Cahiers De Narratologie, 26 | 2014, « Nouvelles Frontières Du Récit
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Cahiers de Narratologie Analyse et théorie narratives 26 | 2014 Nouvelles frontières du récit. Au-delà de l’opposition entre factuel et fictionnel Alessandro Leiduan (dir.) Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/narratologie/6812 DOI : 10.4000/narratologie.6812 ISSN : 1765-307X Éditeur LIRCES Référence électronique Alessandro Leiduan (dir.), Cahiers de Narratologie, 26 | 2014, « Nouvelles frontières du récit. Au-delà de l’opposition entre factuel et fictionnel » [En ligne], mis en ligne le 11 septembre 2014, consulté le 23 septembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/narratologie/6812 ; DOI : https://doi.org/ 10.4000/narratologie.6812 Ce document a été généré automatiquement le 23 septembre 2020. Article L.111-1 du Code de la propriété intellectuelle. 1 SOMMAIRE Préface. Nouvelles frontières du récit. Au-delà de l’opposition entre factuel et fictionnel Alessandro Leiduan L’Empire du faux Sémiotique de la feintise cinématographique François Jost Quand des pages de roman deviennent… des pages d’histoire De la fiction et de ses dérives factuelles Alessandro Leiduan Le « roman national » de l’expédition Lewis et Clark Entre réinterprétation et réadaptation Pierre-François Peirano « Quelque chose de moi en Europe centrale où le vent souffle en yiddish » (Régine Robin et la naissance du récit hybride) Alexandre Prstojevic Fictions du réel : le journalisme narratif Nicolas Pélissier et Alexandre Eyriès Dispositif discursif visant l’énonciation d’idées nouvelles en innovation : les règles d’écriture des récits d’usage Laurent Collet Le roman graphique et l’Histoire : pour un récit engagé Elisa Bricco Le « roman métisse » Timira (2013) de Antar Mohamed et Wu Ming 2 : le colonialisme en Italie raconté dans une synthèse entre récit fictionnel et factuel Stephanie Neu Nasser et l’exode des Sépharades d’Égypte Le prisme narratologique polyédrique d’un paradigme symbolico-allégorique Maurizio Actis Grosso Varias Fiction et révélation : Vous les entendez ? De Nathalie Sarraute Sylvie Cadinot-Romerio Cinéma : lieu de la construction de la mémoire collective Le cas du cinéma chinois de la Cinquième Génération des années 1980 Wenjun Deng La triple tension narrative : chrono-topique, pathétique, télique Gabriel Sevilla Cahiers de Narratologie, 26 | 2014 2 Comptes rendus Compte rendu : « Événement et roman. Une relation critique » Événement et roman. Une relation critique, Marc Courtieu, Amsterdam-New York, Rodopi, 2012, 337 p. Anne-Laure Bonvalot Compte rendu : « L'interprétation politique des œuvres littéraires » L'interprétation politique des œuvres littéraires, Carlo Umberto Arcuri et Andréas Pfersmann (dir.), éditions Kimé, Paris, 2014. Alice Pantel Compte rendu : « Armand Simonnot, bûcheron du Morvan. Communisme, Résistance » Boursier, Jean-Yves, « Armand Simonnot, bûcheron du Morvan. Communisme, Résistance, Maquis », Paris, L’Harmattan, 2013, collection Terrains : récits et fictions Marc Marti Cahiers de Narratologie, 26 | 2014 3 Préface. Nouvelles frontières du récit. Au-delà de l’opposition entre factuel et fictionnel Alessandro Leiduan 1 L’une des idées les mieux partagées en narratologie est celle qui ramène la diversité des récits existants à l’opposition que recouvrent les notions de factuel et fictionnel. Il n’est toutefois pas toujours clair ce qui permet d’affilier un récit à l’une ou l’autre de ces catégories. Le critère de discrimination généralement retenu est l’attitude mentale des actants de la communication (producteurs et récepteurs du récit) vis-à-vis de l’histoire racontée : s’ils croient à cette histoire, le récit sera factuel, s’ils font seulement semblant d’y croire, le récit sera fictionnel. Mais, comment être sûr que l’attitude adoptée soit la même, en l’absence d’un critère certain et irréfutable, permettant de discriminer le factuel du fictionnel ? Inférer le statut factuel ou fictionnel d’un récit à partir des indices décelables dans le texte n’est pas toujours chose aisée : faut-il s’appuyer sur la nature réelle ou imaginaire des faits racontés ? Ou sur l’apparence textuelle du récit ? Ou sur le nom de genre sous lequel le récit décline son identité narrative ? Le choix est lourd de conséquences dans la mesure où, suivant le critère choisi, les résultats peuvent varier du tout au tout. Comment être sûr alors, du statut factuel ou fictionnel d’un récit, si les critères de classification sont tous mutuellement falsifiables ? Approche ontologique 2 Un premier critère de distinction entre récits factuels et fictionnels identifie comme critère discriminant la nature réelle ou imaginaire de l’histoire racontée. Le problème est qu’aucune histoire n’est entièrement réelle ou imaginaire. Si l’on dépouillait l’ensemble des récits existants à la recherche d’un récit ne faisant état que d’événements réels ou que d’événements imaginaires, on n’en trouverait aucun avec ces caractéristiques. Tous les récits mêlent, en effet, des références réelles et imaginaires et, lorsqu’on en qualifie certains de « factuels » et d’autres de « fictionnels », on ne veut pas signifier que leurs contenus respectifs soient Cahiers de Narratologie, 26 | 2014 4 intégralement de l’ordre des choses empiriques (pour les récits factuels) ou de l’ordre des choses imaginaires (pour les récits fictionnels)1. Les romans, par exemple, accueillent systématiquement dans la trame imaginaire de l’histoire qu’ils racontent, des éléments référentiels, à savoir des faits, des lieux et des personnes que notre encyclopédie enregistre comme « réels » (la Révolution française, la Russie, le Cardinal Richelieu)2 et qui ne devraient donc pas trouver place dans ce genre de récit (à entendre de manière rigoureusement littérale l’appellation de « fictionnel » qu’on leur attribue). Quant à la « réalité » dont relèveraient les choses racontées dans un récit factuel, elle n’est pas si empirique qu’on pourrait le penser3. La réalité qu’on appelle « fait » a, en effet, ceci de spécifique, qu’elle n’est déjà plus là quand on la raconte, elle ne peut, donc, être reconstituée qu’a posteriori, à partir de ce qui survit d’elle au moment où elle a déjà disparu (les traces) ou à partir de ce que peuvent nous en dire ceux qui ont assisté directement à son déroulement (les témoignages). Et cependant, on ne peut pas s’attendre à ce que traces et témoignages soient, à eux seuls, capables de fournir la trame d’un récit achevé répondant à toutes les questions que l’on pourrait se poser sur la manière dont un fait s’est déroulé, sur les causes qui l’ont provoqué, sur les conséquences qu’il a déclenchées4. Les différents éléments qui nous permettent de reconstituer le déroulement d’un fait ne peuvent être vraiment utilisés à cet effet que s’ils sont interprétés, que si leurs parties obscures sont éclairées, leurs lacunes comblées, leurs contradictions levées. De ce travail d’interprétation témoignent les différentes hypothèses que les professionnels des écritures factuelles (historiens, biographes, journalistes, etc.) incorporent dans leurs récits pour éclairer ce qui, dans les versions précédentes de l’histoire qu’ils racontent, résistait aux efforts de compréhension des lecteurs. Le narrateur pourra, par exemple, imaginer un fait dont aucun témoignage n’a jamais fait état (sans que l’on puisse arguer, de cette omission, que le fait en question n’a jamais pu avoir lieu) ou ramener l’agir de tel ou tel autre sujet de l’histoire à une intention déterminée (là aussi, sans se sentir obligé de subordonner la formulation de cette intention à la condition de trouver dans les propos d’un témoin une confirmation explicite de cette conjecture) parvenant ainsi conférer à l’histoire racontée une unité de sens qu’on aurait en vain cherchée dans les versions précédentes de la même histoire (à cause d’un éclairage encore incomplet des non-dits des sources documentaires). Si l’histoire ainsi racontée apparaît plus lisible qu’elle ne l’était auparavant, rien ne garantit pourtant la crédibilité de la parole du Narrateur (surtout si la garantie que l’on recherche est de nature empirique, la seule d’où, en principe, devrait dépendre, selon une interprétation littérale de la notion de « factualité », la crédibilité d’un récit factuel)5. Le récit ne pourra donc être tenu pour factuel qu’en faisant l’impasse sur les parties non-factuelles de son contenu. Ce constat s’applique à l’ensemble des récits existants, car, si tous les récits mêlent des références réelles et imaginaires, il n’est possible de les qualifier de « réels » ou d’« imaginaires » qu’en faisant abstraction d’un certain nombre de leurs propriétés sémantiques (celles qui sont en désaccord avec le statut factuel ou fictionnel qu’on leur a attribué). 3 Ce critère de discrimination est, de surcroît, fragilisé par une méprise grossière : les récits ne mobilisent pas des entités ontologiques ayant la propriété d’être réelles ou imaginaires, mais des entités sémantiques dont l’appartenance à la catégorie des choses réelles ou imaginaires dépend du choix des sujets qui produisent ou interprètent les récits en question de les affilier à l’une ou l’autre de ces catégories. De ce point de vue, l’île au trésor n’est pas moins réelle que la gare de Lyon6. Les propriétés qui permettent d’affilier la première à la catégorie des référents imaginaires et la deuxième à la Cahiers de Narratologie, 26 | 2014 5 catégorie des référents réels ne sont pas inscrites dans ce que ces deux syntagmes signifient, mais dépendent des conventions culturelles qui définissent, dans une société déterminée, ce qui est réel et ce qui est imaginaire. Le sens mobilisé par un récit n’est donc en soi ni réel ni imaginaire, il le devient suivant l’attitude des sujets qui participent à l’acte de communication : s’ils croient à ce que le récit affirme, le récit sera factuel, sinon, il sera fictionnel. Mais ils ne peuvent se déterminer à croire ou à feindre de croire à un récit qu’en faisant abstraction des parties de ce même récit qui contredisent le type de croyance qu’ils ont adoptée.