Des Femmes Poitevines D'exception
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Des femmes poitevines d’exception Suzanne Cassou de Saint-Mathurin (1900-1991). Les découvertes des deux femmes sont des blocs présentant des figurations sculptées, gravées et parfois Suzanne de Saint-Mathurin est née le 19 juillet peintes de bisons, de chevaux, de bouquetins, de félins et 1900 au Logis de La Salle au Mung, en Charente- le portrait d'un homme. Ces blocs sont en réalité des Maritime. fragments du plafond effondré de la cave Taillebourg. Bachelière à 17 ans, elle décide contre la volonté Seul un bison sculpté et peint est resté en place sur la paternelle de faire des études de médecine, et quitte la voûte. Saintonge en 1921. Elle prépare et obtient une licence d’enseignement des sciences naturelles. Pratiquant l’anglais dès sa petite enfance avec sa mère, elle part comme lectrice à St Hilda’s College (université d’Oxford) et prépare en quatre ans, sous la direction de Rudler, une thèse sur « l’influence des idées biologiques de Diderot sur son œuvre romanesque ». Elle étudie notamment la correspondance échangée entre Diderot et Catherine II. Elle soutient sa thèse en 1931, et reçoit le titre de Bachelor of Letters, équivalant alors de notre doctorat d’université. C’est dans le cadre de ce travail qu’elle s’intéresse à Erasme Darwin, grand-père de Charles Darwin, et aux Roc-aux-Sorciers, frise sculptée et gravée problèmes de l’origine de l’humanité. Par sa rencontre avec l’abbé Breuil en 1932, elle La frise sculptée in situ est découverte dès 1950. s’oriente plus spécialement vers la préhistoire, en classant Elle est composée de bisons, de chevaux, de bouquetins, avec lui les collections d’art préhistorique du Muséum de félins, de corps de femmes, sans tête ni pieds, de d’histoire naturelle de Bordeaux, celles de Pair-non-Pair visages humains. (Prignac-et-Marcamps, Gironde). Une solide amitié se Le Roc-aux-Sorciers est un abri sous-roche occupé forge, et elle visite avec lui de nombreuses grottes ornées à plusieurs reprises au cours de la période dite du en France et à l’étranger. Magdalénien (du nom du lieu-dit “La Madeleine” en C’est son ami, l’abbé Breuil qui l’invite à partir Périgord) il y a 15 000 ans. Il se situe dans la Vienne à 1,5 avec Dorothy Garrod étudier les grottes de Palestine. Elle kilomètre d’Angles-sur-L’Anglin, classé plus beau village rencontre également Germaine (Minne) Henri-Martin et de France. participe aux fouilles de la Quina (Charente), puis à la fouille de Fontéchevade. À la fin des années soixante, Suzanne Cassou de Saint-Mathurin est nommée chargée de mission au Après avoir visité la grotte de La Marche à Lussac- musée d’Archéologie nationale. En 1976, elle fait don au les-Châteaux avec l’abbé Breuil, elle décide de reprendre musée d’une sélection de blocs sculptés, gravés et peints les recherches sur le site du Roc-aux-Sorciers en 1946 en provenant du plafond effondré du gisement. Ces blocs associant Dorothy Garrod qui accepte de fouiller avec sont encore actuellement présentés au musée. elle. Elles découvrent ensemble les sculptures pariétales. Suzanne Cassou de Saint-Mathurin collabore sur Elles bénéficient de subventions de la Wenner-Gren le terrain et pour les publications, bien qu’elle n’en ait Foundation de New-York. Pour les besoins de la fouille, signé que très peu. Chevalier de l’ordre national du elle arme un bateau à La Rochelle, utilise ses talents de Mérite, Fellow of the Society of Antiquaries of London, dessinatrice et crée des modèles pour le Bon Marché à elle décède le 28 août 1991. Paris. Elle lègue le gisement à l’État et l’ensemble de ses Après le décès de Dorothy Garrod en 1968, Suzanne de collections et archives au musée d’Archéologie nationale. Saint-Mathurin continue l’analyse de ses fouilles. Elle donne aussi à l'Etat la reconstitution de la tête d'homme gravée et peinte d'Angles-sur-l'Anglin, dont elle avait fait l'acquisition. Suzanne de Saint-Mathurin laisse une découverte exceptionnelle : l’abri sculpté magdalénien du Roc-aux- Sorciers. Suzanne Cassou de Saint-Mathurin. Angle-sur-L’Anglin 6 Marie Baranger (1902-2003). France Bloch-Sérazin (1913-1943). Marie-Mélanie Baranger est née à Angoulême le 26 France Bloch appartient à une famille d'intellectuels : février 1802. son père, Jean-Richard Bloch, est un écrivain et journaliste renommé, compagnon de route du Parti communiste fran- Marie Baranger a consacré sa vie à la peinture et à çais. Il s’installe à Poitiers en 1911. l’expression du sacré. La formation qu'elle acquiert, dès 1927, Élevée à La Mérigote à Poitiers, France obtient une dans l'Atelier d'Art Sacré de Maurice Denis va orienter toute licence de physique-chimie à l'université de Poitiers en 1934 sa vie. Puis elle étudie la technique de la fresque « avec son et travaille ensuite comme chercheur à l’Institut de chimie à vieux maître Paul Baudoin ». Paris. Elle adhère pendant la guerre d’Espagne au Mouve- Son activité est impressionnante. Jusqu'en 1986, elle ment contre la guerre et le fascisme, puis au PCF. Elle orne en France et dans le monde un grand nombre d'édifices, épouse, en 1939, Frédo Sérazin, ouvrier métallurgiste, leader religieux ou civils : en Poitou-Charentes, les églises de Migné- syndical et militant communiste, avec qui elle aura un fils, Auxances (Vienne, 1933-1956), de Sainte-Thérèse de la Cueille Roland. (Poitiers, 1934-1935), de Chantecorps (Deux-Sèvres, 1941), de Blaslay (Vienne, 1943-1944), la mairie de Montreuil-Bonnin (Vienne, 1945). Réfugiée dans les Landes pendant une partie de la guerre, et vraisemblablement à la demande de quelques curés, elle réalise plusieurs programmes de peinture à fresque. La plus importante de ces réalisations fut sans conteste celle de Saint-Pierre-du-Mont, totalement détruite dans les années 1980. Marie Baranger se lance dans ses premiers grands voyages à partir de 1949. Rome l’a chargée de préparer l’exposition missionnaire Après l'instauration du régime de Vichy, elle est prévue en 1950. Ainsi voyage-t-elle à travers l’Afrique de renvoyée de son laboratoire en tant que juive et communiste, l’Ouest : Sénégal, Haute-Volta (Burkina Faso), Guinée, Côte et doit donner des leçons particulières pour vivre. En 1941, d'Ivoire, Togo… Son projet permanent est d’adapter la symbo- elle rejoint le Laboratoire de l’Identité judiciaire de la Préfec- lique et les objets du culte catholique aux Églises émergentes ture de Paris, quai des Orfèvres. des régions encore colonisées et à leurs cultures particulières. Elle participe aux premiers groupes de résistance Mais cela surtout à travers la sensibilisation et la formation communiste de Francs-tireurs et partisans dirigé par d’artisans et d’artistes locaux chargés de décorer eux-mêmes Raymond Losserand, futur commandant des FFI (Forces leurs églises avec leur technique et leur symbolique propre. françaises de l'intérieur) et installe un petit laboratoire de Forte de ses expériences, elle est conviée en 1965, en qualité chimie dans son deux-pièces au, 1 avenue Debidour, chez le d’experte, à participer aux travaux du Concile Vatican II. résistant originaire d'Hambourg, Théo Kroliczek, près de la place du Danube dans le 19e arrondissement. En liaison avec le colonel Dumont, de l'Organisation spéciale, elle fabrique alors des explosifs utilisés lors de la vague d'attentats organi- sés à partir d'août 1941 par les Bataillons de la Jeunesse, du colonel Fabien, Gilbert Brustlein et Fernand Zalkinow. Marcel Paul parle du courage de cette femme d'un mètre cinquante sept qui ressemble à Sarah Bernhardt et qui participe aux opérations contre la cartonnerie allemande de Saint-Ouen, les voies ferrées, un pylône stratégique d'Orléans et quatre vingt chevaux qui furent empoisonnés à la strychnine. Le 11 février 1942, Yves Kermen prend le métro pour la rencontrer à la station Quai de la Rapée. La voyant interpellée par deux policiers, il fait feu, blesse un policier à la jambe et lui permet de s'enfuir dans la rame qui Saint-Michel de Poitiers. s'en va. Il est arrêté. Suite aux procès du Palais Bourbon et de la Maison de la Chimie, elle est arrêtée par la police française avec soixante -huit camarades, le 16 mai 1942. Après quatre mois d'interrogatoires et de tortures, dans une cellule de la Prison de la Santé, proche de celle de Marie-José Chombart de Lauwe, elle est condamnée à la peine de mort par un tribunal militaire allemand le 30 septembre 1942, avec dix-huit coïnculpés qui sont immédiatement exécutés. La peine de mort pour femmes en France étant interdite, elle est déportée le 10 décembre 1942 en Allemagne et enfermée dans la prison de Lübeck-Lauerhof. Elle est guillotinée à Hambourg le 12 février 1943 dans la cour de la maison d'arrêt de Holstenglacis-Wallanlagen. Église Sainte Thérèse et Sainte Jeanne d’Arc à Poitiers. 7 .