Thierry Dubois Sommaire Introduction 5 Introduction 120 Les 400 000 kilomètres de François Lecot En quête de documentation pour mes dessins, je profitais d’un voyage 7 Généralités 122 La Traversée de à Clermont-Ferrand en 1995 pour prendre mes premières photos sur la 10 2000 Ans d’Histoire Nationale 7. Puis, me prenant au jeu, je commençais à chercher des vieilles 126 La Route Bleue cartes postales, et des ouvrages sur le sujet (il n’y en avait pas beaucoup). La Nationale 7 de à Lyon La Nationale 7 de Lyon à la Méditerranée 18 • Paris – 134 • Lyon – Valence Le hobby est devenu une passion, et j’ai commencé à parcourir régulière- 26 • Fontainebleau – 142 • Valence – Montélimar ment la Nationale 7, puis la Nationale 6 car j’ai vite compris qu’elles étaient 32 • Montargis – Consne-sur-Loire 150 • Montélimar – indissociables. J’ai rencontré beaucoup de monde, des riverains, des historiens, des passionnés et des élus qui sont souvent devenus des amis. Tout cela forme 38 • Cosne-sur-Loire – 160 • Avignon – Aix-en- maintenant un vrai réseau de connaissances, qui s’enrichit tous les jours. 40 • Nevers – Moulins 168 • Aix-en-Provence – Fréjus 48 • Moulins – La Côte d’Azur Après « La Route Paris-Côte-d’Azur » paru en 2003, il était temps de présenter 56 • Roanne – Lyon 182 • L’Estérel un nouvel ouvrage sur la Nationale 7, plus complet, plus historique aussi, pour La Nationale 6 de Paris à Lyon 188 • La Riviera partager cette passion avec le plus grand nombre. Le choix n’a pas été facile pour trier et choisir les documents, mais j’ai tenu à en mettre un maximum, pour illustrer 62 • Paris – 194 • Les Corniches la richesse et la diversité qui caractérisent la plus mythique des routes françaises. 70 • Sens – 202 La Nationale 7 Aujourd’hui 78 • Auxerre – 206 Remerciements J’ose espérer que vous aurez autant de plaisir à le lire que j’en ai eu à l’écrire. Et que, 86 • Avallon – Saulieu la dernière page tournée, vous n’aurez qu’une envie, partir au plus vite la parcourir, 94 • Saulieu – Chagny cette sacrée Nationale 7 ! 104 • Chagny – Mâcon Thierry Dubois, La Garenne-Colombes, mars 2010 112 • Mâcon – Lyon

4 5 Généralités « Route des Vacances… Qui traverse la Bourgogne et la Provence… » Lorsqu’il chante Nationale 7 en 1955, Charles Trenet commet la même confusion que la plupart des gens qui prennent la route de Paris la Côte d’Azur… Si la Nationale 7 traverse bien la Provence, celle qui coupe la Bourgogne est la Nationale 6, que certains journalistes nomment parfois « fausse » ou « petite Nationale 7 ». Alors, Nationale 7, Nationale 6 ou Route Bleue ? Il est important de bien planter le décor pour éviter les erreurs, d’autant que chaque route a son intérêt et son histoire… En chantant Nationale 7 en 1955, Charles Trenet l’a fait entrer dans la légende. Carte Postale des années 1960. C’est généralement à partir de Lyon qu’on ­désigne la Nationale 7 comme Route du Soleil. Les bornes, a f­ortiori remplies de nougat de ­Montélimar, sont devenues le symbole de la ­Nationale 7. On en trouve sous toutes les formes, comme ce pot à moutarde déniché sur la table d’un relais routier.

La 7 – Le Mythe Voie Aurélienne, Route Royale ou Impériale, c’est sous le nom de Nationale 7 qu’elle est entrée dans la légende, et c’est surtout après Lyon qu’elle a forgé son mythe. Elle quitte Paris par la Porte d’Italie et descend quasiment plein sud en ligne droite par Montargis et La littérature dite « de Nevers jusqu’à Moulins. Là, laissant la Nationale 9 conti- gare » n’avait pas attendu Charles Trenet pour en faire nuer dans la même direction, elle oblique vers Roanne un mythe ; cette nouvelle de pour arriver à Lyon. Elle suit ensuite la vallée du Rhône Jean Martex est parue en par Vienne, Valence et Montélimar jusqu’à Avignon, 1938… puis repart vers Aix-en-Provence pour traverser la Provence jusqu’à la mer, qu ‘elle atteint près de l’Es- terel. Elle suit alors la Côte d’Azur en sillonant , et jusqu’à la frontière italienne. Dans ses 300 premiers kilomètres, c’est donc beau- coup plus la route qui mène au Massif Central que celle de Lyon, une impression accentuée par l’état et le profil de la chaussée à partir de Moulins qui n’était pas au niveau d’une grande liaison nationale, du moins jusqu’aux années 1960. Ceci expliquant aussi la préférence de beaucoup pour la Nationale 6. Une fois à Lyon, il n’y avait pas d’alternative et il fallait suivre la RN7 jusqu’au bout ! Son déclassement partiel en route départementale depuis 2006 ne l’a pas fait complètement disparaître… Il a plutôt renforcé le mythe, et suscité l’intérêt de tous, en témoignent les nombreuses publications qui fleurissent sur le sujet !

6 7 L’Hôtel Neuf à Pouilly- sur-Loire (Nièvre). On est Carte itinéraire éditée par les Grands encore loin des « rivages du Hôtels de la Route Paris Nice dans les Midi » chantés par Charles années 1950. Sur la couverture figure Trenet… les étapes où l’on trouve ces hôtels ! À Pont-Royal (Bouches- Publicité pour la Ford Vedette, en 1950 : du-Rhône), la Nationale 7 pas de texte, juste une évocation de la correspond plus à ce qu’on route, en l’occurrence la Nationale 6 à imagine. On entendrait La Rochepot. presque les cigales chanter ! Guide de la Route Bleue, édition 1 952. Guide des Hôtels PCA (Paris Côte d’Azur). Ces hôtels La Côte-d’Or et l’Hôtel de la Poste à étaient facilement iden- Saulieu, étape gastronomique obliga- tifiables par un panneau toire sur la Nationale 6, à mi-chemin tricolore. On les retrouvait de la route Paris Lyon. indifféremment sur la N7, la N6 ou même la Route Ces plaques émaillées jalonnaient la Napoléon. Route Bleue sur tout son parcours.

La caractérisée par la célèbre côte de la Rochepot, restait de l’itinéraire Paris – Côte d’Azur par Saint-Etienne, C’est l’autre route de Lyon, celle de la Bourgogne. difficile l’hiver… C’est le même itinéraire qui a été lequel présente quelques avantages : il est plus court Paradoxalement, on parle toujours de la Nationale 7 choisi pour faire passer l’autoroute du Sud entre Paris que celui de Lyon dont on évite la traversée, et passe alors que trois fois plus de monde prenait la Nationale et Lyon. par le Col de Grand Bois dans la Loire, à 1 161 m d’alti- 6 pour descendre à Lyon… Tout en étant généra- À Lyon, la Nationale 6 coupait la ville puis partait tude, ce qui en exclut les poids lourds. lement persuadé d’être sur la Nationale 7, comme vers les Alpes jusqu’au Col du Mont-Cenis, mais cette La Route Bleue suivait donc la RN7 jusqu’à Roanne, Charles Trenet ! Pour couronner le tout, la route avait portion sort du cadre de cet ouvrage. elle s’en détachait ensuite pour se joindre à la RN82 deux numéros à l’origine : on sortait de la région par Saint-Etienne et Annonay jusqu’à Saint-Vallier et parisienne par la RN5, la « Route Blanche » de Paris La Route Bleue Valence. Là, elle retrouvait la Nationale 7 et la suivait à Genève. On la quittait à dans l’, pour Nous venons de voir qu’il y avait à peu près trois fois jusqu’à . Elle était balisée par des plaques suivre la RN6 qui s’en détachait pour descendre sur plus de véhicules qui choisissaient la RN6 plutôt que la émaillées et de grands panneaux bleus à lettres Auxerre et Chalon-sur-Saône. En 1978, la RN5 sera RN7 jusqu’à Lyon, une situation qui irritait un peu les blanches. Dans les années 1950, forte de son succès, déclassée en grande partie et son tracé repris en tota- professionnels du tourisme et de l’automobile situés on va l’étendre pour la faire partir de Hollande et lité depuis Paris par la RN6. sur la « vraie » Nationale 7. Quant aux habitants de de Belgique (!), puis proposer des alternatives, par C’était aussi l’axe le plus fréquenté de , et exemple par et … Juillet 1955. Le trafic est Saint-Etienne, dans la Loire, ils ne voyaient pas beau- plutôt chargé sur la RN6 qui pas seulement par les vacanciers : toute l’année, coup de vacanciers, ceux-ci passant plutôt à droite traverse Sainte-Magnance, les camions l’empruntaient pour livrer les fruits, les (Lyon) ou à gauche (Clermont-Ferrand) pour rejoindre Ce sera son chant du cygne, la Route Bleue ne dans l’Yonne. légumes et les vins du Midi. Le parcours était un peu la Méditerranée… On crée donc en 1933 une asso- survivra pas longtemps à l’ouverture de l’autoroute Saint-Etienne, capitale de la plus court que celui de la Nationale 7, plus roulant ciation, la Route Bleue, dont le comité basé à Saint- qui gagnera vite la préférence des automobilistes, Route Bleue. et en meilleur état, même si la traversée du Morvan, Etienne est chargé de faire la promotion touristique pressés d’arriver à la mer !

8 9 2000 ans D’histoire Lorsqu’on évoque la Nationale 7, on pense tout de suite à la route des vacances… Pourtant, l’histoire de la Nationale 7 est intimement liée à celle de la France, qu’elle traverse depuis plus de vingt siècles.

Ces ruines d’une ancienne Les Voies Romaines « Via Aurelia » qui longeait la côte depuis est globalement le tracé de la Nationale 6. Construites L’ de Triomphe voie romaine étaient encore d’Orange, que contourne visibles près de Vienne au S’il existait vraisemblablement des chemins avant l’ar- prolongée en Gaule jusqu’à . Son tracé s’ap- généralement par les soldats pour les occuper en la ­Nationale 7, est l’un milieu du XIXe siècle. rivée des Romains, nous n’en avons que peu de traces. parente à celui de la Nationale 7 d’Aix-en-Provence temps de paix, les voies romaines sont le plus souvent des plus beaux qui soient C’est à partir du Ier siècle avant Jésus-Christ que ceux-ci à Menton. Marcus Agrippa, gendre de l’empereur rectilignes, pour couper au plus court, et parce que les parvenus jusqu’à nous. commencent à conquérir et à coloniser la Gaule, en Auguste, détermine le schéma des routes à construire chariots n’ont pas d’avant-train tournant : ils doivent Le village de , entre commençant par la Provence, la « Provincia » romaine. Nice et Menton, se trouve à partir de Lyon, capitale des Gaules. Quatre grandes donc riper dans les virages. Contrairement aux idées sur l’ancienne « Via Julia Le pays est rapidement quadrillé par un réseau de directions principales sont repérées : vers Rome reçues, les routes ne sont dallées qu’à l’approche des Aurelia », la Voie Aurélienne. routes qui permettent de faciliter les liaisons et d’as- par la vallée du Rhône, vers l’Espagne, l’Ouest et le villes. Sur le reste du parcours, c’est plutôt un chemin surer rapidement la sécurité. La Voie Aurélienne, la Nord. Cette dernière voie, qui passe par , suit empierré, entretenu par les riverains sous forme de

10 11 L’Auberge de la Tête Noire à Saint-Symphorien-de-Lay (Loire), construite à la fin du XVe siècle, est certainement l’une des plus vieilles de France. Le dessinateur a sûrement exagéré quelque peu la taille et les capacités de ce coche qui vient de s’arrêter à Moulins, dans l’Allier, au début du XIXe siècle. Le pont des Belles Fon- taines à Juvisy-sur-Orge témoigne du savoir-faire des ingénieurs des Ponts et chaussées au début du XVIIIe siècle.

Au siècle suivant, on commence même à trouver des transports réguliers de voyageurs sur les routes. La première « Guide des chemins de France » (le mot est féminin à l’époque) est publiée en 1552 par Charles Estienne, qui y indique les distances, les auberges et les curiosités. La route, en ce temps-là n’est pas pavée mais empierrée plus ou moins régulièrement. Sully, le premier ministre d’Henri IV, sera le premier à faire planter régulièrement des ormes sur les côtés, pour le confort des équipages et la production de bois. Il instaurera aussi la Corvée, un impôt particulièrement impopulaire qui oblige tous les riverains à venir entre- tenir la chaussée quelques jours par an, avec leurs outils.

Les Ponts et Chaussées Les XVIIe et XVIIIe siècles marquent le renforcement du pouvoir royal. Les routes deviennent plus sûres et mieux entretenues. En 1716, l’Administration des Ponts & Chaussées voit officiellement le jour. Ses travaux seront consacrés à la construction, à la mise au gabarit et à l’alignement des routes et des ouvrages L’ancienne route de poste, corvée. Elles sont jalonnées par les bornes miliaires des villages. Il y a bien une poignée de voyageurs, des d’art. Jusque-là, il n’est pas rare de voir les chemins que l’on peut toujours suivre dans le Massif de l’Esterel, (à peu près tous les 1 500 mètres). On y trouve marchands qui se rendent dans les foires, et des péle- effectuer de larges détours pour éviter telle ou telle reprenait le cheminement des relais (mutatio) tous les dix kilomètres, et des rins, mais les routes sont peu sûres, d’autant que le partie, ou pour desservir au contraire un village, en de la voie romaine. auberges (mansio) tous les deux ou trois relais. pays est couvert de forêts. La guerre de Cent Ans laisse fonction de la puissance du seigneur des lieux. On le pays exsangue. Des troupes de brigands, souvent commence à paver régulièrement les chaussées, Les routes de poste formées de soldats ou de mercenaires démobilisés, même si c’est au détriment du confort : l’important La période de troubles qui suit l’effondrement de parcourent le pays en tous sens, vivant de rapines est de les garder les plus sèches possible, et d’évacuer l’Empire romain et les grandes invasions barbares et de pillage. C’est Louis XI, à la fin du XVe siècle qui rapidement l’eau pour éviter les déformations et vont laisser le réseau de voies romaines tel quel, sans va restructurer la France et lui rendre un réseau de les ornières. Par temps sec, on circule souvent sur la entretien. La période féodale qui lui succède n’est pas communication efficace. Il crée les routes de poste, terre, à côté du chemin, et en cas de pluie, on monte favorable à sa remise en état. Tout juste se contente- un système de relais, inspiré des Romains, qui permet sur le pavé ! Certains d’entre eux survivront jusqu’au t-on d’aménager les chemins autour des châteaux et de transmettre les nouvelles très vite. XXe siècle. Plusieurs ponts sont construits, toujours

12 13 Les malles-poste emmenaient le en service aujourd’hui : le pont des Belles Fontaines courrier et parfois un passager. C’est un modèle similaire qui fut victime de à Juvisy, ceux de Nevers, de Joigny, de Livron, etc. l’attaque du courrier de Lyon, en 1796. Parallèlement, une cartographie précise de la France Une plaque de cocher voisine avec est levée par la famille Cassini, qui donne aujourd’hui un panneau Michelin à Saint-Martin- une vision très nette des infrastructures du pays. ­d’Estréaux (Loire) La Corvée sera définitivement supprimée quelques années avant la Révolution. Sous l’Empire sort le décret du 16 décembre 1811 qui numérote et classe les routes. La Nationale 7 est à l’époque la Route Impériale N° 8 de Paris à Rome. Napoléon ordonnera aussi la construction de nouvelles liaisons, comme la Grande Corniche entre Nice et Menton sur les L’Hôtel de la Poste à traces de la Voie Apienne, où la future Nationale 82 (Loiret), un vieuxrelais vers Saint-Etienne, par où passera ensuite la Route aujourd’hui disparu. Bleue. Toutes ces routes sont reclassées royales en Ancienne borne royale encore visible à Rouvray 1823, nationales en 1830, à nouveau impériales en (Côte-d’Or). On distingue 1 853 et définitivement nationales en 1 871 ! L’arrivée encore la fleur de lys qui du chemin de fer au milieu du XIXe siècle, qui voit voyage Paris-Lyon à bord d’un tricycle à vapeur en ornait la partie supérieure. quasiment disparaître le transport routier, pose 1890. Hyppolite Panhard descend de Paris à Nice en Léon Serpollet et Ernest une grave question : doit-on garder un réseau de 1893. Trois ans plus tard à lieu la première course Archdéacon au départ du premier voyage automobile routes nationales, ne faudrait-il pas plutôt construire Paris-Marseille-Paris. Les frères Michelin, fabricants de de Paris à Lyon, en janvier un réseau de chemins en étoile autour des gares ? pneus à Clermont-Ferrand, n’hésitent pas à faire un 1890. guide à l’usage des automobilistes. L’édition 1900 est Le siècle de l’automobile tirée à 35 000 exemplaires, alors qu’il ne circule que Ce sont le vélo et l’automobile, qui vont apporter la 300 voitures en France ! Le Touring Club de France réponse à la question. Si beaucoup considèrent ces subventionne en 1903 la construction de la Corniche nouvelles inventions comme de charmants passe- d’Or entre Saint-Raphaël et Cannes, et parvient temps pour riches oisifs désœuvrés, certains les voient même à la faire classer Nationale 7… La Première comme les vecteurs futurs du tourisme et du voyage, Guerre mondiale va démontrer les exceptionnelles et ils ont raison. Eugène Serpollet effectue le premier qualités du transport routier et le populariser : l’avenir

14 15 L’âge d’or de la Nationale 7 Pourtant, une nouvelle génération d’automobiles, plus abordables, est en train de voir le jour, à l’image de la 4 CV Renault et de la 2 CV Citroën sorties juste après la guerre. On s’aperçoit vite que le réseau existant sera vite saturé, et que de simples aména- gements locaux ne suffiront pas. On crée donc en 1951 le Fond Spécial d’Investissement Routier, chargé de l’étude des premières liaisons autoroutières. Les travaux commencent en 1953 sur l’Autoroute du Sud, et la première section est achevée en 1960. Ces années seront caractérisées par l’augmentation du trafic, qui génère d’invraisemblables embouteillages La Corniche d’Or construite appartient à l’automobile et au transport individuel… au moment des migrations estivales, et par la mise en à l’initiative du Touring Club de France entre Saint- On commence donc à goudronner les chaussées service progressive de portions autoroutières à diffé- Raphaël et Cannes, est dans les années 1920 pour lutter contre la poussière, rents endroits… C’est l’âge d’or de la Nationale 7, dont inaugurée en 1903. et l’idée d’une automobile populaire commence à le moindre bouchon, relayé par les journaux radiodif- Au bout de la Nationale 7, faire son chemin. On construit la Moyenne Corniche fusés, est connu de tous les Français. Pas une revue, il y a la douane, puis pas un journal qui ne fasse sa série d’articles sur les l’Italie… Douaniers italiens pour aller encore plus vite de Nice à Menton et on au poste frontière du pont prévoit d’aménager certaines routes pour supprimer embarras de l’été, à commencer par la Nationale 7 ! Saint-Louis, Menton, 1949. les passages à niveau et contourner les localités. Cet En 1970, l’autoroute est enfin ouverte de Paris à essor sera brisé en 1939 par le second conflit mondial, Marseille dans sa totalité, elle atteindra Nice en 1976. qui voit la destruction de milliers d’ouvrages d’art et On entre dans une nouvelle époque, plus rapide la dégradation de l’ensemble du réseau routier. À la certes, mais beaucoup moins poétique… Libération, l’heure est à la reconstruction. et soumise au péage !

16 17 N Paris Quelques centaines de mètres plus loin, plus aucune L’ouverture du M.I.N. (Marché d’Intérêt National) de 7 trace aujourd’hui du carrefour de la Belle Épine, qui en 1969, qui remplace les anciennes Halles de a disparu depuis 1968 sous le centre commercial du Paris, a également généré une très forte activité dans Fontainebleau même nom et l’autoroute A86. À l’origine, la RN7 y le secteur. croisait la RN186, qui fait le tour de la région parisienne.

Le carrefour de la Belle Épine à au début du XXe siècle. Difficile d’imagi- ner que cet environnement bucolique disparaîtra dans les années 1960 sous le premier centre commercial régional d’Île de France et l’autoroute A86 ! Un torpédo Donnet stationne sur la Nationale 7 à , dans les années 1930. Les tramways de la ligne 85 emmenaient leurs passagers de Châtelet à l’asile de Villejuif. Cette borne est toujours en place près du centre commercial Belle Épine. La banlieue parisienne Depuis 1924 une plaque de cuivre sur le parvis de qui bordaient depuis les années 1950 la ­route Notre-Dame indique le point zéro des routes de de Fontainebleau, entre Thiais et Chevilly-Larue : France au départ de Paris. C’est donc là que nait combien d’autos, qui feraient aujourd’hui le bonheur officiellement la Nationale 7, mais elle ne se maté- des collectionneurs, ont tristement terminé ici leur rialise qu’à partir de la Porte d’Italie. Il faut d’ailleurs carrière, sous le chalumeau des ferrailleurs ? Une noter que c’est la seule porte parisienne à posséder entrée monumentale se dresse à gauche de la route : le nom d’une destination étrangère. il s’agit du cimetière parisien de Thiais, ouvert en La RN7 quitte Paris et va traverser toute la banlieue 1929. Surnommé « Le cimetière des pauvres », on y Sud en commençant par le Kremlin-Bicêtre, où la trouvait le carré des condamnés à mort et les fosses grosse horloge des charcuteries « Géo » indiquait communes. L’unique personnalité qui y repose ­encore l’heure de départ. Elle monte ensuite sur Villejuif, est l’ancien roi Zog Ier d’Albanie, mort en 1965. C’est ici dont l’étroitesse du ­centre-ville nécessita très tôt que furent inhumées les victimes anonymes de la l’aménagement d’une déviation, qui fut ouverte en ­canicule de 2003. 1935, une première sur la Nationale 7. Les récents aménagements et la construction du tramway ont fait fuir les nombreux casseurs

Le « Point Zéro » des routes de France, sur le ­parvis de Notre- Dame, permet le calcul des ­distances de toutes les routes au départ de ­Paris. Ce panneau Michelin trône toujours au-dessus du boulevard périphérique, Porte d’Italie.

18 19 a nécessité la pose d’arcs-boutants intermédiaires y fera une ­démonstration en 1909 avant de s’envoler qui donnent l’impression d’avoir deux ponts super- pour la traversée de la Manche. Situé dans une posés. Au-dessus, on avait placé deux fontaines cuvette, Port-Aviation ne survivra pas à la guerre de qui recueillaient l’eau des sources avoisinantes et 1914-2018. Un seul hangar témoigne aujourd’hui de permettaient d’abreuver les chevaux au passage, ce morceau d’histoire de ­l’aviation. l’une des premières stations-service de la Nationale 7 ! Continuant son cheminement quasi rectiligne, la Surmontées de deux groupes majestueux dus au Nationale 7 passe le long des étangs de Grigny avant ciseau du sculpteur Guillaume Coustou, elles lui d’aborder la côte de Ris-Orangis, presque aussi redou- vaudront son nom de « Pont des Belles Fontaines ». table que celle de Juvisy. Le vieux bourg, assez étroit, L’élargissement de la chaussée en 1970 a malheu- formait alors un véritable verrou pour la ­circulation. Il reusement rendu obligatoire le ­démontage a été complètement rasé au début des années 1970, Ces deux hangars géants, des fontaines qui se trouvent aujourd’hui et seule l’église en rappelle le ­souvenir. Plus large et destinés aux ballons diri- dans le parc de la mairie. Après le pont, rectiligne, la route continue vers Evry, passant juste geables, n’ont pas survécu aux bombardements de rien n’indique « Port-Aviation », le entre le vieux village d’Evry-Petit-Bourg et la ville l’aérodrome d’ en 1944. ­premier véritable aérodrome ­français nouvelle, préfecture du nouveau ­département La Nationale 7 passe aménagé à Viry-Châtillon. Blériot de l’Essonne créé en 1964. sous l’aéroport d’Orly depuis 1960. étaient généralement installés dans les années 1920, sont expropriés et voient leurs pavillons démolis. Le vieux relais de poste, qui datait du XVIIe siècle, est détruit sans état d’âme, puisqu’il se trouve à l’endroit même où sera construite la nouvelle aérogare. Quant à la Nationale 7, elle est déviée sur un grand tronçon pour passer dessous. Le nouvel aéroport d’Orly est inauguré par le général de Gaulle le 24 février 1961. En 1971, l’aérogare prendra le nom d’Orly-Sud et une autre sera mise en service : Orly-Ouest.

Le pont des Belles Fontaines En quittant Orly, la Nationale 7 traverse Athis-Mons et Juvisy-sur-Orge. Une pyramide se trouve au carrefour des deux communes. Elle fut élevée en l’honneur de la famille Cassini, dont quatre générations se sont succédé pour établir la première carte précise de la L'aéroport d'Orly France, entre 1756 et 1815, levée par triangulation La Nationale 7 arrive ensuite à l’aéroport d’Orly. Créé en géodésique. Peu après, on trouve sur la gauche l’ob- 1917, il se cantonnait alors dans la partie Est de la route, servatoire de Camille Flammarion (1842-1925), le père en face du vieux relais de poste de ­Paray. Il fut long- de l’astronomie populaire, bâti dans l’ancien relais de temps géré par la Marine Nationale, qui y construisit poste dit de « la Cour de France » : c’est dans ce même en 1923 deux gigantesques hangars à ­dirigeables en relais que Napoléon Ier apprendra la capitulation de béton de 300 mètres de long pour 90 de haut. Visibles Paris le 30 mars 1814 et repartira pour Fontainebleau. de très loin et très spectaculaires, ils seront fortement La route descend ensuite vers la vallée de l’Orge qui endommagés par un bombardement en 1944 et rejoint la Seine à cet endroit. Elle accusait autrefois détruits deux ans plus tard. Le ­Bourget, principal aéro- jusqu’à 14 % de pente, ce qui la rendait dangereuse port parisien entre les deux guerres s’avérant impos- et totalement impraticable en cas de gel. Ce sera l’un sible à agrandir, la décision est prise après le conflit des premiers chantiers de la nouvelle Administration de doubler la superficie d’Orly et d’en faire le premier des Ponts et Chaussées fondée en 1716 : réduction aéroport parisien. Les travaux, d’une ampleur pharao- de la pente par la construction d’un long talus incliné nique, commencent en 1954. Plus de 2000 habitants sur lequel passe la route et installation d’un nouveau de la petite commune de ­Paray-Vieille-Poste qui s’y pont au-dessus de l’Orge. L’ouvrage, achevé en 1728,

20 21 La campagne Au Plessis-Chenet, on aperçoit les premiers champs cultivés, remplacés petit à petit par des lotissements. Pour élargir la route et faciliter la circulation, tout un côté du village a même été détruit. La Nationale 7 entre ensuite en Seine-et-Marne et arrive à Saint-Fargeaux-Ponthierry, né aussi de la ­fusion des deux communes. Ponthierry se trouvait à ­l’origine sur la route de poste, un simple chemin empierré jusqu’au XVIIIe siècle. À la fin du règne de Louis XIV, elle fut aménagée pour permettre au roi et à la cour de se rendre à Fontainebleau dans de meilleures conditions : élargie à 24 mètres, bordée d’arbres et pavée en son milieu. Ces pavés survivront plus de Borne Michelin des années deux siècles avant d’être remplacés. Ponthierry était 1930 à Evry. aussi le dernier arrêt pour beaucoup de chauffeurs La Pyramide de Cassini, La « Nationale » était une station-service Shell située en haut routiers qui remontaient vers la capitale. Le Rendez- à l’entrée de Juvisy-sur- de la côte de Ris-Orangis, ouverte dans les années 1930. Les Orge. Notez la grosse borne bâtiments existent toujours, mais ils ont perdu leur caractère art Vous des Cyclistes était leur restaurant. La circulation Michelin de l’autre côté déco qui en faisait le charme… était dangereuse dans le bourg. En 1954, on y installe de la route. le premier téléphone du secours routier, une initiative Corbeil-Essonnes du Touring Club de France pour faciliter les ­secours. La RN7 redescend ensuite vers Corbeil-Essonnes. Aujourd’hui, la commune continue d’œuvrer pour Les deux communes ont fusionné en 1951. Jusqu’au la sécurité routière, multipliant les campagnes de XIXe siècle, on utilisait surtout les coches d’eau pour sensibilisation. voyager et remonter la Seine. La première escale était Corbeil, où plusieurs moulins y préparaient le grain pour la capitale. Les bateaux, qui assuraient aussi le ravitaillement, étaient surnommés « corbillat » puis « corbillard ». Comme ils ramenaient parfois le corps d’une personne décédée, le mot est entré dans le langage courant. Après la côte de Corbeil, un étrange monument attirait l’attention sur le bord de la route : une voiture complètement fracassée trônait sur un piédestal, sous la phrase : « Soyez Prudent sur la ­Route ! » C’était une des premières campagnes de sécurité routière, financée par les compagnies d’assurance. L’observatoire de Camille Flammarion à Juvisy, installé dans un ancien relais de poste, « À la Cour de France ». Plaque Michelin au Plessis-Chenet. La traversée de Corbeil dans les années 1950.

22 23 La traversée de Ponthierry vers 1950, avant l’abattage des arbres et l’élargissement de la chaussée. L’obélisque de ­Fontainebleau, dressé en 1783 en l’honneur de la reine Marie-Antoinette au carrefour des deux routes de Lyon. La Nationale 7 est restée Petit guide Michelin pavée longtemps dans la sur Fontainebleau et traversée des villes, comme sa région : comment ici, à Chailly-en-Bière, s’y rendre, où manger, en 1955. que visiter ? (1950).

Après Pringy, la Nationale 7 oblique vers le Sud. Près de Villiers-en-Bière, un grand rond-point sécurise le croisement de la route -Milly-la-Forêt. Il faut dire que l’endroit, malgré plusieurs aménagements successifs depuis les années 1950 porte toujours le nom de « Carrefour de la Mort ». La Nationale 7 traverse ensuite Chailly-en-Bière. La « Bière » est l’ancien nom de la forêt de ­Fontainebleau. Cette ancienne étape de poste, où Napoléon s’arrêta en avril 1815 au retour de l’île d’Elbe, est ­mondialement connue grâce à un tableau, de Jean-François Millet (1814-1875), « ­L’Angélus » où l’on aperçoit le clocher de Chailly.

Le carrefour de l’Obélisque On arrive ensuite dans la forêt de Fontainebleau. Un restaurant fameux y accueille toujours les voyageurs : L’Auberge du Grand Veneur, réputée pour ses rôtisse- ries. Elle tire son nom de la Croix du même nom, un Le carrefour de l’Obélisque, qui voyait se peu plus loin sur le plateau. La légende raconte que le séparer les deux routes de Lyon, était un endroit stratégique et dangereux, au point fantôme du Grand Veneur (maître des chasses) serait de faire la couverture du journal de la apparu à Henri IV en lui criant : « Amendez-vous ! » Prévention Routière en 1965. La police de la route et la Croix-Rouge y avaient installé La route traverse la forêt sur plus de huit kilomètres leur P.C., visible sur la droite. avant d’arriver à Fontainebleau. On ne voit pas le château de la Nationale 7, qui coupe au plus court pour rejoindre le carrefour de l’Obélisque. Celui-ci fut dressé en 1 786 en l’honneur de la reine Marie- Antoinette. À cet endroit, les deux routes historiques pour Lyon se séparent. Celle de Bourgogne, la RN6, part vers Auxerre, et celle du Bourbonnais, la RN7, continue plein sud vers Moulins.

De luxueuses voitures étrangères sont garées devant L’Auberge du Grand Veneur, à l’entrée de la forêt de Fontainebleau, y compris la Traction Avant qui vient de Grande Bretagne.

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