Les Peuples De L'antiquité
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LA VIE PRIVÉE DES ANCIENS René MÉNART PARIS — 1880 TOME PREMIER — LES PEUPLES DE L’ANTIQUITÉ L’ÉGYPTE I. - APERÇU GÉOGRAPHIQUE CONFIGURATION DE L’ÉGYPTE. - LA VALLÉE DU NIL. - LES INONDATIONS. - LES CANAUX. - LE LAC MŒRIS. - LES HABITANTS DES VILLES ET LES NOMADES. - LES DOCUMENTS HISTORIQUES. - LES RACES PRIMITIVES. CONFIGURATION DE L’ÉGYPTE. — L’Égypte est une contrée allongée du sud au nord ; qui occupe l’angle nord-est de l’Afrique ou, comme disaient les anciens, de la Libye. Elle est bornée au nord par la mer Méditerranée, à l’est par la mer Rouge et l’isthme qui la fait communiquer avec l’Asie, au sud par la Nubie, autrefois appelée Éthiopie, et à l’ouest par les déserts africains. La vallée du Nil est resserrée entre deus chitines de montagnes nommées Arabique à l’est, et Libyque à l’ouest. Dans sa partie supérieure, qui était comprise dans l’ancienne Éthiopie, elle est extrêmement étroite et sa largeur ne dépasse guère cinq à sis kilomètres. Elle devient ensuite un peu plus spacieuse et présente dans sa partie moyenne de vingt à vingt-cinq kilomètres. Enfin, au- dessus de Memphis, la vallée cesse tout à fait et est remplacée par une vaste plaine, qui est appelée Delta à cause de la ressemblance que présente sa forme avec la lettre grecque qui porte ce nom. Quand il arrive près de Memphis, le fleuve se partage en deux branches, dont l’une, celle de Rosette, se dirige au nord-ouest ; et l’autre, celle de Damiette, au nord, puis au nord-est. Les anciens connaissaient cinq autres branches, qui étaient alors navigables et sont à peu près comblées aujourd’hui. Cette conformation du pays divisé en deux régions, dont furie comprend les rives du fleuve, très riches, très fertiles et très habitées ; et l’autre, un désert inculte, hanté par des tribus nomades et rebelles à la civilisation, expliquera une foule d’usages particuliers à l’Égypte. Vers l’an 642 de notre ère, le khalife Omar ayant demandé à son lieutenant, qui venait de lui conquérir l’Égypte, de lui faire une description fidèle de ce pays, Amrou lui écrivit : Ô prince des fidèles ! figure-toi un désert aride et une campagne magnifique au milieu de deux montagnes, voilà l’Égypte. Toutes ses productions et toutes ses richesses, de puis Assouan jusqu’à Menchâ, viennent d’un fleuve béni, qui coule avec majesté au milieu du pays. Le mouvement de la crue et de la retraite de ses eaux est aussi réglé que le cours du soleil et de la lune ; il y a une époque fixe dans l’année où toutes les sources de l’univers viennent payer à ce roi des fleuves le tribut auquel la Providence les a soumises envers lui. Alors les eaux augmentent, sortent de leur lit et couvrent toute la face de l’Égypte pour y déposer un limon productif. Lorsque ensuite arrive le moment où ses eaux cessent d’être nécessaires à la fertilité du sol, ce fleuve docile rentre dans son lit pour laisser recueillir le trésor qu’il a caché dans le sein de la terre. C’est ainsi, ô prince des fidèles, que l’Égypte offre tour à tour l’image d’un désert poudreux, d’une plaine liquide et argentée, d’un marécage noir et limoneux, d’une ondoyante et verte prairie, d’un parterre orné de fleurs et d’un guéret couvert de moissons dorées : Béni soit le créateur de tant de merveilles ! Hérodote appelle l’Égypte un présent du Nil ; il a raison. Si par la pensée on supprime le fleuve, ou si on le suppose, détourné de son cours dans sa partie supérieure, comme l’avait rêvé le Portugais Albuquerque, l’Égypte n’existe plus et se confond avec les déserts qui l’entourent. Ln effet, comme nous l’avons dit, toute la vie active de ce pays est resserrée dans une étroite vallée qui, jusqu’à la bifurcation du fleuve, ne dépasse pas vingt à vingt-cinq kilomètres. On comprend bien d’ailleurs l’étonnement que ce fleuve étrange causait aux géographes de l’antiquité : le Nil ne reçoit aucun affluent en Égypte, et, comme il alimente un grand nombre de canaux de dérivation, le volume de ses eaux semble ainsi diminuer au lieu d’augmenter à mesure qu’il avance dans son cours. LA VALLÉE DU NIL. — L’étroite vallée du Nil suffisait autrefois à la nourriture de dix millions d’hommes ; sous l’empire romain, l’Égypte exportait considérablement de céréales. Cette fécondité exceptionnelle tenait aux crues du fleuve : c’est ainsi que certains terrains, renommés jadis par leur fertilité et délaissés depuis par les eaux, sont complètement desséchés aujourd’hui. On a recueilli des indications hiéroglyphiques de l’élévation du Nil sous Aménemha III (XIIe dynastie) : il montait alors, à Semneh, dans le temps de l’inondation, à sept mètres plus haut qu’aujourd’hui et baignait sans doute des régions qui sont devenues stériles1. La crue du Nil, dit Pline le Naturaliste, se mesure par des marques qui sont dans des puits ; le débordement régulier est de seize coudées ; un débordement moindre n’arrose pas tout, un débordement plus grand mettant plus de temps à se retirer, retarde les travaux ; celui-ci, par l’humidité qu’il laisse dans le sol, empêche de profiter de l’époque des semailles ; celui-là ne permet pas d’ensemencer un sol desséché. L’Égypte redoute l’un et l’autre : à douze coudées, il y a famine, à treize il y a encore disette ; quatorze amènent la joie, quinze la sécurité, seize l’abondance et les déliées. Le plus grand débordement jusqu’à ce temps a été de dix-huit coudées, sous l’empereur Claude ; le moindre a été de cinq coudées pendant la guerre de Pharsale, comme si le fleuve, par un prodige, témoignait son horreur de l’assassinat de Pompée. Lorsque les eaux sont arrivées à leur plus haut point, on les reçoit dans les terres, en ouvrant les digues ; on ensemence le terrain à mesure qu’elles le quittent. Pour que la récolte fit bonne, le Nil devait, en effet, s’élever à une hauteur déterminée, et le volume d’eau que le fleuve apportait en plus ou en moins était regardé comme nuisible. On a trouvé à Éléphantine un nilomètre destiné à marquer la crue exacte des eaux : les traces de numération grecque font regarder ce monument comme ne remontant pas au delà des Ptolémées. C’est à la fin de septembre que les eaux atteignent leur plus grande hauteur : au mois de décembre, le fleuve est complètement rentré dans son lit. 1 Paul Pierret, Dictionnaire d’Archéologie égyptienne. LES INONDATIONS. — Quand le Nil est débordé, dit Hérodote, on ne voit plus que les villes au-dessus de l’eau, tout à fait semblables aux îles de la mer Égée. Le reste de l’Égypte est devenu une mer ; les villes seules dominent. Alors on fait les trajets, non en suivant le lit du fleuve, mais à travers champs. Pour aller de Naucratis à Memphis, on passe au pied des pyramides et ce n’est pas le chemin ordinaire, car on s’y rend habituellement par la pointe du Delta. L’aspect de la vallée du Nil n’a pas dit changer beaucoup physiquement, et les voyageurs modernes ont retrouvé les impressions d’Hérodote. M. de Rozière, qui accompagnait le général Bonaparte dans l’expédition d’Égypte, a tracé du pays une description dont tous les géographes ont reconnu l’exactitude Les environs de Syène et de la cataracte, dit-il, présentent un aspect extrêmement pittoresque. Mais le reste de l’Égypte, le Delta surtout, est d’une monotonie qu’il serait peut-être impossible de rencontrer ailleurs... Les champs du Delta offrent trois tableaux différents, suivant les trois saisons de l’année égyptienne. Dans le milieu du printemps, les récoltes déjà enlevées ne laissent voir qu’une terre grise et poudreuse, si profondément crevassée qu’on oserait à peine la parcourir ; à l’équinoxe d’automne, c’est une immense nappe d’eau rouge ou jaunâtre, du sein de laquelle sortent des palmiers, des villages et des digues étroites qui servent de communication ; après la retraite des eaux, qui se soutiennent peu de temps clans ce degré d’élévation, et jusqu’à la fin de la saison, on n’aperçoit plus qu’un sol noir et fameux. C’est pendant l’hiver que la nature déploie toute sa magnificence. Alors la fraîcheur, la force de la végétation nouvelle, l’abondance des productions qui couvrent la terre, surpassent tout œ qu’on admire dans les pays les plus vantés. Durant cette heureuse saison, l’Égypte n’est, d’un bout à l’autre, qu’une magnifique prairie, un champ de fleurs ou un océan d’épis ; fertilité que relève le contraste de l’aridité absolue qui l’environne. Cette terre si déchue justifie encore les louanges que lui ont données les voyageurs ; mais, malgré toute la richesse du spectacle, la monotonie du site, il faut l’avouer, en diminue beaucoup le charme. L’âme éprouve un certain vide par le défaut de sensations renouvelées, et l’œil, d’abord ravi, s’égare bientôt avec indifférence sur ces plaines sans fin qui, de tous côtés, jusqu’à perte de vue, présentent toujours les mêmes objets, les mêmes nuances, les mêmes accidents. Les hypogées de Beni-Hassan renferment des peintures dont le sujet se rattache à l’inondation du Nil. Dans l’une de ces peintures on voit un troupeau de vaches surpris par l’eau ; divers personnages sont occupés à sauver ce bétail et à le ramener sur la terre ferme.