Il sera très peu question dans cet article de stratégie militaire. Les événements militaires qui se sont dérou­ lés dans le sud de la à la fin du mois d'août 1914 ont fait l'objet de nombreux récits et témoignages depuis 1919 et des ouvrages récemment parus (1) font le point ; les lecteurs curieux pourront s'y référer pour le détail des faits.

Depuis une vingtaine d'années, l'histoire de la première guerre mon­ diale a connu de considérables avancées: sortant d'une histoire stricte­

ment militaire pour entrer dans une histoire « culturelle » de la Grande

Guerre (la « Très Grande Guerre » de Jean-Jacques Becker et de ses émules, autour notamment de l'HistoriaI de Péronne). Les souffrances des populations civiles - et aussi celles des soldats en tant qu'êtres hu­ mains et non pas simples combattants, machines à tuer pour défendre leur patrie - sont ainsi passées au premier plan.

Par ailleurs, le sort des civils touchés par les combats a partout, et très tôt, suscité l'intérêt des historiens locaux. La Moselle ne fait pas excep­ tion. Qui plus est, territoire allemand (Bezirk Lothringen depuis l'An­ nexion de 1871) jusqu'au 11 novembre 1918, avec des populations mê­ lées, allemande, francophile ... ou attentiste, elle a été un enjeu pour les propagandes des deux camps, durant et après la guerre. Et si, à premiè­ re vue, le département semble avoir moins souffert du premier conflit (1) Voir ELMERICH (Joseph), LA BATAILLE mondial que la voisine, l'Aisne ou la Somme, il ne faut pas DE , Sarrebourg : SHAL, 1993 oublier que les plus sanglants et violents combats du début de la guerre et le tout récent DIDIER (Jacques), se sont déroulés autant en Belgique et dans le nord de la qu'en tCHEC À , Ysec éditions :

Lorraine, et pour une bonne part sur le sol mosellan. La bataille dite de coll. « Un Jour », 2003. ou de Morhange-Sarrebourg, lourde défaite de l'armée fran­ çaise, a en effet ravagéplusieurs villages du sud du département entre le 18 et le 21 août 1914. Par la suite, la ligne de front qui a perduré quatre ans de la vallée de la à la ligne bleue des Vo sges y a laissé son em­ preinte dans le paysage: cimetières militaires et bois mitraillés en font foi.

47 ( LES FAITS

LES MOSELLANS, ENTRE FRANCE ET ALLEMAGNE

L'histoire de la Moselle annexée est bien connue depuis les travaux de François Roth, qui a consacré un chapitre complet et très fourni à la situation des esprits à la veille de la déclaration de guerre. Tous les rési­ dants de Moselle de 1914 n'étaient d'ailleurs pas « Mosellans » d'origine. Tous n'avaient pas été Français avant 1870. Les jeunes gens prêts à revêtir l'uniforme allemand pour partir au front, de leur gré ou non, étaient nés vingt ans après l'Annexion, avaient fait leurs classes en allemand, et avaient, pour certains, en­ tamé des études supérieures en Allemagne. Dans les villes et dans les garnisons, le brassage de population

était et avait été important, des mariages mixtes avaient été célébrés entre Lorrains et « vieux Allemands ». Dans certaines localités industrielles, l'apport de populations immigrées d'origines diverses n'est pas négli­ geable non plus (Italiens notamment dans la sidérurgie). Les situations sont contrastées, de part et d'autre de la frontière linguistique d'une part, et à l'échelle de chaque canton d'autre. Le parti français a été décapité et réduit au silence dès la déclaration de guerre (déportés d'Ehrenbreitstein, affaire du chanoine Collin, dyna- mitage de la maison d'un officier français à Saint-Julien ...) (2) . Mais, en dépit de ces avertissements, certains secteurs comme le canton de Delme sont restés très francophiles : le curé de , dans sa chroni- que de guerre, fait état des liens économiques et familiaux très forts unissant, avant guerre, ses paroissiens avec les Français voisins et du grand nombre de jeunes Delmois qui seraient passés dans les rangs français (engagés dans la Légion étrangère). Dès le 2 août d'ailleurs l'ar- chiprêtre de Delme, le maire et conseiller général du canton, les maires de , Aulnois ... avaient été arrêtés. À au contraire, le curé, P. L'Huillier, note le désappointement des troupes françaises (et néanmoins leur attitude très correcte) devant l'accueil peu enthousiaste qui leur est réservé à leur entrée dans la ville désertée par ses défenseurs allemands (3).

font," ,or dem Bentfahgcbiiudc. - foncer! deuu! la maison du Beneral.

Concert devant la maison du général à Dieuze, carte postale éditée par Otto Cartharius vers 1910 (A rch. dép. Moselle, 8 Fi 177/26)

IL Y A QUATRE-VINGT-DIX ANS LA BATAILLE DE LORRAINE . NO 1 - MARS 200S La casernedu 21' régiment

de Uhlans à Sarrebourg, corte postale éditée

par G. Morin vers 1902 (A rch. dép. Moselle, 8 Fi 630/93)

(2) ROTH (François), LA LORRA/NE ANNEXtE (1870· 1918), thèse de doctorat soutenue devant Si quelques groupements activistes (Souvenir français, Lorraine sporti­ l'Université de Nancy Il, 1976 : chapitre XIV ve ...) souhaitaient encore ardemment le retour à la France, on peut « Quatre ans de dictature militaire (1914·1918). supposer que la population dans son ensemble s'était fort bien accom­ (3) Arch. dép. Moselle, 29 J 2010. modée de son sort et ne rêvait en tout cas pas d'une guerre pour résou­ (4) BOSWELL (Laird), « From Liberation to Purge dre ses problèmes. D'ailleurs, la France dont rêvait le parti français Trials in the "Mythic Provinces": Recasting n'était pas forcément celle de 1914, laïque et républicaine ; celle de Na­ French Identities in Alsace and Lorraine, 1918- poléon III avait disparu depuis bien longtemps. Quant à l'Alsacien­ 1920 ", FR ENCH H/STOR/CAL STua/Es, nO 23.1, Lorrain imaginaire, celui des hommes politiques français et des asso­ 2000, p. 129-162. ciations d'Alsaciens (optants) actives à Paris ou Nancy - « Pensez-y toujours, n'en parlez jamais» ! -, il n'avait sans doute rien de commun avec l'habitant réel du Bezirk Lothringen. Dans l'imaginaire populaire, la version française officielle a fini par l'emporter: tout Mosellan né après guerre jurerait aujourd'hui le fidèle attachement de ses pères à la France ; car à force de l'entendre enseigner par les autorités françaises - et surtout grâce à la très mauvaise expérience d'une deuxième an­ nexion, nazie cette fois, en 1940 -, les Alsaciens-Mosellans ont fini par s'en convaincre ... La réalité était tout autre comme le prouve la com­ plexité de la situation lors du retour de la Moselle à la France en 1919, avec par exemple la délicate mise en place des cartes A, B ou C, un sys­ tème de classification par nationalité, et surtout la lutte pour le main­ tien du « droit local», encore d'actualité (4).

LES COMBATS

Dès la déclaration de guerre, les états-majors français et allemand déclenchent leur plan d'attaque. Le plan Schlieffen est une large manœuvre d'encerclement fondée sur l'invasion de la Belgique avec contourne­ ment de Paris par le sud pour prendre l'armée française dans une nasse. Les Allemands sont en effetpressés de vaincre en quelques semaines à l'ouest pour pouvoir contenir la poussée russe à l'est. Face à eux, les Français appliquent le plan XVIIdu général Joffre, chef de l'état-major depuis 1911, pétri de culture napo­ léonienne et désireux de réitérer la manœuvre d'Austerlitz. Négligeant le risque d'encerclement de son aile gauche, il attaque au centre, entre les Vo sges et les Ardennes, faisant confiance à ses ailes pour contenir l'ad­ versaire. L'armée française croit en la prédominance de la manœuvre sur le feu. Elle mène une guerre d'in­ fanterie appuyée par le fameux canon de 75 (artillerie de campagne). Les Allemands font confiance,certes, à l'offensive et au mouvement mais ils privilégient le feu de leur artillerie lourde sur la manœuvre. De sur­ croît, ils jettent immédiatement leurs réserves dans la bataille, si bien que, malgré l'ampleur du mouvement tournant opéré à travers la Belgique, ils disposent encore de forces suffisantes pour faire face à l'attaque française en Lorraine.

O _ N 1 - MARS 2005 IL Y A QUATRE-VINGT·DIX ANS LA BATAILLE DE LORRAINE 49 ( Gruss aus Miirchingen, vue de la caserne du 17'régim ent d'infanterie. Un bouquet de bleuets retenu par un ruban aux couleurs du Reichsland orne cette carte postale chromo-lithographiée éditée par Otto Steinbicker, début XX' (A rch. dép. Moselle, 8 Fi 483/23)

Le 4 août 1914, la deuxième armée française, commandée par le géné­ ral de Castelnau (1851-1944), avance, face à la sixième armée alleman­ de, celle du prince héritier de Bavière, le Kronprinz Rupprecht von Bayern (1869-1955). Mulhouse est occupée du 7 au 9 août, reprise quelques jours plus tard et définitivement abandonnée le 24 août, alors que les Alsaciens de Paris fêtent dans l'allégresse la fin de quarante ans d'occupation allemande de leur mère-patrie. En fait la retraite alleman­ de en Alsace était toute tactique, tout comme l'est le retrait des troupes sur la rive droite de la Sarre à Sarrebourg, ou leur évacuation de Dieuze au profit des hauteurs environnantes, transformant ainsi la ville éva­ cuée en nids à projectiles pour les canons bavarois (18 août). Lorsque les premiers combats se déclenchent, c'est avec violence, oppo­ sant aux soldats allemands en uniforme vert-de-gris (le Feldgrau) des chasseurs alpins vêtus de bleu et les régiments de Provence dans leurs fa meux pantalons rouges. La bataille de Lorraine est pour les soldats fr ançais la découverte du fe u allemand, le feu qui tue sans qu'on voie l'ennemi qui tire : le bombardement allemand commence avant l'atta­ que, en rafale brutale, inattendue, fo udroyante, provoquant la fuite des fantassins français, et une panique responsable de nombreuses dé­ faillances. Après le bombardement vient le tir dru d'un ennemi tou­ jours invisible dans son uniforme Feldgrau car enterré dans des tran­ chées, une housse grisâtre dissimulant l'éclat des casques à pointe. Qui plus est, arrivés derrière Cutting et , les Français entrent dans une zone de manœuvres de l'armée allemande. En effet, l'Alsace-Lorraine, Reichslandsans armée propre, abritait en 1914 quatre corps d'armées (Armee Korpstruppen) : le XIV, stationné à Mulhouse, le XVe, à Strasbourg et Colmar, le XVI'à , Saint-Avold et Sarrelouis, et le XXIe à Sarrebruck, Haguenau, Sarrebourg, Morhange, et Dieu­

ze. Les fantassins mosellans étaient le plus souvent incorporés dans les « régiments lorrains » (Lothringis­

ches Regiment) : le 130e à Metz, le Ble à Morhange, le 135' à , le 136e à Dieuze, le 144e à Morhange, le 145e à Montigny, le 174e à ... Morhange (Morchingen) est une importante ville de garnison de pres­ que 7 000 habitants en 1910 ; la vie s'y organise presqu'exclusivement autour de l'armée. Le cimetière créé par les autorités militaires en 1893 contient dès sa création une partie pour les militaires et fonctionnaires militaires, et une autre pour les soldats décédés à l'hôpital de Morhan­ ge. De nombreuses sociétés coloniales ou d'anciens combattants (Kriegervereine) constituent le tissu associatif et culturel de la ville. La présence militaire est très fo rte également à Sarrebourg (10 000 habi­ tants en 1910) même si la ville a un tissu de petites activités commer­ ciales, artisanales et industrielles propre. Quant à Dieuze (5 852 habi­ tants en 1910), l'activité s'y concentre autour de la saline et de l'industrie chimique mais la garnison donne le ton.

° > 50 iL Y A QUATRE-ViNGT-DIX ANS LA BATAiLLE DE LORRAiNE . N 1 - MARS 2005 La bataille de Lorraine a donc lieu dans les champs de tirs du XXIe corps d'armée, incorporé dans la VIe Armée (Armee Oberkommando 6) dont le prince héritier de Bavière prend la tête lors de la déclaration de guerre. Sous ses ordres, plusieurs divisions parmi lesquelles les Lorrains du 174e et ceux du 131e. Après leur écrasante défaite de Morhange, les troupes françaises se replient vers Nancy où le général de Castelnau enterre ses troupes dans des tranchées, comme il l'a vu fa ire aux Allemands, permettant ainsi la résistance puis la « victoire » du Grand Couronné. Dans certaines unités, la retraite française a pris l'allure d'une débandade et la presse nationale stigmatise la caractère « léger » des soldats du sud. La 26e division a laissé son artillerie au prince Rupprecht à Sarrebourg. Joffre « limoge » ses généraux à tour de bras. La vic­ toire de la Marne n'en sera que plus miraculeuse et donnera l'occasion d'une grande réconciliation natio­ nale. Après leur échec devant Nancy, les troupes allemandes se replient sur leurs bases lorraines, le frontse stabilisant légèrement au sud de l'ancienne frontière franco-allemande - les crêtes vosgiennes sont ainsi occupées, fe rmant l'accès à l'Alsace, tout comme le sont, à l'ouest, la région de Saint-Mihiel et le Pays-Haut, pour protéger Metz. L'armée de réserve allemande a donc assuré avec succès la défense de son territoire. L'agression française en Alsace et Lorraine facilite d'ailleurs le travail de propagande des militaires alle­ mands : la menace d'une invasion du Reich était bien réelle. Elle a été victorieusement stoppée. Désormais, il faut soutenir sans mollir cette armée qui protège les frontières de sa patrie.

Die Schlacht bei Saarburg La bataille de Sarrebourg

Die Erde verschimmelt im Nebel. La terre est à moisir dans la brume. Der Abend drückt wie Blei. Le soir est pesant comme du plomb. Rings reiflt elektrisches Krachen Partout claque un fracas électrique Und wimmernd bricht alles entzwei. Et dans un geignement tout se rompt.

Wie schlechte Lumpen qualmen Pareils à de mauvais chiffonsfument Die' Dorfe r am Horizont. Les villages tout à l'horizon. Ich Liege gottverlassen Abandonné de Dieu je repose In der knatternden Schützenfront. Parmi le tir crépitant du front.

Viel kupferne fe indliche Vogelein Agressifs beaucoup d'oiseaux de cuivre Surren um Herz und Hirn. Me sifflent autour de cœur et cerveau. Ich stemme mich steil in das Graue Je me raidis droit dans la grisaille Und biete dem Morden die Stirn. Et je tiens tête aux sanglants assauts.

Alfred Liechtenstein (1889-1914) (5)

(5) Poète berlinois tué à Ve rmandovillers près

de Reims le 25 septembre 1914. Ce texte est le dernier qu'il ait écrit. Trad. Lionel Richard.

N° 1 - MARS 2005 , IL Y A QUATRE·VINGT·DIX ANS LA BATAI LLE DE LORRAINE 51 < Le général Dubail (1 851-1934), commandant de la l' Armée fra nçaise, consultant une carte d'état-major, illustration du Guide Michelin Metz et la bataille de Morhange (A rch. dép_ Moselle, BH 7318)

LES COMBATTANTS

Les chroniques paroissiales, presque contemporaines des faits (6), apportent un éclairage varié sur les évé­ nements. Rédigées en français ou en allemand, par des prêtres d'âge et d'horizons divers, elles donnent une

vision très contrastée du combattant allemand qui a traversé les villages du sud mosellan à l'été 1914 : sol­ dats pieux pour les uns (on insiste alors sur le catholicisme des bons Bavarois ou des Rhénans), brutes mé­ prisante pour les autres (7), quand il ne s'agit pas malheureusement des paroissiens au front ou, pire, déjà morts au combat, dont les noms s'égrènent en fin de questionnaires -le fa ntassin Joseph Poirson de Né­ bing, qui a participé à la bataille de Morhange (19-20 août), à celle de Lunéville (22 août) et a été blessé entre Fraimbois et Gerbéviller ; Laurent Bronner, de la paroisse de Wittersbourg, tué à 26 ans le 20 août dans la bataille de Loudrefing ; l'instituteur de Saint-Quirin, Lucien Wagner, du 97e régiment d'infanterie, tombé le 25 août à Magnières (-et-Moselle), quelques hommes tombés en Belgique également. Les prêtres mosellans accumulent parfo is les petites anecdotes dans des récits plein de verve, notamment sur les généraux allemands (parfois français) qu'ils ont eu l'honneur d'héberger, le presbytère étant le seul hé­ bergement décent, voire coquet, de ces communes rurales : le curé de Munster peut ainsi donner le détail du menu de Rupprecht von Bayern entre le 18 et le 22 août. Otto von Below (1857-1944), général com­ mandant le 8e régiment d'infanterie wurtembergeois, en garnison à Strasbourg, fer de lance de la bataille de Loudrefing---Dieuze, a logé durant les combats au presbytère de Nébing.

En revanche, la vision qu'ont les prêtres des « fa its historiques » (le Ges- chichtliches) est floue. Les curés des villages les plus proches des com- bats, s'ils en ont gardé le plus souvent des impressions auditives fortes, n'ont pu donner une logique aux mouvements de troupes qu'a poste- riori. Ces chroniques donnent le sentiment d'une extrême passivité des populations civiles, d'un fatalisme face aux événements. Ainsi le curé de , About, lorsqu'il rédige, sans passion aucune, le récit

de l'arrivée des Français dans le village les 15-17 août : « Pendant l'oc- cupation française, on arbore le drapeau tricolore, on afficheune pro- clamation du général de Castelnau, on garde à vue le maire, l'adjoint, l'instituteur, toute une nuit. On furète dans l'église et la sacristie pour y découvrir les téléphones secrets » (8). Le curé de Munster, A. Muller, a vu le 11 août sa commune traversée par les Alsaciens du 1ge régiment d'infanterie, en pleine chaleur, harassés de fatigue ; le 19 août il a con- duit à leur dernière demeure des soldats des évêchés de Mende et Lo- dève. La nuit suivante, 1 000 soldats bavarois étaient casernés dans son église, la cavalerie installée dans le cimetière.

) 52 IL Y A QUATRE'VINGT'DIX ANS LA BATAILLE DE LORRAINE . NO 1 - MARS 2005 Un paysan des environs de Sierck , armé d'une fa ux . se défend Les fra ncs-tireurs de la Moselle en embuscade .. courageusemenl conlre un uhlan.

« Un paysan des environs de Sierck, armé d'une fa ux, « Les francs-tireurs de la Moselle en embuscade ", se défend courageusement contre un uhlan ", détoil d'une planche des Scènes de la guerre de 1870-1871, détail d'une planche des tpisades de la guerre Imagerie de P. Didion à Metz, dépôt légal du 7 novembre 1871 de 1870-1871, Imagerie de P. Didion à Metz, dépôt légal (A rch. dép. Moselle, 1 T 102/2) du 7 novembre 1871 (A rch. dép. Moselle, 1 T 102/1)

(6) Ces « chroniques paroissiales pour le temps de la guerre " (août-décembre 1914) ont été La macabre réalité de cette équipée militaire semble plus présente lors­ rédigées par les curés en réponse à une qu'on fa it le décompte des morts. Un rapide calcul permet, dans les an­ circulaire d'octobre 1914 de l'évêque Willibrod nées 1930, d'évaluer à quelque 35 000 les soldats reposant dans les ci­ Benzler, soucieux de la situation du clergé de metières et nécropoles d', Avricourt, Bisping, , son diocèse. Les curés étaient invités à dresser Château-Salins, Cutting, Delme, Dieuze, , , Lafrim­ l'état de leur ministère paroissial, des secours bolle, Lagarde, , , Morhange, Munster, Plaine-de­ sanitaires, des œuvres de charité et des fa its Walsch, , , Sarrebourg, Ve rgaville et ... Et en­ historiques (Arch. dép. Moselle, 29 J 2010). Dès core y-a-t-il ceux dont les corps n'ont pas été retrouvés. Dès l'automne le 18 septembre 1914, l'évêque Benzler avait 1914 les autorités réclament aux présidents de cercles le tableau des sol­ d'ailleurs estimé nécessaire de publier une dats tués (des Totenliste). Le triste record est détenu par Walscheid avec proclamation niant la mort des curés de ses 362 morts allemands et 329 français relevés sur le ban de la com­ Lagarde et , Demange et Thiriot, et mune ; non loin derrière, les 224 morts allemands et les 350 français reconnaissant le décès de Calba, prêtre du tués sur le territoire de Gosselming, puis les morts de , Sar­ diocèse de Nancy (IBID., 29 J 593). raltroff, ... (7) Le germanophobe curé de Tincry, Bernard, Dans un premier temps, les motifs sanitaires priment : il n'est pas possi­ qui exècre les Prussiens protestants et leur ble, en pleine chaleur estivale, de laisser pourrir des charniers. Ainsi, après « règne de la terreur », sait pour sa part les combats, qui, le 20 août 1914, ont fait rage entre Bidestroffet Verga­ reconnaître les bons catholique : ces soldats ville, les morts français ont été enterrés, dans deux cimetières, l'un pour « qui nous arrrivent des diffé rentes contrées de les officiers,l'autre pour les simples soldats : tous les civils valides du vil­ la Lorraine, de l'Alsace et des provinces du lage et des environs, hommes et femmes, étaient chargés de ramasser les Rhin » (Arch. dép. Moselle, 29 J 2010). morts français (1 204 rien que sur le ban de Bidestroff) et allemands (650 (8) Arch. dép. Moselle, 29 J 2010. C'est dans peut-être) (9). Mais les autorités ont également agi dans le respect du son presbytère qu'a logé le général de cavalerie mort et de sa dépouille : les maires de ces petites communes du cercle de Conneau (1856-1930). Sarrebourg donnent en effet un recensement très exact, identité et matri­ (9) Témoignages recueillis par MARQUÉ (Paul) cule militaire compris, des soldats relevés sur le ban de leur commune, et TOLLÉ ûean-Émile), BIDESTROFF DE 1815 À NOS presque toujours assorti de croquis ou de relevés cadastraux permettant JOURS, chez l'auteur, 1996. de localiser les tombes de fortune (10). Le contenu des poches des cada­ (10) Arch. dép. Moselle, 15 Z 90. vres est parfois détaillé (petite monnaie, lettre, médaillon ...) . Côté allemand, les soldats mosellans paient très tôt leur tribut à la boucherie, notamment ceux du Ble ré­ giment d'infanterie, un Lothringisches Regiment, venu de Morhange, qui a combattu à Lagarde et à Verga­ ville en août. Citons quelques noms glanés au hasard des pages du Livre d'or de l'abbé Weber (11) : Aloyse Gerino de Petit-Tenquin, Adolphe Jacques Boul de Guéblange-lès-, Pierre Boubel de Folpersviller, les Forbachois Nicolas Flauss et Guillaume Mathieu Korn ...

O N 1 - MARS 2005 . IL Y A QUATRE-VINGT-DIX ANS LA BATAILLE DE LORRAINE 53 < Le Kronprinz (p rince héritier) Rupprecht von Bayern, carte postale commémorative de ses victoires en Lorraine, éditée en 1914 par la société Titan (A rch. dép. Moselle, 8 Fi801 /40)

Face à eux, les « Marseillais » du xve Corps ont été décimés, notamment lors du terrible massacre du 15 août. Le bilan fr ançais est d'ailleurs catastrophique : dans la Deuxième armée de Castelnau, l'hécatombe a frappé le XIIIe Corps du général Alix (soldats du Puy-de-Dôme et de l'Hérault, morts autour de Schnec­ kenbusch, Brouderdorff, Voyer et Plaine-de-Walsch le 20 août), le XVC du général Espinasse (soldats du Var, du Va ucluse, de Lozère, de l'Ardèche, de l'Hérault, accrochés dès le 6 août à , le Il août à Lagarde, le 15 août à ), le XVI' du général Taverna (soldats des Pyrénées-Orientales, de l'Aude, du Tarn ou de l'Ariège, tombés les 18-19 août autour de Loudrefing et ), et même les Lorrains du XXe Corps de Foch à Morhange le 20 août. Dans la Première Armée, celle de Dubail, c'est le VIIIe Corps du gé­ néral de Castelli (des Bourguignons et des Beaucerons) qui a souffert les 20-21 août autour de Saint-Jean­ de-Bassel, Gosselming, Sarraltroff et . Les Marsouins du XIve Corps d'armée (SIe R.I.e.) se sont pour leur part fait écraser à Walscheid le 19 août.

(11) Arch. dép. Moselle, 19 J 386. Fait assez rare durant le conflit, toujours présenté dans l'histoire de (12) Les récits de combattants et les historiques France comme une guerre de défense de la patrie, c'est bel et bien en de régiments maltraitent la géographie et la terre étrangère, sur le sol allemand (12) que, lors de la bataille de Lor­ toponymie mosellane, l'orthographe écorchée raine, les politiques et les militaires ont envoyé les soldats français mou­ des lieux de combats prouve assez que la rir : officiellement bien sûr, cette agression a été présentée comme une Moselle est terre étrangère sinon barbare ! libération de l'Alsace et de la Moselle occupées ; il n'en reste pas moins, (13) Arch. dép. Moselle, 29 J 2011. qu'en droit international, le plan Joffre était une incursion en territoire (14) L'abbé Jean, correspondant de la Société ennemi. Les agressés étaient les soldats allemands (et parfois très préci­ d'archéologie lorraine, avait été l'historien de sément mosellans), venus défendre leur patrie envahie, et non l'inverse. Château·Voué. Dressant son Livre d'or, l'abbé Weber avait déjà remarqué ces Lorrains (15) Arch. dép. Moselle, 29 J 2010. Il a été morts pour la défense de leur village natal contre l'envahisseur fran­ compagnon de captivité de l'abbé Jean. çais : citons, au hasard, les noms d'Émile Bynen (né à Domnom-lès­ (16) Témoignage du curé de Munster (Arch. dép. Dieuze en 1890, et qui y meurt sous l'unifo rme du 97e régiment d'in­ Moselle, 29 J 2010). fa nterie, un régiment rhénan de la VIe Armée, lors de la bataille du 20 (17) Arch. dép. Moselle, 29 J 2010. août) ou d'Auguste Thiébault (né à Lagarde en 1890, et qui y meurt le (18) Vo ir sur cette question KRAMER (Alan), 11 août avec le 138e régiment d'infanterie) ...

« Les atrocités allemandes : mythologie Ces soldats sont moins connus que leurs ennemis français. Ils ne sont

populaire, propagande et manipulations dans pas morts « pour la France » et souvent leurs enfants et petits-enfants,

l'armée allemande », dans BECKER ùean· élevés après le retour à la France, ont occulté et renié leur passé alle­ Jacques), WINTER Ùay Murray), KRUMEICH mand. Reposent donc aujourd'hui dans les cimetières allemands (Gerd), BECKER (Annette) et AUDOIN·ROUZEAU d'Abreschviller ou Bisping des hommes venus de garnisons en pays de (Stéphane) dir., GUERRE ET CULTURES (1914-1918), Bade, Bavière, Wurtemberg, Rhénanie, Mecklembourg même, mais Paris : Armand Colin, 1994, p. 147-164. aussi Lorraine et Alsace.

O > 54 iL Y A QUATRE-ViNGT-DiX ANS LA BATAiLLE DE LORRAiNE . N 1 - MARS 2005 LES « ATROCITÉS» BAVAROISES

On doit à l'abbé Louis Pinck un recueil dactylographié des méfaits commis par les Bavarois, c'est-à-dire par la VIe armée allemande, en 1914 (présenté comme une compilation de témoignages vérifiables) (13) dans lequel il fa it état des destructions à Saint-Jean-de-Bassel, Avri­ court, Altroff, , , Saint-Julien ... et bien sûr Dalhain. Il commence d'ailleurs son récit en colportant un bruit circu­ lant dans Sarreguemines : une pancarte à la frontière entre et Rheinheim quand les Bavarois sont entrés en Lorraine en 1914 por­ tait l'inscription lm Peindesland (en pays ennemi), expliquant ainsi l'attitude des troupes à l'égard des civils mosellans.

Il semble qu'on puisse noter plus généralement une animosité des militaires allemands à l'écart des prêtres et des civils. La société militaire allemande de 1914 fo nctionne encore sur le modèle féodal : les guerriers (les officiers allemands sont nobles, et la place accordée aux princes héritiers allemands au sein de l'armée n'est pas neutre de ce point de vue) sont placés au-dessus du clergé (Der Klerus) et bien sûr du paysan. N'oublions pas non plus que c'est au presbytère que logent les officiers, que leur logement ou l'église ser­ vent souvent de quartier-général de campagne équipé de téléphones, et les clochers de points culminants susceptibles d'abriter des pièces d'artillerie et leurs desservants (comme à Lagarde). Les prêtres sont donc assez souvent victimes de voies de fa it plus ou moins graves de la part des militaires, à l'instar du malheu­ reux abbé Louis Nicolas Jean (1854-1915), curé de Château-Voué [Dürkastel] (cant. Château-Salins), arrêté pour intelligence avec l'ennemi (un soldat protestant l'accompagnant au chevet d'un mourant en zone oc­ cupé aurait pris le signe de croix de l'absolution pour un signe à l'ennemi) puis conduit à pied à Morhange, emprisonné à Sarreguemines, Nuremberg, et envoyé en maison de repos à Bamberg, avant de mourir à l'asile de fo us de Sarreguemines-Steinbach en avril 1915 (14).Semblable mésaventure est survenue à d'autres prêtres : le fr ancophile curé de Tincry qui conte son odyssée à l'évêque à son retour de captivité en 1915 (15), ou le curé d', Ludwig Greff, accusé de trahison et emprisonné à Sarralbe (16). À l'inverse, c'est par les troupes françaises que le curé de a été emmené en captivité dans la nuit du 10 au Il août et sa détention a duré jusqu'au 5 octobre alors que sa paroisse a été occupée par les troupes allemandes sans incident notable (17). Les vexations infligéesau clergé sont peut-être d'ailleurs à interpréter comme un exu­ toire à la peur engendrée par le mythe des mutilations commises par des prêtres catholiques sur les soldats allemands (18).

Les cuirassiers français dons Sarrebourg le 18 août 1914. corte postale éditée par les frères Knorr (A rch. dép. Moselle. 8 Fi 630/117) DurC'hmarsch der fraUZÔSlSc.hen Ki1rassiere durc.h die Langestrasse in Saarburg 1. L. am r8. Au gust 1914.

O N 1 - MARS 2005 . iL Y A QUATRE-ViNGT-DiX ANS LA BATAiLLE DE LORRAiNE 55 ( Philosophe, le curé de Munster (19), A. Muller, qui a confessé Rupprecht de Wurtemberg à trois heures du matin le 20 août et œuvré à la libéra­ tion de son collègue d'Assenoncourt quinze jours plus tard, plutôt que de se plaindre des mauvais traitements subis par quelques confrères, préfèreciter le huitième chant du Reineke Fuchs de Goethe : Gute Pries ter sind tiiglich und stündlich im Dienste des Herren Fleifligbegr iffe n und üben das Gute ; der heiligen Kirche Sind sie nütze, sie wissen die Laien durch gutes Exempel Aufdem Wege des Heils zur rechten Pforte zu leiten. En écho à cette description du bon prêtre, il propose une autre citation du poète allemand, extraite du Kriegsglück, résumant le sort du com­ battant : We nn endlich die Ka none brummt

Und knattert '5 klein Gewehr, Tr ompet und Trab und Tr ommel summt, Da geht's wohl lustig her ; Und wie nun das Gefecht befiehlt, Man weichet, man erneut's, Man retiriert, man avanciert - Und immer ohne Kreuz.

Rast der «Elfer Bayern . var dom Torbaus von Dieuze. Pause paur le XI'Bavarais à l'entrée de Dieuze, août 1914, carte postale éditée

par Bruno Goerz·Beuerle à Sarrebruck (A rch. dép. Moselle, 8 Fi 177/45). Le Koniglich Bayerisches 11 Infanterie-Regiment (Von der Ta nn), de Regensburg, appartient à la 6' divisian d'Infanterie du Ille corps d'armée incarparé dans la 6' Armée du prince Rupprecht.

Le « martyre de Dalhain », le 20 août 1914, aura pour principale victime un autre prêtre, Prosper Calba. Pour la Saarbrücker Vo lkszeitung du 9 septembre 1914, Dalhain est une nouvelle Jérusalem détruite. La presse allemande, pourtant très censurée, ne nie donc pas le calvaire du petit village lorrain. Et de nom­ breuses vues du village en flammes sont publiées côté allemand. Sur la destruction de cette localité - 374

habitants en 1885, plus que 303 dans 102 maisons en 1901 - on possède un ensemble de témoignages réu­ nis et dactylographiés en 1933 en réponse à l'enquête des Archives de Potsdam sur l'attitude du clergé du­ rant la guerre (20) : un article d'Emil Brueder (Rilder aus der Schlacht von Lothringen) dans le Lothringer Ka lender 1917, publié chez Even à Metz, le récit manuscrit d'un habitant de Dalhain, le rapport du curé de Dalhain, Thiriot (21), à l'évêque de Nancy (22), le rapport du docteur Pratbernon, aux côtés des soldats français blessés durant les événements de Dalhain, un passage dans les Mémoires d'un prisonnier, captif à Deux-Ponts pendant la guerre 1914-1918, d'Emil Guerber. L'ensemble des textes a été soigneusement com­ pilé par les services de l'Évêché de Metz et si aucune de ces sources ne peut être considérée comme impar­ tiale, leur lecture croisée permet de se fa ire une idée des faits.

O - ) 56 IL Y A QUATRE·VINGT·DIX ANS LA BATAILLE DE LORRAINE . N 1 MARS 2005 Durchzug deutscher Illfanterie durch nieuze uach Vergaville.

L'infanterie allemande traversant Dieuze pour se rendre à Vergaville, août 1914, corte postale éditée par Bruno Goerz-Beuerle, Sarrebruck (A rch. dép. Moselle, 8 Fi 177/44)

Avant-guerre, Dalhain n'était célèbre que pour son ossuaire du XV (19) Arch. dép. Moselle, 29 J 2010. siècle. À l'issue des combats qui se sont déroulés les 19 et 20 août 1914 (20) Arch. dép. Moselle, 29 J 2012. autour d', le village, épargné par les assauts, est revenu au calme (21) L'abbéThir iot est davantage connu pour et le drapeau de la Croix-rouge flotte sur une maison où sont rassem­ son recueil de chansons lorraines publiées en blés les blessés sous l'autorité du docteur Pratbernon (23). Des pa­ 1913. trouilles allemandes du ge Bavarois (Wrede, de Wurzburg) veillent à (22) On lui doit également un article dans Le leur évacuation, sans animosité aucune semble-t-il : le médecin fran­ Lorrain du 20 août 1919, édition spéciale çais et un prêtre originaire de Dalhain, l'abbé Calba (24), discutent avec DALHAIN ET LA BATAILLE DE MORHANGE-SARRE- les officiers allemands. C'est alors qu'une fusillade retentit : des soldats BOURG (2 0 AOÛT 1914). IN M{MORIAM ! L'AFFAIRE français cachés dans un jardin (ou dans des maisons ?) se seraient mis à DE DA LHAIN. tirer sur les soldats allemands. Des civils qui profitaient de l'accalmie (23) Maire de Pa rcy, médecin auxiliaire à la 31" vespérale pour aller s'approvisionner en eau pâtissent de ces échanges. division. En représailles, l'officier allemand ordonne l'exécution des prisonniers (24) Prosper Albert Calba, né à Dalhain le 3 et blessés français, du personnel soignant et du prêtre. Les malheureux janvier 1882, vicaire à Saint-Maur de Lunéville. sont conduits à coups de crosse et de baïonnette à la sortie du village et Il serait rentré pour se présenter au bureau de exécutés au bas des vignes de Bellange. Seul le Dr. Pratbernon réussit à mobilisation de Forbach et serait resté chez ses s'esquiver vers son ambulance. Après quoi commence le bombarde­ parents dans l'attente d'une affectation. ment du village avec pour objectif de débusquer les tireurs français et (25) LOTHRINGER VO LKSTIMME nO 238, 14 octobre peut-être l'anéantissement des maisons des villageois devenus suspects 1914, coupure de presse collectée par l'abbé à leur tour. Le 21 août, sous les obus allemands, les maisons de Dalhain Weber (Arch. dép. Moselle, 29 J 2011). prennent feu une après l'autre. Les 65 hommes du village sont emme­ nés en captivité à Morhange puis Deux-Ponts (Zweibrücken). Les Ba- varois seraient revenus le lendemain piller le village, briser les vases sa- crés et mettre le fe u à l'église. Un des hommes de Dalhain, Becker, accusé d'avoir tiré sur les soldats allemands, aurait été condamné à mort par le tribunal militaire de Deux-Ponts. y avait-il ou non des francs-tireurs français dans le village ? Les habitants de Dalhain avaient-ils essayé de cacher des soldats pour leur éviter la captivité ? Que faisait l'abbé Calba, vicaire de Lunéville (en France), dans son village natal (allemand) en temps de guerre ? Au total, cinq morts sont à déplorer dans la popula­ tion de Dalhain : deux victimes de la fusillade, Théophile Fristot, tué à bout portant en rentrant chez lui, Julien Cézard blessé de cinq coups de fe u puis piétiné par les soldats dans leur fuite (tous deux inscrits sur le registre des décès à la date du 20 août), ainsi que le jeune Robert Calba (inscrit à la date du 21 août) qui n'a pas le temps de se mettre à l'abri dans une cave avant la reprise des combats ; Mathieu Lefort, vieil homme grabataire mort dans sa maison incendiée, est également noté comme décédé le 22 août. La photo­ graphie du village détruit est abondamment diffusée, et souvent mal interprétée, ainsi dans le Münchener

Illustrierten Zeitung qui la légende « Deutsche Ka vallerie passiert beim Vo rgehen ein zerschossenes franzo­ sisches Dorf})(la cavalerie allemande traverse un village français détruit) ! (25)

O - . N 1 MARS 2005 IL Y A QUATRE'VINGT'DIX ANS LA BATAILLE DE LORRAINE 57 < Schlacht bei Biedesdorl-Dieuze, Loth,. La bataille de Bidestroff : combats dans les vignes le 20 août 1914, carte postale éditée par Bruno Goerz-Beuerle, Sarrebruck, vers 1915 (A rch. dép. Moselle, 18 J 196)

Après guerre on fe ra état d'une destruction « par l'armée bavaroise, sans aucune raison » et on reprochera aux Allemands vaincus ces exactions (et surtout de semblables destructions en Belgique et Lorraine fran­ çaise) comme des violations des lois de la guerre (Conventions de la Haye de 1889 et 1907). Or, quelles pouvaient être les motivations des officiersbavarois ayant donné l'ordre de la destruction ? Des historiens américains ont étudié les mécanismes de la violence et de la peur chez les combattants allemands. La figure archétypique du franc-tireur est, selon eux, très présente dans l'inconscient du combattant allemand à la veille de la guerre. Lorsqu'une peur collective s'empare des troupes épuisées et sans expérience, qui vien­ nent de fa ire la découverte de la violence des combats, l'inconscient prend le pas sur la raison. L'angoisse, en terre étrangère, déclenche des réactions hors de proportion, des comportements violents avérés (fusilla­ des, incendies de villages, passage de civils en cour martiale ... ). Les troupes allemandes ont été sujettes à ce genre de panique lors de l'invasion de 1914, parce qu'elles étaient en territoire ennemi, dans un environne­ ment hostile - et Dalhain, village de Lorraine francophone, abritant qui plus est un prêtre français, peut être perçu comme tel (26). C'est ainsi qu'en Belgique, comme en Lorraine, les officiers allemands ont inter­ prété - à tort (tirs de leurs propres hommes, tirs au loin de soldats ennemis protégeant la retraite de leurs troupes) ou à raison (tout tir provenant des fe nêtres d'un village est suspect et il n'est pas impossible que certains jeunes gens aient pris les armes contre l'envahisseur) (27) - certaines actions individuelles comme le fait de ces francs-tireursqu'ils redoutaient tant. Le souvenir mythique de 1870 plane sur l'invasion de 1914. Pour John

Horne, le « cumul de stéréotypes culturels, d'images populaires et de

référents historiques » confèrentau mythe du franc-tireur sa « puissan­ É (26) Vo ir BEAUPR (Nicolas), « Espions et ce métaphorique » (28). Alors même que l'imagerie messine véhiculait fra ncs-tireurs en 1914 dans la littérature de des scènes de la guerre de 1870 où l'on voit des francs-tireurs en em­ guerre ", 14/18 AUJOURD'HUI. TO OAY. HEUTE, nO 4, buscade le long de la Moselle ou un paysan de Sierck se défendant con­ 2001, p. 59-77 et JEISMANN (Michael), LA PA TRIE tre un uhlan avec sa fa ux, quand elle ne consacrait pas des planches en­ DE L'ENNEMI, Paris : CNRS éditions, 1997. tières aux francs-tireurs de Paris, des ou bretons, comment Seuls les peuples colonisés ont pu au XIX' s'étonner que les soldats allemands voient dans tout paysan, dans tout

siècle connaître ce genre de comportement de jeune garçon, un résistant (un « franc-tireur ») prêt à lui tirer dans le la part des troupes françaises qui n'ont pas, dos ? Or un franc-tireur commet un meurtre et non pas un simple ho­ pour leur part, eu l'occasion de franchir la micide en droit allemand ; il n'est pas couvert par l'interprétation alle­ frontière en envahisseur entre 1815 et 1945. On mande des « lois de la guerre » car il agit « traîtreusement » (Heimtüc­ a malheureusement pu voir, à l'occasion de kisch), à couvert et sans uniforme. Les officiers allemands appliquent conflits plus récents, ayant pris l'allure d'une alors les sanctions qui leur semblent justifiées en pareil cas : les hom­ guérilla, des soldats fra nçais commettre ce mes du village passent devant un tribunal militaire, sont emmenés en genre d'exactions, et même pire. Le bon captivité (à Zweibrücken dans le cas de Dalhain) et leurs biens sont dé­

« génie » national ne les en a pas empêchés... truits (incendie du village) (29).

O 1 - MARS > 58 IL Y A QUATRE-VINGT-DIX ANS LA BATAILLE DE LORRAINE . N 2005 Par la suite, dans une circulaire du 26 août 1914, Falkenhayn, ministre prussien de la Guerre, se réfère à l'ordonnance impériale de 1889 et à l'article 1 er de la convention de la Haye pour justifier l'exécution des civils résistants ou suspects. Cette rationalisation juridique permet à l'état-major de contrôler la dynami­ que de la violence exercée contre les civils (30).

Il ne fa ut donc pas nier la réalité des « atrocités allemandes » dénoncées dès le début des hostilités en Fran­ ce et en Belgique dont le récit, appuyé - amplifiéet déformé - par la propagande gouvernementale, aboutit

à la fo rmation en France d'un véritable mythe traumatisant (les « hordes de Bavarois », les mains coupées, etc.), peur attestée dans les départements français occupés.

Pranz6sisches Ollizier.· und Massengrab bei Vergaville. (Oefallen ; der Schlacht he; Dieuze.) Le champ de bataille de Vergaville, carte postale éditée par Bruno Goerz-Beuerle, Sarrebruck (A rch. dép. Moselle, 8 Fi 706/6)

(27) La propagande française de 1914 glorifie d'ailleurs les cas de résistance érigeant en modèles d'actes de bravoure les actions que réprouvent les militaires allemands, ainsi le sacrifice de l'enfant héros Emile Després, dans le Nord (cas cité par Stéphane Audoin-Rouzeau). Il y a d'ailleurs eu de véritables cas de francs-tireurs dans la zone située au dud de Longwy début OTAGES DES FRANÇAIS août. Ainsi à Villers-la-Montagne un médecin allemand a été abattu par des francs-tireurs, ou On ne peut pas non plus passer sous silence les vexations infligées par des tireurs français embusqués. les troupes françaises aux Alsaciens-Lorrains. La rumeur selon laquelle (28) Vo ir HORNE Uohn). « Corps, lieux, nation. La douze habitants de auraient été mis à mort par les sol­ France et l'invasion de 1914 », ANNALES D'HISTOIRE dats français dans l'église, colportée par la presse allemande, semble in­ ET DE SCIENCES SOCIALES, 2000, nO l, p. 73-109. fo ndée (31). En revanche le sort des otages alsaciens-lorrains emmenés (29) Scénario assez proche à Gerbéviller, plus en camp de concentration par les Français doit être évoqué : le calvaire meurtrier le 20 août à Nomény (tous deux en du cortège de notables et prêtres de l'arrondissement de Château-Salins Meurthe-et-Moselle, donc en terre française). conduits par les soldats de la 6e Armée bavaroise à la prison militaire de (30) Voir HORNE Uohn) et KRAMER (Alan), « War

Morhange puis à celle, civile de Sarreguemines sous les huées de la po­ between soldiers and enemy civilians, 1914-15 », pulace ( << la lie des rues, la canaille protestante, des soldats désœuvrés et dans CHICKERING (R.) et FORSTER (S.) éd., How sans tenue ») raconté par le curé de Tincry est en tout point semblable TO TA L WAS THE GREAT WA R ? GERMANY, FRA NCE, GREAT au drame des otages du canton de Lorquin traînés par des soldats fran­ BRITAIN AND THE UNITED STA TES, 1914'1918, New çais sadiques dans les rues de Baccarat puis descendus du train en gare Yo rk : Cambridge University Press, 2000, p. 153- de Clermont-Ferrand sous les jets de pierre de la foule auvergnate. Le 168 et HORNE Uohn) et KRAMER (Alan), GERMAN voyage en wagons à bestiaux fe rmés d'Épinal à Clermont en plein mois ATROCITIES, 1914. A HISTORY OF DENIAL, New Haven, d'août préfigure d'ailleurs d'autresvoyages fe rroviaires de sinistre mé­ Connecticut : Ya le University Press, 2001. moire. Séminaires, couvents, écoles, îles bretonnes, l'abbaye du Mont­ (31) Lothringer Volkstimme nO 197, 27 août 1914. Saint-Michel, les arènes de Béziers ... sont transformés en lieux de dé­ Coupure de presse collectée par l'abbé Weber tention improvisés pour les otages alsaciens-lorrains. (Arch. dép. Moselle, 29 J 2011).

NO 1 - MARS 2005 . IL Y A QUATRE-VINGT-DIX ANS LA BATAILLE DE LORRAINE 59 ( Franzosische Gefangene in Saarburg i. L.

Prisonniers fro nçais à Sarrebourg, carte postale éditée par les frères Knorr(A rch. dép. Moselle, 8 Fi 630/118)

Qui sont-ils ? To ut d'abord des Alsaciens-Lorrains qui travaillent en France avant 1914 et ont été internés

comme « ennemis de l'intérieur }) lors du déclenchement des hostilités ; de malheureux: « réquisitionnés }), ces charretiers chargés d'évacuer les soldats français blessés lors des boucheries d'août 1914 et dans l'im­ possibilité, une fois leur dernier voyage accompli, de regagner leur village, de l'autre côté du front ; et plus grave encore, des otages faits prisonniers lors de l'avancée des troupes françaises en Alsace et en Moselle. Parmi eux, des notables (maire, instituteur, greffier, juge de paix, notaire ... ou gros agriculteurs) de Lor­ quin, Av ricourt, Abreschviller, , Héming, , Hesse, , Schneckenbusch, Voyer, de nombreux Alsaciens des cercles d'Altkirch et Mulhouse, et aussi des malheureux habitants de Haut-Clo­ cher (16 août) et Moyenvic, pris lors d'accrochages entre deux:patrouilles, fr ançaise et allemande. Otages français, otages allemands, le sort est donc comparable, les ré­ cits identiques. Cependant, dans le cas des Mosellans emmenés en cap­ tivité à Sarreguemines ou Zweibrücken, il s'agit de ressortissants natio­

naux:, jugés « régulièrement }) par un tribunal militaire pour des faits d'espionnage, d'intelligence avec l'ennemi, de démoralisation ... L'ar- mée fr ançaise a, elle, conduit en captivité des civils ennemis, ce qui est (32) FARCY Oean-Claude), LES CA MPS DE tout à fait contraire aux: lois de la guerre. Et malheureusement, il sem­ CONCENTRATION FRANÇAIS DE LA PREMIÈRE GUERRE blerait dans ce registre que les Français républicains aient devancé leur MONDIALE (1 914-1920) , Paris : Anthropos, 1995 ; militariste ennemi héréditaire puisque, côté allemand, Jean-Claude

MAIRE (Camille), « Prisonniers des libérateurs, Farcy ne voit les premières prises d'otages de ce type (en Flandre) que

le drame des otages lorrains en août 1914 », plus tard, et en représailles aux: prises d'otages françaises de Saales ... LES CAHIERS LORRAINS, 1998, p. 407-434 et Raymond Poincaré s'était pourtant étonné que l'armée d'un pays dé­ 1914-1918. DES ALSACIENS-LoRRAINS OTAGES EN mocratique ait pu se comporter ainsi et un autre Lorrain, Maurice Bar­ FRA NCE, Strasbourg : Presses Universitaires de rès, s'était ému sans succès, du sort des malheureux: otages mosellans, Strasbourg, 1998. Un film, OTAGES EN FRA NCE, a victimes de mauvais traitements agrémentés d'insultes et de tortures été réalisé sur le sujet par Benoît Sourty pour morales, allant jusqu'à des voies de fa it, et dont certains vont mourir en France 3- captivité (exécutés, malades, ou fous tout comme l'abbé Jean à Stein­ (33) Vo ir par exemple BECKER (Annette), bach) tandis que leurs familles restent sans ressource tout le temps du Oubliés de la Grande Guerre. Humanitaire et conflit. Contrairement aux: détenus politiques d'Ehrenbreitstein ils ne culture de guerre : populations occupées, connaîtront pas la gloire à leur retour d'exil forcé, et auront eu bien du déportés civils, prisonniers de guerre, Paris : mal à se faire dédommager par une Troisième République soucieuse de

Agnès Viénot-Noésis éditions, 1998 (rééd. réintégrer les « provinces mythiques }) dans le giron de la mère-patrie et

Hachette, « Pluriel », 2003). de tourner cette page peu reluisante de l'histoire de France.

O > 60 IL Y A QUATRE-VINGT'DIX ANS LA BATAILLE DE LORRAINE . N 1 - MARS 2005 La question des otages des Français avait été soulevée par l'historien de Lorquin Camille Maire, mais rejetée comme une incongruité par tous ses interlocuteurs, incrédules, jusqu'à ce que Jean-Claude Farcy ne fasse éclater la petite bombe historique des camps de concentration français de la Première guerre mondiale (32). Leur réalité ne fait plus de doute aujourd'hui et, désormais, toutes les victimes civiles de la guerre (po­ Blessés français dons la cour pulations occupées, déportés, prisonniers de guerre, etc.) voient leurs de la caserne du 17' à Morhange, souffrances reconnues par leurs historiens, même si le grand public après la bataille du 20 août, persiste à les ignorer - ou à ne reconnaître, dans une sorte de délire de cliché publié dons Bataille la persécution, que celles qui ont frappé sa fa mille ou son village, sans de Morhange, 1921 les replacer dans un contexte plus général (33). (A rch. dép. Moselle, BH 3031)

1 III Bt s fr "ça! li n la cour li 1 Qscrne ùu Ji , pr 101 du 20 Il ul,

' L ICONOGRAPHIE EN TEMPS DE GUERRE

Les Archives de la Moselle possèdent dans leurs collections iconographiques de nombreuses représenta­ tions liées aux batailles de Morhange-Sarrebourg. Certains lieux sont davantage présents que d'autres dans l'iconographie de la bataille : Dalhain, le village martyr a donné lieu à plus de quinze vues (dessins ou pho­ tographies). Viennent ensuite, avec une bonne demi-douzaine de représentations, les villages proches de Sarrebourg : Plaine-de-Walsch - durement touché lors des combats du 20 août, avec notamment la des­ truction symbolique de l'église et de l'école - et Buhl-Lorraine - là c'est une croix de chemin qui a pâti, mais le Christ a été miraculeusement épargné. D'autres villages ont été frappés : Bidestroff et Ve rgaville, lieux du « sacrifice du xve corps » de l'armée française, , Loudrefing, Schneckenbusch, Pévange, Ju­ velize, Domnom-lès-Dieuze, Brouderdorff, Gosselming ... Les lieux éponymes de la bataille, les villes de Dieuze et Morhange, tout comme le village de Riche, sont, eux, absents de l'iconographie de guerre alors que fe ront florès après les combats les cartes représentant leurs cimetières militaires et monuments com­ mémoratifs.

O - . N 1 MARS 2005 IL Y A QUATRE-VINGT-DIX ANS LA BATAILLE DE LORRAINE 61 Enterrement d'un officier allemand Il faut en effet nettement différencier la production en langue alleman­ près de Morhange, de et ses représentations de villages dévastés ou de combats produites photographie Schobel, vers 1914 dans les semaines suivant les événements, de la production française (A rch. dép. Moselle, 2 Fi 2662) d'après-guerre, représentant les monuments érigés à la gloire de l'ar­ mée française après le retour à la France du territoire mosellan. La production locale de guerre met en valeur les souffrances de la po­ pulation civile et les destructions. La plupart des cartes éditées mon­ trent les ruines, d'après des clichés photographiques pris sans doute quelques temps après les combats, avec l'aval des autorités civiles et mi­ litaires : les ruines de Plaine-de-Walsch, une fe rme des environs de Sar­ rebourg, la caserne d'artillerie de Sarrebourg, l'église de Loudrefing, détruite lors de l'assaut français, le 18 août 1914, le village de Dom­ nom-Iès-Dieuze, en partie détruit par les tirs français le 19 août, une maison détruite à Conthil lors des violents combats opposant les chas­ seurs frisonsaux troupes françaises, à Morhange, des maisons ou le ga­ zomètre éventré par un obus français (19-20 août) ... On propose éga­ lement des vues de cimetières militaires (Kriegergraber im Felde) invitant au recueillement. Quelques cartes héroïsantes, dues à des illus­ trateurs de talent médiocre, donnent une vision inventée du combat : ainsi les cartes représentant le prince héritier de Bavière en héros char­ geant à la tête de ses troupes, ou les combats corps à corps dans les vi­ gnes de Bidestroffle 20 août. Plus réaliste (et talentueux), un dessin à la plume a rendu avec force détails les horreurs de la guerre : sur le sentier entre Bidestroffet Ve rgaville, jonché de cadavres, seules les besaces dé­ passent des trous d'obus, au lendemain des combats. Autre thème ico­ nographique à ne pas négliger, celui de la visite au front, action de pro­ pagande dont raffolent les têtes couronnées (et casquées) allemandes (tout comme les politiques français d'ailleurs). On voit ainsi le roi

Guillaume II de Wurtemberg (1848-1921) - déjà venu en automobile à

Munster le 17 septembre (34) - à Vic, le jour de la To ussaint 1914, pas­ ser en revue les troupes du front qui s'est établi en avant de la Seille après la bataille de Lorraine.

° - > 62 IL Y A QUATRE-VINGT-DIX ANS LA BATAILLE DE LORRAINE . N 1 MARS 2005 Schlacht bei Môrchingen 19. u. 20. August 1914

Cérémonie au cimetière de Radalbe, carte postale éditée par Schiibel (Arch. dép. Moselle, 8 Fi 587/1)

f1assengraber Roda/ben i. Lothr.

Ces vues participent de la propagande de guerre allemande. Elles mentionnent bien la culpabilité française dans les destructions de villages tels Loudrefing, Conthil, Domnom, Bidestroff, etc. (( von franzbsischen

Truppen mit Maschinengewehren verteidigt », « durch franzbsisches Granatfeuer », « durch die Franzosen zerstbrt » ou « von den Franzosen zerschossen »). Que penser des intentions de ces cartes montrant l'entrée des cuirassiers français dans Sarrebourg le 18 août 1914 : volonté de railler la défaite de l'ennemi vaincu après une parade prématurée ? ou nécessité pour la propagande militariste allemande de prouver la dange­ rosité de l'ennemi français ? (34) Arch. dép. Moselle, 29 J 2010. Seule exception, les cartes produites par l'abbé Louis Weber mettant en (35) Arch. dép. Moselle, 57 U 1. Louis Weber, né cause l'armée bavaroise dans la destruction de Dalhain. Deux de ces à Boulay le 20 mars 1869, ordonné à Metz le 14 vues (une carte avec un chien sur une table et une carte montrant les juillet 1895, est le frère du maire de Boulay, vases sacrés de l'église, brisés) valent au curé de Réning, d'être condam­ Alexis Weber. Vicaire à Puttelange·lès·Fars· né par le tribunal militaire de Sarrebruck, le 20 février 1915, à neuf chviller en 1895, curé de Montdidier en 1899, mois d'emprisonnement pour sentiments anti-allemands (35). puis de Réning en 1903, il sera chanoine Après guerre, c'est l'héroïsme du libérateur français, son sacrifice pour honoraire de la cathédrale en 1936, réfugié à la Lorraine, qui sera mis en avant et Weber pourra rééditer ses vues de Charmes en 1941'1942, décédé à l'hôpital

Dalhain avec en légende « détruit par les Français d'après le tribunal Sainte·Blandine de Metz le 3 octobre 1952. Il a militaire de Sarrebruck » qui est un mensonge, la sentence n'ayant pas purgé 2 mois et 16 jours effectifs dans les porté sur la responsabilité des destructions mais sur l'attitude anti-pa­ prisons de Sarrebruck et Sarreguemines avant triotique de l'éditeur des vues. d'être relâché pour raisons de santé.

Cette production iconographique est avant tout régionale (Metz, Strasbourg, Sarrebruck), voire locale (Morhange, Sarrebourg et Dieuze). L'événement est donc suivi de près : dans certains cas, des photogra­ phes locaux se sont rendu sur les lieux du drame, comme Wien de Morhange à Dalhain, le photographe officiel (Hofphotograph) H. Bensemann de Metz à Domnom, le photographe d'Elberfeld Max Wipperling. Ailleurs, les éditeurs ont été autorisés à publier des clichés militaires. D'autres représentations sont plus fa ntaisistes, notamment les dessins de R. Grischy édités par Goerz-Beuerle à Sarrebruck. Le créneau est suffisamment vendeurpour que les éditeurs aient constitué des collections thématiques : la Sammlung We ltkrieg de F. Comard à Metz, la Schlacht bei Morchingen 19 u. 20 August. 1914 de Zednik à Morhange, la Schlacht bei Saarburg 20. Aug. 1914 de Julius Manias à Strasbourg et la Schlacht in Lothrin­ gen Il 19./20. August 1914 des Messins Klingenstein et Weill. Qui sont les acheteurs potentiels ? Sans doute autant les habitants souhaitant donner des nouvelles à leurs proches que les militaires (allemands) engagés dans les opérations.

° N 1 - MARS 2005 . IL Y A QUATRE'VINGT'DIX ANS LA BATAILLE DE LORRAINE Basuch S. II. dIS Unlgs ,. WOrltemhrg in Vic a. d. Saille 1. Il. 191 ••

La visite du roi Guillaume /1 de Wurtemberg aux troupes

stationnées à Vic-sur-Seille, ,... 1" novembre 1914, carte postale éditée par les frères Hartmann (A rch. dép. Moselle, 8 Fi 712/38)

LE TEMPS DU SOUVENIR ET DE LA RECONSTRUCTION

Le 20 août 1915, un office religieux est célébré à Sarrebourg en mémoire des morts de la sanglante bataille de l'année précédente. L'exercice de mémoire commence donc avant même la résolution du conflit. Il s'ac­ centuera après l'Armisticie, côté français tout du moins.

MONUMENTS AUX MORTS

Vers 1923-1 924, les sépultures sont regroupées dans de grands cimetiè­ res nationaux français, allemands ou mixtes : Abreschviller, Av ricourt, Bisping, Brouderdorff, Cutting, Gosselming, , Lagarde, Li­ drezing, Morhange, Plaine-de-Walsch Riche, Sarraltroff, Sarrebourg (avec les 13 298 tombes du cimetière national français), Vergaville, Walscheid ... Ils sont gérés par le service des sépultures militaires au ministère des Armées. Les cimetières nationaux sont déclarés propriété nationale par la loi du 31 juillet 1920 -la loi du 29 décembre 1915 sur l'établissement des sépultures des armées françaises et alliées n'est ap­ plicable en Alsace-Moselle qu'à compter du 3 septembre 1920. Le 28 juin 1922 une loi réglemente l'établissement des sépultures de l'armée allemande. Les travaux d'aménagement et d'embellissement s'achèvent au début des années 1930, chaque tombe étant ornée d'un rosier. Plu­ sieurs monuments sont érigés sur les lieux des batailles, en sus des sim­ ples monuments aux morts communaux qui couvrent la France des années 1920.

Le cimetière national françaisde Brouderdorfftémoigne de la violence des combats de la bataille de Sarre­ bourg. À côté des 76 tombes, deux ossuaires contiennent 390 corps de militaires tombés à Brouderdorff, Hartzwiller et Schneckenbusch. Plaine-de-Walsch et Gosselming abritent pour leur part des cimetières nationaux mixtes. Les 41 tombes françaises, 84 tombes alliées, 43 tombes allemandes et les quatre ossuaires contenant 500 corps de Plaine­ de-Walsch sont des militaires tombés à Plaine-de-Walsch ainsi que les restes mortels des militaires relevés sur les territoires des communes avoisinantes (Vallérystahl, , Hartzwiller, , Ni­ derviller. ..). À Gosselming reposent 53 tombes françaises, 121 tombes alliées, 68 tombes allemandes et quatre ossuaires (495 corps), qui sont des morts relevés après la bataille sur les bans des communes de Gos­ selming et Saint-Jean-de-Bassel.

° - IL Y A QUATRE-VINGT-DIX ANS LA BATAILLE DE LORRAINE . N 1 MARS 2005 À Morhange, un cimetière militaire (Massengriiber) avait été ouvert juste après les combats pour enterrer les 700 morts de la bataille, dont 300 Braves (Tapfe r) Bavarois. C'est tout naturellement qu'il devient cime­ tière national allemand après la guerre, accueillant plusieurs soldats venant d'autres cimetières des envi­ rons. Quant aux restes de soldats français décédés au cours de la bataille de Morhange, ils sont alors exhu­ més et transférés au cimetière de Riche. Une colonne commémorative en grès des Vosges y a été élevée le 20 août 1921. Ce monument, d'un coût de près de 80 000 F, a été payé sur le budget de la ville de Morhange, avec subventions du conseil général de la Moselle (5 000 F) et du Commissaire général de la République à Strasbourg (4 000 F) (36). Sous les tertres du cimetière de Riche, reposent 5 000 soldats français (36) Arch. dép. Moselle, 8 Op 196. tombés lors de la bataille de Morhange (à Morhange, Pévange, , 1 (37) Arch. dép. Moselle, 8 Op 51. Achain, Bidestroff, Kerprich ...). En juillet 1924 les corps des soldats fr ançais et alliés auparavant enterrés à Château-Salins y ont été transfé- rés tandis que les soldats allemands étaient transférés à Morhange. En commémoration de la bataille de Dieuze, un monument commé­ moratif, œuvre de Raoul Ve rlet, membre de l'Institut, est inauguré sur le canal à Dieuze le 28 octobre 1923. Une fe mme ailée figure l'allégorie de la victoire et du deuil. 300 soldats, en majorité français, morts sur le champ de bataille le 20 août, ou dans les hôpitaux civils et militaires de Dieuze par la suite, sont inhumés à proximité tandis que les morts alle­ mands ont été transférés à Morhange. Les soldats morts dans les hôpi­ taux n'ayant plus de costume militaire, leur identification était impos­ sible. En revanche, environ 50 corps identifiés ont été rendus à leur famille (37). Un monument a été érigé en 1936 à Bidestroffen l'honneur des soldats français du XV corps. Il a été fo udroyé en 1995 et l'archange Michel a été brisé. Celui de Ve rgaville, inauguré le 22 août 1926, représente une Lorraine tenant dans ses bras un fantassin français en tenue de 1914 blessé à mort, le tout surmonté d'un arc de triomphe sur lequel sont gravés les régiments qui ont pris part à l'action avec l'effectif des hom­ mes tombés à la bataille de Ve rgaville.

Maison détruite (la villa Laurent) à Conthil, carte postale éditée par Klingenstein, Metz (Arch. dép. Moselle, 8 Fi 151/3)

O - . N 1 MARS 2005 iL Y A QUATRE-ViNGT-DiX ANS LA BATAiLLE DE LORRAiNE 65 < RECONSTRUCTION

Après novembre 1918, vient l'heure des comptes. L'Armoire lorraine, association présidée par Mme Jules Ferry, pour la reconstitution des biens des villages lorrains sinistrés, établit des listes de communes sinis­ trées (38). Pour la Moselle, à l'exception de , dans l'arrondis­ sement de Metz-campagne, seuls sont touchés les deux arrondissements de Sarrebourg (14 villages) et Château-Salins (15 villages), ceux qui avaient été le théâtre des opérations d'août 1914 - ou qui, pour cer­ tains, dans la vallée de la Seille notamment, ont eu la malchance de se trouver sur la ligne de front à compter d'octobre 1914. Certains sont considérés comme réparables en partie, d'autres comme « entièrement démolis » : Abreschviller, Brouderdoff, Buhl et Plaine-de-Walsch, Abon­ court, , Alaincourt, , Aulnois, , Crain­ court, Dalhain, Fossieux, Manhoué et . Ces villages vont bénéficierdes dommages de guerre servis par l'administration. Leur re­ construction tient largement compte de la tradition : les bâtiments ru­ raux sont conçus pour une fo rme d'agriculture traditionnelle dont on ne prévoit pas l'évolution. On se contente donc de rebâtir les maisons sur leur emplacement initial, en modifiant peu l'aspect du village-rue. La maison reconstruite reste ainsi fidèle à la maison lorraine même si des matériaux nouveaux font leur apparition dans les villages, produits par l'industrie (briques, linteaux métalliques, marquises, tuiles mécani­ Domnom-lès-Dieuze ques ...). oprès la bataille du 19 août 1914, carte pastale éditée par H. Bensemann, Metz (A rch. dép. Moselle, 8 Fi 181/2)

.' Dommenhein i. Lothr. durch franzôsisches Granatfeuer zerstllrt in der zurn Teit Schlacbr August v. 19. 1914.

° 66 IL Y A QUATRE-VINGT-DIX ANS LA BATAILLE DE LORRAINE . N 1 - MARS 2005 Schlacht bei Saarburlr, Lothr., am 20. August 1<)14. Rrud�rdnrf. ".

Brouderdorffoprès la bataille

du 20 août 1914. carte postale éditée par Bruno Goerz-Beuerle, Sarrebruck

(A rch. dép. Moselle, 18 J 187)

TOURISME DE GUERRE

Les cartes postales commémoratives éditées après guerre sont destinées (38) Arch. dép. Moselle, 22 J 22. au public des visiteurs, essentiellement français, des champs de bataille, (39) Voir EKSTEINS (Modris), « Michelin, munis de leur guide Michelin (39) . L'éditeur auvergnat consacre en Pickfords et la Grande Guerre : le tourisme sur

1920 un fascicule à Metz et la bataille de Morhange (1914-1916) dans le front occidental (1919-1991) ", dans BECKER sa collection des « Guides illustrés Michelin des champs de bataille », Uean·Jacques), WINTER Uay Murray), KRUMEICH

édités « à la mémoire des ouvriers et employés des usines Michelin (Gerd), BECKER (An nette) et AUDOIN-ROUZEAU morts glorieusement pour la patrie ». La visite proposée par le biben­ (Stéphane) dir., GUERRE ET CULTURES (1914-1918), dum, déguisé en poilu, passe par la cathédrale, l'Esplanade la place Paris : Armand Colin, 1994, p. 417'428 et JOLIS

Saint- Louis, la porte des Allemands et le cimetière Chambière. Le guide (Marc), « Les guides Michelin des champs de retrace les origines de Metz et les grands faits historiques la concernant, bataille ", LA GRANDE GUERRE MAGAZINE, nO 32, avant de conter les batailles de 1870 (en une page) et celle de Morhange juillet 2001. (en 15 pages). La dernière page est illustrée d'un baiser au drapeau de (40) Arch. dép. Moselle, 29 J 1374. jeunes Lorraines devant des soldats bleu-horizon émus jusqu'aux lar­ (41) Ne sont pas repris ici les écrits contempo­ mes. Le touriste est également invité à souscrire une adhésion au To u­ rains des fa its, ni les nombreux témoignages ou ring-club de France et à investir dans le Voyage en France d'Ardouin­ textes commémoratifs publiés dans l'entre· Dumazet : le volume 50, consacré à la Lorraine délivrée, en est alors à deux-guerres, et dont la liste serait trop longue. sa 2e édition. Ils ont le plus souvent été utilisés comme

Les visiteurs sont plus des pèlerins que des « touristes », peut-être des sources dans les ouvrages ci·après mentionnés. anciens combattants, veuves et orphelins de guerre, venus rendre hom­ mage à leurs camarades ou leurs proches sur les lieux du drame. C'est à eux que sont destinées les nombreuses cartes postales de monuments et cimetières militaires éditées dans l'entre-deux-guerres, à eux aussi que s'adresse le Recueil officiel des sépultures militaires édité par le ministè­ re des Pensions en 1929, et qui comporte des « renseignements utiles aux familles se rendant sur la tombe des leurs » (gare, hôtels, voitures, photographes) .

C'est le cimetière national de Riche qui, à l'instar de la nécropole de Douaumont pour la bataille de Ve rdun, devient, dans les années 1920 et plus encore 1930, le principal lieu de pèlerinage des familles frappéespar le deuil suite à la bataille de Lorraine, grâce notamment à sa chapelle et au monument élevé au sergent Gar­ deur et à ses 14 camarades par la section de Nancy du Souvenir français conformément aux dispositions testamentaires de Madame Gardeur. Quant à la chapelle, construite en 1846 au château de Bathelémont, elle a pu être, en 1927, déplacée près du cimetière grâce à des dons de particuliers, au premier rang desquels le comte de Bourcier, sur un terrain payé par le curé de Riche en son nom personnel, avec l'appui d'un co­ mité présidé par le général de Castelnau (40).

° N 1 - MARS 2005 . iL Y A QUATRE-ViNGT-DiX ANS LA BATAiLLE DE LORRAiNE Plaine-de-Wa lsch après la bataille Schlacht bei Saarburg, Lothr., am 20. August 1'114. Saarburg. Zc:ntij1'"t� Ot:hôl! bei du 20 août 1914, carte postale éditée par Julius Manias, Strasbourg (A rch. dép. Moselle, 18 J 188)

On ne voit pas sur le site des batailles de Morhange et Sarrebourg de touristes allemands. Certes, pour les anciens soldats des régiments lor­ rains le voyage n'est pas compliqué et peut se faire aisément dans la journée. Mais les combattants bavarois ou rhénans ? N'ont-ils pas sou­ haité revoir les lieux de la bataille de Morhange-Sarrebourg ? Peut-être la situation économique et politique désastreuse de l'Allemagne vain­ cue ne leur a-t-elle pas permis le voyage qu'accomplissaient, assez vo­

lontiers semble-t-il, les Méridionaux sur les lieux du « sacrifice du XV corps ». Et d'ailleurs, dans quel état étaient les cimetières militaires alle­ mands - aujourd'hui très bien entretenus - aux temps de la République de Weimar ? Aucun témoignage ne permet d'en juger. Ainsi, c'est en 1926 seulement que les autorités françaises s'entendent avec la Vo llcs­ bund Deutsche Kriegsgriiberfürsorge e. V. au sujet des cimetières de La­ garde, Lafrimbolle et Walscheid, en 1928 pour Gosselming, Sarraltroff et Plaine-de-Walsch ... ' L EFFACEMENT DE LA M ÉMOIRE COLLECTIVE

La dernière carte du monument de Bidestroff conservée dans les collections des Archives date des années

1950 : le tourisme de guerre se pratiquait donc encore aux environs de Morhange après la Seconde guerre mondiale. Aujourd'hui pourtant la bataille de Lorraine a disparu de la mémoire collective. Seuls quelques historiens locaux en fo nt encore le récit. Le grand public ne connaît plus que les champs de bataille de la Meuse et le Mémorial de Ve rdun. Pourquoi cet effacement ? En partie aussi parce que la bataille de Lor­ raine, et même si les Français portaient dans leurs besaces la promesse d'une libération rapide des populations de l'Alsace-Moselle annexée,

est une invasion du territoire « ennemi » ; or l'histoire de la Grande Guerre, laissant ainsi de côté jusqu'aux malheureux Bretons tombés en terre alliée belge, n'a voulu retenir que la défense du sol national. Par souci de simplification,relayé par les pédagogues et les décideurs cultu­ rels, la mémoire de la guerre de 1914-1918 s'édifie donc exclusivement autour de l'image du Poilu dans sa tranchée (Verdun, les Éparges, le chemin des Dames ...). Morhange est très loin de cette image : c'est une bataille d'infanterie à l'ancienne, dont le déroulement n'est pas sans rappeler celle de .

O - > 68 IL Y A QUATRE-VINGT-DIX ANS LA BATAILLE DE LORRAINE . N 1 MARS 2005 Les restes des vases sacrés de l'église de Dalhain, corte postale éditée par l'abbé Louis We ber,

curé de Réning, fin 1914 (A rch. dép. Moselle, 8 Fi 16613)

D'autre part, Morhange et Sarrebourg constituent une lourde défaite de l'armée française, la preuve de l'incompétence du commandement, de la méconnaissance du terrain, de l'impréparation militaire des hom­ mes envoyés au front sans fo rmation et en pantalon rouge. On conçoit que l'institution ne souhaite pas commémorer outre mesure cette bé­ vue tactique et préfères' investir dans l'entretien des forts meusiens où le brave Poilu a su résister - au prix de quels sacrifices...

On peut en revanche considérer que les pouvoirs publics ont d'une cer­ taine manière tiré la leçon des difficultés rencontrées dans la cohabita­ tion des civils et militaires lorsqu'ils prennent en 1939 la décision d'éva­ cuer les populations proches de la ligne Maginot. Les évacués découvriront avec déplaisir à leur retour en 1940 les dégâts commis par les troupes françaises cantonnées, mais au moins n'auront-ils pas souf­ fe rt d'une année de chape de plomb, de régime militaire, voire de la méfiance de soldats soupçonneux à l'égard de ces Français germano­ phones. D'autres Dalhain ont ainsi peut-être été évités, vingt-cinq ans plus tard, dans le nord mosellan ?

NO 1 - MARS 2005 . IL Y A QUATRE'VINGT'DIX ANS LA BATAILLE DE LORRAINE OUVRAGES G É N É RAUX

• AUDOIN-ROUZEAU (Stéphane), BECKER (Jean-Jacques) et BECKER (Annette), La Très Grande Guerre, Paris : Le Monde-La Découverte, 1994.

• AUDOIN-ROUZEAU (Stéphane) et BECKER (Annette),

14-18. Retrouver la guerre, Paris : Gallimard (coll. « Bibliothèque des histoires » ) , 2000.

• AUDOIN-ROUZEAU (Stéphane), BECKER (Annette), INGRAO (Christian) et ROUSSO (Henri) dir., La Violence de guerre, 1914-1945, Paris : Complexe-IHTP-CNRS, 2002.

• BEAUPRÉ (Nicolas), « Espions et francs-tireurs en 1914 dans la littérature de guerre », 14/18 Aujourd'hui. To day. Heute, n° 4, 2001, p. 59-77.

• BECKER (An nette), Les Monuments aux morts, mémoire de la Grande Guerre, Paris : Errance, 1998.

• BECKER (Annette), Oubliés de la Grande Guerre. Humanitaire et culture de guerre : populations occupées, déportés civils, prisonniers de guerre, Paris : Agnès Viénot-Noésis éditions,

1998 (rééd. Hachette, « Pluriel », 2003).

• BECKER (Jean-Jacques), « À la recherche de stratégies nouvelles », Les collections de l'Histoire, n° 21, 2003, p. 48-53 (version remaniée d'un article de 1988) .

• BOSWELL (Laird), « From Liberation to Purge Trials in the "Mythic Provinces": Recasting French Identities

in Alsace and Lorraine, 1918-1920 », French Historical Studies, n° 23.1, 2000, p. 129-162.

• EKSTEINS (Modris), « Michelin, Pickfords et la Grande Guerre : le tourisme

sur le front occidental (19 19-1991) », dans BECKER (Jean-Jacques), WINTER (Jay Murray), KRUMEICH (Gerd), BECKER (Annette) et AUDOIN-ROUZEAU (Stéphane) dir., Guerre et cultures (1914-1918), Paris : Armand Colin, 1994, p. 417-428.

• FARCY (Jean-Claude), Les Camps de concentration français de la première guerre mondiale (1914-1920), Paris : Anthropos, 1995.

• HORNE (John) et KRAMER (Alan), « War between soldiers and enemy civilians, 1914-15 », dans CHICKERING (R.) et FORSTER (S.) éd., How To tal was the Great Wa r? Germany, France, Great Britain and the Un ited States, 1914-1918, New Yo rk : Cambridge University Press, 2000, p. 153-168.

• HORNE (John) et KRAMER (Alan), German Atrocities, 1914. A History of Deniai, New Haven, Connecticut : Yale University Press, 2001.

• HORNE (John), « Corps, lieux, nation. La France et l'invasion de 1914 », Annales d'histoire et de sciences sociales, 2000, n° l, p. 73-1 09.

• JEISMANN (Michael), La Pa trie de l'ennemi, Paris : CNRS éditions, 1997.

• KIDD (William), Les Monuments aux morts mosellans de 1870 à nos jours, Metz : éditions Serpenoise, 1999.

• KOSELLECK (Reinhardt) et JEISMANN (Michael) dir., Der Politsche To tenkult : Kr iegerdenkmaler in der Moderne, München : W. Fink, 1994.

• KRAMER (Alan), « Greueltaten. Zum Problem der deutschen Kriegsverbrechen in Belgien und Frankreich,

1914 », dans HIRSCHFELD (Gerhard), KRUMEICH (Gerd) et RENZ (Irina) dir., Ke iner fühltsich mehr ais Mensch ... Erlebnis und Wirkung des Ersten We ltkriegs, Essen : Klartext, 1993.

• KRAMER (Alan), « Les atrocités allemandes : mythologie populaire, propagande et manipulations

dans l'armée allemande », dans BECKER (Jean-Jacques), WINTER (Jay Murray), KRUMEICH (Gerd), BECKER (Annette) et AUDOIN-ROUZEAU (Stéphane) dir., Guerre et cultures (1914-1918), Paris : Armand Colin, 1994, p. 147-164.

• KRUMEICH (Gerd), « La barbarie allemande a-t-elle existé ? », Les collections de l'Histoire, n° 21, 2003, p. 60-61 (version remaniée d'un article de 1998) .

• MIQUEL (Pierre), « L'année 1914 », L'Histoire, n° 107, janvier 1988, p. 56-64.

• WINTER (Jay Murray), Sites of Memory, Sites of Mourning. The Great Wa r in European Cultural history, Cambridge University Press, 1995.

> 70 IL Y A QUATRE'VINGT'DIX ANS LA BATAILLE DE LORRAINE . NO 1 - MARS 2005 OUVRAGES LOCAUX

• CANINI (Gérard) éd., « Souvenirs d'un Lorrain du 20e corps [Charles Antoine]

sur la bataille de Morhange en 1914 », Association nationale du souvenir de la bataille de Ve rdun : bulletin de liaison, n° 12 (1985), p. 30-36.

• CANINI (Gérard), La Lorraine dans la guerre de 14-18, Nancy : Presses Universitaires de Nancy, 1984.

• DIDIER (Jacques), Échec à Morhange. Août 1914. La bataille de Lorraine,

Ysec éditions : coll. « Un Jour », 2003.

• ElMERICH (Joseph), Haut-Clocher, Sarrebourg : SHAL, 1991.

• ElMERICH (Joseph), La Bataille de Sarrebourg, Sarrebourg : SHAL, 1993.

• MAIRE (Camille), « Prisonniers des libérateurs, le drame des otages lorrains en août 1914 », Les Cahiers lorrains, 1998, p. 407-434.

• MAIRE (Camille), 1914-1918. Des Alsaciens-Lorrains otages en France, Strasbourg : Presses Universitaires de Strasbourg, 1998.

• MAIRE (Camille), « Château-Salins en 1914 », Le Pays lorrain, juillet-septembre 1999, p. 187-194.

• MAIRE (Camille), « La presse françaiseet la désinformation début août 1914 », Le Pays lorrain, septembre 2001, p. 214-215.

• MARQUÉ (Paul) et TOLLÉ (Jean-Émile), Bidestroff de 1815 à nos jours, chez l'auteur, 1996.

• PÉNIN (Charles), Moyenvic : passé et présent d'un village du Saulnois, Sarreguemines : Pierron, 1988.

O - . N 1 MARS 2005 IL Y A QUATRE-VINGT-DIX ANS LA BATAILLE DE LORRAINE 71 <