Orchestre Philharmonique Du Luxembourg Juraj Valčuha Direction Stefan Jackiw Violon
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
2017 20:00 06.10.Grand Auditorium Vendredi / Freitag / Friday Grands rendez-vous Orchestre Philharmonique du Luxembourg Juraj Valčuha direction Stefan Jackiw violon résonances 19:15 Foyer Ciel Ouvert «Musikalische Rückblicke»: Lydia Rilling und Tatjana Mehner im Gespräch über Korngold und Strauss (D) Ce concert est enregistré par 100,7 et sera diffusé le 8 novembre 2017. Erich Wolfgang Korngold (1897–1957) Konzert für Violine und Orchester op. 35 (1947) Allegro moderato Canzonetta: Andante, attacca: Finale: Allegro vivacissimo 24’ — Richard Strauss (1864–1949) Eine Alpensymphonie (Une symphonie alpestre) op. 64 (1900–1915) Nacht (Nuit) – Sonnenaufgang (Lever de soleil) – Der Anstieg (L’ascension) – Eintritt in den Wald (Entrée dans la forêt) – Wanderung neben dem Bache (Marche près du ruisseau) – Am Wasserfall (À la cascade) – Erscheinung (Apparition) – Auf blumigen Wiesen (Sur les prés fleuris) – Auf der Alm (Sur l‘alpage) – Durch Dickicht und Gestrüpp auf Irrwegen (Perdu dans les grottes) – Auf dem Gletscher (Sur le glacier) – Gefahrvolle Augenblicke (Moments dangereux) – Auf dem Gipfel (Au sommet) – Vision (Vision) – Nebel steigen auf (Le brouillard se lève) – Die Sonne verdüstert sich allmählich (Le soleil s‘obscurcit) – Elegie (Elégie) – Stille vor dem Sturm (Calme avant la tempête) – Gewitter und Sturm, Abstieg (Orage et tempête, descente) – Sonnenuntergang (Coucher de soleil) – Ausklang (Conclusion) – Nacht (Nuit) 50’ Du monde d’hier au Nouveau Monde Richard Strauss – Erich Wolfgang Korngold Engagée Pascal Huynh dans la défense de la culture depuis 1999, la Fondation Indépendance soutient de nombreux Au seuil de la Première Guerre mondiale, Richard Strauss achève projets d’artistes avec maestria la première moitié de sa carrière. Son statut de luxembourgeois puissant directeur musical de l’Opéra de la Cour, à Berlin, s’est doublé d’une importante activité de chef d’orchestre qui a conforté son charisme en Allemagne et aux États-Unis. Seuls ses opéras Salomé et Elektra (1905 et 1909) ont suscité réserve et émoi au sein d’une caste impériale aussi sourcilleuse sur la pudibonderie que réfractaire aux audaces harmoniques. Composée principalement d’opéras et de poèmes symphoniques, la création straussienne trouve son accomplissement dans la Symphonie alpestre, terminée en 1915. De ses riches harmonies prend corps une germanité triomphale, décalque musical de l’Allemagne de Guillaume II ; dans le contexte de l’entrée en guerre, elle endosse tout autant les valeurs nationalistes qu’elle provoque le rejet de la jeune génération de créateurs. Car la fièvre chauvine qui s’empare des milieux artistiques en 1914 se révèle éphémère. Dès l’année suivante, la révolte gronde. À travers le rejet du système impérial, c’est Strauss, sa plus impor- tante éminence musicale, qui se trouve ébranlé dans ses certitudes. Le conflit armé n’a nullement contraint la vie musicale au silence : tant Berlin que Vienne continuent de rayonner. Dans la capitale autrichienne, Gustav Mahler s’est éteint en 1911, au terme d’un mandat douloureux à l’Opéra, en proie aux attaques d’une ville rongée par le conservatisme et l’antisémitisme. Aux antipodes des vastes symphonies de Mahler, Schönberg, Berg et Webern révulsent le public dans leurs aphorismes musicaux qui entérinent la libre atonalité. Dans ce contexte de la table rase, le jeune prodige Erich Wolfgang Korngold, fils du célèbre critique musical Julius 5 Pour les Arts et la Culture BIL_Ann_115x175_Independance_Violon.indd 1 24/07/2017 14:59 Korngold, fait figure de troisième voie. Son talent, sa fraîche maturité impressionnent les plus grands maîtres, dont Strauss, son aîné de près de trente-cinq ans ; Korngold incarne à la fois l’avenir et la nostalgie viennoise. Son opéra le plus célèbre, Die tote Stadt (1920), constitue bien le pendant sonore du Monde d’hier de Stefan Zweig. En 1938, alors que l’Anschluß a intégré l’Autriche au Reich alle- mand, Korngold s’est définitivement installé avec sa famille sur la côte ouest des États-Unis ; il a depuis trois ans amorcé une longue collaboration avec l’industrie cinématographique de Hollywood (il compose en tout 19 musiques de film entre 1935 et 1946, et remporte deux Oscars). La même année, Richard Strauss dirige à Düsseldorf son opéra Arabella dans le cadre des Journées musicales du Reich. En marge de ces rencontres officielles, l’exposition « Entartete Musik » stigmatise les compositeurs juifs, marxistes et atonaux. Korngold y figure en bonne place… Contraint de collaborer avec le pouvoir, Strauss a perdu une grande partie de son influence et les problèmes que rencontre sa famille avec la politique raciale assombrissent ses dernières années de création sous le Troisième Reich. En 1945, date à laquelle Korngold achève la composition de son Concerto pour violon, le Reich allemand s’effondre ; Richard Strauss achève son long parcours. En 1949, l’année de sa mort, Korngold fait un retour mitigé à Vienne ; sa longue absence l’a relégué dans l’oubli, ses projets connaissent l’échec. Des années triomphales de l’empire wilhelminien au destin de l’exilé amorçant une seconde carrière en Amérique, le programme de ce concert retrace musicalement la formidable histoire d’un 20e siècle aussi riche et complexe que cruel et tourmenté. Richard Strauss Au sein d’une période créatrice dominée par la composition des opéras Le Chevalier à la rose et Ariane à Naxos, Eine Alpensinfonie succède à la truculente Sinfonia domestica. Elle reprend ainsi le titre et le genre de la symphonie, mais n’en est pas moins investie d’un propos philosophique qui la relie au poème symphonique Ainsi parlait Zarathoustra (1896), inspiré lui aussi par Nietzsche. 6 Au lendemain de la création enthousiaste du Chevalier à la rose, à Dresde, en janvier 1911, Strauss, s’attachant à cristalliser un projet symphonique inspiré par sa Tragédie d’un artiste (consacrée en 1902 au portraitiste Karl Stauffer-Bern), thématise le concept de la fusion entre nature et génie humain. À l’origine de la Tragédie, l’inspiration nietzschéenne, puisée dans son ouvrage L’Antéchrist (1888). Les esquisses portent ce titre fusionnel : L’Antéchrist : une symphonie alpestre. En mai 1911, Strauss se confie ainsi : « J’appellerai ma Symphonie alpestre L’Antéchrist, car on y trouve la purification morale par ses propres forces, la libération par le travail, le culte de la nature glorieuse et éternelle. » Le ton est donné et le lien avec Ainsi parlait Zarathoustra, éloquent. En convoquant L’Antéchrist de Nietzsche, Strauss sape les bases du christianisme tout en faisant l’éloge de l’individualisme : l’homme libre rejoint ainsi l’indi- vidualité du génie artistique. Les motivations profondes de Strauss dans cette œuvre se situent ainsi bien au-delà de la simple description musicale d’une ascension en montagne aux accents autobiographiques. La fusion de l’élément descriptif et panthéiste plonge l’auditeur dans l’atmosphère méditative d’une fin de nuit qui le conduira au début de la nuit suivante par le biais de véritables séquences cinématographiques recourant à un effectif orchestral considérable. Au début de son mandat berlinois, Strauss avait étayé sa propre connaissance de l’orchestre de l’étude du Traité d’instrumentation d’Hector Berlioz dont il avait proposé une interprétation ainsi qu’une amplification. Nul doute que les merveilleuses idées de l’auteur de la Symphonie fantastique, remises en perspective depuis le legs wagnérien, trouvèrent dans le compositeur d’Elektra un accueil chaleureux, ce dernier convoquant un effectif de plus de cent vingt instruments pour donner vie à son épopée alpestre. Le groupe des bois s’enrichit d’un heckelphone, ample instrument au volume plus intense que celui du hautbois ; celui, déjà fourni, des cuivres se voit amplifié d’un ensemble de douze cors, deux trompettes et trombones derrière la scène. Les percussions, section clé dans cette partition illustrative, réunissent machine à vent, machine à tonnerre, clochettes de troupeau, glockenspiel, cymbales, triangle, grosse caisse, tambour militaire, tamtam ! Au célesta s’ajoute un orgue. Strauss ne lésine sur aucun moyen ! 8 Friedrich Nietzsche La Symphonie alpestre conserve le cadre classique d’une symphonie en quatre mouvements au sein de laquelle s’enchaînent vingt-deux sections. Dans ses esquisses, Strauss en avait ainsi défini le cours : départ de l’ascension la nuit juste avant le lever du soleil, arrivée au glacier, orage et retour au calme. La deuxième section était intitulée « Réjouissances et danses campagnardes », la suivante, « Rêves et fantômes (d’après Goya) » et enfin, « Libération par le travail : créativité artistique », assumant pleinement la référence à Nietzsche. Des lueurs de l’aube chassant peu à peu le royaume de la nuit (longues valeurs descendantes précédant une accélération rythmique) aux somptueuses envolées entonnées par les cuivres – pleinement caractéristiques du style straussien – lors de l’entrée dans la forêt, en passant par le déchaînement de l’orage et les riants paysages alpins (clochettes…), et avant le retour quasi mystique de la nuit, la partition consomme en une virtuosité inégalée les recettes les plus efficaces de la musique à programme. 9 Erich Wolfgang Korngold En acceptant, en 1934, la proposition de Max Reinhardt de colla- borer à l’adaptation cinématographique du Songe d’une nuit d’été, Korngold allait accomplir la première étape de son destin d’exilé. Comme il le confiait lui-même, les événements politiques en furent le second déclencheur : « Nous nous considérions comme Viennois, Hitler fit de nous des Juifs ». Impressionnée par la qualité de la partition livrée pour Le Songe d’une nuit d’été et par l’ampleur de la musique composée ensuite pour le film de Michael Curtis, Captain Blood (1935), la société Warner Brothers lui proposa en 1938 de retrouver Errol Flynn et Olivia De Havilland dans The Adventures of Robin Hood. Korngold se trouvait alors à Hollywood et la nouvelle de l’Anschluß devait sceller son destin. Il ne reverrait Vienne qu’en 1949. Les musiques de film de Korngold ont rapidement relégué à l’arrière-plan sa production savante et contribué à affaiblir son aura de compositeur en Europe.