Septembre 2020
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Sommaire | septembre 2020 Éditorial 4 | De guerre lasse › Valérie Toranian Grand entretien 10 | François Sureau. « Ce qui nous manque » › Sébastien Lapaque Dossier | L’épuisement français 26 | Peut-on comparer 1940 et 2020 ? › Éric Roussel 34 | Laboratoire P4 : de la folie marchande à la faillite morale collective › Vincent Hein 44 | Bernard Debré. « Depuis que l’administration a pris le pouvoir, l’hôpital est en crise » › Valérie Toranian 51 | La santé est politique › Philippe Douste-Blazy 60 | Des French doctors à la pénurie, un tragique dérèglement › Yannick Bartélémi 68 | L’éternel « mal français » › Alain Minc 72 | L’Allemagne complexante › Marion Van Renterghem 78 | La France en enfance › Pierre Vermeren 87 | De la responsabilité en pandémie › Maryvonne de Saint Pulgent 97 | Préparer l’État à affronter l’incertitude › Annick Steta 105 | Le virus de la violence › Jacques de Saint Victor 116 | L’État postmoderne et la soumission du politique › Anne-Marie Le Pourhiet 125 | Onfray-Zemmour : la Gironde et l’Empire › Marin de Viry 2 SEPTEMBRE 2020 Littérature 134 | Dépôt de bilan › Éric Neuhoff 141 | « La destruction fut ma Béatrice » › Sébastien Lapaque 148 | Chateaubriand et Tocqueville › Marc Fumaroli 156 | Marcel Aymé : d’un ami l’autre › Céline Laurens 165 | La longue durée et le grand large. Identité française et politique étrangère › Tony Corn 174 | L’humilité politique : portrait du président-philosophe Masaryk › Ulysse Manhes Critiques 186 | LIVRES – Aux petits, aux obscurs, aux sans-grade › Sébastien Lapaque 188 | LIVRES – Littérature, substantif féminin › Michel Delon 191 | LIVRES – Lubin, Dostoïevski › Frédéric Verger 194 | LIVRES – Au cœur fécond de la crise › Patrick Kéchichian 196 | LIVRES – Une résurrection › Stéphane Guégan 199 | CINÉMA – The Crown › Richard Millet 202 | MUSIQUE – Pour ses 250 ans, Beethoven répond au questionnaire de Proust › Olivier Bellamy 205 | EXPOSITIONS – La nuit éclairée › Bertrand Raison Les revues en revue Notes de lecture SEPTEMBRE 2020 3 Éditorial De guerre lasse Une nation fatiguée de longs débats consent volontiers qu’on la dupe, pourvu qu’on la repose », écrivait Tocque- ville dans L’Ancien Régime et la Révolution. La France est épuisée. «Épuisement du système hospitalier, épuisement d’une administra- tion incapable de s’extraire des lourdeurs bureaucratiques, lassitude et amertume des Français, et pas seulement des classes populaires. Taux d’abstention historique aux élections municipales. Angoisse de voir déferler une crise économique majeure dont les principales victimes seront, hélas, les plus jeunes et les forces vives du tissu économique : petites et moyennes entreprises, créateurs, indépendants… Certes, l’État a limité les dégâts en finançant le chômage partiel mais l’impréparation du gouvernement face à la pandémie, sa ges- tion de la crise et du confinement, souvent vécu douloureusement, ont fini d’ébranler la confiance des Français en leur pays. Autant le dévouement et l’implication des « premiers de cordée », notamment les personnels soignants, partout sur le territoire, suscitaient l’admira- tion légitime de tous, autant la défiance s’est creusée envers l’État. Au point de précipiter l’arrivée d’une vague verte aux municipales. Sauver la planète semble presque plus réaliste que de guérir le pays de ses paralysies et de ses maladies chroniques. 4 SEPTEMBRE 2020 La France est-elle définitivement devenue une nation de troisième zone, dépendante de la Chine et de l’Inde ? Le sursaut est-il possible et à quelles conditions ? Sommes-nous capables de faire le bilan poli- tique, économique et moral de cette crise ? Que nous manque-t-il ? C’est la question posée par Sébastien Lapaque à François Sureau. L’écrivain avocat y répond dans un long et brillant entretien : « Il nous manque [...] la confiance en une destinée qui ne serait pas réduite à la réussite immédiate » et la capacité « d’accepter en certaines circonstances des choses profondément déraisonnables ». Et aussi « une parole perfor- mative. À savoir une parole qui sonne et qui soit capable de produire des effets dans le réel ». Pour l’ancien conseiller d’État, « la seule question politique [...] est de savoir ce qui peut susciter l’assentiment public aux institutions afin d’éviter le chaos ». Car, s’inquiète-t-il, « cet assentiment public disparaît à la fois dans l’élite et dans le peuple ». La pandémie a révélé le meilleur et le pire de la France. « Comment une nation peut-elle être ainsi hémiplégique ? Comment le sens de l’initiative des uns survit-il face au délire bureaucratique des autres ? Pourquoi la spontanéité de la société civile ne prend-elle pas l’ascen- dant sur la passion de la réglementation ? », s’interroge Alain Minc. Comme toute crise, elle a fait le lit des médiocres. « La recherche du bouc émissaire, la soif de vengeance, un fort appétit pour la dénonciation se sont ainsi manifestés », écrit Éric Roussel. Sans parler de la propension des Français « à stigmatiser ceux auxquels ils demandent de les conduire ». Dont ils attendent tout. Et qui les déçoivent. Comparant la crise sanitaire en France et en Allemagne, Marion Van Renterghem souligne la solidité de l’État social allemand, son fédéralisme permettant une souplesse d’adaptation dont manque cruellement notre « autoritaire bureaucratie jacobine ». Et qui « engendre un climat de confiance, d’où naît l’inventivité industrielle [et] la discipline individuelle ». Poussant notre pays dans ses retranchements, la crise sanitaire a jeté un éclairage brutal sur ses dysfonctionnements. Vincent Hein nous raconte l’incroyable épopée du laboratoire P4 de Wuhan, financé par la France et « donné à des scientifiques chinois non encore tout à fait capables de s’approprier un tel outil » de très haute sécurité biolo- SEPTEMBRE 2020 5 gique. « La Chine était devenue incontournable, et la préoccupation ne fut plus dès lors ni les perspectives ni les risques que représentait ce nouveau marché. L’important était d’y être, quoi qu’il en coûte [...] » Au prix des pires aveuglements ? Annick Steta pointe l’absence quasi totale de culture scientifique dans l’administration et la classe politique, due notamment aux condi- tions de recrutement des hauts fonctionnaires. Et elle conclut : « il est devenu nécessaire de procéder à une révolution culturelle consistant à réduire la place accordée aux gestionnaires et à accroître celle attribuée aux “têtes chercheuses” ». Réduire la place des gestionnaires et redonner sa légitimité au médecin au sein de l’hôpital, c’est également l’un des diagnostics de Bernard Debré. Le professeur de médecine et homme politique est très sévère sur la gestion de la crise sanitaire par le gouvernement actuel et les erreurs de ses prédécesseurs. Dans son constat sur la dégradation du système de santé, il souligne aussi une part d’ombre et de non-dit : la dépendance des médecins (dont certains membres du Conseil scien- tifique) aux laboratoires médicaux. Autre tabou : « la dernière loi de santé de juillet 2019 a lancé un processus de régularisation des médecins étrangers », soulignant ainsi un peu plus « la dépendance de notre système de santé envers ces praticiens qui n’ont pas seulement l’“avantage” de pallier le manque de médecins issus de nos facultés, mais aussi celui d’être moins bien payés, en particulier quand ils exercent à l’hôpital », dénonce Yan- nick Bartélémi. Il constate que « la France se retrouve aujourd’hui à soustraire à ceux qui en ont particulièrement besoin les médecins qu’elle importe, faute d’avoir continué à en former suffisamment ». L’Organisation mondiale de la santé (OMS) est-elle un « machin » inutile ? L’institution, vilipendée par Donald Trump, qui en a claqué la porte, est accusée d’être à la solde de la Chine. Philippe Douste-Blazy plaide au contraire pour son renforcement : « Il est aujourd’hui indis- pensable de la doter d’un pouvoir de contrainte, comme on l’a fait jadis pour l’Organisation mondiale du commerce avec des résultats remarquables. Sans cela, elle ne sera jamais qu’un mastodonte inutile sous l’influence de l’État le plus puissant du moment. » 6 SEPTEMBRE 2020 Quatre-vingt-quatre plaintes ont été déposées en justice contre les membres du gouvernement et une enquête de la Cour de justice de la République est ouverte contre Édouard Philippe, Olivier Véran et Agnès Buzyn, accusés d’« abstention de combattre un sinistre ». Mary- vonne de Saint Pulgent pointe le risque de procédures pénales longues et incertaines. Selon l’ancienne conseillère d’État, « pour obtenir répa- ration, ou même faire progresser la prise en charge des risques sani- taires par les pouvoirs publics, il vaut mieux se tourner vers le juge civil ou le juge administratif, car il est plus facile d’identifier une chaîne de causalités, de dysfonctionnements et d’erreurs à l’origine d’un dom- mage que de trouver un coupable animé d’une intention de nuire [...], critère indispensable pour convaincre le juge pénal de prononcer une condamnation ». Anne-Marie Le Pourhiet dresse le tableau de la lente dégradation du politique dans l’État postmoderne. « Après deux mois de restric- tion justifiée et sévèrement sanctionnée des libertés de réunion et de manifestation, l’on a même pu assister à la scène surréaliste d’un ministre de l’Intérieur renonçant publiquement à sa mission de main- tien de l’ordre sur injonction de minorités ethno-raciales au motif que “l’émotion dépasse les règles juridiques” », écrit la professeure de droit public. « C’est la victoire par K.-O. (ou chaos) des droits subjectifs sur le droit objectif et la démission assumée du politique. » Il reste une bonne année au président Macron et à son nouveau Premier ministre, Jean Castex, pour tenter de réinsuffler la confiance. Valérie Toranian SEPTEMBRE 2020 7 GRAND ENTRETIEN 10 | François Sureau. « Ce qui nous manque » › Sébastien Lapaque François Sureau « CE QUI NOUS MANQUE » › propos recueillis par Sébastien Lapaque Ancien membre du Conseil d’État, aujourd’hui avocat à Paris, François Sureau est un écrivain aux curiosités et aux interventions sans nombre.