CONTRIBUTION A LA CONNAISSANCE DE LA PHYLOGÉNIE DES (CRUSTACEA) Contribution to the phylogeny of Isopoda (Crustacea) I Tabacaru, D Danielopol

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I Tabacaru, D Danielopol. CONTRIBUTION A LA CONNAISSANCE DE LA PHYLOGÉNIE DES ISOPODA (CRUSTACEA) Contribution to the phylogeny of Isopoda (Crustacea). Vie et Milieu / Life & Environment, Observatoire Océanologique - Laboratoire Arago, 1999, pp.163-176. ￿hal-03180515￿

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CONTRIBUTION A LA CONNAISSANCE DE LA PHYLOGÉNIE DES ISOPODA (CRUSTACEA) Contribution to the phylogeny of Isopoda (Crustacea)

I. TABACARU*, D.L. DANIELOPOL** Institut de Spéologie « Emile Racovitza » de l'Académie Roumaine, Str.Frumoasa 11, 78114 Bucarest, Roumanie ** Limnologisches Institut, Osterreichische Akademie der Wissenschaften, 5310 Mondsee, Autriche

CRUSTACEA RÉSUMÉ. - Une analyse cladistique ayant pour but de reconstruire les relations ISOPODA phylogénétiques des principales lignées (sous-ordres) des Isopoda d'une part et CLADISTIQUE les relations de ce dernier groupe avec d'autres ordres de Malacostracés d'autre PHYLOGÉNIE part est présentée à partir d'une matrice de 75 et/ou 76 traits morphologiques. Certains de ces caractères sont nouveaux, d'autres ont reçu ici de nouvelles interprétations. La monophylie des Isopoda ressort de cette analyse en utilisant comme extra groupes les ordres des Amphipoda et des Tanaidacea. Les Tanaidacea représentent le groupe frère des Isopoda. Les Phreatoicidea sont le groupe le plus primitif parmi les Isopoda. L'absence de la synapomorphie essentielle des Asellota, c'est-à-dire la conformation spéciale de l'organe copulateur mâle, ainsi que la présence de remarquables autapomorphies, permettent de considérer les Microcer- bérides non pas comme une famille des Aselloidea, mais comme un sous-ordre, les Microcerberoidea, groupe frère des Asellota. L'énigmatique groupe des Cala- bozoidea apparaît comme un groupe frère des Oniscidea.

CRUSTACEA ABSTRACT. - A cladistic analysis of the main isopod lineages (sub-orders) based ISOPODA on 75 and/or 76 morphological traits is presented with the aim of reconstructing CLADISTICS the phylogenetical relationships within the Isopoda and between this latter group PHYLOGENY and other malacostracan orders. Some of the morphological traits are used for the first time, others receive new interprétations. From this analysis, using the Am- phipoda and Tanaidacea orders as outgroups, we infer the monophyletic origin of the Isopoda. Tanaidacea is the sister group of Isopoda. Phreatoicidea represents the most primitive isopod group. The microcerberids, considering their peculiar maie copulatory organ and many autapomorphic traits, are considered, not a family of the Aselloidea, but a sub-order, the Microcerberoidea, the sister group of Asellota. The enigmatic group Calabozoidea appears related to the Oniscidea, as sister group.

INTRODUCTION sur des Poissons ou sur des Crustacés, voire sur d'autres Isopodes, s'installant quelquefois comme hyperparasites (Trilles 1999). Le groupe des Isopodes, considéré par la ma- jorité des auteurs comme un ordre, mais parfois L'étude des relations phylogénétiques entre les comme un sous-ordre (Schram 1986) ou comme groupes majeurs d'Isopodes, malgré l'existence de un super-ordre (Watling 1983), représente l'un des deux travaux importants (Wâgele 1989, Brusca & groupes les plus complexes et les plus diversifiés Wilson 1991), soulève encore de grandes difficul- parmi les Malacostracés. Crustacés très anciens, tés. Dans le présent travail, nous essayons d'ap- car ils ont été trouvés comme fossiles depuis le porter une contribution à l'éclaircissement de la Paléozoïque supérieur, les Isopodes ont peuplé des phylogénie de ce groupe par une nouvelle analyse milieux très divers : mers et océans, depuis le cladistique. Notre contribution est fondée princi- littoral jusqu'à la zone abyssale, eaux saumâtres palement sur : et eaux douces de surface et souterraines ainsi — l'étude comparative des Isopodes, dans leur que les milieux terrestres depuis ceux à haut degré ensemble, avec les possibles groupes frères que d'humidité jusqu'aux milieux arides. Enfin il nous avons choisis comme extra-groupes dans existe aussi des groupes obligatoirement parasites l'analyse cladistique; 164 TABACARU I., DANIELOPOL D.L.

— l'étude de certaines structures moins con- à l'emploi des taxons supraspécifiques, à une exception nues, comme celle de l'estomac et du squelette près, l'utilisation dans cette dernière alternative des gnatho-céphalique, ou celles qui constituent des caractères polarisés pour lesquels est aussi indiqué l'état ancestral. C'est cette dernière option que nous avons problèmes controversés ; adoptée dans la présente étude. Pour ce qui est des — le réexamen des caractères morphologiques caractères morphologiques utilisés, nous avons cons- de l'Isopode Calabozoa pellucida Van Lieshout, truit, d'une part une matrice à 76 caractères (Tabl. I), 1983, le seul représentant du sous-ordre des Ca- d'autre une seconde variante à 75 caractères (le carac- labozoidea, dans le but d'apporter de nouvelles tère 76 non-considéré). Pour chaque variante nous données dans le problème très discuté de ses re- avons construit des arbres de consensus strict et majo- lations phylogénétiques ; ritaire. Nous avons a posteriori ajouté sur ces arbres — l'analyse judicieuse des caractères utilisés les synapomorphies qui expliquent le mieux la topolo- jusqu'à présent comme synapomorphies fonda- gie retenue. mentales dans les cladogrammes concernant la phylogénie des Isopodes, en nous basant sur nos recherches morphologiques. ANALYSE DES CARACTÈRES Nous n'abordons pas ici le problème complexe de la monophylie ou de la polyphylie des Flabel- lifera. 1. Nouvelles données et interprétation des synapomorphies utilisées jusqu'à présent dans la phylogénie des Isopoda MATÉRIEL ET MÉTHODES Nous examinons ici les caractères proposés comme synapomorphies par Schmalfuss (1989), Pour vérifier les caractères morphologiques utilisés dans un cladogramme réalisé à l'occasion d'une dans l'élaboration de la phylogénie des Isopodes et étude de la phylogénie des Oniscidea, par Wâgele proposer de nouveaux caractères, nous avons examiné (1989), dans une ample étude sur l'évolution et des espèces appartenant à tous les sous-ordres des Iso- podes libres. Le matériel examiné provient de nos col- le système phylogénétique des Isopoda, et par lections ou appartient à différents musées (Collection Brusca & Wilson (1991) dans une analyse phylo- E. Racovitza de l'Institut de Spéologie E. Racovitza - génétique rigoureuse fondée sur la méthode cla- Section de Cluj-Napoca, Musée Zoologique de l'Uni- distique à l'aide de l'ordinateur avec différents versité d'Amsterdam, Musée Australien de Sydney, Mu- programmes. Nous analysons, d'après nos recher- sée d'Afrique du Sud de Cape Town), ou a été mis à ches, la signification phylogénétique de certaines notre disposition par de nombreux collègues. La liste structures importantes : le squelette gnatho-cépha- des espèces utilisées dans l'analyse morphologique et lique, la conformation et l'insertion de l'apophyse cladistique de ce travail, non détaillée ici à cause de génitale, les modifications des coxa, les particu- sa longueur, sera transmise sur demande par l'un d'en- larités de l'estomac, le problème de l'éventail tre nous (I.T.). Pour l'étude de l'estomac et du squelette gnatho-céphalique, les pièces disséquées ont été traitées caudal. avec une solution de KOH, lavées à l'eau distillée, Pour analyser la position des Oniscidea dans colorées au pyrogallol et examinées en glycérine au l'ordre des Isopoda, Schmalfuss (1989) propose microscope à transmission optique directe. un cladogramme représentant les relations phylo- Pour l'analyse cladistique, nous avons utilisé la pro- génétiques des 9 sous-ordres et établit que le cédure de parcimonie par algorithme exact et la tech- rameau le plus primitif est celui des Asellota suivi nique du « branch and bound », à l'aide du logiciel de celui des Oniscidea (Fig. 1). Schmalfuss con- PAUP 3.1 (Swofford 1993). Nous avons vérifié ces sidère les uropodes styliformes comme une con- données en utilisant aussi le nouveau logiciel PAUP 4.0b2 (Swofford 1999). Avec ce dernier logiciel nous dition plésiomorphe des Isopoda. Le cladogramme avons utilisé la technique « bootstrap » avec reéchan- est fondé sur l'examen de 3 caractères morpholo- tillonnage (n = 100). Les caractères, en alternative bi- giques : 1. la transformation de la mandibule du naire et sans pondération, ont été polarisés, 0-état type « rolling-squeezing » chez les Asellota vers primitif, 1 -état dérivé. Lors de l'analyse ultérieure nous le type « biting » chez tous les autres Isopodes ; avons choisi dans le logiciel PAUP les options « irré- 2. le développement des bras frontaux des apodè- versible up » (ou « dirigé »), et la transformation mes maxillaires; 3. l'évolution de l'endopodite du ACCTRAN ; les arbres obtenus ont été enracinés. Les pléopode 2 mâle. En ce qui concerne ce dernier avantages de cette procédure ont été discutés par Bou- caractère Schmalfuss suppose que l'article basai tin, Messouli et Coineau (1992) et par Darlu et Tassy de l'organe copulateur des Asellota et des Onisci- (1993). Les sous-ordres d'Isopoda (10 taxons) ont été considérés comme groupes monophylétiques internes et dea s'élargit graduellement pour devenir une lame ont été comparés avec deux extra-groupes, les Amphi- natatoire qui porte Vappendix masculina. Nous poda et les Tanaidacea. Wiens (1998) a récemment avons montré (Tabacaru & Danielopol 1996 b) montré que, l'utilisation des espèces pour l'analyse qu'il est plus probable que l'évolution se soit cladistique donne des résultats plus précis par rapport déroulée dans un sens inverse, c'est-à-dire que PHYLOGÉNIE DES ISOPODA (CRUSTACEA) 165

< < œ UJ y a une nette différence, en ce qui concerne la < a < UJ w < UJ Q £ < LU conformation des apodèmes maxillaires, entre Fla- 0 - _i a Q = i j iu 1 3 uj IL CX bellifera, Valvifera et Oniscidea d'une part et < < O _i S £ 03 > O UJ co -i Asellota d'autre part, la situation initiale, primi- < H < _l K UJ 2 Z _) < I Z (0 tive, existant chez ces derniers. Nous avons fait C3 < u. > a. o < une étude comparative du squelette gnatho-cépha- TOICI lique de nombreuses espèces d'Asellota, de repré- sentants des 3 sous-ordres mentionnés, de Phreatoicidea, d'Anthuridea, ainsi que de Cala- bozoa et de Microcerberus, et nous confirmons la différence signalée par Scheloske. IDEA Le squelette gnatho-céphalique des Isopodes se compose d'un sclérite médian, ventral, prolongé par des bras transverses nommés : bras pré-

OTA maxillaires, bras intermaxillaires, bras post- maxillaires et bras postmaxillipodales (Marvillet 1972). Sur ces bras s'articulent les sclérites ba- saux des pièces buccales. Les bras intermaxillaires et postmaxillaires sont en connexion avec 2 gran- des plaques horizontales situées au-dessus du Fig. 1. - Cladogramme des relations phylogénétiques squelette ventral et plus ou moins soudées sur la dans l'ordre des Isopoda d'après Schmalfuss, 1989. ligne médiane (plaques alaires de Vandel 1943 ; Phylogenetic relationships in the order Isopoda tentorium de Marvillet 1978). Vers l'avant ces proposed by Schmalfuss (1989). plaques sont prolongées par les bras frontaux dont parle Schmalfuss. Chez les Asellota et les Micro- cerberoidea, d'après nos recherches, les plaques Vappendix masculina se détache graduellement de y compris les bras frontaux, manquent ; à leur la lame endopodiale (ce qui peut être observé place existent seulement 2 barres étroites nom- aussi au cours du développement postembryon- mées par Scheloske apodèmes maxillaires. Par naire) ; chez les Asellota, Calabozoa et les Onisci- contre chez tous les autres Isopodes que nous dea la lame endopodiale devient par réduction avons examinés, les plaques alaires existent. En l'article basai de l'organe copulateur. De même, raison des nombreux arguments indiquant que les nous pensons que la transformation de la mandi- Phreatoicidea sont les Isopodes les plus primitifs, bule vers le type « biting » ne constitue pas une il semble plus probable que l'absence des plaques synapomorphie de tous les Isopodes à l'exclusion alaires ne soit pas une plésiomorphie, mais une des Asellota. Par contre, la synapomorphie indi- synapomorphie des Asellota et Microcerberoidea quée par Schmalfuss comme le développement des (caract. 33). Si non il faut admettre avec Schmal- bras frontaux dans le squelette du céphalotorax fuss que les Asellota représentent le groupe frère, mérite une attention particulière. plus primitif, de tous les autres Isopoda. En étudiant le squelette du céphalotorax chez Dans les cladogrammes proposés par Wàgele Asellus aquaticus, Scheloske (1976) conclut qu'il (1989) (Fig. 2) et par Brusca & Wilson (1991)

Hl2}- PHREATOICIDEA r- CALABOZOIDEA -m 819 |ioMiTiZ!-|_ ASELLOTA

3 4 5 6H

r-^Sf§MFàMI^M^f^ffî~ ONISCIDEA 7 ■h3l14H ;28|29|30h VALVIFERA |??H3ll32|33|34|35l36|37|38h ANTHURIDEA 26 27 r- ? 39r— SPHAEROMATIDEA ? 40141 |42h CYMOTHOIDEA

Fig. 2. - Cladogramme des sous-ordres des Isopoda proposé par Wàgele 1989. Cladogram of the Isopoda sub orders proposed by Wàgele (1989). 166 TABACARU I., DANIELOPOL D.L.

PHREATOICIDEA & Wilson (1991), Just & Poore (1992), Wilson & ASELLOTA Ponder (1992), Tabacaru & Danielopol (1996 b) ■24(0), 78, 79, 80, 81 MICROCERBERIDEA montrent que dans l'ordre des Isopoda, il y a, en CALABOZOIDEA ce qui concerne l'insertion des apophyses génita- 5, e. TYLOMORPHA 9, 20, 35. 39(0), 49, les, une tendance à une migration vers la ligne 94, 96 LIGIAMORPHA 1T 93 1 médiane et vers l'arrière : sur le côté interne de VALVIFERA la coxa des péréiopodes 7 (Phreatoicidea); à l'an- gle interne de la coxa (Stenasellus) ; sur une ex- BATHYNATALIIDAE tension ventro-médiane de la coxa (Tainisopus) ; KEUPHYLIIDAE sur la surface ou sur le bord caudal du sternite 7 '7, 30(2), PLAKARTHRIIDAE 55, 85 (la majorité des Isopodes) ; sur la membrane arti- SEROLIDAE culaire qui relie le péréion au pléon (Calabozoa, PHORATOPODIDAE Oniscidea) ; sur le pléonite 1 (Valvifera). La ten- 18(1). EPICARIDEA S7(0), dance à se rapprocher des apophyses génitales 58(0) GNATHIIDEA '30(2). 31(1). 35, 91 conduit à la formation d'une base unique ou même LIMNORIIOAE à la fusion partielle ou totale (Arcturidae parmi '30(2). 40, 44, 50(2) ■HZ LYNSEIIDAE les Valvifera, Synocheta et Crinocheta parmi les CIROLANIDAE Oniscidea, Calabozoa). ANTHURIDEA — Synap. 5 de Wàgele : rames pléopodales ANUROPIDAE

PROTOGNATHIIDAE uniarticulées, même si occasionnellement une li-

CORALLANIOAE gne de suture est visible. Brusca & Wilson utili-

TRIDENTELLIOAE sent le caractère « aucun pléopode avec exopodite

AEGIDAE biarticulé » comme une synapomorphie de tous les H: CYMOTHOIDAE sous-ordres exceptant les Phreatoicidea, les Asel- lota et les Microcerberoidea (synap.77), ce qui Fig. 3. - Cladogramme des Isopoda proposé par n'est pas justifié car on rencontre souvent la di- Brusca et Wilson 1991. vision des exopodites (surtout des pléopodes 3-5) Cladogram of the Isopoda proposed by Brusca marquée par une ligne de suture chez les Valvi- & Wilson (1991). fera, les Anthuridea et les Flabellifera. Chez les Phreatoicidea, à la différence de tous les autres sous-ordres, les exopodites 2-5 présentent un se- cond article relié à l'article proximal par une (Fig. 3), le rameau le plus primitif qui se détache articulation étroite. Considérant d'une part que le premier, est celui des Phreatoicidea. Donc se chez les autres à pléopodes lamellaires, pose le problème des synapomorphies qui carac- lorsque les pléopodes sont biarticulés, la sépara- térisent tous les autres sous-ordres. Wàgele indi- tion des articles est marquée seulement par une que 4 synapomorphies parmi lesquelles Brusca et ligne de suture et, d'autre part, qu'on n'a pas Wilson en retiennent 2 : d'arguments pour supposer que la conformation — Synap. 3 chez Wàgele, 74 chez Brusca & propre aux Phreatoicidea est apparue chez l'ancê- Wilson : maxille 2 sans soies filtrantes sur le bord tre des Isopoda, nous pensons qu'il s'agit ici interne du sympodite. Il s'agit ici de la disparition d'une autapomorphie des Phreatoicidea (caract. d'un caractère existant à l'état plésiomorphe chez 28). les Phreatoicidea et chez d'autres Peracarida. — Synap. 6 de Wàgele : premier thoracomère Nous utilisons cette synapomorphie mais en l'in- soudé au céphalon, y compris sur les côtés. Il ne diquant comme une tendance à la disparition de s'agit pas ici d'une synapomorphie valable car le cette rangée de soies (caract. 29), car d'une part segment du maxillipède n'est pas mieux visible elle n'existe pas tout le long du bord interne chez chez les Phreatoicidea que chez d'autres Isopoda, tous les Phreatoicidea et, d'autre part, elle existe comme par exemple les Ligiidae (Oniscidea). aussi chez certains Aselloidea. Par ex l'aspect de Le clade suivant qui se détache est le groupe la maxille de Crenoicus buntiae Wilson, 1996 est Calabozoidea-Asellota dans le cladogramme pro- très similaire à celui des espèces de Proasellus. posé par Wàgele, tandis que dans celui de Brusca — Synap. 4 chez Wàgele, 48 chez Brusca & & Wilson, c'est le groupe Asellota-Microcerbe- Wilson : apophyses génitales (papilles génitales roidea. Wàgele considère les Microcerberoidea dans Wàgele ; pênes dans Brusca et Wilson) in- comme une famille du sous-ordre Asellota, et sérées sur le sternite du péréionite 7 ou sur son Calabozoa comme groupe frère des Asellota. Pour bord postérieur. Nous avons retenu ce caractère Brusca & Wilson les Microcerberoidea constituent dans notre analyse cladistique (caract. 30) car il un sous-ordre et le taxon monotypique Calabozoi- s'oppose à la situation existant chez les Phreatoi- dea représente le groupe frère des Oniscidea. cidea, dont les apophyses génitales s'insèrent sur la coxa des péréiopodes 7, ce qui représente sans L'examen des caractères sur lesquels portent doute une plésiomorphie. Wilson (1991), Brusca les synapomorphies interprétées par Wàgele pour PHYLOGÉNIE DES ISOPODA (CRUSTACEA) 167 argumenter la monophylie du groupe Calabozoi- phanères, connu depuis longtemps sous le nom de dea-Asellota nous permet d'arriver à un avis soies-écailles (Schuppenborsten), représente différent : comme l'a affirmé Vandel (1960) l'association — Synap. 7 de Wàgele : partie caudale du tel- entre une soie sensitive et une écaille. Les soies- son réduite, anus terminal sur le pléotelson. Ce écailles constituent une autapomorphie des Onisci- caractère ne représente pas une synapomorphie du dea (Tabacaru & Danielopol 1996a) ayant un rôle groupe Calabozoidea-Asellota, car il existe aussi hygrorécepteur et probablement aussi mécanoré- chez tous les Oniscidea. cepteur (Holdich 1984). A juste titre Wàgele — Synap. 8 de Wagele : pléopode 1 du mâle (1994) affirme qu'elles n'existent pas chez Cala- avec l'endopodite très petit. Chez Calabozoa le bozoa. pléopode 1 mâle présente un endopodite rudimen- — Synap. 35 de Brusca & Wilson : mandibule taire mais il faut préciser que la conformation en sans palpe. crochet de l'exopodite n'offre aucune similitude — Synap. 39 de Brusca & Wilson : endite chez les Asellota. Chez les Asellota primitifs l'en- maxillipédal sans rétinacles. Il est possible que dopodite manque complètement et l'exopodite a ces 2 caractères soit apparus chez un ancêtre du la forme d'une lame ovoïde qui protège le pléo- groupe Calabozoidea-Oniscidea mais tenant comp- pode 2. Chez les Asellota évolués (Janiroidea) le te du fait qu'il s'agit de caractères négatifs, que premier pléopode est soudé avec son symétrique le sous-ordre des Calabozoidea est représenté par formant une pièce médiane avec un rôle dans le une seule espèce et que ces caractères existent transfert du sperme vers l'endopodite du pléo- aussi dans d'autres sous-ordres, on ne peut pas pode 2. attribuer une valeur significative à ces synapomor- — Synap. 9 de Wagele : pléopode 1 femelle phies. plus petit et plus étroit que le 3e, endopodite — Synap. 49 de Brusca & Wilson : apophyses visiblement plus petit que l'exopodite. Cette dis- génitales situées sur l'articulation entre péréion et position chez Calabozoa ne peut pas constituer pléon ou sur le pléonite 1. Ce caractère est men- une synapomorphie, car le pléopode 1 femelle tionné par Brusca & Wilson aussi comme apo- manque complètement chez les Asellota et les morphie des Valvifera. Nous l'utilisons comme Microcerberoidea. synapomorphie de ces trois sous-ordres (Valvi- — Synap. 10 de Wagele : endopodite du pléo- fera, Calabozoidea et Oniscidea - caract. 45). pode 2 femelle nettement plus petit que l'exopo- — Synap. 54 de Brusca & Wilson : endopodi- dite. La conformation du pléopode 2 femelle chez tes des pléopodes 1 et 2 (seulement 2 chez les Calabozoa n'est pas similaire de celle des Asel- Ligiidae) allongés, styliformes, participant ensem- lota. Chez les Asellota l'endopodite manque com- ble au processus copulateur. Ici s'est glissée une plètement et l'exopodite est fusionné avec le erreur car les mêmes auteurs mentionnent que la sympodite formant une seule lame qui peut être partie copulatrice du premier pléopode de Cala- distincte (Aselloidea) ou soudé avec son symétri- bozoa est l'exopodite. La synapomorphie reste que constituant une plaque médiane qui peut de- donc valable seulement en ce qui concerne la venir un vaste opercule (Janiroidea). similitude des endopodites des pléopodes 2 mâles — Synap. 11 de Wagele : pléopode 2 mâle sans (caract. 50). appendix masculina, à endopodite dépourvu de — Synap. 56 de Brusca & Wilson : exopodites soies natatoires et transformé en un étroit gono- des pléopodes grands et operculaires ; endopodites podium. L'endopodite du pléopode 2 mâle trans- robustes et tumescents. Ce caractère n'est pas formé tout entier en un organe copulateur long et propre au groupe Calabozoidea-Oniscidea. Il se étroit existe chez Calabozoa et chez les Oniscidea. retrouve aussi chez d'autres Isopodes. Par contre l'endopodite de Calabozoa est nette- Pour réunir tous les autres Isopoda à l'excep- ment différent du gonopodium vésiculaire ou in- tion des clades Phreatoicidea, Asellota et Micro- fundibuliforme des Asellota. cerberoidea (et aussi Calabozoidea chez Wàgele), — Synap. 12 de Wàgele : uropodes styliformes dans chacun des 2 cladogrammes sont utilisées 2 à insertion subterminale, des deux côtés de l'anus. synapomorphies : 13 et 14 chez Wàgele, 43 et 77 C'est exactement la même conformation qui existe chez Brusca & Wilson. Nous avons déjà montré chez les Oniscidea, donc on ne peut pas considérer que la synapomorphie 77 de Brusca & Wilson qu'il s'agit d'une synapomorphie du groupe Ca- n'est pas justifiée. labozoidea-Asellota. — Synap. 13 de Wàgele : coxa élargies en pla- Pour argumenter que le sous-ordre des Cala- ques coxales qui sont insérées latéralement sur les bozoidea représente le groupe frère du sous-ordre tergites. Le même caractère est utilisé par Brusca des Oniscidea (le groupe Tylomorpha-Ligiamor- et Wilson (synapomorphie 43) mais en y incluant pha), Brusca & Wilson ont proposé aussi 6 aussi les Calabozoidea. Donc ici se pose le pro- synapomorphies. blème difficile des coxa chez les Calabozoidea. — Synap. 16 de Brusca et Wilson : présence Wàgele considère que chez Calabozoa il y a des de sensiles cuticulaires « tricornes ». Ce type de coxa annulaires, fonctionnelles, comme chez les 168 TABACARU I., DANIELOPOL D.L.

Phreatoicidea et les Asellota. Par contre Van Anthuridea et les familles des « Flabellifera ». La Lieshout (1983), Brusca & Wilson affirment que première synapomorphie (synap. 18) représente le chez Calabozoa il y a de grandes plaques coxales groupement fonctionnel péréiopodal 3 : 4. Nous complètement fusionnées aux péréionites corres- n'avons pas utilisé ce caractère d'une part, parce pondants. Or, l'examen des exemplaires (même que Vandel (1960) indique le même groupement très jeunes) ne laisse voir aucune trace ni de coxa pour les Oniscidea et, d'autre part, parce que le annulaires ni de suture des plaques coxales. Ainsi péréiopode 4 présente dans certains groupes une que l'a montré Racovitza (1923), l'involution de orientation transversale qui ne permet pas d'affir- la coxa est un phénomène général chez les Iso- mer s'il appartient au groupe des pattes dirigées podes mais, il peut se produire selon des moda- vers l'avant ou à celles dirigées vers l'arrière. Par lités différentes. Chez Calabozoa on ignore si les contre nous utilisons les 2 autres synapomorphies coxa ont disparu par réduction, par la soudure (caract. 59, 76), qui révèlent le problème contro- complète avec le sternite ou si elles sont devenues versé de l'éventail caudal et qui ont été considé- des plaques coxales et ont fusionné, sans traces rées par Brusca & Wilson dans l'analyse initiale de sillon articulaire, avec l'ancien bord des pé- comme « unordered » : 57 (0) - uropodes larges réionites. et aplatis et 58 (0) - région telsonique du pléo- — Synap. 14 de Wàgele : rainures filtrantes telson très développée avec anus et uropodes à la antérieures de l'estomac courbées latéralement, base du pléotelson. dans leur partie caudale. Après avoir étudié l'es- tomac d'un grand nombre d'espèces d'Isopodes, Wàgele (1989) arrive à la conclusion que la con- 2. Caractères utilisés, matrice, cladogrammes formation des rainures filtrantes antérieures pré- sente une signification phylogénétique : elles sont droites et parallèles (plésiomorphie) chez les Asel- Nous donons ici la liste des caractères utilisés lota et les Phreatoicidea et deviennent recourbées dans la matrice (Tabl. I) en indiquant entre dans leur partie caudale vers les côtés de l'esto- crochets l'état plésiomorphe. mac (synapomorphie) chez les Limnoriidae, 1. Pas de carapace [carapace couvrant 2 (rare- Sphaeromatidae, Oniscidea, Valvifera, Cirolani- ment 3) thoracomères] ; dae, Aegidae, Cymotoidae. Wàgele suppose que 2. Yeux sessiles [yeux situés sur des tubercules c'est le type plésiomorphe de rainures filtrantes coniques] ; antérieures qui existe chez Calabozoa. Or nos 3. Péréiopodes sans exopodite [péréiopodes 1 recherches sur l'estomac des Isopodes ont donné et 2 avec exopodite] ; les résultats suivants : 1. Toutes les espèces 4. Maxillipèdes sans épipodite branchiale d'Asellota examinées présentent les rainures fil- [maxillipèdes avec épipodite à rôle respiratoire trantes antérieures du type plésiomorphe ; 2. parmi (épignathe)] ; les 3 espèces de Phreatoicidea que nous avons 5. Maxillipèdes soudés à leur base et sans ré- examinées Mesamphisopus capensis Barnard, tinacles [maxillipèdes séparés et pourvus de réti- 1914 et Crenoicus buntiae Wilson, 1996, présen- nacles] ; tent le type plésiomorphe de rainures, tandis que 6. Péréiopodes avec épipodite respiratoire [pé- Paramphisopus palustris Glauert, 1924 montre le réiopodes sans épipodite] ; type apomorphe ; 3. toutes les espèces de Valvi- 7. 3 paires d'uropodes [une paire d'uropode] ; fera, Flabellifera et Oniscidea examinées présen- 8. Corps aplati latéralement [corps aplati dor- tent le type apomorphe ; 4. Calabozoa pellucida soventralement] ; présente aussi le type apomorphe (Tabacaru & 9. Endite externe de la maxille divisé en 2 lobes Platvoet, sous presse). [endite externe de la maxille non divisé] ; Dans le cladogramme de Wàgele (1989), les 10. Maxillipèdes avec un lobe (endite) [maxil- Oniscidea, constituent le groupe frère, de l'ensem- lipèdes avec 2 lobes] ; ble des sous-ordres Valvifera, Anthuridea, Sphae- 11. Rames des pléopodes lamellaires uni- ou romatidea et Cymotoidea (Gnathiidae et biarticulées [rames des pléopodes flagelliformes, Bopyridae inclus) à partir de la conformation des multiarticulées] ; sclérites antérieurs de l'estomac (synap. 26 et 27). 12. Pléonite 6 soudé au telson [pléonite 6 dis- Nos recherches ont montré que ces structures, tinct] ; difficiles à observer, ne peuvent pas représenter 13. Adultes à organes excrétoires maxillaires des synapomorphies parce qu'on ne les retrouve [adultes à organes excrétoires antennaires] ; pas chez tous les représentants de ces groupes et 14. Tube digestif d'origine ectodermique [tube que par contre elle existent chez certains Onisci- digestif avec partie moyenne d'origine endoder- dea. mique] ; 15. Embryon courbé dorsalement [embryon Brusca & Wilson (1991) indiquent 3 synapo- courbé ventralement] ; morphies pour un grand groupe qui inclut les 16. Développement avec stade manca [dévelop- sous-ordres Valvifera, Epicaridea, Gnathiidea, pement sans stade manca] ; PHYLOGÉNIE DES ISOPODA (CRUSTACEA) 169

17. Thoracomère 2 soudé au céphalothorax sous mâle partiellement modifié en organe copulateur la carapace [thoracomère 2 rarement soudé au (appendix masculina) ou complètement transfor- céphalothorax, sans carapace] ; mé en organe copulateur long et étroit] ; 18. Péréiopodes 1 modifiés en chélipèdes et 42. Exopodite du pléopode 2 femelle fusionné sans ischion [péréiopodes 1 non modifiés en ché- avec le sympodite et présentant la tendance à lipèdes, ischium présent] ; fusionner avec son symétrique [exopodite du pléo- 19. Hypopharynx avec palpes [hypopharynx pode 2 femelle non fusionné avec le sympodite sans palpes] ; ni avec son symétrique] ; 20. Antennule uniramée [antennule biramée] ; 43. Péréiopodes sans coxa annulaire [péréiopo- 21. Maxillule sans palpe [maxillule avec des avec coxa annulaire] ; palpe] ; 44. Rainures filtrantes antérieures de l'estomac 22. Rames uropodales uniarticulées [rames uro- divergeant toujours dans leur partie caudale [rai- podales multiarticulées] ; nures filtrantes antérieures convergeant dans leur 23. Pléopodes à rôle respiratoire [pléopodes partie caudale] ; sans rôle respiratoire] ; 45. Apophyses génitales : tendance à fusionner, 24. Cœur thoraco-abdominal [cœur thoraci- insérées sur la membrane entre péréion et pléon que] ; ou sur le pléonite 1 [apophyses génitales toujours 25. Endopodite du pléopode 2 mâle modifié distinctes, insérées sur les coxa 7 ou sur le sternite [endopodite du pléopode 2 mâle sans modifica- 7]; tions] ; 46. Pléotelson très allongé formant une cham- 26. Mue en 2 phases [mue non en 2 phases] ; bre respiratoire [pléotelson ne formant pas une 27. Apex du pléotelson recourbé dorsalement chambre respiratoire] ; [apex du pléotelson non recourbé dorsalement] ; 47. Uropodes très allongés, rabattus sous le 28. Exopodite des pléopodes 2-5 à 2 articles pléotelson et formant des opercules qui recouvrent séparés par une articulation étroite [exopodite des la chambre respiratoire [uropodes non modifiés en pléopodes uniarticulé ou à 2 articles séparés par opercules pour couvrir une chambre respiratoire] ; une ligne de suture] ; 48. Apophyses génitales insérées sur le sternite 29. Tendance à la réduction de la rangée de du pléonite 1 [apophyses génitales insérées à soies au bord interne de la maxille [une rangée l'avant du pléon] ; de soies le long du bord interne de la maxille] ; 49. Tendance à la réduction des pléonites 1 et 30. Apophyses génitales insérées sur la surface 2, pléonites 3-5 bien développés [pléonites 1 et 2 sternale du corps [apophyses génitales insérées du non réduits par rapport aux autres pléonites] ; côté médian des coxa 7] ; 50. Ensemble de l'endopodite du pléopode 2 31. Tendance à la réduction en dimension et mâle transformé en organe copulateur long et en nombre des pléonites [pléonites bien dévelop- étroit [endopodite du pléopode 2 mâle ne devient pés le 5e ayant les dimensions d'un péréionite] ; pas un organe copulateur long et étroit] ; 32. Deux pléonites libres, pléonites 3-5 englo- 51. Pléonites 1 et 2 recouverts dorsalement par bés dans le pléotelson [primitivement 4 ou 5 pléo- le péréionite 7 [pléonites 1 et 2 visibles dorsale- nites libres] ; ment] ; 33. Squelette gnatho-céphalique sans plaques 52. Pléotelson (pléonite 6 + telson) représentant alaires [squelette gnatho-céphalique avec une 1/3 de la longueur du corps [pléotelson sans en- paire de plaques alaires] ; glober d'autres pléonites n'arrive pas à une lon- 34. Pléopodes 1 femelles absents [pléopodes 1 gueur représentant 1/3 du corps] ; femelles présents] ; 53. Apophyse génitale à grande base trapézoï- 35. Pléopodes 1 mâles uniramés ou absent dale [apophyse génitale sans base trapézoïdale] ; [pléopodes 1 mâles biramés] ; 54. Exopodite du pléopode 1 mâle allongé et 36. Pléopodes 2 femelles uniramés ou absent terminé en crochet étroit [exopodite du pléopode [pléopodes 2 femelles biramés] ; 1 mâle non terminé en crochet étroit] ; 37. Maxille avec 2 endites digitiformes portant 55. Système d'écaillés assurant la circulation chacun une épine [maxille avec 3 endites] ; de l'eau sur la surface du corps [sans système 38. Pléopodes 2 femelles absents [pléopodes 2 d'écaillés pour la circulation de l'eau sur le femelles présents] ; corps] ; 39. Tendance à la disparition des pléopodes 1 56. Soies-écailles sur les tergites [tergites sans mâles [pléopodes 1 mâles toujours présents] ; soies-écailles] ; 40. Tendance à former des plaques coxales aux 57. Maxille transformée en pièce unitaire bilo- angles antérieurs des tergites 2-4 [sans plaques bée [maxille à 3 endites] ; coxales aux angles antérieurs des tergites 2-4] ; 58. Antennule réduite à 3-1 articles [antennule 41. Endopodite du pléopode 2 mâle entièrement avec pédoncule et flagelle] ; modifié en organe copulateur, vésiculeux ou in- 59. Uropodes foliacés formant avec le telson fundibuliforme pouvant être prolongé à l'extrémi- un éventail [uropodes styliformes ne formant pas té en stylet tubulaire [endopodite du pléopode 2 un éventail] ; 170 TABACARU I., DANIELOPOL D.L.

Tabl. I. - Matrice des traits utilisés. Matrix of traits used in analyses.

Amphipoda 11111 11100 00000 00000 00000 00001 00000 ?0000 00 0 0 0 00000 00000 00000 00000 00000 00000 0 Tanaidacea 00000 00011 11111 11110 00000 00001 10000 ?0000 00 0 0 0 00000 00000 00000 00000 00000 00000 0 Phreatoicidea 11110 00111 11111 10001 11111 11100 00000 00000 00 0 (01 )0 00000 00000 00000 00000 00000 00000 0 Asellota 11110 00011 11111 10001 11111 10011 11111 10000 11 0 0 0 00000 00000 00000 00000 00000 00000 0 Microcerberoidea 11110 000?1 11111 10001 11111 10011 11111 11111 00 (03 >0 ? 00000 00000 00000 00000 00000 00000 0 Valvifera 11110 00011 11111 10001 11111 10011 10000 00000 00 1 1 1 11100 00000 00000 00000 00000 00000 1 Calabozoidea 11110 00011 11111 10001 11111 10011 10000 00000 00 1 1 1 00011 11110 00000 00000 00000 00000 0 Oniscidea 11110 00011 11111 10001 11111 10011 10000 00000 00 1 1 1 00011 00001 11100 00000 00000 00000 0 Anthuridea 11110 000?1 11111 10001 11111 10011 10000 00000 00 1 1 0 00000 00000 0?011 11111 00000 00000 1 Flabellifera 11110 00011 11111 10001 11111 10011 10000 00000 00 1 1 0 00000 00000 00010 00000 00000 00000 1 Gnathiidea 11110 000?1 11111 10001 11111 10011 10000 70000 00 1 1 0 00000 00000 0?010 ?00?? 11111 00000 1 Epicaridea 11110 000?1 11111 10001 ?111? 100?1 10000 ?0000 00 1 1 0 0000? 00000 0?0?0 ?00?? 00000 11111 f

Amphipoda

Tanaidacea 30 Phreatoicidea 27-28 Asellota

Microcerberoidea 1-4 20-26 ■ Valvifera 100% - Calabozoidea

- Oniscidea 100% ■ Anthuridea

- Flabellifera

- Gnathiidea

■ Epicaridea 71-75

Fig. 4. - Cladograme Majority rule 50 % provenant de la matrice à 75 caractères (le caractère 76 non-considéré). 50 % Majority rule cladogram resulting from the matrix of 75 characters (character 76 not considered).

60. Mandibule avec lamina dentata au lieu 67. Péréionite 7 sans péréiopodes et réduit en d'une lacinia mobilis [mandibule avec lacinia mo- dimension [péréionite 7 avec péréiopodes] ; bilis] ; 68. Mandibules robustes et très proéminentes 61. Endite externe de la maxillule étroit et très chez le mâle [mandibules non très proéminentes] ; allongé [endite externe de la maxillule non étroit 69. Mandibules absentes chez la femelle [man- et très allongé] ; dibules présentes chez la femelle] ; 62. Plaques coxales fusionnées aux pleures 70. Stade Pranitza dans le développement [sans [plaques coxales proéminant latéralement] ; stade Pranitza] ; 63. Exopodite de l'uropode inséré dorsalement 71. Femelles très asymétriques [femelles symé- sur le sympodite [exopodite de l'uropode inséré triques] ; latéralement sur le sympodite] ; 64. Squelette sternal gnatho-céphalique sans 72. Mâle de dimensions très réduites par rap- bras inter- et postmaxillaires [bras inter- et post- port à la femelle [mâle peu réduit par rapport à maxillaires présents] ; la femelle] ; 65. Estomac situé dans le péréionite 1 ou 2 73. Mandibules transformées en stylets [man- [estomac situé dans le céphalothorax] ; dibules non transformées en stylets] ; 66. Péréionite 1 fusionné au céphalotorax avec 74. Endopodite du pléopode 2 mâle sans mo- péréiopodes modifiés en pylopodes [péréiopodes difications [endopodite du pléopode 2 mâle mo- 1 non modifiés en pylopodes] ; difié] ; PHYLOGÉNIE DES ISOPODA (CRUSTACEA) 171

Amphipoda 1-4 5-7 Tanaidacea 30

100% Phreatoicidea

Asellota 100% 100% ■{ r- Microcerberoidea

- Valvifera 46-48 76 4^ - Calabozoidea

- Oniscidea

■ Anthuridea

- Flabellifera

62% - Gnathiidea

■ Epicaridea

Fig. 5. - Cladogramme Majority rule 50 % provenant de la matrice à 76 caractères. 50 % Majority rule cladogram resulting front the matrix of 76 characters.

75. Avec stades épicaridien, microniscien et tés par plusieurs sous-ordres confirmeraient plutôt cryptoniscien dans le développement [sans ces 3 la thèse polyphylétique. Dans notre analyse cla- stades] ; distique l'état dérivé des caractères 20-26 repré- 76. Pléotelson allongé postérieurement à l'anus sentent les synapomorphies des Isopoda et nous [anus subterminal]. pensons, avec Schram (1986), et Brusca & Wilson Le tableau I présente la matrice des données (1991) que la synapomorphie la plus importante, que nous avons utilisées pour l'analyse cladisti- qui prouve la monophylie, est la respiration pléo- que. A partir du traitement de la matrice à 75 podale, caractère qui implique l'extension tho- caractères (le caractère 76 non-considéré) nous raco-abdominale du cœur à l'opposé du cœur avons obtenu 10 cladogrammes équiparsimonieux thoracique des autres Peracarida. Le cladogramme à 86 pas. La longueur totale de l'arbre est de 134 montre que les Tanaidacea sont plus proches des pas avec un indice de cohérence de 0.575 et un Isopoda (synap. 9-16) que les Amphipoda. La indice d'homoplasie de 0.449. Nous figurons majorité des auteurs considèrent aujourd'hui que l'arbre de consensus majoritaire (Fig. 4). A partir les Tanaidacea sont le groupe frère des Isopoda de la variante à 76 caractères nous avons obtenu (Gruner 1993, Ax 1999). Pour Schram (1986) les 26 cladogrammes équiparcimonieux à 88 pas. La Amphipoda représentent le groupe frère des Iso- longueur totale de l'arbre est de 138, les indices poda. Nous pensons que les caractères communs de consistence et d'homoplasie sont de 0,575 et avec les Amphipoda (1-4) sont, selon toute pro- 0,449. La figure 5 montre la solution de consensus babilité, des réductions résultant d'évolutions majoritaire. La signification phylogénétique des parallèles. solutions représentées dans les deux dernières A l'intérieur du monophylum Isopoda, le pre- figures est discutée en détail ci-après. mier clade qui se détache est celui des Phreatoi- cidea. A l'exception de Schmalfuss (1989), pour qui les Asellota sont les Isopoda les plus primitifs, et de Roman & Dalens (1999), qui considèrent DISCUSSION ET CONCLUSIONS que l'Isopode primitif hypothétique ressemblerait à un Cirolanide, les Phreatoicidea sont considérés comme le taxon le plus primitif (Wàgele 1989, En général il y a un accord sur la monophylie Brusca & Wilson 1991, Gruner 1993, Coineau, du taxon Isopoda, cependant Roman & Dalens Henry, Magniez Negoescu 1994). D'ailleurs les (1999) affirment que s'il est vrai que de nombreux plus anciens fossiles d'Isopodes sont les Paleo- caractères communs permettraient de conclure à phreatoicidea (Hessler 1969, Schram 1986) : Hes- leur monophylie, les caractères originaux présen- sleriella Schram, 1970 du Carbonifère 172 TABACARU L, DANIELOPOL D.L.

d'Amérique du Nord et Paleophreatoicus sous-ordre des Asellota, que nous avons mention- Birshteyn, 1962 du Permien supérieur de Russie nées, les Microcerberoidea présentent certaines et d'Allemagne. Mais tandis que les espèces similitudes avec différentes familles, mais il fossiles étaient marines, les Phreatoicidea actuels s'agit, à notre avis, de plésiomorphies et de peuplent les eaux douces, et certaines espèces le réductions convergentes : pléonites 1 et 2 bien milieu souterrain, dans des territoires provenant développés, absence de l'épipodite du maxillipède du continent de Gondwana (Australie, Nouvelle (Stenasellidae) ; absence du pléopode 2 femelle Zélande, Afrique du Sud et Inde). Ils sont carac- (Atlantasellidae) ; absence du pléopode 5 (Ver- térisés par les autapomorphies 8, 27, 28 dont les mectiadidae). A juste titre on a soutenu (Brusca plus remarquables sont l'aplatissement latéral & Wilson 1991, Wilson 1996) que les Microcer- (évolution parallèle avec les Amphipoda) et la beroidea ne possèdent pas l'apomorphie essen- nette séparation du seconde article des exopodites tielle des Asellota, à savoir la conformation des pléopodes 2-5. En tant qu'Isopodes les plus typique de l'organe copulateur (vésiculaire ou primitifs, les Phreatoicidea se distinguent des infundibuliforme). Par contre ils ont l'endopodite autres sous-ordres par des plésiomorphies : coxa 2 mâle pourvu d'appendix masculina (Lang 1961, annulaire fonctionnelle (caractère commun avec Baldari & Argano 1984), caractère plésiomorphe les Asellota) ; tous les pléonites bien développés, qui n'existe pas chez les Asellota (Wàgele 1989, le 5e aussi long que les péréionites (caractère Gruner 1993). En accord avec ces auteurs, nous commun avec Tainisopus Wilson & Ponder, 1992, utilisons le terme « appendix masculina » pour Isopode dont la position systématique reste encore l'appendice digitiforme qui se détache du côté incertaine) ; apophyses génitales insérées sur le médian de la lame endopodiale (Tabacaru & côté médian de la coxa ; soies plumeuses le long Danielopol 1996b : p. 177). Ils possèdent d'im- du bord interne des maxilles. La disparition de portantes autapomorphies (37-40) parmi lesquelles ces plésiomorphies caractérise les autres sous- nous remarquons la conformation de la maxille. ordres (synap. 29-31). Lang (1961) & Coineau (1966) ont montré que les maxillules se composent, comme chez d'autres Le clade suivant qui se détache dans notre Isopodes, de 2 endites, le 3e endite souvent figuré cladogramme est celui du groupe Microcerberoi- étant en réalité l'un des 2 lobes du labium ; nous dea-Asellota (synap. 32-36) que nous considérons l'avons aussi constaté chez M. plesai Chappuis et comme bien défini surtout par les caractères : Delamare. En revanche, les maxilles ont une squelette gnatho-céphalique sans plaques alaires ; conformation très caractéristique présentant 2 en- pléonites 3-5 et parfois 2-5 ou tous les pléonites dites digitiformes terminés chacun par une forte incorporés au pléotelson (une exception : les Ver- épine courbée. Wàgele (1983), pour qui les Mi- mectiadidae Just & Poore, 1992, qui possèdent 3 pléonites très étroits) ; absence du pléopode 1 crocerberidae sont des Aselloidea, soutient l'hy- pothèse qu'ils ont été primitivement dulçaquicoles femelle. et ont colonisé secondairement les plages marines. Dans le sous-ordre des Microcerberoidea envi- Wàgele, Voelz et Vaun Me Arthur (1995) ont ron 60 espèces qui vivent exclusivement dans le argumenté cette hypothèse en essayant de recons- milieu interstitiel, ont été décrites, la grande tituer l'évolution des différents caractères. Ils majorité dans les plages marines et seulement 12 séparent les espèces qui vivent dans des plages dans les eaux douces. Les Microcerberoidea ont marines et qui d'après leur opinion sont les plus été inclus initialement dans le sous-ordre des évoluées, dans un genre à part Coxicerberus. Anthuridea, et même après leur séparation dans Coineau (1986) a montré que les espèces dulça- un sous-ordre distinct (Lang 1961), ils ont été quicoles présentent de nombreuses plésiomorphies considérés comme proches de ceux-ci. C'est mais aussi des caractères témoignant d'une évo- Wàgele (1981, 1982) qui a montré que les Micro- lution régressive. A notre avis, l'absence d''appen- cerberoidea ne présentent pas de synapomorphies dix masculina chez les espèces dulçaquicoles est avec les Anthuridea. Les similitudes avec ce le résultat d'une évolution régressive et non pas sous-ordre sont probablement soit des évolutions un aspect primitif. Remarquons que parmi les parallèles (forme allongé du corps, premier pé- espèces d'eau douce, M. ruffoi et M. interstitialis réiopode subchéliforme), soit des plésiomorphies ont une morphologie du type « Coxicerberus » et (appendix masculina). Mais Wàgele (1983) arrive que Bulgarocerberus phreaticus et Yvesia striata à la conclusion qu'il s'agit d'une famille des présentent des plaques coxales aux tergites 2-4, Aselloidea représentant le groupe frère des Atlan- même si elles ne sont pas anguleusement proémi- tasellidae. Or, d'après la description de Sket nentes. D'autre part on ne sait pas si toutes les (1979), Atlantasellus cavernicolus (Isopode d'une espèces inclues dans Coxicerberus présentent des grotte anchihaline des Bermudes) est nettement plaques coxales car ce détail n'a pas été précisé éloignée des Microcerberoidea, par la forme du dans leur description. Nous considérons que les corps et par la conformation de l'antennule, de la Microcerberoidea ne sont pas des Aselloidea et mandibule, de la maxille, du maxillipède et de qu'ils représentent un sous-ordre distinct, d'ori- l'uropode. En dehors des synapomorphies avec le gine marine (Delamare Deboutteville 1957, Coi- PHYLOGÉNIE DES ISOPODA (CRUSTACEA) 173

neau 1986, Coineau et al. 1994), groupe frère des Le sous-ordre Calabozoidea Van Lieshout, Asellota. 1983 a été institué pour l'espèce Calabozoa pel- Les Asellota (autap. 41 et 42) représentent un lucida du Nord du Vénézuela, vivant dans les des plus grands sous-ordres d'Isopodes, tant par puits et la zone hyporhéique. Le sous-ordre a été le nombre d'espèces que par sa grande diversifi- unanimement reconnu mais il a suscité des con- cation. Le sous-ordre renferme 2 groupes majeurs, troverses concernant ses relations phylogénéti- les Aselloidea dulçaquicoles et les Janiroidea ques. Van Lieshout, à la suite d'une comparaison essentiellement marins, et dans les deux groupes avec les autres sous-ordres, considère Calabozoa existent de nombreuses espèces souterraines (Coi- comme plus proche des Asellota, car dans les deux neau, Henry, Magniez & Negoescu 1994). L'au- sous-ordres l'exopodite du premier pléopode mâle tapomorphie essentielle des Asellota est la est modifié pour participer à l'accouplement. En conformation de l'endopodite du pléopode 2 du effet, on peut préciser que chez Calabozoa et chez mâle devenu un organe copulateur muni d'une les Arcturidae (Valvifera), c'est l'exopodite qui gouttière ou d'un canal, plus ou moins parfait, ou est modifié tandis que chez les Oniscidea c'est d'une vésicule interne (Magniez 1974, 1975). Cet l'endopodite; mais, ainsi que l'ont montré Brusca organe, initialement biarticulé et géniculé et se- et Wilson, dans le cas des Asellota chez lesquels condairement uniarticulé, est inséré, près d'un le pléopode 1 participe à la transmission du petit exopodite, du côté distal ou médian d'un sperme (Janiroidea), il est difficile de préciser de grand sympodite. Dans la situation initiale (biar- quelle rame il s'agit ou s'il s'agit du pléopode ticulé) l'article proximal représente un manubrium tout entier. Wagele considère que les Calabozoi- et l'article distal, infundibuliforme, représente dea représentent le groupe frère des Asellota. l'organe copulateur proprement dit. Chez les Ja- Nous avons montré que les Calabozoidea ne présentent pas en commun avec les Asellota les niroidea l'article distal est prolongé par un stylet plésiomorphies supposées par Wagele (coxa an- contenant le tube spermatique (Wilson 1987, 1991). Les Asellota présentent certaines plésio- nulaires et filtres antérieurs de l'estomac de type primitif) et que les synapomorphies indiquées par morphies en commun avec les Phreatoicidea : le même auteur ne prouvent pas qu'ils sont des coxa annulaires fonctionnelles, groupement des groupes frères. D'après Brusca & Wilson, Cala- péréiopodes 4-3, filtres antérieurs de l'estomac bozoa représente soit un Oniscide primitif adapté toujours du type primitif. La disparition de ces à la vie aquatique, soit le groupe frère des plésiomorphies caractérise les autres sous-ordres Oniscidea. Comme Calabozoa ne présente pas les (synap. 43 et 44). autapomorphies essentielles des Oniscidea on peut La matrice à 75 caractères (donc sans considé- exclure l'hypothèse qu'il s'agit d'un Oniscide rer le caractère 76) permet d'obtenir un clado- adapté au milieu aquatique (Tabacaru & Danielo- gramme (Fig. 4) dans lequel le caractère 45 pol 1996 a). L'étude renouvelée de Calabozoa (position des apophyses génitales et tendance à pellucida nous conduit à la conclusion que parmi leur fusion) caractérise le groupe composé des les sous-ordres des Isopoda, les Oniscidea sont Valvifera et de leur groupe frère Calabozoidea- les plus proches par la conformation de l'endopo- Oniscidea. Dans le cladogramme obtenu à partir dite du pléopode 2 du mâle et surtout par la d'une matrice à 76 caractères (Fig. 5), donc tenant réduction du pléotelson, portant sur les pléonites compte du caractère 76 (allongement du telson 1 et 2 de dimensions réduites alors que les postérieurement à l'anus), la signification du ca- pléonites 3-5 sont bien développés (synap. 49 et ractère 45 est réduite et les Valvifera ainsi que le 50). Le sous-ordre des Calabozoidea se distingue groupe Calabozoidea-Oniscidea auraient un ancê- nettement des autres sous-ordres par d'importan- tre commun avec le groupe des sous-ordres ca- tes autapomorphies (51-54). Remarquons l'allon- ractérisés par l'éventail caudal (caract. 59), en gement du pléotelson (sans inclure d'autres accord avec Brusca et Wilson. pléonites que le 6e) et les caractères sexuels mâles Le sous-ordre des Valvifera est essentiellement (apophyse génitale à grande plaque basale trapé- marin, avec de rares représentants saumâtres ou zoïdale et conformation en crochet du premier dulçaquicoles, largement répandu sur l'ensemble exopodite). du globe. Le plus ancien fossile connu, Proidotea haugi Racovitza et Sevastos, 1910, de Roumanie Les Oniscidea représentent, en nombre d'espè- et de Pologne (Hessler 1969), date de l'Oligo- ces, le plus grand sous-ordré des Isopoda. Ils ont cène ; il est proche des Mesidotea actuels. Les conquis le milieu terrestre et peuplent les milieux Valvifera sont bien caractérisés (autap. 46-48) par à grande humidité (rivages maritimes, marécages, la chambre respiratoire, constituée entre le pléo- grottes, sol, etc.) jusqu'aux steppes arides. Les telson et les uropodes, ainsi que par la position Oniscidea les plus primitifs sont littoraux et des apophyses génitales sur le pléonite 1. Le grand halophiles, laissant supposer l'origine marine du pléotelson des Valvifera englobe toujours le pléo- groupe. Peu connus comme fossiles, ils ont été nite 5, mais il y a une tendance à englober trouvés depuis l'Eocène. Il a été soutenu (Vandel graduellement tous les pléonites (Brusca 1984). 1943, 1960) qu'il s'agit d'un groupe polyphyléti- 174 TABACARU I., DANIELOPOL D.L.

que, mais les recherches plus récentes (Schmal- son : dans l'ordre des Isopoda, cette conformation fuss 1989, Wagele 1989, Erhard 1995, Tabacaru est plésiomorphe. Donc nous sommes d'accord & Danielopol 1996 a, 1996 b) ont montré leur avec l'affirmation de Racovitza (1923) selon la- monophylie. Nous avons montré aussi que les quelle les Isopodes actuels nageurs ne sont pas formes à mode de vie aquatique ne représentent des formes primitives, mais des formes dérivées pas une lignée indépendante et qu'il s'agit d'un de lignées ambulatoires, leur adaptation à la nage retour secondaire à ce mode de vie, car ces formes étant secondaire. A l'intérieur du grand phylum présentent toutes les autapomorphies des Onisci- caractérisé par l'éventail caudal (synap. 59) ex- dea. Dans la présente matrice nous avons choisi ceptant les « Flabellifera », les autres sous-ordres les autapomorphies les plus significatives (autap. sont bien définis par de nombreuses autapomor- 55-58) dont la plupart sont liées à la vie dans les phies. milieux terrestres : présence d'un système Enfin, remarquons l'importance du type de d'écaillés qui assure la circulation de l'eau sur la diversification du pléon : surface du corps ; présence de soies-écailles sur 1. - sans tendance à la réduction, pléonite 5 les tergites; antennule réduite à 3-1 articles, ayant les dimensions d'un péréionite (plésiomor- protégée par la base de l'antenne (Schmalfuss phie 31) - Phreatoicidea, Tainisopus ; 1998) . Mais, comme dans le cas des Microcerbe- 2. - pléonites 3-5 (parfois 2-5 ou tous les roidea, il faut remarquer l'autapomorphie concer- pléonites) englobés dans le pléotelson, primitive- nant la conformation de la maxille : primitivement ment les pléonites 1 et 2 bien développés (syna- à 3 endites (on voit encore un rudiment du 3e pomorphie 32) - Microcerberoidea, Asellota; endite chez Ligidioides intermedius Wahrburg, 3. - pléonites 1 et 2 diminués en dimensions, 1924), elle est devenue une lame étroite bilobée pléonites 3-5 toujours bien développés (synapo- à son apex. morphie 49) - Calabozoa, Oniscidea; 4. - au moins le pléonite 5 englobé dans le Récemment Erhard (1998) a affirmé que dans pléotelson qui forme avec les uropodes une cham- les études sur les relations phylogénétiques entre bre respiratoire (autapomorphie 46) ; 4-0 pléonites les groupes importants des Isopoda (Schmalfuss libres - Valvifera ; 1989, Wàgele 1989, Brusca & Wilson 1991), alors 5. - pléotelson formant avec les uropodes un que la position des taxons Phreatoicidea, Asellota, éventail caudal (synapomorphie 59) ; 5-0 pléonites Microcerberoidea, Calabozoa et Oniscidea est su- libres - « Flabellifera », Anthuridea. jette à controverses, on considère généralement que Epicaridea, Valvifera, « Flabellifera », Anthu- REMERCIEMENTS. - Nous sommes très reconnaissants ridea et Gnathiidea forment un monophylum. à l'Académie Roumaine pour le support financier Dans la présente note, nous avons considéré (Grant 48/1998) et à l'Académie Autrichienne des surtout des taxons sujets à controverses, mais Sciences pour la bourse d'études offert à I.T. en Au- précisons que le grand monophylum sur lequel triche. Nous adressons nos vifs remerciements aux per- sonnes suivantes qui nous ont offert du matériel à existe un accord, est en réalité caractérisé par des l'étude et/ou des informations bibliographiques : P.B. caractères également controversés. Il s'agit sur- Berents (Sydney), L. Botosaneanu (Amsterdam), A. tout du problème très discuté de l'éventail caudal Brandt (Hambourg), N. Coineau (Banyuls-sur-Mer), P. («tail fan»). Tandis que Wàgele (1989, 1994) Dworschak (Vienne), J. Gruber (Vienne), M. Gutu (Bu- soutient que l'éventail caudal est un état plésio- carest), C. Juberthie (Moulis), G. Magniez (Dijon), M. morphe provenant de l'éventail caudal primitif van der Merwe (Cape Town), I. Negoescu (Bucarest), eumalacostracien, Brusca & Wilson (1991) et E. Nitzu (Bucarest), D. Platvoet (Amsterdam), C. Plesa Wilson (1996) soutiennent qu'il s'agit d'un état (Cluj-Napoca), R. Safar (Vienne), H. Sattmann apomorphe (réversion). Wàgele (1994) donne (Vienne), F. Schiemer (Vienne), V. Stagl (Vienne), F. comme arguments la parcimonie dans l'évolution Stoch (Trieste), J. Svavarsson (Reykjavik), G.D.F. Wil- son (Sydney). Nous sommes particulièrement reconnais- des Eumalacostraca, ainsi que des situations pré- sants à N. Coineau (Banyuls-sur-Mer) pour sa précieuse cises où des formes à uropodes styliformes pro- et permanente aide dans la réalisation de ce travail. viennent de formes à éventail caudal. Nous Nous adressons nos remerciements aux lecteurs anony- signalons qu'il existe aussi des situations précises mes pour leur évaluation constructive d'une première où des uropodes styliformes sont devenus des version du manuscrit. uropodes lamellaires à insertion antérieure sur le pléotelson, par exemple chez les Oniscidea vol- vationnels (Tylidae, Armadillidae, Armadillidii- dae). Considérant que chez les Tanaidacea, fossiles (Anthracocaris) et actuels (Gutu & Sieg, RÉFÉRENCES 1999) , ainsi que chez les lignées les plus primi- tives d'Isopodes (Phreatoicidea, Tainisopus, Mi- crocerberoidea, Asellota) existent des uropodes Ax P 1999. Das System der Metazoa II. Ein Lehrbuch styliformes et un anus subterminal, nous parta- der phylogenetischen Systematik. Gustav Fisher Ver- geons l'opinion de Schmalfuss et de Brusca &Wil- lag, Stuttgart-Jena-Lubeck-Ulm, 390 p. PHYLOGÉNIE DES ISOPODA (CRUSTACEA) 175

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