Arts Artcontrecrise Genève,Vaud,Zurich,Bâle

Portsfrancs, dédalesetmystères

Mercredi 11 novembre 2009 BD:lesbulles

Le Temps souslemarteau

AntoinedeGalbert, l’hommequivoulaitêtrebrusquéparl’art COURTESY BOB VAN ORSOUW GALLERY, ZURICH Ce supplément ne peut être vendu séparément 2 Arts Le Temps Mercredi 11 novembre 2009 ÉDITO

La drôle de crise produit ses au large d’un univers dont ils regroupent pour se donner partie de ceux qui gèrent de grands désastres et ses petits n’ont jamais connu les bien- ce qui manque: des lieux où manière sourcilleuse leur bonheurs. En quelques se- faits. En Suisse, le milieu de exercer leur métier, partager activité. Ses travaux frappent maines, le marché de l’art, l’art paraît peu affecté par les leurs expériences, recevoir le par leur densité, la rigueur de excessivement florissant, s’est turbulences du marché – ou public, voire vendre leurs leur composition, la généro- écroulé. Beaucoup qui collec- alors de manière discrète. A travaux. Les espaces d’art sité de leurs couleurs. Venue tionnaient par ostentation Zurich comme dans la ville qu’ils ouvrent un peu partout d’Iran, établie en Suisse, cette ou à des fins de spéculation rhénane, comme sur les rives ne visent ni l’opulence ni la jeune artiste a fait objet d’une ont rentré leur porte-mon- lémaniques, une relève très prospérité mais d’abord reconnaissance internatio- naie. Les galeries de Manhat- entreprenante s’active et l’échange. Est-ce par refus de nale quasi immédiate. Dans tan ont donc vu disparaître s’organise. L’époque sourit- la forme commerciale? Tout ses images, travaillées avec de nombreux clients. Ayant elle aux petits, aux inventifs? au contraire. Ces artistes lui précision et profondeur gagné passablement d’ar- LUC CHESSEX Les galeristes mettent au accordent une importance jusqu’à en gommer gent, les grandes maisons point de nouvelles formes de contrôlée. Acceptent l’aléa- l’anecdotique et transcender d’enchères subissent aussi le Fruits, collaboration pour faire toire, l’éphémère, misent l’ornemental, résonnent la retour de manivelle. Et les front. Beaucoup apprennent d’abord sur le travail et la civilisation dont elle pro- quelques artistes très en vue coquillages, à se servir des réseaux virtuels fertilité des rencontres entre vient, autant que le passé qui s’étaient installés jusqu’à pour augmenter leur effica- expressions, entre genres, pictural européen. A l’aide de la confusion des rôles dans la fleurs cité. Et les collectionneurs entre personnes. Placent la photographie, outil con- planète dorée ont parfois aussi. l’indépendance en première temporain, elle scrute ces perdu pied. priorité. héritages, les reprend à son Par Lorette Coen N’envisageant la création ni compte et s’efforce de percer Mais la très grande majorité comme un parcours de lu- Shirana Shahbazi, qui offre les ténèbres afin que passe le d’entre eux, qui forment mière ni comme un chemin ses fleurs en première page chant grave des fruits, des l’humus du métier, passent de croix, de jeunes artistes se de cette publication, fait coquillages et des fleurs.

SOMMAIRE VANESSA CHAMBORD CHRISTIE’S HAUSER & WIRTH © SOTHEBY’S ATELIER OÏ Portrait 22 Diamant 26 Galerie 27 Livre 29 Design 30

4 à 14 Dossier 23 «Nicky», la première entre toutes A quel point, en Suisse, les milieux de l’art sont-ils atteints Comment Patrick Meyer, néophyte absolu, s’enflamme pour par la crise? l’art et s’engage sur les réseaux internationaux du marché. Par Nicolas Galley 4te 6 Comment prospère le vivier genevois Nombre de jeunes artistes du bout du lac passent à l’action 26 Laurence Graff, roi du diamant, maître du temps et se donnent les moyens de montrer leur travail. Le célèbre joaillier anglais, récemment installé à Genève, Par Lorette Coen se lance aussi dans l’horlogerie. Par Isabelle Rüf 7te 10 Les espaces d’artistes se multiplient en terre vaudoise A Lausanne et dans le canton, une multitude de petites 27 Hauser & Wirth snobe la crise structures privées surgissent. Inventaire non exhaustif. Depuis cet automne, la puissante galerie zurichoise a pignon Par Isabelle Rüf sur rue à New York. Elle veut offrir de nouvelles chances à ses artistes. 12te 14 Zurich et Bâle à l’heure de l’imagination Par Anne Fournier Sur les bords de la Limmat, la place de l’art se réajuste et s’ouvre aux initiatives. Et un vent de renouveau souffle 28 BD: les bulles sous le marteau sur la cité rhénane. Les ventes aux enchères dédiées à la bande dessinée se multi- Par Anne Fournier plient et dopent le marché des planches et dessins originaux. Par Ariel Herbez 15 Réseaux virtuels, communautés nomades Facebook, Twitter, LinkedIn… La frénésie des réseaux sociaux 29 Le livre précieux, à l’abri des turbulences s’empare du monde très discret des collectionneurs. Le marché des ouvrages de valeur reste remarquablement Par Nicolas Galley stable, car il échappe aux spéculateurs. Même Internet ne parvient pas à l’ébranler. 17 à 20 Ports francs, dédales et mystères Par Isabelle Rüf Les ports francs suisses font l’objet d’une sévérité accrue. Qui semble avoir peu refroidi leur clientèle. Mais d’autres 30 Un pied dans l’art, l’autre dans le design places se profilent, en particulier Singapour. En Suisse, rares sont les galeristes qui exposent le design Par Carole Lambelet contemporain. Edward Mitterrand explore cette voie à Genève. Par Lorette Coen 22 L’homme qui voulait être brusqué par l’art Antoine de Galbert, collectionneur et fondateur d’un lieu 31 Agenda (sélection) d’art pointu, accueillant et exigeant, la Maison rouge, à . Beaux-arts, montres et bijoux, foires de l’art et biennales. Par Florence Gaillard, Paris Par Lorette Coen

Editeur Le Temps SA Nicolas Galley Internet Place Cornavin 3 Ariel Herbez www.letemps.ch CH-1201 Genève Carole Lambelet Catherine Frammery Isabelle Rüf Président du conseil Courrier d’administration Iconographie Case postale 2570 «[Stilleben-11-2006]» Stéphane Garelli Marc Sauser-Hall CH-1211 Genève 2 de Shirana Shahbazi, 35 ans, Directeur Tél. +41-22-799 58 58 artiste d’origine iranienne établie Photographies Rédacteur en chef Fax +41-22-799 58 59 La rédaction décline Eddy Mottaz toute responsabilité envers à Zurich. Non narratives bien «Cage sans frontière», œuvre Jean-Jacques Roth que documentaires, monumentale de Ron Arad, Publicité Le Temps Media les manuscrits et les photos non Réalisation, graphisme commandés ou non sollicités. ses photographies montrent 58 ans, caractéristique Directrice adjointe Case postale 2564 Françoise Comba Abboub Tous les droits sont réservés. des situations ordinaires, du designer israélien établi Valérie Boagno CH-1211 Genève 2 Christine Immelé Tél. +41-22-799 59 00 Toute réimpression, toute copie des portraits, des paysages, à Londres, qui aime réaliser Rédactrice en chef de texte ou d’annonce ainsi que déléguée aux hors-séries Patrick Thoos Fax +41-22-799 59 01 toute utilisation sur des supports des natures mortes. Un catalogue des pièces uniques et Directrice: Marianna di Rocco Isabelle Cerboneschi Photolitho optiques ou électroniques est monographique important, sculpturales. Actuellement soumise à l’approbation préalable «Shirana Shahbazi: Meanwhile», exposée au Musée d’art moderne Rédactrice responsable Patrick Thoos Impression de la rédaction. L’exploitation du hors-série Arts Zollikofer AG, Saint-Gall lui a été consacré à l’occasion de New York, le MoMa, elle Correction intégrale ou partielle de son exposition personnelle sera prochainement installée Lorette Coen des annonces par des tiers Virginie Jaton non autorisés, notamment à la Barbican Art Gallery, Londres, dans le lobby du prestigieux Rédacteurs sur des services en ligne, et au Swiss Institute, New York, FreePort, pour lequel Anne Fournier Responsable production est expressément interdite. en 2007. elle a été conçue. Florence Gaillard Nicolas Gressot ISSN: 1423-3967 LeTemps_290x440_PUWA1317:Mise enpage121.10.200917:23Page cartier.com 4 Arts Le Temps Mercredi 11 novembre 2009

REPORTAGE Charlize Theron Commentprospèrelevivier desartistesgenevois

Aquelpointlesmilieuxdel’artduboutdulacsont-ilsatteintsparlacrise?Nombredejeunespassentàl’actionetsedonnentlesmoyens demontrerleurtravail,voiredelevendre,ensemettantàl’écartdesduresloisdumarché.Provisoirement. ParLoretteCoen www.dior.com PHOTOS: EDDY MOTTAZ L’ancienne usine Kugler au centre du tableau de Philippe Fretz. Le peintre a décidé de faire entrer le bâtiment dans son travail.

A la différence de feu le site tuyau de briques rouges qui si- jeune scène d’art contemporain Artamis, le lieu n’est pas ouvert à gnale l’usine loin à la ronde. Les genevoise, telle qu’elle se tisse tout un chacun. De lourds cade- artistes de l’association y mon- aujourd’hui, caractérisée par la di- nas interdisent l’entrée d’ateliers trent leurs travaux et ceux versité et le mélange des expres- que l’on devine vastes, généreuse- d’autres collègues de l’usine ou sions, la pluralité des réseaux et la ment éclairés. Ici, où l’Arve et le d’ailleurs. L’autre lieu d’exposi- volonté d’indépendance. Rhône se rencontrent, souffle une tion sur place étant l’Espace «Nous abordons une époque fraîche brise d’ailleurs. Les oiseaux Kugler. Aucun des deux ne pos- nouvelle dans laquelle il s’agit de apprécient de nicher dans le coin, sède le statut de galerie ni ne dé- mettre au point un modèle où les castors s’activent en toute quié- veloppe d’activité commerciale. l’artiste n’est plus placé en posture tude, le bois de la Bâtie se profile Par clause contractuelle, l’an- d’assisté ni de marginal», estime non loin. Posée sur la pointe de la cienne usine est essentiellement Philippe Fretz. Et de se demander, Jonction, semi-friche industrielle, vouée au travail, à la production, en se référant à la conversion d’un l’ancienne usine Kugler se trouve à la recherche et ne s’ouvre qu’à site industriel en centre culturel, en plein Genève, à faible distance l’occasion d’expositions. Ce que conduite à Bâle par le sociologue de Plainpalais, de la gare et des regrette le peintre Philippe Fretz, et urbaniste Philippe Cabane, «si Hôpitaux. Depuis quatre ans, 40 ans, président de la toute la clef du succès ne consiste pas à quelque 160 artistes et artisans y neuve Fédération chercher des sources d’autofinan- ont trouvé un gîte professionnel Kugler, qui regroupe cement plutôt qu’à s’user dans la favorable. A la fois urbain et pro- La jeune scène se caractérise les associations de quête systématique de subsides tégé, installé «dans la ville et dans par la diversité et le mélange, l’usine. Par crainte publics». Monter sa propre struc- la vie», commente Crystel Ceresa, d’une marginalisa- ture, se débrouiller, compter fai- 32 ans, plasticienne, qui ajoute la pluralité des réseaux, tion, il souhaiterait blement sur des appuis publics cette jolie image: «Nous venons ici l’indépendance une plus large ouver- extérieurs, telle semble être la so- comme on monte dans un paque- ture vers l’extérieur. lution à laquelle parviennent bot et nous voguons vers quelque «Le public prend souvent ce nombre de protagonistes de la part, tous ensemble.» L’exposition lieu, propriété de l’Etat, pour un jeune scène genevoise. Pour une collective à laquelle elle participe, squat. Or nous occupons ces ate- raison première et majeure, éga- organisée par l’une des cinq asso- liers collectifs en tant que locatai- lement invoquée par Philippe ciations locataires, Cheminée res», précise-t-il. Si les loyers bon Fretz: «Toute forme de soutien à Nord, ne porte-t-elle pas le titre marché permettent aux débu- l’art proposée par des institutions Lost Paradise? tants fraîchement sortis des publiques conduit à l’uniformisa- Pour y accéder, longer une fa- Beaux-Arts de prendre le temps tion.» Par quoi il faut entendre çade taguée, rue de la Truite, pé- d’expérimenter et de chercher un l’adéquation aux manières, tons nétrer dans une cour intérieure, langage personnel, les associa- et modes dictés par le marché in- grimper des escaliers, parcourir tions et l’Espace Kugler regrou- ternational. des coursives et des couloirs cou- pent une population d’artistes et «Voyez ce qui se passe du côté LE FÉMININ ABSOLU verts de plantes qui donnent d’artisans de tous âges et d’affini- de la rue des Bains!» s’écrie Alexia quelque chaleur à ce dédale d’ate- tés très variées, qui se croisent et Turlin, 36 ans. Pour cette artiste liers. Les locaux de Cheminée s’enrichissent d’échanges multi- crossover, qui s’intéresse donc Nord se trouvent précisément au La très haute et étroite cheminée de briques rouges qui signale l’usine ples. En cela, l’usine Kugler repro- pied du très haut et très étroit et la Jonction loin à la ronde. duit en petit ce que montre la Suite en page 6 REPORTAGE Charlize Theron Commentprospèrelevivier desartistesgenevois

Aquelpointlesmilieuxgenevoisdel’artsont-ilsatteintsparlacrise?Nombredejeunesartistespassentàl’actionetsedonnentlesmoyens demontrerleurtravail,voiredelevendre,ensemettantàl’écartdesduresloisdumarché.Provisoirement. ParLoretteCoen www.dior.com PHOTOS: EDDY MOTTAZ L’ancienne usine Kugler au centre du tableau de Philippe Fretz. Le peintre a décidé de faire entrer le bâtiment dans son travail.

A la différence de feu le site tuyau de briques rouges qui si- jeune scène d’art contemporain Artamis, le lieu n’est pas ouvert à gnale l’usine loin à la ronde. Les genevoise, telle qu’elle se tisse tout un chacun. De lourds cade- artistes de l’association y mon- aujourd’hui, caractérisée par la di- nas interdisent l’entrée d’ateliers trent leurs travaux et ceux versité et le mélange des expres- que l’on devine vastes, généreuse- d’autres collègues de l’usine ou sions, la pluralité des réseaux et la ment éclairés. Ici, où l’Arve et le d’ailleurs. L’autre lieu d’exposi- volonté d’indépendance. Rhône se rencontrent, souffle une tion sur place étant l’Espace «Nous abordons une époque fraîche brise d’ailleurs. Les oiseaux Kugler. Aucun des deux ne pos- nouvelle dans laquelle il s’agit de apprécient de nicher dans le coin, sède le statut de galerie ni ne dé- mettre au point un modèle où les castors s’activent en toute quié- veloppe d’activité commerciale. l’artiste n’est plus placé en posture tude, le bois de la Bâtie se profile Par clause contractuelle, l’an- d’assisté ni de marginal», estime non loin. Posée sur la pointe de la cienne usine est essentiellement Philippe Fretz. Et de se demander, Jonction, semi-friche industrielle, vouée au travail, à la production, en se référant à la conversion d’un l’ancienne usine Kugler se trouve à la recherche et ne s’ouvre qu’à site industriel en centre culturel, en plein Genève, à faible distance l’occasion d’expositions. Ce que conduite à Bâle par le sociologue de Plainpalais, de la gare et des regrette le peintre Philippe Fretz, et urbaniste Philippe Cabane, «si Hôpitaux. Depuis quatre ans, 40 ans, président de la toute la clef du succès ne consiste pas à quelque 160 artistes et artisans y neuve Fédération chercher des sources d’autofinan- ont trouvé un gîte professionnel Kugler, qui regroupe cement plutôt qu’à s’user dans la favorable. A la fois urbain et pro- La jeune scène se caractérise les associations de quête systématique de subsides tégé, installé «dans la ville et dans par la diversité et le mélange, l’usine. Par crainte publics». Monter sa propre struc- la vie», commente Crystel Ceresa, d’une marginalisa- ture, se débrouiller, compter fai- 32 ans, plasticienne, qui ajoute la pluralité des réseaux, tion, il souhaiterait blement sur des appuis publics cette jolie image: «Nous venons ici l’indépendance une plus large ouver- extérieurs, telle semble être la so- comme on monte dans un paque- ture vers l’extérieur. lution à laquelle parviennent bot et nous voguons vers quelque «Le public prend souvent ce nombre de protagonistes de la part, tous ensemble.» L’exposition lieu, propriété de l’Etat, pour un jeune scène genevoise. Pour une collective à laquelle elle participe, squat. Or nous occupons ces ate- raison première et majeure, éga- organisée par l’une des cinq asso- liers collectifs en tant que locatai- lement invoquée par Philippe ciations locataires, Cheminée res», précise-t-il. Si les loyers bon Fretz: «Toute forme de soutien à Nord, ne porte-t-elle pas le titre marché permettent aux débu- l’art proposée par des institutions Lost Paradise? tants fraîchement sortis des publiques conduit à l’uniformisa- Pour y accéder, longer une fa- Beaux-Arts de prendre le temps tion.» Par quoi il faut entendre çade taguée, rue de la Truite, pé- d’expérimenter et de chercher un l’adéquation aux manières, tons nétrer dans une cour intérieure, langage personnel, les associa- et modes dictés par le marché in- grimper des escaliers, parcourir tions et l’Espace Kugler regrou- ternational. des coursives et des couloirs cou- pent une population d’artistes et «Voyez ce qui se passe du côté LE FÉMININ ABSOLU verts de plantes qui donnent d’artisans de tous âges et d’affini- de la rue des Bains!» s’écrie Alexia quelque chaleur à ce dédale d’ate- tés très variées, qui se croisent et Turlin, 36 ans. Pour cette artiste liers. Les locaux de Cheminée s’enrichissent d’échanges multi- crossover, qui s’intéresse donc Nord se trouvent précisément au La très haute et étroite cheminée de briques rouges qui signale l’usine ples. En cela, l’usine Kugler repro- pied du très haut et très étroit et la Jonction loin à la ronde. duit en petit ce que montre la Suite en page 6 6 Arts Le Temps Mercredi 11 novembre 2009 REPORTAGE

Liens www.usinekugler.ch www.milkshakagency.ch www.aduplex.ch www.pinacotheque.ch www.revuetissu.ch www.pianonobile.ch www.ex-machina.ch www.agentdouble.ch espacelabo.net www.usine.ch www.forde.ch www.tmproject.ch www.patricialow.com www.saks.ch PHOTOS: JEAN-LUC BRATSCH Exposition «Lost Paradise» à Cheminée Nord. Au mur et contre les murs, œuvres de Crystel Ceresa, Théo&dora (bateaux), Eric Winarto et, au centre, Christine Boillat.

Suite de la page 4 logue. «Ayant trouvé l’atelier qu’il le jour actuellement, ils redoutent, observateurs avaient émis des nous fallait, l’idée a surgi d’en faire comme ceux de l’usine Kugler, de se prédictions alarmantes: essouffle- principalement aux croisements, aussi une galerie. Pas pour en vi- trouver enfermés dans des bulles. ment général, fermetures de gale- aux échanges, il importe d’esqui- vre, mais comme lieu d’échanges Beaucoup regrettent des espaces ries. A la différence des grandes ver «la logique surmarchande» qui transdisciplinaires.» Ils sont cinq: d’exposition désormais disparus, capitales de l’art et en dépit d’un

EDDY MOTTAZ préside aux activités des galeries deux artistes plasticiens, Lara qui s’étaient affirmés du temps réel recul des affaires, la première Atelier de l’artiste Mathilde Teinturier dans l’ancienne usine Kugler. d’art genevoises installées à faible Lemmelet et Cyril Macq; une vi- d’Artamis. Certains, parmi ces der- de ces conjectures ne s’est pas véri- distance de l’ensemble de la SIP, déaste et cinéaste, Ufuk Emiroglu; niers, n’attendent que l’occasion de fiée. Certains ont vacillé mais se siège du Musée d’art moderne et un éclairagiste, Philippe Maeder; resurgir sous le même nom – ou maintiennent. Le seul retrait visi- contemporain, le Mamco, du Cen- un metteur en scène, Fabrice Hug- sous un autre. ble n’est pas dû à la crise: le grand tre d’art contemporain et de nom- gler. Ils ont rénové eux-mêmes Depuis l’évacuation du site, il y marchand Pierre Huber a cédé breux ateliers. Aussi a-t-elle fondé leur lieu pour en faire un espace a deux ans, que de migrations, son cabinet PH, désormais placé sa Milkshake Agency, espace com- modulable. Aucun ne vit de son que d’initiatives aussi! La pénurie sous la direction de Tracy Müller, à plètement autonome, non sub- art mais de travaux intermittents. de locaux restant vive, les artistes l’enseigne de TMProject. En revan- ventionné, où les artistes gèrent genevois, surtout les che, Krugier poursuit son activité eux-mêmes leurs installations, où plus jeunes, inven- en dépit du décès de son fonda- pas un centime n’est prélevé sur Précurseur: attitudes, espace tent leurs propres teur. Mais aussi, de manière inat- les œuvres vendues. «Sans réflé- d’exposition à la pointe sur le structures, temporai- tendue, de nouvelles galeries sur- chir et parce que la configuration res comme Agent gissent dans le quartier des Bains de mon atelier me le permettait, plan artistique, autonome et Double, au 23, boule- et dans ses alentours: Patricia Low j’ai eu envie d’inviter des gens à équidistant des pouvoirs publics vard du Pont-d’Arve, Contemporary, d’abord installée à exposer dans ma vitrine.» Qui ac- dans le quartier de Gstaad et maintenant rue de l’Ar- cueille-t-elle? «Pas des personna- comme de la galaxie alternative Plainpalais. Ou plus quebuse aussi, et la galerie Saks, ges prestigieux, mais des gens pérennes, comme le rue de la Synagogue. proches ou moins proches «In ou off? Nous n’avons pas envie Labo, boulevard Saint-Georges, avec qui j’ai envie de passer de nous confiner ni dans le milieu qui s’emploie à mettre en avant La scène se renouvelle du temps et aussi des artistes alternatif ni dans celui des gale- «autant le processus de création et Forcément petite, la scène de l’art qui n’ont pas l’occasion d’ex- ries commerciales.» Ex-Machina de réalisation que le travail genevois ploie mais, loin de céder, poser.» Or voici que, après ne refuse pas de vendre des pièces abouti». L’un et l’autre se tenant se renouvelle et les difficultés, dé- une période de latence, son exposées, mais souvent le carac- soigneusement à l’écart «des con- faut d’argent ou d’espaces, sem- quartier, derrière la gare et tère des travaux qu’elle montre ne traintes commerciales et institu- blent aiguillonner les deux mon- dans l’Ilot 13, se peuple s’y prête pas. Elle ne repousserait tionnelles». Artistes avant tout, des qui s’y côtoient tout en d’activités voisines. Ici, Du- pas non plus l’invitation d’une avec pour référence commune et poursuivant des projets diffé- plex - Espace d’Arts Contem- grande foire, mais ne la recherche grand précurseur, le défunt attitu- rents. Celui des réseaux locaux qui porains figure parmi les an- pas. Non par adhésion à une idéo- des, dont les animateurs, devenus se superposent, se recoupent, se ciens, mais la Pinacothèque logie quelconque, mais parce que depuis ceux du Centre culturel déplacent; celui des galeries mar- des Eaux-Vives, qui collec- cela ne correspond pas au projet suisse de Paris, avaient réussi à en chandes qui, vaille que vaille, tionne, expose et prête des actuel des artistes. faire un espace d’exposition à la poursuivent leurs affaires suisses œuvres d’art, s’est installée en avril pointe sur le plan artistique, auto- et globales. Est-ce à dire qu’ils ne dernier et Tissu, revue d’art con- Postérieurs aux squats nome et équidistant des pouvoirs se rencontrent jamais? La temporain «à géométrie et pério- Appartenant à la génération posté- publics et de la galaxie alternative. Milkshake Agency n’a pas vu pas- dicité variables», se fabrique non rieure aux squats, ils observent Forde, dont le rôle en matière de ser de galeriste genevois, mais re- Crystel Ceresa, «Georgia O’Keeffe», loin. La Milkshake, qui expose des combienleurfermeturefutunchoc présentation et de diffusion de çoit en revanche beaucoup de col- 2009, acryl sur toile, diam. 180 cm. sérigraphies et des gravures de pour le large milieu d’artistes qui l’art contemporain à Genève n’est lègues artistes, des officiels du Colline Grosjean jusqu’en décem- s’était organisé dans les lieux occu- plus à démontrer, et qui fête ses Fonds d’art contemporain com- bre, ne cesse, quant à elle, d’im- pés et pour le public qui gravitait quinze ans d’établissement à munal et cantonal ainsi que des proviser des événements tempo- autour. Depuis septembre dernier, l’Usine, fait en revanche figure visiteurs parisiens. Crystel Ceresa, raires, mobilise les artistes pour la Ville met une trentaine d’ateliers d’institution au sein du monde al- rencontrée à l’usine Kugler, est re- une exposition de Noël et ac- à disposition de quelque 70 per- ternatif. Respectée certes, mais is- présentée par deux galeries, cueille pour une année Piano No- sonnes dans le Vélodrome, à la sue de batailles révolues, dont le Christoffer Egelund, de Copenha- bile, lieu consacré à la recherche et Jonction.Demême,l’Etatoffreàen- destin paraît assuré grâce à la sub- gue, et Laleh June, récemment ins- à l’expérimentation en art con- viron80autresdeslocauxdetravail vention de la Ville. tallée à Bâle, qui ont visiblement temporain depuis quatorze ans. à Picto, avenue Ernest-Pictet, à la Mais que se passe-t-il dans le perçu la présence d’un vivier gene- Installée sur l’autre rive depuis Servette. Si nombre d’artistes issus monde institutionnel justement? vois et romand. Nul doute que une année seulement, Ex-Ma- des squats se montrent satisfaits A fin 2008, une fois mesurée la d’autres viendront y puiser et que est née d’une manière ana- des nouvelles structures qui voient gravité de la crise financière, les les artistes ne diront pas non. Ci-dessous, deux ateliers: à gauche, celui de l’artiste Pierre-Philippe Freymond, à droite, celui du peintre Thierry Feuz. EDDY MOTTAZ EDDY MOTTAZ Le Temps Mercredi 11 novembre 2009 Arts 7 REPORTAGE

1m3 A l’origine, les expositions de 1m3 les gens viennent discuter. Il faut se tenaient dans une boîte aux des lieux comme le nôtre pour dimensions de la fenêtre d’un retenir ici les jeunes artistes qui atelier, formant vitrine. sortent de l’ECAL. On ne peut pas Aujourd’hui, l’appartement du 45, dire qu’on a une ligne artistique, avenue de la Harpe est devenu un mais l’appartement présente des lieu d’exposition pour d’anciens contraintes – catelles, tuyauterie – étudiants de l’ECAL, tous nés vers qu’il faut contourner en inventant 1980. Jeanne Graff est historienne des formes. On choisit les artistes de l’art, Benjamin Valenza et au fil des rencontres. La chance, Adrien Missika, photographes, c’est d’avoir été invités à Londres Stéphane Barbier Bouvet, artiste. par l’espace Zoo. Matériellement, «Mais on ne s’expose pas nous- c’est difficile. Au début, on payait mêmes, dit Jeanne Graff. On aime de notre poche; maintenant, on bien que ça bouge, il y a une voudrait rémunérer un peu les bonne dynamique, nous faisons graphistes, les monteurs, tous neuf expositions par an, organi- ceux qui nous aident bénévole- sons des événements, un bar, des ment. J’ai réussi à dégager un petit expos d’un soir, des écoutes de poste pour chercher des finance- musique contemporaine. Le ments.» I. R. samedi, le lieu est ouvert pour que www.galerie1m3.com ADRIEN MISSIKA/1M3 Lesespacesd’artistes semultipliententerrevaudoise

ALausanneetdans De haut en bas de Lausanne, les sur le bénévolat. Personne n’est sa- lieux dédiés à l’art contemporain larié, tout le monde exerce un tra- lecantonsurgissent dessinent un tracé changeant mais vail à côté: enseignement, gra- serré. A entendre ceux qui les font phisme, médiation culturelle. Si unemultitude vivre, cette abondance de centres un artiste vend une œuvre, le pour- d’art, d’espaces, de galeries s’expli- centage perçu est minime, voire depetites que par deux facteurs: le rôle dyna- inexistant. Pour payer le loyer, as- misant de l’Ecole d’art de Lausanne sumer les frais de fonctionnement, structuresprivées (ECAL) et l’absence de structure ins- ces espaces dépendent en bonne quipermettent titutionnelle de type Kunsthalle, partie des subventions et des aides comme à Genève, Fribourg, Neu- ponctuelles que leur accordent auxjeunesartistes châtel, Zurich et Bâle. Un lieu où les parfois la Ville, le Canton, la Lote- artistes émergents mettent pour la rie Romande, la Migros, Pro Helve- defaireleurs première fois leur travail à tia et différentes fondations. La re- l’épreuve du public, peuvent pren- cherche de ces fonds n’est pas la gammes.Centres dre des risques et élargir leur hori- moindre tâche des bénévoles. Au zon en se confrontant à d’autres dé- bout de quelques années, l’enthou- d’art(unpeu) marches. Le Musée des beaux-arts siasme s’épuise, les artistes retour- subventionnés consacre bien une exposition an- nent à leur propre travail. Ces lieux nuelle aux nouveaux artistes, mais sont donc éphémères. Un des pre- ougaleriesàbut il faut une étape antérieure, une miers nés, Circuit, persiste depuis «première fois» pas trop intimi- onze ans, mais c’est que les anima- commercial:ceslieux dante. «A Lausanne, le soutien des teurs du début ont été progressive- autorités va aux arts de la scène, pas ment remplacés par d’autres. La pallientlemanque aux arts plastiques; peut-être que communication entre ces espaces cela changera avec le nouveau mu- semble bonne, fondée sur l’amitié d’uncentre sée», remarque Jeanne Graff, de l’es- et les échanges. Le même artiste d’artinstitutionnel. pace 1m3. «Il n’y a pas d’interlocu- peut exposer dans plusieurs lieux. teur au Canton», se plaint Stéphane Les rapports ne sont pas de concur- Inventaire Fretz des Editions art & fiction. rence, puisqu’il n’y a pas d’enjeu C’estpourquoiéclosenttantd’ar- économique, à la différence des nonexhaustif. tists run spaces, des lieux tenus par galeries. des équipes de plasticiens. C’est Ces dernières connaissent un ParIsabelleRüf ainsi que Damien Hirst a com- autre statut. Ceux qui les animent mencé, mais sa success story reste espèrent, à plus ou moins long un horizon lointain. Souvent issus terme, dégager du profit. Certains y de l’ECAL ou d’une école d’art de parviennent, rarement. Ces lieux ne Suisse romande, ceux qui animent sont pas subventionnés, ils fonc- ces lieux s’entourent d’un réseau tionnent selon les lois du marché, d’amis. Sur Internet ou au cours de peuvent participer à des foires. Sou- leurs voyages, ils rencontrent des vent,lesgaleriesont«leurs»artistes, démarches qui font écho aux leurs, qu’elles suivent et dont elles ont invitent des artistes étrangers et, à parfoisl’exclusivité.Enrevanche,el- leurtour,exposentàl’extérieur.L’at- les perçoivent un pourcentage sur mosphère générale est enthou- les œuvres vendues. Souvent, entre siaste, joyeuse, ludique. Les vernis- les deux types de structure, la diffé-

sages sont l’occasion de fêtes. JOELLE NEUENSCHWANDER rence est mince. Ces petites structures sont non- Cyril Veillon et Lucy Mackintosh dans le bel espace blanc de leur galerie. Depuis plus de quatre ans, profit, c’est-à-dire qu’elles reposent ils ont pris place sur la scène de l’art contemporain lausannoise. Suite en page 10

DOLL DOLL, ce sont quatre historiennes enseigne à l’Ecole de photographie pourcentage. Il faut être cohérent de l’art – Delphine Rivier, Olga de Vevey. «Ce sont souvent des jusqu’au bout, on n’est pas une Canton Caro, Léonore Veya et premières expositions ou des galerie. Nous mettons en ligne les Léonore Easton – dont les initiales projets inédits. Les artistes ont archives, aussi celles de Basta, forment le nom. Avant de trouver carte blanche, nous ne faisons pas c’est un service rendu aux artistes, cet espace avec vitrine au 45 de la d’accrochage, installations et mais nous ne les suivons pas rue César-Roux, elles ont animé performances sont conçues pour régulièrement. Peut-être plus tard. une galerie à Vevey, puis, entre le site. Nous cherchons des sub- Par la suite, nous voudrions que 2004 et 2008, Basta à Lausanne. ventions pour produire ces événe- notre espace soit reconnu d’utilité «Nous n’avons pas de ligne, ments, sinon, c’est un cadeau publique, obtenir un poste partiel d’ailleurs cette notion a quasiment empoisonné pour un artiste qui n’a rémunéré et développer la média- disparu. Nous sommes dans pas d’expérience. Notre travail est tion avec les classes et des publics l’expérimentation permanente. En bénévole, mais nous payons les variés. Il y a un vide à Lausanne général, nous opérons par coup de graphistes. Si un artiste vend une depuis plusieurs décennies.» I. R. cœur», dit Léonore Veya, qui œuvre, nous ne prenons pas de www.espacedoll.ch DR DP2 LETEMPSHSARTS610x440:Miseenpage128/09/0914:10Page

www.chanel.com 10 Arts Le Temps Mercredi 11 novembre 2009 REPORTAGE

Standard/deluxe Virginie Otth, Adrien Cater, Nicolas Virginie Otth. «Sur Internet, nous Savary, Tilo Steireif et Matthias avons rencontré un Américain qui Circuit Bruggmann viennent de la photo- vit en Allemagne. Son travail nous a Depuis onze ans que Circuit graphie et du graphisme et poursui- plu, nous l’avons invité, nous som- existe, l’équipe a changé quatre vent leurs propres projets d’artistes. mes devenus amis, il a exposé chez fois de lieu avant d’investir les Ils ont investi un ancien garage, en nous, nous irons chez lui», raconte locaux actuels, sur le quai dessous de leur atelier, à César- Adrien Cater. «Nous voulons faire Jurigoz. Circuit fait figure d’ancê- Roux 14. «Nous cherchions une de la médiation culturelle, permet- tre, créé en 1998 par d’anciens alternative à Circuit, qui était le seul tre la rencontre entre les artistes et étudiants de l’ECAL. Un tel lieu lieu. Nous avions besoin d’un en- le jeune public. L’espace nous per- manquait à Lausanne. Ils étaient droit pour réfléchir sur les problé- met de nous retrouver en famille, de une douzaine, pour la plupart matiques actuelles et partager nos changer de rôle, d’être tour à tour eux-mêmes artistes, dont Didier expériences, montrer des travaux artistes, curateurs, théoriciens. Rittener. Olivier Mosset, John d’étudiants. Nous agissons sans Nous publions des cahiers: le texte Armleder ont été leurs parrains, aucune pression financière, puisque cristallise les idées. On veut rester on retrouve leurs œuvres et leur nous sommes bénévoles, et ne libre de continuer ou pas, surtout influence dans les choix de recevons que quelques subventions. pas nous institutionnaliser», conclut Circuit, l’accent mis sur la pein- Ce sont les artistes eux-mêmes qui Virginie Otth. I. R. ture géométrique. Le lieu est bien assurent leur gardiennage», dit www.standard-deluxe.ch connu des milieux artistiques, visité par les étudiants des écoles d’art de Suisse romande. Des échanges ont lieu avec des structures semblables à Amster- dam, Anvers ou Nice. Circuit édite aussi des livres – une police de caractères porte même son nom – et des vinyles. Au fil du temps, les jeunes artistes des débuts sont eux-mêmes devenus des enseignants. «On entretient des rapports de filiation avec 1m3, qui ont été nos élèves.» Après plus de dix ans, «l’énergie et le besoin sont toujours là, dit Jérôme Pfister – qui assure avec François Kohler le fonctionne- ment de Circuit au jour le jour; mais, en dépit des subventions et du fait que la Ville paie le loyer, on n’arrive toujours pas à déga- ger un salaire même partiel». I. R. www.circuit.li DAFNE BOGGERI DR

Suite de la page 7 Alors que l’art contemporain s’inscrit surtout dans les villes, Isa- belle Gétaz a profité de la grange de la maison familiale à Mont-sur- Rolle pour y installer sa galerie, inaugurée au printemps 2009. «L’éloignement des villes est un dé- savantage, mais je n’ai pas de loyer à payer. Située entre Lausanne et Ge- art & fiction nève, la galerie peut faire le lien en- Créées en 2000 dans les ateliers de deux artis- tre deux mondes très clivés», dit la tes lausannois, Stéphane Fretz et Christian galeriste. Elle a commencé avec Pellet, les Editions art & fiction publient des deux artistes confirmés, Carles Val- livres d’artistes et des textes de peintres: «Nous verde et Jean-Claude Schauenberg, exposons dans nos livres!» Depuis 2005, l’asso- mais, par la suite, compte bien invi- ciation dispose, au 16 de l’avenue de , ter des artistes émergents et suivre d’un atelier, partagé avec Sofi Eicher, qui réalise leur travail. «Je privilégierai les tra- les reliures. Trop exigu pour permettre de véri- vaux sur papier, la peinture abs- tables expositions, le lieu se prête à des con- traite, la sculpture, par coup de certs, conférences, happenings. «Nous avons

cœur. C’est moi qui assure le gar- MATTHIEU GÉTAZ tous un intérêt pour la peinture ou le dessin, et diennage, l’administration, les rap- Galerie Isabelle Gétaz, exposition Jean-Claude Schauenberg. ne travaillons ni la photo ni la vidéo, dit Sté- ports avec les artis- phane Fretz. Sommes-nous vraiment «contem- tes. Mon mari est doce.Jedirigel’espaceArchizoomà constituer et présenter une collec- porains»? Nous avons renoncé à trancher, c’est Festival gratuit de créations graphiste, il crée le l’EPFL, ce qui crée des synergies in- tion d’art contemporain, favoriser un débat un peu stérile! Je me paie en tant que émergentes, Les Urbaines drainent matériel de pro- téressantes mais prend beaucoup les échanges, éditer et diffuser des metteur en pages, comme sont payés l’impri- motion. Je ne d’énergie. Lucy reçoit des classes, catalogues, rédiger un guide des meur ou le travail de reliure. Nous recevons un large public et procurent prends pas de des groupes. L’an prochain, la gale- lieux artistiques à Lausanne… Le quelques subsides. Des mécènes et les biblio- une visibilité forte pourcentage, j’ai la rie aura cinq ans, nous ferons alors travail d’une Kunsthalle en fait, thèques publiques nous permettent de conti- chance de ne pas le bilan. Il me semble qu’il se crée mais sans les moyens. Son existence nuer. Nous prélevons 10% sur les ventes pour devoir gagner ma vie. La crise est une relation de confiance avec le n’a rien d’officiel et tous les anima- les réinvestir. L’année prochaine, pour nos dix venue en pleins travaux. On n’allait public et les collectionneurs. Mais teurs d’espaces contemporains n’en ans, nous produirons un grand livre et puis nous pas s’arrêter pour autant. D’ici 2012, le marché est imprévisible, même font pas partie. changerons. Je ne sais pas encore dans quel nous aurons une vision plus claire.» la crise n’a pas les effets escomptés! Par ailleurs, chaque année de- sens. Nous privatiser, nous institutionnaliser, La Galerie Lucy Mackintosh a été Le succès international d’une gale- puis 13 ans, début décembre, se dé- nous affilier à un éditeur existant? Pour l’ins- ouverte en 2004 par Lucy Mackin- riste comme Alice Pauli est stimu- roulent Les Urbaines un «festival tant, on observe.» I. R. tosh et Cyril Veillon, dans d’anciens lant, mais l’accès aux grandes foires gratuit de créations émergentes», www.artfiction.ch locaux d’architecture de l’EPFL. Un était plus facile et moins coûteux organisé avec le soutien de la Ville, bel espace blanc qui se prête à tou- quand elle a commencé. du Canton et de nombreuses fon- tes sortes d’expériences plastiques. Aujourd’hui, c’est très difficile pour dations. Pendant trois jours, diffé- «Nous faisons un travail de suivi les petites galeries.» rents lieux sont investis par le festi- critique auprès des artistes. Ce sont Cyril Veillon s’occupe aussi de la val, qui y apporte sa propre souvent des jeunes qu’il faut aider. Fondation lausannoise pour l’art programmation,bienvenue,carLes En cas de vente, nous prenons 50%, contemporain (FLAC) qui a pour Urbaines drainent un large public mais cela couvre aussi le transport, but de «développer et inscrire dura- et procurent une visibilité forte. la promotion, l’information à faire blement l’art visuel contemporain à auprès des entreprises qui cher- Lausanne,enouvrirl’accèsàunplus www.galeriegetaz.ch chent à acquérir des œuvres. Tout large public». Sur son site figure un www.lucymackintosh.ch ceci prend du temps. Pour l’instant, vaste programme: aider à la pro- www.fondationflac.ch notre entreprise relève du sacer- duction d’œuvres et d’expositions, www.urbaines.ch

Trafic Ils se sont mis à quatre pour fonder Trafic exigu est devenu un home cinéma: projec- en 2007: un artiste, Jean-Michel Bacon- tions, discussions, conférences. «Treize nier, deux graphistes, Laurent Emmeneg- chaises, c’est un premier pas, dit Jean-Mi- ger et Christophe Métroz, et Steve Pater- chel Baconnier. Notre propos est d’interro- son, critique et commissaire. Issus de ger l’image en mouvement, sous toutes l’Ecole d’art du Valais ou de l’ECAL, ils ses formes: vidéo, film, diaporama. Quand voulaient prendre pied dans le milieu est-ce que c’est de l’art, du divertissement, artistique lausannois, prolonger leur du document? Comment aborder des propre travail sur l’image en montrant ce œuvres dont la pérennité n’est pas assu-

qui se crée aujourd’hui dans le domaine de rée? Aujourd’hui, on ne peut déjà plus CÉDRIC WIDMER la vidéo d’art. Leur nom, clin d’œil à Tati, visionner certaines œuvres de Jean Otth.» indique aussi le statut changeant de Ce dernier, tout comme l’historienne de

DR l’image en mouvement. Au 19 de la rue de l’art Geneviève Loup, accompagne Trafic Bourg, ils ont investi un dépôt sous les dans sa démarche. I. R. combles. Vidé, nettoyé, repeint, cet espace www.trafic.li www.nespresso-whatelse.com

CHFoc09LeTempsHS GC4 Pass 290x440 1 12/10/09 16:46 12 Arts Le Temps Mercredi 11 novembre 2009 REPORTAGE ZurichetBâle àl’heuredel’imagination PHOTOS: ROLAND SCHMID/PIXSIL Performance au New Jerseyy, Bâle. Situé dans une périphérie en métamorphose, ce lieu est devenu un espace de référence et d’ouverture sur le monde pour les jeunes.

Sublime union Surlesbords Dufourstrasse. Une rue où, en- Karolina Dankow. «Pourquoi une beaucoup, assurons le transfert aussi un nouveau rapport à l’ar- tre l’Opéra, la vénérable Neue Zür- paroi blanche? Pour disposer de des œuvres nous-mêmes et avons gent. Les jeunes artistes ont, par d’une crème glacée à la delaLimmat,laplace cher Zeitung et le siège du groupe davantage d’espace pour exposer. ciblé nos artistes: ceux de notre exemple, d’autres liens avec le de presse Ringier, il n’est pas rare On a préféré cela à une ouverture génération, qui ont vu l’efferves- sponsoring. Prenez le cas du Bâ- Noix de Coco de Sumatra et de del’artneploiepas de croiser des personnalités qui plongeante depuis l’extérieur.» cence de ces dernières années sans lois Tobias Madison qui prépare graines de sésame subtilement font l’actualité du pays. Des pontes Sourire. Elles n’ont que 29 ans, pouvoir encore en profiter.» un film autour de monuments vus souslacrisemaisse de l’économie, de la politique ou mais ne sont déjà plus des incon- sur l’itinéraire qui lie la Suisse à la caramélisées. de la culture sur lesquels, à en ju- nues dans le cercle des galeries. Les foires pour briser Chine. Une marque de basket sou- réajusteets’ouvre ger d’après leur rythme, les saisons Au-delà de leur charme naturel – les frontières tient sa démarche et ce genre de auxinitiatives. et les aléas du moment semblent elles sont agacées quand la presse Docteurs en histoire de l’art de synergie ne pose pas de pro- laisser peu d’empreintes. Au nu- le souligne –, il y a surtout leur l’Université de Zurich, les deux blème.» Aujourd’hui, tirant sur ses Danslemême méro 48, c’est l’adresse d’un avocat culot, leur sens du métier et, den- jeunes femmes accumulent très cigarettes, Marina Leuenberger et d’une vitrine réservée à Karma rée précieuse, leurs relations. «En vite des expériences via des stages dit savourer l’aventure mais sur- temps,surlacité International. Curieusement, la vi- très peu de temps, elles sont parve- dans des galeries, notamment à tout rentrer dans ses frais «sans trine, vue de l’extérieur, est occu- nues à construire un réseau consi- New York. En 2006, elles se lan- accumuler de réserves». rhénanesouffleun pée par une seule paroi blanche. dérable» et à asseoir leur réputa- cent dans l’aventure en investis- De quoi déstabiliser le visiteur tion sur un chic «low-budget», sant chacune 500 francs. Elles or- Du nouveau voulu par la crise ventderenouveau. venu pour y trouver de l’art. observait la Neue Zürcher Zeitung. ganisent une première exposition Dans la ville de la Limmat, un ren- ParAnneFournier Karma International existe de- Marina Leuenberger confirme: de l’Américain Chris Lipomi dans dez-vous fait office de baromètre puis 2006, repaire de deux jeunes «Oui, nous sommes très attentives un espace off pour le moins incon- infaillible pour mesurer l’humeur femmes, Marina Leuenberger et aux dépenses. Nous bougeons gru: la terrasse d’un toit du centre- ambiante: la rentrée d’automne ville, celui de leur appartement. avec les fêtes d’ouverture des gale- Chez elles, les artistes, qu’ils soient ries. Foule de curieux, tourbillon de d’ici ou d’ailleurs, travaillent sou- créateurs, de critiques, vent in situ. de vendeurs aux te- Crise ou pas, Zurich conserve «A Zurich, nous sommes nues rivalisant de clin- son label de paradis des galeries. loin des fermetures de galeries quant ou d’amour du Mais inutile de s’en contenter. Il détail qui se précipi- faut voyager, rencontrer, échan- précipitées vécues à Berlin» tent à ce subtil bal de ger via les foires de l’art, de plus en passions, de m’as-tu-vu plus essentielles à l’heure de la et de stratégies mercantiles. Cet globalisation. D’Art Dubai à automne, au sein du Löwenbräu Miami, en passant par la FIAC de Areal, brasserie devenue la Mecque Paris et bien sûr Art Basel, ce de l’art contemporain, on a célébré monde est celui du quotidien des la rentrée non sans exprimer des deux historiennes d’art. Même si réserves. Si les relations avec les col- leur espace est d’abord réservé aux lectionneurs semblent rester vives, jeunes artistes, avec des œuvres lesartistesvendentmoins.Etmême oscillant entre 5000 et l’énergie des couleurs chatoyantes 15 000 francs, elles l’ouvrent à des quel’expositiondePipilottiRistdif- personnalités de référence, invi- fuseautourd’ellen’allègequ’enpar- tant des curateurs, comme Ben tie les soucis. Borthwick de la Tate Modern de Ces derniers mois, plusieurs ga- Londres. leries ont fermé boutique, comme Marina Leuenberger le souli- les Berlinois Arndt & Partner ou gne: «Paradoxalement, c’est une encore Haunch of Venison. Pour- période idéale pour commencer. tant, ces départs n’ont pas de con- Cela permet d’imaginer d’autres Le New Jerseyy, tout petit, presque une vitrine, mais bouillonnant de vie. formes de galerie. On remarque Suite en page 14 LE TEMPS CD + PDF HD + Epreuve 260 REPORTAGE ZurichetBâle àl’heuredel’imagination PHOTOS: ROLAND SCHMID/PIXSIL Performance au New Jerseyy, Bâle. Situé dans une périphérie en métamorphose, ce lieu est devenu un espace de référence et d’ouverture sur le monde pour les jeunes.

Sublime union Surlesbords Dufourstrasse. Une rue où, en- Karolina Dankow. «Pourquoi une beaucoup, assurons le transfert aussi un nouveau rapport à l’ar- tre l’Opéra, la vénérable Neue Zür- paroi blanche? Pour disposer de des œuvres nous-mêmes et avons gent. Les jeunes artistes ont, par d’une crème glacée à la delaLimmat,laplace cher Zeitung et le siège du groupe davantage d’espace pour exposer. ciblé nos artistes: ceux de notre exemple, d’autres liens avec le de presse Ringier, il n’est pas rare On a préféré cela à une ouverture génération, qui ont vu l’efferves- sponsoring. Prenez le cas du Bâ- Noix de Coco de Sumatra et de del’artneploiepas de croiser des personnalités qui plongeante depuis l’extérieur.» cence de ces dernières années sans lois Tobias Madison qui prépare graines de sésame subtilement font l’actualité du pays. Des pontes Sourire. Elles n’ont que 29 ans, pouvoir encore en profiter.» un film autour de monuments vus souslacrisemaisse de l’économie, de la politique ou mais ne sont déjà plus des incon- sur l’itinéraire qui lie la Suisse à la caramélisées. de la culture sur lesquels, à en ju- nues dans le cercle des galeries. Les foires pour briser Chine. Une marque de basket sou- réajusteets’ouvre ger d’après leur rythme, les saisons Au-delà de leur charme naturel – les frontières tient sa démarche et ce genre de auxinitiatives. et les aléas du moment semblent elles sont agacées quand la presse Docteurs en histoire de l’art de synergie ne pose pas de pro- laisser peu d’empreintes. Au nu- le souligne –, il y a surtout leur l’Université de Zurich, les deux blème.» Aujourd’hui, tirant sur ses Danslemême méro 48, c’est l’adresse d’un avocat culot, leur sens du métier et, den- jeunes femmes accumulent très cigarettes, Marina Leuenberger et d’une vitrine réservée à Karma rée précieuse, leurs relations. «En vite des expériences via des stages dit savourer l’aventure mais sur- temps,surlacité International. Curieusement, la vi- très peu de temps, elles sont parve- dans des galeries, notamment à tout rentrer dans ses frais «sans trine, vue de l’extérieur, est occu- nues à construire un réseau consi- New York. En 2006, elles se lan- accumuler de réserves». rhénanesouffleun pée par une seule paroi blanche. dérable» et à asseoir leur réputa- cent dans l’aventure en investis- De quoi déstabiliser le visiteur tion sur un chic «low-budget», sant chacune 500 francs. Elles or- Du nouveau voulu par la crise ventderenouveau. venu pour y trouver de l’art. observait la Neue Zürcher Zeitung. ganisent une première exposition Dans la ville de la Limmat, un ren- ParAnneFournier Karma International existe de- Marina Leuenberger confirme: de l’Américain Chris Lipomi dans dez-vous fait office de baromètre puis 2006, repaire de deux jeunes «Oui, nous sommes très attentives un espace off pour le moins incon- infaillible pour mesurer l’humeur femmes, Marina Leuenberger et aux dépenses. Nous bougeons gru: la terrasse d’un toit du centre- ambiante: la rentrée d’automne ville, celui de leur appartement. avec les fêtes d’ouverture des gale- Chez elles, les artistes, qu’ils soient ries. Foule de curieux, tourbillon de d’ici ou d’ailleurs, travaillent sou- créateurs, de critiques, vent in situ. de vendeurs aux te- Crise ou pas, Zurich conserve «A Zurich, nous sommes nues rivalisant de clin- son label de paradis des galeries. loin des fermetures de galeries quant ou d’amour du Mais inutile de s’en contenter. Il détail qui se précipi- faut voyager, rencontrer, échan- précipitées vécues à Berlin» tent à ce subtil bal de ger via les foires de l’art, de plus en passions, de m’as-tu-vu plus essentielles à l’heure de la et de stratégies mercantiles. Cet globalisation. D’Art Dubai à automne, au sein du Löwenbräu Miami, en passant par la FIAC de Areal, brasserie devenue la Mecque Paris et bien sûr Art Basel, ce de l’art contemporain, on a célébré monde est celui du quotidien des la rentrée non sans exprimer des deux historiennes d’art. Même si réserves. Si les relations avec les col- leur espace est d’abord réservé aux lectionneurs semblent rester vives, jeunes artistes, avec des œuvres lesartistesvendentmoins.Etmême oscillant entre 5000 et l’énergie des couleurs chatoyantes 15 000 francs, elles l’ouvrent à des quel’expositiondePipilottiRistdif- personnalités de référence, invi- fuseautourd’ellen’allègequ’enpar- tant des curateurs, comme Ben tie les soucis. Borthwick de la Tate Modern de Ces derniers mois, plusieurs ga- Londres. leries ont fermé boutique, comme Marina Leuenberger le souli- les Berlinois Arndt & Partner ou gne: «Paradoxalement, c’est une encore Haunch of Venison. Pour- période idéale pour commencer. tant, ces départs n’ont pas de con- Cela permet d’imaginer d’autres Le New Jerseyy, tout petit, presque une vitrine, mais bouillonnant de vie. formes de galerie. On remarque Suite en page 14 LE TEMPS CD + PDF HD + Epreuve 260 14 Arts Le Temps Mercredi 11 novembre 2009 REPORTAGE

Suite de la page 12 Daniel Baumann, un graphiste et deux artistes – désireux d’offrir à la séquence sur le nombre d’adres- ville rhénane un espace de réfé- ses. «Nous sommes loin des rence en matière d’échanges et fermetures précipitées vécues à d’ouverture sur le monde pour les Berlin. Nous sommes actuelle- jeunes. ment 68 dans notre association, un chiffre en constante hausse, et Travailler avec les hautes nous disposons d’une image de écoles et les institutions stabilité. Nous jouissons de con- Ces dernières années, les points de tacts étroits avec les collection- chute pour l’art contemporain ou neurs et de notre savoir-faire», es- les réseaux alternatifs sont, au-delà time Marlene Frei, présidente de d’Art Basel, devenus plutôt rares, l’Association des galeries zuri- l’attention semblant se tourner choises, qui veut éviter tout catas- d’abord vers Zurich. Plus voyante, trophisme. Elle poursuit: «Les plus clinquante et financièrement temps difficiles ont contraint à re- intéressante. Cela n’a pas empêché voir certaines façons de fonction- – au contraire – l’émergence de scè- ner, à approfondir les contacts nes off, notamment grâce à des di- avec les collectionneurs. Les ven- plômésdelaHauteEcoled’artdési- tes ont ralenti, mais cela ne nuit reux de mettre rapidement en pas forcément à l’art.» place des réseaux. Moins de La grande spécialiste d’art con- moyens, mais peut-être davantage temporain, Beatrix Ruf, directrice d’échanges, commente un obser- de la Kunsthalle de Zurich, fait un vateur. La scène paraît moins seg- constat similaire. Ces dernières an- mentée qu’à Zurich. Historiens nées ont permis une remise à jour d’art, artistes en devenir, voire cu- des critères de sélection, un travail rateurs d’institution comme la de réajustement au niveau du con- Kunsthalle, tissent des liens. Au- tenu. Un marché plus critique peut delà d’adresses comme New aussi servir à l’attracti- Jerseyy, l’initiative de KunstWollen «Quels que soient les contacts vité de la production (lire ci-dessous) encourage les contemporaine, estime échanges interdisciplinaires, long- permis grâce à Internet, la Zurichoise. «Les col- temps trop rares. la fonction de la galerie reste lectionneurs comme Chez New Jerseyy, aux abords les artistes consacrent du Voltaplatz, une vitrine ouvre essentielle» davantage de temps à sur un espace unique tout de leurs acquisitions. Et blanc vêtu, ancien commerce à parallèlement émergent de nou- victuailles, choisi notamment veaux échanges, des plateformes pour son emplacement dans une ou des magazines qui renforcent périphérie en métamorphose. De- les contacts à l’échelle internatio- puis son ouverture en 2008, New

nale entre les institutions, mais SULLY BALMASSIÈRE COURTESY, GALERIE KENWORTHY-BALL LANGE + PULT Jerseyy a accueilli, en soirée essen- aussi les rapports avec les scènes Chez Lange + Pult, exposition du plasticien français Mathieu Mercier, l’un des artistes de la galerie. tiellement, plus de 30 performan- indépendantes.» ces ou expositions sur un rythme soutenu imposé aussi par les di- La fusion pour survivre une hausse des gains.» Si les ventes à conserver ce que leurs parents mensions du lieu et ses ambitions. Une option plusieurs fois privilé- sont encore encourageantes – ont obtenu lors des révoltes des Pour Dan Solbach, graphiste de giée ces derniers mois pour ré- voire en hausse depuis le prin- années 80.» Au printemps dernier, 22 ans, l’aventure a coïncidé avec pondre aux tensions ambiantes temps –, le spécialiste reste très un collectif a fait parler de lui en les débuts de la crise financière, est la fusion ou le rapprochement prudent quant à une éventuelle peignant de blanc les murs en bri- mais s’en est émancipée. «Ce qui d’ateliers. «Cela contraint d’affiner reprise et rappelle qu’il a coupé de que rouge de la Rote Fabrik pour importe, c’est notre façon de tra- le programme et cela permet 50% dans ses propres soutiens à la déplorer la mise sous contrôle des vailler. Nous faisons nos choix d’étoffer son carnet d’adresses», production. espaces de création. d’artiste toujours ensemble, en observe Stefano Pult. L’accent neu- Dans ce contexte, la fusion, réa- A cette menace d’enlisement ré- symbiose. Notre idée n’est pas de châtelois de ce marchand devenu liséeavecquatreemployés,permet pondent l’audace et le réseau bâ- créer une nouvelle scène, mais galeriste – sa Galerie Une à Auver- aussi de multiplier les qualités. La lois. «Là-bas, les jeunes artistes et d’ouvrir des perspectives pour des nier (NE) a fêté cet automne son rigueur alémanique d’un côté, l’es- curateurs sont plus disponibles artistes que nous connaissons.» dixième anniversaire avec Olivier prit romand plus expansif et chas- pour des collaborations, des Financièrement, le groupe vit Mosset – jure quelque peu avec les seur d’opportunités de l’autre. ouvertures sur d’autres d’un soutien de la Ville de plu- sonorités ambiantes dans ce haut «L’essentiel est toujours la relation mondes», confirme sieurs dizaines de milliers de lieu alémanique de l’art contem- à l’artiste. Quels que soient les nou- A Bâle, moins de moyens Marina Leuenberger, francs lié au développement du porain qu’est le Löwenbräu Areal. velles plateformes ou les contacts qu’à Zurich, mais peut-être de Karma Internatio- quartier. «Nous travaillons avec Son aventure zurichoise avec sa permis grâce à Internet, la fonc- nal, qui a consacré son cela sans perdre de temps à cher- partenaire Céline Lange a débuté tion de la galerie reste essentielle. davantage d’échanges et travail de doctorat à la cher des revenus annexes mais en en 2007, motivée par la possibilité C’est un rôle de tampon, d’admi- une scène moins segmentée scène off. «Il y a de ré- nous concentrant sur le contenu. d’un plus grand rayonnement vers nistrateur, une assise profession- jouissantes énergies. C’est une façon de procéder qui l’étranger. Tourné vers les jeunes nelle qui garantit l’évolution de Des adresses comme New Jerseyy signifie une existence limitée.» artistes, le Neuchâtelois privilégie l’œuvre, son expression dans un ont toujours une courte existence, Dan Solbach ouvre le piano à des créateurs jonglant avec plu- lieu public, d’autant plus primor- très vite menacées d’institution- queue, seul occupant de l’endroit sieurs moyens d’expression, diale en période de crise.» nalisation. Mais leur présence est en ce milieu d’automne, œuvre de comme Mathieu Mercier ou An- des plus centrales dans la mise en Benedikt Schiefer dont les tou- dreas Golinski. Il s’installe donc à Où trouver de l’espace? réseau.» ches, commandées par ordina- Zurich. A Zurich, l’un des grands soucis Créé en 2008, New Jerseyy a pi- teur, répondent à des formules al- Or depuis ce printemps, l’aven- est le prix des espaces à disposi- gnon sur rue non loin de la fron- gébriques. «Mardi soir, un concert ture se vit à trois. Contexte finan- tion pour créer ou proposer des tière française à Bâle. Un quartier Fluxus est au programme. Nos soi- cier oblige, la galerie a fusionné scènes off. Beaucoup de gens qui, lorsqu’on le traverse, n’arrête rées constituent l’élément clé du Liens avec Meta Kenworthy-Ball, étouffent sous la pression com- guère le regard, mais qui, entre rapport au public.» Pour l’heure, www.karmainternational.org adresse déjà engagée sur la scène merciale, confiait récemment au pizzeria, coiffeur et services de la musique s’échappe sans crier www.langepult.com indépendante zurichoise. «Fu- Temps Esther Eppstein, la dame de nettoyage, connaît une efferves- gare, les touches s’enfoncent sans www.kunsthallezurich.ch sion» signifie espace partagé et la scène underground avec sa ga- cence constructive invariable- trace de doigts et un savoureux www.newjerseyy.ch productions communes. Stefano lerie Perla-Mode. «Mais une nou- ment assortie de collisions de sty- murmure de ruisseau fait glisser www.kunstwollen.ch Pult: «Cela entraîne une réduction velle génération se réveille. Ces les. New Jerseyy est l’idée de l’harmonie. Selon la formule du des charges, mais pas fatalement jeunes qui aspirent à leur manière quatre créateurs – un curateur, temps qui passe.

KunstWollen:plateformesentreécoles «Nous avons créé cette association, car, à l’heure Les expositions voyagent ensuite entre les diverses actuelle, il est très difficile pour un jeune artiste villes hôtes d’une haute école. d’attirer l’attention sur son travail», explique Chez KunstWollen, initiative parrainée par une Andreas Mattle. Née il y a quatre ans, KunstWollen fondation, des sponsors et des contributions – c’est son nom – se présente comme un tremplin d’écoles, on le dit à demi-mot: cette initiative est pour des «échanges interdisciplinaires entre artis- aussi lancée pour pallier le manque d’échanges ou tes et théoriciens culturels, entre hautes écoles de mises en réseau, en lieu et place des institutions d’art et instituts d’histoire de l’art». Ambitieux. et centres de formation qui s’en chargeaient jus- Fondée par quatre jeunes diplômés en histoire de qu’ici. «Vous savez, les frontières, notamment l’art de Bâle, l’association concentre une partie de linguistiques, existent aussi dans l’art. Et c’est ses activités autour du projet Plattform, exposition dommage. Notre idée n’est pas de lancer un com- annuelle d’une sélection d’œuvres d’artistes tout merce, d’exposer pour vendre; nous voulons insuf- frais diplômés des hautes écoles du pays. fler un premier élan de contacts entre des créa- Or, et c’est là la garantie d’un premier contact, teurs ou médiateurs, qui, un jour ou l’autre, cette sélection est confiée à des historiens de l’art, devront soigner leurs relations», continue, avec eux aussi il y a peu encore en cours de formation. enthousiasme, Andreas Mattle, diplômé en his- Andreas Mattle: «Chaque année, quelque trente toire de l’art et en économie à l’Université de Bâle, curateurs en devenir offrent leurs services et nous volontaire scientifique au Musée d’art de la ville en gardons trois ou quatre pour composer le jury.» rhénane. Et artiste indépendant. A. Fo DOMINIC BUTTNER/PIXSIL Marina Leuenberger et Karolina Dankow, les animatrices très en vue de Karma International. Le Temps Mercredi 11 novembre 2009 Arts 15 WEB

Réseauxvirtuels, communautés nomades MANUEL WAGNER Le fondateur de Independent Collectors, Christian Schwarm, devant une œuvre de Clunie Reid, «Sex, Lies and Orgasms».

Facebook,Twitter, Trait commun à tous les collec- que. Elle s’étoffera avec le temps. Ces tionneurs: l’individualisme. Exigen- territoires virtuels se transforme- LinkedIn…Lafrénésie ces invariables: la confidentialité, la ront probablement en terrains de sécurité. Pour ces raisons, il a paru chasse des curateurs de demain. Plu- desréseauxsociaux longtempsimprobablequ’unecom- tôt que de faire appel aux galeristes affectetoutes munauté virtuelle de cette catégorie dans l’espoir d’obtenir une œuvre parvienne à se créer. Et presque ini- étiquetée «collection privée», il leur lesstrates maginable que des collections per- suffira de se promener dans les sonnelles soient exposées sur Inter- méandres de ces musées numéri- socioculturelles, net. Et pourtant. Voici que les jeunes ques.Avecentêteunprojetbienpré- amateurs d’art se montrent impa- cis, ils rempliront plus facilement descoursd’école tients de converser avec leurs alter leur panier. Et si l’envie prenait à ces ego aux quatre coins du monde. commissaires de voir leur exposi- auxconseils Leursoifdeconnaissanceétantdiffi- tionentrequatremurs,ilsn’auraient d’administration. cile à satisfaire, les nouveaux ré- qu’à prendre aisément et directe- seaux sociaux s’avèrent nécessaires ment contact avec les propriétaires Orvoiciqu’elle pouralimenterleursrecherches.Car des pièces tant convoitées. c’est souvent par manque de canaux A la fois signes de pouvoir et s’emparemême d’information qu’ils en viennent à d’érudition, les objets d’art ont entrer dans une communauté. toujours suscité convoitises et riva- dumonde Créé pour et par des collection- lités. De nombreux récits témoi- neurs, Independent Collectors a vu gnent des guerres fratricides que trèsdiscret le jour en été 2008. Cette plateforme se sont livrés des collectionneurs descollectionneurs. virtuelle destinée aux passionnés afin d’accéder au fruit de leur désir. d’art principalement contemporain Mais alors, comment concilier l’es- ParNicolasGalley s’inscrit dans la frénésie actuelle des prit d’une collectivité fondée sur le réseaux sociaux. «Un accès rapide, partage d’idées avec l’originel ins- transparent et sans prétention au tinct de conquête? Afin de dédra- marché», voilà sa devise. Véritable matiser le combat entre acheteurs salon numérique, elle accueille les et pour illustrer ce que pourrait réunions d’amateurs éclairés et per- devenir une véritable commu- met un partage de connaissances nauté de collectionneurs, Chris- conduisant à un développement ré- tian Schwarm et Tommi Brem, tous ciproque. Son fondateur, Christian deux actifs au sein d’Independent Schwarm, jeune collectionneur ber- Collectors, ont mis en scène un vé- linois de 36 ans, n’hésite pas à décla- ritable duel. Ni pistolet ni fleuret, rer: «Le réseautage rend les choses mais pour seule arme un multiple beaucoup plus simples lorsqu’on de Jonathan Monk, A Piece Of Paper débute. Je serais parvenu dix fois Folded Until Now. Cette joute fon- plus vite à mon niveau actuel si une dée sur le troc a commencé l’été telle structure avait existé lorsque dernier et devrait se terminer l’an j’ai commencé ma prochain. Durant ce temps, ils doi- A la rétention d’informations et collection.» vent réaliser les meilleurs échan- Le dialogue avec ges possibles jusqu’à parvenir à à l’opacité propres au marché de des personnes plus l’œuvre rêvée. l’art se substitue un débat limpide expérimentées est En dépit de certaines imperfec- primordial, mais il tions organisationnelles qui pour- n’est pas facile de l’entamer. Chacun raient mettre fin à ce duel, ce défi a commence dans son coin et met au non seulement l’avantage de désa- point sa propre formule d’apprenti morcer toute compétition mal- chimiste, d’où le terme bien choisi saine, mais aussi celui de souligner d’indépendant.Leregroupementde l’utilité d’un tel réseau pour celui ces Paracelse en devenir rend les er- qui désirerait troquer certaines de

rances plus rares. Tenter de décou- SAKS GALLERY, GENÈVE ses pièces. Et c’est bien dans ce sens vrir l’œuvre d’un artiste en début de Josh Smith, «Untitled», 2008, technique mixte sur panneau en bois, 122 x 92 cm. que ces récentes plateformes pa- carrière revient souvent à conduire raissent évoluer. A la fois source de une enquête aussi sinueuse que peu considérable; il aide non seulement égocentrismes exacerbés? Les Leterreauparaîtdoncfertileetles conseils avisés et hall d’exposition, fructueuse. Les artistes qui dévoilent à chercher de nouvelles galeries, comptes de messagerie se trouvent possibilités innombrables. A la me- les salons virtuels pourraient à l’ensemble de leur production sur maisaussiàdécouvrirdespersonna- rapidement saturés par un déluge sure du royaume de l’image que re- moyen terme court-circuiter cer- leursitepersonnelrestentencorera- lités artistiques inconnues. de propositions d’internautes ten- présente Internet. Le Musée imagi- tains intermédiaires. Beaucoup ont res. Citée à titre d’exemple par cer- Bons plans, bons tuyaux, voilà de tant la vente impossible d’un objet naire de Malraux à la puissance prédit cette échéance. Jusqu’ici, tains collectionneurs, la page web quoi ravir notre collectionneur. La exécuté durant le dernier week-end. infinie. Les plateformes virtuelles cette pratique s’est peu développée. de Josh Smith, artiste américain de transparence est de mise et la cause- Ces clubs de discussion évoluent permettent aux connaisseurs de Reste que les galeristes devront ré- 33 ans, paraît remarquable. Sorte de rie numérique concurrence parfois continuellement et ne peuvent que communiquer non seulement par pondre aux attentes d’une nouvelle catalogue raisonné numérique, les conseils du galeriste. A la réten- s’améliorer. Saatchi Online et l’écrit,maisaussiparl’image.Ilsuffit clientèle avide d’informations et de www.joshasmith.com affiche sans tion d’informations et à l’opacité TheArtKey pêchent aussi par man- au collectionneur de télécharger blogs spécialisés. commentaire tous ses travaux. Mine propres au marché de l’art se substi- quedeclassificationetseconçoivent une version numérique de ses Car les réseaux remettent en d’or pour les passionnés, ce site illus- tue un débat limpide. Le désir comme de pléthoriques boutiques œuvres et de les disposer sur son cause les lieux traditionnels tre une nouvelle tendance. d’échanger des informations dé- espace personnel d’échanges entre amateurs. Les ver- On imagine volontiers les galeris- bouche souvent sur un dialogue en- Les territoires virtuels pour que son dis- nissages de galeries locales ne sem- tes comme des sources d’éclaircisse- treconnaisseurs.Onrécoltedescon- cours visuel devienne blentplusaucentredeleurpréoccu- ments intarissables; or ils se conten- tacts sur le Web, on fait confiance à se transformeront probablement accessible à tous. A pation.Enrevanche,lesbiennalesde tent souvent de réponses vagues. Le qui vous ressemble. La discussion en terrains de chasse tous? Le terme paraît Venise et de Lyon, les foires interna- grand nombre d’individualités s’étoffe. Le réseau virtuel devient un peu fort. Dévoiler tionales de Bâle et de Maastricht qu’ils représentent ne leur permet alorslelieuprivilégiédeconseilsavi- des curateurs de demain sa collection, c’est constituent les territoires haute- pas toujours une connaissance ap- sés et de nouvelles propositions. aussi exposer son in- ment fréquentés par cette commu- profondie de chacun de leurs proté- Si Independent Collectors appa- enligne.D’autressitespourraientde- timité. Independent Collectors pro- nauté nomade. Les blogeurs-collec- gés. Pour féliciter les bons élèves et raît comme la plateforme la plus venir les lieux idéaux où bâtir de tège ses utilisateurs. Pour pénétrer tionneurs arpentent ces capitales distribuer des bonnets d’âne, Inde- courtiséeparlesjeunesamateurs,les nouvelles communautés. Artnet ou dans ces expositions digitales, une éphémères pour y faire enfin con- pendent Collectors a ainsi créé un supernovas que sont Facebook et ses concurrents Artprice et le gratuit invitation est généralement requise. naissance avec leurs interlocuteurs

NINA CANELL carnet de notes: «Pionnier?», «Fia- LinkedIn proposent aussi leurs Artvalue, moteurs spécialisés dans La démarche en vaut la peine, car virtuels. Car, en définitive, l’atmos- Nina Canell, «Nightwalker», 2008. ble?», «Plaisant?», «Etabli?», «Re- groupes «collectionneurs». Le ré- l’évaluation d’œuvres d’art, répon- il s’agit parfois de véritables exposi- phère d’une folle discussion autour Branche, néon, tissu mousse, commandable?». La parole est au gime ultra-démocratique qui y rè- dront peut-être à l’appel. Les pré- tions temporaires et pas simple- d’unverreneseremplace pas par un pâte à modeler, ficelle, caoutchouc client et le verdict sans appel. Ni gne conduit cependant à un éclec- cieux services qu’ils proposent en ment d’une sélection d’images. La cliquetis de clavier. lumineux, ruban d’emballage, marchand ni intéressé, le discours tisme peu efficace. Voie d’accès au font des passages obligés pour tout substance des thématiques reste en- câble, 2000 V, 125 x 6 x 6 cm. de l’internaute prend une valeur pays de cocagne ou étalage pour collectionneur. core fragile et souvent chronologi- www.independent-collectors.com DRINK RESPONSIBLY Portsfrancs, dédalesetmystères ATELIER D’ARCHITECTURE 3BM3 18 Arts Le Temps Mercredi 11 novembre 2009 COULISSES COULISSES Œuvresd’artparmillions ancréesàbonport

Apparemment, la clientèle n’a guère frissonné de peur de- Marchandises vant cette sévérité accrue. Là sensibles aussi, dans un rafraîchissant en- semble, les acteurs des ports Parmi les produits pouvant être francs répondent qu’aucun déposés dans un port franc, la client n’a fui ou qu’ils n’ont législation fédérale surveille de perçu que d’imperceptibles fri- près les marchandises dites selis. Peut-être dus au fait que le sensibles et les énumère dans le marché de l’art subit un certain détail. La liste va du matériel tassement en raison de la réces- nucléaire aux produits chimi- sion économique (recul des ques et aux animaux et plantes mouvements d’entreposage de protégés. Le marché de l’art est 10% environ chez Natural Le particulièrement concerné par Coultre). Quoique. Président de l’énumération suivante: billets Christie’s Europe, François de banque et titres, monnaies, Curiel laisse filtrer un léger perles, diamants, pierres gem- doute: «Avant, l’objet retiré d’un mes, métaux précieux et pla- port franc suisse n’avait pas be- qués ou doublés de métaux soin de faire connaître sa desti- précieux, bijouterie et produits nation. Maintenant oui. Cer- de joaillerie, horlogerie, objets tains clients n’aiment pas trop d’art, objets de collection et cela.» Pour ce grand manitou antiquités. Toutes ces marchan- des ventes aux enchères, c’est le dises doivent faire l’objet d’un fond du problème. inventaire extrêmement détaillé Mais alors, s’ils ne sont pas des (lire l’encadré «Devoir mauvais lieux, à quoi les ports d’inventaire» en page 20). C. L.

francs servent-ils? D’abord et LUCA FASCINI/PFEG d’un point de vue de pure techni- Dernier étage du nouvel immeuble administratif des ports francs genevois réalisé par les bureaux genevois ass architectes SA et que douanière, ils servent à en- Atelier d’architecture 3BM3. treposer des marchandises en transit, ou destinées à une im- portation ou une exportation ul- térieures. Le temps que les pro- priétaires des marchandises se rieure au dépôt d’or de Fort PUBLICITÉ décidentdecequ’ilsenferont,ou Knox. Equipes de surveillance en qu’ils sachent enfin à qui ils vont ronde vingt-quatre heures sur lesvendre,ouqueleclientvienne vingt-quatre, systèmes d’alarme les chercher, etc. Cela évite des en tout genre, vidéosurveillance, déplacements inutiles, des re- coffres-forts, chambres fortes, dondances de paperasseries tout l’arsenal est présent. Les as- tmp.ch douanières et de mouvements de sureurs adorent. Au point de trésorerie lorsqu’il s’agit de payer baisser les primes pour les objets les droits de douane et la TVA. déposés en port franc. Les pro- Les ports francs offrent en priétaires adorent aussi. Tou- outre une sécurité presque supé- jours ça de pris sur les coûts. Et, Philosophie Gestion Tradition Image de synthèse. Singapore FreePort: 50 000 m2 de dépôts en bordure de l’aéroport. La première phase des travaux (25 000 m2) s’achèvera en décembre 2009. ATELIER D’ARCHITECTURE 3BM3/IMAGINA de mémoire de Gérard Du- d’investissement de fortune bancaire chesne, aucun vol n’a jamais été unique indépendante genevoise commis dans les ports francs de Genève. De plus, le déposant Lesportsfrancssuissesfontl’objetd’unesévéritéaccrue.Cesgigantesquescoffres-fortsperdront-ilsdeleurmystère?Leurclientèleva-t-elle jouit d’une confidentialité sans faille, seule l’administration s’endétourner?D’autresplacesseprofilent,enparticuliercelledeSingapourquimetenœuvredescompétencesanalogues.Genève douanière ayant droit de regard et d’effeuillage. Mais essayez, “Comprendre votre succès et depuis 1816 nesemontrepasébranléeetneparlepasdeconcurrencemaisdecomplémentarité…ParCaroleLambelet juste pour voir, d’arracher un seul mot à l’administration vos attentes: notre priorité N° 1.” douanière à ce sujet. Ensuite, les conditions physi- Preuve d’un succès certain: un nes qui impose la tenue d’un in- trois mille pièces, cachées à Ge- ques d’entreposage. Un dia- bâtiment tout beau, tout neuf se ventaire extrêmement détaillé nève sous l’appellation fraudu- mant ne craint pas l’humidité. dresse dans l’enceinte des ports des marchandises dites sensibles leuse mais rigolote de «vaisselle Mais un cigare? un col (bou- Jean-Louis Platteau Franco Furcolo francs genevois. En fonction de- déposées en port franc (lire en ancienne». Le déposant n’avait vi- teille de vin ou Directeur Général Private Banking Membre de la direction Gestion suisse puis un mois, il apporte une ré- page 19 «Marchandises sensi- siblement pas estimé que sa vais- La fébrilité monte dans les ports d’alcool) de col- ponse tangible à ceux qui s’inter- bles» et «Devoir d’inventaire» en selle constituait une marchandise francs genevois lorsque la saison lection? un ma- rogent sur leur avenir. En effet, page 20). sensible. Valeur d’assurance du nuscrit enlu- Bien des patrimoines et des fortunes familiales que n’a-t-on écrit et dit des ports Les valeurs traitées par le mar- lot: 20 millions de francs. Une des ventes aux enchères approche miné? et même francs suisses, en particulier de ché de l’art figurent en effet tou- paille en regard des milliards de une aquarelle sont issus d’entreprises et d’initiatives de personnes ceux-ci, qui sont les plus grands et tes sur la liste fédérale des mar- francs que les ports francs de Ge- ou un coûteux cadre de ta- d’exception. les plus célèbres? Cavernes d’Ali chandises sensibles. L’inventaire nève abritent. Mais quel malaise! bleau? Il faut garantir les condi- Baba, zones de non-droit, filières dressé pour chaque objet permet A la question «les ports francs tions techniques (hygrométrie, Patiemment construites, transmises de génération Entrepôts d’un nouvel âge de blanchiment, plaques tour- à l’autorité douanière de connaî- de Genève constituent-ils une température, lumière, propreté, nantes off shore de trafics mon- tre l’identité complète de l’objet, plaque tournante de trafics frau- type d’entreposage, qualité de en génération, ou fruit d’une cession récente, A Genève Natural Le Coultre, consulte diaux en tout genre, coffres-forts sa valeur, son origine, sa prove- duleux en tout genre?», Yves Bou- manutention, etc.) adaptées à ces richesses méritent une vigilance et un soin Inauguré à la fin de septembre l’Atelier 3BM3 à propos du projet des diamants du sang… nance, sa destination, le traite- vier, administrateur des sociétés chaque objet sensible. Sensible exceptionnels. dernier, le nouveau bâtiment des de port franc à Singapour, il Iles aux trésors, certes, mais ment qui l’attend, etc. «Mais il se- du groupe Natural Le Coultre et du point de vue physique cette ports francs genevois annonce- ignore que ce bureau construit cavernes d’Ali Baba non point. rait bon de rappeler, demande de la holding Euroasia Invest- fois et non douanier. Un port t-il la naissance très attendue précisément l’édifice genevois. Dans la mesure où cet antre des Gérard Duchesne, directeur géné- ment SA (Genève), et Gérard Du- franc qui se respecte offre toute Une banque sûre, une qualité suisse de gestion, d’un quartier dans le périmètre Une fois mandaté, 3BM3 aborde Mille et Une Nuits contenait exclu- ral des ports francs de Genève, chesne se récrient dès lors dans sécurité sous cet angle. Certes, et une conception partagée de l’économie et des Praille-Acacias-Vernets? Il ex- «une aventure extraordinaire». sivement les fruits de rapines. Les que les marchandises sensibles un touchant unisson: tout cela a un coût, mais telle- marchés fi nanciers. prime en tout cas une solide A la différence du bâtiment de nombreux bâtiments et les ne constituent qu’une fraction Le nouveau texte, entré «Bien sûr que non. Au ment moindre que la destruc- confiance en l’avenir. En 2003, la Genève, le Singapore FreePort 140 000 m2 d’entreposage (22 ter- des activités, en ce qui concerne contraire, la sur- tion de l’objet ou son endom- société des Ports Francs et Entre- est entièrement consacré aux rains de foot) de la société des notre société en tout cas.» Donc en vigueur le 1er mai 2009, veillance dont ils font magement. La Banque Cantonale de Genève: une vision pôts de Genève SA lance un dépôts. Sa surface, de Ports Francs et Entrepôts de Ge- îles aux trésors certes, mais égale- durcit encore la surveillance l’objet permet de repé- L’un dans l’autre, chez leurs différente de la gestion de fortune pour pérenniser appel d’offres qui vise à définir la 25 000 m2 à fin 2009, terme de nève SA, situés à la Praille et dans ment joyeux fourre-tout, les ports rer des biens illégaux utilisateurs, les ports francs suis- future image urbaine de ce type la première phase des travaux, le périmètre de l’aéroport, abri- francs. qui, sans les ports francs, seraient ses jouissent d’une réputation vos succès fi nanciers. d’installation. Puis elle retient sera portée à 50 000 m2 une tent, eux, dans une écrasante ma- Comme partout et depuis que dispersés dans la nature et introu- en béton armé. Surtout Genève. deux bureaux genevois, ass fois ceux-ci entièrement ache- jorité, les objets de commerces le monde est monde, il y a ceux vables.» Et peut-on estimer le Parce que l’histoire de cette ville architectes SA et Atelier d’archi- vés. L’ouvrage répond à trois normaux et respectueux des dis- qui «essaient». De contourner les pourcentage de marchandises tecture 3BM3, auxquels elle exigences: haute qualité archi- positions légales. lois, d’échapper aux radars pé- frauduleuses déposées en ces Suite en page 20 confie l’élaboration conjointe tecturale, rigueur écologique Que trouve-t-on donc dans le naux, fiscaux, douaniers; de frau- lieux? «Impossible. Ou alors entre d’un projet d’immeuble adminis- exemplaire, niveau de sécurité corbeillon d’un port franc? Ré- der, de voler, de trafiquer. L’arbre 0,0000001% et 1%.» En toute jus- tratif. Edifié en deux ans, l’im- particulièrement élevé. Les ponse générale: de tout, dont des qui cache la forêt en l’occurrence. tice, voilà qui devrait renverser de meuble offre 5000 m2 de surface façades de cette construction produits pharmaceutiques et des Gérard Duchesne dit pourtant 180 degrés la sulfureuse réputa- de bureaux distribués sur cinq basse, posée en bordure de plantes. Réponse à mille milliards que seules «quatre à cinq procé- tion des ports francs suisses. étages et le rez; le sous-sol abrite tarmac, sont entièrement cou- de liards: des trésors. Objets d’art dures d’entraide judiciaire ont été Il n’empêche. Suite à ces quel- 1600 m2 de dépôts. Il se distin- vertes de plantes de sous-bois. hors de prix (et de moindre prix), intentées à propos de biens entre- ques scandales, la loi suisse sur les gue par ses deux patios particu- Une œuvre monumentale, bijoux, cailloux (précieux), cou- posés dans les ports francs de Ge- douanes, inchangée depuis 1925, lièrement généreux, «à l’échelle commandée au designer israé- cous – mais oui, horloges et mon- nève depuis quatorze ans que j’en a été rénovée. Le nouveau texte, de la ville», précise l’architecte lien Ron Arad, la «Cage sans tres –, antiquités, vins fins, cigares, suis le directeur général». Le fu- daté de 2005 mais entré en vi- Carmelo Stendardo, de l’Atelier frontière», accueille les visiteurs objets divers de collection, etc. met du scandale étant très média- gueur le 1er mai 2009, durcit en- 3BM3. Construit aux normes dans le lobby. Elle se trouve Natural Le Coultre, principal tran- tique et la Suisse ayant perdu son core la surveillance. Particulière- Minergie, d’aspect ouvert et d’un actuellement exposée au Musée sitaire/entrepositaire des ports aura de sainteté depuis la contro- ment sur deux points: il renforce design soigné, il renouvelle la d’art moderne de New York. francs de Genève avec 12 000 m2 verse des fonds juifs, ces quelques le devoir d’inventaire et introduit représentation de tels bâtiments. L’éclairage a été confié à de surface et spécialisé dans l’art, affaires ont donné aux ports l’obligation de présenter immé- www.3bm3.ch Johanna Grawunder, architecte dit couver en moyenne cinq mil- francs helvétiques une indécrot- diatement ce document, sur sim- et designer à San Francisco et à lions d’œuvres d’art dans la tota- table réputation sulfureuse. Le ple demande de l’administration Genève Zürich Lausanne Lugano Lyon Annecy Port de Bâle, Suisse, 16h. A Singapour Milan, qui a réalisé pour ce port lité de ses entrepôts, à Genève et cas le plus connu est celui des douanière. Ce qu’elle ne se prive www.bcge.ch/privatebanking

Curieusement, lorsqu’Yves franc d’un nouvel âge une œuvre ailleurs. Cette entreprise tombe tombaroli, pilleurs d’objets ar- pas de faire. Pas impossible que PATRIZIA CINI/PFEG Bouvier, administrateur de sans pareille. Lorette Coen ainsi sous le contrôle sévère de la chéologiques italiens. En 2000, la cette rigueur accrue fasse sortir Le bâtiment des ports francs récemment inauguré dans le périmètre nouvelle loi fédérale sur les doua- Suisse a rendu à l’Italie quelque un ou deux cadavres des placards. Praille-Acacias-Vernets. Le Temps Mercredi 11 novembre 2009 Arts 19 COULISSES COULISSES Œuvresd’artparmillions ancréesàbonport

Apparemment, la clientèle n’a guère frissonné de peur de- Marchandises vant cette sévérité accrue. Là sensibles aussi, dans un rafraîchissant en- semble, les acteurs des ports Parmi les produits pouvant être francs répondent qu’aucun déposés dans un port franc, la client n’a fui ou qu’ils n’ont législation fédérale surveille de perçu que d’imperceptibles fri- près les marchandises dites selis. Peut-être dus au fait que le sensibles et les énumère dans le marché de l’art subit un certain détail. La liste va du matériel tassement en raison de la réces- nucléaire aux produits chimi- sion économique (recul des ques et aux animaux et plantes mouvements d’entreposage de protégés. Le marché de l’art est 10% environ chez Natural Le particulièrement concerné par Coultre). Quoique. Président de l’énumération suivante: billets Christie’s Europe, François de banque et titres, monnaies, Curiel laisse filtrer un léger perles, diamants, pierres gem- doute: «Avant, l’objet retiré d’un mes, métaux précieux et pla- port franc suisse n’avait pas be- qués ou doublés de métaux soin de faire connaître sa desti- précieux, bijouterie et produits nation. Maintenant oui. Cer- de joaillerie, horlogerie, objets tains clients n’aiment pas trop d’art, objets de collection et cela.» Pour ce grand manitou antiquités. Toutes ces marchan- des ventes aux enchères, c’est le dises doivent faire l’objet d’un fond du problème. inventaire extrêmement détaillé Mais alors, s’ils ne sont pas des (lire l’encadré «Devoir mauvais lieux, à quoi les ports d’inventaire» en page 20). C. L.

francs servent-ils? D’abord et LUCA FASCINI/PFEG d’un point de vue de pure techni- Dernier étage du nouvel immeuble administratif des ports francs genevois réalisé par les bureaux genevois ass architectes SA et que douanière, ils servent à en- Atelier d’architecture 3BM3. treposer des marchandises en transit, ou destinées à une im- portation ou une exportation ul- térieures. Le temps que les pro- priétaires des marchandises se rieure au dépôt d’or de Fort PUBLICITÉ décidentdecequ’ilsenferont,ou Knox. Equipes de surveillance en qu’ils sachent enfin à qui ils vont ronde vingt-quatre heures sur lesvendre,ouqueleclientvienne vingt-quatre, systèmes d’alarme les chercher, etc. Cela évite des en tout genre, vidéosurveillance, déplacements inutiles, des re- coffres-forts, chambres fortes, dondances de paperasseries tout l’arsenal est présent. Les as- tmp.ch douanières et de mouvements de sureurs adorent. Au point de trésorerie lorsqu’il s’agit de payer baisser les primes pour les objets les droits de douane et la TVA. déposés en port franc. Les pro- Les ports francs offrent en priétaires adorent aussi. Tou- outre une sécurité presque supé- jours ça de pris sur les coûts. Et, Philosophie Gestion Tradition Image de synthèse. Singapore FreePort: 50 000 m2 de dépôts en bordure de l’aéroport. La première phase des travaux (25 000 m2) s’achèvera en décembre 2009. ATELIER D’ARCHITECTURE 3BM3/IMAGINA de mémoire de Gérard Du- d’investissement de fortune bancaire chesne, aucun vol n’a jamais été unique indépendante genevoise commis dans les ports francs de Genève. De plus, le déposant Lesportsfrancssuissesfontl’objetd’unesévéritéaccrue.Cesgigantesquescoffres-fortsperdront-ilsdeleurmystère?Leurclientèleva-t-elle jouit d’une confidentialité sans faille, seule l’administration s’endétourner?D’autresplacesseprofilent,enparticuliercelledeSingapourquimetenœuvredescompétencesanalogues.Genève douanière ayant droit de regard et d’effeuillage. Mais essayez, “Comprendre votre succès et depuis 1816 nesemontrepasébranléeetneparlepasdeconcurrencemaisdecomplémentarité…ParCaroleLambelet juste pour voir, d’arracher un seul mot à l’administration vos attentes: notre priorité N° 1.” douanière à ce sujet. Ensuite, les conditions physi- Preuve d’un succès certain: un nes qui impose la tenue d’un in- trois mille pièces, cachées à Ge- ques d’entreposage. Un dia- bâtiment tout beau, tout neuf se ventaire extrêmement détaillé nève sous l’appellation fraudu- mant ne craint pas l’humidité. dresse dans l’enceinte des ports des marchandises dites sensibles leuse mais rigolote de «vaisselle Mais un cigare? un col (bou- Jean-Louis Platteau Franco Furcolo francs genevois. En fonction de- déposées en port franc (lire en ancienne». Le déposant n’avait vi- teille de vin ou Directeur Général Private Banking Membre de la direction Gestion suisse puis un mois, il apporte une ré- page 19 «Marchandises sensi- siblement pas estimé que sa vais- La fébrilité monte dans les ports d’alcool) de col- ponse tangible à ceux qui s’inter- bles» et «Devoir d’inventaire» en selle constituait une marchandise francs genevois lorsque la saison lection? un ma- rogent sur leur avenir. En effet, page 20). sensible. Valeur d’assurance du nuscrit enlu- Bien des patrimoines et des fortunes familiales que n’a-t-on écrit et dit des ports Les valeurs traitées par le mar- lot: 20 millions de francs. Une des ventes aux enchères approche miné? et même francs suisses, en particulier de ché de l’art figurent en effet tou- paille en regard des milliards de une aquarelle sont issus d’entreprises et d’initiatives de personnes ceux-ci, qui sont les plus grands et tes sur la liste fédérale des mar- francs que les ports francs de Ge- ou un coûteux cadre de ta- d’exception. les plus célèbres? Cavernes d’Ali chandises sensibles. L’inventaire nève abritent. Mais quel malaise! bleau? Il faut garantir les condi- Baba, zones de non-droit, filières dressé pour chaque objet permet A la question «les ports francs tions techniques (hygrométrie, Patiemment construites, transmises de génération Entrepôts d’un nouvel âge de blanchiment, plaques tour- à l’autorité douanière de connaî- de Genève constituent-ils une température, lumière, propreté, nantes off shore de trafics mon- tre l’identité complète de l’objet, plaque tournante de trafics frau- type d’entreposage, qualité de en génération, ou fruit d’une cession récente, A Genève Natural Le Coultre, consulte diaux en tout genre, coffres-forts sa valeur, son origine, sa prove- duleux en tout genre?», Yves Bou- manutention, etc.) adaptées à ces richesses méritent une vigilance et un soin Inauguré à la fin de septembre l’Atelier 3BM3 à propos du projet des diamants du sang… nance, sa destination, le traite- vier, administrateur des sociétés chaque objet sensible. Sensible exceptionnels. dernier, le nouveau bâtiment des de port franc à Singapour, il Iles aux trésors, certes, mais ment qui l’attend, etc. «Mais il se- du groupe Natural Le Coultre et du point de vue physique cette ports francs genevois annonce- ignore que ce bureau construit cavernes d’Ali Baba non point. rait bon de rappeler, demande de la holding Euroasia Invest- fois et non douanier. Un port t-il la naissance très attendue précisément l’édifice genevois. Dans la mesure où cet antre des Gérard Duchesne, directeur géné- ment SA (Genève), et Gérard Du- franc qui se respecte offre toute Une banque sûre, une qualité suisse de gestion, d’un quartier dans le périmètre Une fois mandaté, 3BM3 aborde Mille et Une Nuits contenait exclu- ral des ports francs de Genève, chesne se récrient dès lors dans sécurité sous cet angle. Certes, et une conception partagée de l’économie et des Praille-Acacias-Vernets? Il ex- «une aventure extraordinaire». sivement les fruits de rapines. Les que les marchandises sensibles un touchant unisson: tout cela a un coût, mais telle- marchés fi nanciers. prime en tout cas une solide A la différence du bâtiment de nombreux bâtiments et les ne constituent qu’une fraction Le nouveau texte, entré «Bien sûr que non. Au ment moindre que la destruc- confiance en l’avenir. En 2003, la Genève, le Singapore FreePort 140 000 m2 d’entreposage (22 ter- des activités, en ce qui concerne contraire, la sur- tion de l’objet ou son endom- société des Ports Francs et Entre- est entièrement consacré aux rains de foot) de la société des notre société en tout cas.» Donc en vigueur le 1er mai 2009, veillance dont ils font magement. La Banque Cantonale de Genève: une vision pôts de Genève SA lance un dépôts. Sa surface, de Ports Francs et Entrepôts de Ge- îles aux trésors certes, mais égale- durcit encore la surveillance l’objet permet de repé- L’un dans l’autre, chez leurs différente de la gestion de fortune pour pérenniser appel d’offres qui vise à définir la 25 000 m2 à fin 2009, terme de nève SA, situés à la Praille et dans ment joyeux fourre-tout, les ports rer des biens illégaux utilisateurs, les ports francs suis- future image urbaine de ce type la première phase des travaux, le périmètre de l’aéroport, abri- francs. qui, sans les ports francs, seraient ses jouissent d’une réputation vos succès fi nanciers. d’installation. Puis elle retient sera portée à 50 000 m2 une tent, eux, dans une écrasante ma- Comme partout et depuis que dispersés dans la nature et introu- en béton armé. Surtout Genève. deux bureaux genevois, ass fois ceux-ci entièrement ache- jorité, les objets de commerces le monde est monde, il y a ceux vables.» Et peut-on estimer le Parce que l’histoire de cette ville architectes SA et Atelier d’archi- vés. L’ouvrage répond à trois normaux et respectueux des dis- qui «essaient». De contourner les pourcentage de marchandises tecture 3BM3, auxquels elle exigences: haute qualité archi- positions légales. lois, d’échapper aux radars pé- frauduleuses déposées en ces Suite en page 20 confie l’élaboration conjointe tecturale, rigueur écologique Que trouve-t-on donc dans le naux, fiscaux, douaniers; de frau- lieux? «Impossible. Ou alors entre d’un projet d’immeuble adminis- exemplaire, niveau de sécurité corbeillon d’un port franc? Ré- der, de voler, de trafiquer. L’arbre 0,0000001% et 1%.» En toute jus- tratif. Edifié en deux ans, l’im- particulièrement élevé. Les ponse générale: de tout, dont des qui cache la forêt en l’occurrence. tice, voilà qui devrait renverser de meuble offre 5000 m2 de surface façades de cette construction produits pharmaceutiques et des Gérard Duchesne dit pourtant 180 degrés la sulfureuse réputa- de bureaux distribués sur cinq basse, posée en bordure de plantes. Réponse à mille milliards que seules «quatre à cinq procé- tion des ports francs suisses. étages et le rez; le sous-sol abrite tarmac, sont entièrement cou- de liards: des trésors. Objets d’art dures d’entraide judiciaire ont été Il n’empêche. Suite à ces quel- 1600 m2 de dépôts. Il se distin- vertes de plantes de sous-bois. hors de prix (et de moindre prix), intentées à propos de biens entre- ques scandales, la loi suisse sur les gue par ses deux patios particu- Une œuvre monumentale, bijoux, cailloux (précieux), cou- posés dans les ports francs de Ge- douanes, inchangée depuis 1925, lièrement généreux, «à l’échelle commandée au designer israé- cous – mais oui, horloges et mon- nève depuis quatorze ans que j’en a été rénovée. Le nouveau texte, de la ville», précise l’architecte lien Ron Arad, la «Cage sans tres –, antiquités, vins fins, cigares, suis le directeur général». Le fu- daté de 2005 mais entré en vi- Carmelo Stendardo, de l’Atelier frontière», accueille les visiteurs objets divers de collection, etc. met du scandale étant très média- gueur le 1er mai 2009, durcit en- 3BM3. Construit aux normes dans le lobby. Elle se trouve Natural Le Coultre, principal tran- tique et la Suisse ayant perdu son core la surveillance. Particulière- Minergie, d’aspect ouvert et d’un actuellement exposée au Musée sitaire/entrepositaire des ports aura de sainteté depuis la contro- ment sur deux points: il renforce design soigné, il renouvelle la d’art moderne de New York. francs de Genève avec 12 000 m2 verse des fonds juifs, ces quelques le devoir d’inventaire et introduit représentation de tels bâtiments. L’éclairage a été confié à de surface et spécialisé dans l’art, affaires ont donné aux ports l’obligation de présenter immé- www.3bm3.ch Johanna Grawunder, architecte dit couver en moyenne cinq mil- francs helvétiques une indécrot- diatement ce document, sur sim- et designer à San Francisco et à lions d’œuvres d’art dans la tota- table réputation sulfureuse. Le ple demande de l’administration Genève Zürich Lausanne Lugano Lyon Annecy Port de Bâle, Suisse, 16h. A Singapour Milan, qui a réalisé pour ce port lité de ses entrepôts, à Genève et cas le plus connu est celui des douanière. Ce qu’elle ne se prive www.bcge.ch/privatebanking

Curieusement, lorsqu’Yves franc d’un nouvel âge une œuvre ailleurs. Cette entreprise tombe tombaroli, pilleurs d’objets ar- pas de faire. Pas impossible que PATRIZIA CINI/PFEG Bouvier, administrateur de sans pareille. Lorette Coen ainsi sous le contrôle sévère de la chéologiques italiens. En 2000, la cette rigueur accrue fasse sortir Le bâtiment des ports francs récemment inauguré dans le périmètre nouvelle loi fédérale sur les doua- Suisse a rendu à l’Italie quelque un ou deux cadavres des placards. Praille-Acacias-Vernets. 20 Arts Le Temps Mercredi 11 novembre 2009 COULISSES

Devoir d’inventaire

La loi fédérale sur les douanes entrée en vigueur le 1er mai 2009 impose la tenue d’inven- taires pour les marchandises dites sensibles stockées dans les dépôts francs sous douane (nouvelle dénomination des ports francs suisses). Pour chaque objet, l’inventaire doit donner des dizaines d’indica- tions extrêmement pointues. Il doit être informatisé. L’entrepo- sitaire n’a que vingt-quatre heures pour le dresser à partir du moment où l’objet entre dans le port franc. Si le document n’est pas établi dans le délai prescrit ou sous la forme régle- mentaire, les locaux sont placés sous scellements et tout nou- veau mouvement d’entreposage ou de sortie de l’entrepôt est interdit jusqu’à ce qu’un inven- taire réglementaire soit disponi- ble. Gérard Duchesne, directeur général des Ports Francs et Entrepôts de Genève SA: «Avec ce genre d’inventaire, la traçabi- lité des marchandises sensibles

LUCA FASCINI/PFEG déposées chez nous est totale.» Accès aux bureaux administratifs des ports francs de Genève, au premier étage. Président des sociétés Natural Le Coultre, premier transitaire/ entrepositaire mondial du mar- ché de l’art, Yves Bouvier Suite de la page 19 années durant, cette cité-Etat et 10 000 m2 pour ses salons d’expo- proteste Gérard Duchesne. Il y a s’amuse franchement lorsqu’on Hongkong se sont battues pour sition, l’entreposage d’objets d’art complémentarité mais pas con- lui demande si le durcissement a fait que, sur le marché mondial monopoliser le commerce de et les nombreux services liés à ces currence.» Si bien qu’Yves Bou- du devoir d’inventaire impose de l’art, elle est devenue une place l’art. Hongkong a gagné et sa activités. Christie’s y inaugurera, vier, figure phare de l’entreposage beaucoup de travail supplémen- incontournable, troisième lieu de foire aux beaux objets domine en janvier prochain, 6000 m2 d’art à Genève, est président ho- taire à sa profession. «Mais nous ventes aux enchères derrière New aujourd’hui l’Extrême-Orient. d’entrepôts et de showrooms. Car noraire de la Singapore FreePort tenons des inventaires de tout York et Londres. Statut internatio- Christie’s dit y réaliser des ventes cette entreprise ne s’adonne pas Pte Ltd, qu’il a beaucoup aidée de temps et encore plus complets nal oblige mais, surtout, grâce à la pour 300 millions d’euros par an. seulement à la vente aux enchè- son savoir-faire. Et c’est un que sous forme douanière. présence de maisons de ventes La revanche – «très intelligente», res. Elle a des activités immobiliè- homme de Christie’s, le Français Par exemple, nous photogra- aux enchères telles que Christie’s selon François Curiel – de Singa- res et d’entreposage. Mais c’est la Alain Vandenborre, qui occupe la phions tous les objets, ne se- et Sotheby’s. François Curiel: «De- pour consiste à avoir tiré à elle la première fois qu’elle stocke dans présidence opérationnelle de ce rait-ce que pour éviter d’éven- puis le temps, je vais dans les couverture des ports francs asia- un port franc, avec salon d’exposi- port franc. En fait, il manquait un tuels litiges avec nos clients.» ports francs de Genève les yeux tiques. tion et toute la sainte suite. «A lieu apte à capter les nouveaux Ses sociétés emploient deux fermés. Les Suisses n’ont peut-être En copiant la Suisse, tout bête- new concept in handling art» flux artistiques en provenance et photographes. C. L. pas inventé les ports francs, mais ment. Même professionnalisme, («Un nouveau concept pour s’oc- en direction de la Chine, du Ja- ils sont extrêmement profession- même garanties de sécurité et de cuper d’art»), dit sa communica- pon, de l’Extrême-Orient en géné- nels. Genève et Martigny sont confidentialité, même sévérité tion. A Londres, avec 10 000 m2 ral, de l’Inde, des Emirats et de connus dans le monde entier. Ge- douanière et policière. Petites dif- Russie. Voilà qui est nève est aux ports francs d’autres férences: à Singapour, le port fait et qui va s’ampli- pays ce que le Ritz était autrefois à franc fonctionne jour et nuit, y La ruée sur Singapour pourrait fier dans la mesure l’hôtellerie.» compris pour les va-et-vient de la laisser envisager que l’on veut où ces nouveaux Dans ces conditions, il faut voir clientèle; Genève n’ouvre que marchés de l’art croî- la fébrilité monter dans les ports pendant les heures de bureau. fortement concurrencer les ports tront. francs genevois lorsque la saison Quant à la douane de Singapour, francs suisses Pour terminer, un des ventes aux enchères appro- elle scanne chaque objet, ce que dernier soupçon. che. Acheteurs et vendeurs s’y les Suisses ne font pas. De plus, hors port franc, elle pratique déjà Peut-on imaginer que la crois- précipitent pour: prendre les con- l’enceinte du port franc offre l’hé- l’entreposage mais sans exposi- sance des ports francs finira par tacts utiles, tâter le pouls du mar- bergement hôtelier. «Si vous res- tion. En Janvier prochain égale- exercer une concurrence mortelle ché, consulter les experts mon- tez dans le port franc, même plu- ment, New York verra l’inaugura- pour les galeristes et négociants diaux de l’art, contempler les sieurs jours, dit François Curiel, tion d’une surface à la Singapour, traditionnels de l’art, ceux qui se objets promis à la vente – ou leurs vous n’avez pas besoin de faire de 20 000 m2. Hors port franc, car, trouvent «downtown»? Peut-être. Petite nomenclature propres trésors –, ceux du moins tamponner votre passeport.» Ap- curieusement, New York ne dis- Mais la boule de cristal offre une exposés dans les showrooms des préciable puisque ce village off pose pas de cet instrument. image trouble. Laissons donc à Port franc: dépôt franc sous entrepositaires, faire des affaires shore flanque l’aéroport interna- D’autres projets de ce genre sem- Yves Bouvier, entrepositaire cer- douane de marchandises en en toute confidentialité… tional de Changi. blent être dans le pipeline de tes mais aussi créateur de mani- transit ou en attente d’exporta- De plus, la mondialisation du Comme à Genève, la Singapore Christie’s. Mais là, la discrétion rè- festations d’art, le mot de la fin: tion ou d’importation. commerce, son incroyable gon- FreePort Pte Ltd est une société gne encore. Sauf pour Singapour, «Je pense qu’il y aura évolution. Sous douane: les marchandises flement depuis deux décennies mixte Etat/privés. Sa phase 1 se dont le port franc vient d’entrer Pour des raisons logistiques et fi- n’ont pas été dédouanées et font sont passés par là. Ainsi que trouve en voie d’achèvement et of- dans une deuxième phase qui de- nancières, je crois que les galeries, l’objet d’une stricte surveillance l’émergence des nouvelles puis- frira une surface d’entreposage de vrait voir doubler ses surfaces. les maisons de ventes, les ateliers de la part de l’administration sances du négoce, Inde, Russie, 30 000 m2. Loin des 22 terrains de Christie’s cherchera également à y d’artistes, les manifestations cul- douanière. Chine, Brésil. Genève et les quel- foot genevois mais un attrait gi- doubler les siennes. turelles, les métiers d’art et l’ensei- Hors douane: les marchandises que trente ports francs suisses gantesque pour tout ce qui bouge La ruée sur Singapour pourrait gnement se concentreront dans ont été dédouanées et ne se restent l’Everest de la spécialité, d’important dans le monde laisser envisager que l’on veut for- un même environnement.» Mais trouvent plus sous surveillance mais d’autres places montent en oriental de l’art. Natural Le Coul- tement concurrencer les ports il n’a pas dit «dans les ports de l’administration douanière. puissance. Dont Singapour. Des tre souhaite y aménager francs suisses. «Absolument pas, francs». Entreposeur: en général, l’ex- ploitant d’un port franc. A Ge- nève, la société des Ports Francs et Entrepôts de Genève SA. A Singapour, la Singapore FreePort Pte Ltd. Entrepositaire: société qui loue des locaux chez l’entreposeur pour y stocker la marchandise de sa clientèle. Christie’s à Singapour par exemple ou en- core Natural Le Coultre à Ge- nève. Transitaire: société spécialisée dans le trafic de transit, qui transporte la marchandise de sa clientèle et qui accomplit, pour elle, toutes les formalités doua- nières et réglementaires liées à l’importation, à l’exportation et au transit. Spécialistes pointus de la logistique commerciale. Les transitaires sont souvent aussi entrepositaires voire entreposeurs. Déposant: le client qui dépose une marchandise chez un entre- poseur. Le déposant travaille souvent avec un entrepositaire et/ou transitaire. A Genève, il peut louer des locaux sous son propre nom. A Singapour, il doit obligatoirement recourir aux services d’un

entrepositaire. C. L. ATELIER D’ARCHITECTURE 3BM3 La «Cage sans frontière», œuvre monumentale du designer israélien Ron Arad, accueille les visiteurs dans le lobby du Singapore FreePort. Pour agir avec ASSURANCE, la CONFIANCE dans ses propres points forts est une condition sine qua non. C’est parce que nous en sommes conscients que nous représentons une valeur sûre du PRIVATE BANKING en SUISSE. Et ce, DEPUIS 1755.

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swiss Private banking since 1755

www.claridenleu.com 22 Arts Le Temps Mercredi 11 novembre 2009 PORTRAIT COLLECTION «Nicky»,lapremièreentretoutes

CommentPatrick Unemauvaisechuteenlugelors risme: les pèlerins de la Biennale nal. Lors de foires et dans les com- L’hommequivoulait d’une sortie entre amis et Patrick n’oublient-ils pas, parfois, que Ve- munautés cybernétiques, il a su Meyer,néophyte Meyer, consultant en informati- nise reste le réceptacle de prodi- développer, au gré de ses rencon- que bancaire, se trouve affublé gieux chefs-d’œuvre du XVIe siè- tres, des relations qui le guident et absolu,s’enflamme d’une paire de cannes pour plus de cle? Les propos d’un François lui permettent de découvrir de six mois. L’année 2005 ne s’an- Pinault, déclarant que l’on com- nouveaux horizons. Si le Web pourl’art,sechange nonce pas sous les meilleurs auspi- mence par les classiques pour constitue un outil favori, rencon- ces pour ce Genevois alors âgé de mieux s’en éloigner lorsque l’on trer les artistes, découvrir un ta- êtrebrusquéparl’art enamateurassidu, 36 ans. Faisant contre mauvaise découvre l’art de son temps, ne bleau ou une installation par le fréquentegaleries fortune bon cœur, ce sportif émé- trouvent pas d’écho en lui. biais de son auteur, comprendre le MARC DOMAGE COURTESY: IN SITU FABIENNE LECLERC, PARIS rite se cherche de nouvelles activi- Patrick Meyer n’aime pas s’affu- processus de création restent es- Damien Deroubaix, «Control», 2007. Quatre requins en résine, etfoires,selance tés. Puisant dans ses souvenirs bler du qualificatif de collection- sentiels à ses yeux. fibre de verre, polystyrène, peinture, tréteaux en bois. d’enfance, il se rappelle ses visites neur. «Je ne suis pas un acheteur Patrick Meyer n’a encore jamais surlesréseaux de musées, accompagné de ses pa- obsédé, mais un collecteur d’in- acheté ni troqué sur Internet. rents. Pour lui une nouvelle aven- formations compulsif.» Art Basel Cependant, le site www.indepen- internationaux ture, le Grand Tour commence. représente alors l’endroit rêvé dent-collectors.com est pour lui dumarché. Picasso surréaliste à la Fondation pour compiler les précieux dos- une source rêvée d’informations. AntoinedeGalbert Il y a les collectionneurs qui achè- collection ne l’intéresse pas. Il consi- Beyeler, puis Big Bang au Centre Il n’hésite pas à y ex- tent les grandes signatures du mar- dère la sienne, commencée il y a un ParNicolasGalley Pompidou. Ces expositions le fas- Montrer sa collection sur le Net, poser ses œuvres. mènedeuxvies. ché de l’art mondial et aménagent peu plus de vingt ans, comme par- cinent; elles avivent la flamme du Car «un tableau en- deslieuxaussiostensiblesquepossi- faitement subjective. «Beaucoup de jeune amateur d’art. Dans un pre- c’est offrir une visibilité à des fermé dans une L’unecomme bles pour les y montrer. Il y a des collectionneurs «s’étroitisent» pour mier temps, les monuments de artistes encore rarement exposés caisse, ça n’a aucun mécènes discrets, plus secrets que exceller dans un type de collection. l’histoire de l’art et les classiques sens pour moi», ce collectionneur,l’autre des héritiers bâlois. Antoine de Gal- J’ai, quant à moi, renoncé à me con- modernes le rassurent. Claudi- siers d’artistes détenus par les ga- qui équivaut à la déclaration de bert n’est ni l’un ni l’autre, mais tient centrer sur une époque ou type d’art quant à travers les plus grandes leristes. Images, biographies, noti- Marcel Duchamp: «Ce sont les re- commefondateur des deux, car il porte une double particulier. Je préfère me perdre expositions,lenéophyteprofitedu ces de catalogues, tout peut servir gardeurs qui font les tableaux.» d’unlieud’art casquette:collectionneur,ilestaussi dans l’immensité. Et je reste dans le restedesontempslibrepourlireet à mieux comprendre, à briser le En montrant sa collection, il offre fondateur d’un lieu d’art pointu, ac- mondedelamagiepourcontourner se rapprocher d’un monde qui lui miroir. Rien ne l’agace plus que la une visibilité à des artistes encore exigeantetattrayant, cueillant et exigeant, la Maison le cul-de-sac de l’histoire.» Euh… procure des sensa- rétention d’informations. «L’ab- rarement exposés par les grandes rouge, à Paris. c’est-à-dire? «Plus de 95% de la créa- «L’exposition qui m’a le plus tions qu’il peine en- sence de transparence, c’est la mé- institutions. «Les grandes enchè- ouvertaupublic, Antoine de Galbert, c’est le tion est dans le «post quelque core à décrire. thode par laquelle certains inter- res d’art contemporain devraient charme d’une certaine mélancolie, chose».Lesavant-gardesdatentd’ily touché faisait dialoguer maîtres Après un an d’ap- médiaires préservent leur marge alarmer les galeristes, lesquels de- laMaisonrouge, la classe et la douceur. Fils de «fa- a un siècle. Où y en a-t-il anciens, objets hétéroclites et prentissage, il décide et exercent une pression sur les vraient songer à constituer une mille bourgeoise» française, il est aujourd’hui? J’aime l’art avant de prendre contact prix», affirme-t-il. plateforme commune et transpa-

àParis. quelque part dans l’arbre généalogi- d’aimer l’art contemporain. J’ai des œuvres contemporaines» avec le photographe ANOUSH ABRAR, «NICKY», 2003 Il ne sous-estime cependant pas rente. Car les maisons de ventes se ParFlorenceGaillard que d’une fortune faite dans la pièces d’art primitif, des objets reli- lausannois Anoush La Realdoll «Nicky», dame en latex photographiée par Anoush Abrar. la fonction du galeriste, qui, par mettent à jour rapidement: ainsi, grande distribution. Il gérait des en- gieux, des objets d’art populaire. Je Abrar dont il vient de voir une son soutien financier, joue un rôle Phillips de Pury vient récemment treprises, il s’ennuyait. Etouffait crois que l’art contemporain est for- Realdoll au Musée de l’Elysée. Et complètement étrangère. «J’essaie sens pour lui. «Lors de la précé- primordial dans la production de me contacter par un réseau vir- même. A trente ans, il prend sa li- cément une suite de tout cela. Perce- cette dame de latex au doux pré- toujours d’acheter une œuvre que dente Biennale de Venise, Ar- d’œuvres. Le directeur de Standard tuel pour m’avertir d’une vente berté, ouvre une galerie à Grenoble. voir la création contemporaine en nom de Nicky devient sa première je considère comme majeure dans tempo, l’exposition qui m’a le plus (Oslo), jeune galerie norvégienne, comprenant une pièce suscepti- Il apprend en faisant. «J’avais le goût termes de ruptures est le fait d’une acquisition. Partir du Picasso sur- la production d’un artiste, ce qui touché, faisait dialoguer maîtres fait partie de ses meilleurs interlo- ble de m’intéresser»… Pour sa libre de références, je n’ai pas fait grande myopie…» réaliste pour finalement acquérir paraît difficile pour un Picasso.» anciens, objets hétéroclites et cuteurs, aux côtés de Vincent part, il continue d’acheter en gale- d’études d’histoire de l’art», expli- Les images se succèdent, lors- une photographie d’Anoush Le fossé artificiellement creusé œuvres contemporaines. Ces nou- Pécoil, curateur et fondateur de rie et ne désire pas se passer de cet que-t-il. Assez vite, l’obligation de qu’Antoine de Galbert parle de sa Abrar, le grand écart est étonnant. par certains entre art contempo- veaux cabinets d’amateur me fas- Triple V à Dijon. Le réseau de Pa- intermédiaire. La tradition l’em- vendre des pièces lui a mis le nez collectionenformedeconstellation. La réalité du marché n’y est pas rain et art reconnu ne revêt aucun cinent.» Ni dogmatisme ni secta- trick Meyer est devenu internatio- porte encore… dans les ambivalences pénibles du «Un bordel mental», un rassemble- métier. «Vendre, c’est horrible, dé- ment «égocentrique», la récolte d’un clare-t-il.Tenirunegalerie,c’estdiffi- «ramasseur de champignons», une PUBLICITÉ cile. J’avais souvent l’impression que «psychanalyse par les objets»… Très les vrais amateurs n’avaient pas les peu d’art conceptuel, ça le laisse moyens, que des œuvres que froid.«Certainesœuvresachetéesily j’aimais partaient là où elles ne de- a 20 ans ne me parlent plus, mais ce vaient pas.» Il dit encore que pour n’est pas très grave. Si dans vingt ans être un vrai bon marchand, mieux mesœuvresnevalentrien,est-ceim- vaut avoir faim. Ce n’était pas son portant? Non. L’histoire n’en retien- cas. Etre hors du besoin lui compli- dra que très peu, mais j’accumule

quait plutôt le travail. Et comme le VANESSA CHAMBORD quand même. Je suis un collection- milieu de l’art contem- Antoine de Galbert auprès d’une œuvre de Wim Delvoye, «Sans titre (rabbit slippers)», 2005. neur à l’ancienne, je revends peu, je porain est aussi bar- faisseulementdudéstockagequand «J’aime l’art avant d’aimer l’art bant que celui des en- il le faut.» contemporain» treprisesetquetousles bosse comme un fou, sans nul Pas étonnant de trouver à la Mai- damentalement politique. Je bannis Vu la distance avec laquelle An- Haute Joaillerie autres, Antoine de Gal- doute, pour éviter à sa Maison rouge son rouge cette très dense associa- le décoratif. Ce qui m’intéresse, c’est toine de Galbert observe les mouve- bert a choisi une autre forme de li- la lourdeur des administrations cul- tion d’œuvres, vraiment extraordi- d’avoir peur. Je suis un individu con- ments de l’art, sait-il, après vingt ans ENCHÈRES À GENÈVE LE 17 NOVEMBRE 2009 berté, ouvrant en 2004 une fonda- turelles et des routines institution- naire, qui vont d’un Arcimboldo à ventionnel et je demande à l’art de d’expérience, ce qu’est une bonne EXPOSITION DU 14 AU 17 NOVEMBRE 2009 tion. Un lieu voué aux expositions, nelles. des collages anonymes, de dessins me brusquer. Un artiste doit avoir collection? «C’est un ensemble qui a non à la vente. En ce moment, c’est Jean-Jacques de Füssli à des douilles d’obus sculp- l’utopie de changer le monde. Il doit une âme, qui n’est pas le fruit du Magnifique diamant bleu « fancy vivid blue », 5.96 carats La Maison rouge, non loin de la Lebel qui expose à la Maison rouge. tées. Mais c’est mal dire, car cette ex- me faire voir ce que je ne verrai pas conseildesautres,quimêleconnuet place de la Bastille, est un magnifi- Exposition d’une collection, plus position ne va pas de ceci à cela. Elle moi-même. Mettre de l’argent dans inconnu, qui incarne une attitude. Il ESTIMATION CHF 5,600,000–7,600,000 que espace, qui présente le plus sou- exactement d’une «collecte» menée ne fait le tour définitif de rien, relie une pièce plutôt qu’une autre n’est ne suffit pas d’acheter: un gros col- Magnifique diamant rose « fancy pink », 6.63 carats vent de l’art contemporain mais sur- surdesdécenniesparunartistequia des imaginaires sans définir d’itiné- pas un geste anodin. Ça aussi, c’est lectionneur et un grand collection- tout de l’art. C’est une des très rares aujourd’hui trois quarts de siècle. raire obligé. C’est un portrait indi- politique.» neur, ce n’est pas la même chose.» ESTIMATION CHF 1,350,000–1,950,000 institutions ouvertes en France par Lebel, libertaire, théoricien proche rectdeLebel,àtraverslesœuvresqui La manière pour Antoine de Gal- Rare et exceptionnel diamant vert « fancy vivid green », 2.52 carats une personne privée et non une en- de Deleuze, traducteur des écrivains l’accompagnent. Ça pourrait aussi, bert d’être politique est dans le refus La Maison rouge, Fondation treprise. Le lieu fonctionne grâce à de la Beat generation, a connu des sans doute, être un portrait d’An- de la ligne claire, de la collection pour l’art contemporain ESTIMATION CHF 3,300,000–5,450,000 une très petite équipe. Le choix des Duchamp et des Ginsberg. Et il vé- toine de Galbert qui dit: «Je suis plus construite comme un ensemble www.lamaisonrouge.org expositions se fait à deux, entre de nère les barricades. L’art comme dans l’inconscient que dans le cons- aisément lisible, prêt à passer plus Exposition Jean-Jacques Lebel, Galbert et une directrice. Le fonda- outil politique, arme d’insurrection, cient, la subjectivité. Je vais vers la loin clé en main. Bref, la conception «Soulèvements». Haute Horlogerie teur ouvre son portefeuille mais c’est par là qu’on est. folie et vers le politique. L’art est fon- patrimoniale ou grandiose d’une Jusqu’au 17 janvier 2010.

ENCHÈRES À GENÈVE LE%"0g1+bnI%K6%4gh8%7S%tV'8z-sVXiKj-lT-/jkRlOy8l%U3%9nDp%Sy 15 NOVEMBRE 2009

EXPOSITION DU 13 AU%gyDp+7z8%kH%wDlO%aZ+0"xrW%K6%4g1.a%Si+15Twk%Ah%"n'.S%Bp+QC4P4Xx%cB%tGrKfDJX%dE%m95Xv-j9swTx-aA-kx6DaZ7Xa%uz%OV3g%E7%xOBH=L%W8mHb-C8PKdy-IL-ayJqIswHI.NuX%bD%VFUj8f%IZ%HfIFM8iLUQL%dhtMo.iq/%Xn%JlXzAuIEL8E%Sy%j9SN'ZBwUefI%bAD=7.GGJ%I'%7CIFM8DjBnLW%E7%xOcHFL%W89Gk+xtl+tG+oI%RqMd%Osr7+A=4U+evA9%qQ%gwA8LT%tV 15 NOVEMBRE 2009

Vacheron Constantin: rare et exceptionnelle montre-bracelet «Lacrisenettoielemondedel’artdesespollutions» en or rose avec répétition des minutes. Circa 1945 ESTIMATION CHF 160,000–180,000

Commecollectionneurouorganisateurd’expositions, Une feuille, un stylo, un cro- choquant: c’est comme si les gens c’est difficile en tout temps. On à ce marché. Cela en fait-il AntoinedeGalbertobservelemarchédel’artenfrontalier quis simple. Antoine de Galbert allaient faire leurs courses au oublie que ce qu’on appelle «mar- de meilleurs artistes? dessine deux cercles qui se croi- supermarché… De quoi cause- ché de l’art» n’est qu’une petite – On apprend à des jeunes gens de sent pour se situer dans le monde t-on? Je ne suis pas un spécialiste partie du monde de l’art, pas l’art. 22 ans comment mener une car- de l’art. Un cercle est le marché, du marché de l’art, ça ne m’inté- Ce marché subit et génère des rière avant qu’ils n’aient créé quoi l’autre, dans lequel le collection- resse pas en soi, mais j’en fais modes, des vagues. A mes yeux, la que ce soit. Sincèrement, être neur espère se situer toujours, est forcément partie. Ce marché est crise de 2008 n’est pas plus qu’une artiste, ce n’est pas un métier. C’est l’espace de la création. Une part surprenant, souvent risqué. J’en correction naturelle d’un mouve- mieux qu’un métier, mais c’est dur. est commune aux deux cercles: connais les mécanismes et beau- ment qui s’emballait. Je crois que la professionnalisation impossible d’échapper au fait coup d’entre eux sont bidon. de l’art est une grande erreur de que l’art et le monde marchand Malgré tout, je pense qu’il y a une – Quels sont les dangers pour la ces dernières années. Il faut cesser partagent un territoire. morale dans le marché de l’art. A création de ces effets de mode? d’organiser ce milieu. Je ne veux court terme, il est immoral, mais, – Un fait frappant est le jeunisme, pas dire qu’un artiste doit forcé- Le Temps: Quelle est la frontière à long terme, il est moral. le besoin de lancer sans cesse des ment en baver pour créer, mais il que vous ne franchissez pas, dans artistes à peine sortis de l’œuf. Le doit se débattre dans un espace cette géographie entre marché et – La crise financière survenue en jeunisme est typique d’un mar- moins organisé qu’il ne l’est création? 2008 pèse sur ce marché, en tout ché qui s’emballe et qui dévore aujourd’hui, en tout cas en France. Ventes aux enchères de Haute Joaillerie et Haute Horlogerie Antoine de Galbert: Le commerce, cas sur celui de l’art contempo- aussi… Cela a pour effet que des La preuve, les pays qui n’ont pas de l’achat comme placement, l’achat rain. Pour son bien? artistes de trente-cinq ans sont politique culturelle permettent RENSEIGNEMENTS HAUTE JOAILLERIE +41 22 908 4849 ET HAUTE HORLOGERIE +41 22 908 4812 de mode. Il importe de savoir ce – La crise nettoie le monde de l’art vieux! Quand le marché est l’émergence d’artistes plus intéres- qu’on aime et d’acheter en fonc- de ses pollutions. Dans la réalité, calme, il travaille avec des gens sants. Mieux vaudrait ouvrir plus HÔTEL BEAU-RIVAGE 13 QUAI DU MONT-BLANC 1201 GENÈVE I SOTHEBYS.COM tion de cela. Jamais pour d’autres seule une très petite part d’artistes plus confirmés. d’ateliers, mettre plus d’art dans la

MARC DOMAGE raisons. On a perdu la notion des profite véritablement des pério- ville, plutôt que d’institutionnali- Stéphane Thidet, «Sans titre (le terril)», installation, 2008. choses depuis quelques années et des d’euphorie comme celle des – La tendance des écoles d’art ser trop tôt les jeunes artistes. Deux tonnes de confettis noirs. le discours sur le marché est très dernières années. Pour la plupart, est de former les étudiants Propos recueillis par F. G. Le Temps Mercredi 11 novembre 2009 Arts 23 PORTRAIT COLLECTION «Nicky»,lapremièreentretoutes

CommentPatrick Unemauvaisechuteenlugelors risme: les pèlerins de la Biennale nal. Lors de foires et dans les com- L’hommequivoulait d’une sortie entre amis et Patrick n’oublient-ils pas, parfois, que Ve- munautés cybernétiques, il a su Meyer,néophyte Meyer, consultant en informati- nise reste le réceptacle de prodi- développer, au gré de ses rencon- que bancaire, se trouve affublé gieux chefs-d’œuvre du XVIe siè- tres, des relations qui le guident et absolu,s’enflamme d’une paire de cannes pour plus de cle? Les propos d’un François lui permettent de découvrir de six mois. L’année 2005 ne s’an- Pinault, déclarant que l’on com- nouveaux horizons. Si le Web pourl’art,sechange nonce pas sous les meilleurs auspi- mence par les classiques pour constitue un outil favori, rencon- ces pour ce Genevois alors âgé de mieux s’en éloigner lorsque l’on trer les artistes, découvrir un ta- êtrebrusquéparl’art enamateurassidu, 36 ans. Faisant contre mauvaise découvre l’art de son temps, ne bleau ou une installation par le fréquentegaleries fortune bon cœur, ce sportif émé- trouvent pas d’écho en lui. biais de son auteur, comprendre le MARCDOMAGECOURTESY:INSITUFABIENNELECLERC,PARIS rite se cherche de nouvelles activi- Patrick Meyer n’aime pas s’affu- processus de création restent es- Damien Deroubaix, «Control», 2007. Quatre requins en résine, fibre de etfoires,selance tés. Puisant dans ses souvenirs bler du qualificatif de collection- sentiels à ses yeux. verre, polystyrène, peinture, tréteaux en bois. d’enfance, il se rappelle ses visites neur. «Je ne suis pas un acheteur Patrick Meyer n’a encore jamais surlesréseaux de musées, accompagné de ses pa- obsédé, mais un collecteur d’in- acheté ni troqué sur Internet. rents. Pour lui une nouvelle aven- formations compulsif.» Art Basel Cependant, le site www.indepen- internationaux ture, le Grand Tour commence. représente alors l’endroit rêvé dent-collectors.com est pour lui dumarché. Picasso surréaliste à la Fondation pour compiler les précieux dos- une source rêvée d’informations. AntoinedeGalbert Il y a les collectionneurs qui achè- collection ne l’intéresse pas. Il consi- Beyeler, puis Big Bang au Centre Il n’hésite pas à y ex- tent les grandes signatures du mar- dère la sienne, commencée il y a un ParNicolasGalley Pompidou. Ces expositions le fas- Montrer sa collection sur le Net, poser ses œuvres. mènedeuxvies. ché de l’art mondial et aménagent peu plus de vingt ans, comme par- cinent; elles avivent la flamme du Car «un tableau en- deslieuxaussiostensiblesquepossi- faitement subjective. «Beaucoup de jeune amateur d’art. Dans un pre- c’est offrir une visibilité à des fermé dans une L’unecomme bles pour les y montrer. Il y a des collectionneurs «s’étroitisent» pour mier temps, les monuments de artistes encore rarement exposés caisse, ça n’a aucun mécènes discrets, plus secrets que exceller dans un type de collection. l’histoire de l’art et les classiques sens pour moi», ce collectionneur,l’autre des héritiers bâlois. Antoine de Gal- J’ai, quant à moi, renoncé à me con- modernes le rassurent. Claudi- siers d’artistes détenus par les ga- qui équivaut à la déclaration de bert n’est ni l’un ni l’autre, mais tient centrer sur une époque ou type d’art quant à travers les plus grandes leristes. Images, biographies, noti- Marcel Duchamp: «Ce sont les re- commefondateur des deux, car il porte une double particulier. Je préfère me perdre expositions,lenéophyteprofitedu ces de catalogues, tout peut servir gardeurs qui font les tableaux.» d’unlieud’art casquette:collectionneur,ilestaussi dans l’immensité. Et je reste dans le restedesontempslibrepourlireet à mieux comprendre, à briser le En montrant sa collection, il offre fondateur d’un lieu d’art pointu, ac- mondedelamagiepourcontourner se rapprocher d’un monde qui lui miroir. Rien ne l’agace plus que la une visibilité à des artistes encore exigeantetattrayant, cueillant et exigeant, la Maison le cul-de-sac de l’histoire.» Euh… procure des sensa- rétention d’informations. «L’ab- rarement exposés par les grandes rouge, à Paris. c’est-à-dire? «Plus de 95% de la créa- «L’exposition qui m’a le plus tions qu’il peine en- sence de transparence, c’est la mé- institutions. «Les grandes enchè- ouvertaupublic, Antoine de Galbert, c’est le tion est dans le «post quelque core à décrire. thode par laquelle certains inter- res d’art contemporain devraient charme d’une certaine mélancolie, chose».Lesavant-gardesdatentd’ily touché faisait dialoguer maîtres Après un an d’ap- médiaires préservent leur marge alarmer les galeristes, lesquels de- laMaisonrouge, la classe et la douceur. Fils de «fa- a un siècle. Où y en a-t-il anciens, objets hétéroclites et prentissage, il décide et exercent une pression sur les vraient songer à constituer une mille bourgeoise» française, il est aujourd’hui? J’aime l’art avant de prendre contact prix», affirme-t-il. plateforme commune et transpa-

àParis. quelque part dans l’arbre généalogi- d’aimer l’art contemporain. J’ai des œuvres contemporaines» avec le photographe ANOUSH ABRAR, «NICKY», 2003 Il ne sous-estime cependant pas rente. Car les maisons de ventes se ParFlorenceGaillard que d’une fortune faite dans la pièces d’art primitif, des objets reli- lausannois Anoush La Realdoll «Nicky», dame en latex photographiée par Anoush Abrar. la fonction du galeriste, qui, par mettent à jour rapidement: ainsi, grande distribution. Il gérait des en- gieux, des objets d’art populaire. Je Abrar dont il vient de voir une son soutien financier, joue un rôle Phillips de Pury vient récemment treprises, il s’ennuyait. Etouffait crois que l’art contemporain est for- Realdoll au Musée de l’Elysée. Et complètement étrangère. «J’essaie sens pour lui. «Lors de la précé- primordial dans la production de me contacter par un réseau vir- même. A trente ans, il prend sa li- cément une suite de tout cela. Perce- cette dame de latex au doux pré- toujours d’acheter une œuvre que dente Biennale de Venise, Ar- d’œuvres. Le directeur de Standard tuel pour m’avertir d’une vente berté, ouvre une galerie à Grenoble. voir la création contemporaine en nom de Nicky devient sa première je considère comme majeure dans tempo, l’exposition qui m’a le plus (Oslo), jeune galerie norvégienne, comprenant une pièce suscepti- Il apprend en faisant. «J’avais le goût termes de ruptures est le fait d’une acquisition. Partir du Picasso sur- la production d’un artiste, ce qui touché, faisait dialoguer maîtres fait partie de ses meilleurs interlo- ble de m’intéresser»… Pour sa libre de références, je n’ai pas fait grande myopie…» réaliste pour finalement acquérir paraît difficile pour un Picasso.» anciens, objets hétéroclites et cuteurs, aux côtés de Vincent part, il continue d’acheter en gale- d’études d’histoire de l’art», expli- Les images se succèdent, lors- une photographie d’Anoush Le fossé artificiellement creusé œuvres contemporaines. Ces nou- Pécoil, curateur et fondateur de rie et ne désire pas se passer de cet que-t-il. Assez vite, l’obligation de qu’Antoine de Galbert parle de sa Abrar, le grand écart est étonnant. par certains entre art contempo- veaux cabinets d’amateur me fas- Triple V à Dijon. Le réseau de Pa- intermédiaire. La tradition l’em- vendre des pièces lui a mis le nez collectionenformedeconstellation. La réalité du marché n’y est pas rain et art reconnu ne revêt aucun cinent.» Ni dogmatisme ni secta- trick Meyer est devenu internatio- porte encore… dans les ambivalences pénibles du «Un bordel mental», un rassemble- métier. «Vendre, c’est horrible, dé- ment «égocentrique», la récolte d’un clare-t-il.Tenirunegalerie,c’estdiffi- «ramasseur de champignons», une PUBLICITÉ cile. J’avais souvent l’impression que «psychanalyse par les objets»… Très les vrais amateurs n’avaient pas les peu d’art conceptuel, ça le laisse moyens, que des œuvres que froid.«Certainesœuvresachetéesily j’aimais partaient là où elles ne de- a 20 ans ne me parlent plus, mais ce vaient pas.» Il dit encore que pour n’est pas très grave. Si dans vingt ans être un vrai bon marchand, mieux mesœuvresnevalentrien,est-ceim- vaut avoir faim. Ce n’était pas son portant? Non. L’histoire n’en retien- cas. Etre hors du besoin lui compli- dra que très peu, mais j’accumule quait plutôt le travail. Et comme le VANESSA CHAMBORD quand même. Je suis un collection- milieu de l’art contem- Antoine de Galbert auprès d’une œuvre de Wim Delvoye, «Sans titre (rabbit slippers)», 2005. neur à l’ancienne, je revends peu, je porain est aussi bar- faisseulementdudéstockagequand «J’aime l’art avant d’aimer l’art bant que celui des en- il le faut.» contemporain» treprisesetquetousles bosse comme un fou, sans nul Pas étonnant de trouver à la Mai- damentalement politique. Je bannis Vu la distance avec laquelle An- Haute Joaillerie autres, Antoine de Gal- doute, pour éviter à sa Maison rouge son rouge cette très dense associa- le décoratif. Ce qui m’intéresse, c’est toine de Galbert observe les mouve- bert a choisi une autre forme de li- la lourdeur des administrations cul- tion d’œuvres, vraiment extraordi- d’avoir peur. Je suis un individu con- ments de l’art, sait-il, après vingt ans ENCHÈRES À GENÈVE LE 17 NOVEMBRE 2009 berté, ouvrant en 2004 une fonda- turelles et des routines institution- naire, qui vont d’un Arcimboldo à ventionnel et je demande à l’art de d’expérience, ce qu’est une bonne EXPOSITION DU 14 AU 17 NOVEMBRE 2009 tion. Un lieu voué aux expositions, nelles. des collages anonymes, de dessins me brusquer. Un artiste doit avoir collection? «C’est un ensemble qui a non à la vente. En ce moment, c’est Jean-Jacques de Füssli à des douilles d’obus sculp- l’utopie de changer le monde. Il doit une âme, qui n’est pas le fruit du Magnifique diamant bleu « fancy vivid blue », 5.96 carats La Maison rouge, non loin de la Lebel qui expose à la Maison rouge. tées. Mais c’est mal dire, car cette ex- me faire voir ce que je ne verrai pas conseildesautres,quimêleconnuet place de la Bastille, est un magnifi- Exposition d’une collection, plus position ne va pas de ceci à cela. Elle moi-même. Mettre de l’argent dans inconnu, qui incarne une attitude. Il ESTIMATION CHF 5,600,000–7,600,000 que espace, qui présente le plus sou- exactement d’une «collecte» menée ne fait le tour définitif de rien, relie une pièce plutôt qu’une autre n’est ne suffit pas d’acheter: un gros col- Magnifique diamant rose « fancy pink », 6.63 carats vent de l’art contemporain mais sur- surdesdécenniesparunartistequia des imaginaires sans définir d’itiné- pas un geste anodin. Ça aussi, c’est lectionneur et un grand collection- tout de l’art. C’est une des très rares aujourd’hui trois quarts de siècle. raire obligé. C’est un portrait indi- politique.» neur, ce n’est pas la même chose.» ESTIMATION CHF 1,350,000–1,950,000 institutions ouvertes en France par Lebel, libertaire, théoricien proche rectdeLebel,àtraverslesœuvresqui La manière pour Antoine de Gal- Rare et exceptionnel diamant vert « fancy vivid green », 2.52 carats une personne privée et non une en- de Deleuze, traducteur des écrivains l’accompagnent. Ça pourrait aussi, bert d’être politique est dans le refus La Maison rouge, Fondation treprise. Le lieu fonctionne grâce à de la Beat generation, a connu des sans doute, être un portrait d’An- de la ligne claire, de la collection pour l’art contemporain ESTIMATION CHF 3,300,000–5,450,000 une très petite équipe. Le choix des Duchamp et des Ginsberg. Et il vé- toine de Galbert qui dit: «Je suis plus construite comme un ensemble www.lamaisonrouge.org expositions se fait à deux, entre de nère les barricades. L’art comme dans l’inconscient que dans le cons- aisément lisible, prêt à passer plus Exposition Jean-Jacques Lebel, Galbert et une directrice. Le fonda- outil politique, arme d’insurrection, cient, la subjectivité. Je vais vers la loin clé en main. Bref, la conception «Soulèvements». Haute Horlogerie teur ouvre son portefeuille mais c’est par là qu’on est. folie et vers le politique. L’art est fon- patrimoniale ou grandiose d’une Jusqu’au 17 janvier 2010.

ENCHÈRES À GENÈVE LE%"0g1+bnI%K6%4gh8%7S%tV'8z-sVXiKj-lT-/jkRlOy8l%U3%9nDp%Sy 15 NOVEMBRE 2009

EXPOSITION DU 13 AU%gyDp+7z8%kH%wDlO%aZ+0"xrW%K6%4g1.a%Si+15Twk%Ah%"n'.S%Bp+QC4P4Xx%cB%tGrKfDJX%dE%m95Xv-j9swTx-aA-kx6DaZ7Xa%uz%OV3g%E7%xOBH=L%W8mHb-C8PKdy-IL-ayJqIswHI.NuX%bD%VFUj8f%IZ%HfIFM8iLUQL%dhtMo.iq/%Xn%JlXzAuIEL8E%Sy%j9SN'ZBwUefI%bAD=7.GGJ%I'%7CIFM8DjBnLW%E7%xOcHFL%W89Gk+xtl+tG+oI%RqMd%Osr7+A=4U+evA9%qQ%gwA8LT%tV 15 NOVEMBRE 2009

Vacheron Constantin: rare et exceptionnelle montre-bracelet «Lacrisenettoielemondedel’artdesespollutions» en or rose avec répétition des minutes. Circa 1945 ESTIMATION CHF 160,000–180,000

Commecollectionneurouorganisateurd’expositions, Une feuille, un stylo, un cro- choquant: c’est comme si les gens c’est difficile en tout temps. On à ce marché. Cela en fait-il AntoinedeGalbertobservelemarchédel’artenfrontalier quis simple. Antoine de Galbert allaient faire leurs courses au oublie que ce qu’on appelle «mar- de meilleurs artistes? dessine deux cercles qui se croi- supermarché… De quoi cause- ché de l’art» n’est qu’une petite – On apprend à des jeunes gens de sent pour se situer dans le monde t-on? Je ne suis pas un spécialiste partie du monde de l’art, pas l’art. 22 ans comment mener une car- de l’art. Un cercle est le marché, du marché de l’art, ça ne m’inté- Ce marché subit et génère des rière avant qu’ils n’aient créé quoi l’autre, dans lequel le collection- resse pas en soi, mais j’en fais modes, des vagues. A mes yeux, la que ce soit. Sincèrement, être neur espère se situer toujours, est forcément partie. Ce marché est crise de 2008 n’est pas plus qu’une artiste, ce n’est pas un métier. C’est l’espace de la création. Une part surprenant, souvent risqué. J’en correction naturelle d’un mouve- mieux qu’un métier, mais c’est dur. est commune aux deux cercles: connais les mécanismes et beau- ment qui s’emballait. Je crois que la professionnalisation impossible d’échapper au fait coup d’entre eux sont bidon. de l’art est une grande erreur de que l’art et le monde marchand Malgré tout, je pense qu’il y a une – Quels sont les dangers pour la ces dernières années. Il faut cesser partagent un territoire. morale dans le marché de l’art. A création de ces effets de mode? d’organiser ce milieu. Je ne veux court terme, il est immoral, mais, – Un fait frappant est le jeunisme, pas dire qu’un artiste doit forcé- Le Temps: Quelle est la frontière à long terme, il est moral. le besoin de lancer sans cesse des ment en baver pour créer, mais il que vous ne franchissez pas, dans artistes à peine sortis de l’œuf. Le doit se débattre dans un espace cette géographie entre marché et – La crise financière survenue en jeunisme est typique d’un mar- moins organisé qu’il ne l’est création? 2008 pèse sur ce marché, en tout ché qui s’emballe et qui dévore aujourd’hui, en tout cas en France. Ventes aux enchères de Haute Joaillerie et Haute Horlogerie Antoine de Galbert: Le commerce, cas sur celui de l’art contempo- aussi… Cela a pour effet que des La preuve, les pays qui n’ont pas de l’achat comme placement, l’achat rain. Pour son bien? artistes de trente-cinq ans sont politique culturelle permettent RENSEIGNEMENTS HAUTE JOAILLERIE +41 22 908 4849 ET HAUTE HORLOGERIE +41 22 908 4812 de mode. Il importe de savoir ce – La crise nettoie le monde de l’art vieux! Quand le marché est l’émergence d’artistes plus intéres- qu’on aime et d’acheter en fonc- de ses pollutions. Dans la réalité, calme, il travaille avec des gens sants. Mieux vaudrait ouvrir plus HÔTEL BEAU-RIVAGE 13 QUAI DU MONT-BLANC 1201 GENÈVE I SOTHEBYS.COM tion de cela. Jamais pour d’autres seule une très petite part d’artistes plus confirmés. d’ateliers, mettre plus d’art dans la

MARC DOMAGE raisons. On a perdu la notion des profite véritablement des pério- ville, plutôt que d’institutionnali- Stéphane Thidet, «Sans titre (le terril)», installation, 2008. choses depuis quelques années et des d’euphorie comme celle des – La tendance des écoles d’art ser trop tôt les jeunes artistes. Deux tonnes de confettis noirs. le discours sur le marché est très dernières années. Pour la plupart, est de former les étudiants Propos recueillis par F. G. 12_610x440 LeTemps_FR:Hermès 15/09/09 16:47 Page 1

Sac “So-Kelly” en alligator mat.

Hermès à Bâle, Berne, Crans-sur-Sierre, Genève, Gstaad, Lausanne, Lucerne, Lugano, St.Moritz, Zurich. Hermes.com

VIVEMENT L’HIVER ! 26 Arts Le Temps Mercredi 11 novembre 2009 JOAILLERIE LaurenceGraff, roidudiamant,maîtredutemps

Lecélèbrejoaillieranglais, récemmentinstallé àGenève,selance aussidansl’horlogerie. ParIsabelleRüf PHOTOS: CHRISTIE’S

Depuis avril 2008, une boutique Ci-dessus: le Wittelsbach, pierre LaurenceGraffenrichitlarueduRhône.Que merveilleuse, venue, dit-on, des mines le célèbre joaillier anglais ait choisi de s’ins- de Golconde. taller à Genève, faut-il y voir un signe pour le marchédudiamant?QuandAnversmarque «Les diamants sont toute ma vie», aime-t-il dessignesdefaiblesse,d’autrescentressont- à répéter. Parmi ses conquêtes les plus ils en train d’éclore? Le célèbre diamantaire glorieuses, le Hope of Africa, acquis au dit ne pas y croire. Si sa marque scintille au début des années 2000, nommé en hom- bout du Léman, c’est qu’il aime cette ville où mage à Nelson Mandela, une pierre jaune, il possède une résidence. Et qu’il y fait d’ex- exceptionnellement rare de 115,91 carats. cellentes affaires, en vendant, comme dans Le Golden Star est aussi passé entre ses les quelque trente enseignes qu’il a ouvertes mains. Il a fallu six mois pour polir cette dans le monde entier, «les plus fabuleux bi- pierre hors norme, pour la tailler en cous- joux du monde». The most fabulous jewels sin avec sa centaine de carats. Elle est par- in the world, c’est d’ailleurs le titre de tie pour 12 millions de dollars. Il arrive l’ouvrage que Laurence Graff lui-même a aussi que Graff acquière des bijoux char- consacré à ses créations. gés d’histoire, telles ces boucles d’oreilles Tout, dans la carrière de cet homme, ap- ayant appartenu à la duchesse de Wind- pelle le superlatif. A 71 ans, il ne cesse d’ex- sor. Ornées de diamants en poire, elles ont plorer de nouveaux domaines pour les ajou- été retaillées et l’ex-premier ministre du ter à son empire. Au printemps 2009, il lance Liban Rafic Hariri les a offertes à son Graff Luxury Watches, sa collection de mon- épouse. Les rivières de diamants charrient tres. «Today, Time begins» («Aujourd’hui, le des histoires d’amour, d’adultère, de ré- temps commence»), annonce simplement le conciliation et de pouvoir qui ajoutent du dossier de presse. Le «roi des diamants» est mystère à leur charme. donc également le maître du temps. Deux éléments qui s’ajustent très volontiers: Le plus bel accomplissement quand les Graff Watches ne sont pas serties Mais la grande fierté de Laurence Graff, son de diamants, leur forme rappelle la taille des plus bel accomplissement, dit-il, c’est précieux cailloux. «Les montres sont un pro- l’acquisition, en décembre 2008, du longement naturel des bijoux et les nôtres Wittelsbach,leBlauerWittelsbacher,pesant ontl’airdetrèsbiens’imposersurlemarché.» le poids respectable de 35,65 carats, pour lequel il a sorti sans sourciller 16,4 millions «Un ami qui protège» de livres sterling. La seule évocation de cette Même la crise ne semble pas affecter merveille, d’un bleu-gris, très rare, fait vibrer Laurence Graff: «L’offre en diamants est infé- sa voix d’une émotion encore vive. Les origi- rieure à la demande. Nous en vendons tous nes de ce diamant remontent au XVIe siècle. les jours. Et comme mes affaires sont répar- La pierre proviendrait des mines de ties partout dans le monde, je n’ai pas à Golconde, en Inde, dont le seul nom en- m’inquiéter. Si elles baissent dans un coin, chante le diamantaire. La pierre a transité à elles remontent ailleurs.» Aujourd’hui, il en- travers les cours d’Europe, elle a orné la cou- treprend de conquérir le prometteur mar- ronne des princes de Bavière jusque dans les ché chinois, après avoir posé le pied en Rus- années 1920. Elle a disparu entre-deux- sie.Cetteapparentesérénitéestlefruitd’une guerres avant de reparaître chez Christie’s. histoire qui commence en 1938, dans un Après un long séjour dans les ateliers de quartier populaire de Londres. Le jeune Lau- New York, la pierre a passé par le Gemologi- rence grandit auprès de sa mère, venue de cal Institute of America, qui vient de lui déli- Roumanie. Son père est Ukrainien. Ils sont vrer un certificat d’excellence. Désormais, ce partis à temps. Peut-être le goût des dia- DR diamant de légende s’appellera Wittelsbach mants est-il venu au garçon à l’idée que l’on Portrait de Laurence Graff, 71 ans, diamantaire, une carrière au superlatif. Graff, associant le nom du joaillier à celui peut coudre ces pierres dans un ourlet, d’un empereur de l’Empire germanique. moins encombrantes que l’or, infiniment merveilleuses.» Il possède également 51% de trôle, de la qualité des pierres à celle du ser- «Oui, c’est de cela que je suis le plus fier.» plus précieuses, fidèles et stables: «Un dia- la South African Diamond Corporation vice. «It took Graff and nature one million Les diamants et les bijoux laissent-ils la mantestéternel»,c’estunamiqui«protège», (Safdico), qui a créé un parc industriel years to create this necklace», proclame une place pour une autre passion? Laurence dit Laurence Graff. autour du diamant au Botswana. En Afri- publicité! Graff et la nature, dans cet ordre, Graffaimecollectionnerlespeintresmoder- Dans les bagages de ses parents, toute- que, le commerce du diamant brut sert sou- ontcrééuncollierde267carats,d’unevaleur nes ou contemporains célèbres: Picasso, Ba- fois, nul caillou protecteur. A quinze ans, vent à financer les armes des groupes rebel- de trente millions de livres. Il leur a quand con, Basquiat, et Warhol, surtout, dont il a Laurence entre en apprentissage chez un les dans les pays en guerre. Le processus de même fallu un million d’années à eux deux. acquis récemment Scream, d’après Le Cried bijoutier dont il finit par racheter pour rien Kimberley est un accord intergouverne- La qualité des bijoux Graff attire rapide- Munch. Il achète, dit-il, selon son plaisir, la petite entreprise en faillite, à l’âge de mental élaboré pour freiner ce trafic. «Tous ment les prix, dont les fameux Queen’s sans souci de spéculation, ni projet de mécé- 22 ans, après en avoir balayé l’atelier. Il se mes diamants sont war free, assure le dia- Awards for Enterprise for International nat. La scandaleuse vanité de Damien Hirst, met à son compte, devient le commis voya- mantaire, cela ne me concerne Trade, à trois reprises, le premier en 1973 et ce crâne entièrement serti de diamants, ne geur de ses créations, s’enhardit jusqu’à La vraie passion de sa vie, ce sont donc pas.» récemment, en 2006. La journaliste l’a pas tenté? «Les diamants, je ne les Singapour. Il est audacieux, la chance lui A Johannesburg, mais aussi à Susan Adams surnomme Lau- achète pas aux artistes!» répond-il sourit comme elle doit. Quelques rencon- les diamants. Les bleus, les jaunes, Anvers, à New York ou à l’Ile rence Graff «roi du bling». Sa en riant. Si investi soit-il dans ses tres seront déterminantes. Celle du jeune les roses, les gros et les petits, Maurice, des centaines de clientèle correspond à cette affaires, dans ses projets de crois- sultan de Brunei, devenu un ami et un com- tailleurs et de polisseurs tra- image, forcément: des vedet- sance, Laurence Graff songe à pé- manditaire régulier, lui ouvre l’Asie du Sud- les blancs à l’eau si pure vaillent pour l’entreprise. Aux tes, des footballeurs, des émirs. renniser son nom en créant un Est. Viennent les années pétrole, années Etats-Unis, Graff s’est installé Maissilejoaillierlesfréquente, musée. L’architecture de Renzo d’abondance. Le joaillier ne manque pas le près du prestigieux Gemological Institute of dans ses nombreuses résiden- Piano à la Fondation Beyeler le fait marché du Moyen-Orient, tout en consoli- America,aveclequeliltravailleencollabora- ces à Genève, Londres, Cap-Fer- rêver. En attendant, il fait partie du dant son empire britannique. Il essaime tion étroite pour l’estimation et la certifica- ret, New York ou Gstaad, il donne conseildefondationdelaTateModern dans les villes d’Europe, dans de grands hô- tion des pierres. Les bijoux eux-mêmes sont plutôt de lui l’image d’un gentleman et de plusieurs autres institutions. Les tels ou à des adresses prestigieuses. créés à Londres ou à New York. Depuis plus d’une grande courtoisie, discret, à l’abri des œuvres d’art dont il s’entoure lui inspirent- Dès 1973, l’entreprise prend son envol. d’un demi-siècle, Laurence Graff voyage in- tabloïds (ou presque). De toutes ses résiden- elles le dessin de ses créations? «Tout me Elle entre en bourse, mais Laurence Graff la lassablement. Au début, c’était avec sa mal- ces, c’est Gstaad qu’il préfère. La beauté des donne des idées, les animaux, la végétation, rachète quatre ans plus tard. Il a le besoin de lette à travers l’Angleterre. Aujourd’hui, c’est paysages, les pistes de ski, la tranquillité le les formes et les couleurs.» tout contrôler. Le secret qui garantit cette au bord d’un de ses jets privés, ou même, rendent lyrique. Graff est une entreprise familiale. Marié à maîtrise: une structure verticale qui va de la parfois,àborddesonyachtqu’iln’hésitepas Mais ce qui éveille vraiment son en- uneFrançaisedepuis47ans,lejoaillieraune mine aux bijouteries. «Les bons diamants à transformer en bateau de livraison, bord à thousiasme, la vraie passion de sa vie, ce fille et deux fils, dont l’un travaille avec lui, sont extrêmement rares aujourd’hui, dit-il. bord, pour un client en mer. A Genève, sont les diamants. Les bleus, les jaunes, les ainsi que son propre frère et son neveu. Ce Heureusement, j’ai des parts dans une des comme ailleurs, il ne fait que passer. «On ne roses, les gros et les petits, les blancs à l’eau qu’il voudrait leur transmettre? «La passion, meilleures mines au monde, la Letseng, au sait jamais quand il arrive, ni quand il part», si pure. Sur ce sujet, qu’il prétend maîtri- le style, l’honnêteté, ce qui fait le nom de la Lesotho, d’où sortent encore des pierres dit-on rue du Rhône. Mais tout est sous con- ser comme nul autre, il est intarissable. maison.» Le Temps Mercredi 11 novembre 2009 Arts 27 GALERIE

Depuiscetautomne,lacélèbre galeriezurichoiseapignon surrueàNewYork. Nullementdécouragéeparlacrise, elleveutoffrirdenouvelleschances L’exposition de Paul àsesartistes. ParAnneFournier McCarthy, l’été dernier à Zurich, est présentée ce novembre à New York. Paul McCarthy fait partie des artistes auxquels Hauser & Wirth veut offrir une visibilité dans la métropole

HAUSER & WIRTH américaine. Hauser&Wirthsnobelacrise

«Pipilotti Rist? La plus flam- ches accompagnent chaque créa- PUBLICITÉ boyante chez le plus puissant! Pa- teur et répondent à ses besoins. rions que tout le monde sera là!» «Cet engagement en faveur de l’ar- La supputation de cette curatrice tiste, variable selon le travail de italienne de passage à Zurich se chacun, est sans doute unique. BANQUIERS SUISSES DEPUIS 1873 confirmera lors du grand raout ul- C’est aussi ce qui a motivé notre

tra-fréquenté – crise ou pas – de la établissement à New York.» Lucasdesign.ch Sommerfest, la party d’ouverture Marc Payot s’est installé dans la des galeries. Pour cette rentrée, ville américaine il y a une année et l’artiste saint-galloise expose chez demie, au moment où la crise Hauser & Wirth, galerie zuri- éclatait au grand jour. Il assiste choise très respectée des férus alors aux déconfitures financiè- d’art contemporain, qui appar- res qui n’épargnent pas le com- tient au top ten de la branche. Et merce de l’art. «L’ambiance du qui semble snober la crise en fai- marché américain a énormément sant preuve de hardiesse. évolué en deux ans. La crise est Depuis le 24 septembre donc, vécue de manière beaucoup plus grâce à leur nouvelle plateforme directe, aussi parce que l’Améri- au 32 East 69th Street, à New York, cain considère l’art contemporain adresse longtemps associée à la davantage comme un investisse- mythique Martha Jackson Gallery, ment. Beaucoup de jeunes gale- Iwan Wirth et son équipe confir- ries ont envie de se battre et, ment leur empire. A 39 ans, celui comme elles, je suis certain que la qui a ouvert sa première galerie tendance va changer.» BANQUIERS SUISSES, encore ado, qui a épousé Manuela Hauser, fille d’une grande collec- Moins de spéculation CONFIANCE ET PASSION. tionneuse, et qui a souvent répété L’espace, situé non loin de Central l’importance des relations, im- Park, n’a pas été voulu gigantes- pose le respect. Dans son classe- que; le travail est fondé sur le con- BSI. ment des personnalités les plus tenu, une activité de galeriste clas- puissantes de l’art international, sique qui place les relations avec le magazine Art Rewiew l’asouvent les institutions au centre. Hauser placé en tête des galeristes. «Votre & Wirth veut observer un pro- mastodonte à vous, votre gramme semblable à celui pro- monument national comme il posé en Europe. En ce début no- n’en existe pas en France, c’est vembre, c’est Paul McCarthy, Hauser & Wirth», confiait un jour réputé pour ses statues géantes Harry Bellet, journaliste au Monde. gonflables, qui expose. Marc Sise à Zurich depuis 1992, Payot est confiant: «Nous présen- Hauser & Wirth possède une tons un art exigeant et donc adresse à Londres; son bouquet moins soumis aux risques de spé- d’artistes – ils sont une trentaine – culation. La force ou la faiblesse réunit des Louise Bourgeois, Ro- du marché n’y change pas grand- man Signer, Paul McCarthy, Rod- chose. Les prix d’œuvres comme ney Graham, Christoph Büchel. Ou celles de McCarthy restent stables encore des audacieux comme Ber- et lors de son exposition à Zurich linde De Bruyckere, Christoph en juin nous avons très bien tra- Schlingensief ou David Zink Yi. vaillé.» Mais pourquoi un tel engagement Car de ce climat morose jaillis- au moment où les nouvelles en sent aussi les opportunités ainsi provenance de Big Apple décrivent que des compensations qui ne un marché de l’art d’humeur mo- laissent pas indifférent, même rose? Jusqu’ici, Hauser & Wirth ne chez Hauser & Wirth. Les contacts disposait que d’une antenne char- avec les spécialistes sont devenus gée d’affaires relevant du second plus faciles, l’accès à des «ressour- marché. On a voulu plus grand, ces fantastiques», autrement dit à mais pas sur un coup de tête. des artistes très sélectifs, plus sim- Partenaire de tous les instants, BSI veille ple. «Si vous êtes prêt à prendre www.bsibank.com Une stratégie à long terme des risques, vous pouvez vous pro- sur votre patrimoine. Avec la compétence Directeur de la galerie curer des œuvres plus aisément.» new-yorkaise, Marc Payot précise Et New York, même sous la tem- d’un expert et la sensibilité d’un ami. d’emblée: «Cette décision a été pête financière, reste le cœur du prise il y a plusieurs années. Elle commerce. Au fait, après cette s’inscrit dans une stratégie à long avancée capitale, la maison zuri- terme pensée pour nos artistes.» choise poursuit-elle d’autres am- Plusieurs d’entre eux, à l’image bitions? Son univers a désormais d’Eva Hesse, ne sont pas représen- atteint une taille jugée «adé- tés aux Etats-Unis, poursuit celui quate». Des villes comme Berlin, qui occupe aussi la fonction de Los Angeles ou Paris font encore vice-président de Hauser & Wirth. rêver Marc Payot, mais pour Dotée d’une structure très profes- l’heure il estime se trouver là où se sionnelle, disposant de quelque fait le marché. «Et nous sommes A company of the Generali Group 45 collaborateurs en Europe et de encore jeunes!» Jeunes et auréolés six à New York, la maison a fait de de succès. la relation aux artistes la priorité de son travail. Jusqu’à quatre coa- www.hauserwirth.com 28 Arts Le Temps Mercredi 11 novembre 2009 MARCHÉ © MOULINSART 2009 © MILTON CANIFF/GALERIE DU 9EME ART Un strip de «Terry et les pirates» du 12 avril 1946, de Milton Caniff. Un dessinateur américain capital dans l’histoire de la bande dessinée mondiale, à des prix très abordables. Record mondial pour une édition rarissime. BD:lesbullessouslemarteau

Lesventesaux «Ah! je ris…», chante inlassable- Auparavant, planches et dessins ment la Castafiore dans les aventu- originaux n’étaient considérés que enchèresdédiées res de Tintin. Le marché de la bande comme une étape technique en vue dessinée, en pleine expansion, en- de l’impression des albums et la àlabandedessinée tame le même air. Il se rit de la crise multiplication de l’œuvre, tant il est économique, qui ne l’a guère af- vrai que la bande dessinée est l’art semultiplient fecté,dumoinsenEurope.Et,s’ajou- de la reproduction par excellence. tant aux amateurs bibliophiles à la Ce matériel était souvent oublié etdopentlemarché recherche d’albums ou autres im- dans des tiroirs, jeté après usage ou desplanches primés anciens et aux collection- donné à des amis, et peu nombreux neurs de produits dérivés, l’engoue- étaient les auteurs qui réclamaient etdessinsoriginaux. ment des acheteurs d’originaux leurs dessins en retour. bouscule les frontières avec le mar- Ces dernières années, les coups Lesprixdesauteurs ché de l’art proprement dit. d’éclat se succèdent; ils font les gros Le marché des œuvres originales titres et attirent l’attention de nou- vedettess’envolent. de bande dessinée se développe de- veaux publics (tout comme les ex- puis un peu plus de vingt ans, avec positions, qui rendent la bande ParArielHerbez une croissance fulgurante récente, dessinée «fréquentable» depuis tant au niveau de la quantité et de la que les musées s’y mettent, comme qualité de l’offre que des prix, récemment Tarzan au Quai Branly). «boostés» par l’essor de ventes aux La maison Artcurial, leader avec un enchères dédiées au neuvième art. chiffre d’affaires de 7,6 millions «Depuis trois ans, les d’euros en 2008 pour la BD, peut se «La BD est et reste un art prix doublent tous les targuer de records impression- ans», disait le galeriste nants: un portrait à l’acrylique de la populaire, mais elle devient parisien Christian série Bleu sang, de 1994, s’envole à aussi un art à part entière» Desbois, un des pion- 268 000 francs, du jamais vu. «C’est niers, après une vente la vente qui a tout révolutionné, es- record historique d’Enki Bilal en time l’expert Eric Leroy, d’Artcurial: 2007. «Désormais, on compte entre elle a libéré psychologiquement les cinquanteetsoixanteventesauxen- amateurs sur le fait qu’ils pouvaient chèresdebandedessinéeparannée, acheter, cher, des œuvres de bande en France et en Belgique, souligne dessinée moderne, et elle a crédibi- Thibaut Van Houte, expert belge, et, lisé ce marché.» tous les mois, une nouvelle clientèle La maison parisienne n’en reste venant de pays d’Europe non fran- paslàet,en2008,Hergépulvérisele cophone se développe.» record mondial pour une œuvre de BD: un dessin à la gouache de 1932, pour la couverture des premières éditions en noir et blanc de Tintin en En savoir plus Amérique, grimpe à 1,2 million de Ventes aux enchères: U Galerie Daniel Maghen, Paris francs. Un portrait de Corto Maltese U Artcurial, Paris (www.artcurial. (www.danielmaghen.com). par Hugo Pratt pour une couver- com). Prochaine vente BD le 21 U Galerie Petits Papiers, Bruxelles ture d’album part à 455 000 francs. novembre, Hôtel Marcel Dassault. (www.petitspapiers.com). Et le 14 mars dernier, un exem- U Salle des ventes Rops, Namur U Galerie Papiers Gras, Roland plaire de L’Etoile mystérieusee d (www.rops.be). Prochaine vente Margueron, Genève 1943, encore Hergé, devient l’al- BD le 22 novembre. (www.papiers-gras.com). bum de bande dessinée le plus cher U Banque dessinée, Bruxelles U Galerie Laqua, du monde, pour la bagatelle de (www.banquedessinee.be). Carsten Laqua, Berlin 156 000 francs. Il faut dire qu’il Prochaine vente en février 2010. (www.comicoriginalart.com). s’agit d’une version rarissime, dite alternée, dont les pages en noir et Galeries: Argus: blanc n’étaient imprimées que sur U Galerie Christian Desbois, Paris U BDM, Trésors de la bande un côté, à l’usage des journaux qui (www.desbois.com). dessinée, catalogue encyclopédique, publiaient cette aventure de Tintin. U Galerie 9e art, Bernard Mahé, édition 2009-2010, Des prix qui donnent le vertige,

Paris (www.galerie9art.com). Ed. de l’Amateur, 1296 p. mais qui restent raisonnables par © ARTCURIAL rapport à ceux pratiqués dans l’art La vente qui a «tout révolutionné» en 2007: acrylique sur papier de la série «Bleu sang», d’Enki Bilal. contemporain: «La bande dessinée est et reste un art populaire, mais elle devient aussi un art à part en- riété des prix est un avantage cer- Des amateurs d’art contempo- tionneur.» Sa galerie fonctionne de tière, souligne Eric Leroy. Elle dé- tain de la bande dessinée, explique rain se rabattent sur des œuvres des plus en plus grâce aux originaux, mocratise le marché de l’art.» Bernard Mahé, responsable de la grands noms de la BD, d’autant que qui représentent 30% de son chiffre D’autant que ces montants ne con- Galerie 9e art à Paris, ce qui permet le dessin connaît un regain d’inté- d’affaires. A des prix plus stables et cernent que quelques rares de toucher des publics très diffé- rêt. Cet engouement incite-t-il à in- moins élevés qu’en salle des ventes. auteurs: Hergé, hors norme et hors rents, de l’homme d’affaires à l’ama- vestir dans les bulles? «Les ventes Ce qui ne l’empêche pas de vendre catégorie; Bilal (tous ses dessins teur modeste. Des originaux se ven- aux enchères suscitent peut-être de de très belles planches, de McCay pour son dernier album, Animal’z, dent autour de 75 € déjà, pour un la spéculation, mais 95% de mes (15 000 fr.), Pratt (60 000 fr.) ou Ja- une première encore, sont partis crayonné du Bâlois Enrico Marini acheteurs restent des amateurs de cobs (68 000 fr.). sous le marteau d’Artcurial, en sep- par exemple, et de plus ce premier bande dessinée, collectionneurs et Les albums anciens, collection- tembre, pour 1,4 million de francs); jet vous met au cœur du travail de passionnés, note Bernard Mahé: il nés depuis plus longtemps, voient Uderzo (473 000 francs pour une l’auteur. On assiste actuellement à est rare que les œuvres que je vends aussi leur cote progresser. Avec une planche d’Astérix chez Millon & As- une évolution, de nombreux collec- ressortent sur le marché. Quand évolution: «Les amateurs tradition- sociés en 2008); Franquin (une tionneurs de bande dessinée ache- quelqu’un me demande où sont les nels cherchent leur madeleine de planche de son Prisonnier du tant moins de statuettes, sérigra- bons placements, je leur dis d’aller Proust,aveclesalbumsoujournaux Bouddha adjugée à 65 000 francs le phies ou autres objets de voir en bourse…» de leur enfance, et se satisfont d’un 25 octobre dernier par la maison «para-BD», et reportant en partie Roland Margueron, fondateur état correct, souligne Michel Denni, belge Banque dessinée); Pratt (l’in- leur intérêt sur les originaux, qui se de Papiers Gras à Genève, confirme: un des responsables de l’argus BDM tégralité de La Jeunesse de Cortone rapprochent plus de l’œuvre de «Je connais bien mes clients, ce sont et libraire chez Lutèce à Paris. Mais vente le 21 novembre chez Artcu- leurs auteurs préférés. De grands des collectionneurs. Quand ils ven- les clients des ventes veulent des rial); et encore Moebius, Morris, auteurs ne sont pas forcément hors dent une de leurs pièces, c’est pour livres à l’état de neuf, et nous avons Druillet… de prix: on trouve aujourd’hui de en acheter une plus belle ou celle dû réévaluer les plus-values dans Pour tous les autres auteurs, les très bons strips de l’Américain Mil- dont ils rêvaient. Et s’ils ne tentent cet état. Malgré nos craintes, l’essor prix sont fonction de leur noto- ton Caniff, un dessinateur pourtant pas une meilleure affaire en salle des ventes aux enchères, en dyna- riété, et de la qualité de la planche d’importance mondiale, très re- des ventes, c’est que, regrettant de misant le marché, fait découvrir la

© MOULINSART 2009 ou du dessin, mais beaucoup sont cherché il y a vingt ans, pour 300 à se séparer de leur trésor, ils savent BD ancienne à un plus large public, «Tintin en Amérique», version 1932 (encre de Chine et gouache, 32 x 32 cm). très accessibles: «La très grande va- 1000 €.» au moins qu’il ira à un autre collec- qui vient dans nos librairies.» Le Temps Mercredi 11 novembre 2009 Arts 29 MARCHÉ Lelivreprécieuxàl’abri desturbulences

Lemarchédesouvragesdevaleurresteremarquablementstableàtravers letemps,cariléchappeauxspéculateursetmobilisedescollectionneurs passionnés.MêmeInternetneparvientpasàl’ébranler.ParIsabelleRüf

Qu’il fasse beau, qu’il fasse laid, ger. Les grands libraires qui reçoi- le commerce du livre précieux vent sur rendez-vous ne rencon- reste à l’abri des intempéries. La trent parfois qu’un seul client par crise ne semble pas l’affecter forte- mois.» ment. «Des statistiques ont mon- Actuellement, Jacques Quentin tré que la valeur des livres anciens et le libraire Benoît Forgeot éta- n’a jamais baissé au cours du blissent, pour Pierre Bergé & Asso- temps, au contraire…», relève ciés, le catalogue de la vente de la Marc Agron Ukaj, qui tient à Lau- collection d’Albert Louis Henri sanne la Librairie de l’Univers. Natural qui aura lieu à Drouot le «C’est un marché de passionnés, 7 décembre. Une collection «atta- pas de spéculateurs», confirme chante, à l’ancienne». Entre les Anne Heilbronn, responsable des deux guerres, le Suisse Natural ap- livres et manuscrits chez Sothe- partenait à une société de biblio- by’s à Paris. Jacques Quentin, li- philes comme il n’en existe plus braire à Genève et expert auprès guère. Ces sociétés étaient compo- de nombreuses institutions, tem- sées d’amateurs éclairés, instiga- père: «Le monde du livre subit un teurs d’ouvrages hors commerce, contrecoup. Il y a moins de ventes, édités avec un soin extrême, avec moins de catalogues. L’élan infla- des gravures, une typographie tionniste de ces dernières années splendide sur des papiers de se calme. Les golden boys à l’amé- haute qualité, Chine ou Japon, ricaine qui se constituaient une dans des reliures somptueuses, bibliothèque en un an à grands une symbiose de ce que Jacques frais ont renoncé. Libraires et Quentin appelle joliment les «su- acheteurs semblent attendre des perstitions» des bibliophiles, qu’il jours meilleurs. Cela dit, les ventes voit s’effacer avec un peu de nos- qui ont lieu marchent très bien.» talgie. «Nous sommes des dino- © SOTHEBY’S En temps incertains, une valeur saures qui vivent dans un monde Lettres autographes à Paul Eluard, signées et illustrées par René Magritte, reliure refuge? «Ce n’est pas la motiva- clos, très petit, en voie de dispari- découpée et doublée de Georges Leroux, 1945-1948. Estimation: 60 000–80 000 €. tion essentielle, le bibliophile col- tion. Il est impossible aujourd’hui lectionne avec le cœur, mais le d’imprimer des livres de cette sentiment d’avoir sur les rayons qualité, les machines ont disparu, PUBLICITÉ de sa bibliothèque des biens du- le savoir-faire aussi. La confrater- rables peut rassurer», concède nité entre les peintres, les écri- Jacques Quentin. «Pendant la crise vains, les graveurs, qui a suscité d’UBS, certains acheteurs regret- tant de chefs-d’œuvre jusque dans taient d’avoir acquis des actions les années 60, n’existe plus. Il y a en chute libre plutôt qu’une édi- une vraie crise du livre créatif de- tion originale ou un manuscrit! puis le surréalisme.» François Bocion Ils le disaient en souriant, mais Rescapée de cet âge d’or, la col- Vue du Château de Glérolles, 1885 avec un regret réel», dit Marc lection Natural comporte quelque Agron Ukaj. Constituer une bi- cinquante reliures Art déco qui ESTIMATION CHF 100’000 –150’000 bliothèque est une entreprise de devraient trouver acquéreur à bon longue haleine, qui occupe des prix, tout comme sont partis en décennies de recherches patien- juin 2009, chez Sotheby’s, des lots tes, «un édifice spirituel», dit Jac- de qualité pour une somme totale ques Quentin. C’est le fait de gens de 1,6 million d’euros, dont cultivés, exerçant souvent une 216 750 pour le célèbre Jazz profession libérale, avec de bons d’Henri Matisse et 312 750 pour le moyens financiers. S’ils s’adon- manuscrit du cahier central de nent relativement tard à la consti- Terre des hommes de Saint-Exupéry. tution de leur collection, ils y met- «Les pièces de qualité moyenne tent alors beaucoup d’énergie, partent moins bien, mais le haut quand le temps et l’argent sont de gamme est très demandé», re- enfin réunis. «Je suis un véritable marque Anne Heilbronn, qui pré- baromètre de la crise», constate pare pour le 26 novembre une Marc Agron Ukaj: les amateurs vente de 200 lots, estimée à 1 mil- «raisonnables» consacrent à leur lion 500 000. Au catalogue, de passion la marge excédentaire de «petites perles», comme ces lettres leur budget, qui fluctue avec l’éco- autographes de Magritte à Paul nomie mondiale. Parfois, le désir Eluard, datant de 1947. «Si le l’emporte sur la raison; on se sou- fonds ancien se raréfie, on voit ap- vient du cas d’un professeur du paraître des œuvres plus récentes, CHUV à Lausanne qui détourna jusqu’à Françoise Sagan.» %"0g1+bnI%K6%4gh8%7S%tV'8z-sVX3z'-lT-/jkRlOy8l%U3%9nDp%Sy des millions pour assouvir son Autre irruption de la moder- %gyDp+7z8%kH%wDlO%aZ+0"xrW%K6%4g1.a%Si+15Twk%Ah%"n'.S%Bp+QC4P4Xx%cB%tGrKfDJX%dE%m95Xv-j9szv5-aA-kx6DaZ7Xa%uz%OV3g%E7%xOBH=L%W8mHb-C8P0bm-IL-ayJqIswHI.NuX%bD%VFUj8f%IZ%HfIFM8iLUQL%dhLhV.CUc%Xn%JlXzAuIEL8E%Sy%j9SN'ZBwUefI%bAD=7.GGJ%I'%7CIFM8DjBnLW%E7%xOcHFL%W89Gk+xtl+tG+oY%RqDx%OsxK+A=4U+evA9%qQ%gwA8LT%tV goût des ouvrages médicaux de © CHRISTIE’S nité, Internet a beaucoup changé prix. Il est rare que la passion Edition originale de «La Prose du la donne. «Le travail de recherche aveugle à ce point! Transsibérien» de Blaise Cendrars, est grandement facilité; on peut Il existe des collectionneurs illustrée par Sonia Delaunay. faire des découvertes dans le modestes, prêts à payer en men- Estimation: 90 000-120 000 €. monde entier, ce qui relativise la sualités une édition rare, se ré- rareté de certains livres. Les prix jouit Marc Agron Ukaj. D’autres se sont plus visibles, mais ils sont mettent à plusieurs pour offrir un ter», constate Marc Agron Ukaj. aussi fixés de façon fantaisiste, ce coutumier ancien ou un traité de Pour un libraire de taille modeste qui brouille le marché», constate médecine à un nouveau diplômé. comme lui, il est risqué de consti- Silvio Corsini, responsable du sec- Anne Heilbronn aussi observe tuer un fonds et d’attendre pa- teur des livres précieux à la Biblio- avec plaisir qu’une clientèle émer- tiemment le bon amateur. Cer- thèque cantonale universitaire de gente, plus jeune, moins argentée, tains objets sont passés de mode: Lausanne. Pour les marchands, «Il y a quinze ans, une c’est un outil à double tranchant. «Irruption de la modernité, édition originale de «Si les acheteurs ne se déplacent Ramuz se vendait im- plus entre Paris, Londres, New Internet a beaucoup changé médiatement. York, le nombre de libraires dimi- la donne» Aujourd’hui, j’en ai nuera. Pourtant, la documenta- sept qui ne partent tion sur Internet ne suffit pas. Il Art suisse se lance «avec courage» dans la pas, même pour un prix deux fois faut pouvoir regarder, toucher, constitution d’une bibliothèque. plus bas!» Le libraire jongle donc constater l’état du papier, de la VENTE AUX ENCHÈRES À ZURICH LE 7 DÉCEMBRE 2009 N’empêche, les grandes collec- entre sa galerie de peinture, les reliure: un vrai bibliophile sait EXPOSITION DES LOTS PHARES À GENÈVE DU 14 AU 16 NOVEMBRE 2009 tions des siècles passés, avec ce livres d’occasion modernes à bas cela. Chaque exemplaire est uni- qu’elles représentent de distinc- prix et quelques pièces vraiment que», insiste Jacques Quentin. Ce RENSEIGNEMENTS +41 (0) 22 908 48 52 [email protected] tion sociale, tendent à se raréfier. précieuses: une Divine Comédieed que confirme un couple de biblio- HÔTEL BEAU-RIVAGE 13 QUAI DU MONT-BLANC 1201 GENÈVE «Il est plus difficile d’acquérir des 1506, un manuscrit de Paul Mo- philes rencontrés dans la bouti- pièces alors que la demande reste rand, un merveilleux atlas… Cette que de Marc Agron Ukaj: «Jamais SOTHEBYS.COM la même. Cette rareté fait monter diversité lui permet d’avoir pi- nous n’achèterions un livre sur la les prix», dit Anne Heilbronn. «J’ai gnon sur rue. «J’ai besoin de voir foi d’une description. C’est un rap- de plus en plus de peine à ache- du monde tous les jours, d’échan- port personnel, physique.» 30 Arts Le Temps Mercredi 11 novembre 2009 DESIGN

PHOTOS: CLAUDE CORTINOVIS COURTESY: MITTERAND + CRAMER

Tom Dixon. Cast Series, sans titre (toast, scone), Studio Makkink & Bey. Armoire au vase, Studio Makkink & Bey. Chaise Kade 2, 2009. Tom Dixon. Cast Series. Table, 2009. Aluminium 2009. Aluminium molten, 32 x 15 x 7,5 cm. 2009. Balsa, mousse bleue sculptée, argent, Chêne, flocage vert, bocaux, 80 x 80 x 55 cm. molten émaillé noir brillant, plateau de verre, 50 exemplaires. porcelaine, 82 x 63 x 40 cm. Pièce unique. 8 exemplaires et 1 épreuve d’artiste. 75 x 120 x 70 cm. 10 exemplaires et 1 épreuve d’artiste. EdwardMitterrand,unpied dansl’art,l’autredansledesign

EnSuisse,raressont Il a débarqué voici une dizaine d’années à Genève, par les hasards lesgaleristesqui du mariage, sans y être vraiment préparé, et il a commencé par y exposentledesign faire son trou, patiemment. Aujourd’hui, ayant ouvert un se- contemporain. cond espace à Zurich, il approfon- dit l’apprentissage du biotope hel- EdwardMitterrand vétique. Edward Mitterrand, explorecettevoie 41 ans, fait partie de ces galeristes qui se concentrent dans le quar- àGenève. tier des Bains, sous les auspices bienveillants du Musée d’art mo- ParLoretteCoen derne et contemporain, le Mamco. Signe particulier: outre la double enseigne depuis une an- née, il diversifie son activité en di- rection du design, sans quitter son domaine, l’art contemporain. Dé- marche peu fréquente en Suisse, en pays romand en particulier. Oui, il appartient à la famille du président français. Il a l’habitude d’être interrogé sur ce sujet et ne s’en forma- Les rapports entre art et design, lise pas. François Mit- territoires contigus, tendent terrand était le frère de son grand-père. à se rapprocher de plus en plus L’a-t-il connu? De loin. Enfant, il l’a perçu comme un personnage sé- vère, impressionnant. De son autre parent, Frédéric, le ministre, il parle avec affection. Lourd à por-

ter, ce patronyme? «Non, un petit ATELIER OÏ peu favorable au marketing», ré- Atelier Oï. «Les Danseuses». En cours de développement. Leurs formes et mouvements donneront naissance à une série de vases. pond-il en souriant. Le jeune Ed- ward grandit loin de Paris et dé- couvre la capitale à 15 ans. Et tale, monte des expositions aux Liste, foire parallèle à Art Basel, et dois», remarque Edward côtoie le monde de l’art auprès de quatre coins du monde, de Taïwan s’emploie à constituer son profil Mitterrand. Alors que les prix des son père, chez Artcurial, galaxie à à Vancouver. Cette première de galerie et son réseau. vedettes de l’art contemporain facettes multiples: galerie, ventes phase de carrière dure de 1996 à «Ce furent quatre années de va- flambent inconsidérément, ceux privées, enchères. 2000, «jusqu’au jour où j’ai ren- ches maigres, suivies de deux an- des grands noms du design actuel Il l’accompagne et le seconde à contré ma femme, à Paris Photo». nées euphoriques.» Entre-temps, paraissent beaucoup plus aborda- la FIAC, grande foire de l’art pari- Peu inspiré par la capitale fran- le galeriste prend ses marques. bles. En résumé, le design d’art sé- sienne, absorbe progressivement çaise de l’époque, il choisit, muni Une double décision s’impose duit tout en restant accessible. Et les rudiments du métier et conso- d’un tout petit capital, de se lancer progressivement, favorisée par les en Suisse où se trouvent réunis lide sa formation par des études à Genève. Et marque son arrivée circonstances. A Genève, Edward une belle tradition dans le do- commerciales auxquelles il ajoute par une exposition consacrée à Mitterrand quitte le modèle de la maine, des écoles d’art d’une Tom Dixon. Cast Series. Chandelier l’Ecole du Louvre. Jean-Michel Basquiat. Les accro- galerie dans lequel il s’essouffle. grande vitalité, et aussi de l’ar- rouge, 2009. Aluminium molten, Il part ensuite en Angleterre. Il chages se succèdent: Andy Son espace servira désormais de gent, le terrain paraît particulière- émail rouge brillant. 40 x 24 x 22 cm. travaille beaucoup dans le do- Goldsworthy, Diego Giacometti, plateforme à ses activités de cour- ment favorable. 10 exemplaires et 1 épreuve d’artiste. maine de la sculpture monumen- Hiroshi Sugimoto. Il participe à la tage. En revanche, un associé Le galeriste aborde cet univers financier lui permet d’ouvrir à avec enthousiasme. «Les deux lo- Zurich, au cœur des affaires, à bes de mon cerveau se partagent PUBLICITÉ l’enseigne mitterrand + sanz/con- le travail, l’un pense art contem-

temporary art. Mais la première EDIPRESSE/PASCAL FRAUTSCHI porain, l’autre se consacre au de- adresse, n’est pas la bonne; c’est Edward Mitterrand. sign», plaisante-t-il. Secondé par une fois installé à la Limmats- Philippe Cramer, il développe trasse dans le Löwenbräu Areal, maintenant une activité de pro- haut lieu des galeries, qu’il me- ses activités genevoises, d’explorer ducteur. Des designers de grand sure la pertinence de son choix. cette voie. Sous l’appellation mit- renom, comme Tom Dixon ou Pour Edward Mitterrand, le flé- terrand + cramer/fine art & de- Makkink & Bey, conçoivent et réa- chissement des affaires aura eu un sign, il diversifie donc ses activités. lisent pour lui des pièces uniques effet favorable, puisqu’il lui aura Avec énormément de curiosité ou fabriquées en toute petite sé- permis de définir et d’affermir ses mais non sans prendre des ris- rie. Ces œuvres possèdent pour choix. Une exposition organisée à ques. leurs acheteurs un intérêt triple: il la fin de 2007 par le Centre d’art Il s’agit, en effet, d’une démar- s’agit de travaux originaux, de ca- contemporain de Genève, sous le che nouvelle; d’ailleurs, presque ractère expérimental, qui devien- irène pijoan titre Wouldn’t it be nice…, propo- dront rapidement ra- sait de réfléchir aux rapports en- res. A l’intérêt [ifWY[WhbWkZ tre art et design dont les territoi- Travaux originaux, de caractère commercial de la dé- rétrospective eaVXZYZaVg^edccZ'W^h res contigus tendent à se expérimental, qui deviendront marche s’ajoutent &%%*AVjhVccZ rapprocher de plus en plus. Pour pour le galeriste la sa- le galeriste, c’est le déclic. Il décide rapidement rares tisfaction de contri- Yj,del[cXh[ bZ"kZ3&']"&-] de mettre sur pied une exposition buer à la création la 3 Vj(-ZƒY[cXh[(&&/ hV"Y^ &&]"&,] parallèle et prend pour conseiller en même temps, s’ouvre un autre plus avancée et celle de former un et commissaire le designer gene- espace, fondé sur un projet com- nouveau public. Déjà, après les vois Philippe Cramer. Il se rend parable à Genève, Ormond Con- grandes signatures internationa- avec lui à la foire Design Miami temporary Editions. Ce qui ne fait les, Edward Mitterrand oriente ses qui se tient simultanément à Art que confirmer l’intuition: un inté- regards vers la scène suisse, entre- Basel. Il constate alors qu’en Suisse rêt pour ce type de design s’éveille. prend une collaboration avec le «design d’art» reste un territoire Et des collectionneurs surgissent. l’Atelier Oï de La Neuveville. Le peu occupé et décide, en associa- «Si j’ai traversé la pire période de tour des jeunes designers suisses tion avec Stéphanie Cramer pour crise, c’est au design que je le en ascension viendra sûrement. Le Temps Mercredi 11 novembre 2009 Arts 31 AGENDA(SÉLECTION)

ZURICH Koller: Vins (vente sur Internet) 30 novembre Beaux-arts Koller: 17 novembre Argenterie; art africain Christie’s: Vins NEW YORK 18 novembre Sotheby’s: Art d’Amérique latine 3 décembre 11 novembre Koller: Christie’s: Art d’après-guerre et 7 décembre Mobilier et décoration; tapis contemporain Christie’s: Photographies 4 décembre 11-12 novembre LONDRES Koller: Art suisse; art moderne Sotheby’s: Art contemporain 12 novembre et contemporain Christie’s: Art britannique 12-13 novembre et irlandais du XXe siècle 7 décembre Phillips de Pury: Art contemporain Sotheby’s: Art suisse Christie’s: Lalique 14 novembre GENÈVE Phillips de Pury: Photographies, 14 novembre 7-8-9-10 décembre design Phillips de Pury: Vente au bénéfice Hôtel des ventes: Vente d’hiver du mouvement musique jeunesse 15 novembre 14 novembre

Phillips de Pury: Editions modernes 20 novembre Koller: Livres et autographes; ©CHRISTIE’S et contemporaines Christie’s: Collection des princes Augusto Giacometti. «Les Roses rouges», 1933. ©SOTHEBY’S tableaux et sculptures Grand lustre cage dans le goût de Kent et de leurs familles 500 000 à 700 000 francs (Sotheby’s Zurich 7 déc.) (vente sur Internet) du XVIIIe siècle. 17-18 novembre 2e vente Yves Saint Laurent Christie’s: Art d’Amérique latine 21 novembre 15 novembre et Pierre Bergé. 120 800 à Phillips de Pury: Musique 1er décembre 25 novembre Koller: Art déco et Art nouveau; 181 200 francs. (Christie’s Paris Christie’s Intérieurs Sotheby’s: design; tableaux et sculptures 17-18-19-20 nov.) 24 novembre Arts décoratifs du XXe siècle Christie’s Intérieurs; manuscrits Sotheby’s: Art russe et design et livres imprimés 1-2 décembre 26 novembre Montresetbijoux Sotheby’s: Peintures du XIXe siècle Christie’s: Art russe Christie’s: européen Arts décoratifs du XXe siècle 3 décembre et design 15 décembre 25 novembre Christie’s: La mode à travers Sotheby’s: Bijoux Christie’s: Art impressionniste les âges Sotheby’s: Livres et manuscrits et moderne 16 décembre 8-9 et 11 décembre 27 novembre Christie’s: Bijoux Sotheby’s: Sculptures des XIXe Christie’s: Maîtres anciens; Christie’s: Livres anciens, livres et XXe siècles européens peintures, dessins et aquarelles d’artistes et manuscrits 19 novembre du XIXe siècle Christie’s: Bijoux vintage, bijoux CHRISTIE’S

© 30 novembre 1er décembre modernes Rembrandt. «Portrait d’un homme Sotheby’s: Succession 9 décembre Christie’s: Art impressionniste en buste, les poings sur les hanches», des Romanov. L’héritage perdu Christie’s: Cabinet d’un amateur et moderne NEW YORK 1658. 30 à 42 millions de francs de la grande-duchesse Européen 8 décembre (Christie’s Londres 8 déc.) Maria Pavlovna 3 décembre Christie’s: Bijoux d’une collection 9-10 décembre Sotheby’s: Art africain et océanien ©SOTHEBY’S privée Sotheby’s: Maîtres anciens Broche en diamant sertie de saphirs et peintres britanniques 4 décembre en forme d’iris. Ateliers Cartier 9 décembre Christie’s: Art africain et océanien 1940. 155 000 à 255 000 francs Sotheby’s: Bijoux 10 décembre (Sotheby’s Genève 17 nov.) Foiresdel’artetbiennales Christie’s: 500 ans d’arts décoratifs 8 décembre Antiquorum: Montres-bracelets, d’Europe Christie’s: Art d’après-guerre GENÈVE montres gousset, horloges MINT Milan Arte Lisboa (Portugal) et contemporain 14-15 novembre (Italie) 18-23 novembre 15 décembre Antiquorum: Montres-bracelets, 10-11 décembre 12-15 novembre www.artelisboa.fil.pt Christie’s Intérieurs 8-9 décembre montres gousset, horloges Christie’s: Bijoux www.mintexhibition.it Sotheby’s: Art contemporain Bienal do Mercosul 16 décembre 15 novembre Christie’s: Bijoux anciens Kunstmesse Porto Alegre (Brésil) Christie’s: Art britannique du XXe 9 décembre Sotheby’s: Montres (Autriche) Jusqu’au 29 novembre siècle Sotheby’s: Art impressionniste 15 décembre 13-15 novembre www.bienalmercosul.art.br et moderne 16 novembre Christie’s: Montres www.kunstmesse-salzburg.at Christie’s: Œuvres victoriennes Christie’s: Montres ST-ART Strasbourg (France) et d’impressionnistes britanniques 17 décembre HONGKONG Kunst Zurich 26-30 novembre Christie’s: 17 novembre 1er décembre (Suisse) www.st-art.fr PARIS 500 ans d’arts décoratifs Sotheby’s: Bijoux Christie’s: Bijoux 13-16 novembre 12 novembre européens www.kunstzuerich.ch Design Miami (Etats-Unis) Sotheby’s: Mobilier français 18 novembre 2 décembre 1-5 décembre et sculpture 21 décembre Christie’s: Bijoux ©CHRISTIE’S Christie’s: Montres Biennale de Venise www.designmiami.com Christie’s: Art d’Asie (Italie) 15 novembre ZURICH Jusqu’au 22 novembre Art Basel Miami Beach Christie’s: 149e vente des vins des 1er décembre Montre Patek. www.labiennale.org (Etats-Unis) Hospices de Beaune, Beaune, Bour- Koller: Joaillerie et montres Réf 1526, 1942. 3-6 décembre gogne Liens Entre 1 et 1,5 million Performa 09 www.artbaselmiamibeach.com www.antiquorum.com MILAN de francs (Christie’s New York 17-18-19-20 novembre www.christies.com 25 novembre Genève 16 nov.) (Etats-Unis) Biennale de Florence (Italie) Christie’s: Vente au profit de la www.hoteldesventes.ch Christie’s: Bijoux 9- 22 novembre 5-13 décembre recherche sur le VIH et de la lutte www.galeriekoller.ch performa-arts.org www.florencebiennale.org contre le sida – Collection Yves www.phillipsdepury.com LONDRES Saint Laurent et Pierre Bergé – www.sothebys.com 2 décembre Paris Photo (France) Biennale de Lyon (France) Deuxième vente Christie’s: Bijoux 19-22 novembre Jusqu’au 3 janvier Calendrier sujet à changement www.parisphoto.fr www.biennaledelyon.com 20 novembre de dernière minute. 8 décembre Sotheby’s: Photographies Phillips de Pury: Bijoux

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