UNIVERSITE DE INSTITUT D'ÉTUDES POLITIQUES DE LYON

Verticalisation et développement durable des villes européennes, Lyon - La Part-Dieu

Quentin DURET Mémoire de Séminaire

Economie du développement durable

2014 - 2015 Sous la direction de : Lahsen ABDELMALKI

Composition du jury: Manuel APPERT

Soutenu le 04 Septembre 2015

À Lyon, le 24 Août 2015 *

Déclaration anti-plagiat

1. Je déclare que ce travail ne peut être suspecté de plagiat. Il constitue l’aboutissement d’un travail personnel.

2. A ce titre, les citations sont identifiables (utilisation des guillemets lorsque la pensée d’un auteur autre que moi est reprise de manière littérale).

3. L’ensemble des sources (écrits, images) qui ont alimenté ma réflexion sont clairement référencées selon les règles bibliographiques préconisées.

NOM : DURET PRENOM : Quentin DATE : Lundi 24 Août 2015

* Creative Commons http://fr.creativecommons.org Verticalisation et développement durable des villes européennes, Lyon - La Part-Dieu

Verticalisation et développement durable des villes européennes, Lyon - La Part-Dieu Quentin Sommaire

Sommaire ...... 5 Introduction ...... 8 I. La verticalité de la ville au cœur des débats ...... 13 1.1 Des approches transversales pour des conceptions de la ville différentes ...... 13 1.1.1 La France face à l’histoire urbaine, des tours aux pavillons ...... 14 1.1.1.1 Reconstruction et fonctionnalisme : empreinte sur la France ...... 14 1.1.1.2 Des grands ensembles au périurbain individuel ...... 16 1.1.2 Utopie et verticalité : la nécessité de s’élever ...... 19 1.1.2.1 Du sacré au profane, la hauteur symbole de pouvoir ...... 19 1.1.2.2 Le fantasme d’une ville verticale ...... 20 1.2 Vers une économie du gratte-ciel ...... 22 1.2.1 La densification urbaine : inspiration nord-américaine ...... 23 1.2.1.1 Définir la construction en hauteur ...... 23 1.2.1.2 La ville compacte adaptée aux métropoles européennes ...... 24 1.2.2 Une ville en hauteur, économie et création d’urbanité ...... 25 1.2.2.1 Une économie mondialisée, tours et firmes ...... 25 1.2.2.2 Le skyline comme symbole identitaire ...... 27 Conclusion de partie ...... 29 II. L’Europe comme laboratoire d’une nouvelle ville verticale durable ? Enseignement de quelques cas européens ...... 30 2.1 Une volonté politique de développement durable ...... 30 2.1.1 La logique d’implantation des tours, développement et contestations ...... 30 2.1.1.1 Le cluster comme résultat de l’urbanisme vertical ...... 31 2.1.1.2 Vers des tours plus intégrées ...... 33 2.1.2 Prévoir le développement durable, l’importance de la planification ...... 36 2.1.2.1 La place de l’urbanisme vertical dans la planification ...... 36 2.1.2.2 Un levier politique indispensable pour la réalisation de tours ...... 39 2.2 Les enseignements tirés de cette métropolisation européenne ...... 41 2.2.1 Le nouveau visage des métropoles européennes, compétitions et uniformisation ...... 42 2.2.1.1 Une Europe de réseau ...... 42 2.2.1.2 Des villes qui perdent leur singularité ? ...... 44 2.2.2 Verticaliser à tout prix ? ...... 46 2.2.2.1 Coût de construction d’une tour, coût environnemental ...... 46 2.2.2.2 Vivre en hauteur, les conséquences d’un nouveau mode de vie ...... 48 Conclusion de partie ...... 50 III. Part-Dieu 2030 : un nouveau souffle pour le quartier ? ...... 51 3.1 Le projet Delfante, entre ambition et utopie ...... 51 3.1.1 Faire de la Part-Dieu le nouveau centre de la ville – qu’en est-il ? ...... 51 3.1.1.1 Des débuts compliqués pour le nouveau « centre-ville » ...... 52 3.1.1.2 D’un urbanisme politique à un « urbanisme financier » ...... 53 3.1.2 Le dynamisme d’un quartier éclaté ...... 55 3.1.2.1 La tour Part-Dieu et la gare comme catalyseurs ...... 55 3.1.2.2 La place de la Part-Dieu dans la nouvelle configuration urbaine ...... 57 3.2 L’avenir de la Part-Dieu et sa pertinence dans une dimension européenne ...... 59 3.2.1 Quel lien entre le développement durable du quartier et la verticalisation ? ...... 60 3.2.1.1 Densification et rationalisation de l’espace ...... 60

3.2.1.2 Créer une nouvelle urbanité à la Part-Dieu ...... 62 3.2.2 Part-Dieu 2030, une nouvelle utopie ? ...... 64 3.2.2.1 Le développement durable, un surcoût à ne pas négliger ...... 64 3.2.2.2 Investissement et attractivité : l’importance de la quantification des besoins 66 Conclusion de partie ...... 68 Conclusion générale ...... 69 Bibliographie ...... 72 Tables des illustrations ...... 76 Tables des annexes ...... 77 Annexes ...... 78 Première annexe : Liste des acronymes ...... 78 Deuxième annexe : Skyline des villes étudiées ...... 79 Troisième annexe : Plan de la Part-Dieu ...... 82 Quatrième annexe : Grille d’entretien Olivier Rigaud ...... 83 Cinquième annexe : Grille d’entretien Manuel Appert ...... 84 Sixième annexe : Illustrations d’un modèle de métropole européenne ...... 85

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Remerciements

Je souhaite remercier Monsieur Lahsen ABDELMALKI qui a assuré le suivi de mon travail tout au long de l’année universitaire. Il m’a permis de redéfinir parfois le cadre de mes recherches de manière à ne pas trop me disperser. Je tiens à remercier l’ensemble des personnes qui ont accepté de me rencontrer et de partager leurs connaissances avec moi. J’ai également une pensée pour mes relecteurs qui m’ont permis de fournir un travail de plus grande qualité.

Epigraphe

« C’est en se recentrant sur son métier que l’urbain peut à la fois être plus efficace : plus productif, plus solidaire et plus respectueux de l’environnement. Cela signifie aussi que c’est, au sein des configurations urbaines existantes ou possibles, la ville, définie comme l’urbain par excellence parce qu’elle émet le moins de restrictions à la dynamique du couple densité/diversité, qui apparaît comme le choix le plus cohérent. » (Jacques Lévy, 2010)

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Introduction

"Le phénomène "tours et barres" semble avoir des particularités dans l'évaluation de la densité, généralement surestimée, et dans celle du cadre de vie, fréquemment déprécié". (A. SALLEZ, B. COUTROT). Ce point de vue sur les immeubles de grande hauteur est partagé par bon nombre de scientifiques, sociologues, architectes, urbanistes. Ce type d'habitat démocratisé par les travaux de Le Corbusier a fleuri en France dans les années 1950-1960 pour pallier un manque critique de logements. Des quartiers entiers d’habitat social sont dès lors construits dans une forme urbaine nouvelle. Celle-ci s'intègre peu au tissu existant et casse "l'imaginaire urbain" d'une ville comme "succession des modes de composition" (A. SALLEZ, 2007). De plus, ces quartiers ont rapidement connu des problèmes sociaux importants et ont été associés par 87% de la population à l'insécurité, à la densité et à l'anonymat selon le sondage SOFRES "Les Français et leur habitat, perception de la densité et des formes de l'habitat". Ces aprioris se sont accompagnés de politiques publiques de patrimonialisation des centres villes et de préservation des perspectives en empêchant la construction de bâtiments de grande hauteur à proximité de monuments historiques (Paris et la tour Eiffel notamment). Ce type de dispositifs a conduit la grande hauteur en lisière des villes, participant un peu plus à son isolement.

Parallèlement à cela, la ville verticale d'inspiration américaine, déjà décrite par l'école de Chicago au début du XXè siècle, se répand en Europe. Ainsi, les métropoles souhaitent dès 1960 développer leur Central Business District à l'instar de New York et Chicago. Des quartiers entiers de tours de bureaux se créent comme la Défense, ou la City à Londres. En France, une fraction des pouvoirs publics et de la population se montre défavorable au développement de tels morceaux de villes. Cela conduit à une forme de diabolisation de la grande hauteur et à une forte opposition contre les projets proposés. Cependant, de nouvelles problématiques ont germé dans les vingt dernières années, elles prennent en considération les enjeux environnementaux soulevés par le sommet de la Terre de Rio en 1992. Les politiques publiques cherchent dès lors à réduire un phénomène prédominant en France dès le début des années 1990 : l'étalement urbain et la périurbanisation. En effet, nombreux sont les ménages qui décident de s'éloigner des villes pour vivre dans un logement individuel avec jardin. Cette surconsommation foncière a obligé les pouvoirs publics à imaginer une redensification du tissu existant.

Cette construction de la ville sur la ville est alors accompagnée d'un développement des transports en communs et de la mise en place de réseaux d'espaces publics. Le but étant d'intégrer ces nouveaux éléments, ponctuels par leur architecture, dans un réseau urbain complexe. De plus, la tour tertiaire constitue aujourd'hui un objet marketing indispensable pour les villes qui souhaitent se placer 8

sur la scène internationale. Dans ce contexte, l'immeuble de grande hauteur n'est pas socialement connoté mais plutôt perçu comme un ilot de richesse autonome. Cette déconnexion en fait une tour d'ivoire. Jugée inaccessible et toujours très visible dans un paysage de ville, elle favorise les discontinuités urbaines. Elle se retrouve ainsi face à ces détracteurs dans un débat d'idées qui dépasse la structure même de la ville mais qui s'intéresse davantage au concept d'urbanité.

Ainsi, ce travail cherche à replacer la tour, objet devenu emblématique, au coeur du débat qui anime les spécialistes, élus et citoyens sur la place qu’a la tour aujourd'hui dans nos villes. Ces recherches doivent mener à des conclusions sur le bienfondé de la construction d'immeubles de grande hauteur dans une démarche de développement durable.

Peut-on envisager la verticalisation des villes comme réponse aux enjeux de développement durable ?

L'étude de la structure des villes permet depuis la fin du XIXè siècle de mêler nombre de disciplines allant de la philosophie à l'étude architecturale plus technique. Les paramètres sociologiques, démographiques, structurels conditionnent les conceptions faites de la ville aux différentes périodes de son évolution. Aujourd'hui, le développement durable est le thème transversal à toutes les analyses urbaines, il est dorénavant pris en compte dans la production de tous les documents d'urbanisme et est de plus en plus mis en avant dans une démarche marketing qui prône la modernité et le respect environnemental. Pour certains, cette modernité durable est incarnée par les formes verticales de développement, a contrario d'autres les perçoivent comme des vecteurs de fracture aussi bien sociale et économique, qu'écologique. Ainsi, l'immeuble de grande hauteur, auquel nous nous intéresserons, est défini par le code de la construction et de l'habitat comme suit : "constitue un immeuble de grande hauteur, [...] tout corps de bâtiment dont le plancher bas du dernier niveau est situé, par rapport au niveau du sol le plus haut utilisable pour les engins des services publics de secours et de lutte contre l'incendie :

- à 50 mètres pour les immeubles à usage d'habitation [...]

- à plus de 28 mètres pour tous les autres immeubles

De manière à généraliser le propos, nous ne nous intéresserons qu'aux constructions de plus de cinquante mètres, celles-ci ont un impact plus fort sur le tissu environnant et le paysage urbain. Ces immeubles seront également appelés "tours" et "gratte-ciels". Le terme de verticalisation renvoie à un développement en hauteur de la ville pour limiter son étalement horizontal et ainsi préserver les espaces 9

non-urbanisés. Cette densification existe depuis le Moyen-âge, où il n'était pas rare d'ajouter des étages aux bâtiments pour y accueillir davantage d'habitants. Aujourd'hui, ce processus s'illustre la plupart du temps par la démolition ou la déconstruction d'immeubles remplacés par des édifices plus hauts et offrant ainsi une surface totale plus importante. Il s'agira ensuite de discuter le rapport qu'il existe aujourd'hui entre verticalité et durabilité. Dans quelles mesures les nouvelles conceptions de ville-verte, ville soutenable peuvent-elles s'appuyer sur la verticalité ?

A travers des cas spécifiquement choisis pour leur singularité, nous en tirerons les premiers enseignements du couple durabilité-verticalité. Dans ce travail, il s'agit de présenter les différentes visions de la grande hauteur en France au regard des réussites et des échecs dans d'autres villes européennes.

La ville de Francfort fait figure d'exception en Europe, car dans un contexte de reconstruction d'après guerre, le projet de tours a été plutôt bien accueilli et a permis le développement vertical de la ville sans grande opposition. Nous verrons que l'une des raisons de cette intégration est la volonté marquée de préserver des espaces verts connectés aux bâtiments de grande hauteur. Londres, quant à elle, est une ville étalée qui connait depuis une dizaine d'années un renouveau immobilier. Il y a, en effet, plus de 200 projets de gratte-ciels en construction ou à construire sur le périmètre du Great London (APPERT). La plupart de ces réalisations sont concentrées sur les bords de la Tamise et forme aujourd'hui, au coeur de la ville, un nouveau skyline. Les élus sont favorables à ce développement qui stimule selon eux l'attractivité de la ville. On trouve ainsi en Europe des exemples plus significatifs que d’autres mais la tendance actuelle semble néanmoins être comparable. Chaque ville adapte son projet de développement à ses contraintes, son histoire, ses besoins.

Les différents exemples pris, dont chacun évaluera la réussite ou l'échec, nous enseignent néanmoins des principes relatifs à la grande hauteur en Europe. Fort de ces expériences, nous ausculterons bien plus en détail le cas du quartier de la Part- Dieu à Lyon. Charles DELFANTE, urbaniste en chef du projet à partir de 1968, raconte à travers son autobiographie La Part-Dieu, le succès d'un échec, l'évolution du projet au cours des décennies. Nous pouvons ainsi identifier les éléments qui ont été conservés, et qui constituent la ligne directrice privilégiée. Ce quartier, aujourd'hui moteur de l'agglomération d'un point de vue économique, reste isolé et mal connecté au tissu environnant. Le maire de Lyon, Gerard COLLOMB, a ainsi entrepris lors de son premier mandat, un vaste projet de restructuration du quartier. Ce projet doit effacer le passé fonctionnaliste du quartier (trémies routières, passerelles piétonnes) et le densifier tout en mettant en valeur les espaces publics. Cette densification se fait donc via une verticalisation du bâti (Tour Oxygen en 2010, livrée en 2015). Ce développement vertical pose à Lyon des questions sur la finalité de telles transformations. La ville a t-elle la carrure pour supporter un véritable centre d'affaires européen ? La rupture architecturale avec le reste de la ville n'est-elle pas un handicap pour son attractivité ? Est-il nécessaire de verticaliser pour

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attirer des investisseurs et créer un pôle compétitif ? Autant de questions qui méritent d'être discutées en s'appuyant notamment sur les exemples européens précités.

Ce travail cherche à confronter les différentes thèses défendues sur le sujet, thèses mises en application dans différentes villes d'Europe qui connaissent une phase de développement. Les éléments qui en ressortiront peuvent permettre de mieux appréhender le projet de la Part-Dieu et d'estimer la légitimité d'une telle verticalisation. Je ne cherche pas tant à faire des comparaisons qu'à confronter les mises en application de politiques communes. Il me semble par ailleurs que peu de travaux de synthèse sur la verticalisation ont été réalisés à ce jour. Il se trouve que la fréquence de publication sur ce sujet s'est considérablement accélérée depuis quelques mois, notamment du fait de l'organisation de conférences, colloques et séminaires sur l'avenir de la ville, sur les questions de densité et de ville durable. Mes recherches se décomposent en trois temps :

- un état de l'art interdisciplinaire sur l'habitat, la densité, les perceptions de la grande hauteur.

- une série d'entretiens censés m'apporter un éclairage nouveau sur des projets particuliers, notamment ceux de Londres, Paris et Lyon.

- une série de visites de terrains, notamment à Francfort, Londres, Lyon et Paris pour me permettre d'appréhender au mieux les espaces, les usagers, les perceptions au coeur même de ces villes.

Le résultat, qui prend la forme d'un mémoire, ne cesse d'articuler les enjeux urbains avec ceux du développement durable et ce dans ses trois dimensions (sociale, économique et environnementale). Il est incontestable qu'aujourd'hui la ville se pense dans une vision plus durable qu'auparavant, mais nous ne nous intéresserons cependant qu'à la durabilité des formes verticales et des aménagements qu'elles induisent. On entend par développement durable des villes une dynamique favorable au territoire mais qui n'altère pas le cadre de vie des générations suivantes. La préservation des ressources, l'usage de certains matériaux, la mixité des fonctions et une large gamme d'offres sont autant de problématiques fortes à intégrer dans notre étude.

Ainsi, dans une première partie nous ferons un état des lieux du débat sur la verticalisation des villes. Dans cette partie seront mis en relation les théories fondatrices de l’urbanisme actuel et les actions publiques qui permettent la mise en œuvre à l’échelle des villes. Nous poursuivrons avec l’étude de différents cas européens dont l’objectif est de retirer les éléments qui permettent la construction d’un nouveau modèle urbain. Celui-ci se veut davantage en adéquation avec les

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problématiques durables actuelles. Cela permettra d’introduire la troisième partie, relative au quartier de la Part-Dieu. L’intérêt est ici de voir, à travers l’évolution du quartier, le changement de paradigme dans son développement. La logique fonctionnaliste a glissé vers une réorganisation complète du quartier. Les arguments d’attractivité n’étant plus les mêmes, les choix d’aménagement ont également différé.

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I. La verticalité de la ville au cœur des débats

Il serait simplificateur d’assurer l’existence d’un débat unique autour de la verticalisation des villes. Les discussions sur ce sujet sont plus ouvertes qu’une simple opposition frontale entre deux clans. Ainsi, les spécialistes, architectes, universitaires, sociologues et urbanistes ont-ils commencé il y a une vingtaine d’années à s’intéresser à cette nouvelle forme de développement. De Thierry Paquot et sa définition de la tour comme « exprim[ant] l’arrogance du capitalisme des sociétés multinationales » (PAQUOT, 2007) à celle de Clarisse Didelon qui voit les tours comme « objets de fierté de la part de la population (ou parfois de vives critiques), [et] utilisés comme un outil de construction d’une identité. », les points de vue sont nombreux. Ainsi, sans prétendre à l’exhaustivité, nous tenterons de poser les bases de ces divergences pour comprendre les enjeux de réflexions qui entourent l’urbanisme vertical. Force est de constater qu’un changement de paradigme s’est également opéré avec la prise en compte nouvelle des enjeux de durabilité.

1.1 Des approches transversales pour des conceptions de la ville différentes

Ce travail se concentre essentiellement sur la grande hauteur et son intégration dans les villes européennes du XXIème siècle. Cependant, chaque pays a connu une trajectoire spécifique dans l’évolution de son urbanisme. Un certain nombre d’exemples significatifs seront apportés plus tard dans ce travail. Le propos tenu ici est plus général, il cherche à replacer la verticalisation dans un contexte global d’évolution de la société. En effet, l’urbanisme conditionne les habitudes sociétales mais tente aussi de s’adapter à celles qui préexistent. Le choix de la grande hauteur peut ainsi être perçu d’une part comme une solution économique ou d’autre part comme une démonstration technologique.

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1.1.1 La France face à l’histoire urbaine, des tours aux pavillons

1.1.1.1 Reconstruction et fonctionnalisme : empreinte sur la France

La France est longtemps restée l’un des pays les moins urbanisés en Europe de l’ouest. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, les chantiers de reconstructions ont fait naitre de nouvelles formes architecturales à l’intérieur et aux abords des villes. «Les grands ensembles, solution consensuelle dans les années 1950 et 1960, procèdent tout à la fois, dans la France des Trente Glorieuses, de la volonté politique de loger les Français, des impératifs de l’aménagement planifié du territoire, de l’industrialisation du bâtiment et du mouvement de modernisation de l’économie domestique. » (MENGIN, 1999). L’afflux massif de population dans les villes a poussé les pouvoirs publics à mettre en place des objectifs de construction de logements à travers le plan Courant de 1953. Ce plan offre aux promoteurs des aides financières et des exonérations de taxes pour les projets d’habitat standardisé, notamment à loyer modéré (HLM). Ainsi, des quartiers emblématiques ont émergé, comme Sarcelles en banlieue parisienne, la Duchère à Lyon et le quartier de la Rouvière à Marseille pour ne citer que les plus connus. Les objectifs fixés par le plan Courant en termes de construction de logements, 240 000 par an (MENGIN, 1999), s’appuient sur l’industrialisation du bâtiment et la rapidité de construction. En effet, ces quartiers sont de conception fonctionnaliste, mouvement urbanistique et architectural mené par Le Corbusier. D’après la terminologie employée par ce dernier, il est question d’unité d’habitation et de dégagement de l’emprise au sol. Les formes qui en résultent sont donc géométriques et élevées.

Ces nouveaux quartiers ont considérablement modifié les formes urbaines des villes françaises mais ont aussi instauré une nouvelle manière de vivre la ville. BENSALMA, MUSY et SIMONNOT retranscrivent dans leur article Les grands ensembles : de la ville moderne à la ville durable le témoignage d’habitants de grands ensembles à leur arrivée dans ces quartiers. Il en ressort que la froideur apparente est contrebalancée par le confort et les services qui équipent les appartements (WC, baignoire, luminosité importante etc..). Cependant, ce même article met en lumière les conclusions des travaux de Paul Clerc « Grands ensembles, banlieues nouvelles enquête démographique et psychologique », qui révèlent que certains quartiers de grands ensembles sont victimes de dégradations seulement cinq années après leur construction, et qu’ainsi leur image négative prend peu à peu le dessus sur leurs atouts.

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Le phénomène précédemment cité est contemporain du départ des classes moyennes vers les espaces périurbains, laissant ainsi leur place dans les quartiers de grands ensembles aux classes sociales moins favorisées. Ces quartiers ont continué à se dégrader, se renfermant un peu plus sur eux même. Les habitants ont ainsi éprouvé un sentiment de ghettoïsation et de ségrégation territoriale. A l’extérieur, le point de vue sur les grands ensembles ne cesse de se dégrader. Cette logique est la première pierre d’un plus vaste mouvement de rejet de ce type d’habitat en France. Les émeutes qui éclatent dans certains quartiers à la fin des années 1980 viennent ternir un peu plus leur image. La grande hauteur, qui leur est associée, devient synonyme d’insécurité, de délabrement et de misère sociale. La tendance est alors à l’habitat pavillonnaire pour les classes moyennes, et les français affichent dès lors clairement leur préférence. Pour illustrer cela, Alain Sallez rapporte les résultats du sondage « Les Français et leur habitat, perception de la densité et des formes de l’habitat », réalisé par L’Observatoire de la ville au mois de Janvier 2007. « Sur la base d’un échantillon de 1000 personnes interrogées en face-à-face à domicile. La méthode était celle des quotas (sexe, âge, profession du chef de ménage, PCS) et stratification par région et catégorie d’agglomérations ». (SALLEZ, 2007) Ce sondage se veut donc représentatif de la société française, il a permis de connaitre les trajectoires des ménages et leurs préférences. Deux tendances fortes se dégagent des résultats : - 87% des personnes souhaitent bénéficier d’un habitat individuel - La majorité des personnes souhaitant quitter leur quartier habitent au moment du sondage dans des grands ensembles.

Il n’est pas seulement question de formes urbaines mais également de densité. En effet, les travaux sur la densité urbaine menés par l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme de l’Ile-de-France (IAURIF) et rapportés par Alain Sallez vont à l’encontre des intuitions que l’on peut naturellement avoir sur les densités des différents tissus. Ainsi, avec un Coefficient d’Occupation des Sols (COS) de 0,8 les « grands ensembles d’habitat collectif de tours et de barres » présentent une densité bien inférieure à celle de « l’habitat Haussmannien », fixée à 4,9. Cela s’explique par le dégagement nécessaire autour de chacun des bâtiments, souvent relatif à la hauteur de ceux-ci. De plus, la doctrine fonctionnaliste insiste pour éloigner le bâti de la trame viaire et laisser des espaces interstitiels libres pour les espaces publics. L’Atelier Parisien d’Urbanisme (APUR) a notamment réalisé une enquête sur la perception de la densité à Paris. Il en ressort que les quartiers les moins denses, ici les plus récents (1960-1970), sont jugés plus oppressants que des quartiers plus denses (de type haussmannien). Les bâtiments de grande hauteur ont donc, en France, cette tendance à rendre un quartier étouffant et non accueillant.

Les quartiers de grands ensembles ont ainsi rapidement souffert d’une mauvaise image. Les classes populaires les ont donc quittés pour jouir d’un cadre plus agréable, quitte à s’éloigner de la ville. .

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1.1.1.2 Des grands ensembles au périurbain individuel

Le phénomène de périurbanisation débute dans des années 1970. Il est inspiré du modèle des villes américaines. Il s’agit de quartiers de maisons individuelles, disposant chacune d’un jardin. L’expansion de ce tissu bâti a été rendue possible grâce à la généralisation de l’usage de l’automobile. Il n’était plus nécessaire de résider à proximité de son lieu de travail, et la distance par rapport à la ville permettait de profiter d’une charge foncière moins importante. Ainsi, beaucoup de ménages français se sont lancés dans la construction de maisons individuelles, animés notamment par le désir de devenir propriétaires. L’éloignement des centres villes s’explique donc d’une part de manière économique mais est également lié « à l’attachement des classes populaires et moyennes à l’univers pavillonnaire ». (SALLEZ, 2007). Ces ménages recherchent un cadre de vie plus agréable, sécurisant, moins bruyant et moins dense. L’engouement pour la maison individuelle se rapporte également à la montée en puissance des considérations environnementales. Les ménages cherchent à se rapprocher de la nature, à pouvoir cultiver leur jardin etc.

A l’instar des vues aériennes de Los Angeles dans sa forme la plus développée, la périurbanisation des villes françaises a commencé dès le début des années 1990 à poser questions sur sa durabilité, notamment en matière de consommation de l’espace. En effet, comme chaque ménage dispose d’un jardin individuel, les surfaces utilisées sont importantes. L’IAURIF donne ainsi un COS de 0,58 pour l’habitat pavillonnaire, bien en-dessous de l’habitat haussmannien à 4,9 et du COS des grands ensembles à 0,8. Cette tendance appelle donc à repenser l’habitat et la ville. Les travaux de recensement de l’INSEE nous montrent l’attractivité du périurbain aux dépends des centres villes (figure 1).

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Figure 1 : Soldes migratoires de 1968 à 2006 par catégorie d’espace

Source : recensement de la population, INSEE in L’influence urbaine sur le prix des terres agricoles et ses conséquences pour l’agriculture J. Cavailhès, M. Hilal et P. Wavresky

La tendance décrite par l’INSEE montre une évolution importante des communes périurbaines entre 1975 et 1990 avec plus d’1% de croissance annuelle. Depuis cette date, le taux a diminué notamment du fait que les espaces ruraux ont regagné en attractivité et que les pôles urbains (notamment les centres villes) ont cessé de se vider. Ce phénomène s’explique en partie par les politiques publiques mises en place pour contrôler l’urbanisation des espaces agricoles et par le délabrement des centres villes. D’après Guillaume SAINTENY du Ministère de l’Ecologie, la France a connu « 40% d’augmentation des superficies artificialisées entre 1982 et 2003 », ce qui fait que « cette progression est quatre fois plus rapide que la hausse démographique ». Pour contrarier cette tendance, un certain nombre de réformes ont été mises en application, à commencer par la Convention alpine de 1991, qui énonce par le droit international les recommandations en matière d’aménagement du territoire pour préserver le massif alpin. Ce traité oblige les municipalités à utiliser des documents de planification permettant de règlementer l’urbanisation du massif. Cette première prise de conscience a permis d’intégrer aux documents d’urbanisme classiques, Plan d’Occupation des Sols (POS) et Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme (SDAU), des recommandations en matière de limitation de l’étalement urbain. Le développement durable devient aux cours des années 1990 un des enjeux principaux de l’aménagement du territoire. Ce changement de paradigme s’illustre en 2000 avec la promulgation de la loi Solidarité et Renouvellement Urbain (SRU). La loi remplace le SDAU et le POS par le SCoT et le PLU qui ont pour objectif d’assurer :

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« L'équilibre entre le renouvellement urbain, un développement urbain maîtrisé, le développement de l'espace rural, d'une part, et la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières et la protection des espaces naturels et des paysages, d'autre part, en respectant les objectifs du développement durable » (Legifrance)

Ce texte s’inscrit dans un mouvement plus large de réformes, propulsé dès 1992 avec le premier sommet de la Terre de Rio. Les documents établis conduisent à une lecture plus globale du développement durable et permettent notamment à travers le SCoT de fixer des objectifs de redensification, de mise en place de trames vertes et bleues. Cette logique moins territorialisée qu’une lecture à la parcelle permet également de passer d’un urbanisme de normes à un urbanisme de projets. Les lois Grenelles (2009 et 2010) ont confirmé cette volonté de faire du développement durable le thème transversal à l’élaboration des projets de villes. Elles rendent obligatoires l’établissement d’objectifs chiffrés en matière de consommation de l’espace, de densification et de consommation d’énergie. Cependant, la mise en application est loin d’être immédiate, notamment du fait de la fragmentation administrative française. Le territoire est composé de plus de 36 000 communes dont la majorité n’a pas les capacités financières et techniques pour posséder un document d’urbanisme règlementaire. Les objectifs nouvellement fixés doivent ainsi être pris en compte par les collectivités pour espérer pouvoir jouir de résultats positifs. Les données INSEE déjà présentées s’inscrivent dans cette tendance. Cependant certains spécialistes émettent encore des réserves sur l’action publique actuelle : « Une des raisons de l’étalement urbain tient à l’insuffisante densité, non pas tant des villes-centre qui accueillent équipements, services et activités et un patrimoine de qualité, mais des villes périphériques. [...] Une véritable réécriture des PLU s’impose donc, en priorité sur la première et deuxième couronne des grandes villes. » (CONRAD, 2011) Pour Cristina Conrad il est question de redensifier l’existant et de reconstruire la ville sur la ville. Cette logique largement utilisée dans le renouvellement urbain, amène aujourd’hui les métropoles européennes à s’élever. Prendre de la hauteur, pour économiser de l’espace : tel est l’argument de bon nombre de promoteurs aujourd’hui. Cette recrudescence de bâtiments de grande hauteur n’est-elle liée qu’à ce principe, ou s’inscrit-elle dans une logique plus ancienne ?

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1.1.2 Utopie et verticalité : la nécessité de s’élever

L’édification de monuments a, depuis l’Antiquité, été liée à la hauteur. Il a été nécessaire pour l’Homme de s’élever, tantôt pour se rapprocher des dieux, tantôt pour montrer sa puissance. Construire en hauteur a toujours été synonyme de progrès et de prospérité. Qu’en est-il de cette « course vers le ciel », comme dirait Clarisse Didelon ?

1.1.2.1 Du sacré au profane, la hauteur symbole de pouvoir

Les rares édifices que notre lointain passé nous livre sont généralement des structures imposantes et de grandes hauteurs. Il s’avère également que ces bâtiments ont pour la plupart un sens religieux. Qu’il s’agisse des pyramides du Caire, des pyramides précolombiennes ou encore des cathédrales du Moyen-âge, l’érection de tels édifices avait pour vocation d’honorer des dieux. Depuis l’invention de la poulie, il a été possible de construire des bâtiments plus hauts que larges et les réalisations furent, dès lors, essentiellement militaires ou religieuses. L’Europe occidentale a ainsi vu la construction de nombreuses cathédrales, tandis que les villes fortifiées étaient surmontées de tours. Ainsi, si l’on s’intéresse au classement des plus hautes constructions, les pyramides de Gizeh ont tenu la première place pendant près de 4000 ans mais ont été dépassées par les cathédrales dès le début du XIVè siècle. Le classement n’a été réellement bouleversé qu’avec la construction des premiers gratte-ciels à la fin du XIXè siècle à Chicago et New-York. Au Moyen-âge, la religion tenait une place prépondérante dans la vie quotidienne, les membres du clergé faisaient partie des notables des villes et l’Eglise jouissait d’une grande richesse. Tous ces facteurs expliquent la capacité de bâtir des édifices religieux hauts et donc coûteux. Ces constructions étaient réalisées avec les techniques d’époque les plus avancées, les meilleurs artisans, de manière à concurrencer en hauteur et en ornements les édifices précédemment construits. Ainsi, même si la vocation première des flèches d’églises est de se rapprocher des cieux et donc de Dieu, la notion de concurrence entre les évêchés est bien présente. C’est sans doute en partie le mythe de la tour de Babel qui a poussé la civilisation européenne à s’élever. Nous pouvons lire dans la Genèse, « Ils dirent : Allons ! Bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet pénètre les cieux ! » (Genèse) L’histoire raconte que cette construction ne fut jamais achevée, mais que les bâtisseurs de Babel ont tenté de reformer un paradis terrestre, rendu alors inaccessible par Dieu. Dans les esprits, la construction de tour peut aujourd’hui encore être associée à cette représentation sacrée. Il est inhérent à l’Homme de vouloir s’élever, et tant que la technique le permettra, les rêves de certains donneront 19

naissance à des objets architecturaux toujours plus hauts. Cependant, en dehors du cadre religieux, l’histoire nous a également légué des réalisations en hauteur destinées à se défendre ou à affirmer richesse et puissance. C’est ainsi qu’au-delà du traditionnel château fort, la ville de Toscane de San Gimignano est représentative de cette volonté de construire en hauteur. En effet, la cité a connu une période de grande richesse et était habitée par de puissantes familles qui s’affrontaient au cours de luttes incessantes. « Soixante-douze maisons- tours s’élevèrent à une hauteur de 50 mètres environ, comme autant de symboles de la puissance et de la richesse des clans familiaux. » (ICOMOS, 1989). La prospérité de la ville s’est, déjà au XIIIè siècle, traduite par une volonté de verticalisation. Ces tours, aujourd’hui au nombre de treize, ont valu à cette petite ville de Toscane le surnom de « Manhattan du Moyen-âge ». La construction en hauteur fait donc, depuis les premières villes, figure de symbole de puissance et surtout de suprématie. Le bâtiment s’affiche tel un totem et marque le paysage urbain en venant couper un horizon jusqu’alors vierge. Mais cette étude nous pousse vers un autre aspect de la verticalisation. La maitrise des techniques les plus avancées est nécessaire à la réalisation de ces édifices, ainsi, construire haut c’est également prouver sa capacité à les mettre en œuvre. Quand le fantasme dépasse les possibilités réelles, des récits et des films ont mis en fiction des villes verticales idéales. Ces représentations participent à la construction d’un imaginaire collectif qui range la tour avec les utopies

1.1.2.2 Le fantasme d’une ville verticale

La ville suscite beaucoup de questions, elle fait l’objet de nombreux fantasmes. Nombreux sont les urbanistes qui ont imaginé « la ville idéale ». Tantôt autonome, tantôt flottante, la ville de demain est depuis un siècle perçu comme un condensé de technologies et s’étire inexorablement vers le ciel. Le Corbusier proposait à Rio en 1936 une tour de deux kilomètres de haut pour Paris (PAQUOT, 2007). Dans le même temps il présentait son plan Voisin qui devait remplacer une partie du Paris historique par quatre tours d’environ 200 mètres, séparées les unes des autres de 400 mètres et reliées par un réseau autoroutier. Il livre sa vision d’un Paris moderne et « réorganisé » dans une interview en 1956, non sans regret de voir son projet irréalisé. Le poids de l’histoire et du patrimoine a eu raison des utopies de Le Corbusier, ses réalisations ne furent que ponctuelles mais tout aussi représentatives de sa philosophie urbaine, à l’instar de la cité radieuse marseillaise.

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« Au commencement était la ville Ou, plutôt, la ville rêvée. Voilà tout. [...] La ville verticale, souterraine, un concentré de réseaux, une ville mobile, la technique. Le vrai New-York était tout cela, l’est encore. A cela, on n’a ajouté qu’une poésie : la ville palpite comme un cœur, la ville s’envole comme un souffle. Une vivacité toujours en expansion remplit ces villes imaginaires. Certains ont confondu cette poésie urbaine avec l’utopie.» (Coop Himmelb(l)au, 1968)

La limite entre ville rêvée et utopie n’est finalement conditionnée que par la technique. La ville de demain peut être l’utopie d’aujourd’hui et c’est sans doute cela qui fait évoluer l’urbain. A l’heure où les projets de tours atteignent les quatre kilomètres de hauteur (projet japonais X-seed 400, censé abriter près d’un million de personnes), les utopies urbaines rêvent d’un développement soutenable où l’impact anthropique deviendrait négligeable sur l’environnement. Cette durabilité parfaite rêvée repose majoritairement sur des bâtiments de grande hauteur, énergétiquement autonomes et qui abritent à eux seuls l’essentiel d’une ville moderne. Nous sommes ainsi passés d’une utopie où chaque fonction urbaine avait une place, séparée des autres et reliée entre elles par un réseau routier dense à une ville compacte et verticale, où la mobilité se fait essentiellement par ascenseur. Ce changement de paradigme est directement induit par la prise de conscience environnementale. Le développement durable conditionne aujourd’hui les utopies urbaines, et de la ferme verticale à la ville flottante, aucune de ces conceptions n’échappe aux technologies renouvelables, aux circuits fermés et à une nouvelle manière d’envisager le vivre ensemble. Ainsi, les derniers projets qui ont vu le jour tentent d’intégrer cette dimension environnementale, comme « Bosco verticale » à Milan, conçu pour l’Exposition Universelle de 2015 par Studio Boeri. Les deux tours de 110 et 76 mètres de hauteurs intègrent à elles deux l’équivalent de plus d’un hectare de forêt sur les balcons. Cette végétation qui forme littéralement un bois vertical doit permettre, à travers la plantation de dizaines d’espèces, de recréer un véritable écosystème en plein centre-ville (figure 2). Ainsi, à travers de telles réalisations, les architectes touchent du bout des doigts leurs fantasmes de villes verticales durables. Seulement, cette tendance à la grande hauteur qui connait un vrai succès est pour certains davantage l’image d’une société capitaliste que celle d’une humanité idéale.

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Figure 2 : Bosco verticale Milan Mai 2015

Source : tirée du site les-hiboux.fr, crédits inconnus

Pour comprendre l’engouement architectural que suscitent les tours, il est nécessaire de revenir rapidement sur leur naissance et sur les motivations à construire en hauteur.

1.2 Vers une économie du gratte-ciel

La révolution industrielle a permis de fabriquer des matériaux plus résistants et moins lourds. Ainsi, l’acier offre dès le milieu du XIXème siècle de nouvelles possibilités, verticales notamment. Il a été montré précédemment que le progrès technique a toujours conditionné les capacités constructives des Hommes. Ainsi, une fois le premier ascenseur construit, plus aucune contrainte ne séparait les Hommes du ciel. C’est aux Etats-Unis que les premiers immeubles de grande hauteur ont vu le jour et ont rapidement mis en concurrence les deux villes précurseurs : Chicago et New-York.

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1.2.1 La densification urbaine : inspiration nord- américaine

1.2.1.1 Définir la construction en hauteur

Les villes européennes jouissent d’un patrimoine important et doivent, aujourd’hui comme dans le futur, composer avec l’existant. A l’inverse, aux Etats- Unis, à la fin du XIXè siècle les villes sont encore peu développées et permettent des mutations plus profondes du tissu. Il reste difficile de déterminer avec exactitude la date de construction du premier gratte-ciel, mais Bradford et Condit estiment dans leur ouvrage Rise of the New-York skyscraper: 1865-1913 qu’il s’agit du bâtiment de l’Equitable Life Assurance Society (1870). Il est retenu comme premier gratte-ciel (littéralement), non pas pour sa hauteur mais pour le fait qu’il est le premier bâtiment de bureau équipé d’un ascenseur. Seulement d’autres, à l’instar de Jean Gottmann, considèrent le Home Insurance Building de Chicago comme étant le premier. Il atteint en 1885 la hauteur de 42 mètres et franchit la barre des dix étages, critère retenu pour l’identifier comme « premier gratte-ciel » selon Gottmann. L’évolution technique associée à cette construction est le remplacement de « la maçonnerie traditionnelle [...] par un squelette de poutrelles en fer. » (DIDELON, 2010). La réalisation la plus représentative de cette nouvelle structure en fer et acier est la tour Eiffel, construite en 1889 pour l’Exposition Universelle de Paris. Elle n’a à l’époque jamais été considérée comme une tour par les architectes mais comme un « huge bridge » (GOTTMANN, 1966), littéralement « grand pont ». Les débuts de la construction industrielle en hauteur montrent ainsi la pluralité de définitions données aux bâtiments de grande hauteur. Tandis que Le dictionnaire Larousse définit le gratte-ciel comme « immeuble de grande hauteur, à très nombreux étages », la littérature anglo-saxonne propose une profusion de sens. Ainsi, dès 1883, le terme skyscrapers apparait dans les écrits de John Moser, American Architectural Form of the Future (cité par BRADFORT, LANDAU, CONDIT, 1996). Il est concurrencé la même année par les termes sky-building et building skywark (BRADFORT, LANDAU, CONDIT, 1996). D’autres termes, comme tall building, font également leur apparition à la fin du siècle (HUGRON, 2007). C’est finalement le terme « skyscraper » qui fut le plus repris par les journalistes et qui intégra le dictionnaire Maintland’s American Standard. (COWAN, the Dictionary of Urbanism, Streetwise Press, Tisbury, 2005 cité par HUGRON). En France, on a longtemps cherché à contourner ce terme, dont la connotation était jugée trop nord-américaine. « En quête d’un mot, [Aujuste Perret] invente celui de « maison-tour » (1922) » (HUGRON, 2007). Une pluralité de périphrases vient s’ajouter à la dénomination de cette nouvelle forme architecturale. 23

Le terme de « tour » s’est alors imposé de lui-même, il permet de se détacher de la vision américaine de la ville et est compris par tous. Aujourd’hui, le terme gratte- ciel, traduction littérale de skyscraper, est également utilisé. Il se rapporte aux bâtiments à fonction résidentielle ou tertiaire. Le terme de tour s’applique à un ensemble plus large de structures, il englobe les structures techniques (tours de télévision, antennes) et les monuments (Tour Eiffel).

1.2.1.2 La ville compacte adaptée aux métropoles européennes

Ces quelques éléments de définition permettent de recadrer historiquement l’essor de la construction des skycrapers dans les deux villes rivales de Chicago et de New-York. Ce développement est dû à une diversification et une intensification du marché des services. Les premiers bâtiments construits furent notamment des sièges d’assurances et de banques. Gottmann parle de « office industry », une demande nouvelle est née. En effet, ces activités de services nécessitent de vastes espaces de bureaux et de réunions. De plus, elles génèrent rapidement un flux important de personnes et se doivent donc d’être très accessibles. Ainsi, une localisation en centre- ville semble inéluctable. Que ce soit à New-York ou à Chicago, le manque d’espace se fait rapidement ressentir et force d’autant plus les promoteurs à construire en hauteur. D’autant que le foncier, à Manhattan par exemple, est devenu très cher et il est donc nécessaire de proposer des surfaces importantes pour que les opérations soient rentables. On ne peut cependant pas se satisfaire de cette explication, car il est évident que la tour revêt également une dimension hautement symbolique, thème qui sera développé plus tard. La multiplication des gratte-ciels a engendré une mutation profonde du tissu urbain des villes nord-américaines. Elles sont passées d’un tissu de tours ponctuelles à des quartiers de tours. Ces derniers donnent un aspect de ville compacte, où les réseaux de transports en commun viennent compléter le damier de grandes artères urbaines qui irriguent l’ensemble des pieds de tours. L’imaginaire qui ressort est celui d’une ville connectée, une ville des proximités où la rapidité de l’échange est la norme. La prospérité économique américaine d’avant 1929 et d’après la seconde guerre mondiale a également catalysé la diffusion de ce modèle vertical. Depuis, le monde entier l’a copié, et l’Europe l’a quant à elle adapté. Certains quartiers de Paris présentent une densité équivalente à celle de Midtown à Manhattan. Cela est lié aux caractéristiques du tissu haussmannien qui offre une densité très élevée malgré la hauteur limitée des bâtiments. Ainsi, seules quelques tours isolées ont vu le jour dans le centre de la capitale, et la tour Montparnasse (1973) en est l’exemple le plus représentatif. Des bouquets de tours répondant à l’urbanisme de dalle ont également fait surface en lieu et place d’anciens centres industriels. L’opération des Olympiades, au sud du 13ème arrondissement, 24

qui fut réalisé dans les années 1970, tout comme le quartier Front de Seine, sont des témoins de cette verticalisation à la française de la fin des « 30 glorieuses » (J. Fourastié). Le quartier d’affaires est quant à lui repoussé en dehors de la ville. La Défense est ainsi implantée en dehors des limites historiques de Paris. De leur côté, les villes de Londres et Francfort ont fait le choix de reconstruire en hauteur sur les débris de la Seconde Guerre mondiale. On retrouve ainsi une mixité plus importante des formes urbaines. Le modèle américain a donc trouvé un certain écho dans les métropoles européennes. Cependant, l’urbanisation de ces dernières doit prendre en compte l’aspect historique. La notion de préservation du patrimoine est prédominante dans la manière de penser la ville européenne. Ainsi, le Conseil de Paris a imposé à la fin des années 1960 dans son POS une hauteur limite de construction de 37 mètres, appelée velum. La Great London Authority (GLA) a quant à elle mis en place un certain nombre de règles pour préserver les perspectives sur les monuments Londoniens (APPERT, 2008).

1.2.2 Une ville en hauteur, économie et création d’urbanité

Les Immeubles de Grande Hauteur (IGH) en Europe sont aujourd’hui principalement de bureaux, ils sont en tout cas les plus visibles dans le paysage des métropoles européennes. Une pléiade de tours de plus de 200 mètres est récemment sortie de terre, à l’instar des tours First (2011) (Paris, la Défense) et Incity (2015) (Lyon, Part-Dieu). Le cap des 300 mètres à même été franchi avec The Shard (2012) (Londres, Southwark). L’implantation de la tour de bureaux est représentative du développement d’un modèle mondial, en effet les firmes transnationales souhaitent comme leurs concurrents posséder un gratte-ciel à leur image. Cette mise en concurrence des acteurs privés abouti à une mise en concurrence des villes.

1.2.2.1 Une économie mondialisée, tours et firmes

La multiplication des tours de bureaux est représentative de la mise en place d’une économie mondialisée et d’une convergence des formes architecturales à l’échelle mondiale. Pierre Veltz a développé la notion « d’économie d’archipel », où toutes les métropoles sont interconnectées et dépendent les unes des autres. Il s’est mis en place un système basé sur la compétition d’une part, et la solidarité d’autre part. La construction de gratte-ciels est le moyen pour les villes de s’affirmer sur la scène internationale, à l’image de Lyon et du redéveloppement du quartier de la Part- Dieu. 25

Les entreprises trouvent dans la tour la possibilité de rationnaliser leurs activités, « l’immobilier de bureau représente un élément fonctionnel qui optimise le fonctionnement des entreprises » (CROUZET, 2003). Il est donc devenu une manne financière importante pour les promoteurs. La concurrence qui s’est installée entre les entreprises a permis une forte spéculation sur l’immobilier. Depuis l’éclatement de la bulle dans les années 1990, puis la reprise des investissements au début des années 2000, le marché de l’immobilier d’entreprises a vu ses valeurs exploser, notamment pour la location. Les grands groupes se sont rendus compte que leurs dépenses immobilières constituaient le deuxième plus gros pôle de charges après les salaires. Ils ont donc décidé de mieux gérer leur patrimoine en mettant en place des services de direction immobilière. Ces services ont pris une certaine importance avec les lois Grenelles de 2009-2010, qui obligent les entreprises à améliorer les performances énergétiques de leurs bâtiments (NAPPI-CHOULET, 2013). Les tours font particulièrement l’objet de ces stratégies car elles constituent un patrimoine très important. Leur coût de construction au m² est plus élevé que pour des bâtiments de moins grande hauteur. Il est donc nécessaire pour les propriétaires ou locataires de tours de rentabiliser leurs investissements en tirant partie des avantages que confère la tour. Dans ces avantages, on retrouve l’aspect marketing qui est désormais indissociable de la construction d’une tour. Le gratte-ciel représente un symbole fort pour une marque, elle est ainsi identifiée dans le paysage urbain mondial. Il agit dès lors comme un totem et place son propriétaire dans une course à la hauteur qui semble tout aussi présente entre les firmes que leur concurrence sur les marchés. Les concepteurs de tours de bureaux, et même ici de siège sociaux, s’entourent des architectes stars pour la réalisation des bâtiments. Ainsi, la concurrence est d’autant plus importante que chacun veut également laisser sa signature dans le ciel des grandes métropoles. Dans les villes comme Londres, Paris, Barcelone, ou même Lyon, les architectes Jean Nouvel, Renzo Piano, Norman Foster cherchent à se démarquer par des structures audacieuses, des bâtiments plus propres et mieux intégrés. C’est dans cette concurrence que tour et développement durable se lient, car si le paradigme de la ville du XXIème siècle a changé, c’est bien vers celui d’un développement plus raisonné et plus consensuel. Au travers de différents exemples, nous verrons par la suite que cette consultation n’est pas toujours évidente et que les lois du marché et de la spéculation ont encore souvent raison sur le consensus. Dans l’épisode de crise que nous traversons, les politiques ont également tendance à revoir leur jugement pour faciliter les investissements. A l’instar des villes des pays en développement dans les années 1990, les villes européennes cherchent aujourd’hui à retrouver une attractivité internationale. (JIAN, 2007) L’un des moyens actuels pour attirer les sièges d’entreprises internationaux, et donc les capitaux étrangers, reste la construction de bureaux de haut standing dans des quartiers d’affaires denses. Donald McNeill insiste, en reprenant les termes de Amin and Thrift, sur le fait que cette nouvelle structure urbaine peut constituer une « riche écologie de la vie 26

urbaine »1 composée de l’ensemble des acteurs qui y vivent, travaillent, transitent. La tour du XXIème siècle ne semble donc pas simplement être, comme l’écrit Paul Virilio, une « impasse en hauteur » (Virilio, 2004).

1.2.2.2 Le skyline comme symbole identitaire

La construction de tours dans une ville redessine forcément le paysage urbain. Cette silhouette, que l’on appelle aussi skyline, fait aujourd’hui l’objet d’un intérêt particulier. « Le skyline ou silhouette de la ville est la représentation en coupe du volume urbain. A plus grande échelle, on parle de profil urbain ou de « lignes des toits » (…). Les silhouettes des villes sont révélatrices des types de sociétés, de leurs traditions et règlements, de leur plus ou moins grand dynamisme » (ALLAIN, 2004, cité par APPERT dans les Cahiers du skyline). Dans un monde où même les villes entrent en concurrence, l’image est primordiale et le marketing public s’est saisi de la ville comme support communicationnel. Ainsi, les pouvoirs publics ont pris en main la maitrise de leur skyline et ont pour cela mis en place des directives d’aménagement ou assoupli des législations existantes.

En Europe, l’évolution des skylines est un sujet polémique. En effet, alors que la plupart des villes adoptent une « position traditionnelle […] en ce qui concerne le rapport à l’héritage architectural » (SAMSON, 2013), certaines ont une toute autre ambition. Pour la ville de Londres, les travaux de Manuel Appert mettent en relief la volonté politique de la GLA et de la municipalité de favoriser le développement des projets de grande hauteur. Le London Plan, document de planification, annonce que « Londres est admirée pour son patrimoine de première importance et pour ses monuments historiques chers aux Londoniens et visiteurs ». « Mais il [K. Livingstone] précise aussi qu’il est clairement opposé à l’idée d’un velum ou à toute autre restriction de hauteur règlementaire. » (GLA, 2004 cité par Appert, 2008). La municipalité voit dans le développement de gratte-ciels une vitalité nécessaire pour l’attractivité de la ville sur la scène internationale. Le skyline est généralement dessiné par les bâtiments historiques, mais peut aussi être composé par le site d’implantation de la ville. Le développement d’une ville est toujours conditionné par la géographie du lieu où elle s’établit. Ainsi, la ville de Lyon est traversée par deux cours d’eau d’une part. Elle est d’autre part bordée par la colline de Fourvière, surmontée de sa Basilique, et par celle de la Croix- Rousse, couverte d’immeubles de canuts hauts de 20 mètres. L’ensemble de ces éléments forme un site complexe, dans lequel la ville doit s’inscrire et se développer. Nous reviendrons en détails sur les choix qui ont été faits, mais le sommet de la tour Crédit Lyonnais s’élève à 154 mètres, soit la hauteur exacte du belvédère de la

1« « a rich ecology of urban life » dans le texte McNeill fait référence au texte de Amin and Thrift, 2002: Cities: reimagining the urban, Oxford: Polity. 27

colline de Fourvière. Certains diront que le hasard a quelque peu joué, tandis que d’autres y verront une volonté nette d’intégration et de respect du site. Le paysage urbain a récemment pris une part importante dans les débats car il s’affranchit de toutes considérations techniques. Il peut donc être apprécié par tous, c’est pour cela que des groupes d’habitants s’en saisissent dans leur argumentaire contre des projets de tours. Il y a véritablement une appropriation du skyline par les habitants, et la modification de celui-ci peut susciter des oppositions. Ce sentiment d’appartenance permet aux métropoles européennes de créer un esprit de ville, une forme d’urbanité, une manière de s’approprier la ville à travers son passé d’une part, et de son évolution d’autre part. L’habitant doit ainsi être associé à la production de sa ville pour qu’il puisse évoluer au même rythme que celle-ci.

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Conclusion de partie

L’évolution des villes européennes au cours de l’histoire en fait les garantes d’un passé riche et généreux. Les monuments qui les ornent ont longtemps eu raison d’un développement « à l’américaine » (GOTTMANN, 1966). Seulement, la mondialisation et l’intensification des échanges ont eu raison de cette forme de conservatisme. Les métropoles du vieux continent se sont, elles aussi, lancées dans la course à la hauteur. Cette « course à la performance, au prestige et au pouvoir » dénoncée par Huriot, en 2011, dans une critique du capitalisme moderne, est également plébiscitée par certain comme Glaeser, en 2011 également, qui voit dans cet urbanisme vertical la solution à un développement futur durable. Nous avons montré que la quête de la hauteur est un fantasme humain depuis les premiers bâtisseurs, qu’elle est, a fortiori, symbole de pouvoir et de réussite. Notre économie de marchés est cependant basée sur la concurrence et encourage les entreprises comme les promoteurs et architectes à se différencier par des bâtiments toujours plus innovants. Aujourd’hui, la grande hauteur concerne aussi bien l’immobilier de bureau que l’habitat. Cependant, à l’inverse des années 1960, les logements en tours sont désormais destinés davantage aux classes aisées. Nous avons ainsi montré que les points de vue sur la question de la grande hauteur sont presque aussi variés qu’il n’y a de prises de position sur le sujet. Cela peut s’expliquer par l’aspect politique des choix qui sont faits dans les villes européennes. Cet urbanisme vertical est, de plus, appuyé par le secteur privé, qui est souvent le bras armé des municipalités. Cette logique spéculative est vivement critiquée par certains auteurs et alimente les réquisitoires à l’encontre des projets de tours. A l’inverse des Emirats Arabes Unis ou de la Chine, les villes européennes doivent faire face à une forte opposition, le développement vertical des villes se veut donc plus consensuel et cherche davantage à apporter une plus-value singulière au territoire. En ce sens, la ville verticale européenne peut-elle être un exemple de durabilité pour l’avenir ?

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II. L’Europe comme laboratoire d’une nouvelle ville verticale durable ? Enseignement de quelques cas européens

Ce travail s’appuie essentiellement sur les villes de Paris, Londres, Francfort, Milan et Barcelone. Le choix a notamment été orienté par le dynamisme actuel de ces villes en matière de construction de tours. De plus, elles cherchent toutes à consolider leur statut de métropoles européennes voire mondiales et ont ainsi mis en place des stratégies de développement durable. Nous verrons que les principes de tabula rasa ont été abandonnés au profit de solutions plus douces d’intégration et de mélange des formes urbaines. Cependant, quels enseignements peut-on tirer de telles mesures ? Quelle est la place des différents acteurs dans ce processus de

développement durable ?

2.1 Une volonté politique de développement durable

En Europe, les politiques de développement des villes varient selon l’histoire urbaine des pays mais aussi d’une ville à l’autre. Ainsi, les orientations prises par les métropoles sont diverses mais convergent vers un objectif affiché de préservation d’espaces de nature, de densification, de respect du patrimoine, en somme de durabilité.

2.1.1 La logique d’implantation des tours, développement et contestations

« Le développement durable est directement dépendant de la structuration des sociétés contemporaines, certes ce sont les sociétés informationnelles et programmées qui mettent en exergue la question environnementale et qui font du développement durable un enjeu sociétal fondamental. Rapidement il apparait que cette problématique concerne l’ensemble des sociétés du monde. » (BASSAND, 2000)

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2.1.1.1 Le cluster comme résultat de l’urbanisme vertical

La ville de Londres est, depuis le début du XXIème siècle, un terreau fertile pour les bâtiments de grande hauteur. La municipalité de Ken Livingstone a mis en place une politique de développement vertical accélérée, et plus de 300 projets de tours de plus de 60 mètres ont déjà été proposés (Appert, 2015). Le successeur de M. Livingstone, Boris Johnson, a gardé cette logique et a permis la construction de nombreuses tours, dans le quartier de Canary Wharf notamment. L’implantation des tours est liée à une logique foncière entretenue par les promoteurs londoniens. En effet, la réalisation d’immeubles de bureaux dans les quartiers tendus ne fait qu’augmenter la valeur des terrains, les nouveaux projets ne peuvent alors proposer que de nouvelles tours tertiaires dans un souci de rentabilité. Ainsi, la City de Londres ne voit pousser que de nouveaux gratte-ciels, souvent mal perçus, qui participent à une logique de concentration des activités et d’expulsion des habitants. Le recensement de la City de Londres projetait qu’en 2014, le borough compterait 8 100 habitants (City of London, 2012) pour 400 800 emplois en 2013, (City of London). Ces chiffres prouvent la « clusterisation » du centre de Londres. Pour poursuivre ce processus, la municipalité et les promoteurs tentent de récupérer des terrains dans les marges de la City. Manuel Appert et Martine Drozdz ont ainsi étudié les mouvements contestataires au nord-est de la City, est concerné le quartier de Hackney. La structuration de l’opposition est difficile, car les acteurs sont nombreux et cherchent tous à maximiser leurs intérêts. Ainsi, la communauté d’artistes installée dans le secteur de Shoreditch fait face à la communauté bengladaise de Brick Lane, tous deux opposés au promoteur Hammersons en charge du projet de renouvellement urbain de Bishopsgate Goods Yard (APPERT, DROZDZ, 2010). Ce secteur, situé derrière la gare de Shoreditch, offre un terrain de 46 hectares à deux pas de la City, et une surface constructible de 800 000m². Les contestataires structurés autour du groupe SAVE Shoreditch ont néanmoins réussi à se faire entendre, car leur mobilisation dès le dépôt du permis de construire, en 2008, a permis d’abaisser les surfaces construites à 340 000m². Ils ont également négocié un certain nombre d’infrastructures pour le quartier, et notamment une proportion de logements abordables (APPERT, DROZDZ, 2010). Début 2015, une nouvelle campagne de SAVE Shoreditch a été lancée par le maire de Hackney, qui dénonce « les répercussions d’un développement qui seront si sévères qu’elles conduiront à la fragmentation du cluster d’entreprises locales de design et de technologie […] ». Il ajoute que cela entrainera « la perte de milliers d’emplois locaux, et sera dommageable pour la réputation de Londres comme leader dans ces domaines2 ». Le maire poursuit sur l’implantation de tours : « Je ne suis pas opposé aux bâtiments de grande hauteur en principe, mais ils doivent être en rapport avec le

2 The repercussions of this development could be so severe that they lead to the fragmentation of the local cluster of design and tech firms, leading to the loss of thousands of local jobs, and damage to London’s reputation as a global leader in these industries. (Tiré du site internet du borough de Hackney, 2015)

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contexte. Ceux ici proposés par Hammersons sont bien trop haut, trop proches de la rue et nuiront à l’image du quartier et à l’écosystème économique.3 » Les gestionnaires des projets de tours opposent souvent le NIMBY4 à ce type d’arguments, comme étant la raison de la contestation. Dans le cas de ce projet, les habitants souhaitent défendre un quartier central de Londres qui a encore une réelle identité, ils continuent d’ailleurs à se l’approprier malgré la soif de construction des promoteurs et des représentants du Great London (Figure 3).

Figure 3 : Jardins partagés à proximité de Bishopsgate

Source : Londres, Q. DURET, 2015 A Paris, la logique est quelque peu différente, car depuis la construction de la tour Montparnasse, peu de bâtiments de grande hauteur ont été érigés à l’intérieur même de la ville. De fait, l’ensemble des tours tertiaires se sont localisées dans le quartier de la Défense, sur les communes de Puteaux et de Courbevoie à trois kilomètre de l’Arc de Triomphe. Le quartier offre aujourd’hui plus de 4 millions de m² de bureaux, et en fait le quartier d’affaires le plus vaste d’Europe. Par ailleurs, comme nous l’avons précédemment évoqué, Paris semble traumatisée par les tours d’habitation dont les deux exemples représentatifs restent les Olympiades (XIIIème) et le quartier Front de Seine (XVème). Ces ensembles de grande hauteur, caractérisés

3 I’m not opposed to tall buildings in principle, but they need to be in context. The ones proposed by Hammersons for this site are far too big, too close to the road and will compromise the areas’s distinct character and economic eco-system (Propos tenus par le maire de Hackney et repris sur le site internet du borough de Hackney, 2015) 4 NIMBY : Not In My BackYard pouvant être traduit par l’expression : hors de mon pré carré 32

par une architecture de dalle, ont longtemps inhibé toutes prétentions à reconstruire en hauteur (figure 4). C’est seulement récemment, que la municipalité de Paris à levé le velum de 37 mètres en autorisant les constructions à vocation d’habitation de 50 mètres et à vocation tertiaire de 200 mètres sur le secteur Masséna, Bruneseau (Mairie de Paris, 2009). Ce projet cherche à insérer une certaine mixité des fonctions pour rompre avec cette logique de cluster et d’isolement. Dans une démarche de développement durable, les villes cherchent justement une meilleure intégration des bâtiments de grande hauteur. A l’instar de la ville de Francfort, des efforts ont été faits pour favoriser les continuités intra-urbaines.

Figure 4 : Uniformité et isolement du quartier d’habitation des Olympiades (Paris 13)

Source : Paris, Q. DURET, 2015

2.1.1.2 Vers des tours plus intégrées

L’IGH est la plupart du temps contesté pour des raisons évidentes d’intégration. Les lois du marché, les ambitions politiques ou les opportunités foncières ont parfois eu raison d’un développement raisonné de morceaux de villes. Nous pouvons constater que, malgré des oppositions toujours nombreuses, certaines villes cherchent désormais à intégrer davantage les tours dans une stratégie plus globale de renouvellement des formes urbaines. Pour comprendre cette nécessité, je

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m’attarderai tout d’abord sur une contestation, qui est d’actualité dans la capitale française. La tour Triangle est un projet d’IGH de bureaux, dévoilé en 2008 par la mairie de Paris. Elle doit être construite au niveau de la porte de Versailles à proximité directe du parc des expositions. Haute de 180 mètres, elle a dès le début suscité une forte opposition. D’abord politique, cette contestation est devenue citoyenne avec la création du Collectif contre la Tour Triangle qui lie les associations Monts 14, Jeunes Parisiens de Paris, SOS Paris et l’Association pour le Développement Harmonieux de la Porte de Versailles et de ses Environs (ADHAPE). A travers l’entretien que j’ai réalisé avec Olivier Rigaud, porte parole du Collectif et ancien vice président de Jeunes Parisiens de Paris, se dégagent les enjeux politiques et économiques de tels projets. L’opposition est ouvertement déclarée lors du Conseil d’Initiative et de Consultation d’Arrondissement (CICA) du 22 Juin 2011. Le collectif présente alors l’impact qu’aurait le projet proposé par Unibail-Rodemco sur le 15ème arrondissement, et sur le parc des expositions plus particulièrement. La première version du projet en 2008 propose la construction d’une surface de bureaux, d’un hôtel trois étoiles, d’un atrium, et d’un centre de congrès. Seulement, le facteur économique pousse le promoteur à revoir ses ambitions à la baisse. Ainsi, en 2011, le projet ne compte quasi exclusivement que des bureaux. C’est sur cet aspect que va se cristalliser la contestation, car cette tour serait totalement déconnectée du contexte local et ne s’inscrirait que dans une dynamique globale de développement et de rayonnement de la ville de Paris. Le parc des expositions de la porte de Versailles est aujourd’hui un des leaders européens dans l’organisation de foires et salons, or le projet de tour doit s’établir sur une partie du Hall 1, estimé par Monsieur Rigaud comme étant le mieux aménagé. De plus, la tour n’offre pas de connexion directe avec le parc, et la plus-value qu’elle apportera semble, aux yeux des contestataires, négligeable. Une nouvelle version du projet a été soumise au vote du Conseil de Paris en Novembre 2014 et s’est vue refusée par 83 voix contre 78. Cependant, ce scrutin à bulletins secrets a été annulé au cours du mois de juin 2015 pour cause d’irrégularité. Un nouveau vote a donc eu lieu le 30 juin 2015, faisant cette fois la part belle au « oui », avec 87 voix contre 74. Ce retournement de situation met fin à toute forme de contestation et illustre une convergence politique qui dépasse les habituels conflits partisans. Le projet définitif a cependant été modifié depuis novembre 2014, réduisant à 70 000m² (contre 88 000m² prévus) la surface de bureaux, ajoutant un espace de coworking et un hôtel quatre étoiles. Ce verdict n’efface cependant pas les critiques faites à l’encontre du projet qui, en l’absence d’un véritable espace public, ne s’intègrera pas idéalement au tissu relativement ancien du 15ème arrondissement. Le manque d’intégration soulevé par ce projet participe à la diabolisation des tours, en France particulièrement, et en Europe plus généralement. Des opérations de grandes hauteurs cherchent aujourd’hui à s’intégrer davantage dans l’existant et à ne plus constituer des îlots indépendants, mais servir de liens et de lieux où se crée une nouvelle urbanité. 34

« Outre la zone des salons, les gratte-ciels francfortois s’élèvent dans un tissu urbain dense, presque identique à celui du siècle dernier, composé d’immeubles bas datant du XIXème siècle à nos jours. » (KAROLYI, 2007) Depuis les années 1920, la ville de Francfort a une histoire relative à la grande hauteur, et c’est notamment pourquoi, à la fin de la seconde guerre mondiale, quand il a été question de reconstruire la ville, les plans d’aménagement prévoyaient déjà des IGH autour de la ceinture verte. Cet espace public forme une étreinte de nature tout autour de la ville qui a toujours conditionné son développement (ADEUS, 2011). Francfort, qui souhaitait devenir capitale de la RFA au lendemain de la guerre, et qui a vu le titre lui échapper au profit de Bonn, s’est orientée vers une fonction tertiaire de haut niveau pour attirer à la fois services aux entreprises et institutions bancaires. La ville n’en compte aujourd’hui pas moins de 323 (KAROLYI, 2007). La population francfortoise accepte bien la construction de gratte-ciels depuis que les plans successifs de la fin des années 1990 et du début des années 2000 ont fait de leur objectif principal l’intégration de ces derniers avec la ville historique. Ainsi, Francfort compte trois clusters d’IGH, ouverts vers l’extérieur grâce, notamment, à des socles de tours dimensionnées à échelle humaine pour permettre l’installation de commerces, cafés, restaurants, et une circulation piétonne agréable. Cette intégration est également favorisée par le développement « en doigts » du réseau de transports et de la trame verte. La municipalité a également voulu une intégration plus globale des tours dans la ville en réalisant un véritable travail sur le skyline. Ainsi la tour Kronenhaus (208m) « arbore à son sommet une structure en forme de couronne, hommage au temps où les empereurs allemands se faisaient sacrer à Francfort » (KAROLYI, 2007). L’élévation de la ville s’est toujours faite en rapport avec ses racines historiques, ce qui permet d’ancrer plus profondément les tours dans le tissu urbain (figure 5). Pour participer à cette mise en lumière du skyline, la ville organise même un festival du gratte-ciel tous les quatre ans depuis 1999. A cette occasion, les visiteurs peuvent accéder librement à de nombreux bâtiments et s’approprier davantage ce qui, au quotidien, constitue le paysage urbain de leur ville. Ainsi, le développement de Francfort poursuit sa verticalisation, puisque les derniers projets annoncés doivent densifier le centre-ville. Pour ce faire, il est prévu d’y construire des IGH d’habitation, notamment sur d’anciennes installations ferroviaires. La politique d’urbanisme vertical engagée à Francfort a réussi, depuis les années 1970, à répondre aux principaux enjeux urbains, limitant ainsi les contestations (GUALINI, 2015). Les trois exemples que nous venons de développer ont montré que le jeu politique et les contestations permettent parfois une meilleure intégration des projets de tours. Il en ressort également l’importance de la planification, car, bien que la tour soit un objet architectural en soi elle ne peut être correctement intégrée que si elle s’inscrit dans un plan plus large de développement de la ville. La municipalité de Francfort l’a compris et a depuis longtemps ajouté un plan de développement des gratte-ciels à ses documents d’urbanisme.

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Figure 5 : Mixité des formes urbaines à Francfort, la tour intégrée

Source : Francfort, Q. DURET, 2015

2.1.2 Prévoir le développement durable, l’importance de la planification

2.1.2.1 La place de l’urbanisme vertical dans la planification

L’absence d’un réel plan de développement pour la ville de Milan, au lendemain d’une désindustrialisation importante, est en partie responsable des difficultés que connait la ville pour répondre à l’ensemble des enjeux urbains (KRESL, IETRI, 2012). Ainsi, la baisse de l’activité industrielle dans les années 1970 a profondément modifié la structure économique et sociale de l’agglomération milanaise. Un grand nombre de ménages ont quitté le centre pour se loger en périphérie, moins coûteuse. De plus, le réseau de transports automobile et ferroviaire permet de rejoindre la ville de Milan rapidement depuis l’ensemble de l’agglomération, ce qui a à nouveau accéléré cette périurbanisation (GUALINI, 36

2015). La municipalité de Milan a cependant voulu relancer une démographie positive au cours des années 1990, puis 2000, avec la volonté de faire revenir quelques 400 000 personnes (GUALINI, 2015). Cependant, un certain nombre de sondages réalisés montre que la ville est attractive d’un point de vue économique, mais souvent mal perçue par ses habitants ou par ceux qui pourraient y vivre (KRESL, IETRI, 2012). En effet, la municipalité de Letizia Moratti (2006-2011) a été critiquée pour la multiplication des partenariats public-privé qui ont donné naissance à des projets haut de gamme, isolés et relativement mal intégrés au tissu existant (GROSSO, 2013). « A Milan il n’y a pas de véritable cadre pour l’investissement dans les infrastructures, un certain nombre d’interventions souhaitées est simplement listé dans le plan sans avoir établi de priorité ni réalisé d’études de faisabilité.5 »

Pourtant, l’agglomération de Milan a mis en place en 2005 un plan général de développement appelé Piano di Governo Del Territorio (PGT), censé donner une plus grande cohérence à la planification de la ville. Seulement, la publicité faite autour des principaux projets, comme le quartier CityLife, construit sur l’ancien parc des expositions et comprenant la construction de trois tours d’architectes internationaux, a largement été surestimée. L’ambition démesurée de la municipalité et des promoteurs qui l’accompagnent peut se lire dans la communication officielle des différents projets. Pour celui de Santa Giulia, Palermo et Ponzini en citent un passage dans leur ouvrage Place-making and UrbanDevelopment: New challenges for contemporary planning and design (Regions and Cities) :

« La ville idéale va naitre à Milan… Le projet urbain le plus évolué au Monde est en cours de développement dans la plus vaste friche industrielle6 ».

La mise en place de ce plan n’a finalement engagé qu’une vague de protestation contre les modalités de décisions et le manque de transparence envers les citoyens (GUALINI, 2015). De plus, des auteurs (PALERMO, PONZINI, KRESL) ont eu tendance à décrire le PGT comme un document trop vague sans réels objectifs de développement, et qui ne permettait donc pas d’organiser et de restructurer l’ensemble du territoire métropolitain milanais. Face à ces critiques, la nouvelle municipalité de Giuliano Pisapia (2011-2016) a mis en place un document plus stratégique, la « notice du conseil municipal pour l’établissement des documents de gouvernement du territoire ». Elle est associée à un plan stratégique sur trois ans pour proposer une vision plus globale du développement de l’agglomération. L’exemple milanais fait ressortir un aspect récurrent des nouveaux projets verticaux dans les métropoles européennes : la participation. En effet, la contestation milanaise n’a

5 In Milan there is no real framework for infrastructure investment; countless desirable interventions are simply listed in the plan without establishing clear priorities and feasibility studies. 6 The ideal city will be born in Milan… the world’s most evolved urban project is underway located in the largest brownfield area. http://www.milanosantagiulia.com/ Cité par PALERMO et PONZINI (2014).

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débuté que très récemment, avec la construction de tours à proximité du centre ville sans qu’aucune consultation ne soit réalisée. Dès lors qu’un projet modifie le paysage urbain d’une ville, il semble impératif aujourd’hui d’y associer les habitants et de prendre en compte leurs revendications. Ce dispositif participatif est de plus en plus mis en place, mais n’a pas encore prouvé totalement son efficacité.

A l’inverse, la ville de Barcelone s’illustre par une planification ancienne qui régit depuis près de 150 ans le développement de la ville et de l’agglomération. En effet, le plan de Barcelone dessiné par l’architecte Ildefons Cerdà en 1859, et appelé Eixample (littéralement « l’extension ») a, à l’instar des travaux de Haussmann à Paris ou Morand à Lyon, conditionné l’extension de la ville. Ainsi, au cours du XXème siècle, la prospérité économique de la capitale lui a permis de s’étendre jusqu’à englober 1,7 millions d’habitants intra-muros aujourd’hui (Ville de Barcelone). La politique urbaine de Barcelone est, depuis la transition démocratique de 1975, considérée comme un modèle. En effet, avec l’arrivée de l’architecte barcelonais Oriol Bohigas comme adjoint au maire en charge de l’urbanisme au début des années 1980, la ville connait d’importantes transformations. Il décide d’offrir de nombreux espaces publics et de redessiner certains plans de rues en accord avec le plan de Cerdà. Mais le modèle se base surtout sur la manière dont est menée l’action publique, et la municipalité fait preuve d’un fort leadership et s’associe au secteur privé pour favoriser l’investissement. Ce système est d’autant plus utilisé avec l’organisation des jeux olympiques de 1992, et la ville endosse alors une stature internationale et se dote d’infrastructures de haut niveau (aéroport international, métro) (ILLAS, 2007). Néanmoins, Edgar Illas définit comme « anti modèle de Barcelone » la mégalopole moderne formée « d’un centre d’affaires composé de gratte-ciels de verre7 ». Malgré son développement récent, Barcelone est une ville relativement horizontale, et le site Emporis qui recense les IGH du monde entier comptabilise sept bâtiments de plus de 100 mètres, dont la tour Agbar (144m), signée par Jean Nouvel, et les tours Mapfre et Hôtel Arts (154m), construites pour les Jeux Olympiques. (Annexe 3) Ainsi, il y a à Barcelone une réelle tradition de planification, initiée par Cerdà, et largement poursuivie par ses lointains successeurs à la fin du XXème siècle. Ce contrôle municipal a permis d’éviter les spéculations immobilières trop importantes (Illas, 2012) et a conduit la ville à se distinguer par une densification intra-urbaine sans passer par la verticalisation de certains quartiers.

7 « a downtown with glass-covered skyscrapers » 38

2.1.2.2 Un levier politique indispensable pour la réalisation de tours

Les deux exemples développés précédemment illustrent l’impact que peut avoir la planification sur la verticalisation ou non d’une ville. Ainsi, quand une municipalité entreprend des projets d’IGH, elle s’appuie généralement sur ses documents d’urbanisme pour faciliter leur réalisation. La planification permet de légitimer l’action publique en matière de grande hauteur. De nos jours, les métropoles européennes s’accordent toutes pour mettre au cœur de cette planification les enjeux de développement durable ; la construction de tours, d’habitations ou de bureaux est ainsi avancée comme l’une des réponses à ces objectifs.

En France, depuis les lois de Grenelles 2009 et 2010, le pivot de la planification est le développement durable à travers ses trois composantes : économique, sociale et environnementale. On retrouve de grandes thématiques communes à l’ensemble des agglomérations comme - Limiter l’étalement urbain - Favoriser le développement économique - Créer de la mixité, sociale d’une part, et fonctionnelle d’autre part

Pour répondre à ces objectifs, les stratégies des collectivités locales diffèrent d’une ville à l’autre. La ville de Lyon a ainsi fait le choix de lancer un plan de développement à long terme sur le quartier de la Part-Dieu, un projet qui sera longuement décrit dans la suite de ce travail. Concernant Paris, la municipalité veut reconquérir les anciennes friches industrielles à l’Est et au Sud, pour relancer l’offre de logement à l’intérieur de la capitale. Pour ce faire, le conseil de Paris n’a pas hésité à voter des projets qui dépassaient le velum de 37 mètres imposé depuis 1977. Ce dernier n’est néanmoins pas levé, mais simplement amendé dans certains secteurs pour permettre la réalisation de projets précis. Dans ce cas de figure, force est de constater que la municipalité s’affranchit facilement des règles urbanistiques jugées antagonistes au développement de la ville. De plus, la Direction Régionale et Interdépartementale de l'Équipement et de l'Aménagement Ile-de-France (DRIEA) recommande la tour comme « symbole économique et technique de la métropole, [dont l’architecture] se renouvelle pour offrir des formes intégrant lumière naturelle et végétation » (DRIEA, 2012). Les tours de Masséna à Paris participent ainsi au développement durable du quartier, en permettant une densité de services et de population, à travers des bâtiments à faible consommation d’énergie (Mairie de Paris, 2009). Concernant la ville de Londres, la planification de tours fait l’objet d’une directive spécifique : la London View Management Framework (LVMF)(APPERT, 2011). Elle a pour rôle de fixer les règles d’urbanisme concernant la grande hauteur. « La LVMF inscrit statutairement la protection de quatre édifices emblématiques

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(cathédrale Saint Paul, le Parlement, la Tour de Londres et Buckingham Palace), identifie la place située devant la nouvelle mairie comme lieu civique de contemplation, officialise des couloirs de vues protégées depuis des points stratégiques (collines, parcs et ponts) dans la ville tout en limitant leur largeur. » (APPERT, 2011). La ville de Londres est aujourd’hui animée par le désir de s’affirmer comme « ville globale8 (APPERT, MONTES, 2015). Ainsi, le quartier de Canary Wharf, qui connait un nouvel essor, est situé en dehors du Londres historique et est de ce fait moins contraint par la LVMF. Le quartier tend à devenir « une ville dans la ville » (APPERT, 2011). Les activités de services se sont développées aux pieds des tours, on y trouve cafés, restaurants, centres commerciaux, et parcs. Son développement n’annonce qu’une plus grande mixité des fonctions avec la construction d’hôtels et de logements (Figure 6). L’activité que génèrent ces quartiers rend obligatoire une planification concomitante des transports. En effet, aucun quartier de tours n’est aujourd’hui bâti sans une desserte viable de transports en commun, et un réseau routier efficace. Les « gratte-ciels contemporains sont souvent conçus comme des nœuds dans le réseau d’infrastructures de premier rang9 » (McNEILL, 2005). Que ce soit à la City, avec la Liverpool Street Station, ou à la Défense, avec la dalle et ses trois niveaux de circulation, les plateformes multimodales de transport sont désormais indissociables des quartiers d’affaires. En ce sens, l’urbanisme vertical représente une chance pour les mobilités durables, car il concentre un grand nombre d’activités dans un périmètre restreint. Il est donc nécessaire, là encore, de concevoir une stratégie globale pour la ville, voire pour l’agglomération, afin de faciliter au mieux l’intégration des quartiers de tours. S’ils sont correctement desservis et ne génèrent pas de nuisances pour ceux qui y vivent ou y travaillent, alors ils participeront à l’économie d’agglomération tant recherchée aujourd’hui par les métropoles européennes.

Dans un contexte de développement durable des villes européennes, la planification et les objectifs fixés par les municipalités permettent d’inscrire dans le long terme le processus de mutation de la ville. Au-delà des trois piliers précédemment énoncés, on peut considérer le temps comme étant la quatrième dimension de la durabilité. Il est en effet difficile d’assurer une cohérence dans le développement si des objectifs n’ont pas été préalablement fixés. De plus, la plupart des villes mettent aujourd’hui des dispositifs consultatifs et participatifs en place dans la création des documents d’urbanisme, ce qui permet de recueillir les avis des différents acteurs dans la version la plus simple, et de mettre en place une co- construction de la ville pour les plus optimistes.

8 Global city 9 contemporary skyscrapers are often designed as nodes in 'premium' infrastructure networks

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Figure 6 : Canary Wharf, Londres : « Une ville dans la ville »

Quartier d’affaires, Tour One Canada Square Tour d’habitation

Source : Londres, Q. DURET, 2015

2.2 Les enseignements tirés de cette métropolisation européenne

Les exemples décrits précédemment font état de trajectoires urbaines différentes selon le contexte local. Chaque pays a sa manière de concevoir la ville du XXIème siècle. L’action publique est donc différenciée, et la combinaison des acteurs varie selon les intérêts qu’ils portent. Cependant, la logique capitaliste qui génère et régule la concurrence interurbaine conduit à une forme de convergence des politiques d’urbanisation des villes. Nous parlerons dans ce chapitre de métropolisation européenne pour désigner ce processus. De plus, du point de vue technique de la durabilité, comment se place l’urbanisme vertical par rapport à un développement plus classique ? Ce débat anime aujourd’hui les sphères politique et professionnelle, et conditionne aussi les choix des autorités publiques. Il est donc nécessaire de s’y intéresser pour comprendre à un niveau plus micro le réel fonctionnement de ces tours et leur impact sur l’environnement et la société. 41

2.2.1 Le nouveau visage des métropoles européennes, compétitions et uniformisation

De nombreux travaux ont été rédigés sur la mutation des villes, et notamment sur la construction de tours en réponse à la mondialisation. Certains dénoncent un capitalisme agressif qui dénature la ville, lui ôte son urbanité, pour la convertir en une place commerciale sans âme (PAQUOT, HURIOT). D’autres à l’inverse sont plus favorables à une forme de modernisation de l’urbain, une ville plus compact (et non pas plus dense) (GLAESER, GOTTMANN). On trouve également une littérature plus analytique et moins subjective, qui décrit notamment des processus de décision et d’évolution du jeu d’acteurs (APPERT, DIDELON).

2.2.1.1 Une Europe de réseau

Olivier Dollfus a avancé en 1996 la notion « d’archipel mégalopolitain », un réseau qui connecte « l’ensemble des villes qui contribuent à la direction du monde » les unes avec les autres (DOLLFUS cité par Géoconfluence, 2003). En Europe, de nombreuses villes souhaitent prendre part à ce réseau pour bénéficier des externalités positives qu’il offre. Dans notre étude, trois villes s’en rapprochent, par leur attractivité et les services qu’elles offrent. Londres, Francfort, et Paris, font aujourd’hui partie des villes de rang mondial. Barcelone, Milan, et finalement Lyon, sont incontestablement des métropoles régionales, voire européennes, mais n’ont pas le rayonnement international des trois premières. Cette hiérarchisation, illustrée dans de nombreux classements, constitue le socle de la concurrence entre les villes. (Figure 7).

Figure 7 : Classement des villes selon leur richesse

VILLE PIB PAR HABITANT Paris 57 200 € Londres 57 000 € Francfort 51 600 € Lyon 43 300 € Milan 41 100 € Barcelone 36 200 €

Source : Eurostat et le think tank Brookings basé à Washington, 2014 tiré de Lyon Capital, Juin 2015

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La construction de tours permet aujourd’hui de stimuler et d’accélérer le processus de développement des villes (GLAESER, 2011). Il s’agit là davantage des gratte-ciels d’affaires que de ceux de logements, même si l’investissement réalisé dans les deux cas est profitable à la ville. De plus, la compétition n’est pas simplement relative à la forme ou à la hauteur des édifices construits, elle est également liée à ce qu’ils abritent. L’intérêt pour les villes de se placer au centre de ce réseau est d’attirer des sièges sociaux d’entreprises internationales, elles souhaitent donc proposer des adresses prestigieuses et des bâtiments remarquables pour que l’entreprise elle-même tire le maximum d’avantages de sa nouvelle localisation (cf partie 1.2.2.1). Par ailleurs, certaines villes font le choix de se spécialiser dans un domaine d’action particulier, de manière à devenir leader sur ce marché, et à offrir une économie de localisation aux entreprises du secteur qui souhaiteraient s’y installer. Francfort est ainsi devenue la capitale bancaire européenne, tandis que Lyon cherche à consolider son cluster médical dans le quartier de Gerland. Cette logique permet à des villes de plus petite taille de concurrencer sur certains aspects les villes-globales, comme Londres ou Paris. Cette construction en archipel permet donc des externalités positives pour les métropoles. Elle a également pour conséquence une contraction de l’espace temps, dans le sens où ces villes sont rapprochées les unes des autres par des moyens de transports ultra rapides. Les échanges d’informations, de données, et de capitaux par le biais des nouvelles technologies, engendrent également une interdépendance entre les îles de cet archipel. Cette interdépendance se mesure également dans une convergence de l’action publique à l’échelle européenne. En effet, dans la production de la ville, un modèle de métropole européenne émerge notamment par rapport aux directives de l’Union Européenne en matière de développement durable. Les travaux d’Alistair Cole sur le sujet montrent qu’il y a une convergence en matière d’action publique dans de nombreux domaines, il en distingue quatre formes : - Le mécanisme de l’apprentissage - Le mécanisme de la compétition - Le mécanisme du mimétisme - Le mécanisme de la coercition

Tandis que nous avons déjà largement développé le processus de compétition, le mimétisme et la coercition se rapportent à une imitation des bonnes pratiques. Ainsi, en matière de développement, les villes ont tendance à s’inspirer de leurs concurrents directs ou des villes qui ont une influence sur elles. Cela aboutit à une convergence des formes, et parfois à une normalisation de la métropole européenne. Ce principe est critiqué par certains comme étant une perte d’identité et un renoncement aux coutumes locales.

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2.2.1.2 Des villes qui perdent leur singularité ?

Ce qui différencie les villes européennes des autres villes du Monde réside dans leur patrimoine urbain. Le vieux continent abrite, en effet, des villes anciennes de plusieurs centaines d’années, qui se sont bâties au fur et à mesure des siècles. Cet héritage est propre à chacune d’elles. La métropolisation constitue-t-elle donc une réelle menace pour le patrimoine ? D’un point de vue des formes, force est de constater qu’il existe une certaine convergence. Ce mimétisme, même si les « starchitectes » le nieront, est caractéristique des réalisations de tours. Chaque métropole et chaque architecte veut se démarquer par des formes ambitieuses ou des bâtiments avant-gardistes. Ainsi, la tour SwissRe de Londres (figure 8) dessinée par Norman Foster, fut le premier gratte-ciel construit dans le Londres du XXIème siècle. Ses 180 mètres furent inaugurés en 2004, devenant ainsi la plus haute tour de Londres jusqu’à la construction de The Shard (Renzo Piano). La tour de Foster, surnommée The Gherkin (le cornichon) par les Londoniens, est devenue un emblème de la City et de la ville de Londres en général. Elle se distingue par sa forme arrondie, qui lui procure un aérodynamisme qui favorise son auto-ventilation. Ses concepteurs la qualifient d’ailleurs de premier gratte-ciel écologique du Royaume-Uni. Parallèlement, Jean Nouvel lance la construction de la tour Agbar à Barcelone (144 mètres), qui reprend les courbes de la tour de Foster et devient rapidement le symbole du Barcelone moderne (figure 9). La ville, nous l’avons vu, n’a pas une volonté de grande hauteur aussi vive que ses homologues européennes. La tour Agbar, située sur une des deux diagonales du plan Cerdà, s’inscrit donc en plein centre ville, une dizaine d’années après la construction des tours des Jeux Olympiques (voir partie 2.1.2.1). Depuis, d’autres constructions de grande hauteur sont sorties de terre ou en phase de projet (Emporis), notamment sur le littoral. Cette évolution est pointée du doigt par Edgar Illas, qui craint une homogénéisation des modes de vie dans les métropoles européennes, ainsi qu’une perte de singularité. La défense du patrimoine face aux IGH est devenue la manière la plus courante de contester une homogénéisation des villes européennes. Certains groupes de citoyens militent pour le maintien des bâtiments traditionnels afin de conserver l’esprit historique de leur ville. Plusieurs exemples précédemment évoqués font état de ce type de comportements. Ainsi, la contestation des quartiers au nord de la City à Londres est relative à ce changement brutal de formes urbaines (APPERT, DROZDZ, 2010). La Bishopsgate de Londres fait le lien entre un tissu de maisons en brique et les tours de la City (figure 10), et les habitants militent pour le maintien de cette vie de quartier, notamment à travers la cause du Light Bar, lieu apprécié dans le quartier et qui occupait un bâtiment historique (APPERT, DROZDZ, 2010). On peut aujourd’hui lire sur le site internet du bar, sur fond noir : « Après 14 années le Light a fermé pour libérer la place à un quartier de

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tours. Merci à tous pour votre soutien10 » Cette fermeture, qui a eu lieu en mars 2014, permet au projet de l’entrepreneur Hammerson de débuter ; en juillet 2015 aucun travaux n’était cependant en cours.

Figure 8 et 9 : Tour Agbar (Barcelone) et Tour SwissRe (Londres)

Source : Q. DURET, Barcelone, 2015 Nigel Young, Londres Figure 10 : Broadgate Tower, 201 Bishopsgate

Source : Q. DURET, Londres, 2015

10 « After 14 years the Light has closed down to make way for a tower block. Thank you everyone for your support. » source : http://www.thelighte1.com/

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La stratégie mise en place par la ville de Francfort est une combinaison entre préservation du patrimoine et urbanisme vertical. Nous avons déjà évoqué l’effort d’intégration qui est consenti, mais la municipalité ne s’arrête pas là. Elle a fait le choix de remplacer des bâtiments construits dans les années 1960 par des maisons à colombages traditionnels dans le centre ville (KAROLYI, 2007). Il semble donc possible, à l’instar de Francfort, d’allier développement vertical durable et spécificités locales. Ce travail m’a conduit à visiter un certain nombre des villes prises en exemple,et aucune n’a à ce jour perdu de son authenticité. Chacune, à travers son histoire, a une interpétation différenciée du développement responsable. Nous avons abordé les dimensions économiques et sociales de la durabilité dans la mesure où verticaliser revient à modifier ces deux composantes. Cependant, les constructions de grande hauteur ont également un impact environnemental important. Elles sont souvent dénoncées pour cet aspect, malgré les récents efforts consentis par les architectes et constructeurs.

2.2.2 Verticaliser à tout prix ?

Les expériences passées ont conféré à la tour un caractère énergivore, un coût de construction élevé, et l’usage de matériaux polluants. Il a aussi été montré que la destruction d’une tour ou sa rénovation sont des opérations très coûteuses, ce qui constitue un handicap certain pour faire évoluer le bâtiment. Nous nous intéresserons dans ce chapitre au coût réel des IGH et aux solutions apportées pour les intégrer dans une dimension plus durable.

2.2.2.1 Coût de construction d’une tour, coût environnemental

Les premières tours, notamment nord américaines, étaient construites à partir d’acier et de pierre, à l’image de l’Empire State Building, et elles constituent une première génération de gratte-ciels. Toute la deuxième moitié du XXè siècle a vu s’ériger des structures de verre soutenues par des armatures métalliques, qui définissent la tour contemporaine (FERRIER, 2007). Une tour durable du XXIè siècle peut-elle consituer une troisième génération ? Les constructions en hauteur rencontrent des contraintes que ne connaissent pas les bâtiments moins hauts. En effet, ces structures doivent faire face au contreventement et à la stabilité au feu (GOTTESDIENER, 2007). La tour est soumise à la pression du vent, qui est un paramètre important à prendre en compte lors de leur conception. Plus elle s’élève et plus les contraintes de ce dernier sont fortes, il induit un mouvement d’oscillation qui doit être contrebalancé par la 46

structure même de la tour ou par un système de pendule à l’intérieur de celle-ci (Tour Taipei 101). Les tests de maquettes en soufflerie ont permis depuis quelques années de diversifier les formes des IGH et de maitriser les pressions qui s’exercent sur les façades. Comme nous l’avons déjà évoqué, la tour Swiss Re de Foster à Londres utilise cette force pour s’autoventiler. Le second paramètre à prendre en compte est justement la maîtrise de la température interne du bâtiment. La façade de verre qui habille l’essentiel des gratte-ciels est souvent critiquée, car elle conduit à une sur- consommation énergetique pour refroidir la tour. Un rapport du Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB) fait état que « Du fait de leurs configurations, et leurs profondeurs de plateaux, les tours se caractérisent notamment par de fortes dépenses en climatisation, ventilation et éclairage » (CUENOT, 2009). Cette profondeur de plateau pose une autre contrainte par rapport au code du travail français. Celui-ci oblige les entreprises à fournir de la lumière naturelle à l’ensemble des postes de travail (RIGAUD, 2015). Ainsi, le cœur de la tour est généralement utilisé pour les conduits techniques, escaliers et ascenseurs, et il représente près de 30% de la surface de chaque plateau. Les évolutions technologiques permettent aujourd’hui d’améliorer les performances énergétiques des tours, pour stimuler ces recherches des récompenses ont été mises en place aux échelles nationale et internationale. Il n’est dorénavant plus rare de voir des tours équipées de panneaux photovoltaïques ou d’éoliennes, à l’instar de la CIS Tower de Manchester quasi intégralement couverte de panneaux, devenant le plus gros producteur d’énergie solaire de Grande Bretagne. La ville de Paris a, dans ce cadre là, mis en place des objectifs concernant la consommation des IGH. L’objectif selon la DRIEA en 2012 étant de dépasser les standards du label «BBC-effinergie», il a été fixé à 50 kwh/m²/an (Mairie de Paris, 2007). Des efforts sont encore à faire dans le sens où les tours traditionnelles ont une charge énergétique de 300 à 400 kWh/m²/an, contre 200 pour les immeubles haussmanniens. Même si l’on est encore loin de ces objectifs affichés, des améliorations sont en cours, car les derniers projets proposés annoncent des consommations d’environ 180 kWh/m²/an (RIGAUD, 2015 concernant la tour Triangle). Ces « Green Buildings » (DGUHC, 2007) ont naturellement un coût de construction plus élevé que les bâtiments standards, cependant la DGUHC souligne que sur le long terme les coûts de fonctionnement sont nettement inférieurs, et qu’on « constate une amélioration du bien-être des occupants », deux composantes économiques à entrer dans l’équation du coût total de l’édifice. Malgré le fait que les tours de bureaux représentent la majorité des IGH en Europe, la tendance actuelle est le retour des tours d’habitation (Londres, Milan), ou plus innovant encore, des tours mixtes (Londres, Lyon, Paris). Ainsi, bien que cette mixité soit un pas en avant vers un développement plus durable, n’y a-t-il pas de conséquences à travailler ou à vivre à 200 mètres au dessus du sol ? Certains auteurs se sont intéressés à la question, bien qu’aucune véritable étude sociologique n’ait été réalisée.

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2.2.2.2 Vivre en hauteur, les conséquences d’un nouveau mode de vie

Tandis que de nombreux architectes et urbanistes promeuvent la construction de tours d’habitation pour redensifier des quartiers stratégiques, Thierry Paquot pose la question de « la tour pathologique ». Dans son ouvrage La folie des hauteurs, 2008, il développe l’exemple des tours de bureaux qui culminent aujourd’hui à plus de 300 mètres, et dénonce « des sentiments de vertige, une certaine claustrophobie, des maladies de la circulation du sang » (PAQUOT, CHAPELLE, 2009). Ces pathologies sont appelées sick building syndrome, et font l’objet d’études de plus en plus nombreuses. Les univers artificialisés ne fonctionnant qu’à l’aide de l’air conditionné sont montrés du doigt. L’air y est en général très sec et peut causer des troubles chez les gens qui y travaillent (BURGE, 2004). Afin d’éviter le sentiment d’enfermement qui peut émaner de ce microcosme, de plus en plus d’architectes étudient leurs projets pour qu’il y ait la possibilité d’ouvrir les fenêtres. Cela permet ainsi une aération naturelle et un contact avec l’extérieur de la tour. Concernant l’habitat, en France, les tours d’habitation ne dépassent guère les 100 mètres quand à Londres plusieurs réalisations vont bien au- délà, à l’image de Pan Peninsula à Canary Wharf et ses 147 mètres (Figure 11) ou du projet Maine Tower,commercialisé en Juillet 2015 et qui a vu les appartements de ses 41 étages se vendre en quatre heures (The Guardian, 2015). De telles hauteurs rendent forcément les résidents dépendants de services tels que les ascenseurs, et ces derniers se retrouvent rapidement isolés de l’activité de la ville qui se trouve quelques dizaines de mètres plus bas. C’est pourquoi de plus en plus de tours intègrent des parcs suspendus et des espaces de loisirs, pour les enfants notamment. Ce mode de vie, que l’on pourrait qualifier de nouveau, n’est pas sans rappeler les projets fonctionnalistes des années 1960 où le toit servait à abriter écoles et autres services, comme la cité radieuse marseillaise. Il semble cependant évident que pour rendre ce mode de vie plus durable que celui proposé par l’urbanisme de dalle d’après guerre, il faille proposer des gratte-ciels mixtes qui associent fonction résidentielle et fonction tertiaire. Le tout doit être ancré non pas au sol mais à la rue, cet espace de communication entre l’intérieur et l’extérieur de la tour étant primordial. La tour ne doit plus se dresser comme un totem, isolée, mais doit faire partie de la ville connectée que sont les métropoles européennes du XXIème siècle.

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Figure 11 : Pan Peninsula, Londres : Programme résidentiel de grande hauteur

Source : Londres, Q. DURET, 2015

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Conclusion de partie

Ce chapitre s’appuie sur des exemples de développement de cinq métropoles europeénnes, à savoir Barcelone, Francfort, Londres, Milan et Paris ; les trajectoires politiques et les choix de planification ont conditionné l’interprétation du développement durable promu par les conférences internationales et par l’Union Européenne. Celui-ci s’impose comme un thème transversal qui s’applique aussi bien au niveau local qu’au niveau global. Ainsi, dans un contexte de mondialisation, les villes doivent proposer un développement multiscalaire, pour d’une part répondre aux enjeux nationaux voire internationaux, et d’autre part assurer une continuité dans l’évolution de la ville. Pour mener à bien ce processus, toutes les métropoles se sont dotées de documents de planification à moyen et long termes. Le développement durable est un processus qui s’inscrit dans le temps et qui doit intégrer une stratégie d’ensemble pour les agglomérations. Nous avons vu que la verticalisation est un point de débat important dans la plupart des villes étudiées. Elle suscite des oppositions citoyennes (Londres, Paris), politiques, et idéologiques (Barcelone). Certains ne l’associent qu’à la matérialisation du capitalisme, tandis que d’autres y voient une réelle opportunité de développement. Nos exemples montrent que concernant la tour de bureaux, il est indéniable que le prestige du gratte-ciel existe. Cependant, l’urbanisme vertical apporte une réelle plus-value en termes d’externalités positives pour les entreprises. La proximité des réseaux informationnels, les transports, l’aménagement des plateaux, et le marketing, en sont des exemples significatifs. A propos des tours résidentielles, les municipalités sont encore un peu frileuses, sans doute à cause des mauvaises expériences du passé (Front de Seine, Les Olympiades). Cependant, des projets novateurs se développent tout de même, Bosco Verticale à Milan ou encore la ZAC Masséna à Paris. Les architectes et urbanistes prévoient une nouvelle génération de tours, moins consommatrices d’énergie, et qui s’intègrent au tissu existant. En termes de durabilité, il est évident que la tour doit s’ouvrir sur son environnement, elle peut prétendre à être une solution d’avenir, à condition d’être accessible (Francfort). Cette accessibilité peut encore être améliorée dans le cas où la tour propose une mixité fonctionnelle. Elle devient ainsi un nœud du réseau urbain, et participe à l’activité qui définit la ville.

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III. Part-Dieu 2030 : un nouveau souffle pour le quartier ?

Le quartier de la Part-Dieu est le centre administratif et d’affaires de la ville de Lyon. Celle-ci se place au deuxième rang des villes françaises, derrière Paris. Le quartier s’organise autour de la gare, qui permet de rallier la capitale en deux heures depuis 1981. Il fut érigé au cours des années 1960 dans l’optique de donner un nouvel élan de développement à la ville. Au début des années 2000, la municipalité observe que la Part-Dieu n’est plus en adéquation avec les enjeux de l’époque, et un premier projet de rénovation est engagé. Depuis l’élection de Gérard Collomb en 2008, le développement du quartier est devenu l’un des objectifs principaux de la ville. Nous verrons dans ce chapitre comment a évolué cet espace, de sa conception à son nouveau plan de développement, et de quelle manière la ville de Lyon justifie les projets de grande hauteur, dans un discours globalement tourné vers le développement durable.

3.1 Le projet Delfante, entre ambition et utopie

Charles Delfante, architecte-urbaniste, fut missionné par le ministère de l’Equipement en 1961 pour élaborer le Plan d’Aménagement et d’Organisation Générale de la région lyonnaise (PADOG). Au même moment, il rejoint la direction de l’urbanisme de la ville de Lyon, qui est en charge de la reconstruction du centre- ville, autrement dit du développement de la Part-Dieu. Il fait paraitre en 2009 une autobiographie à travers laquelle se dessine l’évolution du quartier. Il fait part du travail accompli, mais aussi des regrets qu’il peut éprouver en tant que premier planificateur du projet.

3.1.1 Faire de la Part-Dieu le nouveau centre de la ville – qu’en est-il ?

Le premier plan de développement de la Part-Dieu prévoit d’en faire le nouveau centre de Lyon, et à plus grande échelle, le centre de toute l’agglomération. Il se situe sur la rive gauche du Rhône, au cœur du 3ème arrondissement, il occupe donc une position stratégique par rapport à l’aire urbaine lyonnaise.

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3.1.1.1 Des débuts compliqués pour le nouveau « centre- ville »

Le quartier de la Part-Dieu est, depuis la moitié du XVIIIème siècle, une caserne militaire. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la municipalité de Lyon décide de racheter les terrains à l’administration militaire, de manière à mettre à profit cette opportunité foncière. La transaction est finalement officialisée en 1957, et les bâtiments de la caserne sont démolis. Charles Delfante est, dès lors, nommé à la tête du projet « Part-Dieu ». L’ambition de son équipe est de faire de la Part-Dieu un nouveau centre, notamment décisionnel, culturel, et économique. Elle prévoit donc d’y faire construire des bâtiments publics pour augmenter son attractivité et favoriser l’investissement privé. Pour commencer, comment parler de la Part-Dieu sans évoquer l’architecture fonctionnaliste des années 1960-1970 ? Ainsi, le nord du quartier a commencé sa transformation avec l’opération de l’architecte Jean Zumbrunnen, qui a réalisé deux barres de logements entre 1962 et 1965, en lieu et place de l’ancienne cité Rambaud. Ces bâtiments hauts de 53 mètres respectent parfaitement les concepts fonctionnalistes de Le Corbusier, ils proposent une séparation des flux piétons et automobiles, sont proportionnés par le modulor, et se trouvent en retrait de la rue (figure 12). Appelés aujourd’hui résidence Moncey Nord, ils ont récemment été classés « patrimoine du XXème siècle. » (MILLENAIRE 3). Ces deux résidences sont les vestiges du premier plan directeur de la Part-Dieu, qui préconisait déjà une mixité des fonctions. Parallèlement, Charles de Gaulle souhaite mettre fin à la suprématie parisienne et crée la Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale (DATAR), qui identifie huit métropoles d’équilibre, dont Lyon- St-Etienne-Grenoble. Cette logique décentralisatrice amène Charles Delfante et André Malraux, alors ministre de la culture, à développer une nouvelle offre culturelle de la ville à travers de grandes infrastructures. La Bibliothèque Municipale de Lyon (BML) et l’auditoriumvont d’ailleurs naitre de ce projet. Pour gérer le développement de la ville, la Société d’Equipement du Rhône et de Lyon (SERL) est créée à la fin des années 1950. C’est elle qui a acquis les terrains de la Part-Dieu, et qui gère son aménagement. Cependant, « la société d’équipement, […] rencontre d’infinies difficultés pour vendre les terrains, se voit contrainte de lancer la construction d’un immeubles de bureaux pour initier le mouvement : le PDG. » (DELFANTE, 2009). Le PDG, « Part-Dieu Garibaldi », d’une hauteur de 66 mètres, devient ainsi la première tour de bureaux en 1971, et est située , en face de ce qui deviendra l’auditorium quatre années plus tard. Le démarrage de la partie tertiaire du quartier s’avère compliqué, et au début des années 1970, seuls les immeubles résidentiels de la rue du Lac et de la rue Desaix, respectivement 51 et 54 mètres, sont construits. Des bâtiments administratifs, comme le siège de la Courly11

11devenu Grand Lyon puis Métropole de Lyon en 2015

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et le siège de France Télévision, s’installent également dans le quartier. L’ambition de Delfante n’est cependant pas comblée, il rêve avec Zumbrunnen et Monin d’une architecture « très verticale et [qui] réclame des hauteurs d’immeubles importantes, car [ils sont] convaincus que le caractère « directionnel » ne peut être exprimé que par le volume. » (DELFANTE, 2009).

Figure 12 : Résidence Moncey Nord de Jean Zumbrunnen

Source : Lyon, Q. DURET, 2015

Le projet n’a pas pris l’ampleur attendue par Delfante, et il dénonce le fait qu’il soit « en quelques sorte devenu un lotissement [où] chacun pouvait disposer de son droit de propriété pour faire ce qu’il voulait sur le terrain » (DELFANTE, 2009). La Part-Dieu se présente dès lors comme un patchwork architectural, mêlant les inspirations du brutalisme, notamment avec la coque béton de l’auditorium, et du post-modernisme, avec le retour des ornements et la tour Signal (1977). Les réalisations contemporaines permettent néanmoins au quartier de constituer le témoin étonnant de cinquante années d’architecture. C’est justement au cours des années 1970 que le rythme de construction va s’intensifier, et même si le plan prévu n’est que partiellement suivi, le quartier se diversifie et se dynamise. Il faudra cependant attendre 1983, soit deux ans après l’arrivée du TGV, pour que la gare Lyon-Part-Dieu ouvre ses portes. Nous verrons dans la suite de ce travail de quelle manière les acteurs ont joué dans la modification du projet et dans les choix qui ont finalement été faits. L’histoire du quartier explique les difficultés d’aujourd’hui, et la nécessité

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de travailler sur un plan d’ensemble, à l’inverse de ce qui a été fait lors du développement initial du secteur.

3.1.1.2 D’un urbanisme politique à un « urbanisme financier »12 Comme cela a été expliqué précédemment, des plans d’ensemble du quartier de la Part-Dieu ont été produits. Cependant, le contexte économique a orienté le projet dans une autre direction. « En résumé, d’un côté les tenants d’un urbanisme traité avec soin dans un esprit humaniste, de l’autre, les « bâtisseurs » et tous les « lobbies » qui donnent carte blanche à leurs architectes, n’ayant aucun souci de la ville et de ses habitants. » (DELFANTE, 2009). Il est ainsi nécessaire de revenir sur l’implantation du centre commercial, qui a nettement conditionné les opportunités de développement du quartier. Une proposition de centre commercial est formulée en 1968, elle prévoit alors un espace de 20 000 m², mais ce chiffre est rapidement revu à la hausse pour maximiser la rentabilité, et passe à 70 000 m². L’architecte du centre commercial, Régis Zeller, va finalement conclure sur une surface de vente de 110 000 m² après un voyage aux Etats-Unis13 (Régis ZELLER, 2015), et le centre commercial est inauguré en 1975. Cette augmentation est symptomatique de ce que dénonce Delfante, c'est-à-dire une prise de distance par rapport au plan initialement dessiné afin de tirer un meilleur profit de l’opération. Ce redimensionnement du centre commercial coupe la dynamique est-ouest prévue dans le quartier, jusqu’à forcer la rue Servient à passer en dessous de l’édifice. L’accès piéton y est quasi impossible, d’où la nécessité d’envisager une dalle pour permettre les déplacements à pieds. L’idée première d’irriguer le quartier avec des transports en commun est finalement abandonnée au profit d’un « tout pour la bagnole » (DELFANTE, 2009). Cette logique a fait de la rue Garibaldi à l’ouest, et du boulevard Vivier-Merle à l’Est, des axes difficilement franchissables. Un système de passerelles (aujourd’hui démoli) avait été mis en place rue Garibaldi pour permettre la connexion vers l’ouest. Les rêves de centre-ville se sont définitivement envolés pour Charles Delfante quand les espaces prévus pour les places publiques, les espaces verts, et les espaces récréatifs, ont commencé à être largement utilisés par les promoteurs pour accroitre le taux de rentabilité. Il dénonce d’ailleurs le fait que les architectes se soient affranchis des documents d’urbanisme sans que personne ne leur fasse remarquer, et que les investisseurs aient menacé d’abandonner les projets le cas échéant. Ces pressions exercées par un certain nombre d’acteurs ont abouti selon lui à « un chaos architectural ». Cependant, même si selon Delfante le quartier n’a jamais atteint son objectif de devenir le nouveau centre-ville, le dynamisme impulsé par son projet fait prendre à la Part-Dieu une importance non négligeable dans la stratégie métropolitaine de la

12 Expression empruntée à Charles Delfante dans son ouvrage Part-Dieu, le succès d’un échec. 13 Propos recueilli lors de la conférence « Genèse du quartier de la Part-Dieu » dans le cadre du festival Lyon City Design, 25 mars 2015

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ville de Lyon. Les changements de gouvernement et de politique territoriale du début des années 1970 ont notamment été pénalisants pour la ville de Lyon, et l’intégralité des équipements prévus n’a pas pu être réalisée. Néanmoins, la construction de la tour Signal, nommée par la suite tour du Crédit Lyonnais, puis tour Part-Dieu ou encore baptisée Le Crayon par les habitants de la ville, a donné un nouvel élan au quartier, tout comme l’ouverture de la gare en 1983. 3.1.2 Le dynamisme d’un quartier éclaté

La Part-Dieu connait donc un démarrage compliqué, et la structure du quartier est bien différente de celle projetée en 1961. Celle-ci, qui voyait toute l’agglomération graviter autour d’un noyau moderne et fonctionnel, s’est faite happer par les lois du marché. Néanmoins, la réalisation de la première, et longtemps la seule, tour de plus de 100 mètres, a permis de relancer l’attractivité d’un quartier qui peinait, dans les tourments des crises pétrolières, à attirer les investisseurs.

3.1.2.1 La tour Part-Dieu et la gare comme catalyseurs

La tour de la Part-Dieu est conçue par Araldo Cossutta, alors associé au cabinet de I M Pey, architecte mondialement reconnu qui fait figure de spécialiste de la grande hauteur (figure 13). Cette tour est voulue dans le plan initial comme « inscrivant dans le paysage un signal à la manière des clochers, beffrois ou campaniles de nos villes anciennes, signifiant qu’alentours, au pied du signal, « il se passe quelque chose ». » (DELFANTE, 2009). Elle est imaginée en cylindre afin de se différencier de ce qui se faisait ailleurs à la même époque, et pour reprendre l’esthétique d’un phare. La couleur emblématique de la tour doit rappeler les teintes des palais du vieux Lyon, qui avaient marqué l’architecte lors de sa venue dans la capitale des Gaulles. Il y a donc eu une volonté d’intégrer le bâtiment dans son environnement à travers sa forme, le choix de ses matériaux, et sa couleur. Nous pouvons estimer aujourd’hui que ces choix furent judicieux, car la tour est devenue le symbole même de la ville, que les habitants se sont approprié au fil du temps. De plus, à son inauguration en 1977, elle propose l’hôtel le plus haut d’Europe, qui s’établit dans les huit derniers étages de la tour. Le bar-restaurant au 32ème étage permet aux lyonnais et aux touristes d’observer la ville sous un nouvel angle, et le gratte-ciel intègre ainsi une mixité fonctionnelle entre bureaux, hôtel, et restaurant. Il est considéré à l’époque comme une construction avant-gardiste. Comme cela a précédemment été dit, la hauteur de son toit à 144 mètres équivaut à l’altitude de la Basilique de Fourvière, ce qui établit un dialogue entre les deux édifices. Cette intégration est d’autant plus nette que le surnom que lui ont donné les lyonnais a aujourd’hui était institutionnalisé. Le terme « le Crayon » fait aujourd’hui partie de la culture populaire lyonnaise au même titre que les traboules du Vieux-Lyon. Cette image est due à la pyramide de verre qui surplombe l’édifice, conçue par Stéphane 55

du Château, et qui alimente les dix derniers étages de la tour par un puits de lumière. Cette construction a permis d’apaiser les tensions qui existaient autour du projet général de la Part-Dieu. L’objectif d’en faire un point de repère dans la ville a aussi été atteint. La tour a donné plus de visibilité au quartier et a encouragé la construction d’autres IGH, comme la tour EDF la même année, ou la tour Swiss Life en 1990. D’autre part, les ouvertures de la ligne de métro et de la gare de la Part-Dieu ont accéléré l’intégration du quartier au reste de la ville. Les flux de voyageurs rapidement générés par la gare ont fait de la Part-Dieu un quartier incontournable de l’agglomération lyonnaise. La ligne de métro a quant à elle permis de générer des flux piétons en désengorgeant les axes routiers. Cependant, l’implantation de la gare résulte d’un combat acharné entre la municipalité et la SNCF. Cette dernière a refusé à la fin des années 1960 le projet de station ferroviaire sur l’ancienne gare de triage, qui coupait le quartier de toutes connexions avec l’Est, et notamment avec Villeurbanne. Le changement de municipalité de part et d’autre de la gare en 1977, avec l’arrivée à la tête de Lyon de Francisque Collomb, et de Charles Hernu à Villeurbanne, a permis de rebattre les cartes. Ces évènements, combinés à l’inauguration de la LGV Paris-Lyon en 1981, ont conduit à l’ouverture de la gare de la Part-Dieu en 1983. Malgré les critiques formulées aujourd’hui à son encontre, elle a constitué un des centres névralgiques du quartier dès sa mise en fonction. Quelques 120 000 personnes y transitent chaque jour, faisant d’elle la plus grande gare en dehors de la région parisienne (l’Express, 2013). Quant à la ligne B du métro, elle fut mise en service en 1978, et était alors composée de trois stations entre Charpennes et Part-Dieu, permettant ainsi de rallier la presqu’ile (Ligne A) depuis la Part-Dieu. La ligne B fut prolongée dès 1981 vers Jean Macé, au centre du 7ème arrondissement. Ce nouveau réseau urbain de métros fut complété par un vaste réseau de tramways au début des années 2000. Ainsi, au début des années 1980, l’essentiel du quartier est urbanisé, son développement ralenti, et les premiers problèmes d’usage se manifestent. Une exception, cependant, est la construction de la tour Swiss Life en 1990, initialement conçue avec une hauteur de 120 mètres, et qui s’élève finalement à 82 mètres après restriction du conseil municipal de Michel Noir. Force est de constater que l’essentiel du développement de la Part-Dieu est antérieur au début des années 1990, qui correspond notamment à la réelle prise de conscience environnementale. Ce qui fit défaut dans la conception de ce projet fut la vision à plus long terme, qui devait prendre en compte la mutabilité possible de l’espace et des usages. Le quartier de la Part-Dieu, qui se voulait très moderne au moment de sa construction, est resté figé dans le temps. Il était d’ailleurs, avant son redéveloppement, devenu davantage le témoin d’une période révolue que l’emblème d’un dynamisme actuel. De plus, le Schéma Directeur de l’Agglomération Lyonnaise (SDAL) préconisait au début des années 1990 un nouveau développement de l’aire urbaine. Cette nouvelle stratégie s’appuyait sur un réseau de polarités nouvelles telles que Gerland, la cité internationale, ou Confluence à plus long terme (Agence d’Urbanisme de Lyon (1), 2009). 56

Figure 13 : Tour Part-Dieu (164 m)

Source : Lyon, Q. DURET, 2015

3.1.2.2 La place de la Part-Dieu dans la nouvelle configuration urbaine

La logique de développement de l’agglomération lyonnaise a beaucoup changé avec la mise en place du Schéma Directeur de l’Agglomération Lyonnaise (SDAL) « Lyon 2010 » en 1992. Il remplace le SDAU élaboré quatorze ans plus tôt, et prépare au SCoT, qui devait être préparé pour 2010. Le contexte économique se traduit par une nette diminution de la prospérité d’après guerre. Cela oblige la municipalité à inverser la logique qui était à l’œuvre jusqu’alors. Il n’est plus question d’encadrer le développement de l’agglomération, mais de le stimuler et de retrouver une certaine attractivité. De plus, au même moment, une concurrence entre

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les villes s’installe, notamment avec la généralisation des transports à grande vitesse (avion, TGV). Le SEPAL et l’Agence d’Urbanisme ont produit en 1988 un document de synthèse intitulé « Lyon 2010 : un projet d’agglomération pour une métropole européenne ». Ce travail a directement conduit à l’élaboration du SDAL. D’un point de vue méthodologique, cette nouvelle planification cherche à associer davantage l’ensemble des parties-prenantes au développement de l’agglomération. Ainsi, des réunions publiques de concertation sont organisées et reçoivent un succès inattendu. Pour la première fois, les citoyens jouent un rôle dans l’élaboration du futur de leur ville. Cet intérêt nouveau est stimulé par une campagne de marketing territoriale, la première pour la ville de Lyon. Elle consiste en une vaste opération de communication autour du devenir de l’agglomération, des objectifs visés et des améliorations notables. Depuis, cette stratégie est toujours utilisée par les pouvoirs publiques, l’opération « Part-Dieu 2030 » a été parfaitement scénarisée et est, de ce fait, très suivie par les Lyonnais. Le SDAL, qui préconisait un développement polynucléaire de l’agglomération, distingue différentes zones sur lesquelles une attention particulière doit être portée : le centre-ville, les plaines de l’est, les plateaux et coteaux ouest, le val de Saône par exemple. Cette logique plus métropolitaine a permis à certains quartiers de la ville de trouver un nouveau dynamisme. Gerland est ainsi devenu un territoire d’innovation regroupant de nombreuses entreprises pharmaceutiques. Le quartier, récemment nommé « BioDistrict Lyon-Gerland » (Lyon Capitale, 2015), se place aujourd’hui à la pointe du domaine en France et en Europe. Il regroupe près de 5000 emplois et est associé avec Lyonbiopôle, centre de rang mondial en matière de recherches médicales. Le développement de Gerland s’est ainsi fait davantage sur un modèle de campus, les sièges sociaux des entreprises pharmaceutiques, souvent accompagnés de laboratoires ne dépassant pas les dix étages. D’autre part, la Cité Internationale, opération réalisée par Renzo Piano, est lancée en 1992 comme nouveau centre de congrès et d’hôtellerie haut de gamme. Le projet peine à se terminer, et les difficultés financières rencontrées expriment le manque d’attractivité du lieu. Ainsi, ce qu’on aurait pu considérer comme un concurrent direct de la Part- Dieu en termes de services n’en est finalement qu’un satellite. Car la Part-Dieu est devenue non pas le centre-ville dont rêvait Delfante, mais peut-être bien le centre de l’agglomération, un espace de transit et de commerces, parfois de culture, voire de loisirs. En ce sens, le quartier montre rapidement ses limites, il est facilement engorgé, le système de dalles rend compliqué le déplacement des piétons (effet inverse de ce qui était pourtant espéré), et il manque cruellement d’espaces verts. Le SDAL, dans une approche plus durable que les précédents documents de planification, prévoit de « réaliser une grande politique de qualité de l’environnement pour améliorer les conditions d’habitat » (AUTRAN, 2008). L’élection de Charles Hernu en 1977 à la mairie de Villeurbanne a également conditionné le développement de l’axe est-ouest. L’élaboration du SDAU entre 1988 et 1992 a ainsi constitué une première en termes de gouvernance urbaine. Ce sont les élus qui ont joué le rôle principal, appuyés par les équipes techniques de la COURLY et de 58

l’Agence d’Urbanisme, nouvellement créée. Cette configuration d’acteurs, intégrant également les usagers et des professionnels, a fait figure d’exemple pour de nombreuses agglomérations (AUTRAN, 2008). Le passage d’un urbanisme règlementaire à un urbanisme stratégique, qui plus est consensuel, donne une plus grande crédibilité à la classe politique, et permet le développement d’un projet global pour l’agglomération. Ce document a depuis grandement inspiré l’actuel SCoT « Lyon 2030 », adopté en 2010.

Le projet de Charles Delfante, défini en 1968, a subi de nombreuses modifications, et n’a pas forcément permis au quartier d’acquérir ce rôle de centre- ville initialement projeté. Cependant, son développement en a fait une force vive de l’agglomération. La Part-Dieu rayonne à l’international grâce à son nom et à son histoire. Elle a désormais toute sa place dans l’histoire urbaine de la ville, car elle offre malgré tout un nombre de services considérable, et de nombreux exemples d’architectures remarquables. L’échec que Delfante dénonce a permis une prise de conscience de la classe politique, il s’agit d’envisager une prospective plus flexible et plus stratégique. C’est sans doute en référence à cela que l’on peut parler du « succès d’un échec », car il a mené à une réflexion complète sur la manière de produire l’action publique en urbanisme. Cette étude historique du quartier nous a quelque peu éloignés du cœur de notre recherche. Elle m’a cependant paru nécessaire pour comprendre l’actuel développement de la Part-Dieu. Le projet aujourd’hui en cours de réalisation s’appuie sur un renouvellement du quartier en termes d’offres de bureaux et de logements, et sur une revitalisation des espaces publics (squares, places, rues). Il est alimenté de manière transversale par une logique de développement durable, dans laquelle doit s’inscrire l’intégralité des programmes retenus. A la lumière des enseignements tirés des autres cas européens, nous questionnerons la pertinence de la politique suivie aujourd’hui par la municipalité de Lyon et le Grand Lyon.

3.2 L’avenir de la Part-Dieu et sa pertinence dans une dimension européenne

L’avenir de la Métropole de Lyon (depuis 2015) pose question. Jamais le processus de construction de la ville de demain n’a autant rassemblé. A l’instar de l’édition du mois de Juin du magazine Lyon Capital qui titrait « 2 Milliards pour la nouvelle Part-Dieu », ou l’organisation récente de la deuxième édition du forum Lyon City Design, l’urbanisme du quartier est au cœur de l’intérêt des politiques d’une part et des citoyens d’autre part. La rénovation du quartier fut l’un des chevaux de bataille de Gérard Collomb dès sa première campagne en 2001, et c’est finalement au cours de son deuxième mandat que le projet actuel de la Part-Dieu s’est dessiné, appuyé par l’élaboration du Scot « Lyon 2030 ». 59

3.2.1 Quel lien entre le développement durable du quartier et la verticalisation ?

La deuxième partie de l’antenne vient d’être posée par hélicoptère, et la tour Incity atteint sa hauteur finale de 200 mètres, elle devient ce 21 Juin 2015 le plus haut édifice de la capitale des Gaules. Cet IGH, construit en lieu et place de l’ancienne Tour UAP, envoie un nouveau signal après celui de 1977. Le renouveau de la Part-Dieu avait débuté avec la construction de la tour Oxygène (110 mètres), sur la dernière parcelle disponible du quartier, et son ouverture en 2010. De plus, d’importants travaux de voieries ont été entrepris, ils amorcent un changement de paradigme dans la conception du quartier. (Plan en annexe)

3.2.1.1 Densification et rationalisation de l’espace

Le projet « Part-Dieu 2030 » vise à redensifier le quartier à travers la construction de programmes de logements et de bureaux respectueux de l’environnement, et en connexion avec le quartier. Ainsi, avec une échéance en 2030, le projet prévoit de doubler la surface de bureaux pour atteindre les 1,6 millions de m², et il planifie la construction de quelques 2200 logements. Il couvre une superficie de 72 ha et est géré par la Société Publique Locale (SPL) Lyon Part-Dieu (figure 14). Le dossier de concertation de la ZAC Part-Dieu ouest concentre ses objectifs sur : - Les mobilités durables - Rendre le quartier encore plus agréable à vivre - Conforter l’attractivité économique par le développement d’une nouvelle offre immobilière

Certains bureaux ou espaces se sont révélés obsolètes avec l’évolution de la société et des normes architecturales, ainsi la tour UAP était déjà vide depuis le milieu des années 1990 quand elle a été rachetée par la société Sogelym-Steiner en 2006. La tour Incity construite à son emplacement s’élève désormais à 200 mètres, et le dernier étage étant situé à 154 mètres de hauteur, elle permet de doubler la surface de bureaux de l’ancienne tour. Le nouvel édifice a été racheté par la Caisse d’Epargne Rhône-Alpes, et la moitié du bâtiment sera occupée par la SNCF. Il s’inscrit dans une démarche développement durable en devenant selon le constructeur « La première tour BBC de centre ville en France ». La promotion de la tour se fait également sur cet axe : « ces performances exemplaires garantissent la maîtrise et la réduction des impacts environnementaux du projet. Le projet Incity se veut une référence en termes de développement durable. » (Tour Incity, 2013). La tour a ainsi obtenu la certification BREEAM, référence mondiale en termes de bâtiments à impact environnemental réduit. Il est annoncé une consommation de 90 kWh/m²/an, soit 50% de moins que ce qui a été envisagé pour la Tour Triangle à 60

Paris (cf 2.2.2.1). Au-delà de l’aspect technique qui semble ici avoir fait l’objet de recherches poussées, un bémol est à mettre sur l’intégration de la tour. En effet, elle jouxte les Halles Paul Bocuse, institution lyonnaise depuis leur ouverture, mais n’offre aucune connexion directe avec celles-ci. Il n’est, de plus, pas prévu que des commerces s’installent en pieds de tours, seul un restaurant d’entreprise permettra aux usagers de la tour de se rencontrer. Les retours d’expériences ont montré que, pour éviter une image de « tour d’ivoire », il était nécessaire d’offrir une interface entre l’intérieur et l’extérieur de l’IGH.

Figure 14 : Périmètre de projet de Lyon Part-Dieu

Source : Jacques Leone - Itemcorporate - RFF - Gares et connexion - AREP - l’AUC- CITEC / JANVIER 2015 61

Par ailleurs, de nombreux projets tertiaires fleurissent, à l’image de Sky 56 (56 mètres), qui verra le jour de l’autre côté de la voie ferrée à proximité des nouvelles archives départementales, et Silex 1 et 2 formeront un complexe de bureaux accolé à l’actuelle tour EDF. En intégrant cette dernière, qui subira de fait une rénovation, le projet tire partie de ce qui fait la particularité de la Part-Dieu. Le mélange des styles architecturaux peut permettre d’afficher une continuité dans l’évolution du quartier. Une opération mixte comprenant des commerces, de l’habitat, et des bureaux, a également été lancée à proximité directe de Silex. Ce projet est réalisé là encore en écho avec la barre Desaix, en cours de rénovation. La Part-Dieu passe ainsi d’un urbanisme de dalle à un urbanisme en îlot, qui permet davantage de communication entre les bâtiments et le développement d’espaces publics arborés. Cette dernière opération est coordonnée par l’architecte Christian De Portzamparc. En termes de rationalisation de l’espace, un important travail a été réalisé sur les mobilités. Nous avons vu dans ce travail que la grande hauteur n’a véritablement un sens que lorsqu’elle est connectée à un réseau viable de transports. Elle génère des flux qui doivent être rapidement absorbés par ce réseau. Il était ainsi nécessaire de revoir l’accessibilité de la gare et de l’ensemble du quartier par les modes doux (piétons et cyclistes). La rue Garibaldi a subi les premières transformations, passant d’une quasi autoroute urbaine à une rue à taille humaine, qui permet à chaque usager d’y trouver sa place. De plus, de vastes espaces publics ont été, et vont être aménagés, notamment aux abords du centre commercial, sur l’îlot Desaix et à proximité de la gare.

3.2.1.2 Créer une nouvelle urbanité à la Part-Dieu

Le quartier de la Part-Dieu a longtemps été boudé par les Lyonnais, un certain nombre d’équipements y était devenu obsolète, et les grandes dalles le rendaient froid et peu accueillant. Mais le quartier dispose tout de même d’une certaine notoriété, le nom évoquant à la majorité des habitants de l’agglomération le centre commercial ou la gare. L’appropriation est cependant faible, ce qui permet à la municipalité de créer une image autour du projet, une image qui remplacera davantage des préjugés que de véritables sentiments. Ainsi, couplée au travail de rationalisation de l’espace évoqué précédemment, la démarche communicationnelle autour du projet participe à la création d’un nouvel imaginaire collectif du quartier. La volonté de mener une politique d’aménagement transparente limite les contestations. A ce jour, elle reste essentiellement politique, à travers le collectif « Ensemble 69 ! », créé à l’initiative des élus du front de gauche en course pour la mairie du 3ème arrondissement en 2014 (DUMAS, 2015). Les riverains et usagers sont cependant amenés à prendre la parole lors des réunions publiques, ainsi qu’à la maison du projet. Tandis que le Grand Lyon et la SPL Lyon Part-Dieu assurent prendre en compte les avis qui leur sont transmis, il m’a été confié lors d’entretiens 62

informels avec des représentants du projet que ce sont finalement les aspects économiques et politiques qui primeraient dans les décisions finales. Les dispositifs de concertations réglementaires ont bel et bien été mis en place dans une démarche de développement durable, mais ils n’ont peut être pas encore atteint l’impact attendu.

Le SDAL proposé en 1992 mettait en œuvre la première stratégie de marketing territorial. Depuis, la mécanique est bien huilée, et « ONLY LYON » est devenu une marque censée faire rayonner la ville à l’international, à l’image du célèbre « I LOVE NY » ou encore « I’AMSTERDAM ». Dans cette logique, la Part- Dieu fait elle aussi l’objet d’une stratégie de communication, dont l’objectif est de donner vie au quartier. Les travaux sont mis en scène, l’avancement du projet est largement documenté, et la maison du projet propose une maquette interactive, ainsi que de nombreuses animations 3D dont le rendu ne peut que séduire le visiteur. La volonté des pouvoirs publics est de faire de la Part-Dieu un véritable centre de vie, ainsi, la scénographie urbaine est très importante. L’architecture des nouveaux bâtiments construits se veut ambitieuse, à l’instar de « Cloud 15 », dessiné par Christian De Portzamparc, architecte à la renommée mondiale. Les bâtiments doivent faire l’écho d’une nouvelle manière de concevoir la ville pour faire de la Part-Dieu un quartier moderne et attractif. Un important travail de renouvellement aura également lieu sur la gare, qui, comme présenté précédemment, constitue le centre névralgique du quartier. Ce pôle multimodal au centre de l’agglomération régule le fonctionnement du quartier tout entier. Ainsi, après la démolition du bâtiment B10 place Charles Beraudier, la gare devrait s’ouvrir davantage vers le boulevard Vivier-Merle. La restructuration du hall, avec la construction de Two Lyon (170 mètres), devrait faire de la gare un nouveau symbole dans le ciel lyonnais. D’ailleurs, dans un souci d’inscrire le projet Part-Dieu 2030 dans le temps, un important travail est réalisé sur le paysage urbain et sur le skyline de la ville. Tandis que Gérard Collomb annonçait vouloir redessiner la silhouette des Alpes avec les gratte-ciels de la Part-Dieu, il aura au moins redessiné celle de la ville. L’image est aujourd’hui reprise, notamment pour la promotion de la tour Incity (figure 15). Tout comme la tour oxygène, le complexe Two Lyon offrira un espace commercial en rez-de-chaussée. Celui-ci sera directement connecté au hall de gare pour permettre un mélange des flux et une meilleure mixité des fonctions commerciale, tertiaire et hôtelière. La mixité est définitivement le cœur de la stratégie mise en place par la municipalité pour donner à ce projet une véritable dimension durable. Les projets deviennent de plus en plus concrets, mais seuls des retours d’expériences dans les années à venir permettront d’évaluer la pertinence des choix faits.

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Figure 15 : Promotion de la Tour Incity, skyline de Lyon

Source : Tour Incity, www.tour-incity.com

Nous avons montré que, de manière générale, ce projet est relativement consensuel. Cependant, le réaménagement de la gare fait débat entre les spécialistes, et certains projets, comme celui de la tour Eva, ne verront sans doute jamais le jour. Le tableau idyllique dessiné par la maitrise d’ouvrage cache certaines zones d’ombre dues à des ambitions qui dépassent la viabilité du projet.

3.2.2 Part-Dieu 2030, une nouvelle utopie ?

Les planificateurs actuels ont-ils des ambitions trop élevées, comme cela a été le cas pour le projet de Delfante ? L’attractivité de la ville permettra-t-elle d’attirer suffisamment d’investisseurs pour mener le projet à bien ? Y a-t-il pour les entreprises un réel intérêt à s’installer à la Part-Dieu, ou son potentiel est-il surestimé ? Autant de questions auxquelles nous ne pouvons que partiellement répondre. Les éléments à notre disposition nous permettent cependant de dresser, non pas un premier bilan, mais un état des lieux du rapport entre objectifs et réalisations.

3.2.2.1 Le développement durable, un surcoût à ne pas négliger

Depuis son lancement, le développement durable constitue le fer de lance du projet Part-Dieu. Gérard Collomb en donne sa définition en 2011 :

« La ville contemporaine, celle que nous construisons à Lyon, nous la voyons d’abord comme le lieu des échanges, des rencontres, des pauses, de la beauté et du plaisir. Et la Part-Dieu en sera le plus bel exemple. »

Pour revenir sur l’essence même du concept de durabilité, rappelons qu’il s’articule autour de trois thématiques : l’économie, le social et l’environnement. 64

Concernant la Part-Dieu, c’est la première qui a conditionné son redéveloppement. L’un des moteurs du développement est de proposer une nouvelle offre tertiaire afin de placer la métropole au rang européen. Cependant, comme le paradigme a évolué, cette tertiarisation du quartier ne peut se faire seule. Elle est donc accompagnée d’une volonté de recréer de la mixité en désenclavant les équipements existants d’une part. D’autre part, nous avons vu que d’un point de vue environnemental, la plupart des nouveaux projets sont certifiés par des labels écologiques, et qu’un soin particulier sera apporté aux espaces verts. L’ensemble de ces dispositions aboutit nécessairement à des surcoûts par rapports à une architecture plus classique, ou un traitement moins soigné des espaces publics. Lyon Capital avance, dans son édition de juin 2015, que le secteur public aurait déjà engagé la somme de 660 millions d’euros pour un investissement du secteur privé d’un milliard d’euros. Ce projet est donc largement soutenu par des fonds publics à travers la SPL Lyon Part-Dieu, qui est maître d’ouvrage. Force est de constater que la municipalité n’a jamais perdu la main sur l’aménagement de la Part-Dieu, car lors de son développement initial, le maître d’ouvrage était la SERL, qui est une Société d’Economie Mixte (SEM). Concernant la restructuration de la gare, l’opération est réalisée conjointement avec la SNCF, RFF, la Région, et l’Etat, mais la répartition de l’investissement, estimé à 300 millions d’euros, n’a pas encore été donnée (SPL Lyon Part-Dieu, 2015). D’autre part, le quartier de la Part-Dieu s’inscrit désormais dans une démarche smart-city en partenariat avec d’autres métropoles européennes. Il s’agit de développer des outils intelligents pour une meilleure gestion de la ville, en termes de ressources, de services ou d’échanges. Lors d’une conférence dans le cadre du salon professionnel POLLUTEC en décembre 2014, les représentants du Grand Lyon affirmaient avec ambition pouvoir maintenir la consommation électrique du quartier à un niveau proche de l’actuel, d’ici 2030. Seulement, le plan de développement prévoit la construction de quelques 600 000 m² de bureaux, soit une augmentation de 60% de la surface aujourd’hui disponible. De nouveaux systèmes de chauffages urbains ont notamment été évoqués, ainsi que des bâtiments faibles consommateurs d’énergie (à l’instar de la tour Incity). Cependant, ma question, sur les moyens dont dispose le secteur public pour contraindre le privé à investir dans le HQE, ou à entreprendre des rénovations sur l’ancien, est restée sans réponse. Nous pouvons nous interroger sur la faisabilité technique, mais surtout financière, des objectifs énergétiques affichés par le Grand Lyon. Il semble évident que cet argument rentre dans la stratégie marketing censée attirer les investisseurs, mais il parait pour le moins très, voire trop, ambitieux. Comme pour tout projet urbain d’envergure de maitrise d’ouvrage publique, l’objectif premier est d’attirer des capitaux privés pour décharger la collectivité du poids total de l’investissement. Le parti-pris pour le quartier de la Part-Dieu est celui de la durabilité, de la ville des courtes distances, de l’hyper-centralité. Ces arguments seront-ils suffisants pour mener à bien l’ensemble du projet ?

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3.2.2.2 Investissement et attractivité : l’importance de la quantification des besoins

L’investissement est un processus lié à la conjoncture, et malgré les efforts consentis par les pouvoirs publics, les résultats ne sont pas toujours présents. De nombreux exemples peuvent être trouvés dans les villes précédemment étudiées. A Londres notamment, la tour Pinnacle, dont le chantier a été arrêté en 2012 sur fond de crise économique, vient d’être rachetée par la société française AXA qui va y construire son nouveau siège (L’Express, 2015). Ainsi, à la Part-Dieu, malgré le lancement de projets de bureaux et de logements, les ambitions ont déjà été revues à la baisse. Un représentant de la SPL m’a confié que les tours prévues (et représentées sur la maquette du projet) à la place et autour de l’actuelle tour Swiss Life avaient été abandonnées, faute d’investisseurs. La Part-Dieu est aujourd’hui le deuxième quartier d’affaires de France après celui de la Défense en région parisienne. Son dynamisme et son attractivité ont été prouvés par de récentes études (figure 16). Lyon se situe à la troisième place derrière Paris et sa région pour l’investissement de bureaux, loin devant les autres villes de province.

Figure 16 : Zones les plus recherchées pour l’investissement en 2014

Source : Ernst & Young, Baromètre du marché de l’investissement immobilier Perspectives françaises et européennes 2014

La Programmation Pluriannuelle d’Investissements (PPI) 2015-2020 de la métropole lyonnaise votée le 6 juillet 2015 fait état d’un budget total d’investissement de 3,5 milliard d’euros réparti en plusieurs enveloppes. Le développement économique (623 millions d’euros) et la voirie/ déplacements/ mobilité/ modes doux (1 milliard d’euros) représentent les deux plus gros postes de dépenses. La Part-Dieu, avec 600 millions (voire 1 milliards) d’euros d’investissements projetés, capte près de 20% de l’investissement total. Ces chiffres montrent la volonté politique de faire du quartier la nouvelle centralité 66

métropolitaine. L’engagement du secteur public se traduit également par l’engagement de sociétés anonymes à capitaux publics (EDF, Keolis), ou d’Etablissements Publics Industriels ou Commerciaux (SNCF) dans les projets de grandes hauteurs. Keolis a ainsi intégré la tour Oxygène en 2010, tandis que la SNCF décentralise la gestion des TER de Paris vers la tour Incity, et que le premier occupant supposé de Two Lyon serait EDF (Lyon Capitale, 2015). Cela peut s’expliquer par les coûts de location dans ces IGH. Il en coûtera entre 310 et 315 euros le m²/an pour s’installer dans la tour Incity, et entre 270 et 285 euros le m² dans la tour Oxygène, quand le montant moyen à la Part-Dieu est de 220 à 230 euros le m² par an. Le quartier reste cependant très en dessous des moyennes parisiennes, le loyer moyen à la Défense étant compris entre 450 et 550 euros par m² par an. L’ambition initialement affichée d’attirer des sièges sociaux d’entreprises internationales s’est délitée au profit d’une stratégie plus réaliste face à l’attractivité parisienne. La métropole mise aujourd’hui davantage sur les services techniques et financiers des grandes entreprises. Elle cherche surtout à proposer une offre équilibrée de services et de logements, pour rendre la ville attractive de manière globale. François Gaillard, directeur général d’OnlyLyon Tourisme et Congrès, interrogé par Lyon Capitale, nous explique que la comparaison de Lyon avec d’autres villes européennes comme Barcelone ou Birmingham n’a pas réellement de sens, car Lyon cherche à se développer « à sa manière, à la lyonnaise, en construisant ses propres spécificités ». En effet, le redéveloppement de la Part-Dieu a cela de particulier qu’il est unique, car il cherche à tenir compte de l’existant en s’adaptant aux nouvelles contraintes des métropoles du XXIème siècle. Il me semble que la volonté ne peut en aucun cas être blâmée, tant elle est respectueuse du site. L’avenir nous dira, en revanche, si les attentes des politiques ont été comblées en termes d’attractivité et de retombées pour la ville.

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Conclusion de partie

Le rapide retour sur l’historique de la Part-Dieu nous a permis de saisir les enjeux auxquels sont confrontés les politiques et techniciens aujourd’hui. Le quartier a été victime de l’ambition démesurée de ses concepteurs. Le projet de quasi ville- nouvelle en plein cœur de l’agglomération a abouti à un lotissement peu attractif. Tandis qu’aucune cohérence n’a pu être trouvée entre les réalisations architecturales, les mobilités, et les services, le quartier a cessé d’évoluer jusqu’à ne plus faire l’objet d’aucune planification. Ce sont justement les documents d’urbanisme qui vont permettre le renouveau de la Part-Dieu. Au début des années 2000, en prévision du SCoT de 2010, des premiers axes de transformation sont évoqués par le candidat- maire Gérard Collomb. Ses trois élections successives ont permis une stabilité politique, dans laquelle le projet Part-Dieu 2030 a pu s’inscrire. De plus, l’agglomération lyonnaise a fait figure de précurseur, lorsqu’en janvier 2015, l’EPCI « Grand Lyon » change de statut pour devenir la Métropole de Lyon. Le projet Part- Dieu est alors un des enjeux principaux de la politique menée par la collectivité. L’un des partis-pris de ce développement est l’augmentation de 60% de la surface de bureaux. Ce choix stratégique doit se faire à travers la construction de bâtiments de grande hauteur. Il est également question de redynamiser le cadre de vie en favorisant les mobilités douces, en construisant et rénovant des logements, et en passant par un traitement qualitatif des espaces publics. L’ensemble du projet est, de plus, guidé par une démarche de développement durable. Elle s’applique aux nouvelles constructions et à la gouvernance mise en place, mais doit surtout aboutir à une mixité des fonctions et des usages au sein du quartier. Ainsi, à ce stade du projet, l’ambition de la métropole semble en relative adéquation avec les capacités de développement de la Part-Dieu. Cependant, l’investissement public est déjà conséquent, alors que des projets majeurs comme la reconfiguration de la gare n’ont pas encore débuté. Pour que la réalisation soit définitivement réussie, il est nécessaire que l’ensemble du plan prévu puisse être réalisé.

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Conclusion générale

L’ensemble de ce travail permet de dresser un état des lieux de l’action publique relative au développement de la grande hauteur en Europe. Bien que les métropoles semblent être liées à un sentier de dépendance, inhérent à chaque tradition nationale, en matière d’urbanisation, nous pouvons constater une sorte de convergence vers un modèle de ville-globale. Au-delà même des frontières européennes, la ville verticale, née aux Etats-Unis, s’est répandue sur l’ensemble de la planète. Le vieux continent, qui fut longtemps un modèle de développement, notamment pour les pays du sud, se démarque aujourd’hui par le décalage qui existe entre les villes européennes et les métropoles du monde entier. Dans un premier temps, c’est l’histoire urbaine européenne qui conditionne le développement actuel des villes. En effet, le processus d’industrialisation, et les reconstructions d’après guerres, ont façonné leur structure urbaine. Nous avons montré qu’en France, le mouvement fonctionnaliste et les principes de la Charte d’Athènes ont conduit à une diabolisation de la grande hauteur. Les principales réalisations empruntes à ce mouvement sont aujourd’hui montrées du doigt comme étant responsables de ségrégation sociale d’une part, et constituant des barrières à la rationalisation des espaces publics d’autre part. Malgré le fait que des politiques publiques aient été mises en place pour leur rénovation, ce modèle a, en quelque sorte, condamné l’habitat collectif en tours et en barres. C’est pourquoi, aujourd’hui, la construction de gratte-ciels est associée aux firmes multinationales, qui ont choisi cette forme urbaine pour se représenter sur la scène mondiale. Ce choix permet de comprendre la dimension hautement symbolique de la tour. Depuis le mythe de la tour de Babel, l’Homme n’a cessé de vouloir construire en hauteur. Que ce soit dans un but religieux ou militaire, les civilisations qui nous précèdent ont su utiliser les progrès techniques pour gagner la « course vers le ciel ». Cette expression, empruntée à Clarisse DIDELON, traduit fort justement les enjeux concurrentiels sous-jacents à cette volonté d’élévation. Quand le clergé faisait bâtir des cathédrales, il était question de se rapprocher du ciel, de magnifier la sainteté du lieu, mais aussi de montrer sa puissance et sa richesse. La hauteur comme symbole de pouvoir se retrouve tout au long de sa propre histoire, et il serait incorrect de nier l’impact de cette composante sur le développement des IGH. En effet, la compétition a débuté entre les villes de Chicago et de New-York, qui débattent aujourd’hui encore sur la paternité du premier gratte-ciel. Cette compétition s’est rapidement étendue vers l’Europe, où les pouvoirs publics comme les sociétés privées ont cherché la reconnaissance de leurs paires. Cette quête de pouvoir est décrite par certains comme la conséquence de la société capitaliste, et au-delà de la dénonciation du fonctionnement du système urbain, c’est la structure entière de la société qui en est l’objet. C’est en ce sens que la question de la verticalité dépasse la simple

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considération architecturale, et s’inscrit davantage dans un débat politique, ou du moins politisé. Dans un deuxième temps, l’étude de cinq villes européennes au bassin de vie de plus d’un million d’habitants nous a apporté des éléments de réponse sur les logiques mises en place pour associer développement durable et grande hauteur. Nous avons fait le choix d’une approche thématique, traitant successivement : l’intégration, la planification, la mise en réseau, et l’aspect technique. Il a ainsi été possible de conduire une réflexion plus analytique que comparative en s’appuyant sur les exemples qui nous paraissaient les plus emblématiques. Force est de constater qu’un travail plus approfondi sur chacune des villes permettrait d’étoffer la réflexion initiée ici. Notre étude nous a montré que, malgré une certaine convergence en matière de formes, chacune des villes trace sa propre trajectoire urbaine. Par ailleurs, les différents cas prouvent qu’aujourd’hui verticalité et développement durable ne sont pas des concepts antinomiques. Il devient même récurrent que les deux soient parfaitement associés. Le caractère innovant, le respect de l’environnement, et la bonne intégration d’un bâtiment deviennent, au même titre que sa hauteur, des critères de compétition. Cette concurrence est entretenue par les pouvoirs publics qui se saisissent du pouvoir des documents d’urbanisme pour développer leur vision d’un urbanisme durable. Cette stratégie se fait parfois au détriment des mouvements contestataires. Ces derniers ont cependant gagné en légitimité grâce aux dispositifs participatifs désormais mis en place dans la plupart des grands projets d’agglomérations. Il est donc censé en ressortir des décisions plus consensuelles, prises par une pluralité d’acteurs. Malheureusement, le poids du politique et des savoirs techniques semblent encore prévaloir sur une complète production citoyenne de la ville. Ainsi, dans de nombreux cas, le renouvellement du tissu urbain passe par une certaine verticalisation. Un important travail est fait pour intégrer les IGH dans le tissu existant et éviter de faire des tours, de vulgaires totems, inaccessibles et renfermés sur eux-mêmes. Les pieds de tours s’ouvrent aujourd’hui sur la rue pour permettre l’échange et la mixité. Cette mixité, qui est d’ailleurs l’une des composantes du développement durable, s’immisce désormais à l’intérieur des tours. Nous pensons que c’est dans cette composante que se trouve le réel avenir de la grande hauteur. Il ne s’agit là, non pas de rêver d’une ville verticale, mais de concevoir la tour comme un socle d’échange dense. Le gratte-ciel permet, en effet, de centraliser une grande quantité de services et de réseaux en un même point, et produit en ce sens des externalités positives pour ses occupants. Cependant, les capacités techniques dont nous disposons à ce jour induisent des coûts de construction et de maintenance très élevés pour les IGH. L’usage de matériaux innovants, ainsi que la recherche autour des phénomènes d’oscillations et de refroidissement, portent le coût du m² à une valeur bien supérieure à celle d’un bâtiment classique. L’engagement des experts dans ce domaine pousse à croire que des solutions, durables elles aussi, vont permettre de réduire ces coûts. Tous ces éléments nous ont permis de dresser une grille d’analyse aux regards de laquelle nous avons étudié le développement actuel du quartier de la Part-Dieu à Lyon. 70

Le quartier a un développement relativement récent, et au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la ville a racheté aux autorités militaires les terrains de la caserne de la Part-Dieu avec l’idée d’y fonder le nouveau centre-ville. L’équipe d’urbanistes dirigée par Charles Delfante a élaboré un plan d’ensemble comprenant des logements, ainsi que des infrastructures culturelles et administratives. Cependant, l’essence même du projet, qui était la centralité, n’a jamais été réellement atteinte. Le contexte et le manque d’attractivité ont transformé le quartier en un vaste lotissement, où la voiture tenait une place de choix. La Part-Dieu a ainsi fait l’objet d’une nouvelle planification depuis une dizaine d’années. L’objectif est de redonner vie au quartier à travers une démarche de développement durable. Le développement se concentre sur la mixité des usages, le gain d’attractivité, et le développement des modes doux. Ces logiques sont appuyées par une volonté politique de verticalisation, pour redensifier le quartier d’une part, et pour faire de Lyon une métropole européenne d’autre part. L’objet de ce travail était d’analyser, aux regards des expériences d’autres villes de même rang ou de rang supérieur, la politique mise en œuvre par la métropole de Lyon. Il en ressort que, au vu du marché immobilier lyonnais et de la volonté d’un développement polynucléaire, le développement vertical de la Part-Dieu doit se faire de manière globale. Il faut proposer une réponse qui soit relative à la demande sous peine d’essuyer un nouvel échec. Pour propulser la ville de Lyon au rang de métropole européenne, il sera nécessaire de s’inscrire dans une démarche globale et innovante. Pour ce faire, la Part-Dieu peut servir de témoin de l’attractivité de la ville au même titre que le quartier de Confluence, ou celui de Gerland. Mais pour que le redéveloppement du quartier soit une réussite, il est surtout nécessaire de permettre aux Lyonnais de se l’approprier. Ils doivent être, de ce fait, associer à la production de la cité. Nous avions posé comme hypothèse le fait que la verticalisation était vecteur de développement durable dans les villes européennes. Il est désormais certain qu’au vu de la typologie des centres et de la volonté politiques des villes, le renouvellement urbain passera par la construction d’IGH. Leur durabilité dépend dès lors de la planification et des règles qui sont mises en place. Néanmoins, pour gagner en attractivité, les investisseurs hésitent de moins à moins à concevoir des bâtiments moins consommateurs et plus intégrés. Ainsi, sans qu’elle soit la solution miracle à la crise urbaine que nous rencontrons, une verticalisation raisonnée apporte une réponse intéressante dans le redéveloppement des villes européennes. Ce choix n’a cependant de sens que s’il est associé au respect du tissu existant et qu’il ne modifie pas, mais se rattache, à ce qui fait la ville : l’urbanité. Ce travail est loin de prétendre à l’exhaustivité, et mériterait d’être complété par une étude plus approfondie sur le terrain. Il se base essentiellement sur une collecte de données qui, confrontées entre elles, permettent de décrypter les enjeux du développement urbain. Cette question ne trouvera jamais de réponse tranchée, car la ville se comporte comme un organisme vivant et évolue au rythme de la relation que l’habitant entretient avec l’urbain, très justement appelée « écologie urbaine » par l’école de Chicago.

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Tables des illustrations

Figure 1 : Soldes migratoires de 1968 à 2006 par catégorie d’espace…………………………… 17 Figure 2 : Bosco verticale Milan Mai 2015……………………………………………..……….. 22 Figure 3 : Jardins partagés à proximité de Bishopsgate………………………………………...... 32 Figure 4 : Uniformité et isolement du quartier d’habitation des Olympiades (Paris 13)………... 33 Figure 5 : Uniformité Mixité des formes urbaines à Francfort, la tour intégrée…………………. 36 Figure 6 : Canary Wharf, Londres : « Une ville dans la ville »………………………………….. 41 Figure 7 : Classement des villes selon leur richesse……………………………………………... 42 Figure 8 : Tour Agbar (Barcelone)……………………………………………………………….. 45 Figure 9 : Tour Swiss Ré (Londres)……………………………………………………………… 45 Figure 10 : Broadgate Tower, 201 Bishopsgate………………………………………………….. 45 Figure 11 : Pan Peninsula, Londres : Programme résidentiel de grande hauteur………………... 49 Figure 12 : Résidence Moncey Nord de Jean Zumbrunnen……………………………………… 53 Figure 13 : Tour Part-Dieu (164 m)……………………………………………………………… 57 Figure 14 : Périmètre de projet de Lyon Part-Dieu………………………………………………. 61 Figure 15 : Promotion de la Tour Incity, skyline de Lyon……………………………………….. 64 Figure 16 : Zones les plus recherchées pour l’investissement en 2014………………………….. 66

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Tables des annexes

Annexe 1 : Liste des acronymes…………………………………….…………………………… 78 Annexe 2 : Skyline des villes étudiées…………………………………………………..……….. 79 Annexe 3 : Plan de la Part-Dieu………………………………………………………………...... 82 Annexe 4 : Grille d’entretien Olivier Rigaud…………………………………………..………... 83 Annexe 5 : Grille d’entretien Manuel Appert ………………………………………………….... 84 Annexe 6 : Illustrations d’un modèle de métropole européenne...………………………….. 85

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Annexes Première annexe : Liste des acronymes

APUR : Atelier Parisien d’Urbanisme BBC : Bâtiment Basse Consommation BML : Bibliothèque Municipale de Lyon CICA : Le Comité d'Initiative et de Consultation d'Arrondissement COS : Coefficient d’Occupation des Sols DATAR : Direction d’Aménagement du Territoire DGUHC : Direction générale de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction DRIEA : Direction régionale et interdépartementale de l'équipement et de l'aménagement d'Île-de-France GLA : Great London Administration IAURIF : Institut d'aménagement et d'urbanisme d'Ile-de-France IGH : Immeuble de Grande Hauteur PGT : Governo del Territorio PLU : Plan Local d’Urbanisme POS : Plan d’Occupation des Sols SPL : Société Publique Locale SCoT : Schéma de Cohérence Territoriale SDAL : Schéma Directeur de l’Agglomération Lyonnaise SDAU : Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme SEPAL : Syndicat mixte d’Etudes et de Programmation de l’Agglomération Lyonnaise SRU : Solidarité et Rénovation Urbaine ZAC : Zone d’Aménagement Concerté

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Deuxième annexe : Skyline des villes étudiées

Paris, photo prise depuis le centre Pompidou

De gauche à droite on distingue, le quartier Front de Seine, la Tour Eiffel, le quartier de la Défense, le dôme de la Bourse de Commerce à l’avant plan et l’Eglise St-Eustache. Source, Q. DURET, 2015.

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Londres, photo prise depuis Canary Wharf

De gauche à droite on distingue, The Shard, The Walky Talky, The Cheesegratter, The Gherkin, Broadgate Tower. Un skyline redessinée par les grate-ciels de la City. Source, Q. DURET, 2015

Lyon, photo prise depuis l’esplanade de Fourvière

De gauche à droite, on distingue le dôme de l’opéra, les gratte-ciels de Villeurbanne, la Tour Incity, le tour Swiss Life, la tour Oxygène, le Crayon. Contraste entre la Part-Dieu et Presque-Ile. 80

Francfort, photo prise depuis le sommet de la Main Tower

De gauche à droite, on distingue, le quartier des banques, le quartier de la gare, en arrière plan le quartier du parc des expositions avec la Messe Tower (en pointe), au premier plan les tours jumelles de la Deutsch Bank.

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Troisième annexe : Plan de la Part-Dieu

Sources : Lyon Part-Dieu, Les essentiels de la Part-Dieu

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Quatrième annexe : Grille d’entretien Olivier Rigaud

L’entretien a eu lieu le samedi 18 avril à Paris, il n’a pas été enregistré. Il s’est présenté sous la forme d’un entretien semi directif. Les questions posées sont présentées ci-dessous.

1. Quel est votre rôle dans l’organisation et dans l’opposition à la tour Triangle ?

2. Pouvez-vous revenir sur les étapes clés du projet ?

3. Que pensez-vous de la durabilité d’un tel projet de tour ?

4. Vous décrivez un projet économiquement peu viable sans l’aide du public mais qu’en est-il de l’aspect environnemental ?

5. Quels sont les leviers politiques utilisés par la municipalité d’une part, et le collectif d’autre part ?

6. Comment construisez-vous votre contestation ?

7. Vous sentez-vous écouté, voire entendu ?

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Cinquième annexe : Grille d’entretien Manuel Appert

L’entretien a eu lieu le mercredi 22 avril à Lyon, il n’a pas été enregistré. Il s’est présenté sous la forme d’un entretien semi directif. Les questions posées sont présentées ci-dessous.

1. En quoi la verticalisation de la ville est aujourd’hui un nouvel enjeu urbain ?

2. Dans une perspective historique, peut-on considérer que la verticalisation a toujours été synonyme de modernité ?

3. Il y a-t-il à Londres, et en Grande Bretagne plus généralement, un apriori sur les IGH ?

4. Pourquoi avoir choisi Londres comme ville d’études ? Quelles en sont les dynamiques ?

5. Comment est reçue l’action publique en matière de grande hauteur ?

6. Quelles sont les formes de contestations vis-à-vis du développement de la ville ?

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Sixième annexe : Illustrations d’un modèle de métropole européenne

Canary Wharf à Londres. Sources : Q. DURET, 2015

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La Défense à Paris. Sources : Q. DURET, 2015

Quartier des banques à Francfort. Sources : Q. DURET, 2015 86

Quartier de la Part-Dieu à Lyon. Sources : Q. DURET, 2015

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