Bulletin Phaethon 2009

______Volume 29

2ème trimestre

Paille en queue à brin blanc Phaethon lepturus

Publié par Nature & Patrimoine et Nature Océan Indien Editorial

Le Bulletin Phaethon est un support pédagogique créé par l’Association Nature & Patrimoine sous l’initiative de Jean Michel Probst, il y a maintenant 15 ans. Il a pour vocation principale de servir à améliorer les connaissances naturalistes et scientifiques de la faune et la flore de l’Océan Indien. Il présente ainsi des articles sur la faune des Mascareignes et des Iles de l’Océan Indien : La Réunion, Maurice, Rodrigues, Les Seychelles, Les Comores, Madagascar, les îles éparses…

Le Bulletin Phaethon est une revue naturaliste qui présente, soit en français soit en anglais, des comptes rendus, rapports, notes et observations sur la faune des Mascareignes et des îles de l’Océan Indien. Plus particulièrement sur les oiseaux, mammifères, , amphibiens, poissons, mollusques, crustacés, insectes… et de préférence tout ce qui concerne les dernières découvertes.

Aujourd’hui le Bulletin Phaethon prend un nouveau départ : l’association Nature & Patrimoine a confié sa réalisation à Nature Océan Indien. A l’avenir les Bulletins Pheathon seront mis en ligne et téléchargeables sur le site internet de l’association : http://www.nature-ocean-indien.org.

Chaque année, nous tenterons d’éditer au minimum deux volumes. Le Bulletin Phaethon représente une activité bénévole et non subventionnée au sein de notre association.

Le Bulletin Phaethon est destiné à tous les amateurs, naturalistes, chercheurs, passionnés… désireux de partager leurs connaissances au travers de cette revue, et ainsi de contribuer à valoriser notre patrimoine naturel.

A vos plumes !!!

Jean-Michel Probst Directeur de publication Nature & Patrimoine (Association loi 1901)

L’Association Nature & Patrimoine regroupe ceux qui s’intéressent au patrimoine naturel des îles de l’Océan Indien et plus particulièrement aux milieux indigènes et à la faune endémique et protégée.

Elle a pour mission principale d’éditer des supports pédagogiques afin de sensibiliser et vulgariser les connaissances sur le patrimoine naturel de La Réunion.

L’association est ouverte aux personnes passionnées de nature, aux chercheurs, professionnels et amateurs. Nature & Patrimoine propose 6 commissions :

- Éditions - Sensibilisation et vulgarisation - Expéditions - Sorties - Études et recherches - Actions de conservation - Communication – Vie associative

Elle publiait jusqu’alors un bulletin “Phaethon”, destiné aux naturalistes et aux amoureux de la nature de La Réunion, mais aussi de Maurice, de Rodrigues, de Mayotte et des îles éparses. Quelques articles traitent également des autres îles de l’Océan Indien. Nature Océan Indien (Association loi 1901)

L'association Nature Océan Indien a pour objectif de promouvoir la recherche et la conservation du patrimoine naturel en général, et de l’herpétofaune en particulier.

Aux fins de réalisation dudit objet, l’association utilise les moyens d’action suivants : - développement des activités de connaissance, d’échange et de conservation de la nature entre les chercheurs et les naturalistes des îles et des pays côtiers de l’Océan Indien. Localement, contribution à la connaissance des milieux et des espèces ; - conception et réalisation d’action de formation dans les domaines du patrimoine naturel et de l’herpétologie (professionnelle, scolaire, « tout public »…) ; - gestion de tout matériel, locaux et espace naturel mis à sa disposition ; - réalisation de toute action d’aménagement, d’étude et d’expertise écologique des milieux naturels et urbains ayant pour objectif la conservation du patrimoine naturel ; - création d’outils pédagogiques de qualité et mise en place ou participation à des actions de sensibilisation pour le « tout public ».

Notre association est ouverte aux personnes ayant une de bonnes connaissances dans les domaines naturalistes et scientifiques (amateurs, chercheurs, passionnés…). Les demandes d’adhésion sont formulées par écrit par le demandeur. Toute adhésion est parrainée par au moins un membre du Conseil d’Administration et est l’admission des nouveaux membres est prononcée par ce même conseil.

Pour nous contacter

Nature Océan Indien Appt 19, 8 rue Pierre de Coubertin 97490 Ste Clotilde ILE DE LA RÉUNION – France [email protected] Bulletin Phaethon Volume 29 - n° 1 (2ème trimestre 2009) Sommaire Relance effectuée : Articles

Probst, J-M., Pausé, J-M., Dubois, S. & M. – Compte-rendu d’observation des oiseaux de Guadeloupe ...... 1-9

Rives, S. & Le Blond, G. – Première observation sur la nidification du Martinet des cascades en Guadeloupe ...... 10-11

Sanchez, M. & Probst, J-M. - Observation d’une ponte communale exceptionnelle chez le Gecko vert de Manapany Phelsuma inexpectata (Mertens, 1966) ( – Gekkonidae)...... 12-15

…………….16 ??

Sanchez, M. & Gandar, A. - Le Manioc marron, Scaevola taccada (Goodeniaceae) (Gaertn.), une espèce indigène essentielle pour le Gecko vert de Manapany, Phelsuma inexpectata (Mertens, 1966) (Sauropsides : Sauria : Gekkonidae) ?...... 17-21

Sanchez, M., Gandar, A., Duval T., Warren, B., & Probst, J-M. - Note brève : observation d’un agame arlequin, Calotes versicolor (Daudin 1802) (Squamata : Agamidae), à une altitude exceptionnelle de 2340 m pour l'île de La Réunion ...... 22-25

Sanchez, M., Denis, B. & Probst, M. - Cahier technique pour la réalisation d’une mesure compensatoire pour le Paille-en- queue, Phaethon lepturus (Daudin, 1802) (Aves, Ciconiiformes, Phaethonidae) sur l'île de La Réunion...... 29-38

Sanchez, M. & Probst, J-M. - La Petite île de La Réunion, un sanctuaire potentiel pour le Gecko nocturne de Bourbon, Nactus soniae Arnold & Bour, 2008, et le Scinque de Bouton, boutonii (Desjardins, 1831) .....39-43

Nouvelles brèves

Tamon, J-M. - Redécouverte de l’ Asplenium petiolulatum Mett Découverte d’une nouvelle fougère à La Réunion...... 51

Gauvin, J. - Observation d’une nouvelle population de lézard vert des Hauts au Dimitile ...... 52

Lequette, B., Antoniama, J.P., Garcia, J.C. & Probst, J-M. - Redécouverte de la population de Lézard vert des Hauts Phelsuma borbonica du Maïdo ...... 22-24

 2009. Nature & Patrimoine et Nature Océan Indien Note brève : Observation d’une ponte communale exceptionnelle chez le Gecko vert de Manapany, Phelsuma inexpectata (Mertens, 1966) (Sauropsides : Sauria : Gekkonidae). Sanchez, M. & Probst, J-M.

Bulletin Phaethon, 2009, 29 : 12-15.

Note brève : Observation d’une ponte communale exceptionnelle chez le Gecko vert de Manapany, Phelsuma inexpectata (Mertens, 1966) (Sauropsides : Sauria : Gekkonidae)

Mickaël SANCHEZ (1) & Jean-Michel PROBST (2)

(1) Association Nature Océan Indien, 97490 Ste Clotilde, Ile de La Réunion, France ([email protected] )

(2) Parc National de La Réunion, 112 rue Sainte Marie, 97400 Saint-Denis, Ile de La Réunion, France ([email protected] )

Introduction

Le Gecko vert de Manapany, Phelsuma inexpectata est l'un des derniers survivants des 7 reptiles endémiques de La Réunion. Il appartient à la famille des Gekkonidae qui comprend 85 genres et 1076 espèces (Uetz & Hallermann, 2008). Protégée par un arrêté ministériel depuis 1989, l'espèce est aujourd'hui menacée, principalement par la disparition de son habitat (Sanchez, 2008). Ce petit gecko vit uniquement dans le Sud de l'île sur une fine bande littorale comprise entre Grand Bois et St Joseph (Bour et al., 1995 ; Sanchez, 2008 ; Sanchez et al., soumis). C'est lors d'une mission de recherche herpétologique menée le 8 février 2008, que nous avons fait l’observation inédite d’une ponte communale de Phelsuma inexpectata dépassant la centaine d’œufs, agglomérés dans la véranda d’une habitation de Manapany-les- Bains.

Détails des observations

En compagnie de P. Devos, nous avons été invités à visiter le jardin de Michel Giacomino, riverain de Manapany-les-Bains. A notre arrivée, nous avons été agréablement surpris par la densité élevée de Phelsuma inexpectata établis dans ce jardin. Les multiples espèces végétales plantées - palmiers, multipliants, dattiers, aréquiers, lataniers, cocotiers, palmistes, ravenales, phoenix – semblaient fournir un habitat favorable aux geckos verts de Manapany 1. De plus, M. Giacomino nous confia qu'il n'utilisait jamais aucun produit chimique pouvant être néfaste aux reptiles. Après cette visite du jardin nous avons pu constater que les geckos adultes, mais également les juvéniles, occupaient également la toiture ainsi que les murs intérieurs et extérieurs de l'habitation.

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Figure 1 : Femelle gravide de Phelsuma inexpectata sur un Palmier multipliant . Photo : M. Sanchez.

Après avoir aperçu une femelle gravide sur un Palmier multipliant ( Dypsis lutescens ) (Fig. 1), M. Giacomino nous indiqua ensuite où les femelles déposent habituellement leurs œufs dans sa propriété. Notre surprise fut grande quand il nous montra la rainure supérieure de la porte coulissante de sa véranda. Elle semblait contenir des centaines d'œufs ! Après un calcul rapide, basé sur l'estimation d'un nombre moyen de 16 marques d’œufs pour dix centimètres de rainure, nous avons estimé que ce site de ponte mesurant 150 cm pouvait contenir un minimum de 240 œufs (Fig. 2). Devant l'empilement des traces, il est probable que d'années en années les mêmes sites de ponte aient été régulièrement sélectionnés par les femelles. Ceci suggère une certaine fidélité à un site de ponte choisi par une population de Phelsuma .

Figure 2 : Ponte communale de Phelsuma inexpectata . Photo : M. Sanchez.

Phelsuma inexpectata est considérée comme une espèce fixatrice d’œufs mais pouvant donner lieu à des pontes communales (Bour et al ., 1995). Toutefois, aucun site de ponte communale d'une telle envergure n'avait encore été relaté à travers la littérature pour P. inexpectata . Les pontes communales sont fréquentes chez de nombreuses espèces de Phelsuma notamment chez l’espèce proche mauricienne, P. ornata (Cole, 2005 & obs. pers). Le Gecko vert des Hauts, Phelsuma borbonica (endémique de La Réunion), effectue aussi fréquemment le même procédé où plusieurs pontes fixées à un support ou non, sont regroupées en un même endroit (Probst & Deso, 2001 ; Deso, 2006).

Observations complémentaires

Plus tard, le 25 janvier 2009, une riveraine de Manapany-les-Bains, Marie Claude Ollivier, nous fit parvenir les photos d'un site de ponte quasi-similaire, située dans la rainure

Page - 13 - Bulletin Pheathon – Volume 29 (2009) supérieure de la fenêtre d'une chambre peu occupée. Comme on peut le voir sur la photo suivante, le site contient de nombreuses traces de ponte (une douzaine) ainsi que des oeufs non éclos (au nombre de 8) (Fig. 3). Un juvénile est également observable à proximité des pontes.

Figure 3 : Ponte communale de Phelsuma inexpectata . Photo : M-C. Ollivier.

Sur une autre fenêtre d'une pièce peu fréquentée, Mme Olivier a aussi observé une seconde ponte communale de P. inexpectata . A proximité, dans une rainure parallèle, une Couleuvre loup ( Lycodon aulicus ) d'environ 50 cm semblait "surveiller tranquillement son garde manger". Ce serpent est en effet un redoutable prédateur de gecko et notamment de P. inexpectata (Deso & Probst, 2007).

Conclusion

Pour rappel, le Gecko vert de Manapany est réglementairement protégé par la loi. Selon l'arrêté ministériel du 17 février 1989 : il est formellement interdit, sous peine de poursuite, de le capturer, de le maintenir en captivité, de détruire ou d'enlever ses oeufs, ou encore de le gêner de quelque façon que se soit.

Ces observations certifient deux points fondamentaux pour la conservation du Gecko vert de Manapany : - Contrairement aux idées reçues, le Gecko vert de Manapany entre et gîte fréquemment dans les habitations . Comme il a été signalé, le produit largement utilisé sur l’île de la Réunion pour détruire les geckos nocturnes exotiques (principalement Gehyra mutilata et Hemidactylus frenatus ) peut aussi détruire les deux Phelsuma endémiques et protégés de La Réunion (Ineich, 2007). Notons que la substance active de ce produit, le Chloralose, est un puissant anesthésiant à toxicité aiguë, y compris pour l'homme (Ineich, 2006). - D’autre part, des pontes peuvent se situer dans les habitations et dépasser une centaine d'œufs agglomérés, ce qui était encore méconnu chez cette espèce. Les rainures de fenêtre, abritant les oeufs de la prédation par les petits mammifères comme les rats et les musaraignes, semblent à cet effet très favorables au dépôt de ces pontes. Pour éviter toute destruction involontaire de ces œufs, une sensibilisation adaptée des riverains côtoyant le Gecko vert de Manapany est primordiale.

Remerciements

M. Giacomino, P. Devos et M-C. Ollivier sans qui ces observations n'auraient jamais été réalisées. G. Deso, A. Gandar, R. Leroy et T. Duval pour leur relecture et remarques

Page - 14 - Bulletin Pheathon – Volume 29 (2009) avisées. Le Muséum National d'Histoire Naturelle de Paris pour la mise à disposition de la documentation nécessaire à la rédaction de cette note.

Commentaires

1 Certaines caractéristiques de l'habitat, comme la disponibilité en site de ponte, les espèces végétales privilégiées, la diversité végétale, la structure spatiale de la végétation (hauteur et diamètre) ou encore son état, entretenue ou naturelle, peuvent avoir un impact sur l'effectif des populations de Phelsuma . L'abondance des Phelsuma est d'ailleurs corrélée à la qualité et la structure de l'habitat (Harmon et al., 2005).

Références bibliographiques

BOUR, R., PROBST, J-M., RIBES, S. 1995. Phelsuma inexpectata Mertens 1966, le Lézard vert de Manapany les Bains (La Réunion): Données chorologiques et écologiques (Reptilia, Gekkonidae). Dumerilia 2 : 99-124.

DESO, G. 2006. Note sur un type de ponte particulier chez Phelsuma borbonica borbonica (Mertens, 1966) (Reptilia : Sauriae : Gekkonidae) Ile de La Réunion. Bull. Phaethon, 23 : 29-36.

DESO, G. & PROBST, J.M. 2007. Lycodon aulicus Linnaeus, 1758 et son impact sur l’herpétofaune insulaire à La Réunion (Ophidia : Colubridae : Lycodontinae). Bull. Phaethon, 25 : 29-36.

COLE N.C. 2005. The ecological impact of the invasive house gecko Hemidactylus frenatus upon endemic Mauritian geckos. University of Bristol, PhD thesis, 207 p.

HARMON, L.J., HARMON, L.L, JONES, C.G. 2005. Competition and Community Structure in Diurnal Arboreal Lizards. PhD thesis. Division of Biological and Biomedical Sciences, Washington University, Saint Louis, Missouri.

INEICH, I. 2006. "Margouillator": A threat to Endemic Geckos. Chit Chat. 17: 13.

INEICH, I. 2007. Le "Margouillator" aura-t-il raison des geckos endémiques réunionnais ? Le Courrier de la Nature n°234 pp.

PROBST, J.M. & DESO, G. 2001. Fiche « patrimoine naturel à protéger » Le Gecko vert des forêts Phelsuma borbonica . Bull. Phaethon, 13 : 23-25.

SANCHEZ, M. 2008. Le Gecko vert de Manapany, Phelsuma inexpectata (Mertens, 1966) – Ecologie, Répartition et Stratégie de Conservation. Université de La Réunion. Rapport de Master 2 non publié, 62 p.

SANCHEZ, M., DUVAL, T., LAVERGNE, C. & PROBST, J-M. soumis. Découverte d'une nouvelle population du Gecko vert de Manapany, Phelsuma inexpectata (Mertens 1966) (Reptilia : Sauria : Gekkonidae). Info Nature.

UETZ, P. & HALLERMANN, J. 2008. The New Database. (Date de mise à jour : 14 Mai 2007). http://www.reptile-database.org/

Page - 15 - Le manioc marron de bord de mer, Scaevola taccada (Goodeniaceae) (Gaertn.), une espèce indigène essentielle pour le gecko vert de Manapany, Phelsuma inexpectata (Mertens, 1966) (Sauropsides : Sauria : Gekkonidae). Sanchez, M. & Gandar, A.

Bulletin Phaethon, 2009 , 29 : 17-21.

Le manioc marron, Scaevola taccada (Goodeniaceae) (Gaertn.), une espèce indigène essentielle pour le gecko vert de Manapany, Phelsuma inexpectata (Mertens, 1966) (Sauropsides : Sauria : Gekkonidae)

Mickaël SANCHEZ & Allison GANDAR*

*Association Nature Océan Indien, 97490 Ste Clotilde, Ile de La Réunion, France ([email protected])

Introduction

Le gecko vert de Manapany, Phelsuma inexpectata, est un reptile endémique de La Réunion. Il appartient à la famille des Gekkonidae qui comprend 85 genres et 1076 espèces (Uetz & Hallermann, 2008). Le Genre Phelsuma est principalement distribué dans l'ouest de l'océan Indien (Austin et al., 2004). Il existe une quarantaine d'espèces de Phelsuma dont plus de la moitié sont localisées à Madagascar. Après deux événements d'extinction ( P. gigas et P. edwardnewtonii), l’archipel des Mascareignes contient aujourd'hui 7 espèces endémiques : 5 espèces mauriciennes – P. cepediana , P. guimbeaui , P. rosagularis , P. ornata et P. guentheri - et 2 espèces réunionnaises - P. borbonica et P. inexpectata (Cheke & Hume, 2008).

Le gecko vert de Manapany, P. inexpectata (Fig. 1.), est un petit reptile de couleur vert pomme qui vit principalement dans le Sud de l'île de la Réunion, sur une fine bande littorale entre Petite île et St Joseph (Bour et al., 1995 ; Sanchez, 2008). Protégée par un arrêté ministériel depuis 1989 l'espèce est aujourd'hui en déclin : de nombreuses populations ont disparu au cours des 13 dernières années et parmi les populations restantes la plupart ont vu leurs effectifs diminuer (Sanchez, 2008).

Lors d'une étude sur P. inexpectata réalisée en 2008, nous avons pu observer un certain nombre d'interaction entre le gecko et une plante indigène appartenant à la famille des Goodeniaceae, le manioc marron bord de mer, Scaevola taccada . Il s’agit d’une espèce arbustive commune sur le littoral de la Réunion. Cette plante est distribuée dans l'Océan Indien mais également dans l'Océan Pacifique (Atkinson & Sevathian, 2005).

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Figure 1 : Phelsuma inexpectata immature sur Scaevola taccada . Photo : M. Sanchez.

Détails des observations

Lors de cette étude, une densité élevée en gecko dans un bosquet de manioc marron bord de mer a été constatée. Dans ce bosquet de près de 5 m de long sur 1 m de large et 2 m de haut, 15 individus ont été comptabilisés, la plupart étant des juvéniles ou des subadultes (moins de 10 cm de longueur totale). Pour comparaison on dénombre en général entre 3 et 6 individus dans un même vacoa de bord de mer ( Pandanus utilis ). Ceci est probablement lié non seulement au comportement de territorialité de l'espèce mais également à la quantité de ressource alimentaire disponible.

Le suivi de plusieurs individus a ensuite permis d'observer plusieurs comportements intéressants. Les geckos se nourrissent du nectar et du pollen des fleurs (Fig. 2) mais également sur les bourgeons floraux en formation (Fig. 3). Notons que sur l'île aux Aigrettes (Maurice), un autre Phelsuma , le gecko vert orné, P. ornata , visite également les fleurs de cette plante (Olesen et al., 2002).

Après de plus longues observations nous avons par ailleurs constaté que les geckos utilisent la partie sommitale (terminale) de la plante comme site de thermorégulation (régulation de leur température interne grâce à la chaleur externe) et qu’ils y trouvent également des caches pour leur protection.

Figure 2 : Nourrissage de P. inexpectata du nectar des fleurs de S. taccada . Photo : M. Sanchez.

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Figure 3 : Nourrissage de P. inexpectata dans le fruit en formation de S. taccada . Photo : M. Sanchez.

Le manioc marron bord de mer, essentiel au gecko vert de Manapany ?

La forte densité en geckos observée est probablement liée à la floraison de la plante au moment de l’étude et aux ressources alimentaires végétales importantes qu'elle fournit lors de cette période. Comme pour d'autres espèces de Phelsuma , l'alimentation du gecko vert de Manapany est en effet en partie constituée de ressources végétales (Nyhagen et al., 2001 ; Cole, 2005 ; Hansen et al., 2006 ; Hansen et al., 2007 ; Deso et al., 2008 ; Hansen & Müller, 2009).

En outre, le port de la plante, dont les branches entrelacées forment de nombreux méandres, offre une certaine protection aux geckos : ce micro-habitat est favorable à leur fuite lors de l'attaque d'un prédateur. Ceci pourrait expliquer le nombre élevé d'immatures observé, cette classe d'âge semblant plus sensible à la prédation que les adultes, peut-être en raison de leur petite taille et/ou de leur manque d’expérience.

De nombreux immatures de Phelsuma ont par ailleurs été observés dans d'autres plantes présentant un système foliaire "entrelacées" : P. inexpectata dans la saliette, Psiadia retusa (Deso et al., 2008), mais aussi P. ornata dans le bois matelot, Pemphis acidula , sur l'île d'Ambre (Maurice) (Obs. pers.)

Il est possible que ces plantes littorales au système foliaire particulier constituent des zones refuges pendant certaine période de la vie des Phelsuma , comme les premiers mois après la naissance. Ainsi différentes espèces végétales, fournissant chacune différents micro- habitats, seraient occupés en fonction de la classe d'âge. Ces suppositions restent toutefois à vérifiées par une étude sur l'occupation de l'habitat par ces espèces.

Une association à bénéfices mutuels ?

S. taccada est une plante hermaphrodite, c'est à dire qu'elle porte dans une même fleur les organes mâles et femelles (Bosser et al., 1976). Il est donc possible qu’une fleur appartenant à un même pied puissent donc s'autoféconder (dépôt de son propre pollen sur l'ovaire) ou être fécondée de manière croisée, par le pollen d'un autre pied. Lors des visites du gecko dans les fleurs, des grains de pollens peuvent se déposer sur son corps, notamment au

Page - 19 - Bulletin Phaethon – Volume 29 (2009) niveau de la tête et du ventre, et ainsi être transportés sur d'autres fleurs. Le dépôt de ces grains sur la fleur d'un autre pied peut concourir à la pollinisation de celle ci, et donc participer à la fécondation croisé de l'espèce, augmentant ainsi sa diversité génétique. Toutefois nous avons observé que ces fleurs sont visitées par de nombreuses fourmis et par des oiseaux qui sont également des pollinisateurs potentiels.

Du fait des potentialités d’autofécondation de cette plante et en l’absence de données formelles sur sa pollinisation par des espèces animales, il est impossible de conclure quant à l’importance du gecko vert de Manapany pour le manioc marron bord de mer. Le principal bénéficiaire de cette interaction semble donc être le gecko qui en tire une ressource alimentaire.

Conclusion

Deso et al., (2008) référençaient déjà le manioc marron de bord de mer comme une plante nectarifère occupée par le gecko vert de Manapany. Ces observations viennent ici confirmer l’intérêt de cette plante pour le reptile.

Bien que dans une moindre mesure que le vacoa de bord de mer, Pandanus utilis , le manioc marron bord de mer , Scaevola taccada , apparaît comme une plante importante pour le gecko vert de Manapany. La plante fournit non seulement une protection pour les immatures de cette espèce menacée mais également une ressource alimentaire d’origine végétale. Dans le contexte actuel de disparition de l’habitat naturel du gecko vert de Manapany (Sanchez, 2008), il serait donc intéressant de prendre en compte cette espèce végétale indigène lors de la mise en œuvre de mesures conservatoires concrètes visant à restaurer son habitat. Il est primordial de prendre en compte l’ensemble des espèces végétales favorables au gecko vert de Manapany dans la politique globale d’aménagements des collectivités où vit l’espèce. A cet effet une palette végétale adaptée est en cours d’élaboration.

Remerciements

Nous tenons à vivement remercier G. Deso et J-M. Probst pour leurs relectures et leurs commentaires avisés.

Références bibliographiques

ATKINSON, R., SEVATHIAN, J.C. 2005. A guide to the plants in Mauritius. Mauritian Wildlife Foundation. 192 p.

AUSTIN, J.J., ARNOLD, E.N., JONES, C.G. 2004. Reconstructing an island radiation using ancient and recent DNA: the extinct and living day geckos ( Phelsuma ) of the Mascarene islands. Molecular Phylogenetics and Evolution 31 : 109–122.

BOSSER, J., CADET, T., JULIEN, H.R., MARAIS, W. 1976. Flore des Mascareignes-la Réunion, Maurice, Rodrigues. Les Goodeniacées. Vol 110, 18 pp.

BOUR, R, PROBST, J-M., RIBES, S. 1995. Phelsuma inexpectata Mertens 1966, le lézard vert de Manapany les Bains (La Réunion): Données chorologiques et écologiques (Reptilia, Gekkonidae). Dumerilia 2 : 99- 124.

Page - 20 - Bulletin Phaethon – Volume 29 (2009)

CHEKE, A., HUME, J. 2008. Lost Land of the Dodo. Yale University Press, New Haven, CT. 480 pp.

COLE, N.C. 2005. The ecological impact of the invasive house gecko Hemidactylus frenatus upon endemic Mauritian geckos. PhD thesis. School of Biological Sciences, University of Bristol, Bristol.

DESO, G., PROBST, J-M., SANCHEZ, M., INEICH, I. 2008. Contribution à la connaissance de deux geckos de l’île de La Réunion potentiellement pollinisateurs : Phelsuma inexpectata (Mertens, 1966) et Phelsuma borbonica (Mertens, 1966) (Sauria : Gekkonidae). Bulletin de la Société Herpétologique de France, 126 : 9-23.

HANSEN, D.M., BEER, K., MÜLLER, C.B. 2006. Mauritian coloured nectar no longer a mystery: a visual signal for lizard pollinators. Biology Letters 2 : 165-168.

HANSEN, D.M., KIESBÜY, H.C., JONES, C.G. MÜLLER, C.B. 2007. Natural History Miscellany. Positive Indirect Interactions between Neighboring Plant Species via a Lizard Pollinator. The American Naturalist 169 (4) : 534-542.

HANSEN, D.M., MÜLLER, C. 2009. Reproductive ecology of the endangered enigmatic mauritian endemic Roussea simplex (Rousseaceae). Int. J. Plant Sci. 170(1):42–52.

NYAHGEN, D.F., KRAGELUND, C., OLESEN, J. M., JONES, C. G. 2001. Insular interactions between lizards and flowers: flower visitation by an endemic Mauritian gecko. J. Trop. Ecol. 17 : 755-761.

OLESEN, J.M., ESKILDSEN, L.I., VENKATASAMY, S. 2002. Invasion of pollination networks on oceanic islands: importance of invader complexes and endemic super generalists. Diversity and Distributions 8 : 181-192.

SANCHEZ, M. 2008. Le Gecko vert de Manapany, Phelsuma inexpectata (Mertens, 1966) – Ecologie, Répartition et Stratégie de Conservation. Rapport de Master 2 non publié. Université de La Réunion. 62 pp.

UETZ, P. & HALLERMANN, J. 2008. The New . (Date de mise à jour : 14 Mai 2007). http://www.reptile-database.org/

Page - 21 - Note brève : observation d’un agame arlequin, Calotes versicolor (Daudin 1802) (Squamata : Agamidae), à une altitude exceptionnelle de 2340 m pour l'île de La Réunion. Sanchez, M. Gandar, A., Duval, A., Warren, B.H. & Probst, J-M.

Bulletin Phaethon, 2009, 29 : 22-25.

Note brève : observation d’un agame arlequin, Calotes versicolor (Daudin 1802) (Squamata : Agamidae), à une altitude exceptionnelle de 2340 m pour l'île de La Réunion

Mickaël SANCHEZ*, Allison GANDAR*, Thomas DUVAL*, Ben H. WARREN* & J-M. PROBST**

* Association Nature Océan Indien, 97490 Ste Clotilde, Ile de La Réunion, France ([email protected] )

** Parc national de La Réunion, 112 rue Sainte Marie, 97400 Saint-Denis, Ile de La Réunion, France ([email protected] )

Introduction

L'agame arlequin, Calotes versicolor , communément appelé "caméléon" à La Réunion appartient à la famille des Agamidae (Fig. 1). Cette famille comprend 53 genres et plus de 400 espèces (Uetz & Hallermann, 2009). L'Asie du Sud Est constitue son aire de répartition originelle (Probst, 1997). Parfois considéré comme une espèce envahissante il a été introduit par l'homme dans de nombreuses autres régions, notamment dans les îles de l'Océan Indien (Seychelles, Maldives, Mascareignes) et même en Floride (Matyot, 2004 ; Sharma, 2005 ; Radder, 2006). Hors Gekkonidae cet agame est aujourd'hui l'un des lézards les plus communs de part le monde (Matyot, 2004). L’agame arlequin a été introduit à La Réunion depuis Java vers 1865 (Probst, 1997). Il s'observe dans une grande diversité de milieux entre 0 m et 1900 m (milieu urbain, milieux agricoles, "savanes" et forêts dégradées), mais semble beaucoup moins fréquent voir absent dans les milieux forestiers indigènes (obs. pers.).

Figure 1 : L'agame arlequin, Calotes versicolor , observé à Saint Leu. Photo : M. Sanchez

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Détails de l'observation

En décembre 2008, P. Pinet (Laboratoire ECOMAR de l'Université de La Réunion) a observé un lézard sombre et assez massif sur le sentier du Grand Bénare à proximité du site touristique du Maïdo (Commune de Saint Paul). Suite à cette information et espérant retrouver une espèce disparue (le Grand Scinque de La Réunion Leiolopisma ceciliae Arnold & Bour 2008), une première mission de recherche est immédiatement réalisée par deux d'entre nous (J-M.P & M.S.). Devant l'absence de résultats, une seconde mission est organisée du 15 au 16 mars 2009 par les membres de l'association Nature Océan Indien. Après une première journée infructueuse, c'est lors de la deuxième journée que nous avons observé un individu adulte de Calotes versicolor en aval du sentier du Grand Bénare, à 2340 m d'altitude (UTM 40 E 332975 ; S 7667540). Relevons quelques points qu'il semble intéressant de détailler.

Altitude et habitat naturel

Cette observation matérialise ici le record d’altitude pour cette espèce à La Réunion. Jusqu'à présent elle avait été observée à 1755 m à la Roche Ecrite, dans une végétation de bois de couleurs des hauts de bord de rempart peu dégradée (H. Thomas, comm. pers.) et à un maximum de 1900 m à Marla, dans une prairie humide dégradée (J-M.P. obs. pers.). De part le monde il est commun jusqu'à 1800 m selon Smith (1935 In Sharma, 2005), beaucoup plus rarement au-delà (Cox, 1985 In Sharma, 2005). Toutefois le record d'altitude se situe en Inde où une femelle gravide a été capturée à 2700 m d'altitude (Sharma, 2005). Cette zone de la planèze du Grand Bénare est un habitat naturel indigène, couvert par des fourrés éricoïdes dominés par les brandes Erica reunionnensis , avec quelques tamarins Acacia heterophylla dépassant rarement les 2 m à 3 m de hauteur. Le sol est parsemé de très nombreuses failles et lors de nos observations l'une d'entre elles faisait office de refuge à l'agame. Cet agame est largement considéré comme une espèce arboricole ou semi-arboricole (Probst, 1997 ; Enge & Krysko, 2004 ; Matyot, 2004 ; Radder, 2006). Pourtant dans ce type de formation végétale basse il semble manifester des moeurs terrestres et saxicoles prononcés.

Pattern de coloration

L'individu observé au Grand Bénare était d'une coloration uniforme, noire sur le dessus du corps. La partie inférieure semblait plus claire de couleur rose saumon. Ce pattern de coloration "mélanique" n'est pas surprenant pour cette espèce mais rarement rencontré à La Réunion : seules quelques observations sont notées dans le sud de l’île (Le Tampon, St Philippe « Puit des Arabes » et Ste Rose – G. Deso Comm. pers.) et une observation dans nord (Grande Chaloupe – M.S. obs. pers.).

Figure 2 : L'agame arlequin, Calotes versicolor observé à 2340 m d'altitude. Photo : A. Gandar & M. Sanchez

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Le mélanisme peut être interprété comme un camouflage, résultant d'une adaptation morphologique à une pression de prédation. Par ailleurs, chez les reptiles vivant en milieu fermé le mélanisme est considéré comme une caractéristique permettant d'assurer une meilleure thermorégulation. Dans les populations d’altitude il peut être interprété comme une protection contre les radiations solaires (Ineich et al., 2009) ou encore comme une caractéristique morphologique permettant un réchauffement plus conséquent et plus rapide (Forsman, 1995 ; Saint Raymond – Moyna, 2008). Chez le Scinque d'Arundel, Emoia cyanura arundelii , présent sur l'île de Clipperton, le mélanisme est considéré comme une adaptation locale à l'hygrométrie, la fréquence du mélanisme étant corrélée à l'augmentation de celle-ci (Ineich et al., 2009).

Le faible nombre d'observation d'individus mélaniques rend délicat l'interprétation de ce pattern de coloration et l'hypothèse du camouflage est difficilement discutable. Etant donné l'altitude à laquelle l'individu a été observé, mais aussi le taux d'hygrométrie important de ce secteur de l'île, cette forme de mélanisme pourrait être interprétée de différente manière – un mécanisme de protection contre les rayons du soleil, une adaptation à l'hygrométrie, ou encore une adaptation morphologique permettant une meilleure thermorégulation. Toutefois l'observation d'un individu mélanique dans un milieu sec de basse altitude (Grande Chaloupe) rend difficile la validation d'une de ces hypothèses.

Il semble ainsi malaisé d'interpréter cette forme de mélanisme, d'autant plus que ce reptile est connu pour manifester d'importantes variations de coloration (=" versicolor ") (Enge & Krysko, 2004 ; Radder, 2006).

Conclusion

Bien que l'observation d'un unique individu ne permette pas de parler d'une population d'agame arlequin, c'est la première fois que cet agame exotique est observé à une telle altitude à La Réunion, qui plus est dans un milieu qu'on peut raisonnablement qualifier de totalement indigène.

Nous pouvons nous interroger quant à la date d'arrivée de cette agame à une telle altitude. Il semble tout à fait possible que l'espèce soit jusqu'à présent passée inaperçue. Il est également légitime de s'interroger quant à l'impact du reptile sur ce milieu naturel indigène et sur les espèces qui le composent (arthropodes, oiseaux, reptiles).

Rappelons qu'une population de gecko vert des Hauts endémique, Phelsuma borbonica , se situe à proximité du point d'observation de l'agame, à 2300 m sur le site du Maïdo (Bertrand, 2000 ; Probst, 2002). Plus récemment, le 25 avril 2009 l’un d’entre nous (T.D.) a observé un gecko vert des Hauts adulte dans le rempart du Grand Bénare à une altitude exceptionnelle d’environ 2350 m (UTM 40 E 333075 ; S 7667275). L'agame arlequin vient donc s'ajouter au cortège de prédateurs potentiels et très probables - chats, rats, souris, tous observés sur cette zone - de cette population de gecko vert, assez exceptionnelle par sa situation en haute montagne.

Aujourd’hui nous pouvons dire que l’agame arlequin, Calotes versicolor , et le gecko vert des Hauts, Phelsuma borbonica , sont les reptiles qui occupent les plus hautes altitudes à l’île de La Réunion.

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Remerciements

En premier lieu nous remercions P. Pinet sans qui cette observation n'aurait jamais été réalisée. Merci également à l'herpétologue G. Deso pour sa relecture et ses commentaires avisés.

Références bibliographiques

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PROBST, J.M. 1997. Animaux de la Réunion–Guide d’identification des oiseaux, mammifères, reptiles et amphibiens. Edition Azalées. 168 pp.

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RADDER, R.S. 2006. An overview of geographic variation in the life history traits of the tropical agamid lizard, Calotes versicolor . Current science, 91 (10) :1354-1363.

SAINT RAYMOND-MOYNA, D. 2008. Les affections cutanées des Reptiles. Thèse de doctorat vétérinaire. Faculté de Créteil – Paris. 191 pp.

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UETZ, P. & HALLERMANN, J. 2009. The New Reptile Database. (Date de mise à jour : 18 janvier 2009). http://www.reptile-database.org/

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Bulletin Phaethon, 2009, 29 : 29 – 38.

Cahier technique pour la réalisation d’une mesure compensatoire pour le Paille-en-queue, Phaethon lepturus (Daudin, 1802) (Aves, Ciconiiformes, Phaethonidae) sur l'île de La Réunion

Mickaël SANCHEZ (1), Bertrand DENIS (1) & Jean-Michel PROBST (2)

(1) SOGREAH Réunion, 9 rue des Poivriers, BP 995, 97479 St Denis, Ile de La Réunion, France ([email protected])

(2) Parc National de La Réunion, 112 rue Sainte Marie, 97400 Saint-Denis, Ile de La Réunion, France ([email protected])

1. Introduction et contexte de l’étude

Dans le cadre de nombreux projets d’aménagement tel que la pose de filets de protections contre les éboulements ou encore la réalisation de tunnels et de ponts, le Paille-en- queue (Phaethon lepturus) est affecté par une modification et/ou une destruction de son habitat. Ce type d’aménagement détruit nécessairement des sites de nidification du Paille-en- queue et il devient alors nécessaire de compenser cette perte par une mesure adaptée à cette espèce patrimoniale protégée. A ce titre une mesure compensatoire peut être envisagée pour palier les effets négatifs d’un projet sur cette espèce remarquable. Afin de concevoir cette mesure, une analyse de l'éco-éthologie de l’espèce, et plus particulièrement des caractéristiques de sa reproduction, a été réalisée. Cette analyse ainsi qu'une description technique de la mesure compensatoire sont présentée ci après.

2. Le Paille-en-queue, Phaethon lepturus

2.1. Présentation de l'espèce

Le Paille-en-queue à brins blancs (Phaethon lepturus) est une espèce indigène assez commune à La Réunion, en particulier le long des côtes rocheuses de Saint Denis à la Possession et de Saint Pierre à Sainte Rose (Barau et al., 2005). L’espèce niche à La Réunion mais également dans plusieurs îles de l’océan Indien (Maurice, Rodrigues, Madagascar, Comores, Aldabra, Seychelles, Maldives) (Probst, 1997 ; Probst 2002 ; Barau et al., 2005 ; Clément et al., 2008).

2.2. Législation

Pour rappel, le Paille-en-queue est protégé par arrêté ministériel depuis 1989 : "la destruction et l’enlèvement des œufs et des nids, la destruction, la mutilation, la capture ou

Page - 29 - Bulletin Pheathon – Volume 29 (2009) l’enlèvement, le transport, le colportage, l’utilisation et la mise en vente sont interdits" (J.O. 1989).

Figure 1 : Paille-en-queue, Phaethon lepturus. Photo : M. Sanchez

2.3. Morphologie

De taille moyenne, il mesure environ 44 cm de long et entre 90 cm et 96 cm d'envergure. Il possède deux longues rectrices centrales blanches presque aussi grandes que le corps (environ 30 cm). Le corps est blanc satiné à l'exception de deux barres noires sur le dessus des ailes. Un trait noir traverse l’œil et se poursuit vers l'arrière. Les pattes sont grisâtres et le bec est jaune (Probst, 2002 ; Barau et al., 2005 ; Clément et al., 2008).

2.4. Reproduction et caractéristiques des cavités de nidification

L’ensemble des données suivantes provient d’une analyse bibliographique, à laquelle s’ajoutent les observations réalisées dans le cadre des opérations de conservation de la Société d’Etude Ornithologique de La Réunion (SEOR). Un suivi des nids de Paille-en-queue est d'ailleurs actuellement mené par les équipes de terrain de la SEOR.

Le Paille-en-queue nicherait toute l’année à La Réunion, mais préférentiellement de septembre à mars, dans les anfractuosités et les trous des falaises maritimes, des ravines et des versants des cirques (Probst, 2002). Selon les différentes phases de son existence (prospection de nid, accouplement et nidification), le Paille-en-queue manifeste différents types de comportements. Pour exemple, durant la période de nidification il effectue de long vol de prospection afin de sélectionner sa cavité de nidification (Fig. 2) (Probst, 2002 ; obs. pers.). Après ce repérage il réalise des premiers essais d’atterrissage sur ce site pour vérifier la solidité et l’accessibilité du support. La cavité de nidification doit donc être adaptée à ces différentes phases comportementales. Elle se doit d’être également appropriée aux contraintes thermiques, aux dimensions de l’ et aux risques de prédation. Ces caractéristiques sont ici détaillées.

2.4.1. Caractéristiques thermiques

Les cavités sont exposées de manière à ne pas subir un ensoleillement constant au cours de la journée, un réchauffement trop conséquent pouvant nuire au jeune et à l’incubation de l’œuf. Le jeune est d’ailleurs sensible à la déshydratation.

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Le substrat rocheux des falaises maritimes favorise le maintien d’une température optimale au repos des adultes, à l’incubation de l’œuf et à la croissance des poussins. Il joue ainsi le rôle d'isolant thermique.

Figure 2 : Exemple de cavité de nidification du Paille-en-queue. Photo : B. Denis

2.4.2. Conformation de la cavité de nidification

La forme et les dimensions de la cavité doivent être adaptées au comportement du Paille-en-queue. En phase de prospection, les observations relèvent le caractère fondamental de la plateforme d’envol, qui permet aux individus une brève pose pour observer la fiabilité de la cavité de nidification. Les Paille-en-queue observés sur l’île de La Réunion nichent préférentiellement en falaise. Au fil des générations, la prédation et les dérangements d’origine anthropique sont probablement les facteurs ayant contribués à l’abandon du mode de nidification au sol. Les mœurs de nidification au sol semblent mieux se perpétuer sur les îles moins fréquentées par l’homme (par exemple à Maurice sur l’îlot Gabriel ou sur l’île aux Aigrettes). Notons également que ces oiseaux éprouvent de grandes difficultés à se déplacer au sol et à s’envoler à partir de celui ci (De Juana & Imboden, 1992).

Figure 3 : Exemple de plate forme d’envol du Paille-en-queue. Photo : B. Denis

La hauteur et la largeur de la cavité lui permettent un accès facile et une certaine liberté de mouvement lors des phases de repos ou lors de l'incubation (Fig. 3 & Fig. 4). La profondeur est également importante pour éviter les perturbations d’ordre climatique.

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Les Paille-en-queue sont des oiseaux qui se déplacent très souvent en couple et la ponte est couvée en alternance par le mâle et la femelle (Probst, 2002 ; Clément et al., 2008). Les dimensions de l’ouverture doivent idéalement permettre le repos de deux individus en simultanée pour la phase de reproduction (cf. séquence comportementale Fig. 4).

Figure 4 : Séquence comportementale de deux individus. Photos : B. Denis

2.5. La prédation

Le rat est l’un des principaux prédateurs du Paille-en-queue (Probst, 2002) et les nids les plus accessibles sont les plus exposés (Fig. 5). Cette prédation par les rats mais aussi les chats est un fléau majeur pour les populations d’oiseaux marins (Lecorre, 2008).

Figure 5 : Rat noir, Rattus rattus. Photo : M. Sanchez

3. Conception et réalisation de la mesure compensatoire

Suite à la réalisation des aménagements et des ouvrages ayant impactés l'habitat des Paille-en-queue, des nichoirs seront mis en place sur les falaises concernées. D’autres sites pourront être également sélectionnés comme des zones de nidification existantes où les cavités de nidification sont rares. Deux types de nichoirs sont envisagés : - Des nichoirs semi-artificiels : création d’ouverture dans la roche, - Des nichoirs artificiels : installation de nichoirs en bois, fixés à la falaise.

La conception de ces dispositifs est optimisée à partir de l’analyse des données éco- éthologiques précitées. Ces adaptions concernent en premier lieu les caractéristiques thermiques des nichoirs. La contrainte secondaire est la forme des nids car le dispositif doit

Page - 32 - Bulletin Pheathon – Volume 29 (2009) posséder des dimensions adaptées au comportement du Paille-en-queue. L’objectif de la réflexion est de rendre le dispositif attractif et valide pour ces différentes phases comportementales. Ces nichoirs doivent également être conçus de manière à éviter la prédation par les rats.

3.1. Nichoirs semi-artificiels

Dans la mesure du possible ce type de nichoir sera localisé à proximité des sites de nidification détruits par les travaux ou impactés par les aménagements : une ouverture sera réalisée dans la roche afin de créer une nouvelle cavité potentielle de nidification. Devant les contraintes et besoins de l’espèce, les caractéristiques techniques de ces nichoirs sont présentées ci-après.

3.1.1. Contrainte thermique

Pour répondre à cette contrainte, le nichoir sera situé de manière à ne pas bénéficier d’un ensoleillement constant au cours de la journée. L’orientation du soleil sera donc prise en compte lors de l’identification des sites d’implantation de nichoir semi-artificiel.

3.1.2. Les caractéristiques morphologiques

L’ouverture de la roche sera réalisée de manière à fournir une plate forme d’envol. Cette plate forme sera d’une largeur minimale de 20 cm. Les dimensions de cette ouverture seront conformes aux besoins de l’espèce : hauteur : 30 cm ; largeur : 40 cm ; profondeur : 60 cm.

3.1.3. La prédation

Le nichoir sera localisé de sorte à ne pas être accessible aux rats. Autant que possible la falaise sélectionnée sera verticale et tous les accès possibles au nichoir (chemin de roche et branches d’arbres) seront identifiés et éliminés.

3.2. Nichoirs artificiels

Ce type de nichoir sera mis en place à proximité des sites de nidification impactés par les aménagements ou à proximité de zones de nidification existantes. Ils seront solidement fixés à la falaise sélectionnée.

La conception de ces nichoirs est réalisée par SOGREAH, en collaboration avec la SEOR. La maquette de base des nichoirs est établie à partir du modèle réalisé en 1989 par l'un d'entre nous (J-M. Probst). Ce dernier a conçu et validé l’efficacité d’une opération du même type, lors d’un programme de restauration écologique sur l’Ile aux Aigrettes (Maurice). Une maquette est présentée sur la figure suivante. Il est à noter que sur cet îlot mauricien les Paille-en-queue nichent à même le sol. Notre démarche vise à adapter ce nichoir aux mœurs et à la nidification des Paille-en-queue à La Réunion.

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Figure 6 : Maquette de base des nichoirs à Paille-en-queue. Source : J-M. Probst

Les caractéristiques et adaptations techniques des nichoirs sont détaillées ci après.

3.2.1. Contrainte thermique

Pour répondre à cette contrainte les nichoirs seront disposés de manière à ne pas bénéficier d’un ensoleillement constant. Ces nichoirs seront conçus à partir de bois imputrescible (traité contre le pourrissement). La structure externe du nichoir renfermera un isolant thermique et résistant aux intempéries.

3.2.2. Les caractéristiques morphologiques

Les dimensions du nichoir sont celles avancées sur la figure 1, à savoir : hauteur : 30 cm ; largeur : 40 cm ; profondeur : 60 cm. La plateforme d’envol est fondamentale à l’atterrissage des Paille-en-queue dans le nichoir. Elle devra être d’une largeur de 20 cm, suffisante à l’installation de deux individus. Au vu des observations en milieu naturel plusieurs formes d'ouverture suscitent l’intérêt des Paille-en-queue reproducteurs. Trois formes caractéristiques communes adaptées à son comportement sont schématisées sur les figures suivantes.

Figure 7 : Forme 1 Figure 8 : Forme 2 Figure 9 : Forme 3

Selon nos observations la forme qui semble la plus adaptée est la figure 8, forme 2.

3.2.3. La prédation

Afin d’optimiser l’efficacité de la mesure, le problème de prédations par les rats doit être évité. La première action à mettre en œuvre est de limiter l’accessibilité du nichoir :

Page - 34 - Bulletin Pheathon – Volume 29 (2009) autant que possible la falaise sélectionnée sera verticale et tout accès possible (chemin de roche et branches d’arbres) sera éliminé.

3.2.4. Nichoir artificiel sélectionné

Après analyse des différentes contraintes, une maquette définitive de nichoir artificiel est illustrée ci-dessous (Fig. 10).

Figure 10 : Maquette du nichoir artificiel

3.2.5. Disposition des nichoirs

Les nichoirs artificiels seront solidement fixés à la falaise de manière à ce que leur entrée soit directement accessible aux Paille-en-queue. Deux modes de disposition du nichoir sont possibles et illustrées sur la figure 11 : une disposition latérale et une disposition perpendiculaire à la falaise.

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Figure 11 : Modes de fixation possibles des nichoirs à la falaise

Il est nécessaire de tester ces deux modes de fixation afin de valider l’efficacité de chacun. Pour une disposition latérale par rapport à la falaise, la plate forme sera agrandie de manière à améliorer l’accessibilité au nichoir. Le mode perpendiculaire à la falaise permet une meilleure accessibilité au nichoir. Il semble donc le plus favorable à l’installation des Paille- en-queue, et ce, malgré son importante prise au vent.

4. Limites et perspectives de la mesure compensatoire

Il existe des limites et des perspectives d’amélioration de la mesure compensatoire ici présentée. Il est en effet nécessaire de tester les deux types de nichoirs proposés avant de pouvoir juger de leur efficience respective. Concernant les nichoirs artificiels, la réflexion sur la forme de l’ouverture est basée sur l’analyse d’une quinzaine de nids observés en falaise. Pour optimiser davantage les chances de réussite de colonisation des nids, une prospection plus étendue des nids à Paille-en-queue à l’échelle de l’île peut être envisagée. A cet effet une analyse scientifique de l'habitat de nidification du Paille-en-queue peut être entreprise (à l'instar de : Bourgeois & Vidal, 2007). Une analyse de photos et des mesures de nids peuvent constituer les éléments de base d’une future réflexion. Cette investigation permettra d’affiner et de préciser le modèle de nichoirs le plus représentatif en site naturel. Afin d’évaluer et d'analyser les résultats de la mesure compensatoire, un suivi des nichoirs peut être mis en œuvre. Les taux d'occupation, de nidification ou encore de visite des nichoirs sont de bons indicateurs permettant de juger de leur efficacité. Cette analyse permettra d’améliorer la fonctionnalité des nichoirs (localisation du nichoir, dispositif anti-

Page - 36 - Bulletin Pheathon – Volume 29 (2009) prédation, etc.). Dans le cadre de ce suivi, une équipe scientifique pourra apporter sa contribution et un dispositif de photo-détection peut être mis en place (CEEP, 2007).

5. Fiche technique et analyse comparative des deux types de nichoirs

Suite à cette réflexion les caractéristiques techniques des nichoirs artificiels et semi- artificiels sont synthétisées dans le tableau suivant (inspiré de Bigeard et al., 2008). Les deux dispositifs proposés répondent aux contraintes biologiques de l'espèce. D’un point de vue biologique le nichoir semi-artificiel (ouverture de roche), plus naturel, semble le mieux adapté à la nidification des Paille-en-queue. Autant que possible ce type de nichoir devrait donc être privilégié.

Tableau 1 : Fiche technique des nichoirs artificiels et semi-artificiels (Bigeard et al., 2008 modifié)

Nichoirs artificiels pour Paille-en-queue

Caractéristiques des sites de Le Paille-en-queue de La Réunion niche dans les fissures, les failles et les trous nidification naturels des falaises et des ravines maritimes.

Nichoirs semi-artificiels Nichoirs artificiels

Caractéristiques techniques des sites artificiels

Dimensions cavité : Hauteur 30 cm ; Dimensions cavité : Hauteur 30 cm ; Largeur 40 cm ; Profondeur 60 cm. Largeur 40 cm ; Profondeur 60 cm. Dimensions plate forme : Largeur 20 Dimensions plate forme : Largeur 20 cm. cm. A proximité de la zone détruite par les travaux ; Localisation ou à proximité d'une zone de nidification existante. Avant le début de la période de recherche de site de nidification, d'avril à Période de mise en place septembre. * Planches de bois traitées contre le pourrissement Matériel - * Isolant thermique * Vis * Dispositif de fixation Ouvrier spécialisé en travaux Equipe de construction Menuisier acrobatiques Temps de réalisation estimé 2 Nichoirs/jour 5 Nichoirs/jour Equipe d'installation Ouvrier spécialisé en travaux acrobatiques Temps de pose évalué - 5 Nichoirs/jour Poids estimé - 10 kg

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6. Conclusion

La mesure compensatoire ici proposée permet : - de compenser la perte des sites de nidification liée à l’emprise des travaux d'un aménagement, - de favoriser le retour de l’espèce en fin de travaux, - et de subvenir à la pression générale de perte d’habitat pour l’espèce.

Cette mesure est préconisée comme mesure compensatoire pour tout projet d'aménagement impactant l'habitat de nidification du Paille-en-queue à La Réunion.

Remerciements :

Nous tenons à remercier Marc Salamolard (Parc national de La Réunion), Mathieu Lecorre et Patrick Pinet (Université de La Réunion, Laboratoire ECO-MAR) pour leurs commentaires et remarques avisés, ainsi que Goeffroy Millet et Laurie Pele (SOGREAH) pour leur aide précieuse dans la réalisation des figures.

Références bibliographiques

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PROBST, J-M. 2002. Faune indigène protégées de l'île de La Réunion. Association Nature et Patrimoine pp : 111.

Page - 38 - La Petite île de La Réunion, un sanctuaire potentiel pour le Gecko nocturne de Bourbon, Nactus soniae Arnold & Bour, 2008, et le Scinque de Bouton, Cryptoblepharus boutonii (Desjardins, 1831) Sanchez, M. & Probst, J-M.

Bulletin Phaethon, 2009, 29 : 39-43.

La Petite île de La Réunion, un sanctuaire potentiel pour le Gecko nocturne de Bourbon, Nactus soniae Arnold & Bour, 2008, et le Scinque de Bouton, Cryptoblepharus boutonii (Desjardins, 1831)

Mickaël SANCHEZ & Jean-Michel PROBST

(1) Association Nature Océan Indien, 97490 Ste Clotilde, Ile de La Réunion, France ([email protected])

(2) Parc National de La Réunion, 112 rue Sainte Marie, 97400 Saint-Denis, Ile de La Réunion, France ([email protected])

I. Introduction

Anciennement l'île de La Réunion possédait une herpétofaune bien plus riche que celle visible aujourd'hui. Les récits anciens et les ossements font état de sept espèces originelles de reptiles terrestres. Deux espèces sont considérées comme éteintes, la Tortue terrestre de Bourbon, Cylindraspis borbonica et le Gecko nocturne de Bourbon, Nactus soniae (nov. sp.1) (Probst & Brial, 2002 ; Arnold & Bour, 2008). De plus, deux espèces de scinques, le Grand scinque, Leiolopisma ceciliae (nov. sp.1) et le Scinque de Bojer, Gongylomorphus bojeri, sont présumées disparues (Probst, 1997 ; Austin & Arnold, 2006 ; Arnold & Bour, 2008). Ainsi sur les sept espèces originelles de l'île il ne subsiste aujourd'hui que trois taxa : le Scinque de Bouton, Cryptoblepharus boutonii (Honsterette & Probst, 1999 ; Probst & Deso, 2001), le Gecko vert des Hauts, Phelsuma borbonica, et le Gecko vert de Manapany, Phelsuma inexpectata. Le Scinque de Bouton a été redécouvert en 1999 dans une falaise littorale proche de la Petite île (Honsterette & Probst, 1999 ; Cheke & Hume, 2008). Non observé depuis 2003, son statut actuel à La Réunion est incertain. La Petite île, aire protégée faisant l'objet d'un Arrêté de Protection de Biotope depuis le 17 février 1986, est un îlot d'environ 2 hectares situé dans le sud de La Réunion. Cet îlot est situé à moins de 50 m du littoral de l’île principale. Il est connu pour abriter une importante colonie d'oiseaux marins, notamment des Macouas, Anous stolidus. Déjà en 1998, l’un d’entre nous (J-M. P.) considère que le "rocher" pourrait servir de conservatoire pour les reptiles endémiques menacés des Mascareignes tels que le Gecko vert de Manapany, le Gecko nocturne de Bourbon, le Scinque de Bouton, le Scinque de Bojer et peut-être même pour le Scinque de Telfair. Cet îlot serait même "le seul site indemne de mammifères introduits de La Réunion" (Probst, 1998a), prédateurs de reptiles. Aucune mission de recherche herpétologique poussée n'a été réalisée sur cet îlot. Pourtant il représente un sanctuaire potentiel pour deux espèces de reptiles à forte valeur patrimoniale pour La Réunion : le Gecko nocturne de Bourbon et le Scinque de Bouton.

1 Espèces récemment décrites par Arnold & Bour (2008)

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La Petite île. Photo : M. Sanchez.

II. Présentation des espèces potentiellement présentes sur l'îlot

II.1. Le Gecko nocturne de Bourbon, (Nactus soniae)

Il n'existe aucun témoignage ancien sur cette espèce (Probst & Brial, 2002). Seule l'existence d'ossements a permis de l'identifier et de l'élever au rang d'espèce endémique de La Réunion (Arnold & Bour, 2008). Ce petit Gekkonidae était probablement une espèce littorale. Comme les espèces proches de Nactus encore présentes à Maurice (Cheke & Hume, 2008), il est supposé que Nactus soniae était une espèce nocturne, discrète et insectivore. Principalement terrestre, il devait fréquenter les parois rocheuses et la litière qui jonche le sol pour s'alimenter. Les fissures des parois étaient sélectionnées comme refuge et/ou site de ponte. Contrairement à toutes les espèces de geckos nocturnes introduites à La Réunion, les Nactus produisent un oeuf par ponte, relativement rond (Arnold & Jones, 1994). Une étude récente a montré que sur l'île Maurice la compétition entre les Nactus et un gecko exotique, Hemidactylus frenatus, serait à l'origine des extinctions des Nactus. Cette compétition conduit en effet à l'exclusion des Nactus de leurs refuges, les rendant plus vulnérables à la prédation (Cole, 2005 ; Cole et al., 2005). Ce gecko exotique est également présent à La Réunion. La disparition du Nactus endémique de La Réunion, N. soniae, est probablement liée à la synergie de cette compétition et de la prédation par d'autres espèces exotiques : la Couleuvre loup (Lycodon aulicus) et la Musaraigne (Suncus murinus) (Probst & Deso, 2001 ; Probst & Brial, 2002).

Le Gecko nocturne de Bourbon. Illustration : J-M. Probst (1996).

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II.2. Le Scinque de Bouton, (Cryptoblepharus boutonii)

Il existe un unique témoignage ancien sur cette espèce - Maillard (1863) - "Petit lézard de terre (Ablepharus peronii) très rare" (in Probst & Brial, 2002). Le Scinque de Bouton de La Réunion est considéré comme une sous-espèce endémique des Mascareignes, C. b. boutonii (Probst, 1998b). Toutefois, aucune étude génétique n'a permis de le vérifier. Considéré comme disparu depuis plus de 130 ans, il a été redécouvert en 1999 dans une falaise littorale proches de la Petite île (Honsterette & Probst, 1999 ; Cheke & Hume, 2008). En 2003 et en 2009, de nouvelles recherches ont été effectuées, mais sans résultats. Son statut actuel sur l'île principale est donc incertain. Ce Scincidae est une espèce diurne de coloration grise argentée, mesurant entre 10 à 12 cm de longueur totale. Fortement maritime, il ne craint pas l'eau de mer et fréquente la zone intertidale pour s'alimenter d'insectes et de micro-Crustacés. Il est très furtif et extrêmement craintif (Probst & Deso, 2001). Il est encore bien représenté à Maurice, notamment sur des îlots satellites comme Coin de Mire, le Rocher aux Pigeons ou l'îlot Gabriel. D'après la répartition des populations mauriciennes, il était probablement distribué dans toute la région littorale de La Réunion. D'après C. Jones (in Probst & Deso, 2001) il aurait diminué suite à l'introduction des rats, des chats et des agames (Calotes versicolor).

Le Scinque de Bouton. Illustration : J-M. Probst.

III. Justification de l'intérêt de la Petite île pour ces reptiles

Il est possible que la Petite île soit le dernier refuge du Gecko nocturne de Bourbon mais aussi du Scinque de Bouton. Ci dessous sont présentés les différents arguments allant en faveur de leur présence potentielle sur l'îlot.

III.1. Le Gecko nocturne de Bourbon, (Nactus soniae) Les Nactus, de par leurs moeurs cryptiques et nocturnes, sont des espèces difficilement observables. Selon Arnold & Jones (1994) il est donc possible que des populations soient encore découvertes. D'ailleurs, à Maurice sur l'île Plate, une nouvelle population de Nactus a été découverte en 2003 (Cole et al., 2005). En outre, les populations de ces geckos sont capables de survivre sur de petits îlots austères (Probst & Tézier, 1998) comme la Petite île connue pour être dépourvue de la plupart des prédateurs de reptiles présents sur l'île principale, tels que les rats et les chats (Probst, 1998a). Notons également que selon l'étude de Cole et al., (2005), les seules zones où aurait pu survivre N. soniae seraient celles dépourvues d'H. frenatus, dont la présence sur l'îlot est aujourd'hui inconnue.

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III.2. Le Scinque de Bouton, (Cryptoblepharus boutonii) Le Scinque de Bouton, C. boutonii, vit principalement dans le type d'habitat littoral et rocheux présent sur la Petite île (Glaw & Vences, 1994 ; Probst, 1998b ; Probst & Deso, 2001 ; Rocha et al., 2006). A Maurice, ce Scincidae peut survivre sur de petits îlots reculés et austères (Cheke & Hume, 2008). De plus cette espèce discrète et cryptique, est très difficilement observable (Probst, 1997) et il ne serait donc pas étonnant qu'elle soit jusqu'à présent passée inaperçue lors des missions de recherches précédentes.

IV. Conclusions et perspectives de recherche

La communauté reptilienne de l'îlot est aujourd'hui inconnue. Il paraît donc essentiel de remédier à ce manque et d'effectuer au plus vite des recherches herpétologiques, notamment du Gecko nocturne de Bourbon et du Scinque de Bouton. Ci dessous sont présentées quelques méthodes de prospections adéquates pour ces espèces.

Concernant le gecko nocturne, la présence mais aussi les indices de présence (pontes et déjections) pourraient être recherchées. Notons que les parois rocheuses, la litière qui jonche le sol (zone d'alimentation) et les fissures des parois (refuge ou site de ponte) seraient à prospecter de manière minutieuse, car particulièrement favorables à l'espèce, notamment en fin d'après midi juste avant la tombée de la nuit.

Pour ce qui est du scinque, des prospections à l'aide de jumelles et d'une longue vue paraissent appropriées, notamment aux heures les plus chaudes de la journée (Cole, comm. pers.). Les zones intertidales (zones d'alimentation du scinque) ainsi que les parois rocheuses (zones refuges) sont à favoriser. Si la profondeur du sol le permet, des trappes où lignes de dérivation ("pitfall trapping") (Leaché et al., 2006 ; Scott et al., 2006 ; Howell, 2007) pourraient être disposées pour tenter de capturer le scinque.

Toute autre espèce rencontrée sur l'îlot serait aussi à identifier et à échantillonner dans la limite de la législation en vigueur (J.O. 1989). Une telle étude fournira ainsi un premier inventaire de la communauté reptilienne de la Petite île.

Remerciements

Nous tenons ici à remercier Gregory Deso et Nik Cole pour leurs précieux conseils concernant le protocole de recherche à mettre en place pour ces espèces. Merci également à Thomas Duval et Allison Gandar pour leur relecture avisée du document.

Références bibliographiques

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