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LES CAHIERS PART-DIEU ARCHITECTURE(S)

DOSSIERS : Le style Part-Dieu Les premiers projets Introduction 5

L’histoire 6

Une pièce d’urbanisme moderne et singulière 9 Le « style » Part-Dieu 10 Chronologie 12 Une collection d’architectures du 20e siècle 14 Les architectures les plus remarquables 16 La valeur patrimoniale 18 De l’invention à la réinvention 22 Part-Dieu dans la dynamique « patrimoine mondial » 25

Le style 28

Une feuille de style, une feuille de route 30 Le récit du quartier continue de s’écrire 31 Ce qui fait style à la Part-Dieu 34 Le management de la qualité du projet urbain 38 Lisibilité, singularité et pérennité 42

Les premiers projets 44

Un formidable terrain de jeu pour les architectes 46 sommaire L’effet volume 48 Two Lyon 50 Sky 56 52 Centre commercial Part-Dieu 56 Gare Lyon Part-Dieu 58 62 Silex 2 64

Avec les extraits des entretiens de (par ordre d’apparition) : François Decoster, Sébastien Sperto, Valérie Disdier, Catherine Panassier, Nathalie Mezureux, Jacques Vergely, Clément Vergely, Michel Boccas, Brigitte Barriol, Nathalie Berthollier, Claire Piguet, Marc Favaro, Damien Poyet, Ludovic Boyron, Dominique Perrault, Rémy Van Nieuwenhove, Frédéric Carrasco, Winy Maas, François Bonnefille, Denis Valode, Albert Constantin et Antoine Durand. Gérard Collomb, Sénateur-Maire de Lyon, Président du Grand Lyon

a Part-Dieu, qui constitue déjà le deuxième quartier tertiaire français et un « hub » de transports d’envergure européenne, a Lvocation à devenir l’emblème de la nouvelle Métropole lyonnaise et à incarner ses hautes ambitions. C’est le sens du projet que nous avons engagé avec les architectes et urbanistes de l’AUC. Il s’agit de faire du quartier non seulement l’un des plus grands centres d’affaires euro- péens, mais aussi la vitrine d’une nouvelle façon de concevoir et de vivre la ville, un cœur métropolitain toujours plus connecté, plus facile, plus fluide et plus agréable à vivre. Pour réussir cette transformation, il est essentiel de s’appuyer sur ce qui fait l’originalité de la Part-Dieu : son patrimoine unique. A l’inverse d’un quartier comme la Confluence, la Part-Dieu n’est pas à inventer, mais à réinventer. La Tour « crayon », les volumes extraordinaires de l’Audito- rium et du parking des Halles, les grandes barres d’habitation caracté- ristiques du « brutalisme » des années 60… ont une force indéniable et composent un véritable « style Part-Dieu ». Révéler le quartier comme le cœur battant de la métropole lyonnaise passe donc à la fois par la régénération de ses pièces architecturales emblématiques et par de nouvelles réalisations, contemporaines mais cohérentes avec le « style Part-Dieu ». Les architectes lyonnais et inter- nationaux les plus talentueux se sont saisis de ce défi avec enthousiasme. Déjà, la tour Incity remodèle la « skyline » pour doter la Part-Dieu de la signature architecturale des grands quartiers d’affaires. Sky 56 et les Two Lyon viendront bientôt la rejoindre, tandis que la tour EDF, le centre commercial et la résidence Desaix connaîtront une seconde jeunesse. La réinvention de la Part-Dieu est emblématique d’une nouvelle manière de construire la ville : régénérer plutôt que faire table rase, s’appuyer sur le legs de l’histoire tout en anticipant les besoins de la ville de demain. C’est ainsi que, révolutionnaire à l’époque de sa conception, la Part-Dieu s’affiche de nouveau comme l’un des chantiers urbains les plus passionnants de ce début du XXIe siècle.

4 L’ h istoi re

6 Une pièce d’urbanisme moderne et singulière Lyon Part-Dieu est le Les années 60-70 dotent la Part- de lotissements analysée par fruit d’un ambitieux Dieu d’une série de réalisations Charles Delfante dans son livre remarquables : les barres Moncey- « la Part-Dieu : le succès d’un projet d’urbanisme Nord, la tour EDF, le parc de sta- échec ». Chaque terrain est donné en partie dévoyé qui tionnement des Halles qui déploie à construire à des organismes pri- son hélice de béton à la manière vés ou publics qui s’écartent du érigea une collection d’une sculpture ou la résidence plan directeur initial. Le centre originale d’objets Desaix dont l’architecture de béton commercial triple sa superficie et architecturaux. est rythmée par des balcons sail- barre l’axe est-ouest du quartier. lants. Ces bâtiments constituent La gare, d’emblée sous-dimen- autant de pièces d’une collection sionnée, n’ouvre qu’en 1983 et Champs inondables, ferme pros- d’architecture originale. tourne le dos au quartier. Ce déve- père puis caserne militaire, la loppement anarchique, conjugué à Part-Dieu devient la propriété de Des réalisations emblématiques la rigidité de l’urbanisme de dalle, la Ville de Lyon en 1960. Le maire achèvent de donner à la Part-Dieu fige les possibilités de développe- Louis Pradel veut entreprendre sur une identité architecturale très ment du quartier. ces 28 hectares une politique active singulière qui s’inscrit dans la fin de logement et d’équipement pour du mouvement moderne : l’Audi- Dans les années 90, la Part-Dieu sa ville. Dès 1962, un ensemble de torium, la Bibliothèque munici- semble mise entre parenthèses, 2600 logements répartis en huit pale mais aussi la Tour Part-Dieu, au profit d’un développement barres selon un plan de Zumbrun- cylindre ocre rouge quadrillé multipolaire de l’agglomération, nen voit le jour. d’éléments de béton dont le som- à la Cité internationale, puis à met est surmonté d’une pyramide Gerland, Confluence ou Carré de Parallèlement, le gouvernement dessinée par Pei, auteur de la pyra- soie. La Part-Dieu poursuit une de De Gaulle décide de doter les mide du Louvre. forte croissance mais perd son grandes métropoles françaises de sens global et ne livre aucun bâti- « centres décisionnels » capables « Lyon Part-Dieu est une pièce ment emblématique, encourant le de contre-balancer l’importance urbaine qui répond à la volonté risque de la banalisation. de Paris et choisit la Part-Dieu d’une ville plus fonctionnelle, plus pour conduire ce dessein. L’am- dense et composée d’ « unicoms » : Le projet Lyon Part-Dieu propose bition est de concevoir un projet des immeubles clairement iden- de prendre appui sur la singula- d’urbanisme total incluant centre tifiés, isolés sur leur parcelle » rité de ce quartier, et notamment d’affaires, administratif, cultu- estime Nathalie Mezureux, direc- de ses architectures originales, rel, commercial et résidentiel trice de l’école d’architecture de pour régénérer et encourager mais aussi nœud de transports et Lyon. des réalisations contemporaines espaces verts. L’étude de ce centre audacieuses et mieux insérées est confiée à une équipe conduite Mais très vite, la Part-Dieu est dans la forme urbaine et le skyline par Charles Delfante qui opte pour détournée de son projet initial et métropolitain. un urbanisme de dalle assurant la bascule dans une banale logique séparation des flux entre piétons et automobiles.

« A partir des années 50, les villes historiques connaissent une pro- fonde mutation liée à l’essor de l’industrie automobile. A Lyon, c’est l’époque où l’on creuse des tunnels et on fait passer l’autoroute dans le centre de Lyon. Lyon Part-Dieu naît dans ce contexte, en lieu et place d’une caserne qui, par définition, est une espèce d’enclave, ni poreuse, ni traversante. » raconte Valérie Dis- dier, directrice d’Archipel, Centre de culture urbaine, à Lyon.

8 Le « style » Part-Dieu

La Tour Part-Dieu, ou « Tour des immeubles «codes du travail», Crayon », réalisée en 1977, marque car ils échappent aux contraintes une transition. A partir de la fin de la réglementation IGH (im- des années 70, pendant la période meubles de grande hauteur). Cer- qui correspond au style Postmo- tains de ces immeubles de bureaux derne, il y a un rejet du moder- ne manquent pas de qualité mais nisme et une tentative de retour d’autres sont très banals. à ce que l’on considère à l’époque (…) comme une « architecture ur- selon François Decoster, baine ». C’est particulièrement ex- La tendance actuelle est aux « de- architecte urbaniste de l’AUC. plicite avec l’opération de la gare sign towers » ou aux « design buil- de la Part-Dieu et de la Place de dings », à une forme de « dubaïsa- Le mot « style » permet de ne pas Milan (1983), qui développe une tion ». J’emploie volontairement enfermer l’architecture dans une façade ordonnancée autour de la cette connotation négative car si définition trop précise. L’idée de Place Béraudier. cela peut traduire un retour d’am- style est liée à une époque. Or, la bition architecturale, ce désir n’est construction de Lyon Part-Dieu Le « Style Part-Dieu » des origines ni totalement assumé, ni vraiment s’est étalée sur plusieurs époques. commence alors à se perdre, en original. Si l’on se place d’un point Il y a donc plusieurs styles. ce sens qu’on n’est plus dans une de vue strictement architectu- architecture qui emblématise la ral, la Tour Oxygène reste un peu Les grands objets caractéristiques modernité d’un quartier hyper timide, pas très élancée, pas vrai- de Lyon Part-Dieu ont été pro- central par de grands objets ex- ment « iconique », et pas vraiment duits entre le début des années 60 ceptionnels, mais qui cherche à « Part-Dieu » comme peut l’être le et le milieu des années 70. C’est « renouer avec la ville » en pro- Crayon qui est devenu à la fois un posant un langage de places, de emblème du quartier et un em- Le résultat est divers, mais façades, de continuité. blème de Lyon.

cohérent. Il y a une sorte Cette tentative est à mon sens un Il faut dire aussi que les choses d’unité de style, liée à une échec. Il s’agit d’un décor. En ar- ne sont pas qu’histoire de style unité de temps. chitecture et en urbanisme, on ou d’ambition architecturale. Le a appelé ça le « façadisme ». On contexte économique et le mar- l’époque du style que l’on appelle s’en rend bien compte lorsqu’on ché de l’immobilier jouent un rôle « Brutalisme », avec les grandes regarde le plan de cette opération. prépondérant dans la production barres en béton brut, très tra- Elle ne produit de continuité que de la ville, ce qui se traduit for- mées, notamment celles réalisées pour elle-même et fonctionne en cément de manière très visible par l’architecte Zumbrunnen réalité de manière très intériori- sur l’architecture. Il paraît que (Moncey, Desaix, rue du Lac), des sée et discontinue par rapport au la tour Crayon, à l’époque (on est immeubles de bureau comme Le quartier. L’immeuble B10 (il s’agit en plein choc pétrolier), a été un Britannia, la grande coque en bé- d’un « accident de promotion im- échec commercial. La tour Swiss- ton de l’Auditorium ou le volume mobilière » qui n’était pas prévu life (1987) devait être deux fois du silo de la Bibliothèque Muni- par les architectes de l’opération) plus haute. La Part-Dieu a dû at- cipale recouvert de céramique. referme la place Béraudier et tendre 2010 pour voir une nouvelle Pendant toute cette période des l’isole de la bibliothèque. La place tour se réaliser, la Tour Oxygène. origines du quartier, les tendances de Milan est complètement intro- Mais cela ne signifie pas qu’il faut évoluent et les différents archi- vertie, sans réelles qualités (c’est renoncer à l’optimisme et à l’am- tectes qui interviennent impri- une dalle de parking vaguement bition nécessaires pour porter le ment chacun leur marque. On aménagée) et n’a de place que le renouveau de la Part-Dieu. Et le voit apparaître des formes plus nom. style Part-Dieu doit être un vec- seventies avec la tour de la Caisse teur pour exprimer cet optimisme d’Epargne, ses angles arrondis et Les années 90 sont ambiguës. On et cette ambition. ses façades miroir orangées. Le n’est plus dans la grande hauteur. résultat est divers, mais cohérent. Des immeubles de 28 mètres sont Il y a une sorte d’unité de style, liée alignés le long de l’avenue Vivier- à une unité de temps. Merle et de l’avenue Thiers. Dans le jargon immobilier, on appelle ça

10 Inscription de Lyon Part-Dieu dans les courants stylistiques de son temps

1960 - 1980 1975 - 1990 1990 - 2010 2010 - Aujourd’hui BRUTALISME POST- RÉHABILITATION / DESIGN TOWERS / ● Brut = béton MODERNISME STYLE TERTIAIRE DUBAÏSATION ● Formes géométriques anguleuses ● Répétition ● Retour de l’ornement ● Amélioration de l’infrastructure ● Expériences sur des thèmes divers ● « Brut de décoffrage », ● Composition hiérarchisée ● Bâtiments neufs dans la périphérie de Lyon ● Mondialisation sans revêtement ni fioriture. ● Symétries Part-Dieu (ZAC Thiers, boulevard Vivier-Merle, etc.) ● Superlatifs ● Brique, verre, acier, pierre grossièrement ● Références aux ordres de l’architecture taillée, gabions. classique

12 Une collection d’architectures du 20e

santes de la Part-Dieu, comme les pose une structure remarquable barres d’habitation. L’architecture qui allie une structure primaire, du mouvement moderne jusqu’aux composée d’un réseau de poutres premiers grands objets architec- inversées en béton brut, coulées en turaux des années 80 comme la place, avec des éléments de murs tour Crayon a proposé une archi- rideaux en vitrages sombres « très tecture de matière, de massivité, années 70 ». de minéralité, et pas uniquement une architecture lisse de verre. Enfin, la Part-Dieu abrite une col- Entretien avec Sébastien Sperto, Cette architecture a toujours pro- lection d’objets souvent publics directeur d’études à l’Agence posé une façade sculptée, ouvra- et emblématiques. C’est le cas de d’urbanisme de Lyon. gée, écrite dans l’épaisseur, par l’Auditorium, avec sa structure en des principes de préfabrication, forme de coque en béton précon- Quel regard portez-vous sur de parties modulaires qui ont été trainte ou encore la Bibliothèque l’architecture du quartier Part- assemblées. Le PDG par exemple réalisée par l’architecte Perrin Dieu ? est un ensemble d’éléments préfa- Fayolle (Grand prix de Rome), qui, briqués de béton blanc sculptés en par la finesse du dessin et de l’ar- Lyon Part-Dieu a la particularité profondeur qui ont été assemblés. chitecture du détail est certaine- de montrer plusieurs types d’archi- Idem pour la tour Part-Dieu, ou ment l’un des plus beaux bâtiments tecture du 20e siècle. C’est une jux- encore la barre Desaix recouverte du quartier. taposition de différentes périodes de pierre. dans un processus de construction Qu’est-ce qui fait le lien dans qui s’est avéré assez long. Les pre- Je trouve également assez esthé- ce quartier ? mières périodes de construction tiques le parking des halles et la sont directement issues de la pensée Cité administrative d’Etat avec C’est la dalle qui me semble faire du mouvement moderne : les barres ses panneaux préfabriqués en alu- le lien, mais aussi, sous certains Zumbrunnen, la barre Desaix, la minium. Cette idée du module, angles, la compacité de l’enve- barre du Lac. Les premiers plans de la répétition et de la matière, loppe urbaine rendue disponible de composition urbaine repre- sont pour moi les caractéristiques pour réaliser ce projet urbain. Le naient toutes les caractéristiques majeures de l’architecture de la fait d’avoir à travers cette accu- des quartiers de grand ensemble. Part-Dieu. mulation d’architecture contem- Par la suite, c’est la stratégie impul- poraine quelque chose d’assez sée par la DATAR qui s’est imposée Cette idée du module, homogène entouré par une ville en fixant comme objectif dès 1963, de la répétition et de la constituée de manière plus tradi- le développement à l’échelle du ter- matière, sont pour moi les tionnelle. Très vite quand on sort ritoire national des « métropoles du « cœur Part-Dieu » (l’enveloppe d’équilibre », Lyon en faisait partie caractéristiques majeures originelle héritée de l’ancienne avec 7 autres villes. C’est sur cette de l’architecture de la enceinte militaire) on a d’autres base que le quartier de la Part-Dieu Part-Dieu. périodes qui viennent se greffer. a connu une seconde phase de déve- On est parti de Zumbrunnen et loppement en devenant un quartier De nombreux projets se dis- de la démolition reconstruction de tertiaire directionnel. Par la suite tinguent aussi par une recherche la cité Rambaud (1963), on arrive est apparue cette idée de renforcer intéressante sur la conception de ensuite à la période de la gare, dans une centralité contemporaine dans leur propre structure. Le rôle joué les années 80-90, puis aux années la ville avec le concept de « la colline par plusieurs ingénieurs associés 90-2000. Jusqu’à aujourd’hui, européenne ». à des architectes n’a pas été négli- avec le quartier de la Buire (ave- geable. La Communauté urbaine nue Vivier Merle) ou la fin de la Quels sont les bâtiments de Lyon est pour moi un projet ZAC Thiers de l’autre côté des qui vous paraissent les plus de très grande qualité sur le plan voies ferrées. On a tous les signes remarquables ? architectural et structurel, avec d’une architecture qui évolue. De ces fameux tunnels en béton qui l’architecture qui a été la moins Le mouvement moderne et l’ar- créent des poutres croisées sur la onéreuse à construire - probable- chitecture « massive », minérale, toiture auxquelles sont suspendus ment celle des années 80 -, jusqu’à en béton armé, en béton brut ou les planchers des niveaux infé- l’architecture actuelle qui est celle imprimé constituent certaine- rieurs. Le bâtiment du siège actuel du développement durable et de la ment les œuvres les plus intéres- de la Caisse d’Epargne qui pro- performance énergétique. 14 ments administratifs et notamment “L’Auditorium est Enfin, la bibliothèque est aussi un Les architectures l’Hôtel de communauté sont égale- très sculptural” bâtiment intéressant. Aujourd’hui, ment des éléments caractéristiques il n’est pas évident pour le citoyen de cet urbanisme du 20e siècle par- lyonnais de considérer que c’est un les plus remarquables ticulièrement intéressants. Ils sont bâtiment qui est marquant au plan non seulement à mettre en valeur architectural. Pourtant, à bien le mais aussi à respecter dans leur regarder, il s’avère que ses maté- de Lyon Part-Dieu conception d’origine. Certes, il est riaux et la proportion de ses volumes nécessaire de les moderniser, les sont proches des qualités que l’on “Formidable Avec la tour Part-Dieu de Cossuta en “Les barres donnent adapter aux nouveaux usages, mais recherche dans les bâtiments neufs. brutalisme !” 1977 on est dans la suite du mouve- du relief au tissu il ne faut pas les transformer. Regardez la production actuelle, ment moderne. C’est un objet radi- notamment de bâtiments publics. cal, hypervisible, un repère iconique urbain” Ce que j’apprécie peut-être le plus et On a énormément de jeux de pour l’ensemble de l’agglomération qui parfois étonne tant cette forme Par Nathalie MEZUREUX, volumes et de matières différentes, dont la structure fabrique l’architec- d’habitat a été stigmatisée, ce sont directrice de l’école le travail sur la peau de la façade et ture du bâtiment. La tour Part-Dieu les immeubles d’habitation et plus d’architecture de Lyon. la matérialité de la peau de la façade résonne avec la tour panoramique spécialement les barres des rues du devient un point clé. Or, l’on voit déjà de la Duchère. C’est un objet sculp- lac et Desaix et celles construites Le bâtiment qui me vient à l’esprit cela sur certains des bâtiments de la tural qui résonne aussi avec la par Zumbrunnen cours Lafayette. immédiatement est l’Auditorium, Part-Dieu : la façade rideau sur la Renaissance. Cossuta le disait : si Elles nous obligent à lever le regard, parce qu’il est très sculptural. Les bibliothèque, ou la double peau par la tour est rose et a une telle épais- à nous élever ; elles donnent du barres et les résidences - notamment exemple, sont déjà très présentes. Par Valérie DISDIER, directrice seur sur la façade c’est pour qu’elle relief au tissu urbain. Elles sont par- du Lac et Desaix - répondent à une d’Archipel, centre de culture entre en résonance avec la Tour rose ticulièrement agréables à vivre et quête architecturale de l’époque urbaine à Lyon. à Saint Jean. Par Catherine PANASSIER, offrent une réelle qualité d’usage : autour de la vie dans des cités plus adjointe à l’urbanisme du maire les appartements sont traversants, denses. La Tour Part-Dieu est pour Les bâtiments les plus formidables à Je citerai aussi le nouveau Palais du 3e arrondissement de Lyon. baignés de lumière et offrent de moi un emblème, en tant que volume mes yeux datent de la fin des années de justice, conçu en 1995 par Yves très belles vues sur la ville. Elles dans la silhouette urbaine davan- 60, période du brutalisme : les deux Lion. C’est un bâtiment en forme Sur le plan de l’architecture, il y a s’imposent comme référence sur les tage qu’au sens strictement archi- barres Moncey nord ou le parking de peigne intéressant qui résonne, des éléments forts qui ont une vraie modes d’habiter et plus précisément tectural, mais cela ne lui donne pas des halles. Zumbrunnen me paraît en terme de volumétrie et d’échelle, présence. Je pense bien sûr en pre- sur l’habitat collectif. moins de valeur. Son effet signal, son être l’architecte du mouvement avec l’architecture des années 60 de mier lieu à la Tour de la Part Dieu, volume, le fait qu’elle soit longtemps moderne qui a construit les choses Zumbrunnen. Elle est le reflet d’une au Crayon, qui est un symbole et restée seule, tout cela fait d’elle un les plus intéressantes. conception de la justice plus admi- un repère pour les visiteurs comme repère très important. Je pense qu’il nistrative, moins solennelle et moins pour les lyonnais. L’Auditorium, la doit demeurer même si autour d’elle, écrasante. Bibliothèque Municipale, les bâti- les hauteurs vont grandir.

La tour Part-Dieu La barre Moncey Ouest L’auditorium 16 CAISSE D’EPARGNE La valeur patrimoniale RHÔNE-ALPES Lyon Part-Dieu 1977 Bellemain & Heyraud Un ensemble architectural remar- quable (y compris le socle) réalisé selon l’agence d’urbanisme de Lyon en béton (percements en façade, assemblage en étoile des poutres intérieures, etc.) avec des façades revêtues de murs rideaux sombres. Il s’agit d’une des premières réali- PARKING DES HALLES sations de façade de murs rideaux à Lyon. Le plafond qui couvre 1970 Charles Delfante, René l’atrium du hall d’entrée offre un Provost, Jean Zumbrunnen exemple intéressant de structure BA de poutres inversées en étoile. Dimension sculpturale de cette hélice en béton préfabriquée (« une fleur de béton et de gravillons » pour Jacques REY, architecte – urbaniste). TOUR SWISS LIFE

1989 Christian Batton, Robert Roustit

Un bâtiment remarquable qui bénéficie d’unité de matière. Un ensemble immobiliser au sein duquel les façades de la tour de LE BRITANNIA bureaux et du parc de stationne- ment en superstructure sont trai- 1974 Claude Monin, A. Remondet, tées de manière uniforme en verre A. Seifert réfléchissant de couleur sombre.

Un travail de réflexion sur la valeur d’usage des espaces libres offerts par ce bâtiment doit être engagé. Une architecture massive, dure, qui impacte fortement le contexte urbain (échelle, masque solaire très important). Les entrées sont peu lisibles et les espaces inté- rieurs en « patio » sont oppressants. AUDITORIUM MAURICE RAVEL

1975 Charles Delfante, Henri Pottier (Grand Prix de Rome)

Bâtiment réalisé en béton armé ; voile de béton (murs périmé- triques), dalle nervurée mono- lithe (couverture du velum), béton moulé (couronnement, bandeaux, acrotère), béton brut de décoffrage (escaliers).

18 TOUR PART-DIEU RÉSIDENCE DU LAC

1977 Araldo Cossutta & 1972 Jean Zumbrunnen Associates, Stéphane du Château Ce bâtiment témoigne du premier La tour offre une architecture de volet de cité résidentielle ima- qualité qui se caractérise par sa giné en 1967 qui portait « l’utopie forme cylindrique, ses propor- urbaine » de la ville du mouvement tions et sa couleur. La peau est moderne, la charte d’Athènes. constituée d’une juxtaposition Architecture de béton brut pour d’éléments de béton préfabriqués les murs de façade et les façades organisés autour de profondes pignon. Les balcons sont revêtus embrasures. La couleur ocre rouge d’une résille verticale en alumi- est tirée d’une poussière volca- nium. Les loggias sont protégées nique rougeâtre qui rappelle celle par des stores toiles de couleur des toits des quartiers anciens. Les vive. Les sols protégés des galeries Lyonnais ont un attachement fort à sont recouverts de pierre. la Tour Signal, qu’ils surnomment le crayon, un des principaux land- mark de la ville avec la Basilique de Fourvière.

HÔTEL DE COMMUNAUTÉ URBAINE DE LYON

1976 René Gimbert, Jacques Vergely

Une performance technique, symbole de modernité et d’ambi- tion : le bâtiment est suspendu à quatre caissons de béton qui BIBLIOTHÈQUE MUNICIPALE s’entrecoupent sur les piles ver- ticales et qui présentent une 1972 Lucien Chrétien, Charles structure en béton apparente Delfante, Raoul Labrosse, Robert qui couronne l’édifice. Les murs Levasseur, Jacques Perrin-Fayolle rideaux « miroirs » habillent les (Grand Prix de Rome) façades.

En 1973, la bibliothèque de la Part-Dieu était la première biblio- thèque de France pour la capacité de ses salles de lecture et la deu- xième pour l’importance de son RÉSIDENCE DESAIX fonds. Un ensemble architectural homogène et moderne : l’archi- 1963 Jean Zumbrunnen tecture verticale du silo, posé sur pilotis et revêtu d’une céramique Témoignage du premier projet de sombre s’oppose au ton clair du « cité résidentielle » imaginé en bâtiment principal, avec ses larges 1967, qui reprenait l’utopie urbaine baies horizontales et ses terrasses. du mouvement moderne et de la A l’extérieur les poutres appa- Charte d’Athènes. Architecture de rentes en béton se croisent, se béton « paré », rythme de balcons superposent et permet une lec- saillants sur les façades nord et ture évidente des assemblages sud. Sur ce lot, une grande partie de la structure. Une ambiance de l’assiette foncière reste encore intérieure très riche ponctuée de libre de toute construction et de murs de béton imprimés de modé- tout ouvrage en infrastructure. natures abstraites réalisées par le plasticien Denis Morog. Source : Atlas urbain et paysager du quartier de la Part-Dieu, Agence d’urbanisme de l’agglomération lyonnaise (9/2009).

20 dans l’éventail des fonctions et des des couleurs. Quelle peut-être mal digérée s’est transformée en De l’invention à la services des « socles actifs ». Cette la ligne architecturale de ce argument de vente. mixité d’usages va donner une quartier ? variété, une vie et surtout du liant à La génération actuelle s’occupe réinvention ce quartier. Clément Vergély : Si l’on veut beaucoup plus que nous des rela- conserver une ambition architectu- tions d’un site avec son contexte, “Ce qui distingue le en open-space de ses services. la volumétrie voisine. C’est ce qui Lyon Part-Dieu accueille une rale, il faut prolonger la recherche et de l’analyse de l’environnement. plus nos générations, Nous n’avions pas l’expérience du manque à mon sens aujourd’hui : collection d’architectures structurelle. Les ingénieurs ont Il ne s’agit pas de tout réinventer bureau paysagé, surtout à cette les bâtiments n’ont pas de relations remarquables ; quels bâtiments ici toute leur place. La recherche mais de reprendre le potentiel et les c’est l’attention au échelle. Ce qui semble bien banal entre eux, l’échelle de proximité préférez-vous ? de structure peut-être un thème. atouts de ce qui s’est fait par le passé. passé” aujourd’hui apparaissait comme n’existe pas. Il existe dans la diversité possible la quête de la modernité et cha- Jacques Vergély : J’apprécie par- du nouveau quartier une unité de Clément Vergély : Pour notre pro- cun défrichait avec enthousiasme Comment percevez-vous le ticulièrement, à l’ouest les barres de matériaux et de tonalités en lien jet de la ZAC du Port à Pantin, nous de futures conditions de travail quartier d’un point de vue logement et le parking-escargot, au avec les bâtiments existants. C’est n’hésitons pas à citer l’immeuble encore méconnues, parfois même architectural ? A-t-il une centre la tour Part-Dieu demeure l’opportunité de donner un sens à Clarté de Le Corbusier ou la Mai- insoupçonnées. image positive ou plutôt « has une œuvre remarquable presque cette « modification » : des bâtiments son de verre Pierre Chareau. Avant, been » ? intemporelle, à l’est la bibliothèque construits - rationnels – pérennes et je crois que l’on exprimait moins Jacques Vergély, quel était le municipale affirme aussi clairement transformables. les références. Il fallait faire du parti architectural de l’Hôtel Clément Vergély : J’ai porté un sa destination. neuf ! Or une grande part de notre de Communauté ? Pourquoi nouveau regard sur ce quartier Qu’est-ce qui selon vous création est liée à des réalisations avez-vous imaginé une entrée suite au projet conçu par l’AUC et Clément Vergély : La meilleure distingue la démarche des deux existantes. Entretien croisé avec Jacques monumentale en haut d’une à l’ambition qui le porte. Pour moi, partie de la bibliothèque est son silo. générations d’architectes que Vergely, architecte de l’Hôtel de vaste rampe ? Lyon Part-Dieu était un ensemble Je retiens aussi les barres Moncey vous représentez ? Jacques Vergély : Dans les années Communauté à Lyon Part-Dieu et de bureaux institutionnels avec et la résidence Desaix ; ce sont des 70 on pensait encore, après la son fils Clément Vergely, architecte Jacques Vergély : Nous souhai- une architecture puissante. J’ai un « icônes » aujourd’hui. Avec Chris- Jacques Vergély : Ce qui distingue période de reconstruction, à l’aspect retenu pour l’opération Desaix. tions exprimer une symbolique grand respect pour ces bâtiments, tian de Portzamparc, l’agence le plus la génération actuelle de la quantitatif du bâtiment basé sur forte, représentative de l’institu- pour les architectes et les ingé- travaille sur le site de la résidence mienne, c’est l’attention au passé, à l’industrialisation et la préfabrica- Vous représentez deux tion. Les structures porteuses du nieurs qui ont fabriqué ce quartier. Desaix. C’est extraordinaire : sur cet l’histoire. Ma génération n’hésitait tion. Aujourd’hui il me semble qu’il générations d’architectes, père bâtiment conçues à l’échelle d’un Il ne faudrait surtout pas en banali- îlot, on peut parfaitement imaginer pas à faire table rase pour tout réin- s’agit d’une approche plus qualita- et fils, qui ont ou vont travailler ouvrage d’art devaient participer ser l’architecture. La question de la des logements sociaux comme des venter. Les années 60-70, malgré tive, mêlant à la fois l’utilisation de à Lyon Part-Dieu. Clément à manifester son caractère public. transformation ou réhabilitation de logements de luxe. Il est temps de des erreurs incontestables, repré- nouveaux matériaux et la reconnais- Vergély, quel regard portez- Quant à la vaste rampe reliant le ces bâtiments est au cœur du projet. dépasser la connotation sociale de sentent une période pleine d’en- sance d’un artisanat traditionnel vous sur les réalisations de niveau du sol à l’esplanade de l’en- Les architectes et les ingénieurs ont ces ensembles en centre urbain. thousiasme, finalement assez saine. oublié. votre père ? trée, elle faisait partie d’un disposi- alors su créer les conditions d’une En revanche je porte pour ma part tif ayant pour but de créer un palier réutilisation possible. Ce thème L’AUC définit le « style » un jugement beaucoup plus sévère Clément Vergély : « rien n’est à Clément Vergély : L’Hôtel de la intermédiaire entre la rue et la dalle essentiel aujourd’hui pourrait deve- Part-Dieu par des formes sur les années 80 avec ces bâtiments inventer, tout est à réinventer ». Communauté Urbaine de Lyon piétonne à 7 mètres de hauteur. nir un critère de sélection des pro- simples, des matérialités et post-modernes dont la stylistique est un monument manifeste dont Aujourd’hui, l’accès de l’Hôtel par la jets à venir. chacun reconnaît la singularité dalle haute ayant été condamné, ce radicale. Alors qu’il appartient à forum à mi-hauteur a effectivement une époque marquée par la struc- perdu de son sens. J’ai un grand respect pour ces ture expressive, l’immeuble a su bâtiments, pour les architectes et Clément Vergély : Composer déjouer les marques du temps de les ingénieurs qui ont fabriqué ce manière exemplaire. L’Hôtel de avec ces différents niveaux est une Communauté est aujourd’hui l’un contrainte mais également un atout quartier. Il ne faudrait surtout pas des édifices remarquables de la qui participe à l’identité du lieu. Les en banaliser l’architecture. Part-Dieu grâce à sa structure sin- nouveaux projets semblent exister gulière, son image intemporelle et grâce à ceux qui sont déjà là. C’est en sa reconversion possible. tirant partie des qualités de ce patri- Jacques Vergély : Pour moi, la moine que l’ambition de ce morceau priorité est le désenclavement de ce Jacques Vergély : Le parti de de ville existera. quartier par rapport au reste de la l’Hôtel de Communauté est issu ville. Charles Delfante voulait à l’ori- avant tout d’une contrainte, la plus Jacques Vergély : Il est vrai que la gine que la devienne délicate du programme : l’inca- Part-Dieu s’est développée dans une les « Champs Elysées » de Lyon. En pacité logique de la toute jeune logique de lotissement, lot après lot. pratique elle s’est transformée en Communauté Urbaine née en 1969 Chaque parcelle était destinée à un montagne russe automobile for- de prévoir dans le temps l’évolu- bâtiment public ou privé ou à une mant une réelle rupture dans le tissu tion de ses compétences et par là fonction. Mais l’assiette foncière de urbain. Ce n’est que 40 ans après même de ses effectifs. Avec la plus chaque lot avait une importance qu’on a pu rectifier cette erreur. La grande prudence, la « Courly » telle que chacun pouvait réaliser porosité - le mot est à la mode – est avait donc imposé l’organisation son programme sans se soucier de essentielle .Il faut qu’elle s’exprime

22 TÉMOIGNAGE « On a été bluffés par les qualités de de quelqu’un pour s’en occuper et cet immeuble : lumineux, traver- de locaux collectifs : cela ne se faisait Lyon Part-Dieu Vivre dans une icône sant, il est en centre ville, proche pas à l’époque de sa construction » architecturale. de tous les équipements publics regrette-t-il. Contrairement à eux, et offre une vue magnifique sur la plupart de leurs amis ont fait le dans la dynamique la ville. Sa structure est de bonne choix de vivre dans des immeubles qualité : il y a beaucoup de béton lyonnais classiques, avec alcôve au et une assise sur pilotis très solide. fond d’une grande pièce et apparte- « patrimoine mondial » Enfin, l’organisation des cellules ment en vis-à-vis donnant sur la rue. fonctionnelles permet de nom- « Alors qu’ici, on embrasse tout l’ho- s’est développée à Fourvière – siège RÉACTION breuses solutions d’aménagement » rizon » se réjouit le retraité. S’ils ont En 1998, le site du théâtre romain - puis a dévalé la explique cet ancien directeur du toujours apprécié les grandes qua- historique de Lyon colline au Moyen-Age pour investir, “Le projet urbain Grand Lyon. En devenant proprié- lités de cet appartement de 135 m2 lors de la Renaissance, les quartiers Lyon Part-Dieu taires de leur appartement en 1990, avec loggias, ils ont été plus réser- a été inscrit au de Saint-Jean et Saint-Georges, Michel Boccas et son épouse le réa- vés sur le quartier « laissé un peu à patrimoine mondial puis la Presqu’île au cours des 17e, intègre clairement le Du béton brut, de grands apparte- gencent totalement pour offrir un l’abandon pendant les années 80 – 18e puis 19e siècle. Ce mouvement patrimoine” ments traversants modulables et espace à chacun de leurs quatre 2000 : la dalle a été peu entretenue par l’Unesco pour s’est poursuivi au 20e siècle avec un une vue qui porte loin : Michel Boc- enfants. A l’époque, beaucoup de et manque d’animation ; les passe- sa remarquable et développement continu de l’agglo- cas est heureux de vivre depuis 1976 leurs amis ne comprennent pas ce relles ont toujours été anxiogènes ». continue dynamique mération au-delà de la rive droite du dans l’une des barres Zumbrunnen choix d’acheter un logement dans Michel Boccas se réjouit donc qu’un Rhône, le barycentre de l’agglomé- de Lyon Part-Dieu. Quand, parisien « une barre HLM » qui compte 228 ambitieux projet urbain réinvente urbaine et ration se déplaçant de ce fait vers la d’origine, il débarque à Lyon en appartements, soit près d’un millier l’avenir de ce quartier et espère « de architecturale. Part-Dieu. 1976 après une année passée dans d’habitants. « Toutes les couches meilleures liaisons entre les diffé- la ville nouvelle de l’Isle d’Abeau, sociales sont représentées dans cet rentes composantes du quartier » Si le site historique de Lyon, bordé, c’est naturellement dans les barres immeuble, mais il n’y a pas vrai- mais aussi « un lieu d’exposition et Pour les experts de l’Unesco, Lyon sur sa frange Est, par les quais du Moncey qu’il cherche un logement. ment de vie communautaire, faute davantage d’offres culturelles ». représente en effet « un témoignage Rhône, exclut la Part-Dieu de son exceptionnel de la continuité de périmètre, la quartier participe l’installation urbaine sur plus de pleinement de cette dynamique Entretien avec Brigitte Barriol, deux millénaires » et « illustre de urbaine. Dans cet esprit, son patri- déléguée générale de la FNAU, manière exceptionnelle les progrès moine architectural postmoderne Fédération nationale des agences et l’évolution de la conception archi- peut être considéré comme une d’urbanisme. tecturale et de l’urbanisme au fil des valeur complémentaire au patri- siècles ». moine historique de Lyon. Une Lors du 15e anniversaire de étude de ce patrimoine est en cours l’inscription du site historique Lyon a cette caractéristique remar- de réalisation pour souligner l’enjeu de Lyon au patrimoine mondial quable de s’être développée dans de valorisation des architectures par l’Unesco, vous avez cité un mouvement progressif vers l’est existantes et l’enjeu de qualité pour le projet Lyon Part-Dieu. tout en préservant ses centres suc- les projets à venir. En quoi vous paraît-il un cessifs. Dans l’Antiquité, la ville exemple actuel d’intégration du patrimoine dans un projet urbain ?

Sur le Grand Lyon en général et la ville de Lyon en particulier, un travail très dense est effectué sur le patrimoine, la culture sous ses dif- férents aspects, par le repérage des outils classiques comme les plans de sauvegarde, mais aussi par des approches de patrimoine ordinaire ou de patrimoine du 20e siècle. Le patrimoine du 20e siècle est très reconnu sur la région lyonnaise : Tony Garnier, les Gratte-ciel, mais aussi les utopies réalisées, et jusqu’à Le Corbusier si on élargit le périmètre.

Sur Lyon Part-Dieu, qui est un projet urbain sur un quartier fonc- tionnaliste, il y a aussi cette volonté Les barres Moncey La tour EDF et la résidence du Lac 24 Périmètre Unesco

de travailler sur le patrimoine et radical qu’il ne l’est sur d’autres l’agglomération : Lyon Part- Garnier qui était une projection de voir urbain. Le bâtiment du Grand À l’échelle interne à la communauté l’histoire du quartier. (…) secteurs ayant une intensité his- Dieu… la ville industrielle – avec du loge- Lyon, d’expression assez brutaliste, urbaine dans la gouvernance avec torique à la fois plus ancienne et ment social – qui était très novateur est la représentation de ce pou- les maires, mais aussi externe avec Il y a eu, dans les années 60, avant plus contrôlée. L’AUC assume par Ce mouvement a correspondu à des pour l’époque. Mais le développe- voir en émergence des métropoles les territoires partenaires voisins la décentralisation, la volonté de exemple des démolitions et des contraintes topographiques. Et aussi ment de Lyon Part-Dieu correspond d’équilibre. que sont les agglomérations du pôle vraiment au principe des métro- métropolitain : Saint-Etienne, Nord faire émerger, y compris dans des constructions de tours, mais le à la manière dont ont été domptées, projet urbain intègre clairement le aménagées, les berges du fleuve. poles d’équilibre dotées d’un centre Aujourd’hui s’invente une Isère, Pays viennois, etc. Il y a une formes architecturales, un pouvoir patrimoine. Jusqu’à une époque assez récente, le d’affaires qui mettent en scène un nouvelle gouvernance volonté de fédérer très largement. urbain. Rhône était un fleuve assez sauvage, pouvoir administratif. C’est là qu’on métropolitaine ; La Part-Dieu Vous rappelez que Lyon est une et l’urbanisation est assez tardive a placé le siège de la communauté a-t’elle un rôle à jouer ? La future métropole née de la fusion Dans la réflexion lyonnaise sur ville palimpseste. C’est aussi sur cette rive. Effectivement, il y a urbaine ! du Grand Lyon et d’une partie du la notion de ville palimpseste, la une ville qui s’est développée toujours eu dans l’histoire lyonnaise Lyon a une tradition assez ancienne Conseil général est un objet encore ville qui se régénère sans cesse sur dans un mouvement progressif un collage assez assumé de quartiers Il y a eu, dans les années 60, avant de coopération, de démarches de inconnu. Mais Lyon Part-Dieu est elle même, ce quartier n’a pas été vers l’est tout en préservant très historiques et d’interventions la décentralisation, la volonté de réflexion à différentes échelles sur sans doute un cadre possible d’in- oublié, même si le mode d’action ses centres successifs… urbaines contemporaines. Il y a eu faire émerger, y compris dans des la question métropolitaine. carnation de ce rapport à un nou- est bien sûr différent : il est plus jusqu’au centre actuel de le quartier des Etats-Unis de Tony formes architecturales, un pou- veau pouvoir métropolitain.

26 Le style

28 Une feuille de style, Le récit du quartier une feuille de route continue de s’écrire Le « Style Part-Dieu », lière, une matière qui se détache Se fondant sur l’analyse du style “Raconter une 50 à 70 qui font cohérence dans le immeubles. De ce point de vue, le fruit d’un héritage du reste de la ville et se compose architectural existant, l’AUC a histoire commune à quartier plutôt que les éléments projet pour la Tour EDF rue des historiquement d’une collection produit un document de référence plus ponctuels comme la Tour Cuirassiers est particulièrement architectural singulier d’architectures. La singularité, intitulé « Style Part-Dieu » qui partir de l’héritage Oxygène ou la place Béraudier et intéressant. Pour rendre la tour plus sert de support à la la qualité et l’attractivité de Lyon oriente la production d’architec- architectural” son immeuble B10. L’évolution des performante, il faut agrandir ses Part-Dieu reposent beaucoup sur ture à venir. Cette feuille de style styles architecturaux qui a suivi plateaux. On va donc accoler une réinvention urbaine de ces architectures existantes et sur est aussi une feuille de route qui cette période n’a pas réussi à déve- nouvelle tour à la première, ce sera Lyon Part-Dieu. leur capacité à faire ensemble et insiste sur les enjeux de recyclage lopper une image cohérente et forte une rénovation – extension. Cela avec les programmes neufs une et d’hybridation et coordonne à la Part-Dieu. Le Postmodernisme, correspond bien à cette idée qu’on Réinventer Lyon Part-Dieu ne Grande Architecture, une unité et les architectures autour de trois en architecture, s’est inscrit en rup- n’est pas dans une table rase et qu’on signifie par repartir de zéro mais une force au-delà de la différence dénominateurs communs : formes ture et a rejeté l’expression des fonc- travaille avec ce qui existe. s’appuyer sur la singularité et de chacun des bâtiments existants simples, matérialité, couleur. tions, des matières et des structures la force du patrimoine existant ou à venir » explique Nathalie au profit d’une esthétique basée sur Car finalement ce qui existe donne pour développer un projet urbain Berthollier, directrice du projet Dans le cadre d’un projet urbain où les signes, le décor. des possibilités nouvelles, inédites, contemporain : l’avenir se construit urbain Lyon Part-Dieu. la production immobilière repose que l’on n’aurait pas si on démolis- par l’association du neuf et de largement sur l’initiative privée, il Entretien avec François Decoster, La tour Crayon (1977) marque cette sait tout pour faire des tours et des l’ancien, via le recyclage et l’hybri- C’est l’AUC qui est chargé de est difficile d’imposer des cahiers architecte et urbaniste de l’AUC, transition. Elle est à la fois dans immeubles banals. dation. L’enjeu de la qualité de l’ar- conduire la réinvention urbaine, de prescriptions architecturales. concepteur du projet urbain Lyon l’esprit de la Part-Dieu des débuts, chitecture est donc fondamental. Il l’une des rares agences d’archi- La mission Part-Dieu et l’AUC ont Part-Dieu. par son échelle, son volume simple, Vous souhaitez, à partir de s’agit de s’appuyer sur la collection tecture qui a su se positionner sur choisi de partager au maximum les la structure de sa façade, mais elle cette collection d’objets d’objets architecturaux pour éta- le fait de savoir recycler l’existant. enjeux autour de l’architecture à Sur ce projet, vous avez le introduit aussi cette idée de décor, architecturaux, raconter une blir un dialogue avec les nouvelles « L’AUC ose le discours patrimo- Lyon Part-Dieu afin que les opéra- souci de préserver l’existant, avec la pyramide qui la coiffe et son « histoire commune », renouer pièces d’architecture, se baser sur nial, non pas à des fins de stabilité, teurs s’approprient le « Style Part- de ne pas faire « table rase » revêtement en pierre brun-rouge. avec le caractère de « super la matière première architecturale mais à des fins de support pour Dieu ». Le travail d’architecture du passé. Sur quels éléments La gare et la Place de Milan (1983), architecture » qui donne sa pour inventer la ville de demain. l’invention ; ils sont rares à le faire. conseil propose des orientations architecturaux prenez-vous ne procèdent que du décor. Et les cohésion au quartier. Qu’est-ce « La Part-Dieu fait partie du patri- Leur mode de conception est éga- vigoureuses qui laissent ouverte appui pour réinventer ce immeubles des années 90-2000, qui peut faire lien sur le plan moine urbain et architectural de la lement intéressant : en osant faire une large part d’interprétation. quartier ? quelque soient leur qualités propres, architectural ou stylistique ? Métropole lyonnaise, elle consti- exister un projet théorique, ils impriment au quartier un style « ter- tue l’héritage d’une histoire urba- donnent de la souplesse à la réali- Qu’est-ce qui est très présent et tiaire code du travail ». Ce qui nous intéresse, à travers cette nistique qui s’est déroulé à partir sation formelle » estime Nathalie que l’on retient quand on vient à la idée de Style Part-Dieu, c’est de des années 60, elle est une pièce Mezureux, directrice de l’Ecole Part-Dieu ? Les objets assez emblé- Au delà du caractère emblématique déterminer comment des bâtiments d’urbanisme moderne et singu- d’architecture de Lyon. matiques que sont l’Auditorium, la des grands « objets » de la Part-Dieu, peuvent dialoguer les uns avec les Bibliothèque Municipale, la Tour il faut retrouver les moyens d’éta- autres pour constituer un environ- Crayon, les grandes barres de Zum- blir un langage commun, qui ait nement qui sera cohérent dans le brunnen, le parking des Halles. du sens à l’échelle du quartier. Les temps. Cela passe par la façon dont L’immeuble du Grand Lyon avec immeubles de la Part-Dieu doivent ils sont dessinés et construits, mais ses structures qui dépassent sur le raconter une histoire commune, aussi par leurs matériaux et leurs toit est particulièrement intéressant. qui est celle du quartier, de ce qu’il couleurs. C’est une architecture qui exprime représente pour Lyon. très clairement ses structures, Le style Part-Dieu se résume pour assez simple, très travaillée dans les Il faut arriver à cela en partant de ce nous à trois éléments fondamen- détails, qui utilise beaucoup d’élé- qui existe, de l’héritage architectu- taux qui sont les formes simples, ments modulaires et assume une ral de la Part-Dieu, même si celui-ci les matériaux et les couleurs. Il faut certaine répétitivité avec finesse. est déjà très divers. Il ne s’agit ni de essayer de mettre l’argent dans des figer le quartier dans une nostalgie matériaux nobles plus que dans des Le style Part-Dieu se résume de l’architecture des années 50 à 70, effets d’architecture, par exemple qui est aujourd’hui très critiquée d’énormes portes à faux. Cette pour nous à trois éléments pour différentes raisons (l’urba- tendance actuelle à plaquer des fondamentaux qui sont les nisme de dalle, le béton brut...), ni de morceaux de façades décoratives formes simples, les matériaux faire table rase de cette architecture en structures rapportées sur des et les couleurs. car c’est tout simplement impossible. immeubles pas très bien dessinés à la base est très regrettable. L’idée est Tous ces édifices définissent assez Il faut donc parvenir à combiner la de revenir à un vrai travail d’archi- bien le contexte de la Part-Dieu ; régénération de ce qui existe avec tecture et non à un collage de dif- ce sont ces immeubles des années le développement de nouveaux férents éléments censés exprimer

30 la diversité. Ce type d’artifices, en pense qu’il faut laisser les archi- plutôt pastel ou gris, ce qui est une Autre élément intéressant : l’envi- simples avec une trame de façade qui mûrissent et ensuite se transfor- surjouant l’identité d’un immeuble, tectes interpréter ce « style » chacun manière d’assumer la matérialité ronnement est relativement neutre. très régulière. Il allie la sobriété ment en règles du jeu. pénalise la lisibilité du tout qu’est à leur manière. Parmi les différents des choses. Je n’ai rien contre les Il émane de tout cela un calme, une dans la définition des volumes et le le quartier. Cela peut avoir du sens projets qui se dessinent, il y a des cubes orange, mais je ne trouve certaine sérénité qui font que la dessin des façades, et la nouveauté Ce qui existe donne des lorsqu’il s’agit de construire un architectes qui se saisissent de cette pas que Lyon Part-Dieu ait besoin végétation, les flux des gens, les acti- dans la teinte et le reflet que vont quartier entièrement nouveau, notion de style Part-Dieu et l’em- de cela. Pour moi, la question du vités, deviennent assez visibles. Je prendre ces tours. Son architecture possibilités nouvelles, inédites. comme à la Confluence par exemple, mènent un peu plus loin et d’autres style d’architecture se pose très trouve que dans un lieu hyper cen- correspond assez spontanément aux qui a développé son style, son iden- qui la comprennent moins. Ne pas différemment à Lyon Part-Dieu tral comme celui-ci, qui concentre orientations que nous avons propo- On pense que ce n’est pas par des tité propre. Mais à Lyon Part-Dieu, enfermer les choses dans des règles et à Confluence. Confluence est beaucoup de mouvements et d’acti- sées pour le style Part-Dieu. préconisations et des règles qu’on c’est très différent. On est dans un extrêmement précises comporte un la reconstruction complète d’un vités, l’architecture peut être un progressera, mais davantage par contexte architectural déjà existant, risque. Mais comme ce projet se fait environnement ; dans sa pre- peu plus calme plus discrète, plus Comment exercez-vous votre un échange sur le dessin des choses. très présent, très puissant, dont on dans une discussion permanente, mière phase, il fallait créer un effet sereine. Nous pensons que sur le mission d’architecte conseil ? Donc on dessine. Oui, on a dessiné ne peut pas faire abstraction. on espère que, petit à petit, on arri- d’adresse, avec des signatures un cœur du dispositif ce serait intéres- Avec une pile de règles et de des choses pour la gare par exemple vera à emmener les projets les plus peu franches. C’était aussi la ten- sant de renouer avec une forme de préconisations, un ensemble alors qu’on n’est pas architectes Ce n’est pas par des préconisations importants, avec leurs architectes, dance générale à l’époque où cette simplicité, plutôt que d’aller vers des de croquis ? De quels moyens de la gare. Cette méthode peut vers une architecture qui ait du sens opération a été conçue. À Lyon Part- effets complexes de couleurs ou de disposez-vous ? paraître un peu agressive vis-à-vis et des règles qu’on progressera, à Lyon Part-Dieu. Dieu, le contexte est tellement pré- matériaux. des maîtres d’ouvrage et de leurs mais davantage par un échange sent qu’on a envie d’être raccord Les moyens ? Juste la discussion ! architectes. Mais je pense que le sur le dessin des choses. Vous citez les couleurs comme avec l’environnement plutôt qu’en Pouvez-vous citer un exemple Mais c’est quand même la collec- fait d’avoir dessiné des plans pour des éléments fondamentaux rupture. Il ne s’agit pas de refaire de d’architecture « calme » qui se tivité in fine qui délivre les permis la gare, des façades etc. a aussi per- Cela dit, cette notion de Style Part- du projet. Peut-on imaginer des l’architecture des années 70 mais, dessine à Lyon Part-Dieu ? de construire. Dès qu’un projet est mis d’alimenter la réflexion d’AREP Dieu doit rester ouverte. D’abord cubes orange ou vert pomme à en procédant avec certains fonda- identifié, les discussions s’engagent. et de Gare et connexion. Ça a sans parce qu’on en détient pas toutes Lyon Part-Dieu comme c’est le mentaux communs, de trouver un Le projet Two Lyon est en cours de Les opérateurs sont à l’écoute du doute été mal perçu au départ. les clés. Ensuite, parce qu’il y a déjà cas à Confluence ? dialogue avec l’existant. Les trames définition mais Dominique Per- projet Lyon Part-Dieu, parce que la Mais aujourd’hui, tout le monde plusieurs styles architecturaux qui de façades, la modularité consti- rault prévoit des façades dorées mission Part-Dieu tient un discours est content du schéma auquel nous coexistent à la Part-Dieu. Enfin, on Les couleurs, à Lyon Part-Dieu sont tuent une grammaire commune. et argentées sur des volumes très cohérent. On fait des propositions, sommes collectivement arrivés.

32 Ce qui fait style à la Part-Dieu

Hôtel de la communauté Tour EDF, 1977 Résidence Desaix, 1963 Bibliothèque Municipale, 1972 urbaine de Lyon, 1976 Charles Delfante, L. Chrétien, C. Delfante, René Gimbert, Jacques Vergely René Provost, R. Labrosse, R. Levasseur, Jean Zumbrunnen J. Perrin-Fayolle (GPR)

Cité Administrative d’État, Tour Swiss Life, 1989 Part-Dieu Garibaldi, 1971 Le Britannia,1974 1976 Christian Batton, Claude Monin, A. Remondet, Robert Roustit A. Seifert

Tour Part-Dieu, 1977 Tour M+M, 1972 Résidence du Lac, 1972 Façades du Araldo Cossutta & Associates, Pierre Dufau Jean Zumbrunnen Centre Commercial Stéphane du Château de la Part-Dieu, 1975

Caisse d’Épargne Rhône- Auditorium Maurice-Ravel, Alpes, 1977 1975 Bellemain & Heyraud Charles Delfante, Henri Pottier (GPR)

34 LES CODES COULEUR DE L’ARCHITECTURE PART-DIEU DE LA TOUR À LA POST-TOWER

A travers le concept de post-tower, l’AUC propose une réflexion sur d’autres types d’architectures que la tour, très compactes et très mixtes pouvant répondre à d’autres besoins avec un large éventail de loyers.

36 Le management de la qualité du projet urbain Nathalie Berthollier, tulé « Style Part-Dieu » qui a pour permis de la Ville de Lyon, l’Archi- directrice du projet objet d’orienter la production de tecte des Bâtiments de France, et l’architecture sur ce site. Ce docu- le coloriste-conseil de la Ville si urbain, détaille les ment est systématiquement pré- besoin. processus et outils senté et remis aux équipes lors du lancement de tous les concours Ce collectif, réuni en séance qui permettent de d’architecture, et remis à chacun d’architecte-conseil, a pour but bâtir une architec- des opérateurs et concepteurs qui d’assurer la qualité architecturale, ture de qualité. œuvrent pour la mise en œuvre l’exigence environnementale, la d’un projet immobilier. Il repré- cohérence programmatique et sente un outil au service des opé- l’insertion urbaine de chacune des rateurs et un document à l’appui opérations immobilières à Lyon des séances d’architecte-conseil. Part-Dieu. Il permet de présenter précisément la volonté architecturale attendue De l’amont à l’aval, ce processus et les orientations que la collecti- donne lieu à de nombreuses réu- vité souhaite lui donner pour les nions, du cadrage urbain de départ prochaines années. au dépôt du permis par les maîtres d’ouvrage, après mon accord La négociation Les séances d’architecte- en tant que directrice du projet conseil urbain . La qualité architecturale est une des clés de réussite du projet Lyon Part- C’est François Decoster qui est L’octroi des permis de Dieu. Or, le mode de production l’architecte conseil. A ce titre, il se construire du projet est potentiellement peu à substitue à l’architecte-conseil de même de cadrer la production archi- la Ville de Lyon sur le périmètre A l’issue des concours d’archi- tecturale faute de foncier apparte- du projet en accord avec la Ville. tecture et des séances d’archi- nant à la collectivité : on ne peut pas, Il est ainsi missionné par les deux tecte-conseil, le projet immobilier ou peu, imposer de cahiers de pres- collectivités pour garantir la qua- ainsi mûri est présenté aux élus, criptions architecturales en échange lité architecturale de chacune des et notamment au Président du de cessions foncières ; la production opérations et plus globalement la Grand Lyon, Maire de Lyon, si pos- immobilière repose largement sur réussite de cette opération emblé- sible avant le dépôt du permis de l’initiative privée. L’objectif pour le matique pour la Métropole de Lyon. construire. Grand Lyon, représenté par la Mis- sion Part-Dieu, est donc de cadrer En tant qu’architecte-conseil, il Pour le compte de la Mission, je les opérations immobilières le plus analyse et (ré)oriente toutes les donne personnellement un avis en amont possible et de garantir la opérations immobilières. La Mis- sur tous les permis déposés dans qualité architecturale qui repose sion réunit à ses côtés lors de ces le périmètre du projet, je véri- très largement sur l’initiative et l’in- instances d’architecte-conseil fie que tous les points évoqués en vestissement privé. C’est par la dis- RFR Elément (BET environne- séance d’architecte-conseil sont cussion, la négociation, le partage mental), BaSmets (paysagiste) si conformes dans le permis et que des enjeux et des objectifs autour de besoin, l’Agence d’urbanisme de le projet immobilier apporte la l’architecture et l’appropriation par Lyon, les élus du 3ème arrondisse- valeur convenue au projet urbain les opérateurs du « Style Part-Dieu » ment, le service instructeur des dans son ensemble. que nous aboutissons.

Le guide « Style Part-Dieu »

Comment faire que la somme des opérations qui vont s’engager dans le temps produise l’image puis- sante, visible et reconnaissable d’une modernité réinventée ? Dans le cadre du Plan de Référence V2, il existe désormais un guide inti- François Decoster, Nathalie Berthollier et Sébastien Sperto 38 POINTS DE VUE

“Faire valoir le point “Faire vivre ce et s’étend, annonce et prépare un de vue du simple patrimoine du 20e renforcement de la ville à l’est. Il importe d’assurer cette continuité usager” siècle” de la ville centre vers ce croissant est de l’agglomération.

“Pour un urbanisme de la négociation”

Catherine Panassier, adjointe à Sébastien Sperto, directeur l’urbanisme du 3e arrondissement d’études à l’Agence d’urbanisme de Lyon. de Lyon.

En tant qu’élue d’arrondissement, Je participe, dans le cadre d’une je participe aux commissions préa- mission conseil auprès de la mission lables à l’attribution des permis de Part-Dieu, aux commissions préa- construire pour faire valoir le point lables qui permettent de développer de vue du citoyen, du simple usager. les projets jusqu’au dépôt des permis Claire Piguet, architecte et Je me pose des questions pragma- de construire. L’agence d’urbanisme urbaniste, co-gérante des Ateliers tiques, notamment, je me demande participe aussi aux commissions Lion Associés, architecte-conseil d’abord comment les gens vont techniques des jurys de concours. de la Ville de Lyon. s’approprier les choses ? Comment Nous accompagnons donc ce pro- les bâtiments vont-ils être utilisés ? cessus de coproduction du projet Nous ne sommes pas ici de grands Comment vont-ils vieillir ? Et, tout urbain qui s’est mis en place à la adeptes des prescriptions architec- simplement, comment vont-ils s’in- Mission Part-Dieu. (…) turales écrites à la lettre, exigeant tégrer dans l’existant, dans le quo- la corniche à tel niveau etc. Je crois tidien ? Mon objectif est d’abord de res- beaucoup plus à l’urbanisme de la pecter ou de comprendre les négociation, de la discussion par- Participer à ces commissions me objectifs proposés par l’architecte- tagée pour construire un projet. À permet de mieux comprendre les urbaniste François Decoster à tra- partir du moment où vous avez en logiques à l’œuvre pour pouvoir vers sa démarche de projet. L’agence face de vous des architectes et des les réexpliquer, en débattre avec d’urbanisme partage précisément promoteurs qui partagent à peu mes collègues et les habitants et en ce même objectif de tirer partie de près vos convictions, rien n’oblige 208 victoria (immeuble AFAA) retour recueillir leurs réactions qui l’existant, et notamment de ce patri- à tout réglementer. Et puis il y a un très souvent posent des questions moine du 20e siècle qui nous semble côté absurde à émettre des règles d’usage très concrètes qui impactent un patrimoine intéressant et qu’il en tant qu’urbaniste pour régler un TÉMOIGNAGE L’agence AFAA a réalisé la nouvelle C’est une aide précieuse, un garde le quotidien. faut faire vivre. Il ne faut pas effacer problème d’architecture. La règle a entrée de la Bibliothèque muni- fou pour résister aux pressions éco- une ville pour en reconstruire une toujours un côté arbitraire. Finale- “La feuille de style cipale (2003) et les immeubles de nomiques qui pèsent sur les amé- autre mais au contraire tirer partie ment ce qui compte avant tout c’est laisse une large part bureaux Open 6 (ZAC Thiers, 2009), nageurs. La maîtrise d’ouvrage du de tous les atouts de la ville existante. le projet, et un projet ce n’est pas 208 rue Garibaldi (2011) et Evolem projet urbain est là pour préser- l’application d’une règle, mais plu- aux interprétations” (ZAC de la Buire, 2013). L’agence ver les idées essentielles du projet Sur la question de l’urbanisme, de tôt le partage de conviction, d’ambi- a concouru pour la conception du initial, tenir la ligne : ça pourrait la modification sur le plan urbain tion et d’exigence. Admettre la règle, Sky 56 avec Chaix et Morel associés être casse pied mais ici, c’est cohé- qui est apportée à ce territoire, j’ai c’est croire à une certaine harmonie (projet retenu) et la rénovation de rent ; le dialogue est constructif. toujours le souci de recontextuali- de la ville ; je crois beaucoup plus à la l’îlot Desaix avec MVRDV (projet L’AUC et la Mission Part-Dieu ser les nouvelles interventions ou les vie qui s’y déploie. non retenu). Architectes de l’agence ont l’intelligence de ne pas impo- compléments qui sont apportés par AFAA, Marc Favaro et Damien ser une forme ou une volumétrie le projet urbain dans une vision plus Poyet apportent leur regard sur la figée, mais d’inscrire un « style large du territoire. Ce qui m’inté- conduite du projet urbain. Part-Dieu », ce qui laisse une vraie resse aujourd’hui, c’est l’insertion liberté et une souplesse dans le urbaine et notamment la relation « L’AUC, avec la Mission Part-Dieu cahier des charges. Il n’y a pas de aux quartiers Est, de l’autre côté Marc Favaro et Damien Poyet, sont partie prenante des projets, règles de composition mais une des voies ferrées. (…) La manière architectes de l’agence AFAA. pour vérifier qu’ils soient dans la feuille de style qui laisse une large dont la Part-Dieu se redéveloppe ligne. Un vrai partenariat s’établit. part aux interprétations. »

40 volonté. Sur une trame extrême- avec succès : la Part-Dieu fonctionne de ce que la collectivité souhaite et Lisibilité, singularité ment linéaire, très 21e siècle, le bâti- très bien. Nous avons l’obligation de qui ne jouent pas le bras de fer avec ment va répondre aux obligations conduire un projet de rénovation nous. Y compris ceux qui sont consi- énergétiques et d’efficience écono- dans un quartier en pleine activité. dérés comme étant les plus difficiles et pérennité mique, tout en s’inscrivant très lar- Il est impératif pour nous de travail- négociateurs. Ils s’inscrivent assez gement dans le style Part-Dieu. Ce ler avec les instances, les gens, les facilement dans nos prescriptions “Il faut que l’héritage de régularité et de matériaux qu’il tions ou optimisations des anciens concours a été extrêmement inté- entreprises qui ont des droits intan- urbanistiques et architecturales ; la se conserve et se convient de préserver. Il y a encore immeubles. ressant parce que les deux équipes gibles, à commencer par le droit négociation se polarise surtout sur des immeubles avec de la pierre, du finalistes avaient des options très de propriété. Sans les opérateurs et l’octroi de surfaces supplémentaires perpétue ; c’est la béton, du « plein », à la différence de L’ambition du projet, qui doit s’ins- différentes. L’une s’inscrivait très les propriétaires nous n’avons pas ou la participation aux équipements grande logique cette architecture strictement vitrée pirer de l’héritage architectural, est précisément dans le style Part-Dieu, la capacité d’élaborer grand chose. publics. privilégiant la transparence qui se une ambition de lisibilité, de sin- en apportant quelques innovations : La coproduction a donc été, dès le du développement développe au 21e siècle. Tout l’enjeu gularité et de pérennité. Il faut que la tour de logement a une relation départ, dans l’ADN du projet. Quel poids peut avoir la durable” est d’arriver à maintenir de la trans- l’héritage se conserve et se perpé- au socle, à l’espace public, qui est collectivité publique dans le parence tout en gardant une logique tue ; c’est la grande logique du déve- très proche des grands anciens, puis Nous avons une boîte à outils divers. cas de concours d’architectes de matériaux. loppement durable. développe un nuage très vitré qui va Nous disposons d’outils techniques, privés (comme pour le centre être très décalé. réglementaires voire coercitifs. Et commercial Part-Dieu) ou de Je suis de plus en plus persuadé, en Le projet de la Part-Dieu puis nous avons les outils de convic- maîtrise d’œuvre intégrée avançant dans le projet, que l’archi- La Part-Dieu n’est pas une tion, qui sont très importants. Il (pour la gare) ? tecture de la Part-Dieu, toujours est dans la singularité la page blanche. C’est un s’agit de faire en sorte que l’intérêt en lien avec les espaces publics, plus absolue en matière de quartier déjà largement de la rénovation du quartier soit La collectivité a le poids de sa était très largement innovante. Elle conduite d’opérations. construit, dont les compris, appréhendé, connu, et conviction, de sa détermination et peut apparaître comme datée ou propriétaires sont des acteurs surtout partagé. Nous avons donc de son président. obsolète, elle l’est sans doute sur un La pérennité, la réversibilité, la divers - entreprises privées et une obligation de conviction, de Entretien avec Ludovic Boyron, certain nombre de sujets comme durabilité dans le temps, en termes administrations publiques - démonstration et de communication Dans la quasi totalité des cas, les directeur de la Mission Part-Dieu. l’efficacité énergétique et la taille de matériaux, d’énergie, de relations et souvent de grand poids ainsi que de discussion réciproque. opérateurs privés viennent nous voir des plateaux, mais il y avait une à l’espace public sont des éléments – Unibail, SNCF… - Comment pour savoir comment travailler, avec Quelle place occupe à vos certaine innovation à l’époque des qui nous importent. Mais nous ne la maîtrise d’ouvrage peut- Dès la mise en œuvre d’un projet de qui et nous proposent d’être asso- yeux l’architecture dans le premiers concepteurs, dans la fonc- nous interdisons pas d’être dans elle s’assurer de la qualité et rénovation du quartier, les opéra- ciés le plus en amont possible, à la développement urbain et tionnalité, la technicité et les formes l’expérimentation. Sur les produits de l’ambition des réalisations teurs privés ont embrayé extrême- fois à l’élaboration du projet et le cas économique du quartier Part- urbaines. immobiliers comme l’espace public. architecturales ? ment rapidement et de façon très échéant à la consultation d’archi- Dieu ? Pour développer le « sol facile », cette volontariste. Le fait que le politique tectes. Ils savent en effet que c’est la L’héritage architectural donne- couche servicielle sur le sol, nous La singularité de Part-Dieu n’est mette en place un projet d’envergure garantie pour eux que lors de la mise L’architecture est essentielle à la t-il des devoirs, trace-t-il une allons tenter des choses en terme de pas qu’architecturale : le pro- pour la Part-Dieu a libéré un certain en œuvre du projet on aura évacué Part-Dieu, car elle est un facteur ambition pour l’architecture du végétalisation, de mobilier urbain, jet est dans la singularité la plus nombre de vocations, d’énergies, de en amont l’ensemble des sujets en de lisibilité, de singularité et donc futur ? de couche numérique et d’usage. absolue en matière de conduite volontés d’acteurs privés de manière matière de droit des sols, de permis d’attractivité du quartier. d’opérations. Les grands quartiers incroyable. La plus visible est la de construire, etc. Cela permet aux Cela donne d’abord un devoir de Y a t’il selon vous un « style d’affaires comme Euromed, Bor- constitution spontanée du club des promoteurs de présenter aux inves- Il y a aussi un enjeu de masse : l’une compréhension. On se doit de com- Part-Dieu » que François deaux Euratlantique, Euralille ou entreprises de la Part-Dieu. Il y a eu tisseurs et aux utilisateurs un projet des spécificités de la Part-Dieu c’est prendre la manière dont ce quartier Decoster définit par cette même la Défense ont été conduits un effet d’entraînement incroyable sans aucun aléa vis-à-vis de la col- le volume, à la fois de ce qui existe et ces immeubles ont été érigés, de trilogie : formes simples, en périphérie, dans des endroits qui et la coproduction en est rendue lectivité puisque tout est tamponné, – un million de m2 – et de ce qui est repartir de ce qui avait été pensé à matérialité et couleurs ? étaient plutôt vides où la puissance d’autant plus simple que chacun validé par la collectivité sans aucune prévu : à terme un million de m2 l’époque, pour l’adapter aux modes publique disposait de réserves fon- y voit son intérêt. Je suis ravi de difficulté. nouveaux. Dans ce cadre-là, une de vie et aux attentes actuelles. On a On a effectivement un « style Part- cières. Nous n’avons pas ou peu de constater que nous avons en face de logique d’architecture, intégrée, aussi un devoir de singularité. L’idée Dieu » qui nous donne le fil conduc- foncier. Le site est occupé, et occupé nous des gens qui sont très à l’écoute logique, singulière est absolument n’est pas de faire un quartier comme teur pour la suite. La trame, la essentielle. Mais la manière dont les autres dans le Grand Lyon, ni un régularité sont des caractéristiques ce quartier a été construit, sur un quartier d’affaires comme on peut de ce style : à la Part-Dieu, on n’est urbanisme de dalle, nous impose les connaître un peu partout en pas dans des choses qui « twistent ». de penser une corrélation directe Europe et dans le monde. Je retrouve dans l’architecture entre l’architecture et les espaces actuelle, et notamment dans le tra- publics. La rénovation du quartier Enfin, on a le devoir de privilégier vail de l’école suisse, ces caracté- nous conduit forcément à réfléchir la régénération plutôt que la démo- ristiques. Herzog et de Meuron qui à l’architecture bâtie en association lition. Très clairement on le fera s’occupent du master plan de la ZAC consubstantielle avec l’aménage- partout où l’on pourra le faire, où ce Confluence 2 se fondent sur cette ment urbain. sera économiquement possible et où idée de trame, de régularité, de sim- les acteurs seront volontaires pour le plicité d’architecture. Quel regard portez-vous sur faire : propriétaires, investisseurs, l’architecture existante ? promoteurs, architectes. Nous pri- Le projet retenu pour la résidence vilégierons la régénération quitte Desaix, dessiné par Clément Vergely Il s’agit d’une architecture de trame, à prévoir des extensions, suréléva- et 51N4E est emblématique de cette

42 Les premiers projets

44 Un formidable terrain de jeu pour les architectes D’ambitieux projets De fait, Lyon Part-Dieu offre un Par ailleurs, la maîtrise d’ouvrage architecturaux terrain de jeu assez extraordinaire du projet, pilotée par la Mission pour des architectes et promoteurs Part-Dieu, promeut une grande prennent forme à Lyon intéressés par un projet complet qualité architecturale, à la hauteur Part-Dieu, conçus de régénération urbaine à grande du potentiel de développement par de grands noms échelle. élevé de ce quartier. de l’architecture « En France, Lyon Part-Dieu doit « Les architectes s’appliquent vrai- comme Dominique être le premier projet de rénova- ment : ils ont la pression des pro- tion urbaine qui traite de la plu- moteurs pour l’attractivité et celle Perrault, Christian De part des composantes urbaines des maîtres d’ouvrage pour la qua- Portzamparc, Chaix & puisque c’est à la fois un grand lité, observe Catherine Panassier, quartier d’affaires, un morceau de adjointe à l’urbanisme du 3e arron- Morel, Valode et Pistre ville à vivre et siège de la première dissement de Lyon. Je crois qu’ils ou encore Winy Maas. gare de correspondance française. se régalent car il existe finalement (…) Je crois que les architectes et le peu d’occasions de fabrique de la Plusieurs architectes de renom monde de l’immobilier en général ville qui conjugue aussi fortement travaillent actuellement à la réin- s’intéressent fortement à ce pro- qualité, performance et innova- vention de Lyon Part-Dieu. D’ici jet parce qu’il va leur donner des tion. De fait, ils osent faire des quelques mois, Valode et Pistre références pour ce qui va suivre » propositions originales et fortes ». auront érigé la tour Incity ; elle sera estime Ludovic Boyron, directeur la plus haute tour de Lyon et la pre- de la Mission Part-Dieu. mière tour HQE de centre-ville en France. Parallèlement, Dominique Perrault dessine le Two Lyon qui prend racine dans la future gale- rie de la gare de Lyon. Christian de Portzamparc imagine l’exten- sion de la Résidence Desaix tandis que Winy Maas prévoit d’habil- ler le centre commercial d’un drapé qui le rendra plus ouvert sur la ville. Avec Sky 56, Chaix & Morel sculptent quatre failles qui trouvent un écho avec le skyline alpin. Lyon Part-Dieu représente un marché important, offrant des volumes séduisants pour de grands architectes. À terme, l’offre immobilière de bureaux, neuve ou réhabilitée, sera portée de 1 mil- lion à 1,5 millions de m2 et 1500 logements supplémentaires seront créés.

Parce qu’il est un grand quartier d’affaires européen et constitue un pôle d’échanges de premier plan, Lyon Part-Dieu constitue un exemple riche et complexe de réin- vention urbaine, articulant des programmes de mixité d’usage et traitant de nouvelles mobilités.

46 L’effet volume

“L’architecture de en Asie. Le phénomène de la régé- de la poursuite d’un style Part-Dieu. l’avenir est dans la nération qui débute seulement va Cette expérience a vocation à être donc s’amplifier pour devenir, en conduite sur des sites comme le régénération” volume, très important. En ce sens, M+M, la Cité administrative d’Etat, Lyon Part-Dieu préfigure l’avenir. le PDG ou encore le bâtiment du En France, ce doit être le premier Grand Lyon. projet de rénovation urbaine qui traite de la plupart des composantes 2e bâtiment strictement embléma- urbaines puisque c’est à la fois un tique pour plein de raisons : le centre grand quartier d’affaires, un mor- commercial. Il conjugue un enjeu ceau de ville à vivre et siège de la de régénération de ce centre, un première gare de correspondance enjeu de lisibilité depuis le domaine française. Nous avons donc un cer- public, un enjeu d’appropriation tain nombre de dispositifs à inven- des façades et du toit, et enfin un Entretien avec Ludovic Boyron, ter, en matière de technique, de enjeu commercial. Les gens d’Uni- directeur de la Mission Part-Dieu. construction, de réglementation, bail sont les premiers à dire qu’il de domanialité, etc. Je crois que les faut faire quelque chose pour coller Qu’est-ce qui attire, selon architectes et le monde de l’immo- aux usages de commerce de l’ave- vous, de si grands noms de bilier en général s’intéressent forte- nir. Le travail réalisé sur ce centre l’architecture ? ment à ce projet parce qu’il va leur me semble assez emblématique, eu donner des références pour ce qui égard notamment à la place qu’il Je vais essayer de ne pas être langue va suivre. De nombreuses grandes prend dans le projet. de bois : on aurait beau jeu de dire « villes américaines ne pourront faire regardez, Part-Dieu attire la crème autrement que de se régénérer sur En France, ce doit être le de l’architecture mondiale » ! Il faut elles mêmes. L’étalement urbain, ça premier projet de rénovation être lucide : il y a un effet volume. À ne fonctionne plus. urbaine qui traite de la la Part-Dieu on est sur des volumes de bâtiments très importants qui Nous sommes sensibles au fait d’atti- plupart des composantes représentent, très prosaïque- rer de grandes signatures architec- urbaines. ment, de beaux marchés pour les turales, néanmoins, nous serons architectes, économiquement très attentifs à ce que des architectes Enfin, 3e sujet emblématique : le Two intéressants. lyonnais travaillent ici. Il y a beau- Lyon. Il est très emblématique de la coup de talents dans cette agglo- coproduction. Conduire un projet Néanmoins il y a un intérêt fort pour mération, de grandes agences qui d’IGH dont le pied est constitué par l’architecture de la Part-Dieu. Je travaillent dans le monde entier. Il la galerie de la gare et le sous-sol par suis frappé de voir à quel point le me semble particulièrement impor- un parking public induit une com- style de la Part-Dieu est connu dans tant de faire participer les archi- plexité d’opérations importante. On le monde de l’architecture, dans les tectes locaux à ce qui s’invente ici, doit concilier forme urbaine, parte- écoles d’architecture. On voit défiler d’autant plus qu’ils sont tous usagers nariat public / privé, techniques de ici des architectes du monde entier, du quartier. démolition et de reconstruction (à un des derniers en date étant Riken quelques mètres des voies ferrées) et Yamamoto, architecte star au Japon. Parmi tous les projets en nécessité de trouver un modèle éco- Dominique Perrault connaît très cours, quels sont ceux qui nomique. Quand on met tout cela bien le projet ; Winy Maas se pas- vous paraissent les plus dans le shaker, on a intérêt à bien sionne pour Lyon Part-Dieu. emblématiques ? s’entendre les uns les autres : le pro- moteur, l’utilisateur, la collectivité, Par ailleurs, je crois que l’immo- J’en citerais trois. D’abord le pro- Gare & Connexion ! Parce que s’il y a bilier et l’architecture de l’avenir, jet Silex 2, cette tour EDF dotée le moindre sujet de discorde ou une notamment dans les grandes villes d’un socle extraordinaire en béton. tentative de négociation un peu per- en Europe occidentale, en Europe Un propriétaire, la Foncière des fide, on referme le dossier. Tous ces de l’Est et en Amérique du nord, Régions, un architecte, Antoine projets sont sur le fil du rasoir. Il est est précisément dans la régénéra- Durand, et la collectivité sont réunis fondamental de conserver la lucidité tion. On est un peu à la croisée des autour d’un projet d’optimisation de de chacun des acteurs. La copro- chemins : la plupart des zones nou- cette tour qui permette de la conser- duction suppose la confiance réci- velles de réalisation urbaine et donc ver et de la rendre économiquement proque et la connaissance parfaite immobilière ont été mises en œuvre, puissante. Cela est très embléma- du contexte des uns et des autres. il n’y a plus beaucoup de « far west » tique de la coproduction et de la - exception faite au Moyen Orient et régénération qui sont les garantes 48 C’est aussi une question de Two Lyon viabilité économique : en Le projet immobilier du cluster Two Lyon bénéficie période de crise, le modèle d’un emplacement hyper stratégique : une partie du économique des tours peut socle sera constituée par la future gare ouverte de Lyon “Notre tour doit avoir un design d’architecture. Surtout Les fonctions peuvent se lire avec être périlleux… Part-Dieu, à deux pas des quais. Conçu par l’architecte des racines” se pose également la question du des façades différentes. Mais, on Dominique Perrault pour le groupe Vinci Immobilier, sol, de la relation des tours à leur peut aussi imaginer que dans une Ayons des frissons de risque, une Two Lyon regroupera des enseignes hôtelières, des environnement, du fait qu’elles même enveloppe, presque sans once de courage et le regard qui bureaux et une galerie commerciale reliée à celle de la soient adossées à gare, de l’ouver- aucune variation stylistique, des porte loin ! Car une crise qui dure nouvelle gare. Le pied du bâtiment, un « socle actif » ture sur la place. C’est donc une fonctions mixtes puissent être n’est pas une crise, mais un monde de commerces et services, sera largement ouvert sur la contextualisation plus contempo- abritées. C’est une question d’écri- qui change. place Béraudier, le boulevard Vivier Merle et l’avenue raine que celle des années 70 : on ture architecturale. Nous avons Georges Pompidou. Ce cluster représente un programme s’intéresse à ce que nos tours aient fait une recherche architecturale exceptionnel de 95 000 m2 dont 62 000 m2 de bureaux. des racines et ne soient pas posées d’enveloppes, de peaux mais le Le gratte-ciel de bureaux culminera à 170 mètres offrant brutalement sur le sol. On s’attache choix interviendra lorsque le pro- un point de repère visuel fort à la gare, visible au-delà de à ce qu’il y ait un système visuel et gramme sera stable et la machine à l’agglomération. Entretien avec Dominique sensoriel d’accroche de ces tours fabriquer la ville prête à démarrer. Perrault, architecte et urbaniste, et un aménagement qui en per- architecte du projet Two Lyon. mette l’insertion dans le paysage Il y a une vogue des tours et l’usage fluide. au plan international. Est-il Quel regard portez-vous sur possible de concilier grande le quartier Lyon Part-Dieu qui Les architectes des années 70 hauteur, qualité urbaine et abrite une singulière collection étaient très talentueux dans leur développement durable ? d’objets architecturaux des utilisation des matériaux, du relief, années 60 – 70 ? etc… Il y avait une virtuosité réelle Vous connaissez l’Eurostar ? Il de l’architectonique et, paradoxa- suffit de le prendre pour aller voir Du point de vue de l’architecture, lement, une pauvreté incroyable quelques tours emblématiques il comporte de très belles pièces de la relation entre ces architec- qui ne sont pas dénuées de qua- comme l’hôtel du Grand Lyon, ce tures et le sol, le tissu urbain, le lité urbaine, dans une ville qui bâtiment suspendu à de grandes quartier. De ce fait, ce type de s’appelle Londres… Il n’y a qu’en poutres métalliques ou la Biblio- quartier et d’architecture sont France qu’on a de tels débats sur thèque municipale. Ce sont des plutôt rejetés car mal compris, non les tours. C’est vraiment une vision édifices sur lesquels pèse un fort conviviaux. Ils n’ont pas ce rapport très romantico-pittoresque de la déni des Français, alors que dans très humaniste, généreux, ouvert, ville ! d’autres pays européens, cette que peuvent avoir les tours aux architecture est beaucoup plus Etats-Unis. En Asie, c’est encore Lyon Part-Dieu est un spot euro- aimée ; elle fait l’objet d’attention plus spectaculaire : les racines des péen. Il n’y a pas d’endroit mieux et de conservation. tours plongent profondément dans desservi en France. Le TGV arrive le socle de la ville au point de tisser au pied de la downtown dans une Du point de vue du patrimoine, un réseau de galeries souterraines. métropole avec un large rayon- c’est relativement « frais », mais il nement au cœur du territoire faut en prendre soin. C’est le sens Cherchez-vous un effet signal, national. C’est exceptionnel, sans du travail de réinvention urbaine notamment pour la gare qui équivalent ! de ce quartier qui est la condition n’est pas facile à repérer ? et l’enjeu de la poursuite du déve- Si des lieux doivent connaître un loppement d’un cœur de ville. Le Two Lyon a une forme particu- développement urbain important lière marquant la place de la gare. avec une densification et une mon- Comment avez-vous procédé Il se verra de loin et aura sa propre tée en hauteur, c’est bien un lieu pour dessiner Two Lyon ? découpe sur le ciel. Ce sera un comme celui-ci. Avez-vous pris en compte cet signe de plus dans le ciel lyonnais. environnement ? C’est dynamique : une nouvelle sil- Le projet Lyon Part-Dieu doit houette va apparaître, la silhouette donc être très ambitieux ? Tout un travail a été développé par du cœur de la métropole lyonnaise. l’équipe d’urbanistes et d’archi- Ce n’est pas une question d’ambi- tectes de l’AUC afin de préfigurer Two Lyon est un programme tion : il s’agit simplement d’être l’aménagement du quartier tant mixte associant hôtels, soi. Actuellement nous sommes du point de vue de l’espace public bureaux, commerces et l’ombre de nous mêmes. Il faut être que des silhouettes urbaines. Pour connexion à la gare. Y a-t-il soi-même : une grande métropole Two Lyon, nous nous sommes donc une forme architecturale à européenne. glissés dans un skyline déjà pré- même de donner corps et figuré et nous avons développé lisibilité à cette mixité ?

50 Dès le début, on a travaillé des « facile », il ne fallait pas qu’il y ait facilement un crayon à la main, Sky 56 teintes comme dans un glacier ; d’emmarchement, etc. Il fallait semblant vouloir imposer leurs des montagnes urbaines, c’était que tout paraisse naturel. Aboutir vues… notre angle d’attaque. à cette simplicité visuelle implique “C’est atypique, ces méga noyau inhérent aux IGH, des failles. On a des contraintes des contraintes, des études appro- Rémy Van Nieuwenhove : Lors quatre jambes qui immeubles de grande hauteur. de changements de directions en Frédéric Carrasco : On va voir le fondies et assez fines. du concours, notre projet n’était façade, mais sans avoir de rayons bâtiment vivre à travers ses failles. pas celui choisi par l’AUC. Fran- dansent !” Quelle incidence sur le de courbures sur les vitrages ; on Notamment sur l’est et l’ouest car Comment avez-vous intégré çois Decoster nous l’a dit. Puis, en programme immobilier a cette a joué sur des sections plates rec- les pignons sont opaques, pour la contrainte forte des socles s’apprivoisant, en travaillant de singulière sculpture en quatre tilignes verticales et des raccor- accentuer le contraste du « fond de actifs ? concert, en proposant des modifi- failles ? dements très maîtrisés, sur trois faille ». Le point qui reste à travail- cations, notamment la suppression hauteurs d’étage. La façade ici est ler est celui de la mise en lumière Rémy Van Nieuwenhove : On a de l’accès véhicule rue Général Rémy Van Nieuwenhove : Le creu- une triple façade qui nous permet et c’est une demande forte de la respecté la double hauteur à + 7 m Mouton Duvernet, qui gênait le sement sur les 4 faces engendre d’être thermiquement perfor- mission Part-Dieu. des socles actifs. Le hall d’entrée développement des socles actifs, dans l’aménagement des zones mant et très transparent ; c’est une est plutôt un espace de type lounge on a réussi à nouer une relation atypiques qui sortent du cadre façade respirante, avec des stores L’AUC préconise de rendre le d’aéroport, avec un jardin wifi. constructive. classique de l’aménagement d’un intégrés. sol « facile ». Avez-vous tenu C’est le lieu de l’interaction entre immeuble de bureaux : les failles compte de cette exigence ? ceux qui vont au restaurant, à la Frédéric Carrasco : Ils n’ont pas Entretien avec Rémy Van nord sud et les balcons est / ouest. Il y a également tout un travail sur salle de musculation, à la crèche. Il trop tenu le crayon, sauf pour nous Nieuwenhove, directeur de projet, C’est l’un des rares IGH où l’on une sérigraphie progressive : dans Rémy Van Nieuwenhove : Nous y a des fonctionnalités ici qui sont pousser à simplifier ; ce qui nous et Frédéric Carrasco, chef de offre à tous les niveaux des balcons la partie centrale des jambes elle avons eu de grandes discussions liées à la fois à la vie du quartier convenait complètement. Mais ils projet, architectes du Sky 56 chez ou terrasses pour pouvoir se est moins dense mais très régulière avec François Decoster sur le et au fonctionnement de la tour : nous ont appuyés auprès des pro- Chaix & Morel et Associés. détendre ou prendre le soleil. Ini- puis elle se densifie, se perturbe, à dedans / le dehors, la continuité conciergerie, services, entrée au moteurs. On était dans la même tialement, on avait aussi imaginé l’approche des angles pour mettre des matériaux, le sol facile. Nous RIE, brasserie, etc. À partir du démarche et on s’est bien soutenu Quel est le parti-pris des jardins suspendus, mais l’idée en valeur aussi les ruptures et la l’avons donc mis en scène à l’occa- noyau on est badgé. Le sol rentre mutuellement. architectural de Sky 56 ? n’a pas fait long feu. De même, une taille des volumes du Sky 56. À tra- sion de ce projet. Le biais à l’angle à l’intérieur, avec des bétons tra- Vous êtes-vous inspiré des plus importante végétalisation des vers la sérigraphie, nous avons tra- Mouton-Duvernet et Félix Faure vaillés sur le noyau pour répondre Rémy Van Nieuwenhove : Il y a caractéristiques de cette failles posait certains problèmes vaillé sur la verticalité, en essayant est un appel ; la jambe en retrait au côté urbain. L’idée des socles eu des tensions, mais le projet en parcelle et son environnement de sécurité incendie. d’effacer au maximum les horizon- est une façon simple et efficace actifs est rarement poussée aussi a bénéficié. Au final, c’est un beau pour concevoir ce bâtiment ? tales, les lignes planchers. C’est un d’amorcer cet angle. On libère de loin, c’est intéressant ; grâce à projet qui devrait être très attrac- Frédéric Carrasco : C’est aty- effet qui participe à la dynamique l’espace au sol et on en profite pour l’AUC, à la Mission Part-Dieu et à tif. Par son ampleur, mais aussi sa Rémy Van Nieuwenhove : Le pique, ces quatre jambes qui et à l’élancement du bâtiment. On créer une terrasse pour le restau- nos deux Maîtres d’Ouvrage, nous localisation et son esthétisme, Sky point intéressant de cette parcelle, dansent ! Quand on voit l’image, voulait que le bâtiment soit plus rant. La terrasse du restaurant et le sommes en train de bousculer les 56 sera un projet très embléma- c’est sa localisation qui est la porte on a du mal à imaginer qu’il y a grand alors on a tout fait pour qu’il sol intérieur sont de même nature, habitudes. tique du nouveau Lyon Part-Dieu. d’entrée du secteur sud du nou- 2200 m² par plateau, ce qui est le soit : on l’a mis sur la pointe des avec une continuité de matériaux. veau quartier Lyon Part-Dieu. Son assez rare à Lyon ! Presque tous pieds et on a étiré au maximum la Il a également fallu intégrer les Comment s’est passé le environnement est assez hétéro- les bureaux sont en premier jour. façade pour cacher tous les locaux mouvements de sol et les petits dialogue avec l’AUC ? Certains clite : la parcelle est accolée à une Seulement 10 à 15% de salles de techniques sur deux niveaux sup- dénivelés. Car pour que le sol soit ont pu s’offusquer qu’ils aient voie ferrée mais face à un espace réunion sont en 2nd jour. La frag- plémentaires en toiture. de dilatation ; devant le bâtiment mentation du bâtiment augmente est en effet prévue une esplanade la surface de vitrage et donc la Qu’en est-il des couleurs ? de jardin. La difficulté est que le lumière naturelle dans les espaces site est très contraint. De cette par- de travail. Frédéric Carrasco : Nous avons celle très dense, très profonde et travaillé avec le coloriste conseil Sky 56 très courte, il fallait sortir près de L’AUC, définit le style Part- de la ville de Lyon, M. Bernard 31 500 m² de Surface de Plancher. Dieu par les formes simples, Martelet, au sujet de la teinte des Haute de 56 mètres, Sky 56 s’élancera au bout de l’espla- L’objectif de surface engendrait, de la matérialité et les couleurs. matériaux et des sérigraphies. nade du Dauphiné, marquant une nouvelle porte d’entrée fait, un bâtiment très massif. Fort Vous retrouvez-vous dans Nous réaliserons des prototypes au sud du quartier. Derrière sa forme incurvée, ses 14e de de ce constat, on s’est raccroché à cette trilogie ? en fonction desquels nous affi- verre et d’acier porteront 30 000 m² de surface de bureaux des idées déjà suggérées par l’AUC, nerons le nuancier RAL. Il y a et de services. A chaque niveau, 200 salariés vont profiter notamment celle de s’inscrire dans Rémy Van Nieuwenhove : La tellement de couches de verres et d’espaces de travail modulables et de quatre terrasses un « skyline alpin ». À partir de ce recherche de simplicité nous tellement de facteurs (environne- avec vue sur la ville. Conçu par le cabinet d’architectes thème, nous avons proposé de convenait car c’est aussi notre ment, abords, choix des matériaux Chaix et Morel et l’agence lyonnaise AFAA pour les pro- sculpter les volumes par des failles marque de fabrique : une simpli- et couleurs intérieurs, etc.) qu’il moteurs Icade et Cirmad, Sky 56 est le premier bâtiment pour créer une dynamique. cité maîtrisée qui se transforme est très difficile de percevoir clai- de grande hauteur conçu dans le secteur Part-Dieu Sud. en raffinement. La façade est rement aujourd’hui la résultante Pour assurer son intégration au cœur du quartier, le rez- (…) Tout l’effort a été de sculpter assez technique, sous des aspects de la couleur. de-chaussée du bâtiment offrira 3000 m² de commerces ce volume afin de dégager quatre très simples. En fait, malgré la et services : un restaurant, des commerces, un business jambes, qui ont leur propre élan- simplicité apparente, ce projet Rémy Van Nieuwenhove : Ce site center, une conciergerie, mais aussi une crèche, et même cement, leur propre vie mais est complexe car tous les niveaux est très intéressant. Nous sommes une salle de fitness de plus de 600 m². qui gravitent toujours autour du sont différents, du fait des formes au début de la chaîne des Alpes !

52 54 avec un design plus transparent. Centre commercial 100 000 panneaux transparents font partie de ce drapé. Cela donne une grande richesse d’interpréta- Part-Dieu tion de ce motif. “Le patrimoine barres ont été détruites. Ils ont de fenêtres et de vitraux partout Comment avez-vous travaillé architectural dote replanté cet urbanisme avec un dans le socle et qu’il y ait plus de avec l’AUC. Comment s’est urbanisme contemporain qui n’a commerces et de restaurants qui passé le dialogue ? ce quartier d’une rien de spécial, n’attire pas l’atten- donnent directement sur les rues. attractivité de niveau tion et amoindrit énormément son Sur l’opération Centre commer- européen” caractère d’origine. J’ai presque proposé à l’Unesco cial, le dialogue s’est bien passé. de faire une opération de L’AUC s’est investi très clairement Comment avez-vous abordé pour demander d’augmenter la le travail sur le centre protection de la Part-Dieu ! qualité et la valeur de l’ensemble. commercial ? Est-il est Avec ce parc dans le ciel, lié avec la possible de faire évoluer le Nous ouvrons également les ville. Avec une ouverture des gale- modèle du centre commercial entrées du centre commercial et ries internes. Unibail avait d’autres économiques vous coupent Souvent, en Europe, les contraintes – qui est encore celui de augmentons les transparences. contraintes. Nous étions comme les ailes et l’inspiration ou donnent une architecture mono- la « boîte » fermée – pour Des escaliers, automatiques et des médiateurs entre Unibail et vous incitent-elles à être plus tone, introvertie. On a besoin de aller vers une plus grande normaux, seront ajoutés en quatre l’AUC / Grand Lyon. créatif ? créativité de la part des architectes ouverture sur la ville ? endroits pour donner des liaisons directes entre la ville, le quartier Vous êtes intervenu sur C’est très important de ne pas J’aime la bio diversité des villes Entretien avec Winy Maas, On travaille avec Unibail, pas et les différents étages et le toit. On Confluence, avec des arrêter les constructions dans et la bio diversité dans les villes architecte, fondateur et associé de seulement sur Lyon mais aussi à imagine que le centre commercial immeubles d’habitation. L’AUC le contexte d’une économie plus l’agence MVRDV à Rotterdam. Prague et Paris, où cette contradic- est une petite ’colline’ dans la ville estime que, plutôt qu’une faible. Mais on doit trouver des et de souplesse du côté des clients tion entre ouverture et fermeture ; on part de la ville en bas, et par architecture de geste comme solutions économiques pour et de l’Etat, mais aussi de la loi. Je Quel regard portez-vous sur le est abordée de façon très diffé- une ruelle en pente, on gravit plu- à Confluence, la Part-Dieu construire avec une qualité suf- suis sûr qu’ainsi, on peut faire des quartier de Lyon Part-Dieu qui rente. A chaque fois, on travaille sieurs niveaux R+1, 2, 3 pour trou- nécessite une architecture fisamment bonne. Durant les bâtiments très différents. abrite une singulière collection à une manière de dialogue entre ver le toit et le parc du toit. C’est plus « calme », en lien avec années 90 et 2000, quand l’écono- d’objets architecturaux des la boîte fermée et la ville poreuse. l’approche fonctionnelle et urba- l’existant. Partagez-vous cette mie se portait bien, on a développé Le mot « différence » revient années 60 et 70 ? Dans des situations très différen- nistique de ce projet. analyse ? une demande plus grande pour souvent dans vos propos. La ciées. C’est l’avantage d’avoir un l’architecture écologique. Pour des ville doit être diverse selon J’ai presque proposé à l’Unesco de propriétaire de niveau européen. Quel est le parti pris Je suis d’accord avec cette obser- budgets plus élevés on demandait vous ? faire une opération de protection architectural de la rénovation vation, sauf avec le mot « geste ». aux bâtiments d’avoir à la fois un de la Part-Dieu ! A Lyon, Unibail a fait le choix de du centre commercial ? A Confluence, on a construit un rôle architectural, social, écolo- J’aime l’Europe et le fait que toutes préserver la « boîte » avec sa rue quartier avec une architecture très gique et urbain. les villes soient différentes. J’aime Ce quartier est très critiqué sous interne tout en augmentant sa qua- On utilise le concept du ’drapé’ différenciée. A Lyon Part Dieu, on travailler à Lyon Part-Dieu car ce certains aspects : mono fonction- lité. Nous proposons d’ajouter plus parce qu’il y a déjà un caractère a besoin d’une architecture autre : C’est important de respecter quartier est très singulier dans le nel, il manquerait d’animation et de lumière et de faire plus de liai- de la façade existante, qui est une qui soit humaine mais qui res- tous ces éléments, mais dans paysage européen. Avec tous les d’humanité. Mais il présente des sons entre cette ruelle et la ville et sorte de moucharabieh très carac- pecte le caractère du brutalisme. un contexte de budgets plus projets à imaginer dans ce quar- caractères remarquables, notam- le toit pour augmenter les relations téristique. Nous proposons de le Je suis favorable à une architecture contraints, il faut faire des choix. tier, on peut augmenter cette ment son architecture brutaliste. avec les environnements : la ville, nettoyer et de reprendre ce motif contemporaine moins individuelle caractéristique. C’est intéressant : le patrimoine mais aussi avec le ciel, le toit et son pour le démultiplier sur le toit et et plus contextuelle. Mais nous Dans le cas du centre commer- de Lyon Part-Dieu suscite une possible parc. les façades. Cela forme un beau avons quand même besoin de faire cial, je peux faire une façade avec A l’échelle d’une ville, on a aussi série de réactions intelligentes et drapé, avec lequel nous couvrons des gestes architecturaux, pour tous les éléments différenciés de besoin de quartiers très différen- contrastées. Certains éléments Pour favoriser une meilleure rela- le centre commercial, comme une augmenter la qualité du quartier. drapé grâce à une technique par ciés. Les différences entre le Vieux sont impressionnants et impor- tion avec la ville, nous proposons sorte de table mountain… ordinateur qui permet de faire Lyon, Vaise, Confluence et Part- tants, d’autres très beaux, d’autres de changer la position des entrées des économies. Avec cette nouvelle Dieu aident. On a besoin de typo- enfin ont besoin d’être réinventés. pour faire des alignements plus Et nous ouvrons là où c’est possible Dans un contexte de budgets technique, je peux faire chaque logies d’habitations très diverses. fins avec la ville et aussi d’aug- ! Nous coupons, nous faisons des plus contraints, il faut faire des panneau de béton différencié, ce Ça augmente les chances pour De mon point de vue, il est impor- menter la taille de la porte. Cela portes à faux, des entrées, des pro- choix. qui me permet de donner au centre les villes d’avoir des sociologies tant d’adorer ce patrimoine et permettra d’obtenir des liaisons tections contre le soleil, etc. Grâce commercial une richesse architec- différentes qui donnent de larges d’améliorer sa qualité car c’est ce plus directes et plus ouvertes. à ce drapé, il nous est possible de turale très variée. Avec ce procédé perspectives économiques. J’aime qui donne à ce quartier un carac- Nous proposons aussi de faire plus travailler avec cette contradiction Les contraintes économiques de préfabrication je réduis les la bio diversité des villes et la bio tère très spécifique qui n’existe d’être introverti mais de s’ouvrir. et le marché de l’immobilier coûts, ce qui me permet d’ajouter diversité dans les villes. pas dans le reste du monde ; cela Je suis favorable à une Cela donne un caractère qui me jouent un rôle très important un budget pour réaliser le parc sur le dote d’une attractivité de niveau architecture contemporaine semble très important pour attirer dans la production de la le toit et les extérieurs. Il faut faire européen. Dans le quartier Bijl- les gens et pour conforter les spé- ville. Or actuellement, les des choix et les discuter de manière mermeer à Amsterdam qui date moins individuelle et plus cificités de ce quartier. Je continue contraintes sont assez fortes. très transparente. de la même époque, beaucoup de contextuelle. le moucharabieh mais je fais cela Est-ce que ces difficultés

56 Gare Lyon Part-Dieu

“Une gare plus continuité de l’espace public et du de la salle d’échanges aux heures ouverte” « sol facile ». Le hall principal de de pointe. La gare est aussi un lieu la gare sera libéré des commerces d’échange urbain, lié aux liaisons et services qui seront repositionnés intermodales et à la traversée dans des galeries latérales toutes est-ouest. en transparence sur le quartier. Les accès aux quais seront démul- Un deuxième enjeu porte sur l’in- tipliés, notamment depuis l’avenue termodalité, mais aussi l’accessi- Pompidou, et les intermodalités bilité. Lyon Part-Dieu est un pôle (loueurs de voitures, taxis, parc de d’échanges complexe et riche en vélos, etc.) mieux réparties et plus offre multimodale. Il faut inté- lisibles. grer cette dimension dans son aménagement pour optimiser Le point avec François Bonnefille, Quels sont les défis que les échanges entre les modes, les responsable de l’Atelier doivent relever les grandes rendre plus intelligibles et lisibles. d’architecture et d’ingénierie de gares contemporaines comme SNCF Gares & Connexions. celle de Lyon Part-Dieu ? Enfin, le dernier enjeu englobe l’ensemble : le développement Première gare européenne en Le premier défi est capacitaire ; il urbain. À Lyon Part-Dieu, nous terme de nombre de passagers en s’agit de dimensionner la gare aux sommes complètement dans cette Ces trois thèmes structurent la gare plutôt introvertie à une gare rence pour laisser voir les activités correspondance, la gare de Lyon augmentations de trafic : la gare thématique avec tout le travail de réflexion pour définir les grandes ouverte. mais, comme elle est plein ouest, il Part-Dieu est d’ores et déjà satu- Part-Dieu enregistrait 30 mil- requalification des espaces publics orientations du programme et sa faut aussi qu’elle prenne en compte rée. Pour absorber des flux en lions de voyageurs en 2011, elle en autour de la gare, le travail de spatialisation en s’assurant qu’ils Le bâtiment doit-il s’effacer les apports solaires. Rien n’est augmentation constante et être accueillera 43 millions en 2020, densification urbaine qui s’opère se complètent bien entre eux sans au profit des fonctionnalités tranché : faut-il adopter des qua- mieux connectée à son environne- 56 millions en 2030. avec le projet Two Lyon, ainsi que que cela se fasse au détriment de ou, à l’inverse, exprimer une lités de verre qui protègent ou des ment, la gare-bâtiment va s’ouvrir la réflexion sur la requalification l’un d’eux. Une intermodalité opti- symbolique forte ? dispositifs d’occultation mobiles sur la ville, doubler sa superficie, Cet enjeu capacitaire est assez de la place de Milan et les figures misée ne doit pas péjorer un nouvel pour assurer un confort thermique et se transformer en grande gare- prégnant à la Part-Dieu dont on urbaines imaginées par l’AUC du agencement urbain et réciproque- Nous avons des débats sur le trai- satisfaisant ? place traversante, inscrite dans la connaît l’encombrement actuel côté de la place de Francfort. ment. Cette approche complémen- tement des nouveaux volumes de la taire et croisée est partagée par gare. Doivent-ils se traduire néces- En visite en Asie l’été dernier, tous les acteurs de l’aménagement sairement par une figure archi- le Président du Grand Lyon a au sens large : la mission Part- tecturale emblématique comme dit vouloir s’inspirer des gares Dieu, l’AUC mais aussi RFF, la à Lyon Saint Exupéry ? À Lyon la ferroviaires japonaises pour Région Rhône Alpes, le Sytral, etc. Part-Dieu, on est dans un centre Lyon Part-Dieu. En quoi les urbain dense ; le projet de tours gares japonaises sont-elles un L’AUC parle de « gare conçu par Dominique Perrault - le modèle architectural ? ouverte » ; souscrivez-vous à Two Lyon - sera un peu le signal de ce concept ? la gare. Du coup, les volumes de la Les gares japonaises sont plutôt un gare n’ont pas forcément besoin modèle de programmation axé sur Nous avons eu beaucoup d’être emphatiques. Il s’agit plu- l’imbrication et la densification de d’échanges avec l’AUC et la mis- tôt de traiter un fond de place qui différentes activités au sein même sion Part-Dieu autour de la vision raconte une gare, c’est-à-dire un de la gare. Cela se traduit par une d’une gare comme équipement espace public intérieur animé où typologie de bâtiment particulière public qui permet une continuité les gens circulent et attendent. dont la déclinaison pour la France forte entre l’espace public et l’inté- L’idée est de travailler le volume de n’est pas courante. Le cas de Lyon rieur. C’est une réaction à la gare liaison entre le débouché de la salle Part-Dieu avec le Two Lyon en actuelle, qui n’est pas dans une d’échanges et le passage Pompidou interface avec la future galerie séquence ouverte. Il y a la volonté comme une grande galerie hori- Béraudier préfigure une évolution de changer la façon de gérer les zontale organisée sur trois niveaux qui va dans ce sens. continuités urbaines, d’accen- entre celui de la place Béraudier tuer la fluidité d’usage par une et celui des trains qui fait contre transparence visuelle et de larges point à la verticalité du Two Lyon. ouvertures. La galerie côté Bérau- dier permettra la vision sur les Nous sommes d’accord sur trains et, inversement, il sera pos- l’échelle. Le débat porte plutôt sur sible d’avoir vue sur la ville depuis la typologie de la façade à travail- les trains. On passera ainsi d’une ler. Il faut qu’elle soit en transpa-

58 60 Tour Incity

Incity au cœur d’un “Incity entre dans “Faire une tour paysage de tours. une collection urbaine et redonner d’objets” vie aux espaces Fin 2015, Incity sera le premier publics” chantier immobilier en IGH livré dans le cadre du projet. Située au cœur du quartier d’affaires, à l’angle de la rue Garibaldi et du cours Lafayette, elle accueillera 44 145 m2 de SHON sur 39 étages et culminera à 200m de hauteur. Ce sera la première tour HQE de centre ville en France. Elle privi- légie la lumière naturelle et offre Par Denis Valode, architecte 90% des bureaux éclairés en pre- concepteur de la tour Incity. mier jour. Grâce à une très grande Par Albert Constantin, modularité de ses plateaux, elle La première idée est de faire une co-architecte de la tour Incity. incitera à de nouvelles organisa- tour urbaine, qui prenne vraiment tions au travail (deux niveaux de pied dans la ville, qui fasse partie Incityity participe de cette philo- convivialité, deux étages de RIE, du quartier dans lequel elle est sophie de redonner toute sa place Restaurants Inter Entreprises). installée, qui participe à la fabri- à l’homme dans la ville. Sur les Sa forme simple, élancée et dotée cation de la ville même. trois niveaux du hall d’entrée, d’une double peau identique du sol on a une totale transparence. Le à la pointe, s’intègre dans le « style L’autre idée est qu’une tour se juge passant qui, hier, avait le mur du Part-Dieu » et entre en dialogue à sa silhouette ; on l’a voulue dyna- parking comme seul élément avec avec son environnement. mique, la plus élancée possible, ce lequel communiquer, va avoir qui a son importance dans le sky- aujourd’hui une vue traversante de line de la ville : Incity en devient l’ensemble de la tour. Tous ces élé- la tour la plus élevée. Son sommet ments ont été pris en compte dans biseauté et sa flèche constituent la conception : on a d’abord voulu un nouveau signal à l’échelle du faire une tour urbaine et redonner Grand Lyon. Elle entre dans une vie aux espaces publics. Sept ans collection d’objets dans laquelle d’études ont été nécessaires pour il y avait déjà 4 grandes tours. Elle rendre cette tour performante : les transforme le paysage qui devient façades sont intéressantes thermi- un paysage de tours en rapport quement car ce sont des doubles avec le paysage des Alpes. façades avec une enveloppe spé- cifique en fonction du parcours Enfin, nous avons voulu faire une du soleil. Au nord, comme il n’y a tour environnementale, contex- pas d’ensoleillement, la façade est tuelle, insérée dans son paysage un peu différenciée. Cela repré- mais aussi extrêmement efficace sente, en architecture, deux blocs du point de vue énergétique. qui s’imbriquent l’un dans l’autre ; c’est la base même de l’étude archi- tecturale. Autre principe : sa sim- plicité puisqu’on a une tour qui a une peau identique du sol jusqu’à 200 mètres de hauteur.

62 Ce concept de greffe, qui apporte L’unité : Comment s’intègre ce projet Silex 2 une solution satisfaisante pour dans son environnement ? revitaliser cet équipement du L’ensemble de ces deux entités point de vue de son usage, nous doit cependant être perçu comme La conception de l’accroche au sol Silex 2 du neuf pour Delfante et René Provost, témoigne Il faudrait aussi redonner aux pla- confronte cependant à une pro- un seul et unique bâtiment. Pour de la tour a aussi été l’occasion de régénérer l’existant. de l’indéniable virtuosité des archi- teaux une configuration et des sur- blématique architecturale com- cela nous avons eu recours à trois repenser l’aménagement de l’îlot tectes de l’époque dans l’emploi du faces qui répondent aux attentes plexe : concevoir un objet hybride principes. et de travailler la relation avec béton armé, l’une des caractéris- des utilisateurs d’aujourd’hui.Ces qui intègre, tout en la respectant, Silex1. La tour en sa partie basse tiques les plus marquantes de l’ar- plateaux sont trop petits (600 m2 l’architecture de Zumbrunnen et • La composition architecturale est accompagnée d’un immeuble chitecture de la Part Dieu. en moyenne) et s’adaptent diffici- qui possède néanmoins une cohé- de l’ensemble est réglée par le sys- bas faisant écho à Silex 1. Ces trois lement à la souplesse d’utilisation rence architecturale et une expres- tème harmonique mis en place par bâtiments sont reliés entre eux par Cette tour qui culmine à 80 mètres indispensable de nos jours. sion contemporaine. Zumbrunnen. un socle percé de patios apportant a des proportions élégantes et un la lumière naturelle dans toutes dessin rigoureux. Mais, ce qui rend Nous sommes également confron- Au terme de ce mûrissement, • L’expression architecturale de les parties du programme. La toi- cet édifice singulier, c’est l’audace tés à une contrainte structurelle. une idée s’est imposée la structure : comme nous l’avons ture-terrasse, accessible aux usa- des architectes qui, défiant les lois Lyon étant situé dans une Zone à déjà évoqué, la tour existante est gers, reçoit des aménagements de la gravitation, ont posé l’impo- risque sismique, toute intervention avec évidence : une greffe remarquable par la puissance de paysagers. Rencontre avec Antoine Durand, sante masse de la tour en équilibre qui affecte la structure est prati- architecturale. l’expression structurelle de son MA Architectes. sur un pied étroit. Ce pied, réalisé quement proscrite. La géométrie pied. Nous reprenons cette thé- Ce socle intègre dans sa concep- en béton brut, est sans aucun doute des façades ne peut être également Deux principes apparemment matique pour l’architecture de la tion les principes du « Socle actif Constitué à partir des années l’élément le plus remarquable de modifiée en raison de la prise au opposés nous ont servis de guide greffe en exprimant avec force la » et du « Sol facile » développés 60-70, Lyon Part-Dieu ne doit pas cette construction. Par sa plas- vent. dans l’élaboration de notre structure des contreventements. par les urbanistes de l’AUC. Il est devenir un quartier à deux vitesses, tique, il exprime avec une réelle conception : Cet exosquelette devient un des le lien actif entre les programmes avec un immobilier seventies qui puissance architecturale la den- Enfin dernier point, revitali- éléments qui caractérise le projet. Silex1, Silex 2 et la ville. se déprécierait et des projets neufs sité des efforts qui parcourent la ser cette tour, c’est aussi trouver La distinction : Cette idée a été poussée jusque valorisés et performants sur le plan matière. des solutions pertinentes qui lui dans le traitement des parties Pourvu d’une hauteur de 8 m - une énergétique. Le projet urbain pro- permettront de répondre aux • La greffe doit se distinguer par sommitales. Les coiffes de chaque bonne échelle au regard du piéton - pose donc de créer du neuf, mais Quels sont les défis liés contraintes environnementales les une morphologie totalement diffé- entité sont ajourées de manière à il s’ouvre généreusement sur un également de régénérer les bâti- à la régéneration d’un tel plus exigeantes. rente de celle de la tour existante. laisser entrevoir la géométrie des large parvis. La transparence de ments existants. Cette stratégie bâtiment ? structures et ainsi d’adoucir la sa façade donne à lire avec fluidité participe d’une démarche de déve- Quels principes vous ont guidé • Afin de dynamiser la skyline, et transition avec le ciel. les accès aux différentes parties du loppement durable : recycler plu- Revitaliser cet objet embléma- dans l’élaboration du projet ? de conférer à l’objet une silhouette programme dont une cafétéria qui tôt que détruire et reconstruire. Il tique, en lui donnant une deu- immédiatement identifiable, la • L’unicité de matière : pour l’en- aux beaux jours peut s’étendre sur s’agit de combiner constructions xième vie, nous confronte à quatre C’est dans un dialogue constructif greffe se doit d’être plus haute et semble des façades, même si les le parvis apportant ainsi une per- neuves et réhabilitations, parfois questions essentielles.Déjà, il avec la Mission Part Dieu et l’AUC, affirmer l’élancement acéré d’une modénatures varient, un seul ception urbaine attrayante de cette dans une même opération. C’est faudrait recréer le lien avec la que nous avons engagé, avec Fon- flèche. matériau domine. section de la rue des Cuirassiers. l’option choisie par la Foncière des ville. Conçu selon les principes cière des Régions le propriétaire Régions pour l’opération Silex 2. de l’urbanisme de dalle, ce projet de l’immeuble, un long travail de • Pour la tour existante, les propor- La tour EDF, culminant à 120 a été dessiné pour être accessible recherche. Différents scénarios tions sont conservées et le pied est mètres, sera rénovée (opération et apprécié depuis un sol artificiel ont été établis et de nombreuses mis en valeur. Silex 1) grâce à l’ajout d’une deu- situé à 6 m du sol naturel. typologies ont été explorées. xième tour neuve (Silex 2), accolée à la première avec des parties et Si la disparition des passerelles pié- C’est au terme de ce mûrissement des services qui seront mutuali- tonnes initiales constitue une amé- qu’une idée, cristallisant toutes sés entre les deux tours. Cette tour lioration incontestable du quartier, ces recherches, s’est imposée neuve, connectée et accolée à l’an- les constructions déconnectées ont comme une évidence : une greffe cienne tour, est signée d’Antoine dû être adaptées tant bien que mal architecturale. Le principe en est Durand / MA Architectes et devrait pour aménager des accès depuis très simple et part d’un constat. La être livrée en 2017. le sol naturel. L’accès au hall est capacité en trafic des ascenseurs devenu illisible et surtout, la tour du noyau existant est supérieure Quelles sont les particularités offre au regard du piéton une par- aux besoins réels des plateaux du projet Silex 2 ? tie de l’ouvrage peu avenante car desservis. conçue à l’origine pour accueillir la Le projet Silex 2 est situé rue des technique et la gestion des flux. Nous avons ainsi déterminé qu’il Cuirassiers en un lieu où, d’un seul était possible d’apporter un com- regard, on embrasse la plupart des Cette tour témoigne de plément de surface de 400 m² pour constructions les plus embléma- l’indéniable virtuosité ainsi porter la taille des plateaux tiques du patrimoine architectural des architectes de de bureaux à quelque 1 000 m². de la Part Dieu. Cette tour, conçue À cette fin, nous avons projeté dans les années 70 par les archi- l’époque dans l’emploi l’idée de construire une nouvelle tectes Jean Zumbrunnen, Charles du béton armé. tour accolée à la tour existante.

64 Directeur de publication : Gérard Collomb Coordination générale : Mission Part-Dieu Coordination éditoriale : Grand Lyon - Direction de la Prospective et du Dialogue Public et Direction de la Communication Rédaction : Anne-Caroline Jambaud Conception et réalisation graphique : Nova Consulting / Encore / Magazine © Grand Lyon - Jacques Leone - Laurence Danière - Itemcorporate - l’AUC - Agence d’urbanisme de Lyon - MA Architectures - AFAA

Grand Lyon - Novembre 2014

66 MISSION PART-DIEU 192 rue de Garibaldi - 69003 Lyon Tél. + 33 (0)4 26 99 35 18 [email protected] www.lyonpart-dieu.com