en France puisque l’éditeur a toujours la possibilité de changer le titre lors du passage de l’ouvrage sur le marché young adult français. La difficulté bascule alors sur une autre question : faut-il ou non garder le titre original ?

400 Ibidem. 401 ADEYEMI (T.), op.cit. 402 TAYLOR (L.), Daughter of Smoke and Bone, Little, Brown Books for Young Readers, New York, 27 septembre 2011. 403 RUTHERFOR (M.), Crown of Coral and Pearl, Inkyard Press, New York, 27 août 2019. 404 BROWN (R. A), A Song of Wraiths and Ruin, Balzer + Bray, New York, 2 juin 2020. 405 MASS (S. J), A Court of Thorns and Roses, Bloomsbury USA Childrens, New York, 5 mai 2015.

p. 92

Couvertures étasuniennes (éditeur : G.P Putnam's Sons Books for Young Readers)

Couvertures françaises (éditeur : Castelmore)

Pour les ouvrages de Marie Lu, il est possible de remarquer qu’il n’existe pas de tendance : ses titres sont autant gardés en anglais qu’ils sont adaptés en français. En ce qui concerne sa première trilogie publiée aux éditions Castelmore, l’éditeur a fait le choix de conserver les titres anglais : Legend, Prodigy et Champion. Cela peut s’expliquer par le fait que même si ces termes sont anglais, ils restent néanmoins très transparents : leur compréhension est alors accessible même à un public qui ne maîtrise pas l’anglais. Cependant, il est aussi possible de noter que la transparence des termes est si forte, que la traduction en français des titres n’aurait pas eu d’effet sur leur sens. Il est alors difficile de trouver une explication derrière ce choix de l’éditeur mais il est possible de supposer que celui-ci voulait peut-être démarquer cette trilogie dystopique de toutes celles parues pendant la même période et qui, pour la plupart, avaient des titres français. Pour la seconde trilogie de l’autrice, l’éditeur a décidé de mélanger

p. 93 deux langues avec un titre anglais et un sous-titre français. En effet, le premier tome nommé The Young Elites chez les anglophones a été renommé Young Elites pour le marché français. Ce choix semble étonnant dès lors qu’il ne semble pas exister de raison apparente derrière le choix de supprimer la particule « the ». En effet, supprimer la particule aurait fait sens si l’éditeur avait fait le choix de changer totalement le titre. Dans cette situation cependant, cette suppression donne un sens plus général au titre alors que cette généralité n’est pas présente avec le titre anglais. « The Young Elites », dans le récit de Marie Lu, désigne un groupe spécifique de jeunes personnes qui, après avoir survécu à une pandémie, se retrouve avec des capacités hors du commun. Ce choix n’est cependant pas isolé en littérature young adult et rappelle celui qui a été fait lors de la publication de Hunger Games – The Hunger Games aux États-Unis – en France. Pour les deux tomes suivants, l’éditeur a fait le choix de traduire les titres, ce qui créé alors une rupture avec le premier tome de la trilogie. Ainsi, The Rose Society a été traduit par La Confrérie de la rose et The Midnight Star par L’école de minuit. L’éditeur n’a pas opté pour une traduction littérale des titres mais pour une traduction littéraire, bien que le second tome avait d’abord été publié avec une traduction littérale – La Société de la rose – avant que l’éditeur ne le change pour son titre actuel.

Il faut par ailleurs noter la manière dont ces titres sont présentés sur la première de couverture. Plus exactement, sur les éditions françaises de cette trilogie, « La Confrérie de la rose » et « L’école de minuit » doivent être considérés comme des sous-titres plutôt que des titres. En effet, le second et le troisième tome annoncent, comme le premier, les mots « Young Elites » sur la première de couverture. La typographie est identique à celle utilisée pour le premier tome. Les illustrations de première de couverture se ressemblent si fortement, qu’il est possible que le public soit amené à confondre les tomes entre eux. Pour éviter cela, l’éditeur a fait le choix de rajouter les « vrais » titres en-dessous de ce qui est alors considéré comme le titre. C’est ainsi que par un jeu de police et de taille de caractère, « La Confrérie de la rose » et « L’école de minuit » deviennent alors les sous-titres de « Young Elites ». En plus de cela, l’ajout d’un chiffre – généralement le chiffre deux ou le chiffre trois – permet au public de connaître l’ordre de lecture des ouvrages. Ce choix typiquement français est intéressant car il va à l’encontre de la manière de faire étasunienne où les éditeurs mettent en avant les titres et utilisent les sous-titres pour rappeler que le livre en question fait partie d’une série. Il est ainsi possible de lire sur la première couverture du second tome « The Rose Society » suivi de « A Young Elites novel ». Le choix des éditions Castelmore rappelle une nouvelle fois celui qui

p. 94 avait été fait pour la trilogie Hunger Games : chaque première de couverture affiche le nom de la trilogie – Hunger Game – en grand et ce n’est que par le sous-titre que le public était informé du « réel » nom de l’ouvrage. Les éditions PKJ ont également utilisé un tel procédé lors de la traduction du second tome de la duologie Warcross. Originellement nommé « Wildcard » aux États-Unis, ce n’est qu’à son passage sur le territoire français que ce terme est traduit par « la revanche » mais qu’il ne sera utilisé seulement en sous-titre. Un tel procédé montre une certaine volonté de l’éditeur de vouloir faire comprendre au public que les tomes sont liés entre eux. Autrement dit, par l’inscription du même titre sur chaque première de couverture, l’éditeur fait passer un message : tous les ouvrages concernés vont de pair et sont donc indissociables l’un de l’autre. En ajoutant des illustrations de première de couverture qui suivent les mêmes codes graphiques, l’éditeur met toutes les chances de son côté pour que le public comprenne, au cours des huit secondes où il regarde la couverture, que l’objet-livre qu’il tient entre les mains n’est pas un tome unique.

Les ouvrages de Marie Lu montrent que les éditeurs ne favorisent ni l’anglais ni le français. La tendance est la même sur le marché young adult dans son ensemble. Il faut noter que le titre originel est généralement gardé quand celui-ci ne pose pas de difficulté à la compréhension du lecteur français. L’option de traduire le titre en français se pose dès lors que le titre en anglais ne fait pas sens pour le lecteur lambda, surtout s’il s’agit de livres jeunesses, c’est-à-dire des livres dont le public ne maîtrise pas forcément la langue anglaise. De plus en plus régulièrement, il est possible de remarquer que les éditeurs tendent à garder le titre anglais quand celui-ci est une « notion » ou un « concept » purement lié au récit qui est raconté. Il est alors difficile de traduire le titre sans dénaturer le sens qui s’y cache. C’est ainsi que les éditions Milan ont gardé le titre anglais « Six of Crows » qui désigne les six personnages qui forment un groupe de malfrats ou que les éditions Hachette ont gardé le titre « Red Rising » qui désigne la révolution du « peuple rouge ». Il arrive également que les éditeurs offrent une traduction qui ne semblent pas avoir de lien avec le titre originel et qui, dans certains cas, peut paraître maladroite et même aller en contre-sens du message donné dans le récit. C’est particulièrement le cas du titre français donné au roman The Hate U give, traduit en « La haine qu’on donne ». Si le titre anglais fait d’abord référence à une expression du célèbre rappeur noir Tupac – « THUG LIFE » pour « The Hate U Gave Little Infants Fucks Everybody » – il fait également référence à la haine que la communauté noire reçoit continuellement et, dans le contexte de l’ouvrage écrit par Angie Thomas, de la part des forces policières. Il s’agit donc bien d’une

p. 95 haine reçut par autrui et non donnée par la communauté noire comme le sous-entend le titre choisit par les éditeurs français.

Quel que soit le choix final de l’éditeur – qu’il garde le titre anglais ou qu’il le traduise – le titre doit toujours remplir les fonctions décrites plus haut par Genette : il doit mettre en valeur l’ouvrage comme il doit l’identifier parmi tous les autres titres existants. Ainsi, si le titre originel est conservé, celui-ci doit tout de même rester compréhensible pour le public et si le titre est traduit, il devrait avoir une signification proche du message délivré par le texte.

Une pratique courante aux États-Unis mais qui ne s’est pas encore ancrée sur le marché de la littérature young adult française est celle des « blurbs », une courte phrase généralement signée par un auteur connu ou par un média littéraire reconnu et qui est apposée sur la première de couverture d’un ouvrage écrit par un auteur moins connu. Le mot apparait pour la première fois en 1907 sur la couverture d’un livre de Frank Gelett Burgess, avec l’idée originale de son éditeur qui avait décidé que, pour la promotion de l’ouvrage, de proposer une jaquette humoristique qui présentait la photo d’une femme nommée Miss Belinda Blurb406. C’est à partir de ce moment que le terme « blurb » désigne cette courte phrase promotionnelle tant recherchée par les éditeurs étasuniens et anglais. Le « blurb » n’a pas d’autre utilité que de servir d’outil de promotion pour l’éditeur. Cependant, il n’existe pas encore d’outils qui permettent de déterminer si les « blurbs » poussent réellement le lecteur à acheter un ouvrage407.

Il serait erroné de considérer cette pratique comme totalement inconnue sur le territoire français. Plus exactement, les « blurbs » commencent à lentement faire leur apparition mais sont rarement apposés sur la première ou la quatrième de couverture. Très généralement, en littérature française, le livre est considéré comme un objet « sacré » et l’éditeur évite alors d’insérer des informations « superflues » sur la première ou la quatrième de couverture. C’est ainsi qu’il a été fait le choix d’insérer ces courtes phrases sur les fameux bandeaux rouges408. Cependant, il est possible de remarquer que les bandeaux rouges sont une rareté en littérature young adult. Cela ne semble pas être un inconvénient dès lors qu’en France, les « blurbs » sont

406 RACHWALSKA VON REJCHWALD (J.), « Les blurbs ou l’hystérisation de la langue. La rhétorique de l’appréciation dans les textes d’annonce de la quatrième de couverture », Synergies Pologne, n°13, 2016, p. 65- 77. Disponible ici : https://gerflint.fr/Base/Pologne13/rejchwald.pdf 407 DWYER (C.), « Forget The Book, Have You Read This Irresistible Story On Blurbs? », npr.org, 27 septembre 2015. Disponible ici : https://www.npr.org/2015/09/27/429723002/forget-the-book-have-you-read-this- irresistible-story-on-blurbs 408 DUPUIS (J.), PAYOT (M.), PERAS (M.), « Les blurbs débarquent sur vos livres ! », lexpress.fr, 17 février 2011. Disponible ici : https://www.lexpress.fr/culture/livre/les-blurbs-debarquent-sur-vos-livres_963212.html

p. 96 plus généralement placés en quatrième de couverture. En ce sens, si sur la couverture étasunienne de Legend il est possible de lire le « blurb » de l’autrice Kami Garcia, la phrase en question a été déplacée et remplacée sur la quatrième de couverture française. C’est ainsi que sur la quatrième de couverture française, il est possible de lire « un thriller romantique dans un monde postapocalyptique où les apparences sont trompeuses : inoubliable » au lieu du « impossible to put down and even harder to forget » apposée sur la couverture étasunienne.

Avoir un « blurb » aussi différent sur l’édition française n’est pas si étonnant dès lors que les auteurs expliquent que lorsqu’une demande leur est faite de commenter un livre de la sorte, ils écrivent plusieurs phrases afin que l’éditeur puisse par la suite choisir la phrase qui lui convient le mieux409. Il n’est également pas rare de changer de « blurb » pour que celui-ci convienne mieux au public visé en France. C’est ainsi que les éditions Hachette avaient changé le « blurb » lors de la parution du troisième tome de la trilogie Red Rising410. Il est ainsi possible de lire « numéro 1 des ventes aux États-Unis » sur la première de couverture au lieu de « #1 New York Times Bestselling author ». Pour les ouvrages de Marie Lu dont les premières de couverture étasuniennes affichent toutes le fait qu’elle est une autrice best-seller selon le New York Times, ces inscriptions ont systématiquement été remplacées par les éditeurs français. Pour Warcross, l’éditeur a ainsi fait le choix d’insérer le « blurb » écrit par une autre autrice de leur catalogue. Ce changement de « blurb » peut paraître étonnant mais est compréhensible. En effet, même si la mention « #1 New York Times Bestselling author » est élogieuse, un tel « blurb » ne fait pas sens sur le marché français dès lors que le New York Times n’est pas une référence connue et commune pour le lecteur français. C’est ainsi que les éditeurs préfèrent enlever cette mention, comme ils l’ont par exemple fait pour les ouvrages de Marie Lu ou alors reformuler le « blurb » afin qu’il soit plus accessible au lectorat français.

409 DUPUIS (J.), PAYOT (M.), PERAS (M.), op.cit. 410 BROWN (P.), Red Rising, Hachette, Vanves, 17 juin 2015. Version originale : Del Rey (Random House), New York, 28 janvier 2014.

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II. La quatrième de couverture : pousser à l’achat Haut lieu de stratégie, la quatrième de couverture est la facette de l’objet-livre qui doit donner un nombre suffisant d’informations au lecteur afin de le pousser à l’achat. Le résumé est particulièrement intéressant parce qu’il permet d’étudier la manière dont un éditeur – aux États- Unis ou en France – construit ce court texte qui a pour but d’informer mais également d’intéresser le lecteur.

A. La fonction de la quatrième de couverture selon le territoire Genette décrit la quatrième de couverture comme un « haut lieu de stratégie411 », un lieu qui, après la première de couverture qui doit attirer le regard, est le second point d’arrêt du lecteur et le moment où il se décide, ou non, d’acheter l’ouvrage. La quatrième de couverture est alors un enjeu important pour l’éditeur. Elle est le lieu où le lecteur entre en contact avec le récit sans pour autant se plonger dans les pages du livre. C’est ainsi que Genette la décrit comme un « seuil412 » ou encore une « zone indécise entre le dedans et le dehors413 ». Cependant, même si elle est considérée comme « indécise », la quatrième de couverture reste le passage obligatoire pour la décision du lecteur. Tout est pensé pour que l’achat soit réalisé, de l’écriture d’un résumé qui doit donner envie au lecteur jusqu’à l’ajout de que Genette appelle « baratin414 », c’est-à-dire des « extraits de presses ou autres appréciations élogieuses sur des œuvres antérieures du même auteur, voire sur celle-ci même, en cas de réédition, ou si l’éditeur a pu en obtenir avant publication415 » – ce qui est désigné comme des « blurbs » de l’autre côté de l’Atlantique.

Il faut cependant souligner que si l’objectif de la quatrième de couverture est le même quel que soit le territoire, sur le marché étasunien comme sur le marché français, les moyens pour arriver à la vente sont différents. L’utilisation des jaquettes aux États-Unis donne plus d’espace aux éditeurs. Cet espace supplémentaire lui permet donc de transmettre plus d’informations au public, contrairement aux éditeurs français qui n’ont que la première et la quatrième de couverture. La jaquette permet deux emplacements supplémentaires : les deux rabats. Genette explique que ces rabats ont peuvent « éventuellement redoubler tel ou tel élément du paratexte de couverture416 ». Il rajoute cependant que l’utilisation des rabats connait

411 GENETTE (G.), op.cit, p. 28. 412 Ibidem. 413 Ibidem. 414 Ibidem. 415 Ibidem. 416 Ibidem.

p. 98 des variantes et cite ainsi des exemples typiquement français : les jaquettes des Classiques Garnier qui mettaient en avant des extraits de catalogue sur l’un des rabats. Cependant, les propos de Genette généralisent l’utilisation de la jaquette à la simple répétition de tous les éléments paratextuels de la couverture. L’étude des jaquettes étasuniennes montrent que ce n’est pas exactement le cas. En effet, il est aujourd’hui très rare que la quatrième de couverture soit l’emplacement où l’éditeur appose le résumé du récit. À la place, l’éditeur choisit d’y insérer un maximum de « blurbs », certaines affichent ainsi parfois plus de quatre de ces phrases élogieuses. C’est en ce sens que les quatrièmes de couvertures étasuniennes – quand il s’agit de livres reliés et donc avec une jaquette – prennent des airs de panneau publicitaire et que l’idée que la quatrième a « une origine commerciale et une vocation promotionnelle417 » prend tout son sens. Il est par ailleurs intéressant de souligner une sorte de « hiérarchie » entre les « blurbs ». En effet, comme cela a été expliqué précédemment, il est également possible de trouver des « blurbs » sur la première de couverture en plus de la quatrième. Un choix s’impose alors à l’éditeur : quel « blurb » mettre sur la couverture, la première chose que le lecteur voit d’un ouvrage ? Avant même le « blurb », les éditeurs favorisent tout ce qui peut s’apparenter à des récompenses c’est-à-dire des prix que l’auteur aurait reçu lors de sa carrière. S’il n’existe pas de récompenses, l’éditeur semble ensuite choisir les inscriptions faisant comprendre que le livre publié a été écrit par un auteur best-seller. Ce n’est qu’après ces deux types d’indication que les éditeurs choisissent ce qui peut réellement être considéré comme des « blurbs ». La phrase promotionnelle la plus intéressante à intégrer sur la première de couverture est généralement celle d’un auteur dont le nom fait « autorité » en littérature young adult et encore plus, s’il fait autorité dans le même genre littéraire que le livre qui va être publié. Par exemple, si un éditeur venait à publier une dystopie young adult et qu’il devait choisir entre le « blurb » de Suzanne Collins et celui de John Green, choisir celui de Collins pour la première de couverture fait plus sens et a plus d’impact dès lors qu’elle est l’autrice d’une dystopie à succès. Sur la quatrième de couverture cependant, il ne semble pas exister de réelle hiérarchie : il existe des ouvrages où le « blurb » écrit par un auteur bestseller n’est pas mis en premier comme il en existe où c’est le cas.

417 CAVIGLIOLI (D.), « La rentrée littéraire vue de dos : le défilé des mauvaises quatrièmes de couverture », bibliobs.nouvelobs.com, 14 août 2015. Disponible ici : https://bibliobs.nouvelobs.com/rentree-litteraire- 2012/20150814.OBS4189/la-rentree-litteraire-vue-de-dos-le-defile-des-mauvaises-quatriemes-de- couverture.html

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La pratique des « blurbs » en quatrième de couverture n’est peut-être pas la plus pertinente. En effet, une quatrième de couverture qui ne présente pas de résumé mais seulement des « blurbs » prive le lecteur des informations qui pourraient le pousser à l’achat. Si normalement, le lecteur doit simplement retourner l’objet-livre pour obtenir les informations désirées, ce n’est pas le cas pour le lecteur étasunien qui doit ouvrir l’ouvrage. En plus de cela, cette pratique est critiquée : il y aurait tellement de « blurbs » que les utiliser perdrait de son sens. Dominique Gaultier, fondateur des éditions Dilettante, explique son ressenti sur les quatrièmes de couvertures : « Je ne suis pas un grand partisan de la 4ème. Certes, elle permet de vendre davantage, mais cette langue de bois m’accable. On a toujours tendance à dire qu’il s’agit d’un chef-d’œuvre, que l’on a découvert un merveilleux auteur, totalement inconnu, mais extraordinaire... C’est un peu vulgaire, non ?418 ». Il est donc reproché à la pratique des « blurbs » d’être tellement courante qu’elle en devient un « guet-apens verbal qui, en creux, actualise la traduction française du mot blurb qui veut dire du “bla-bla”, du baratin ou des paroles en l’air419 ». Cette critique de la part des éditeurs français montre que si les « blurbs » commencent à se répandre sur le marché du livre français, cela ne signifie pas qu’il s’agit d’une pratique appréciée ni même reconnue. Cela accentue l’idée qu’il est difficile pour le territoire importateur d’une pratique éditoriale de se détacher de la connotation qui se cache derrière celle-ci, c’est-à-dire, dans le cas des « blurbs », du fait que la culture éditoriale étasunienne joue sur des phrases élogieuses voire « tape à l’œil », ce qui s’éloigne de la manière de faire française.

Il faut toutefois souligner qu’une telle utilisation de la quatrième de couverture est seulement possible parce que les ouvrages disposent d’une jaquette et donc d’emplacement supplémentaire pour placer le résumé à un autre endroit que sur la quatrième. L’utilisation de cette dernière est plus proche de ce que Genette décrit quand les ouvrages sont publiés au format broché et donc sans jaquette. Cependant, une telle publication arrive généralement une année après la publication au format relié. Sur le marché français et surtout en littérature young adult, il est rare qu’un ouvrage soit publié au format relié : les quatrièmes de couverture servent alors réellement de seuil entre « le dehors et le dedans », c’est-à-dire une quatrième qui permet au lecteur de pouvoir entrer dans le récit sans pour autant lire ce qui est écrit dans le livre. Si l’écriture du résumé comporte un enjeu primordial dans la vente du livre, car il peut pousser ou

418 RACHWALSKA VON REJCHWALD (J.), op.cit, qui cite « cette langue de bois m’accable », Le Magazine littéraire, 04 avril 2011. 419 RACHWALSKA VON REJCHWALD (J.), ibidem.

p. 100 repousser l’achat, la quatrième de couverture telle qu’elle est utilisée en littérature young adult, commence à prendre les traits des étasuniennes. En ce sens, les résumés qui occupaient toute la quatrième de couverture – à l’exception du bas où le code barre et l’ISBN doivent obligatoirement être indiqués – se font de plus en plus courts afin de laisser à l’éditeur le loisir d’insérer des éléments publicitaires pour mieux vendre l’ouvrage. Il y a alors un retour à ce que Genette appelle le « blabla ». Par exemple, Warcross (2017) de Marie Lu affiche le résumé sur l’espace supérieure de la quatrième de couverture alors que la partie inférieure est utilisée pour mettre en avant trois « blurbs ». Quand certains livres n’ont pas reçu de « blurbs » avant publication aux États-Unis, il arrive que l’éditeur français utilise d’autres stratagèmes publicitaires qui peuvent également s’y apparenter. Ainsi, pour La 5ème vague420 de Rick Yancey, l’éditeur avait fait le choix de mettre sur la quatrième de couverture le fait que le récit allait être prochainement adapté au cinéma.

B. Étude des résumés Que le synopsis se trouve sur la quatrième de couverture où sur le rabat d’une jaquette, qu’il soit écrit pour un titre à paraître aux États-Unis ou en France, son objectif et sa fonction restent les mêmes : offrir au lecteur un avant-goût du récit afin de le pousser à acheter l’ouvrage. Pour cela, le résumé doit remplir certains objectifs. Il est noté que le résumé d’un roman a pour but d’inciter à la lecture et non de dispenser à la lecture421. Autrement dit, le résumé doit intriguer le lecteur pour le pousser à lire. Également, même si le terme « résumé » est utilisé, il n’a pas pour but d’être une « image réduite de la totalité du livre422 » c’est-à-dire qu’il n’est pas présent pour raconter tout le récit de manière concise.

Le résumé de la quatrième de couverture doit donc être soigneusement écrit parce que s’il doit comporter tous les éléments pour pousser le lecteur à l’achat, il ne doit pas être trop révélateur de l’intrigue. La question se pose alors de savoir qui est la personne la plus à-même d’écrire ces résumés. Il existe alors deux camps : les éditeurs qui pensent que les auteurs sont les mieux placés pour parler de leurs propres romans et les éditeurs qui pensent qu’au contraire,

420 YANCEY (R.), La 5ème vague (The 5th wave), Robert Laffont, Collection R, Paris, 16 mai 2013. Version originale : G.P. Putnam's Sons Books for Young Readers, New York, 7 mai 2013. 421 REUTER (Y.), La quatrième de couverture : problèmes théoriques et pédagogiques, Pratiques, n°48, 1985, p. 58. Disponible ici : https://www.persee.fr/doc/prati_0338-2389_1985_num_48_1_1376#prati_0338- 2389_1985_num_48_1_T1_0058_0000 422 Ibidem.

p. 101 l’auteur n’a pas assez de recul sur son texte pour écrire un résumé423. Certains auteurs avaient exprimé leur difficulté face à une telle tâche : Julien Green, auteur de Mont-Cinère424, qui avait écrit la notice pour son propre ouvrage avait exprimé qu’il est « ridicule et gênant d’écrire ainsi sur soi-même, mais si je ne le fais pas, un autre le fera à ma place, et plus mal encore425. » Cependant la tendance de ces dernières années serait « d’écarter » les auteurs de l’écriture des quatrièmes de couverture – même si celles-ci doivent être validées par ces derniers – et laisser les éditeurs faire. En ce sens, Dominique Gaultier explique que si l’auteur a fait un bijou [le récit], l’écrin relève du travail de l’éditeur426. Aux éditions Actes sud, l’écriture du résumé par les éditeurs est une tradition qui est revendiquée par la mention « le point de vue des éditeurs427 » apposée en haut de la quatrième de couverture. Pour expliquer cela, Marie Desmeures, éditrice responsable de la collection Babel explique qu’il s’agit d’une « façon de rappeler que nos quatrièmes consistent en une présentation subjective et assumée comme telle428 ».

La manière d’écrire le résumé de la quatrième de couverture reste néanmoins très spécifique à chaque maison d’édition. En effet, si chez les éditions Actes sud, ce travail est pris en charge par les éditeurs, les éditions Albin Michel ont par exemple créé un poste spécifique et dédié à ce travail. Anna Colao, qui occupe ce poste et doit écrire près d’une quarantaine de ces quatrièmes de couverture par mois, explique que, n’ayant pas le temps de lire tous les ouvrages, elle doit alors s’appuyer sur les notes de lecture des éditeurs et des traducteurs429. Dans d’autres maisons, il s’agit d’un échange entre auteur et éditeur comme c’est le cas chez Gallimard ou encore chez Denoël : l’éditeur soumet le « brouillon » d’une quatrième de couverture à l’auteur qui peut le modifier comme il le souhaite430. Dans d’autres situations, il s’agit de l’auteur qui propose un résumé à son éditeur à qui il revient alors la tâche de le modifier et le corriger431.

423 THOMINE (C.) et PEILLON (P-E.), « Petite histoire de la quatrième de couverture », nouveau-magazine- litteraire.com, 23 janvier 2020. Disponible ici : https://www.nouveau-magazine-litteraire.com/edition-histoire- litt%C3%A9raire/petite-histoire-de-la-quatri%C3%A8me-de-couverture 424 GREEN (J.), Mont-Cinère, 1926. 425 THOMINE (C.) et PEILLON (P-E.), op.cit. 426 Ibidem. 427 Ibidem. 428 Ibidem. 429 Ibidem. 430 THOMINE (C.) et PEILLON (P-E.), op.cit. 431 THOMINE (C.) et PEILLON (P-E.), op.cit.

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S’il est possible d’imaginer que l’éditeur français peut simplement traduire le résumé utilisé par les éditeurs étasuniens, il faut souligner que c’est très rarement le cas. Les résumés ont des similitudes car ils traitent du même récit mais la manière dont l’éditeur français et l’éditeur étasunien les présentent et les écrivent sont fondamentalement différentes. En effet, il est tout d’abord possible de noter qu’en littérature young adult, les résumés étasuniens sont beaucoup plus longs que les français. Cela peut s’expliquer par le manque de place sur les quatrièmes de couverture française. Comme expliqué précédemment, la jaquette permet à l’éditeur d’avoir plusieurs espaces distincts où il lui est possible d’insérer tous les éléments qu’il souhaite. C’est ainsi que la quatrième de couverture est généralement réservée à tous les « blurbs » qui n’ont pas pu être mis sur la première de couverture, que le rabat droit est réservé à une photographie et une courte biographie de l’auteur et, que le rabat gauche est l’endroit où le résumé trouve sa place. Même si un rabat est plus petit qu’une quatrième de couverture, l’éditeur étasunien parvient à y placer un résumé plus long que l’éditeur français dès lors que le rabat n’a qu’une seule fonction. Autrement dit, il n’est pas « forcé » à écrire des résumés courts puisqu’il sait qu’à part cela il n’aura rien d’autre à insérer à cet emplacement.

C’est ainsi que la principale différence entre un résumé écrit par un éditeur étasunien et celui écrit par un éditeur français est à quel point l’un est détaillé par rapport à l’autre. Contrairement aux résumés étasuniens qui peuvent « prendre le temps » de contextualiser le récit, par manque de place, le résumé français se doit d’apporter rapidement les éléments qui intrigueront les lecteurs, quitte à omettre des détails qui auraient pu être intéressants à intégrer. À titre d’exemple, le résumé de quatrième de couverture de Warcross (2017) forme deux courts paragraphes d’une dizaine de lignes alors que pour la version étasunienne, celui-ci est composé d’une vingtaine de lignes. Si la mise-en-page joue beaucoup en ce qui concerne le nombre de lignes, lire les deux résumés montrent que celui écrit par l’éditeur étasunien donne beaucoup plus d’informations que le français.

En effet, le résumé étasunien commence par une courte introduction de l’univers créé par l’autrice. Par ces courtes phrases, l’éditeur offre un contexte au lecteur qui ne connaît encore rien du récit. Plus qu’une introduction, l’éditeur explique dès les premières lignes la signification derrière le titre du roman : « Warcross » est le nom d’un jeu vidéo et, comme le roman porte ce nom, le lecteur peut déjà imaginer que le jeu aura une place importante dans le récit. La suite du résumé étasunien ressemble ensuite au début du résumé français : il y a une introduction du personnage principal – Emika Chen – et quelques lignes qui font comprendre

p. 103 sa situation au début du récit. Ainsi, les deux résumés expliquent que le personnage principal a des problèmes d’argents et que pour survivre, celle-ci est chausseuse de primes. Si le résumé étasunien explique ce que chasseuse de primes implique pour le personnage principal – ce que le résumé français ne fait pas – il n’indique pas que le début du récit se déroule à Manhattan, contrairement au résumé français. Par ces quelques lignes, il est alors possible de noter que l’éditeur étasunien souhaitait sûrement poser le contexte global de l’histoire alors que l’éditeur français souhaitait d’abord introduire le personnage principal. En effet, ce n’est qu’après avoir présenté Emika que l’éditeur révèle la signification du terme « Warcross ».

La seconde partie du résumé correspond à l’élément déclencheur de l’intrigue et ce qui, normalement, doit le plus intriguer le lecteur. En effet, la première partie du résumé a pour but de poser le décor alors que la seconde partie est là pour déclencher un intéressement chez le lecteur. Si chaque paragraphe commence par la même chose – le fait que le personnage principal a hacké le jeu et s’est fait prendre – il faut noter qu’une nouvelle fois, le résumé français éclipse de nombreux détails. Le résumé étasunien introduit le second personnage principal – Hideo Tanaka – et explique qu’il offre à Emika l’opportunité de travailler pour lui. Il s’agit d’un élément qui n’est pas mentionné dans le résumé français. Cependant, contrairement au début du résumé, il est ici possible de penser que l’éditeur ne l’a pas mentionné car il estime qu’il s’agit d’un élément qui serait intéressant que le lecteur découvre par lui-même en lisant le récit. Enfin, les résumés se terminent tous deux par une phrase assez « mystérieuse » mais qui reste assez ouverte sur les possibilités qu’offre le récit. Cette phrase – « But soon her investigation uncovers a sinister plot, with major consequences for the entire Warcross empire » pour le résumé étasunien et « Emika sent pourtant que les intentions d’Hideo dépassent le cadre de Warcross et pourraient faire vaciller la frontière fragile entre réel et virtuel … » pour le français – a pour but de créer des interrogations chez le lecteur. Il s’agit alors pour lui de se poser des questions sur le récit – que va-t-il se passer ? que va-t-il arriver aux personnages ? – et aller jusqu’à l’achat s’il souhaite obtenir des réponses.

De telles différences sont récurrentes quand il s’agit de comparer des résumés. Le résumé étasunien de Legend (2011) offre, à l’image du résumé de Warcross, plus de contexte que le résumé français. Cependant, il s’agit, dans ce cas-là, de la seule différence qu’il est possible de noter. Ainsi, il faut souligner que la manière d’écrire des résumés restent fondamentalement propre à chaque éditeur et qu’une éthique éditoriale se dessine d’une maison d’édition à une autre : les éditions Actes sud préfèrent ainsi les résumés longs et Gallimard

p. 104 préfère éviter les citations432. Si chaque maison d’édition a sa propre manière de faire, il faut souligner que tous les résumés comprennent les mêmes éléments. Afin d’inciter à la lecture, il est noté que le résumé doit donner certaines informations : les thématiques principales sont indiquées ; les héros du récit sont nommés et de manière que le lecteur comprenne qui est le personnage principal – par exemple, le résumé de Warcross fait comprendre au lecteur qu’Emika est l’héroïne du récit ; enfin, le genre littéraire est indiqué explicitement ou implicitement par les thématiques433. Ce sont trois éléments qui, en littérature young adult française ou étasunienne, se retrouvent systématiquement dans les résumés. Il y a également cette phrase de fin, souvent marquée par des points de suspension, qui est assez récurrente et qui peut même être considérée comme la phrase incitatrice à la lecture. En effet, si le résumé doit être écrit de façon à intriguer le lecteur dès les premières lignes, la dernière phrase est sûrement la plus importante de toute. Sa formulation doit créer des interrogations assez fortes dans l’esprit du lecteur que celui-ci voudra acheter le livre pour trouver les réponses à ces questions. Cette incitation à l’achat est accentuée par la manière dont est formulée cette dernière phrase. En effet, dans le cas du résumé de Warcross, il est possible de remarquer que la dernière phrase se termine par des points de suspension. L’utilisation de cette ponctuation n’est pas anodine : les points de suspension ont pour but de créer un sentiment d’attente et de tension auprès du lecteur434. Il s’agit d’un procédé régulièrement utilisé pour les quatrièmes de couverture et même en dehors de la littérature young adult ; preuve peut-être qu’il s’agit d’un procédé qui fonctionne pour pousser le lecteur à l’achat.

432 THOMINE (C.) et PEILLON (P-E.), op.cit. 433 REUTER (Y.), op.cit. 434 REUTER (Y.), op.cit.

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Conclusion générale

La littérature young adult est un produit étasunien que le marché du livre français a su s’approprier. Cette appropriation a cependant dû passer par une phase d’adaptation auprès des acteurs du monde du livre. En effet, il semble impossible de simplement importer cette littérature quand le marché du livre français et le marché du livre étasunien sont si différents. L’étude des ouvrages de l’autrice Marie Lu montre que le travail d’adaptation des acteurs du livre est continuel, c’est-à-dire qu’il ne s’est pas arrêté après l’importation des titres dystopiques – les récits qui ont réellement forgé la littérature young adult en France. Au contraire, il est possible que considérer que chaque édition française d’un ouvrage à l’origine étasunien ou anglais, est un travail d’adaptation de l’œuvre pour convenir aux lecteurs du marché français. S’il existe tout de même un grand nombre de ressemblances entre la littérature young adult étasunienne et la française, ce sont aujourd’hui les différences qui se font de plus en plus ressentir par les lecteurs. En effet, le marché du livre young adult français est aujourd’hui composé d’une grande partie de lecteurs qui ont la capacité de lire en anglais et donc de se pencher sur les titres qui paraissent Outre-Atlantique. Il existe donc un moyen pour eux de comparer les sorties étasuniennes et les sorties françaises surtout quand il s’agit de traduction. Plus que cela, les lecteurs de littérature young adult – et jeunesse dans un sens plus général – sont de plus en plus sensibles aux questions sociétales, des questions qui ont déjà été soulevées aux États-Unis des années auparavant déjà.

Si les questions autour du manque de diversité et de représentation en littérature jeunesse et young adult sont présentes depuis des années aux États-Unis et en Angleterre, ce n’est que depuis très récemment qu’elles sont apparues sur le territoire français, et cela, sûrement grâce à ces lecteurs qui se penchent de plus en plus sur ce qu’il se passe sur le marché du livre étasunien. Ces questions ne sont qu’à leur début en France et il est encore difficile de savoir à quel point les professionnels du livre sont prêts à s’adapter à ces interrogations comme l’ont fait les acteurs étasuniens. Les discussions autour de ces manques en littérature young adult, mises en avant par l’association We Need Diverse Books, ont changé la manière de penser le livre. En effet, ces dernières années montrent que l’accent est mis sur les livres dits « ownvoices », des ouvrages qui mettent en avant des personnages issus d’un groupe marginalisé et sous-représenté et dont l’auteur est issu du même groupe. Ainsi, un roman dont le personnage principal est chinois et qui a été écrit par un auteur chinois est considéré comme

p. 106 un roman « ownvoices ». Créé en 2015 par l’autrice Corinne Duyvis, le terme « ownvoices » a d’abord pris la forme d’un hashtag pour recommander des livres sur le réseau social Twitter avant de devenir un concept couramment utilisé dans la littérature étasunienne et notamment en young adult et en jeunesse435. Il s’agit maintenant d’un concept utilisé par les auteurs pour présenter leurs ouvrages mais également d’un outil marketing pour les maisons d’édition. Cela a eu pour effet de faire avancer le marché du livre étasunien vers une présence plus importante d’ouvrage écrits par des auteurs marginalisés.

Le terme « ownvoices » semble être inconnu sur le marché français : presque aucune maison d’édition ne l’utilise. Cela montre déjà un écart entre les discussions présentes sur le marché étasunien et sur le marché français. Cependant, cela ne veut pas dire que les questions autour de la diversité et de la représentation sont totalement absentes. Il serait plus juste de dire qu’elles existent mais arrivent sur le territoire français avec un certain décalage temporel. Ainsi, Eva Grynszpan, responsable d’édition aux éditions Nathan, estime que ce sont les ouvrages qui mettent en avant des thématiques plus sociales comme le racisme, le féminisme ou encore les problématiques LGBTQ qui sont les titres « qui vont faire parler d’eux » et qui sont les plus disputés lors des enchères436. Cette impression s’est confirmée avec la publication du premier roman d’Angie Thomas, The Hate U Give, qui s’est vendu à plus de 30 000 exemplaires437. Carola Strang, directrice éditoriale Fiction domaine étranger chez Nathan Univers Jeunesse explique alors que « la clé est dans la diversité, celle des langues, des écritures, des sujets438 ». Si la publication de certains ouvrages et les propos de certains acteurs de l’édition laissent à penser qu’il existe un moyen pour la littérature young adult française d’accueillir plus d’ouvrages écrits par des personnes ethniques et/ou issues de groupes marginalisés, les nombreux faux pas – comme l’invisibilisation sur les couvertures ou le manque de discussion sur ce sujet – laissent dubitatif.

Les inquiétudes de ces dernières années se sont cependant éloignées des thématiques sociales. En effet, les professionnels du livre s’interrogent aujourd’hui sur la perte de dynamisme de la littérature young adult dans son ensemble. Ce qu’il faut cependant souligner

435 VANDERHAGE (G.), « What is #ownvoices? », brodartbooks.com, 21 août 2019. Disponible ici : https://www.brodartbooks.com/newsletter/posts-in-2019/what-is-ownvoices 436 GINDENSPERGER (S.), « Dossier Young adult: un plus fort engagement », livreshebdo.fr, 22 juin 2018. Disponible ici : https://www.livreshebdo.fr/article/dossier-young-adult-un-plus-fort-engagement 437 GINDENSPERGER (S.), « Dossier young adult : le temps de l'émancipation », livreshebdo.fr, 14 juin 2019. Disponible ici : https://www.livreshebdo.fr/article/dossier-young-adult-le-temps-de-lemancipation 438 Ibidem.

p. 107 est qu’en 2018, malgré la production stable en France, le marché du livre a connu une nouvelle baisse de 1,7%439. Malgré cela, le livre pour la jeunesse – le terme jeunesse prend en compte la littérature young adult – est l’un des seuls secteurs qui connaît une croissance et est donc considéré comme « porteur sur la longue durée440 ». Ces informations offertes par Livres Hebdo comparées au ressenti des professionnels de la littérature young adult permettent de tirer une conclusion : si la littérature jeunesse est l’un des seuls secteurs qui continuent de croitre, cette croissance ne se répercute pas en littérature young adult. Autrement dit, la croissance affecterait seulement les titres jeunesses et non les titres young adult. En ce sens, Marion Jablonski, directrice d'Albin Michel Jeunesse, explique que « le secteur se cherche depuis quelque temps. On a vécu de belles années et là, le public est un peu plus difficile à situer dans ses attentes. Mais il reste dynamique par ses inattendus441 ». Plusieurs éditeurs pointent du doigt Netflix et son aspect chronophage qui prendrait alors le pas sur le temps de lecture des consommateurs de littérature young adult. Xavier d’Almeida, directeur de collection chez Pocket Jeunesse explique le besoin d’un « phénomène » pour ramener les lecteurs perdus au profit de Netflix442 alors que Christine Baker, directrice éditoriale de Gallimard Jeunesse, estime que si Netflix a remplacé les ventes de livres, il faut « pouvoir remontrer que la lecture reste très accessible443 ».

Cette perte de vitesse pour la littérature young adult ne signale cependant pas la fin de celle-ci. En effet, si les éditeurs sont plus réticents à investir sur des projets étasuniens, il hésite de moins en moins à miser sur une production totalement francophone dont le coût de production est moindre par rapport à un titre anglophone. En ce sens, Thierry Laroche des éditions Gallimard Jeunesse estime que s’il existe moins de best-sellers, la créativité des auteurs français ne baisse pas, surtout en littérature young adult, une catégorie en développement parce que les auteurs d’aujourd’hui sont ceux qui ont grandi en lisant ce type d’ouvrages444. Certains éditeurs vont plus loin et choisissent de travailler avec des auteurs qui ont déjà construits une communauté autour de leur personne sur des plateformes telles que Youtube ou encore Wattpad. En faisant cela, les éditeurs garantissent une réception facilitée de l’ouvrage et compte sur la communauté construite par l’auteur pour s’assurer des ventes même si « un millier de

439 PIAULT (F.), CONTRERAS (I.), COMBET (C.), op.cit. 440 Ibidem. 441 GINDENSPERGER (S.), « Dossier young adult : le temps de l'émancipation », livreshebdo.fr, 14 juin 2019. Disponible ici : https://www.livreshebdo.fr/article/dossier-young-adult-le-temps-de-lemancipation 442 Ibidem. 443 GINDENSPERGER (S.), op.cit. 444 GINDENSPERGER (S.), op.cit.

p. 108 vues sur YouTube ou un millier de commentaires, ça ne se transforme pas en millier d’achats445 ».

Il est difficile de considérer la littérature young adult comme une littérature qui n’est plus rentable à exploiter. Il serait plus juste de dire qu’il s’agit d’une littérature en perpétuelle évolution, sur le territoire français comme étasunien, et qui requiert un fort travail d’adaptation de la part des professionnels français. La littérature young a bouleversé la manière de travailler de l’éditeur parce qu’il ne s’agissait plus seulement de traduire des ouvrages mais de « traduire » une littérature entière pour qu’elle corresponde au marché français. Autrement dit, la littérature young adult doit être retranscrite, retravaillée de manière qu’elle puisse pouvoir s’ancrer convenablement sur le marché français et être commercialement viable – c’est-à-dire qui puisse rapporter un bénéfice aux éditeurs tout en apportant une certaine satisfaction à son public toujours plus exigeant.

445 GINDENSPERGER (S.), op.cit.

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Annexe 1 : la diversité dans les livres pour enfant en 2018

SLJ Staff, « An Updated Look at Diversity in Children's Books », School Library Journal, 19 juin 2019.

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