HISTOIRE DE KERGOZ

LA SEIGNEURIE DE KERGOZ - Avant la Révolution de 1789, l’ancienne seigneurie de Kergoz en , avec son manoir fortifié, sa gentilhommière, son colombier où nichaient des centaines de pigeons, son moulin à vent et la maison du meunier, ses fours à pain de Prat An Ilis et de Lohan, ses fontaines et ses lavoirs, ses marais salants, ses terres chaudes à céréales et ses prairies de Traon Ar Maner représentant 480 journaux, soit plus de 235 hectares d’aujourd’hui, répartis de Men Meur à Pouliguéner et de Lostendro à Kerlan autour des chaumières de ses paysans, exploitées sous le régime du domaine congéable, tout cela appartenait au dernier noble d’Ar Gelveneg, le Comte de DERVAL, qui vivait plutôt dans son hôtel de .

Ses ancêtres avaient cédé aux paysans sans terre, logeant dans des pentys, des terres vaines et vagues (ar boutinachou) sans grande valeur, dunes, bords de mer rocheux et menez.

La superficie du fief était pourtant insuffisante pour permettre à sa famille de vivre aisément, mais il possédait d’autres terres à Trégunc, et percevait outre les rentes ou loyers de ses fermiers « domaniers », les droits féodaux sur les moulins, fours, pressoirs.

Le territoire de cette seigneurie, amputé des terres des villages de Kerlan et Kelarun, devint en 1880 celui de la nouvelle commune du , qui avait trouvé son avenir dans le développement de la pêche. Plomeur gardait plusieurs autres manoirs et seigneuries tels La Villeneuve, Lestiala, Kerbullic, Kernuz etc.

La chapelle de Saint-Trémeur dépendait aussi de Kergoz. La tradition voudrait que Comorre et son fils Trémeur soient les fondateurs du manoir et de la chapelle, qui ne fut pourtant construite qu’au 15ème siècle. Y a-t-il eu à l’origine du manoir fortifié une motte féodale, ancêtre des châteaux forts, comme voudrait signifier le suffixe « coz » ? On ne saurait le dire.

1

Les cartes anciennes mentionnent aussi « ar gelveneg coz », simple masure construite dans les loch’ou (zone humide de Lohan).

LE MANOIR - Vu du port, avant la construction de la ville, il avait gardé l’apparence d’une maison fortifiée du Moyen-Âge. La date la plus ancienne connue, relevée dans les actes notariés, ne remonte pourtant pas au-delà de 1380. A cette date, Kergoz était cité comme maison noble à Plomeur. Le mur d’enceinte des remparts en pierres taillées de granite local a près d’un mètre de large. Assez pour inclure côté sud une niche que la légende a prise pour un souterrain qui devait rejoindre le tumulus néolithique de Poulguen, par-dessous l’étang de Saint-Trémeur ! Disons tout de suite que cela est absurde. Mais la tendance actuelle des conteurs n’est-elle pas de rechercher des faits magiques ou mystérieux en histoire ?

Il semble qu’il n’existe pas de chemin de ronde au sommet des fortifications pour observer les voiles qui s’approchaient trop près de Men Meur ou de Faoutès. Les créneaux n’apparaissent que sur la tour ouest. En effet, de section ovale, elle a été rehaussée par le propriétaire Guy AUTRET DE MISSIRIEN, généalogiste, correspondant de la gazette de « Le Renaudot ». Il logeait dans cette tour, écrivant ses articles de presse et les arbres généalogiques de la noblesse bretonne. On observe que les mâchicoulis ont été refaits en granite plus fin, mais ce sont des faux, simplement décoratifs, car les vrais mâchicoulis, qui élargissent le sommet des remparts, sont percés d’ouvertures qui permettaient aux défenseurs d’asperger d’huile chaude les éventuels assaillants qui grimpaient sur des échelles.

Les meurtrières, parfois de belle facture, surtout dans le bâtiment nord, sont souvent mal placées et trop basses pour que les arbalétriers aient été efficaces.

La seconde tour, également de forme semi-ovale, est construite de pierres grossières. Le mur sud s’est effondré sur la moitié de sa longueur et attend une restauration. Les vieilles cartes postales nous montrent des murailles couvertes de lierre dont les crampons fragilisent les pierres, simplement jointes par de l’argile.

Il n’y a pas trace de douves, le manoir étant construit assez loin du ruisseau qui aboutit à Lohan. Seule une fontaine qui aboutit au

2 mur ouest, aujourd’hui disparue, alimentait en eau un maigre cours d’eau. Le manoir avait vue sur les prairies et le petit bois de Traon Ar Maner comme sur le petit manoir de Kerfriant à l’ouest.

Cette forteresse pouvait-elle garantir la sécurité aux occupants et aux habitants de la seigneurie ? Pouvait-elle éloigner les pillards venant de la mer ? La population craignait réellement les corsaires anglais et espagnols ainsi que les bandits de grand chemin, du temps de la Bretagne indépendante, mais aussi après l’annexion à la France suite au mariage d’Anne de Bretagne avec le roi de France Charles VIII.

Les dangers étaient bien réels. L’Histoire a relaté une descente de la marine anglaise en 1512 dans la région de Penmarc’h, où plusieurs chaumières furent incendiées. Mais ce n’était que la réplique de la mise à sac des côtes anglaises par des navires français qui tirèrent les premiers. De même an 1566, les descentes et pillages des Anglais et Espagnols dans la paroisse de Plogoff. Sans oublier les guerres de religion, les méfaits de La Fontenelle… Meurtrières, mâchicoulis, créneaux, échauguette, tours de défense n’étaient pas inutiles du 13ème au 16ème siècle pour donner l’illusion de la protection armée.

LE COLOMBIER - L’appartenance du manoir de Kergoz à la noblesse s’exprimait en premier lieu par l’existence hautement visible d’un colombier. Le droit de colombier en effet était un privilège absolu de l’ordre supérieur, qui seul pouvait élever des pigeons, à condition de pouvoir disposer dans la seigneurie de 300 journaux de terres (soit 150 ha actuels), pour éviter que les pigeons n’aillent se nourrir sur les terres de ses voisins, comme celles du Comte DE HAFFONT de , ou celles de Plomeur ou Penmarc’h. On l’a dit, la seigneurie de Kergoz comprenait plus de 245 ha.

3

L’originalité remarquable de Kergoz est sa construction sur le porche d’entrée en ogive avec vestibule formant porte cochère, avec une autre ogive côté cour (mais pas de porte piétonne). De loin ce colombier pouvait donner l’impression d’une troisième tour, mais le chapeau chinois du sommet avec des ouvertures pour les entrées et sorties des volatiles ne laissait pas de doute sur son rôle.

D’ordinaire les colombiers étaient éloignés du château de plus de 100 m (voyez celui de Treffiagat, propriétaire du Comte LE GOUVELLO DE LA PORTE, dans sa prairie), en raison des quantités de fientes accumulées à proximité de la maison d’habitation par des centaines de pigeons. Rien ne se perdait, les fientes étaient recueillies et vendues comme bon engrais aux cultivateurs.

Les pigeons étaient très prisés de ce temps-là. En cas de visites imprévues entre nobles, voisins, amis ou parents, le cuisinier offrait au cuisinier du châtelain l’assurance de bonnes tables garnies. Mais il devait s’introduire dans le colombier par la porte étroite et basse et choisir parmi les centaines de nichoirs ou boulins fixés aux parois parfois très hautes les pigeons les plus dodus, sans déranger ceux qui couvaient.

Le colombier de Kergoz est protégé aujourd’hui car déclaré Monument historique.

Le droit de colombier, privilège de la noblesse, était impératif. Pour quelques pigeons braconnés dans les champs, on pouvait être condamné aux galères. Ce droit remontait à Charlemagne. Les cahiers de doléances des paysans rédigés avant la réunion des Etats généraux se plaignaient souvent des dégâts commis par les pigeons dans les champs de céréales. La nuit du 4 août 1789 supprima les privilèges de la noblesse et tout particulièrement le droit de colombier, le plus important d’entre eux.

LES AUTRES DROITS - Par ailleurs, le comte de Kergoz prélevait aussi des droits sur les pêcheries et les quelques barques du port naturel du Ster, entre Treffiagat et Le Guilvinec. Le Comte de Treffiagat pour son moulin à eau d’Ar Veil Vour percevait en plus un droit d’usage pour moudre le grain.

4

Comme sur la rive opposée, le seigneur d’Ar Gelveneg prélevait des droits en nature, congres et merlus pêchés vers les Etocs, frais ou séchés pour l’expédition, lors du Carême surtout. Les pêcheurs de Lostendron pêchaient aussi les sardines qu’ils pressaient dans des tonneaux.

Les marais salants de Pouliguenor (la mare blanche) au fond du Ster fournissaient le sel, marchandise précieuse qui rapportait aussi des droits.

LA GENTILHOMMIERE - Au milieu de la cour du manoir derrière les murailles se dresse la gentilhommière, une solide maison de belles pierres de taille, mais sans tourelle.

La porte d’entrée est remarquable par son ogive à cinq voussures, son fleuron, ses acrotères, exprimant comme dans les églises du Moyen-Âge le style gothique flamboyant. Les cinq ouvertures de la façade ont plutôt un style Renaissance, sans doute reconstruites après un incendie.

Côté nord, un haut bâtiment accolé possède cinq meurtrières de défense seconde. Une petite échauguette proche du toit permettait de surveiller les alentours.

A l’intérieur, la pierre granitique, belle mais froide, domine. On retient surtout la grande cheminée et l’escalier en colimaçon.

L’ensemble du corps de logis n’étant pas classé, la commune du Guilvinec, propriétaire du manoir depuis 1949, a pu construire à l’ouest un bâtiment en pierres apparentes destiné au cours complémentaire pour des exercices de mécanique, et à l’est une salle de réunion reconnaissable à ses pierres cimentées.

LES CHAPELLES – La légende voudrait que dans la cour ait existé une petite chapelle comme dans les grands châteaux. Rien n’est sûr. Les Allemands, qui ont occupé les lieux de 1940 à 1944, ont détruit plusieurs petites constructions qui les gênaient (écuries, etc.) pour construire leurs baraques de cantonnement. Dans les gravats jetés, une voisine a recueilli une statue de granit sans tête. Elle a été offerte à l’association de Saint-Trémeur, personnage légendaire qui, on le sait, a été aussi décapité. Le comte DE DERVAL avait droits et prééminences à cette chapelle de Prat An Ilis, construite

5 sur un lieu sacré remontant à l’époque gauloise, comme le confirment les deux stèles du placître.

L’EGLISE PAROISSIALE DE PLOMEUR – A Saint-Trémeur, l’office du dimanche n’ayant lieu qu’au pardon, c’est au bourg de Plomeur, à l’église Sainte-Thumette, que le Comte de Kergoz assistait à la messe. Ses terres nobles lui conféraient droits, privilèges, prééminences et honneurs comme celui de chapelain. Son cocher, qui n’était autre que le tenancier de la ferme voisine, conduisait toute la famille en char à bancs.

La chapelle Sainte-Anne intérieure, à droite dans l’église de Plomeur, était celle de la famille de Kergoz. Chaque noble ayant ses armoiries propres, celles-ci étaient apparentes plusieurs fois. Elles se caractérisaient par un arbre de pin à trois branches soutenant deux oiseaux perchés.

Sous l’image de Notre-Dame, sous l’image du Christ, sur les sièges et accoudoirs, sous la voûte, sur les vitraux, l’arbre de pin marquait ses prééminences. Un tombeau dans cette chapelle contient les reliques de quelques ancêtres, mais pas celles des Derval, inhumés dans la cathédrale de Quimper. Le tombeau porte un écusson avec les trois branches. L’alliance par mariage avec le seigneur de Kerbullic en Plomeur est représentée par un oiseau d’or et cinq roses d’argent.

LES PRINCIPAUX MAITRES DES LIEUX DE KERGOZ – L’un des fondateurs de la seigneurie de Kergoz avant le 13ème siècle est représenté à l’église en cotte de mailles et coiffé d’un casque protégeant le crâne et le visage (un heaume). Etait-il chevalier, aurait-il participé à une croisade ? Aurait-il combattu dans l’armée de Bretagne ?

En 1426 lors de la Réformation de la noblesse, c’est-à-dire la réorganisation des titres de l’ordre à la suite des Croisades, le fief de Kergoz fut attribué à l’écuyer Alain PENANLEN, au nom bien breton. Sa famille était toujours propriétaire du lieu en 1481.

En 1500, le seigneur de Kergoz s’allie à celui de Treffiagat par mariage. Les armoiries furent alors modifiées.

Au cours du 16ème siècle, c’est Christophe DE KERMOGUER qui s’allia par mariage avec l’héritière de Kergoz. C’était sûrement un personnage important puisqu’il fit aveu de ses biens au Roi de France, ce qui était rare à l’époque.

En 1591 pourtant, DE KERMOGUER, qui avait embrassé la religion réformée, s’affilia à la ligue protestante. Il est déclaré hérétique. Ses biens sont confisqués et mis en gérance par adjudication. C’est ainsi que le Concarnois Maître Alain LE ROUSSEAU géra le domaine de Kergoz pour la somme de 240 livres. LE ROUSSEAU devait prélever les droits d’usage des

6 paysans utilisant moulin, four, etc., et les rentes convenancières versées par les domaniers pour l’exploitation des terres affectées aux différentes fermes de la seigneurie.

Mais que devenaient les centaines de pigeons en l’absence des seigneurs ? En 1642, nous l’avons vu, Kergoz fut vendu à Guy AUTRET DE MISSIRIEN, filleul de LA FONTENELLE, de l’île Tristan de , futur pillard de Penmarc’h. Guy AUTRET était inapte au métier des armes (il souffrait de la maladie de la pierre). Ne pouvant combattre, il se consacra au journalisme dans la tour rénovée de Kergoz, qu’il nommait « l’ermitage de Kergoz ». Pourtant, dix ans plus tard, il revend la seigneurie au prix plus que doublé de 12 000 livres, après y avoir apporté quelques améliorations. Kergoz passe de main en main sans qu’on puisse trouver de filiation légitime chez les seigneurs.

Mais un siècle avant la Révolution, le gentilhomme Hamon LE JACOBIN (sic), déjà seigneur de , prit possession de Kergoz par l’intermédiaire des notaires, profession à l’époque très influente. Sa fille Marie-Louise LE JACOBIN se maria par arrangement comme toujours avec Jean Louis DE DERVAL, conseiller au Parlement de Bretagne, seigneur à blason de plusieurs fiefs (1693). Ce sera la dernière famille noble de Kergoz, mais souvent non- résidante, déléguant ses fonctions généralement à des bourgeois quimpérois. Après François Louis DE DERVAL (1698-1759), qui fit aveu au Roi, Joseph Marie DE DERVAL, son fils, seigneur de Kerminouet et de Kergoz, se maria avec Jeanne Angélique FLEURIOT DE LANGLE de Kerlouet, évêché de Tréguier. De ce mariage naîtront en 1765 Jean Joseph Marie Hyacinthe DE DERVAL, et ses deux sœurs en 1766 et 1767, nées à Kergoz, héritiers du Comte DE DERVAL inhumé à la cathédrale de Quimper.

LES DERNIERS ARISTOCRATES DE KERGOZ – Les nobles sous l’Ancien Régime n’avaient pas le droit d’exercer de métier sous peine de déroger à leur rang, sauf le métier des armes, la cavalerie, l’infanterie ou la marine royales.

Jean Joseph DE DERVAL, comte comme son père, devint en 1789 lieutenant au régiment d’infanterie du Roi Louis XVI. Il était chargé de la protection du Roi et de la famille royale. Il a donc vécu entre Versailles et Paris devant la foule des sans-culottes, et connu les premiers épisodes de la Révolution en marche, jusque l’arrestation du Roi à Varennes, en fuite en 1791. Désemparé, il choisit alors de déserter comme beaucoup d’aristocrates des armées et des vaisseaux du Roi ; en passant par la Belgique, il rejoignit l’Angleterre avec sa famille. Il s’engagea alors dans « l’armée des princes », composée selon CHATEAUBRIAND surtout de gradés, les hommes de troupe étant de jeunes lieutenants et capitaines.

En 1795, Joseph Hyacinthe débarqua à Quiberon avec le corps expéditionnaire des émigrés, aidés par la marine et l’armée anglaises. Quiberon était le lieu de la côte le moins favorable, en raison de son étroitesse, pour déployer une armée, mais l’état-

7 major voulait joindre les Chouans de CADOUDAL et sans doute les Vendéens révoltés. Les émigrés furent pris au piège. Le général HOCHE commandant l’armée révolutionnaire n’eut aucun mal à faire prisonniers ces émigrés. Dans ce combat Français contre Français, les émigrés ne furent pas massacrés sur place. Quant aux Anglais, ils réussirent à s’enfuir. Chaque prisonnier eut droit à un procès à Vannes par la commission Bedos désignée par le Comité de salut public. En tant que déserteur et traître envers son pays, Joseph DE DERVAL fut condamné à mort. Ainsi mourut dans la lande du l’héritier de Kergoz, fusillé par un peloton de l’armée républicaine. Il tomba en criant : « Vive le Roi ! ». Ses ossements plus tard furent recueillis dans l’ossuaire de la Chartreuse d’Auray.

Rappelons que les émigrés ne se découragèrent pas après cette défaite. En 1796, trois émissaires débarquèrent de nuit sur la plage de Poulguen afin de rejoindre le général Georges CADOUDAL et lui remettre une lettre cachetée adressée au commandant en chef de « l’armée catholique et royale ». Le courrier n’arriva jamais à sa destination car une patrouille s’empara des émissaires.

Le cousin de Joseph DE DERVAL par sa mère FLEURIOT DE LANGLE s’était engagé dans la marine royale. Il fut choisi comme officier pour l’expédition de LA PEROUSE en 1785 dans les océans Indien et Pacifique, avec les navires La Boussole et L’Astrolabe. Rappelons que Louis XVI, en janvier 1793, demanda des nouvelles des navires, en montant sur l’échafaud.

Le gouvernement révolutionnaire avait prévenu que les biens des émigrés seraient confisqués et vendus comme biens nationaux pour soutenir les assignats, la nouvelle monnaie de papier. Les deux sœurs de Joseph DE DERVAL, Jeanne Angélique et Agathe Pauline, ne furent pas déclarées responsables des actes de leur frère par le tribunal. Ainsi, elles ne furent pas expropriées, mais selon l’usage dans la noblesse, les héritages des femmes étaient maigres. De plus, elles n’héritaient pas des titres de leur père mais de leur mari. Elles ont hérité de quelques pièces de terre, en particulier les bords de mer, comme le Parc Men Meur.

LES NOUVEAUX PROPRIETAIRES DE KERGOZ – Le dernier seigneur de Kergoz avait confié le domaine en gérance pour un fermage de 240 livres à Jean Baptiste LAMY DESNOYERS, demeurant à Pont-L’Abbé. La vente aux enchères, amputée de l’héritage des filles, eut lieu en 1794.

8

Le manoir fut acheté par un bourgeois norvégien résidant en Pays bigouden, Jean GROOTERS, connu à Douarnenez comme envoyé spécial de Norvège, enrichi par le commerce de la rogue vendue aux sardiniers bretons.

Le moulin à vent de Kergoz et la petite maison du meunier furent acquis par Yves , roturier, maître de barque de Penmarc’h, marié à la fille du sieur RIOU DE KERANGAL, de petite noblesse de robe de Pont-L’Abbé. Deux ans plus tard, GROOTERS se rendit compte qu’après la suppression des droits féodaux, il était difficile d’entretenir le manoir, il le vendit alors à Yves DAOULAS, qui eut les mêmes problèmes. Les DAOULAS, alliés aux FOLGOAS, durent vendre au décès de leur père pour survivre. Leur désappointement ne s’arrêta pas là : Yves DAOULAS ne put bénéficier, lui et ses enfants, du titre de noblesse de la famille DE KERANGAL, le code de la noblesse qui n’avait pas été supprimé par la Révolution n’étant pas transmissible par les femmes ! Consolation : si les noms nobles ne sont pas toujours héréditaires, les prénoms, eux, sont libres d’usage. Ainsi, Hyacinthe, Agathe, furent des prénoms employés dans ces familles jusqu’au XXème siècle. Le plus connu des Guilvinistes fut Hyacinthe FOLGOAS, marin pêcheur. Les terres de Kergoz, constituant les domaines agricoles des villages de l’ancienne seigneurie, furent progressivement achetées par leurs tenanciers ou par des bourgeois intermédiaires, restant sous le régime foncier du domaine congéable. Les sœurs DERVAL ne se marièrent pas, sans doute en raison de la pénurie d’aristocrates, quoique le Premier Empire en créa abondamment. Leurs bords de mer et leurs palues sableuses échurent à leurs cousines FLEURIOT DE LANGLE, qui les vendirent en fin du XIXème siècle à la société LE CORRE Frères, enfants de Mathias LE CORRE, boulanger de l’Ile- Tudy, venu s’installer au Guilvinec, où il bénéficia d’une population à forte croissance, et surtout d’un millier et demi de marins douarnenistes qui venaient faire la campagne de maquereaux de dérive dans notre port, pour se rapprocher des lieux de pêche. La famille LE CORRE acheta donc le Parc Men Meur, entre le Pors bihan, au nord-ouest, et le Pors Ar Mogn, au sud, et il bâtit villa, vivier, etc.

La ferme du manoir fut exploitée par les COSSEC, qui transformèrent la cour derrière les remparts en annexe agricole. Traon Ar Maner fut en partie cultivé par les QUEFFELEC. Il semblerait qu’au XXème siècle le manoir fut devenu une sorte de placement. Il devint la propriété d’un médecin de Pont-L’Abbé, LE CLEACH, puis il passa dans les mains d’A. VERCHIN, journaliste à La Dépêche. Le dernier propriétaire d’avant-guerre fut un négociant de Pont-L’Abbé, M. BLANCHARD.

L’OCCUPATION ALLEMANDE DE 1940 A 1944 – Malgré la vétusté des installations, les Allemands occupèrent le château et la cour en raison de l’existence de hauts remparts faciles à défendre ou à surveiller.

Ils construisirent, aux frais des Français, plusieurs baraques de cantonnement pour les troupes de passage, à l’entraînement sur les dunes du Ster, de tirs contre-avions (en fait contre un ballon-cible, traîné par un petit avion).

9

Les remparts leur permettaient de loger des prisonniers, comme les adolescents du quartier de la Palue pris sur le fait de vol dans le sac d’un sergent, à l’école des Filles également occupée.

C’est là aussi qu’après la grande rafle de 1944 – 2000 hommes entre Le Guilvinec et Léchiagat – furent emprisonnés les réfractaires au STO triés, et des résistants en attente de leur départ vers l’Allemagne. A noter qu’un d’entre eux réussit à franchir le mur du verger sans être rattrapé.

En 1944, à la libération du Guilvinec, les baraques servirent de prison pour les Allemands eux-mêmes, à leur tour arrêtés par les résistants suite à un combat naval dans la Baie d’ entre torpilleurs anglais et patrouilleurs allemands.

DES ECOLIERS AU CHATEAU – En 1945, les baraques des cantonnements militaires abandonnées devinrent des classes de l’école primaire publique de garçons, à l’étroit à l’ancienne mairie en raison du développement rapide du cours complémentaire, créé juste avant-guerre.

Avec pourtant des classes surchargées à plus de 40 élèves en 6ème en 1942, ce cours complémentaire devint vite un formidable moteur pour l’avenir des élèves qui, quelques années auparavant, n’auraient connu que la mer pour les garçons, et l’usine pour les filles du Guilvinec et de Léchiagat. Oui mais voilà, un fil de fer se mit dans les rayons, aboutissant à une situation quelque peu cocasse.

1945, c’était le retour des prisonniers. L’abbé LE CORRE, vicaire avant-guerre, retrouva sa paroisse, et presque aussitôt œuvra pour la création d’une école catholique de garçons. L’occasion se présenta à l’organisme gérant les écoles libres, soit l’achat du manoir de Kergoz, appartenant toujours à M. BLANCHARD. Ce fut fait en 1947. La municipalité communiste du Guilvinec, dirigée par Marc SCOUARNEC, n’eut d’autre solution que d’exproprier le château et ses dépendances.

Après la construction d’un bâtiment neuf à Kergoz, le CEG déménagea de l’école de la mairie, laissant la place aux classes primaires.

L’Abbé LE CORRE, persévérant, obtint la construction d’une école catholique provisoire dans la cour du patronage.

Bibliographie : Louis Le Guénnec « Nos vieux manoirs » et les Guilvinistes Yves Tanneau et Gildas Le Corre Texte de Pierre-Jean BERROU

10