VETAGRO SUP CAMPUS VÉTÉRINAIRE DE LYON

Année 2013 - Thèse n°

CONTRIBUTION A L'ETUDE DU GARRA RUFA ET DE SON UTILISATION DANS L'ACTIVITE "FISH MASSAGE" : ANALYSE BIBLIOGRAPHIQUE ET RECHERCHE QUALITATIVE

THESE

Présentée à l’UNIVERSITÉ CLAUDE-BERNARD - LYON I (Médecine - Pharmacie) et soutenue publiquement le 21 novembre 2013 pour obtenir le grade de Docteur Vétérinaire

par

Pernelle Bucau Née le 07 septembre 1987 à Pertuis (84)

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LISTE DES ENSEIGNANTS DU CAMPUS VETERINAIRE DE LYON

Civilité Nom Prénom Unités pédagogiques Grade M. ALOGNINOUWA Théodore Unité pédagogique Pathologie du bétail Professeur M. ALVESDEOLIVEIRA Laurent Unité pédagogique Gestion des élevages Maître de conférences Mme ARCANGIOLI Marie-Anne Unité pédagogique Pathologie du bétail Maître de conférences Unité pédagogique Santé Publique et Vétéri M. ARTOIS Marc Professeur naire Unité pédagogique Anatomie Chirurgie (AC Maître de conférences M. BARTHELEMY Anthony SAI) Contractuel Mme BECKER Claire Unité pédagogique Pathologie du bétail Maître de conférences Unité pédagogique Pathologie morphologiq Maître de conférences M. BELLI Patrick ue et clinique des animaux de compagnie Contractuel Unité pédagogique Pathologie morphologiq Mme BELLUCO Sara Maître de conférences ue et clinique des animaux de compagnie Mme BENAMOUSMITH Agnès Unité pédagogique Equine Maître de conférences M. BENOIT Etienne Unité pédagogique Biologie fonctionnelle Professeur M. BERNY Philippe Unité pédagogique Biologie fonctionnelle Professeur Mme BONNETGARIN Jeanne-Marie Unité pédagogique Biologie fonctionnelle Professeur Unité pédagogique Anatomie Chirurgie (AC Mme BOULOCHER Caroline Maître de conférences SAI) Unité pédagogique Santé Publique et Vétéri M. BOURDOISEAU Gilles Professeur naire Unité pédagogique Santé Publique et Vétéri M. BOURGOIN Gilles Maître de conférences naire Unité pédagogique Biotechnologies et patho Maître de conférences M. BRUYERE Pierre logie de la reproduction Contractuel Unité pédagogique Biotechnologies et patho M. BUFF Samuel Maître de conférences logie de la reproduction M. BURONFOSSE Thierry Unité pédagogique Biologie fonctionnelle Maître de conférences Unité pédagogique Anatomie Chirurgie (AC Maître de conférences M. CACHON Thibaut SAI) Contractuel Unité pédagogique Pathologie médicale des M. CADORE Jean-Luc Professeur animaux de compagnie Unité pédagogique Santé Publique et Vétéri Mme CALLAITCARDINAL Marie-Pierre Maître de conférences naire Unité pédagogique Anatomie Chirurgie (AC M. CAROZZO Claude Maître de conférences SAI) Unité pédagogique Pathologie médicale des M. CHABANNE Luc Professeur animaux de compagnie Mme CHALVETMONFRAY Karine Unité pédagogique Biologie fonctionnelle Maître de conférences M. COMMUN Loïc Unité pédagogique Gestion des élevages Maître de conférences DE BOYER DES ROC Maître de conférences Mme Alice Unité pédagogique Gestion des élevages HES Stagiaire Mme DELIGNETTEMULLER Marie-Laure Unité pédagogique Biologie fonctionnelle Professeur Unité pédagogique Santé Publique et Vétéri M. DEMONT Pierre Professeur naire DESJARDINS PESSO Maître de conférences Mme Isabelle Unité pédagogique Equine N Contractuel Unité pédagogique Santé Publique et Vétéri Mme DJELOUADJI Zorée Maître de conférences naire Unité pédagogique Pathologie médicale des Mme ESCRIOU Catherine Maître de conférences animaux de compagnie Unité pédagogique Anatomie Chirurgie (AC M. FAU Didier Professeur SAI) Unité pédagogique Pathologie morphologiq Mme FOURNEL Corinne Professeur ue et clinique des animaux de compagnie M. FRANCK Michel Unité pédagogique Gestion des élevages Professeur Unité pédagogique Santé Publique et Vétéri M. FREYBURGER Ludovic Maître de conférences naire Mohamed- M. FRIKHA Unité pédagogique Pathologie du bétail Maître de conférences Ridha Unité pédagogique Anatomie Chirurgie (AC M. GENEVOIS Jean-Pierre Professeur SAI) Mme GILOTFROMONT Emmanuelle Unité pédagogique Biologie fonctionnelle Professeur M. GONTHIER Alain Unité pédagogique Santé Publique et Vétéri Maître de conférences

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naire Mme GRAIN Françoise Unité pédagogique Gestion des élevages Professeur M. GRANCHER Denis Unité pédagogique Gestion des élevages Maître de conférences Unité pédagogique Santé Publique et Vétéri Mme GREZEL Delphine Maître de conférences naire Unité pédagogique Biotechnologies et patho M. GUERIN Pierre Professeur logie de la reproduction Unité pédagogique Santé Publique et Vétéri Mme GUERINFAUBLEE Véronique Maître de conférences naire Unité pédagogique Pathologie médicale des Mme HUGONNARD Marine Maître de conférences animaux de compagnie Unité pédagogique Anatomie Chirurgie (AC M. JUNOT Stéphane Maître de conférences SAI) M. KECK Gérard Unité pédagogique Biologie fonctionnelle Professeur Unité pédagogique Santé Publique et Vétéri M. KODJO Angeli Professeur naire Unité pédagogique Santé Publique et Vétéri Maître de conférences Mme LAABERKI Maria-Halima naire Stagiaire Unité pédagogique Santé Publique et Vétéri M. LACHERETZ Antoine Professeur naire Mme LAMBERT Véronique Unité pédagogique Gestion des élevages Maître de conférences Mme LE GRAND Dominique Unité pédagogique Pathologie du bétail Maître de conférences Unité pédagogique Santé Publique et Vétéri Mme LEBLOND Agnès Professeur naire Mme LEFRANCPOHL Anne-Cécile Unité pédagogique Equine Maître de conférences M. LEPAGE Olivier Unité pédagogique Equine Professeur Mme LOUZIER Vanessa Unité pédagogique Biologie fonctionnelle Maître de conférences Unité pédagogique Pathologie morphologiq M. MARCHAL Thierry Professeur ue et clinique des animaux de compagnie Inspecteur en santé pu Unité pédagogique Santé Publique et Vétéri Mme MIALET Sylvie blique vétérinaire (ISP naire V) Maître de conférences Mme MICHAUD Audrey Unité pédagogique Gestion des élevages Stagiaire M. MOUNIER Luc Unité pédagogique Gestion des élevages Maître de conférences Unité pédagogique Santé Publique et Vétéri M. PEPIN Michel Professeur naire Unité pédagogique Pathologie morphologiq M. PIN Didier Maître de conférences ue et clinique des animaux de compagnie Unité pédagogique Pathologie médicale des Mme PONCE Frédérique Maître de conférences animaux de compagnie Unité pédagogique Anatomie Chirurgie (AC Mme PORTIER Karine Maître de conférences SAI) Unité pédagogique Anatomie Chirurgie (AC Maître de conférences Mme POUZOTNEVORET Céline SAI) Stagiaire Mme PROUILLAC Caroline Unité pédagogique Biologie fonctionnelle Maître de conférences Unité pédagogique Anatomie Chirurgie (AC Mme REMY Denise Professeur SAI) Unité pédagogique Anatomie Chirurgie (AC M. ROGER Thierry Professeur SAI) M. SABATIER Philippe Unité pédagogique Biologie fonctionnelle Professeur Unité pédagogique Anatomie Chirurgie (AC M. SAWAYA Serge Maître de conférences SAI) Unité pédagogique Anatomie Chirurgie (AC Maître de conférences Mme SEGARD Emilie SAI) Contractuel Unité pédagogique Santé Publique et Vétéri Mme SERGENTET Delphine Maître de conférences naire Unité pédagogique Anatomie Chirurgie (AC Maître de conférences Mme SONET Juliette SAI) Contractuel M. THIEBAULT Jean-Jacques Unité pédagogique Biologie fonctionnelle Maître de conférences Unité pédagogique Anatomie Chirurgie (AC M. VIGUIER Eric Professeur SAI) Unité pédagogique Pathologie morphologiq Maître de conférences Mme VIRIEUXWATRELOT Dorothée ue et clinique des animaux de compagnie Contractuel Unité pédagogique Santé Publique et Vétéri M. ZENNER Lionel Professeur naire

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REMERCIEMENTS

À Monsieur le Professeur Claude GHARIB, De la Faculté de Médecine de Lyon,

Qui nous a fait l'honneur d'accepter la présidence de notre jury de thèse Hommages respectueux.

A Madame le Professeur Denise REMY De VetAgro Sup, Campus Vétérinaire de Lyon,

Qui a bien voulu accepter d'encadrer cette thèse, Pour ses précieux conseils, son extrême gentillesse et sa grande disponibilité, Qu'elle trouve ici l'expression de notre sincère reconnaissance et de notre profonde admiration.

À Madame l’Inspecteur en Santé Publique Vétérinaire Sylvie Mialet, De VetAgro Sup, Campus Vétérinaire de Lyon,

Qui a eu la gentillesse d'accepter de participer à ce jury de thèse, Sincères remerciements.

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A ma famille A mes parents, Pour tout l'amour que vous m'avez donné, pour votre soutien, pour tout ce que vous m’avez appris et donné envie de découvrir. A toi maman, parce que tu es une personne merveilleuse qui m’a fait aimer la vie. A toi papa, parce que tu es quelqu’un d’extraordinaire qui m’a donné envie de réussir. Parce que sans vous je ne serais jamais devenue ce que je suis. Je vous dois énormément et ces quelques mots ne suffiront jamais à vous dire à quel point je vous remercie. Je vous aime. A mes grands-parents, à mon oncle et à ma tante, à Bernard, à mes cousins, à mes cousines, à Olivier, à Arsinoé et Sélène, à Alain, à Hélène.

À mes amis de longue date

A Crevette, parce que tu resteras toujours mon meilleur ami. A Benoit, mon marseillais adoré, pour les supers souvenirs que nous avons ensemble, pour l’immense plaisir que j’ai à partager des moments avec toi. A Cyrielle, ma caillette d’amour, pour ton enthousiasme, ton énergie et ton brin de folie. A Amélie et à sa nouvelle vie, à Justine et à Emilie, pour nos folles chevauchées et nos belles soirées, à mon autre Emilie pour nos blagues de collégiennes et notre connivence, à Balkis, à Suzy, à Blandine, à Raphaële, à Marilyn, à Odin, à Romain et à Cédric.

A mes amis vétérinaires

A ma Poulotte d’amour, Patricia, parce que je t’adore ! Pour tout ce qu’on a fait ensemble et pour tout ce qu’on continuera à partager. A Myriam, parce que tu es tellement toi, parce que tu as toujours été là pour moi. Tu me manques déjà ! A Choups et à Séverine, à notre amitié, à notre complicité et à toutes vos qualités ! A mon groupe de clinique de 4 A, Emilie, Aline et Joséphine, parce que vous avez été extra. Merci pour tout. A Alexandra, Jade, Pauline, Lauriane, Aline G. et à Alexandre.

A mon Nicolas parisien, pour toutes ces années où tu as été dans mes pensées. A notre avenir. Aux vétérinaires d’ici et d’ailleurs qui m’ont accueillie et m’ont fait partager leur passion. A « Aquarium Service France », aux membres du personnel des instituts « fish spa » visités et à toutes les personnes qui me sont venues en aide pour cette thèse, merci ! A tous les animaux qui ont fait mon bonheur. A Parmont et à Snoopy. A toutes les personnes qui ont fait partie de ma vie et sans qui je n'en serais assurément pas là aujourd'hui.

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TABLE DES MATIERES

LISTE DES FIGURES………………………………..…………………………………...... 9 LISTE DES TABLEAUX ……………..…………………………………………………………...... 13 LISTE DES ABREVIATIONS …….……………………………………………………...... 15 INTRODUCTION…………………………………………………………………………………….17

I. ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE………………………………………………………….19 1. Les principaux acteurs de l’activité « fish spa » : les poissons Garra rufa………...... 19 a. Taxonomie………………………………………………………………………...... 19 b. Origine et Répartition géographique……………………………………………...20 c. Description…………………………………………………………………………..22 d. Biologie et mode de vie…………………………………………………………….28 i. Habitat et mode de vie………………………………………………….....28 ii. Alimentation………………………………………………………………...29 iii. Reproduction……………………………………………………………….31 iv. Pathologies…………………………………………………………………32 e. Utilisation par l’homme et vertus……………………………………………….....34 i. Usage alimentaire……………………………………………………….....34 ii. Usage en aquariophilie……………………………………………………34 iii. Usage médical……………………………………………………………...34 iv. Usage esthétique et de loisir……………………………………………...43 2. Modalités de l’activité « fish spa »…………………………………………………………45 a. Description de la procédure d’ouverture d’un « fish spa »……………………..46 b. Description de l’installation « fish spa »……………………………………….....46 i. Fonctionnement général des bacs de « fish massage »………………47 ii. Bacs de « fish massage » pour les pieds……………………………….47 iii. Bacs de « fish massage » pour les mains………………………………49 iv. Baignoire intégrale…………………………………………………………49 c. Description des procédures d’entretien et de contrôle…………………………50 d. Description de la pratique de « fish massage »……………..…………………..52 e. Le bien-être des Garra rufa dans l’activité « fish massage»...... ……...... 57 i. Approche éthique…………………………………………………………..57 ii. Le bien-être par l’environnement…………………………………………58 iii. Le bien-être par l’alimentation…………………………………………….61 iv. Le bien-être par le comportement………………………………………..62 v. Le bien-être par la protection contre les maladies et la souffrance…..63 3. Les dangers sanitaires et les facteurs de risques associés aux « fish spas »…….....64 a. Évaluation des dangers sanitaires………………………………………………..64 b. Facteurs de risques spécifiques à la pratique de « fish massage »…………..67 i. Facteurs de risques liés à l'action exfoliante des poissons……………67 ii. Facteurs de risques liés aux Garra rufa………………………………....67 iii. Facteurs de risques liés aux contraintes inhérentes aux installations de « fish massage »…………………………………………………………………....68 iv. Facteurs de risques liés aux profils des usagers……………………....69

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c. Dangers sanitaires spécifiques liés à l’activité « fish massage »……………..70 i. Les virus humains…………………………………………………………70 ii. Les bactéries……………………………………………………………….71 iii. Les agents fungiques……………………………………………………..76 d. Recommandations pour limiter les problèmes sanitaires dans les « fish spas »………………………………………………………………………………………..77 i. Les locaux et les installations de l’établissement……………………...77 ii. La gestion de la qualité de l’eau…………………………………………77 iii. Les documents nécessaires……………………………………………..79 iv. Les incidents clientèle…………………………………………………….80 4. État des lieux de la situation et réglementation des « fish spas » en France et à l’étranger……………………………………………………………………………………………...81 a. Evolution en France et réglementation de l’activité « fish spa »……...... 81 b. État des lieux des pratiques et des recommandations à l’étranger…………...84 i. Europe………………………………………………………………………85 ii. Amérique du Nord………………………………………………………….88 iii. Moyen-Orient, Extrême-Orient et Afrique……………………………….88

II. ETUDE QUALITATIVE…………………………………………………………………91 1. Choix de la recherche qualitative………………………………………………………….91 2. Matériels et méthodes………………………………………………………………………94 a. Recueil des données ………………………………………………………………94 b. Echantillonnage……………………………………………………………………..95 c. Entretiens individuels………………………………………………...... 98 d. Méthode d'analyse………………………………………………………………….99 e. Techniques de vérification……………………………………………………….100 3. Résultats……………………………………………………………………………………102 a. Caractéristiques des instituts choisis……………………………………………102 b. Grilles d’analyses adoptées……………………………………………………...104 c. Résultats des interviews et de l’étude ethnographique……………………….106 4. Discussion …………………………………………………………………………………107 a. Discussion sur les matériels et méthodes …………………………………….107 i. Méthodes………………………………………………………………….107 ii. Choix de l’échantillonnage et spécificités des instituts visités……….108 b. Discussion sur les résultats………………………………………………………109 i. Spécificité des instituts : installation et développement………………110 ii. Fonctionnement des « fish spa »……………………………………….115 iii. Problèmes rencontrés par les professionnels…………………………117 v. Perception des clients……………………………………………………119 vi. Perception du personnel…………………………………………………124 5. Conclusion………………………………………………………………………………….126

CONCLUSION……………………………………………………………………………………...127 BIBLIOGRAPHIE…………………………………………………………………………………...129 ANNEXE…………………………………………………………………………………………….135

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LISTE DES FIGURES

Figure 1 : Garra rufa, (KARA C. et al.,2010). ………………………………………….………..20

Figure 2 : Sites répertoriés de prélèvements des Garra rufa, (JARVIS, 2011)……………....20

Figure 3 : Bacs destinés à l’élevage et à la reproduction des Garra rufa, « Aquarium Services France »……………………………………………………………………………………22

Figure 4 : Bacs de quarantaine des Garra rufa avant envoi en instituts, « Aquarium Services France »………………………………………………………………………………………………22

Figure 5 : Caryotype de Garra rufa (ERGENE GÖZÜKARA et ÇAVAŞ, 2004)……………..23

Figure 6 : Equation déterminant le poids des Garra rufa en fonction de leur longueur, (ABEDI et al., 2011)…………………………………………………………………………...... 23

Figure 7 : Différentes mesures effectuées sur les Garra rufa (KARA et al., 2010)…...... 25

Figure 8 : Vue ventrale de la bouche du Garra rufa, avec pli labial antérieur (FALF), pli labial postérieur (PLF), partie calleuse du disque (CPD), marge libre postérieure du disque (PFMD), (TEIMORI et al., 2011)……………………………………………………………………26

Figure 9 : Photographies au microscope électronique de l’organe adhésif du Garra rufa avec : A) pli labial antérieur (FALF), pli labial postérieur (PLF), B) partie calleuse du disque (CPD), C et D) marge libre postérieure du disque (PFMD), E) tubercules et pores sécréteurs dans la marge libre postérieure du disque ; F,G, H, I) tubercules glandulaires et épines kératinisées (KS); J) pores ouverts (OP) dans la partie rostrale du pli labial antérieur (TEIMORI et al., 2011)……………………………………………...... 27

Figure 10 : Carte de la Turquie et province de Sivas (CENTRAL INTELLIGENCE AGENCY, 2013)…………………………………………………………………………………………………..35

Figure 11: Plaque érythémato-squameuse et pustuleuse (LORETTE et SAMIMI, 2011)…………………………………………………………………………………………………..36

Figure 12 : Psoriasis en plaque du tronc (GUILLOT et GUILHOU, 2002)……………………36

Figure 13 : Plaques érythémato-squameuses de la face antérieure des jambes (LORETTE et SAMIMI, 2011)…………………………………………………………………………………….36

Figure 14 : Patient assis présentant des lésions de psoriasis lors d’ un traitement par les Garra rufa (GRASSBERGER et HOCH, 2006)…………………………………………………..40

Figure 15 : Différents facteurs intervenant dans la guérison du psoriasis au Kangal Fish Spring, (OZÇELIK et AKYOL, 2011)………………………………………………………………41

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Figure 16 : Trois patients avant et après un traitement de trois semaines par les Garra rufa et les UVA (GRASSBERGER et HOCH, 2006)…………………………………………………..42

Figure 17 : Trois bacs de « fish massage » pour les pieds (FISH’N FEET, Lyon)…………..44

Figure 18 : Bac de « fish massage » pour les pieds (DELALANDRE INSTITUT, Juan Les Pins)…………………………………………………………………………………………………...44

Figure 19 : Siège de « Aquarium Services France » (AQUARIUM SERVICES FRANCE, Dijon)………………………………………………………………………………………………….46

Figure 20 : Bac de « fish massage pour les pieds avec siège client et compartiment poissons (INSTITUT ALGANCE , Lyon)…………………………………………………………..48

Figure 21 : Bac de « fish massage » pour les pieds avec siège client et compartiment poissons (INSTITUT FISH’N FEET, Lyon)………………………………………………………..48

Figure 22 : Dessin de bac de « fish massage » pour les pieds de type 243L avec ses compartiments principaux (AQUARIUM SERVICES FRANCE,2013)…………………………49

Figure 23 : Différents compartiments de l’annexe technique d’un bac de « fish massage » pour les pieds (INSTITUT ALGANCE , Lyon)…………………………………………………….49

Figure 24 : Bac de « fish massage » sans son siège, prêt pour l’entretien (ALGANCE INSTITUT, Lyon)……………………………………………………………………………………..52

Figure 25 : Bandelettes utilisées pour les contrôles hebdomadaires des paramètres de qualité de l’eau des bacs de « fish massage » (ALGANCE INSTITUT, Lyon)………………..52

Figure 26 : Différentes étapes à respecter pour un soin de « fish massage »……………….53

Figure 27 : Site où ont lieu l’inspection, le nettoyage, la désinfection et le rinçage des pieds (FISH’N FEET, Lyon)………………………………………………………………………………..54

Figure 28 : Site où a lieu l’inspection, le nettoyage, la désinfection et le rinçage des pieds ( ALGANCE INSTITUT, Lyon)……………………………………………………………………….54

Figure 29 : Gel de désinfection et ses caractéristiques techniques tous deux fournis par « Aquarium Services France » (FISH’N FEET, Lyon)…………………………………………...56

Figure 30 : Poste de « fish massage » avec chaussons et serviette blanche lavables à haute température (ALGANCE INSTITUT, Lyon)……………………………………………………….56

Figure 31 : Source de dangers et risques sanitaires pouvant être rencontrés dans l’activité « fish spa », à partir des données disponibles concernant les piscines, bains à remous, pédicures et activité d’aquariophilie avec des poissons comparables aux Garra rufa (ANSES, 2013) (CONSEIL SUPERIEUR DE LA SANTE BELGE, 2013) (HEALTH PROTECTION AGENCY, 2011)……………………………………………………………………………………..65

Figure 32 : Lésions cutanées bilatérales dues à staphylococcus aureus (AN TAN et al., 2011)…………………………………………………………………………………………………..74

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Figure 33 : Différents thèmes et sous thèmes abordés lors des entretiens avec le personnel des « fish spa »……………………………………………………………………………………..104

Figure 34 : Différents thèmes et sous-thèmes abordés lors des entretiens avec les clients ayant expérimenté le soin de « fish massage »………………………………………………...105

Figure 35 : Différents thèmes et sous-thèmes abordés lors des entretiens avec les clients n’ayant pas expérimenté le soin de « fish massage »……………………………….…………106

Figure 36 : Offre promotionnelle proposée dans un « fish spa » (ALGANCE INSTITUT, Lyon)…………………………………………………………………………………………………113

Figure 37 : Publicité pour un « fish spa » (MOMENT FISH SPA, Marseille)………………..113

Figure 38 : Cliente pendant le soin de « fish massage », (DELALANDRE INSTITUT, Juan- Les-PINS)…………………………………………………………………………………………...123

Figure 39 : Cliente pendant le soin de « fish massage » (DELALANDRE INSTITUT, Juan- Les-PINS)…………………………………………………………………………………………...123

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LISTE DES TABLEAUX

Tableau I : Place des Garra rufa dans la classification (FROESE et PAULY , 2013) (ITIS, 2013) (JARVIS, 2011)………………………………………………………………………………19

Tableau II : Résultats des différentes mesures effectuées sur les Garra rufa (KARA et al., 2010)…………………………………………………………………………………………………..24

Tableau III : Paramètres de qualité de l’eau (OKUR et YALÇIN-OZDILEK , 2008) (OZÇELIK et AKYOL , 2011) ( AQUARIUM SERVICES FRANCE,2013)………………………………….28

Tableau IV : Alimentation des Garra rufa avec : F, qui représente la fréquence d’occurrence de l’aliment dans le tube digestif et N le pourcentage d’abondance mesuré (YALCIN- OZDILEK et EKMEKCI, 2006)……………………………………………………………………...30

Tableau V : Effets de la concentration en oxygène et du pH sur les Garra rufa (AQUARIUM SERVICES FRANCE, 2013) (ROBERTS, 2001)…………………………………………………33

Tableau VI : Différents traitements utilisés contre le psoriasis (GUILLOT et GUILHOU, 2002)…………………………………………………………………………………………………..37

Tableau VII : Traitements contre le psoriasis effectués par les patients avant leur séjour au Kangal Fish Spring (GRASSBERGER et HOCH, 2006)………………………………………...39

Tableau VIII : Vérifications à effectuer pour le bon fonctionnement du « fish spa » (AQUARIUM SERVICES FRANCE, 2013)………………………………………………………..51

Tableau IX : Réglementation française relative à l’activité de « fish massage » (ANSES, 2013) (AQUARIUM SERVICES FRANCE, 2013)………………………………………………..81

Tableau X : Différences entre recherche qualitative et quantitative (GREENHALGH et TAYLOR, 1997) (AUBIN-AUGER et al., 2008)…………………………………………………..92

Tableau XI : Caractéristiques des différents « fish spa » ayant fait partie de l’étude qualitative…………………………………………………………………………………………...102

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LISTE DES ABREVIATIONS

ANSES : Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation, de l’environnement et du travail

APO : Autorisation Préfectorale d’Ouverture

CC : Certificat de Capacité

CEn : Code de l’Environnement

CPD : partie calleuse du disque

DDPP : Directions Départementales de La Protection des Populations

DGS : Direction Générale de la Santé

FALF : pli labial antérieur

HPA : Health Protection Agency

HPV : papillomavirus humain

MNT : Mycobactéries Non Tuberculeuses

PFMD : marge libre postérieure du disque

PLF : pli labial postérieur

VHB : Virus de l’Hépatite B

VHC : Virus de l’Hépatite C

VIH : Virus de l’Immunodéficience Humaine

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INTRODUCTION

Le développement important de « fish spas » à travers le monde est un phénomène récent qui prête à polémique. Il s’agit d’établissements commerciaux proposant une activité de « fish massage », c’est-à-dire l’immersion d’une partie du corps du client dans un aquarium contenant des poissons de l’espèce Garra rufa. Ceux-ci, en retirant les peaux mortes, vont provoquer une exfoliation et un micro-massage apaisant. Cette activité peut compléter d’autres prestations déjà existantes et être le revenu unique ou principal de l’institut. L’utilisation de ces poissons n’est pas nouvelle mais elle se limitait à un usage médical, dans leur bassin endémique, pour soigner des pathologies cutanées telles que le psoriasis. Par contre, en France, la pratique des « fish spas » est limitée à des fins cosmétiques et de bien-être.

Ce soin est original tant par son côté novateur que par les contraintes spécifiques qu’il présente. L’utilisation de poissons vivants impose d’en prendre soin et rend les méthodes conventionnelles de stérilisation et de désinfection de l’eau inapplicables car elles seraient nocives aux Garra rufa et au biofiltre de leur aquarium.

Ainsi, il est légitime de s’interroger sur les détails de cette activité et c’est, en particulier, la maîtrise du risque de transmission d’infections aux utilisateurs dans ce type d’établissements qui a interpelé les autorités. Cette activité, encore nouvelle, n’est que peu encadrée ; elle a été interdite dans certains pays et d’autres ont récemment publié des études sur les risques potentiels de santé publique dans les « fish spas », afin de proposer des mesures sanitaires appropriées, permettant d’en rendre l’utilisation plus sûre.

Pour appréhender au mieux ce sujet, nous avons décidé, après avoir fait le point sur les publications existantes, de mener à bien une étude expérimentale qualitative, nous permettant de mieux cerner la réalité sur le terrain. Nous commencerons donc par nous intéresser aux Garra rufa et à leurs vertus, avant d’aborder les détails de la pratique du « fish massage », tant au niveau du déroulement du soin que des risques potentiels et de l’état de la réglementation en France et à l’étranger. Nous aborderons ensuite la partie expérimentale et présenterons la recherche qualitative que nous avons effectuée, ses matériels et méthodes et ses résultats. Ces derniers seront discutés avant de conclure.

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I. ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE

1. Les principaux acteurs de l’activité « fish spa » : les poissons Garra rufa

Les poissons utilisés dans les fish spa sont des Garra rufa, car ils sont les seuls actuellement connus qui possèdent l’instinct de venir « grignoter » la partie du corps humain immergée et qui ne présentent pas de dents risquant de blesser l’usager. Certains rares instituts, cependant, utilisent d’autres types de poissons dentés, de type Chin-Chin ou Tilapia, mais ceux-ci présentent un danger pour l’utilisateur, ce qui justifie qu’ils soient exclus de cette étude.

a. Taxonomie

Le Garra rufa est un poisson dont la description a été réalisée pour la première fois en 1843 par l’ichtyologiste autrichien Johann Jacob Heckel. Il s’inscrit dans la classification comme le présente le tableau I .

Tableau I : Place des Garra rufa dans la classification (FROESE et PAULY , 2013) (ITIS, 2013) (JARVIS, 2011).

Classification Nom Nom Particularités scientifique commun Règne Animalia animaux Etre vivant multicellulaire hétérotrophe Phylum Chordata chordés Epineuriens, notocorde, système circulatoire creux, cœur à cavités, pharynx Sous- Vertebrata vertébrés Squelette osseux ou cartilagineux interne phylum Super- Osteichthyes poissons osseux classe Classe poissons épineux, poissons à nageoires rayonnées Sous-classe Neopterygii bouche dans l’alignement du corps avec symplectique Infra-classe Teleostei 99.8% des espèces de poissons actuels Super-ordre Ostariophysi 28 % des espèces de poissons actuels, substance alarme et appareil wébérien

Ordre cyprins, meuniers Super- Cyprinoidea famille Famille Cyprinidés carpes et ménés, tête forte, une bouche peu fendue, un corps écailleux, la nageoire dorsale précédée d'un rayon osseux, et la nageoire anale armée d'un fort aiguillon

Genre Garra lèvre inférieure modifiée en forme de disque adhésif indépendant de la région mentonnière

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Garra rufa Garra rufa Espèce Synonymes : Synonymes Discognathus : crenulatus, poisson Discognathus docteur, obtusus, poisson Discognathus chirurgien rufus, Garra d'eau rufa douce crenulata, Garra rufa Figure 1 : Garra rufa, (KARA C. et al.,2010). gymnothorax, Garra rufus…

b. Origine et Répartition géographique

Le Garra rufa est originaire d’Asie : il est notamment présent en Turquie, Jordanie, Iran, Irak et Syrie, (GOREN et ORTAL, 1999) (JARVIS, 2011). Il s’agit d’une espèce subtropicale d’eau douce qui peut vivre dans des habitats variés tels que des rivières, des cours d’eau, des lacs et des étangs du Proche et du Moyen-Orient, de l'Anatolie à l'Afghanistan, et il serait particulièrement présent dans les bassins de l'Oronte, du Koweït, du Tigre et de l'Euphrate, dans les affluents de la côte Est de la Méditerranée et en Iran comme le montre la carte (fig. 2), où sont représentées les zones où des Garra rufa ont été prélevés.

Figure 2 : Sites répertoriés de prélèvements des Garra rufa, (JARVIS, 2011).

Sa zone de répartition naturelle se situe sur une bande comprise entre 29 et 40 ° Nord de latitude, ce qui correspond à un différentiel de température de l’air d’un minimum de -10°C au mois de janvier à sa limite septentrionale et à un maximum de 36°C en juillet à sa limite méridionale (JARVIS, 2011). Une étude a été menée dans les Monts Nur, au Sud-Est de la Turquie : les Garra rufa sont la seconde espèce la plus abondante des neuf rencontrées dans les 32

20 cours d’eau où elles ont été prélevées (OKUR et YALÇIN-OZDILEK, 2008). Ils semblent, par ailleurs, être capables de résister dans des milieux contaminés par des métaux lourds et dans les zones polluées, telles que certaines rivières asiatiques où l’on rencontre des déchets industriels, agricoles et liés à l’activité urbaine. L’eutrophisation résultant de ces différents contaminants pourrait même leur être favorable en augmentant la croissance de certaines algues qui constituent une importante ressource alimentaire pour les Garra rufa (YALÇIN-ÖZDILEK et EKMEKÇI, 2006) (TEIMORI et al., 2011). Ils peuvent cependant être affectés défavorablement par l’activité humaine, comme le montre l’étude concernant le lac de Tibériade, situé au Nord-Est d’Israël, dont les affluents sont de plus en plus pollués et où de plus en plus d’eau est pompée. Cela conduit à une amplitude de hauteur d’eau de 2 mètres (+ ou – 4 mètres) alors qu’avant elle variait seulement de 1 mètre (+ ou – 2 mètres). Ceci affecte la biodiversité et l’équilibre du lac et notamment celui des Garra rufa qui dépend de la disponibilité de l’habitat rocheux dans leur biotope (GOREN et ORTAL, 1999). En Turquie, les Garra rufa sont légalement protégés contre l’exploitation commerciale et il est interdit de les exporter pour éviter une surexploitation dommageable (CONSEIL SUPERIEUR DE LA SANTE BELGE, 2013) .

Aucun Garra rufa ne semble actuellement avoir été retrouvé hors de son habitat naturel. Nous ne pouvons donc pas prévoir exactement l’impact écologique de sa présence sur la faune sauvage s’il était relâché dans le milieu naturel mais, en raison de sa taille modeste et de son mode de nutrition largement herbivore, il serait en compétition pour ses ressources alimentaires avec des espèces autochtones qui ont le même mode de vie, par exemple d’autres cyprinidés (JARVIS, 2011).

Les Garra rufa utilisés en France pourraient provenir de trois sources : - importation directe de poissons d’élevage provenant d’Asie du Sud-Est, principalement de Singapour et d’Indonésie. Ces importations d’Asie pourraient s'opérer indirectement, par des envois en grand nombre entrant en territoire européen en choisissant certains aéroports qui ne seraient soumis qu'à de brèves opérations de dédouanement, sans garantie de quarantaine, avant que les poissons ne soient redirigés vers leurs différents destinataires européens (Amsterdam- Schiphol aux Pays-Bas, par exemple). Apparemment, ces poissons ont de loin le coût le plus bas du marché mais ils ont souvent du mal à s’acclimater et on constate un fort taux de mortalité qui peut s’expliquer par le stress du voyage mais aussi, sans doute, par les différentes substances qu’ils reçoivent fréquemment en Asie et sans aucun contrôle (hormones, antibiotiques..). - importation depuis des élevages situés en Europe Centrale, notamment en République Tchèque où l’on retrouve plusieurs élevages de grande envergure. - élevage en France dans des établissements spécialisés (fig. 3, fig. 4). La traçabilité est alors compliquée par le fait que certains établissements proposant la fourniture groupée de l'équipement et de l'installation des « fish massages » assurent également, en tant qu'intermédiaires, la fourniture des animaux venant de différents grossistes.

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Figure 3 : Bacs destinés à l’élevage et Figure 4 : Bacs de quarantaine des

à la reproduction des Garra rufa, Garra rufa avant envoi en instituts,

« Aquarium Services France ». « Aquarium Services France ».

Certains centres d'esthétique disent élever les poissons dans leurs instituts mais il paraît surprenant qu'ils disposent de la possibilité de mener à bien cette activité de reproduction de façon pérenne. Il semble exclu que des poissons capturés vivants dans leur milieu naturel soient proposés sur le marché français, tous étant, en principe, issus d’élevages (ANSES, 2013). D’après les personnalités auditionnées par le groupe de travail de l’ANSES, seulement 20 % des Garra rufa proviendraient d’un circuit officiel d’importation. Et il est en effet possible de trouver sur internet de nombreux sites où la vente de Garra rufa et/ou de matériels de « fish massage » est proposée sans adresse fixe et avec pour coordonnées un simple numéro de téléphone portable.

La connaissance de la provenance des poissons destinés à l’activité de « fish massage » est indispensable pour connaître les agents pathogènes susceptibles d’être rencontrés car selon leur origine, ceux-ci peuvent être différents (ANSES, 2013).

c. Description

Le Garra rufa est un des plus petits membres de la famille des cyprinidés et l’un des 73 membres du genre Garra. Le nombre des chromosomes répertoriés varie de 2n=44 à 2n=52 en fonction des auteurs (JARVIS, 2011) (ERGENE GÖZÜKARA et ÇAVAŞ, 2004). Un caryotype a pu être établi ( fig. 5).

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Figure 5 : Caryotype de Garra rufa (ERGENE GÖZÜKARA et ÇAVAŞ, 2004).

Une divergence génétique a pu être mise en évidence entre les populations qui se situent dans les affluents au Nord-est de la Mer Méditerranée et ceux du Golfe Persique, ce qui prouve notamment que nous avons à faire à des populations isolées depuis très longtemps avec des bassins de spéciation différents (DURNA et al., 2010). Cependant le phénotype est globalement comparable. Les Garra rufa mesurent rarement plus de 13-14 cm pour 38-40 g mais des spécimens de 24 cm (avec un poids maximal de 129 g) ont pu être trouvés dans le Tigre en Irak (JARVIS, 2011). Les poissons utilisés dans les centres de « fish massage » peuvent mesurer moins d’1 cm quand ils arrivent et ils n’iront que rarement au-delà de 8-9 cm à cause, notamment, de la taille restreinte des aquariums. Actuellement leur taille moyenne en institut est plutôt de l’ordre de 3-4cm mais cela vient aussi du fait que nous sommes souvent confrontés à des populations relativement jeunes. Une équation linéaire permettant de relier la taille et le poids des Garra rufa a été proposée (fig.6), (ABEDI et al., 2011).

Log (P) = -5.076 + 3.112 log L

Avec P= poids total du Garra rufa L= longueur totale du Garra rufa

Figure 6 : Equation déterminant le poids des Garra rufa en fonction de leur longueur, (ABEDI et al., 2011).

Cette équation montre que la croissance des Garra rufa est isométrique, la forme n’est pas modifiée quand le poisson grandit.

Leur couleur est, elle aussi, très variable, plutôt terne et plus ou moins sombre. Les jeunes poissons sont presque translucides puis ils deviennent brun gris à vert foncé, ils peuvent être agrémentés de quelques taches noires sur le dos et les flancs et ils

23 sont plus clairs sur la face ventrale. Ils sont plutôt fins, leur forme est allongée et cylindrique. La ligne latérale la plus longue compte 29 à 36 écailles cycloïdes de taille moyenne. Les rayons des nageoires sont variables mais généralement au nombre de 8 pour la nageoire dorsale, 12-14 pour les nageoires pectorales, 7-8 pour les nageoires pelviennes, 5 pour la nageoire anale et 17 pour la nageoire caudale. La bouche, située en position ventrale, crescentiforme et encadrée de 2 paires de barbillons, est caractéristique du fait du développement, en avant, d'un pli labial frangé et, en arrière, d’un disque calleux adhésif bien développé. Les Garra rufa ne possèdent pas de dents au niveau de leurs mâchoires antérieures mais elles sont présentes juste avant l’entrée de l’œsophage, ce sont des dents pharyngiennes de formule 2,4,5-5,4,2 ou 2,4,4-4,4,2 en fonction des auteurs (JARVIS, 2011) (KARA et al., 2010).

Une étude a permis d’analyser les mensurations de 135 spécimens de Garra rufa collectés en 30 points différents (18 cours d’eau, 2 réservoirs et 2 lacs naturels) dans le bassin du fleuve Ceyhan en Turquie. Les résultats sont reportés dans le tableau II et la figure 7 qui l’accompagne permet de préciser les zones exactes de mesures. Les résultats sont exprimés sous forme de rapports pour ramener les dimensions à la taille du poisson ou de sa tête (KARA et al., 2010).

Tableau II : Résultats des différentes mesures effectuées sur les Garra rufa (KARA et al., 2010).

Intitulé de la mesure Résultat Numéro correspondant sur la figure 7 Longueur standard 83.57(11.5-110.8) mm 1 (SL) Longueur du SL/CPL: 2 pédoncule caudal 4.04(0.31-7.86) (CPL) Epaisseur du CPL/CPD: 2.30(0.49- 3 pédoncule caudal 7.83) (CPD) Epaisseur de la Non renseigné 4 nageoire dorsale (DFD) Longueur de la SL/DFL: 5 nageoire dorsale (DFL) 6.11(0.69-8.32) Largeur du corps (BD) line lat.:36(33-37), line 6 lat. trans.:5(4-6)/3(3-4)

Longueur en avant de SL/PD: 7 la nageoire dorsale 2.15(0.21-2.94), (PD) Longueur de la tête SL/HL: 4.36(0.41- 8 (HL) 12.44) Diamètre de l’oeil (ED) HL/ED: 9 5.07(1.58-7.15) Taille entre les deux SL/NL: 12.16(1.10- 10 orifices nasaux (NL) 29.73) HL/NL: 2.82(1.15-5.99) Hauteur de la tête (HD) SL/HD: 4.69 (0.46- 11 6.42)

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Figure 7 : Différentes mesures effectuées sur les Garra rufa (KARA et al., 2010).

Il est intéressant de détailler l’appareil buccal des Garra rufa : il leur permet de se nourrir et d’adhérer aux rochers avec leur bouche en position ventrale, leurs lèvres charnues et leur organe adhésif développé situé sous l’ouverture de leur bouche.

Il semble qu’il y ait chez les poissons une relation considérable entre leur type d’habitat, la forme et la taille des caractères morphologiques macroscopiques et microscopiques de leur organe adhésif. Celui-ci, ainsi que l’absence de dents antérieures, représentent deux caractéristiques qui leur confèrent les qualités utilisées par l’homme pour le traitement de certaines pathologies de peau ainsi que pour l’effet massant et gommant recherché en institut de beauté. C’est pour cela qu’il est particulièrement intéressant de détailler la structure macroscopique et microscopique de cet organe adhésif.

Il comporte quatre unités de base: le pli labial antérieur (FALF), le pli labial postérieur (PLF), la partie calleuse du disque (CPD) de forme ovale avec une petite dépression en son centre et la marge libre postérieure du disque (PFMD) qui l’entoure totalement sauf sur sa partie antérieure (fig.8) (TEIMORI et al., 2011).

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Figure 8 : Vue ventrale de la bouche du Garra rufa, avec pli labial antérieur (FALF), pli labial postérieur (PLF), partie calleuse du disque (CPD), marge libre postérieure du disque (PFMD), (TEIMORI et al., 2011).

La bouche des Garra rufa est entourée par le pli labial antérieur qui comporte un grand nombre de tubercules plus ou moins gros, semi sphériques, cylindriques ou allongés, qui recouvrent en partie la bouche et qui pourraient servir de filtre lors de la consommation de nourriture. Chacun contient aussi de nombreuses glandes sécrétrices et des épines kératinisées. On retrouve dans la partie rostrale du pli labial antérieur plusieurs pores qui secrètent du mucus permettant de fixer les particules de nourriture et d’adhérer aux rochers. On remarque des tubercules similaires sur le pli labial postérieur et la marge libre postérieure en comporte elle aussi, ronds et sphériques, plus allongés dans sa partie postérieure. Entre ces tubercules, il y a là aussi des pores qui sont ouverts et qui secrètent une substance adhésive (fig. 9). C’est la partie calleuse qui joue à proprement parler le rôle de ventouse et permet au poisson de se fixer. Les nombreuses glandes sécrétrices ainsi que les épines kératinisées aident les Garra rufa à retenir les particules alimentaires et à les arracher de leur substrat (TEIMORI et al., 2011).

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Figure 9 : Photographies au microscope électronique de l’organe adhésif du Garra rufa avec : A) pli labial antérieur (FALF), pli labial postérieur (PLF), B) partie calleuse du disque (CPD), C et D) marge libre postérieure du disque (PFMD), E) tubercules et pores sécréteurs dans la marge libre postérieure du disque ; F,G, H, I) tubercules glandulaires et épines kératinisées (KS); J) pores ouverts (OP) dans la partie rostrale du pli labial antérieur (TEIMORI et al., 2011).

L’abondance de cellules à mucus dans l’épiderme de l’organe adhésif est remarquable et cela donne aux poisons un aspect huileux.

Le genre Garra comporte des poissons qui ont différents régimes alimentaires, ce qui pourrait amener à penser que l’appareil buccal du Garra rufa, relativement propre au genre Garra, n’a pas évolué en raison de son mode de nutrition, lui-même partagé par des poissons d’autres genres et anatomiquement différents, mais plutôt pour sécuriser son adhésion aux rochers dans les eaux courantes (TEIMORI et al., 2011).

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d. Biologie et mode de vie

L’espérance de vie des Garra rufa est estimée à une douzaine d’années dans leur milieu naturel et la majorité des poissons prélevés ont entre 0 et 4 ans (ABEDI et al., 2011).

En aquarium, ils ne vivent généralement pas plus de 6 à 8 ans du fait des conditions de vie différentes qu’on leur impose.

i. Habitat et mode de vie

Leur zone de vie de prédilection est le fond de l’eau, où ils fouillent le sol en quête de nourriture tout en cherchant des cachettes parmi les pierres et les plantes. Les aquariums de « fish spa » ne présentent pas du tout ce genre d’enrichissement comme nous le verrons par la suite, mais il n’y a pas non plus de prédateurs qui les obligent à se cacher. De nature paisible, c’est une espèce grégaire qui doit être maintenue en groupe, ce que l’on retrouve dans l’activité « fish spa ».

Les paramètres de l’eau de leur habitat naturel ont été mesurés dans plusieurs milieux. Nous reprenons ces résultats dans le tableau suivant, la deuxième colonne concerne une étude effectuée sur 20 ruisseaux de Turquie, la troisième colonne correspond aux paramètres des sources chaudes où ont lieu les traitements thérapeutiques. La quatrième colonne reprend les recommandations de « Aquarium Services France » qui a élaboré les paramètres optimaux de qualité d’eau permettant de réduire au maximum le stress des poissons, en combinant les données spécifiques de l’eau du milieu naturel et celles, empiriques, de l’habitat en captivité.

Tableau III : Paramètres de qualité de l’eau (OKUR et YALÇIN-OZDILEK , 2008) (OZÇELIK et AKYOL , 2011) ( AQUARIUM SERVICES FRANCE,2013)

Etude sur 20 Etude sur les Paramètres ruisseaux de sources chaudes optimaux proposés Turquie de Kangal, Turquie par « Aquarium Services France » Nature du fond Irrégulier, substrat Riche en sélénium grossier calcium et magnésium Profondeur d’eau 30-50cm Non renseigné pH 7 à 9 7.8 6.5-8.5 Oxygène dissous 6.1à 14.8 ppm 2.9 mg.l-1 5 mg.l-1 Température 5.8-31.2 ° C 35°C 15-32 °C Débit 0.001- 4.5 m.s-1 Non renseigné Conductivité 4.2-36.5 μS.cm-1 Non renseigné Salinité 0.10-0.80 0/00 Non renseigné 0-5 Ppt KH Non renseigné Non renseigné 6-15 degrés allemands GH Non renseigné Non renseigné 8-30 degrés allemands

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Ammonium Non renseigné Non renseigné 0 mg.l-1 Nitrites Non renseigné Non renseigné 0 mg.l-1 Nitrates Non renseigné Non renseigné 50 mg.l-1

Les prédateurs potentiels des Garra rufa sont les poissons de type Anguille et les poissons-chats ainsi que les autres cyprinidés piscivores (Aspius Vorax, Carasobarbus canis…). Les Garra rufa ont peu de moyens de défense et sont des proies faciles pour tous types d’ennemis, à tous stades de leur développement (TEIMORI et al., 2011) (JARVIS, 2011).

ii. Alimentation :

Comme nous l’avons vu ci-dessus, les particularités anatomiques de l’appareil buccal des Garra rufa leur permettent de gratter et de brouter les substrats naturels des fonds aquatiques auxquels ils adhèrent par succion et grâce auxquels ils se nourrissent de végétaux et de micro-organismes variés. L’étude de YALCIN- OZDILEK et EKMEKCI a permis d’en détailler la nature et les proportions. Ils ont prélevé 208 spécimens de Garra rufa dans l’Oronte et ses affluents, dans la province de Hatay en Turquie. Cela a montré que 68,3% des tubes digestifs étaient vides et que les Garra rufa se nourrissaient principalement de végétaux, surtout de chrysophytes et de phytoplancton, ainsi que de quelques rotifères et protozoaires. Parmi les organismes les plus consommés, nous retrouvons Navicula sp., Gomphonema sp. et Nitzschia sp. Cymbella sp., Cyclotella sp., Scenedesmus sp., Rhoicosphaenia sp., Cocconeis sp.et Oscillatoria sp. Les quantités respectives et les autres aliments consommés en plus petite quantité sont présentés dans le tableau IV (YALCIN-OZDILEK et EKMEKCI, 2006).

Tableau IV : Alimentation des Garra rufa avec : F, qui représente la fréquence d’occurrence de l’aliment dans le tube digestif et N le pourcentage d’abondance mesuré (YALCIN-OZDILEK et EKMEKCI, 2006).

Catégorie N F d’aliments Cyanobacteria Chroococcus sp. < 0.1 1.5 N = 10 Anacystis sp. < 0.1 1.5 F = 40.9 Merismopedia sp. < 0.1 1.5 Dactylococcpsis 2.1 4.6 sp. < 0.1 1.5 Tetrapedia sp. 7.8 36.4 Oscillatoria sp. Chrysophyta Synedra sp. 0.2 6.1 N = 81.4 Melosira sp. 0.9 12.1 F = 97.0 Achnanthes sp. 0.4 1.5 Amphora sp. 0.5 12.1 Fragilaria sp. 0.1 3.0 Diatoma sp. 0.7 1.5 Gyrosigma sp. 0.3 7.6 Gomphonema sp. 17.3 63.6 Cocconeis sp. 2.1 31.8

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Nitzschia sp. 12.0 42.4 Navicula sp. 34.2 66.7 Rhoicosphenia sp. 1.4 27.3 Cyclotella sp. 5.9 39.4 Cymatopleura sp. 1.4 9.1 Pinnularia sp. < 0.1 1.5 Cymbella sp. 4.0 39.4 Surirella sp. 0.2 6.1 Chlorophyta Selenastrum sp. 0.1 6.1 N = 8.1 Coelastrum sp. 0.2 7.6 F = 40.9 Staurastrum sp. < 0.1 3.0 Dictyosphaerium < 0.1 1.5 sp. 0.3 6.1 Stigeoclonium sp. < 0.1 1.5 Actinastrum sp. < 0.1 1.5 Westella sp. 0.6 7.6 Crucigenia sp. < 0.1 1.5 Tetrastrum sp. 0.5 1.5 Excentrosphaera 0.1 4.6 sp. < 0.1 1.5 Tetraedron sp. < 0.1 1.5 Nautococcus sp. 0.4 3.0 Asterococcus sp. 5.1 37.9 Chlorococcum sp. 0.2 3.0 Scnedesmus sp. 0.2 3.0 Cladophora sp. 0.4 13.6 Chaetophora sp. Pediastrum sp. Protozoa 0.4 4.6 Rotifera < 0.1 1.5

Cette même étude montre que les tubes digestifs des Garra rufa les plus jeunes contiennent une plus grande quantité de chrysophytes que ceux des individus plus âgés où l’on trouve également beaucoup de cyanophytes et de chlorophytes. Les chrysophytes sont plus faciles à ingérer et plus rapides à digérer, ils sont peut- être aussi présents en plus grande quantité dans les zones à moindre courant, fréquentés par les poissons les plus jeunes.

Les différentes localisations géographiques des prélèvements peuvent expliquer les variations de régime alimentaire observé chez les Garra rufa mais ce sont les changements de saisons qui interviennent de manière prépondérante. Les Garra rufa mangent en plus grande quantité pendant les mois d’été, cela est lié à la température de l’eau (supérieure à 25°C) et à l’abondance des aliments dans l’environnement des poissons. Les Chrysophytes sont présents en toutes saisons mais certains autres, tels que Anacystis sp., Diatoma sp., Stigeoclonium sp. ne sont présents dans le contenu digestif que durant une seule saison. D’autres encore sont retrouvés en quantité plus importante en fonction des saisons, c’est le cas de Cocconeis sp. au printemps, Oscillatoria sp., Cyclotella sp.et Scenedesmus sp en été et Cymbella sp. en automne.

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Cette étude révèle aussi que, du fait de la haute température en été, du faible niveau d’eau lié aux prélèvements importants effectués pour l’irrigation et de la grande quantité de matière organique due à la pollution, les algues pullulent dans les cours d’eau, or les Garra rufa, en s’en nourrissant, peuvent limiter leur développement et ainsi réduire le phénomène délétère d’eutrophisation (YALCIN-OZDILEK et EKMEKCI, 2006).

Nous ne disposons pas de données concernant l’alimentation des stades immatures et leurs besoins nutritionnels. Par ailleurs, aucun renseignement n’est disponible sur l’incidence de la consommation de kératine sur ces poissons herbivores utilisés dans les centres de « fish massage ». En captivité, les Garra rufa mangent la nourriture artificielle classique pour poissons d’aquariums. C’est le cas dans les « fish spa » où les squames cutanées d'origine humaine ne sont pas toutes consommées et ne suffisent pas, a priori, à satisfaire leurs besoins nutritifs. Il se dit que, bien nourris, les poissons perdraient alors leur propension à s'approcher des parties immergées pour détacher les peaux mortes (SAYILI M. et al. , 2007), mais aucune étude scientifique n’a réellement été faite en ce sens et les quantités de nourriture distribuées en instituts paraissent cohérentes par rapport aux besoins classiques de poissons similaires.

iii. Reproduction :

Ces poissons ovipares se reproduisent du printemps jusqu’à l’été dans leur bassin naturel, les mois exacts diffèrent en fonction des auteurs et des localisations géographiques. La saison de reproduction est relativement longue et asynchrone, c’est à dire que tous les poissons n’émettent pas leurs gamètes au même moment (ABEDI et al., 2011). Les œufs sont lâchés à proximité d’un substrat de type gravier par les femelles puis fécondés par les mâles et aucun soin parental n’est prodigué aux jeunes. Le diamètre des œufs est de 0.67 mm en moyenne et peut aller de 0.028 à 1.98 mm (ABEDI et al., 2011).

La reproduction paraît facile à maîtriser en captivité. Toutefois, pour des raisons de conception des installations (filtres, absence de cachette et de substrat...) et du volume de la population (qui implique un risque de prédation par les autres individus du groupe..), aucune reproduction n’est envisageable dans des installations de «fish- massage» (ANSES, 2013).

Il n’y a pas de données précises sur l’âge de la maturité sexuelle pour cette espèce, mais si on se base sur le genre Garra, elle devrait avoir lieu à partir de deux ans. Il est possible d’observer une forme limitée de dimorphisme sexuel externe chez les adultes avec des tubercules nuptiaux plus prononcés chez le mâle que chez la femelle et la base des nageoires pectorales, pelviennes et anales qui sont différentes (COAD, 2010). Le sex-ratio semble équilibré dans la population (ABEDI et al., 2011). Les taux de fécondité étudiés en Iran sont plutôt bas comparés à ceux des autres

31 cyprinidés, avec un nombre d’œufs moyen de 761 (184 à 2396) pour les 138 spécimens collectés par YAZDANPANAH (YAZDANPANAH, 2005) et de 1179.65 (283 à 3794) pour les 69 étudiés par ABEDI (ABEDI et al., 2011). Plus la taille des femelles est importante, plus leur taux de fécondité est élevé, ce qui peut s’expliquer par les ressources nutritives plus importantes qu’elles possèdent (ABEDI et al., 2011).

Le processus d’oogenèse des Garra rufa a été comparé dans deux milieux radicalement différents et dans lesquels ils sont retrouvés en grande quantité. Il s’agit des sources chaudes, dans lesquelles la température se situe de manière constante autour de 35°C et où les ressources alimentaires sont limitées et de la rivière Topardic, où l’eau est plus fraîche et connaît des variations saisonnières (26 °C à 34°C de mai à décembre). Ces deux sites sont situés à proximité, dans la province de Sivas en Turquie. Cinq stades de développement des oocytes ont pu être mis en évidence chez les deux populations : le stade chromatine-nucléole, le stade péri- nucléolaire, le stade cortical alvéolaire, le stade de vitellogenèse et le stade de maturation. Dans la population des sources chaudes, la vitellogenèse est ralentie et la fréquence d’oocytes atrophiés dans les ovaires des femelles est plus élevée. Ces différences de développement des oocytes et d’activité ovarienne peuvent sans doute être reliées à la température élevée et à la malnutrition que l’on peut rencontrer dans ces sources chaudes ; la fécondité est ainsi limitée mais toujours possible dans ce milieu extrême (BARDAKCI et al., 2000).

iv. Pathologies

Il est important pour le personnel des instituts de pouvoir détecter rapidement que leurs poissons sont malades afin de pouvoir mettre le bac en quarantaine, d’ arrêter tout soin avec ces poissons et de faire appel à un vétérinaire. Les deux affections principalement rencontrées sont dues à des parasites, ce sont la dactylogyrose et la gyrodactylose.

La dactylogyrose est due à la présence de trématodes du genre Dactylogyrus (D.vastator, D.anchoratus, D.minutus …) dans les branchies. Leur taille varie entre 0.5 et 2.3 mm. Ils provoquent un érythème des branchies, des saignements, une excrétion accrue de mucus et entraînent la destruction de l’épithélium branchial, d’où une réduction des échanges respiratoires qui conduit à un affaiblissement et à un amaigrissement du poisson qui peut aller jusqu’à la mort par asphyxie. Le diagnostic peut être confirmé par l’observation au microscope d’un fragment de branchie (ROBERTS, 2001) (AQUARIUM SERVICES France, 2013).

La gyrodactylose est dans la liste des maladies de poissons surveillée par l’Organisation Mondiale de la Santé Animale (ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTE ANIMALE, 2010). Elle est due à des Trématodes du genre Gyrodactylus (G.elegans, G.medius, G.cyprini, G.bullatarudis...) de 0.25 à 0.8 mm de long qui se fixent sur le tégument des poissons. Cela provoque l’apparition d’un voile gris et de

32 plaques rougeâtres sur la peau. Leur présence provoque la destruction des couches superficielles de l’épiderme et peut mettre en péril la santé des Garra rufa. Le diagnostic peut être confirmé à l’aide de frottis de peau de poissons vivants observés au microscope (ROBERTS, 2001) (AQUARIUM SERVICES FRANCE, 2013).

L’étude de YALÇIN-ÖZDILEK et EKMEKÇI a montré la présence de nématodes parasites dans les tubes digestifs de deux spécimens sur les 208 disséqués (YALÇIN-ÖZDILEK et EKMEKÇI ,2006) . Par ailleurs, des larves de nématodes de la famille des Cucullanidae, enkystées dans le péricarde, ont pu être observées ; un Pseudolamproglena annulata a été trouvé dans les branchies et une digenea (Pseudochetosoma salmonicola) dans la vésicule biliaire des Garra rufa (JARVIS, 2011). Une autre étude révèle la présence de souches d’Aéromonas Sobria ampicilline résistantes résponsable de mortalité dans un élevage de Garra rufa en Slovaquie (MAJTÁN et al., 2012).

Les affections décrites ci-dessus sont celles qui ont été observées chez les Garra rufa (JARVIS, 2011) mais ceux-ci sont sûrement aussi sensibles aux autres maladies touchant fréquemment les poissons d’ornement tropicaux d’eau douce (comme l’ichthyophthiriose, l’argulose, la costiose, l’infection par les spyrogyres, l’oodinium, l’hydropisie, l’exophtalmie due à des bactéries variées…) (FROESE et PAULY, 2013) (ROBERTS, 2001). Ils sont également sensibles aux paramètres chimiques de l’eau (tab.V). En captivité, des conditions environnementales sub-optimales peuvent avoir un effet négatif sur la santé et le bien-être des Garra rufa entraînant chez eux le développement accru de maladies. Un environnement adapté avec des paramètres de qualité de l’eau optimaux et un minimum de stress permettraient à l’inverse de limiter le développement de maladies.

Tableau V : Effets de la concentration en oxygène et du pH sur les Garra rufa (AQUARIUM SERVICES FRANCE, 2013) (ROBERTS, 2001).

Symptômes Problème Origine Traitement Accélération de la Hypoxie Manque d’O2 Brasser et respiration et oxygéner l’eau agitation, tentative de happer l’air en surface Formation de Embolie gazeuse Sursaturation en Réduire le bulles sous la peau O2 brassage et et au niveau des l’oxygénation de yeux l’eau Saignement des Acidose ou pH inadapté Rétablir branchies, alcalose rapidement le pH mouvements correct de l’eau brusques, tentatives de sauts hors du bac

33

Nous verrons plus en détail, dans la partie risques sanitaires, les maladies pouvant affecter les êtres humains à cause de ces poissons. Abordons à présent les différentes utilisations possibles du Garra rufa.

e. Utilisation par l’homme et vertus

Les Garra rufa peuvent être utilisés par l’homme à différents titres.

i. Usage alimentaire

Les Garra rufa ne sont pas en eux-mêmes un met de choix pour les êtres humains mais ils peuvent être pêchés accidentellement et consommés localement de manière anecdotique (COAD, 2010) (YALÇIN-ÖZDILEK et EKMEKÇI, 2006). Cependant, ils tiennent une place importante dans la chaîne alimentaire car ils sont une ressource de nourriture conséquente pour certains poissons-chats et anguilles qui, eux, sont régulièrement consommés par les hommes (YALÇIN-ÖZDILEK et EKMEKÇI, 2006).

ii. Usage en aquariophilie

Les Garra rufa sont utilisés comme « poissons nettoyeurs » par les aquariophiles (ANSES, 2013). Ils décapent les surfaces de l’aquarium en consommant les algues indésirables et ils débarrassent également les autres poissons de leurs éventuels ectoparasites (CONSEIL SUPERIEUR DE LA SANTE BELGE, 2013). A en croire les forums internet aquariophiles, les résultats sont excellents avec ce poisson très efficace et familier.

iii. Usage médical

Un terme a été proposé récemment pour désigner le traitement par ces poissons : il s’agit de l’ichthyothérapie. Tout aurait commencé par une histoire aux allures de légende, au début du vingtième siècle, en Turquie, dans la province de Sivas(fig.10). Un berger, au pied blessé, se serait baigné dans les bassins d’eau chaude naturelle et sa blessure aurait guérie. Ces sources thermales ont la particularité d’abriter de petits poissons qui ont contribué au développement de cette station thermale appelée Kangal Fish Spring, Kangal Hot Spring ou encore Kangal Fishy Health Spa. Parallèlement, il existe depuis longtemps un grand nombre de spa aux alentours de Sivas et ils semblent avoir été fréquentés depuis l’époque romaine puis au Moyen- Age où ils auraient commencés à être utilisés pour leurs vertus médicales contre l’arthrose et les maladies de peau. Les premières piscines thermales publiques Kangal Fishy Health Spa ont été ouvertes en 1963 et des cures pour traiter le psoriasis furent proposées aux malades dès 1980, même si le lieu était déjà fréquenté par les autochtones depuis longtemps. Un symposium nommé « Kangal Fishy Health Spa-Psoriasis Treatment” a été organisé en 1993 et l’institut fut alors reconnu officiellement en tant que centre de traitement par le ministre de la santé de

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Turquie en 2004 (OZÇELIK et AKYOL, 2011) (SAYILI et al., 2007) (BUISSON, 2010) (KAZANDJIEVA et al., 2008). .

Figure 10 : Carte de la Turquie et province de Sivas (CENTRAL INTELLIGENCE AGENCY, 2013).

Kangal Fishy Health Spa se trouve à 1600m d’altitude, il est situé à 14 km au Nord de Kangal, une petite ville dans la province de Sivas. Il comporte de nombreuses installations modernes qui favorisent le tourisme national et international : un hôtel, deux motels (environ 300 lits) et un espace camping caravanes (environ 50 places) ainsi que cinq piscines en plein air, de taille olympique, et 16 bains privatifs. L’accent a vraiment été mis sur son développement touristique et médical lors de ces dernières années et, d’après une enquête menée par SAYILI et al., auprès de 104 personnes ayant séjourné au Kangal Fish Spring entre les mois de juin et d’août 2004 et ayant suivi un programme contre le psoriasis pendant 21 jours, 13.5% ont déclaré trouver les installations « extraordinaires », 9.6% « parfaites », 42.3% « bonnes », 26% « normales » et 8.6% « ordinaires » (SAYILI et al., 2007).

La température moyenne de l’eau est de 35 °C, la concentration en oxygène moyenne de 2.9 ppm et le pH de 7.8. L’eau thermale est riche en calcium et en magnésium mais l’élément le plus important est le sélénium (1.3 mg/l) (SAYILI et al., 2007) (OZÇELIK et AKYOL, 2011).

Chaque année, des centaines de patients atteints de psoriasis fréquentent ce lieu. Les personnes qui présentent d’autres maladies de peau (eczéma, vitiligo, lichénifications…) ou encore de l’arthrose ou des désordres psychologiques, représentent moins d’un quart de la population répertoriée sur le site (SAYILI et al., 2007).

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L’usage de ce traitement empirique contre le psoriasis a fait l’objet de plusieurs études scientifiques pour objectiver son efficacité mais avant de nous y intéresser, voyons ce qu’est exactement le psoriasis.

Il s’agit d’une maladie de la peau commune, qu’on trouve dans le monde entier : la prévalence estimée en Europe et aux États-Unis est de 2% (GRASSBERGER et HOCH, 2006). Il s’agit d’une dermatose chronique multifactorielle, responsable d’une anomalie de la prolifération et de la différenciation kératinocytaire. Le diagnostic en est clinique devant un érythème squameux, très souvent caractéristique par son aspect et sa topographie. Il en résulte des lésions bien délimitées érythémato- squameuses, parfois pustuleuses, qui apparaissent souvent par poussées successives (fig. 11, fig. 12, fig. 13). Il existe de nombreuses formes cliniques dont certaines sont atypiques. Elles peuvent être associées chez un même patient de façon sinéquanone ou bien au cours de l’évolution de la maladie (LORETTE et SAMIMI, 2011) (GUILLOT et GUILHOU, 2002).

Le psoriasis peut atteindre la peau, les muqueuses buccale et génitale, ainsi que les articulations. Il peut apparaître sur une égratignure, sur des lésions dermatologiques déjà existantes, des zones de frottement, des zones d’anciens traumatismes et à nouveau sur des lésions de psoriasis dont le sujet souffre déjà : on parle de phénomène de Koebner. Inversement, lorsqu'une région de peau psoriasique blanchit après un traumatisme on parle de phénomène de Koebner inverse. S’il s’agit le plus souvent d’une maladie bénigne, certaines formes peuvent cependant s’étendre de façon gênante ou bien mettre en jeu le pronostic fonctionnel (comme le psoriasis palmo-plantaire et le rhumatisme psoriasique) ou même le pronostic vital (comme les érythrodermies psoriasiques) (BUISSON, 2010) (GUILLOT et GUILHOU, 2002). Les mécanismes exacts d’apparition de ces lésions sont, pour l’instant, mal connus malgré de nombreux travaux de recherche. On estime actuellement que des facteurs génétiques (le psoriasis est familial dans 30 % des cas), environnementaux (stress, agents infectieux) et immunologiques (inflammation chronique auto-immune) sont impliqués dans la pathogénèse (GUILLOT et GUILHOU, 2002).

Figure 11: Plaque Figure 12 : Figure 13 : Plaques

érythémato -squameuse et Psoriasis en plaque érythémato-squameuses de la pustuleuse (LORETTE et du tronc (GUILLOT face antérieure des jambes SAMIMI , 2011). et GUILHOU, 2002). (LORETTE et SAMIMI, 2011).

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Le traitement classique du psoriasis fait appel à trois types de moyens pouvant être utilisés seuls ou en association : les traitements locaux, les traitements systémiques et la photothérapie (tab. VI).

Tableau VI : Différents traitements utilisés contre le psoriasis (GUILLOT et GUILHOU, 2002).

Traitement Molécules Action et Posologie Effets indésirables et les plus efficacité inconvénients fréquentes Traite- Kératolytiques Acide Elimination de 1 à 2 fois Risque d’acidose par ments salicylique la couche par jour absorption transcutanée locaux cornée en jusqu’à chez le jeune enfant excès évolution favorable des lésions Réducteurs Goudron, 1 à 2 fois Mauvaise tolérance au dérivés de par jour goudron (retrait l’anthraline jusqu’à commercial des topiques évolution en contenant) favorable des lésions Dermocorticoï- Dermocorti- Anti- 1 à 2 fois Cutanés (atrophie, des coïdes de inflammatoire par jours télangiectasie, classe 1 ou et pendant hyperpilosité...), rémission 2 cytostatique 3 -4 de courte durée locale. semaines Efficacité de courte durée. Dérivés de la Calcipotriol, Efficacité 1 à 2 fois Irritations locales, risque vitamine D tacalcitol comparable par jour de modification du aux pendant métabolisme dermocorti- 6-8 phosphocalcique pour des coïdes. semaines doses supérieures à 50 g par semaine pour le tacalcitol et à 100 g par semaine pour le calcipotriol Rétinoïde tazarotène Efficacité Irritations locales topique comparable aux dermocorti- coïdes. Traite- Cytostatiques Méthotréxa- Cytostatique 15 à 25 Effet tératogène pendant ment te et mg par les 3 premiers mois de systémi- immunosup- semaine grossesse, hépatotoxicité que pressive. en dose dépendante avec Efficacité injection évolution vers la fibrose spectaculaire intramus- voire la cirrhose, effets dès la 2 ème culaire ou hématologiques plus rares ou la 3 ème per os en (leucopénie, injection. une seule thrombopénie, anémie..), prise complications pulmonaires, complications cutanées ou des muqueuses

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Immunosup- ciclosporine Blanchiment 2.5 à 5 Complications rénales presseurs des lésions mg/kg/j (élévation de la dans 80 % créatininémie et des cas hypertension artérielle), risque de lymphome, effets secondaires dermatologiques (hypertrichose, hyperplasie gingivale,gynécomastie). Interactions médicamenteuses qui augmentent ou diminuent sa concentration plasmatique Rétinoïdes acitrétine Action sur la 25 à 35 Effet tératogène majeur différenciation mg/j pendant toute la durée du et la traitement et pendant les prolifération deux années suivantes, épidermique effets indésirables cutanéomuqueux (sécheresse cutanée et des muqueuses, épistaxis...), ostéoarticulaires (enthésopathies, atteinte rachidienne, retard de croissance) et biologiques (élévation des lipides sanguins et des enzymes hépatiques)

Photo- Lampes à UV -UVB à -UVB : 3 séances contre-indiquée en cas de thérapie + ou – spectre blanchiment par prise de photosensibili- large (290- des lésions semaine médicaments sants 320 nm), dans 70 à 80 pendant 8 photosensibilisants étroit % des cas en à 10 (cyclines, neuroleptiques, (311nm) ou une douzaine semaines anti-inflammatoires), en -Puvathéra- de séances cas de pie : UVA -Puvathéra- lésions cutanées malignes (320- pie : 80 à 90 ou précancéreuses 400nm) % de très -UVB : risque de + 8- bons résultats surdosage entraînant un méthoxy- érythème psoralène actinique. -Puvathérapie : contre-indiquée chez l’enfant, la femme enceinte, dans les insuffisances hépatique ou rénale sévères et en cas d’antécédents de cancers cutanés. Effets secondaires essentiellement digestifs et oculaires (risque de cataracte), carcinomes cutanés à long terme…

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Il n’y a pas de solution idéale et dans le cas d’un psoriasis peu étendu, les traitements locaux seront favorisés. Les dérivés de la vitamine D et les rétinoïdes topiques semblent avoir des efficacités comparables aux dermocorticoïdes et ils peuvent être utilisés en association. En cas de psoriasis plus compliqué, la photothérapie ou les traitements systémiques pourront y être associés. Le but du traitement n’est pas de faire disparaître totalement la maladie mais de faire régresser suffisamment les lésions pour permettre au patient de retrouver une qualité de vie correcte. Actuellement, la tendance est à alterner les thérapeutiques en prenant en compte le préjudice provoqué par la maladie et en adaptant la lourdeur thérapeutique au handicap afin de préserver autant que faire se peut, la qualité de vie des patients et de diminuer au maximum les risques iatrogènes (GUILLOT et GUILHOU, 2002).

Bien que des avancées considérables aient été réalisées dans la gestion de cette maladie, il n’y a pas encore vraiment de guérison possible ni de moyens de traitement sûrs, c’est pour cela que certains patients se tournent vers des méthodes alternatives. Ainsi le traitement par les Garra rufa peut être vu comme la solution de la dernière chance quand la médecine classique moderne a échoué (SAYILI et al.,2007). L’étude de GRASSBERGER et HOCH montre en effet que les patients fréquentant Kangal Fish Spring ont déjà souvent essayé de nombreuses méthodes de soin auparavant (tableau VII). De ce fait, les pathologies sont souvent déjà bien avancées lorsque les clients choisissent cette option, ce qui n’en facilite pas a priori la réussite.

Tableau VII : Traitements contre le psoriasis effectués par les patients avant leur séjour au Kangal Fish Spring (GRASSBERGER et HOCH, 2006).

Traitement Nombre de personnes ayant Pourcentage de personnes effectué ce traitement ayant effectué ce traitement Cortisone 29 72.5 21 52.5 UVA/UVB Vit. D3 19 47.5 Soleil thérapie 18 45 PUVA 17 42.5 Bains d’huile 16 40 Homéopathie 12 30 Eau de la mer morte 9 22.5 Acide salicylique 9 22.5 Dithranol 9 22.5 Préparations au goudron 9 22.5 Acide fumarique 8 20 Acupuncture 7 17.5 Balnéothérapie 6 15 Vit A 4 10 Ciclosporine 0 0 Autres 11 27.5

La cure conseillée au Kangal Fish Spring dure 21 jours, les patients doivent boire au moins 3 verres d’eau de la source avant le petit déjeuner, puis rejoindre les piscines

39 riches en minéraux et en poissons, pour une durée journalière d’immersion de 8 h (fig.14). Ils sont, par ailleurs, tenus de ne prendre aucune autre médication contre le psoriasis et de s’abstenir de consommer de l’alcool pendant toute la durée de la cure thermale (SAYILI et al., 2007).

En 2000 Ozcelik et al. ont testé l’efficacité de l’ichthyothérapie des sources de Kangal sur 87 patients atteints de psoriasis classique. Lors de l’expérience, le traitement était de 21 jours avec une durée quotidienne de station dans les piscines de 7,4 heures, répartie en deux bains par jour. Une diminution significative du score, calculé grâce au Psoriasis Area Severity Index (PASI) a été rapportée à chaque relevé (jours 3, 6, 9,12, 15, 21). Le score PASI prend en compte l’extension des surfaces lésées ainsi que la sévérité de l’érythème, de la desquamation et de l’induration (0 : pas de psoriasis, 72 : sévérité maximale). Dans cette étude, 57 % des patients semblaient totalement soignés au bout des 21 jours et le score PASI des patients restant avait diminué de plus de 80 %. La diminution du score PASI est apparue corrélée avec le nombre de jours passés dans les bains. Par ailleurs, 22,8 % des patients ont été en rémission pendant un an ou plus, à la suite de cette cure et le temps d’arrêt des symptômes est apparu supérieur à celui des traitements antérieurs qu’ils avaient essayés. 36,4 % des patients venaient pour la seconde fois ou plus et certains venaient régulièrement une fois par an pour continuer leur traitement (OZÇELIK et AKYOL, 2011).

Figure 14 : Patient assis présentant des lésions de psoriasis lors d’ un traitement par les Garra rufa (GRASSBERGER et HOCH, 2006).

Différents éléments entrent en compte comme le montre le diagramme ci-dessous et il est probable que les poissons, non seulement décapent les lésions et en facilitent la cicatrisation, mais ils potentialisent aussi les effets des autres facteurs en accélérant leur action : sur la peau débarrassée des squames, les minéraux seront mieux absorbés et l’effet des UV sera plus intense. Par ailleurs, le fait d’être baigné dans une eau remplie de poissons procurant des sensations agréables peut favoriser la détente ; le côté original et attachant des Garra rufa, qui sont si familiers, peut être réconfortant et enthousiasmant, de plus ces sensations et expériences nouvelles facilitent les échanges entre patients. Tout cela les amène à sortir de leur quotidien, à oublier leurs tensions et à réduire leur niveau de stress et leur mal-être.

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Il est par ailleurs fait mention de la possibilité que les Garra rufa sécrètent une enzyme utilisée dans le traitement topique du psoriasis (l’anthraline qui freine la synthèse de l’ADN et la mitose de l’épiderme hyperplasique) mais aucune étude scientifique n’a été menée en ce sens (BUISSON, 2010). Ainsi beaucoup de facteurs entrent en jeu et sont étroitement liés (fig.15), il est donc difficile de faire la part des choses quant à l’importance de chacun (MATZ et al., 2003) (OZÇELIK et AKYOL, 2011).

Effets psychologiques Garra rufa (le décapage des squames lors des (décapage initial des squames puis premiers jours donne un élan nettoyage journalier, ulcérations d’enthousiame aux baigneurs ainsi que superficielles  phénomène de Koebner l’« effet poisson », la thérapie de inverse) groupe permettant la communication, la découverte mutuelle et la cohésion entre la quinzaine de patients immergés dans la piscine, le Eau du bain thermal changement de style de vie, la rupture (action mécanique de avec le quotidien et un mode de vie l’eau,Minéraux :Sélénium, magnesium, plus sain, plus reposant, moins zinc..) stressant et sans tensions émotionelles)

Améloriation clinique du psoriasis

Lumière UV naturelle Consommation d’eau thermale (piscines en plein air à 1600 m (absorption accrue de sélénium et autres d’altitude) éléments pouvant avoir des effets antioxydants, antiprolifératifs et immunomodulateurs)

Figure 15 : Différents facteurs intervenant dans la guérison du psoriasis au Kangal Fish Spring, (OZÇELIK et AKYOL, 2011).

Entre 2002 et 2004, en Autriche, GRASSBERGER et HOCH ont traité 67 patients atteints de psoriasis pour évaluer l’efficacité du traitement par les Garra rufa en dehors du Spa de Kangal. Contrairement à la méthode classique, l’immersion était limitée à 2 heures quotidiennes dans des bassins individuels. La thérapie a été combinée avec une courte exposition aux UVA (3 à 5 min après chaque bain en fonction du type de peau) et avec l’application d’une lotion corporelle standard (Pharmacie Neunkirchen, Autriche) contenant de la glycérine, du beurre de karité et de l’aloe vera. Trois semaines après le début de la thérapie, le score PASI a baissé de 71.7%. Respectivement 46.3% et 91% des patients ont vu leur score diminuer de 75% et d’au moins 50% (fig.16). A la fin du traitement, 90% des patients envisagent d’y avoir à nouveau recours. La rémission dure 8.58 mois en moyenne, avec un intervalle de confiance de 95 % (6.05 mois à 11.11 mois) et 65 % des patients ont déclaré qu’après la rechute, leurs symptômes étaient moins sévères qu’avant le traitement.87.5 % des patients rapportent un meilleur résultat quand on leur demande de comparer l’efficacité de l’expérience à celle des traitements qu’ils

41 avaient essayés auparavant (GRASSBERGER et HOCH, 2006) (KAZANDJIEVA et al.,2008). .

Figure 16 : Trois patients avant et après un traitement de trois semaines par les Garra rufa et les UVA (GRASSBERGER et HOCH, 2006).

Là aussi, plusieurs mécanismes d’action ont été proposés pour expliquer l’efficacité du traitement. Le premier, qui est évident, est l’action mécanique des Garra rufa qui retirent les peaux mortes et entraînent une réduction rapide des squames présentes sur la peau lésée. Ces poissons semblent choisir préférentiellement les zones abîmées plutôt que la peau saine, peut-être parce que les particules y sont plus faciles à détacher. On peut ajouter à leur action décapante, la sensation agréable de micro-massage qu’ils procurent. L’action directe des UV intervient elle aussi. Elle consiste d’ailleurs en un traitement à part entière et il est dommage que dans cette étude il n’y ait pas eu de témoins avec ou sans UV, avec ou Sans Garra rufa dans

42 les bains, pour permettre d’évaluer l’efficacité réelle de chacun des soins (KAZANDJIEVA et al., 2008). Cependant, les traitements UV ne semblent pas présenter de résultats aussi satisfaisants, ce qui nous conforte dans l’idée que la guérison est due à l’interaction entre l’action des Garra rufa et des UV. Il nous faut aussi garder en mémoire les 2 heures de bains quotidiens et la possible action mécanique de l’eau ainsi que son effet relaxant qui peut jouer sur le stress et le bien- être des malades. Nous devons aussi prendre en compte l’application quotidienne de lotion. On supprime ici, par rapport à l’étude précédente, l’effet systémique et local des minéraux présents en quantité dans les sources de Kangal.

Aucun effet secondaire n’est observé lors de ces traitements, si ce n’est, pour les patients qui ont du psoriasis au niveau du cuir chevelu et qui ont la tête très souvent immergée, l’apparition d’otites qui peuvent être évitées grâce à l’utilisation de bouchons d’oreilles. Il se peut également que, pendant le processus initial de nettoyage des squames, des ulcérations superficielles et de légers saignements apparaissent mais, dans les jours qui suivent, ces symptômes vont décroître jusqu’à finalement disparaître (OZÇELIK et AKYOL, 2011) (GRASSBERGER et HOCH, 2006).

L’étude autrichienne semble montrer que ni la composition spéciale des sources de Kengal ni une immersion journalière de plus de 2h ne sont indispensables pour obtenir d’excellents résultats. Cela pourrait donner donc la possibilité de pratiquer cette thérapeutique plus facilement en tout lieu et, au vu du bénéfice tiré et de l’absence d’effets secondaires, il serait intéressant que d’autres études aient lieu pouvant permettre à terme l’usage de ce soin par le plus grand nombre. Cependant, le traitement demande un investissement quotidien pendant vingt et un jours et des installations adéquates : par exemple, dans cette expérience, pour éviter tout risque sanitaire, chaque patient avait son propre bac et ses propres Garra rufa, ce qui, à plus grande échelle, représenterait une organisation et un coût colossal avec une désinfection des bacs et une mise en quarantaine des poissons entre chaque lot de patients.

Pour l’instant, cet usage médical, n’est pas autorisé en France.

iv. Usage esthétique et de loisir

L’usage esthétique repose sur les mêmes bases que l’usage médical sauf que les Garra rufa interviennent sur peau saine avec le même effet exfoliant par retrait des peaux mortes et relaxant par micro massage (fig.17, fig.18). Le gommage effectué est plus doux que l’usage de la râpe lors d’une pédicure classique et cette agression moindre semble ralentir le processus de régénération de la corne. Il s’agit également d’une expérience amusante et originale avec des sensations nouvelles, ce qui en fait une activité inédite et attrayante que l’on peut partager entre amis ou en famille.

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Figure 17 : Trois bacs de « fish Figure 18 : Bac de « fish massage » massage » pour les pieds (FISH’N pour les pieds (DELALANDRE

FEET, Lyon). INSTITUT, Juan Les Pins).

C’est cet usage qui nous intéresse plus particulièrement et nous en détaillerons les différentes spécificités dans le chapitre suivant.

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2. Modalités de l’activité « fish spa »

L’activité Fish Spa consiste en la pratique du « fish-massage ». Concrètement, une partie du corps (pieds, mains…) ou le corps dans sa totalité est immergé dans un aquarium spécialement conçu pour cet usage et qui contient une population de poissons de l’espèce Garra rufa. Les poissons viennent immédiatement au contact des parties immergées et en retirent les peaux mortes, provoquant ainsi une exfoliation superficielle de la peau et une stimulation pouvant s’apparenter à un massage relaxant.

Les bassins sont le plus souvent individuels et la durée moyenne de l’activité est de 20 à 30 minutes pour constater une action exfoliante visible mais il est possible de faire des initiations de 10 ou 15 minutes pour découvrir la sensation.

Ce chapitre est rédigé à partir des données recueillies à la suite de ma visite au siège de « Aquarium Services France » à Dijon et de mes observations personnelles lors de visites en instituts ainsi que des informations de l’ANSES (2013), provenant des dossiers de demande d’autorisation d’ouverture de certains établissements, fournis par les Agences Régionales de Santé et les Directions Départementales de La Protection des Populations (DDPP).

L’installation complète de « fish massage » (bacs, filtres, lampes à rayonnements ultraviolets (UV), pompes, siège, etc.), le lot de Garra rufa ainsi que la formation dispensée pour l’entretien de ces poissons sont généralement proposés aux établissements par des prestataires de service.

Même s’il en existe plusieurs, « Aquarium Services France » fait figure de leader sur le marché tant par le nombre d’instituts qu’il fournit que par le sérieux, le professionnalisme et la gentillesse de ses prestataires. Cette SARL fut créée en 2007 par Christophe Chapotot, son activité principale était alors l’entretien d’aquariums. En 2009, l’arrivée des Garra rufa a permis à l’entreprise de s’agrandir, elle comporte actuellement une quinzaine d’employés, s’occupe de l’entretien de plus de 500 aquariums (dont au moins 200 bacs de « fish massage ») et commence à exporter à l’étranger (Tunisie, Sénégal, Egypte, Luxembourg, Suisse, Belgique, Canada, Côte d’Ivoire…) (fig.19). Cette entreprise fournit le matériel et les Garra rufa, assure le suivi mensuel des aquariums, dispense une formation initiale et accompagne le client dans sa démarche de demande d’autorisation d’ouverture et d’obtention d’un certificat de capacité d’élevage Garra rufa. Christophe Chapotot, n’a pas hésité, à ce titre, à se rendre plusieurs fois au ministère afin d’y présenter cette activité et d’essayer d’obtenir un cadre légal uniforme dans toutes les préfectures qui permette de faciliter l’installation de l’activité « fish spa ».

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Figure 19 : Siège de « Aquarium Services France » (AQUARIUM SERVICES FRANCE, Dijon).

a. Description de la procédure d’ouverture d’un « fish spa »

Avant la pratique de cette activité, l’établissement doit obtenir une autorisation d’ouverture de la part de la préfecture ainsi qu’un certificat de capacité d’élevage Garra rufa pour un membre de son personnel. Cette démarche (voir détail dans la partie concernant la réglementation) peut s’avérer très longue (jusqu’à plusieurs années) et nombreux sont les instituts qui commencent leur activité avant d’en avoir obtenu l’autorisation.

Par ailleurs, l’institut doit choisir ses fournisseurs pour le matériel et les poissons ainsi qu’un éventuel technicien qui s’occupera du bon fonctionnement et de l’entretien mensuel, trimestriel et annuel des installations. Les aquariums doivent arriver les premiers et être mis en eau pendant au moins trois semaines afin que le cycle de l’azote ait le temps de se mettre en place, les Garra rufa y sont ensuite acclimatés progressivement et l’activité peut démarrer dans les jours qui suivent.

Les installations de « fish-massage » sont destinées uniquement à un usage esthétique et de relaxation. En aucun cas les pseudo-vertus thérapeutiques du Garra rufa ne peuvent servir lors de publicités ou de discours de communication avec la clientèle.

b. Description de l’installation « fish spa »

Un institut de « fish spa » doit posséder un ou plusieurs postes de « fish massage » ainsi qu’un espace propreté pour la préparation du client (nettoyage et désinfection des parties du corps concernées), par exemple une douche. Il existe différents types d’installations en fonction de la partie du corps que l’on souhaite immerger. Les plus fréquents (et ceux sur lesquels s’est exclusivement concentrée l’étude réalisée par

46 l’ANSES) sont les bacs permettant l’immersion des pieds mais il existe également des installations pour les mains ainsi que des baignoires intégrales. Nous envisagerons dans un premier temps leur fonctionnement commun, avant de nous intéresser à leurs différentes spécificités.

i. Fonctionnement général des bacs de « fish massage »

L’eau alimentant les bacs est souvent l’eau du réseau public de distribution non modifiée (elle peut être mélangée avec de l’eau osmosée si la dureté de l’eau est trop importante). Chaque aquarium est divisé en deux parties qui peuvent être attenantes ou bien dans des pièces séparées: - un bac d’eau contenant les Garra rufa dans lequel les usagers trempent les pieds et où a lieu le « fish massage », aucun appareil électrique n’est présent dans cette zone. - une annexe technique permettant de traiter l’eau, comprenant : o le système de filtration intégrant une couche d’ouate et/ou de mousse synthétique pour retenir les particules, une ou plusieurs couches de charbon actif ou de résines échangeuses d’ions destinées à éliminer les composés azotés et une autre couche de supports poreux servant à favoriser la biomasse qui assure la biodégradabilité des matières organiques et les étapes de transformation des formes dissoutes de l’azote (ammonium, nitrites, nitrates) ; o le circuit de retour de l’eau recyclée vers les bacs à poissons comprenant : - une pompe de recirculation dont les débits permettent d’assurer le renouvellement de deux à cinq fois le volume d’eau du bac en une heure (en fonction du débit de la pompe de recirculation) - un thermorégulateur maintenant une température entre 26 et 28°C - une pompe à air permettant une meilleur oxygénation du milieu. La circulation de l’eau est réalisée en circuit fermé pour chaque poste ou pour plusieurs postes conduisant alors à un mélange des eaux de plusieurs bacs. Une partie de l’eau est régulièrement retirée en fonction des valeurs mesurées comme nous le verrons dans la partie concernant l’entretien. Un système de désinfection par lampe à rayonnements UV complète généralement le dispositif et certains expérimentent l’action de l’ozone. Ces dispositifs peuvent être placés, soit à l’entrée du bac, soit à la sortie du système de filtration. De plus, un éclairage artificiel est mis en place pour éclairer la zone de « fish massage ». Son utilité est purement esthétique. En effet la lumière du jour (ou la lumière artificielle de l’établissement) suffirait amplement à l’équilibre du système car aucune plante n’étant présente, aucun apport de lumière pour la photosynthèse n’est nécessaire à l’équilibre du milieu (ANSES ,2013) ( AQUARIUM SERVICES FRANCE, 2013).

ii. Bacs de « fish massage » pour les pieds

Les bacs à immersion pour les pieds, sont généralement d’une capacité de 150 à 300 litres et contiennent une centaine de Garra rufa (fig. 20, fig. 21). Nous nous concentrerons sur les modèles proposés par « Aquarium Services France », ils sont équipés :

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- d’un aquarium avec plusieurs compartiments de traitement d’eau. - d’un siège ou banc pour le client.

Figure 20 : Bac de « fish massage Figure 21 : Bac de « fish massage pour les pieds avec siège client et pour les pieds avec siège client et compartiment poissons (INSTITUT compartiment poissons (INSTITUT ALGANCE , Lyon) FISH’N FEET, Lyon)

Les aquariums sont en verre de 8 mm d’épaisseur. Ils mesurent 90 cm de long, 60 cm de large et 45 cm de haut (fig.22). Ils sont d’un volume minimum de 243 litres et sont divisés en 2 parties distinctes : la zone 1 ou zone de vie des Garra rufa (> 162 litres) et la zone 2 correspondant à l’annexe technique où l’eau est purifiée (>81 litres).

La zone 2 comprend différents compartiments (fig.23) : -Compartiment 1 : Entrée d’eau : L’eau pénètre par des grilles placées de façon à permettre une aspiration sur toute la hauteur d’eau. Un chauffage de 250W permet de maintenir une température de 27° (Modèle Visitherm AQUARIUM SYSTEM). -Compartiment 2 : Filtration mécanique : Elle se compose de plaques de mousse superposées. La granulométrie des mousses varie afin de retenir des impuretés de plus en plus fines. -Compartiment 3 : Filtration chimique : Elle se compose, le plus souvent, de poches de charbon super actif. L’objectif est de fixer les polluants chimiques ainsi que les composés azotés. Le volume minimum est de 6 litres. -Compartiment 4 : Filtration biologique : Elle se compose de supports poreux offrant une très grande surface de colonisation pour abriter les bactéries aérobies Nitrosomonas (pour la dégradation de l’ammoniaque en nitrites) et Nitrobacters (pour la dégradation des nitrites en nitrates). Le volume minimum est de 6 litres.

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-Compartiment 5 : Sortie d’eau : Ce compartiment final reçoit l’ensemble du matériel électrique : Stérilisateur UV pour l’action germicide. Modèle 9W AQUAMEDIC avec une pompe de circulation MJ 500 avec un débit de 490 l/h. Pompe de circulation d’eau. L’éclairage du bac est de type néon Led 12 W ou un tube T5 24 W (respectant les normes IP65), il est mis en marche aux horaires d’ouverture de l’établissement. Un apport d’air pulsé est également mis en place par un système venturi en sortie de pompe de circulation d’eau (AQUARIUM SERVICES FRANCE,2013). .

Figure 22 : Dessin de bac de « fish Figure 23 : Différents compartiments massage » pour les pieds de type 243L de l’annexe technique d’un bac de avec ses compartiments principaux « fish massage » pour les pieds (AQUARIUM SERVICES (INSTITUT ALGANCE , Lyon). FRANCE,2013).

iii. Bacs de « fish massage » pour les mains

Le principe de fonctionnement du bac à immersion pour les mains, est fondé sur le même principe que le bac de « fish massage » pour les pieds.

Les aquariums sont en PVC de 10 mm d’épaisseur. Ils mesurent 50 cm de long, 30 cm de large et 30 cm de haut. Ils sont surélevés sur des colonnes de 90 cm de haut. Le matériel technique est installé dans ces colonnes. Un stérilisateur UV est utilisé pour l’action germicide (Modèle 9W AQUAMEDIC). Un groupe de filtration extérieur (EHEIM PRO 250W), avec un débit de 950 l/h, assure le pompage la filtration et le chauffage de l’eau(AQUARIUM SERVICES FRANCE,2013).

iv. Baignoire intégrale

Un seul institut semble présenter ce type d’installation en France (RufaFish, Paris). Il possède plusieurs baignoires intégrales pouvant chacune accueillir jusqu’à deux personnes simultanément et une salle annexe contenant les dispositifs de traitements de l’eau, d’une structure comparable à ceux cités précédemment.

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c. Description des procédures d’entretien et de contrôle

Les interventions conventionnelles de contrôle de la qualité d’eau et sa désinfection sont limitées par la présence des poissons vivants. L’eau de l’aquarium ne peut donc pas faire l’objet de procédure de désinfection à base de produits chlorés, ou d’autres produits chimiques tel que cela peut se faire par exemple en piscine, car leur utilisation est incompatible avec le maintien de bonnes conditions de vie pour les Garra rufa. De plus, il est également impossible d’effectuer une vidange et une désinfection des installations entre chaque utilisateur car cela perturberait l’équilibre de l’aquarium et provoquerait un stress important et répété pour les animaux. Il est donc fait uniquement usage des systèmes de filtration décrits précédemment ainsi que des mesures d’entretien régulières que nous détaillerons ci-dessous. Il est capital que ces mesures soient suivies avec une grande rigueur pour un fonctionnement optimal, garantissant à la fois un environnement adéquat à l’hébergement des poissons, un bac le plus propre et sain possible pour les clients, et la meilleure sécurité sanitaire que l’on puisse obtenir pour le personnel intervenant sur les installations. Dans cet esprit, les employés doivent recevoir une formation théorique et pratique suffisamment détaillée pour leur permettre de comprendre les bases du fonctionnement et de l’entretien des systèmes ainsi que les principaux paramètres à contrôler pour le bien-être des poissons et une sécurité sanitaire suffisante. C’est notamment ce que garantit la formation proposée pour l’obtention du certificat de capacité élevage Garra rufa (cf. la partie concernant la réglementation nécessaire en France).

Les conditions d’utilisation et d’entretien décrites ci-dessous correspondent à celles proposées et revendiquées par les prestataires de service et ce sont celles que l’on retrouve dans les dossiers de demande d’autorisation d’ouverture d’établissements de « fish massage » (ANSES, 2013) ainsi que sur le terrain dans la grande majorité des cas. Les différentes interventions à prévoir et leurs fréquences (quotidienne, hebdomadaire, mensuelle, trimestrielle ou annuelle) sont précisément planifiées et standardisées. Elles doivent être consignées dans un tableau de suivi et concernent les protocoles de nettoyage, de changement d’eau, d’entretien du matériel et de contrôle des paramètres d’eau ainsi que l’alimentation des Garra rufa.

Les points clefs pour la qualité de l’eau et le bon fonctionnement du matériel (tab. VIII) sont : -Le fonctionnement optimal du stérilisateur UV grâce aux contrôles journaliers et au remplacement régulier de la lampe. -Le fonctionnement des pompes de circulation qui permettent la filtration et empêchent la stagnation d’eau et la formation de voiles gras et biofilms pouvant servir de support à la croissance bactérienne. Pour effectuer ces opérations, le siège, qui masque le compartiment technique du bac de « fish massage », doit être démonté (fig. 24).

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Tableau VIII : Vérifications à effectuer pour le bon fonctionnement du « fish spa » (AQUARIUM SERVICES FRANCE, 2013)

Fréquence de vérification Objet de la vérification Nature de la vérification ou de l’intervention Aspect général de eau claire et limpide, pas Quotidienne l’aquarium de poissons morts, pas d’odeur inhabituelle Bon fonctionnement des -pompe de circulation appareils techniques d’eau : courant d’eau visible avec injection de bulles d’air -chauffage : température entre 26 et 28°. -stérilisateur UV : lumière bleue allumée -éclairage : en état de marche Rôle du filtre Intégrité et circulation d’eau normale Quotidienne le temps de Qualité de l’eau -Indicateur l’équilibre du milieu puis d’ammoniaque : contrôle hebdomadaire de la pastille - Avec une bandelette spéciale : mesure du taux de NO3, NO2, du GH, du KH et du pH Préfiltration mécanique Remplacement Hebdomadaire (ouate blanche) Taux de NO3 Changement d’eau en fonction de la valeur mesurée (10 à 45 l) Vitres Nettoyage Filtration mécanique Nettoyage Mensuelle Filtration biologique Nettoyage Appareils électriques Nettoyage Compartiments de Siphonage partiel et filtration et zone de vie changement d’eau (50 à des poissons 100 l) Trimestrielle Masses filtrantes Remplacement chimiques Annuelle Tubes d’éclairage Remplacement Ampoule UV Remplacement

Les paramètres de qualité de l’eau relevés (fig.25) sont des indicateurs de l’équilibre du milieu aquatique et du bien-être des poissons (ions ammonium, nitrites, nitrates et pH) et même, s’ils peuvent refléter en un sens la qualité de l’entretien de l’aquarium, aucun paramètre de suivi de la qualité sanitaire de l’eau pour l’usager n’est mesuré. Ainsi aucune analyse de la qualité microbiologique de l’eau n’est effectuée (ANSES, 2013).

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Figure 24 : Bac de « fish massage » Figure 25 : Bandelettes utilisées pour

sans son siège, prêt pour l’entretien les contrôles hebdomadaires des

(ALGANCE INSTITUT, Lyon). paramètres de qualité de l’eau des bacs de « fish massage » (ALGANCE

INSTITUT, Lyon).

Un résumé des règles sanitaires et de bien-être des animaux devrait être affiché dans chaque établissement pour que les clients puissent le lire.

Il faut, par ailleurs, s’occuper quotidiennement de l’alimentation des poissons. La quantité distribuée est définie avec le technicien responsable et ajustée par la suite, les poissons doivent être en pleine santé mais ne doivent pas être obèses. De plus, l’eau ne doit pas être trouble à cause de la nourriture qui ne serait pas consommée. Un jeûne d’un jour peut être toléré par les poissons (le dimanche par exemple lorsque l’institut est fermé) mais « Aquarium Services France » affirme que toute absence de soins supérieure à un jour sera signalée par le technicien et des mesures seront prises pour assurer l’alimentation des animaux.

d. Description de la pratique de « fish massage »

La pratique de « fish massage » consiste à immerger (en général entre 10 et 45 minutes) une partie du corps dans un bac d’eau contenant des Garra rufa. Les poissons viennent immédiatement exfolier la peau, provoquant ainsi un « gommage superficiel et un massage ». Comme nous l’avons vu précédemment, les Garra rufa ne disposent pas de dents et agissent par succion.

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Afin d’assurer un environnement optimal pour les poissons, et pour éviter le stress dû aux manipulations, les Garra rufa restent dans un seul aquarium et alternent les périodes de « travail » (qui consistent en fait à la recherche de nourriture sur la surface de la peau que les poissons assimilent aux galets ronds sur lesquels ils prélèvent leur alimentation dans leur milieu naturel), et les périodes de « repos » durant lesquelles aucune stimulation n’est apportée.

La profession recommande que le nombre des périodes de « travail » n’excède pas 10 par jour (sur la base de 30 minutes par période) et qu’une période de « repos » de 15 minutes soit obligatoirement prévue entre chaque stimulation. Nous allons décrire en détail une prestation telle qu’elle se déroule, nous prendrons l’exemple de l’immersion des pieds, qui est de loin la pratique la plus fréquente mais les mêmes principes peuvent être transposés à d’autres parties du corps. Le déroulement se décompose en plusieurs étapes comme le montre le diagramme présenté en figure 26.

•Discussion : présentation des risques + ou - questionnaire à remplir •Inspection visuelle des parties à immerger •Désinfection locale par un gel agréé Avant le soin •Rinçage soigneux du gel avant immersion

•Présence et surveillance Pendant le soin

•Nouvelle observation des parties immergées •Désinfection avec rinçage Après le soin •Lavage des mains

Figure 26 : Différentes étapes à respecter pour un soin de « fish massage » .

Nous allons détailler chaque étape : - L’entrevue préalable avec le client permet de présenter les risques et d’avoir un échange avec le client afin de l’informer des contre-indications du traitement de «fish-massage». Ceci doit inclure la présentation des conditions médicales susceptibles d’augmenter le risque de contracter une infection par le client ou de provoquer un risque d’infection pour les clients suivants : - Rasage ou épilation effectuée depuis moins de 24h (micro-abrasions augmentant le risque d’infection) - Coupures/écorchures/blessures de la peau sur les parties à immerger - Diabète (augmente le risque d ‘infection) - Baisse immunitaire due à une maladie ou un traitement médical - Troubles de la coagulation sanguine ou prise d’anticoagulants - Infection des pieds (mycoses, verrues…)

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- Psoriasis, eczéma ou dermatite affectant les parties à immerger - Infection avec un virus à diffusion hématogène comme le virus de l’hépatite B, C ou le virus HIV. Il peut être envisagé que les clients aient à remplir et signer un formulaire pour confirmer qu’ils ont lu et compris les informations données et qu’ils ne font pas l’objet, à leur connaissance, d’une contre-indication au soin, avant sa réalisation. Ceci ne devrait pas être perçu comme une contrainte par l’institut et le client mais, au contraire, comme une mesure de protection. Cependant ce n’est que très rarement effectué sur le terrain.

Si aucun problème n’a été relevé lors de la première étape, l’inspection visuelle des parties à immerger peut commencer. Le personnel de l’institut doit être formé et compétent pour effectuer une inspection visuelle de la peau afin de détecter de possibles anomalies comme la présence d’une infection fongique ou mycose entre les orteils, la présence d’ulcères, de verrues, de mauvaise circulation ou de lésions en tout genre. En pratique, ils peuvent être entraînés à reconnaître ces affections mais on peut se demander si le fait de porter un diagnostic et de déclarer en tout état de cause qu’un pied est sain ne relève pas d’un exercice illégal de la médecine. Pour effectuer cette observation, le personnel doit porter des gants à usage unique. Les clients doivent enlever tout bijou, faux ongles et vernis à ongles pouvant masquer une possible infection. Le résultat de l’inspection visuelle devrait être consigné pour chaque client afin de pouvoir fournir des preuves en cas de litige. Cette étape d’observation a souvent lieu en même temps que le lavage des pieds et la désinfection locale avec un gel agréé, dans la zone réservée à cet effet (fig. 27, fig.28 ).

Figure 27 : Site où a lieu l’inspection, le Figure 28 : Site où a lieu l’inspection, le nettoyage, la désinfection et le rinçage nettoyage, la désinfection et le rinçage des des pieds (FISH’N FEET, Lyon). pieds ( ALGANCE INSTITUT, Lyon). 54

Le produit utilisé par tous les instituts, fourni par « Aquarium Services France », est le « gel spécial Kit fish-massage » (fig.29). En effet, sa composition et le respect de son mode d’emploi garantissent une désinfection complète et la préservation du milieu de vie des poissons (préservation des bactéries participant au cycle de l’azote). A l’issue de l’application du gel conformément au mode d’emploi, un rinçage soigneux sera effectué à l’eau claire pour éviter la diffusion du produit dans l’aquarium.

Le client enfile ensuite des chaussons en papier (à usage unique ou bien lavables à haute température (fig.30)) afin de se rendre jusqu’au bac de «fish massage», il est accompagné dans cette étape afin de ne pas effectuer de faux pas puis on l’aide à s’installer sur le banc de soin, à mettre ses pieds dans l’eau (une fois les chaussons retirés) et à prendre connaissance de la sensation originale du soin prodigué par les poissons. Il est ensuite laissé en autonomie pendant le temps choisi mais une personne de l’institut doit rester à proximité au cas où l’expérience tournerait mal et de façon à ce que les clients ne fassent rien qui puisse porter atteinte à l’intégrité des poissons. En ce sens, il est déconseillé de manipuler quoi que ce soit au-dessus du bac. Ainsi, la nourriture et les boissons sont fortement déconseillées de crainte de contaminer l’aquarium.

Après le soin, l’utilisateur remet ses chaussons et il est accompagné jusqu’à l’endroit de lavage où il est à nouveau inspecté pour repérer d’éventuelles lésions de la peau. Le personnel doit porter des gants à usage unique pour cette inspection, et utiliser une serviette blanche propre afin de détecter d’éventuelles traces de saignement. Une deuxième désinfection locale avec le gel agréé est réalisée. Elle est suivie d’un rinçage. Les mains doivent toujours être lavées après le traitement afin d’éviter la contamination possible de la main à la bouche par des pathogènes digestifs pouvant rester présents sur la peau.

En pratique, le personnel de l’institut ne porte pas toujours de gants, ce qui augmente le risque de contamination, par le client et par les poissons (par l’intermédiaire du client ayant été en contact avec les Garra rufa). Mais il est vrai que les esthéticiennes ne portent pas non plus de gants quand elles effectuent des massages sur leurs clients.

Concernant la pratique s’effectuant dans les baignoires intégrales, les personnes portent un maillot qui colle au corps (de manière à ce que les poissons ne puissent pas accéder aux parties du corps recouvertes) fourni par l’institut et les étapes sont les mêmes avec une inspection du corps qu’on peut cependant mettre en doute, car toutes les zones peuvent difficilement être inspectées afin d’être déclarée saines. De même, un nettoyage du corps a lieu par une douche désinfectante (hormis la tête mais celle-ci ne sera pas immergée) mais en ce qui concerne les muqueuses génitales, on peut se demander si ces dispositions sont suffisantes.

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Composition : Ethanol (CAS 64-17,5, 65,7% v/v), Aqua, Gycerine, Triclosan (CAS 3380-34,5, 0,15% m/m), Parfum. - Normes : Activité antimicrobienne prouvée par le service d’hygiène hospitalière de l’Institut Pasteur conforme aux normes NF EN 1500 : - NF EN 14476 virucidie en 1 minute de contact - NF EN 1040, bactéricidie en 1 minute de contact - NF EN 1275, fongicidie en 5 minutes de contact

Figure 29 : Gel de désinfection Figure 30 : Poste de « fish massage » avec et ses caractéristiques chaussons et serviette blanche lavables à techniques tous deux fournis par haute température (ALGANCE INSTITUT, « Aquarium Services France » Lyon). (FISH’N FEET, Lyon).

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e. Le bien-être des Garra rufa dans l’activité « fish massage »

Nous avons cherché ce qui existe sur le bien-être des poissons d’aquariums et nous allons voir de quelle manière ces critères peuvent être ou non respectés dans l’activité « fish massage ».

i. Approche éthique

La place que confèrent nos sociétés aux poissons que ce soit en élevage ou en aquarium, n’est pas des plus enviables et cela conduit à un problème éthique complexe.

En effet, d’une manière générale, la place, et par là, les traitements accordés aux animaux sont loin de faire l’unanimité et la grande majorité des réflexions éthiques concernent les mammifères. Peu d’études ont été publiées sur les poissons.

Peter SINGER et les philosophes utilitaires ont tendance à prôner l’égalité de tous les êtres vivants doués de « capacités à ressentir », mais avec de grandes variations entre les uns et les autres pour ce qui est de déterminer jusqu’où l’homme peut asservir les animaux. De même, les théoriciens des droits des animaux ne partagent pas tous les mêmes opinions : Tom REGAN, lequel a introduit la notion de droit des animaux, est résolument abolitionniste. Il est, par exemple, légitime pour lui d’interdire l’abattage des animaux à des fins de consommation, d’interdire la chasse, etc., alors que d’autres auteurs sont beaucoup plus nuancés. En revanche, la recherche d’un bien-être optimal pour les animaux utilisés par l’homme fait l’objet d’un très large consensus. C’est ce dernier aspect que nous développerons.

Des inquiétudes sur le bien-être des poissons ont été émises par des organisations de protection des animaux de certains pays étrangers. En effet, il est notamment reconnu que des conditions environnementales sub-optimales peuvent avoir un effet négatif sur la santé et le bien-être des poissons en entraînant indirectement le développement de maladies. Le Conseil Belge du Bien-être des Animaux devrait émettre prochainement son avis pour définir si la pratique « fish massage » respecte les termes de la loi belge sur la protection animale, en particulier en ce qui concerne les soins appropriés, leurs besoins physiologiques et éthologiques et l’absence de souffrance évitable (CONSEIL SUPERIEUR DE LA SANTE BELGE, 2013).

Cependant, il n’est pas évident de faire la part des choses sur ce qui est bon ou non pour un poisson ; il y a beaucoup d’espèces, leurs besoins diffèrent et les connaissances scientifiques restent limitées, surtout en éthologie (EFSA, 2013). Nous pouvons quand même essayer de rendre leurs conditions de vie en aquarium la moins mauvaise possible en leur fournissant : - Un environnement convenable - Une alimentation adaptée - La possibilité d’exprimer un comportement proche de celui qu’ils ont naturellement

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- La protection optimale contre les maladies, les blessures et la souffrance (FEDERATION OF BRITISH AQUATIC SOCIETIES, 2008).

Ainsi chaque espèce de poissons a des besoins différents ; nous avons déjà eu un aperçu de ceux des Garra rufa dans la partie intitulée « Les principaux acteurs de l’activité « fish spa » : les poissons Garra rufa », et nous allons maintenant les confronter aux impératifs du « fish massage », abordés dans la partie intitulée « Modalités de l’activité « fish spa » ».

ii. Le bien-être par l’environnement

L’environnement des Garra rufa dans les « fish spas » comprend le contenant dans lequel ils sont, l’eau, le chauffage, les systèmes de filtration et les autres poissons.

Ils ont besoin d’une eau propre avec des paramètres stables qui n’excèdent en aucun cas certaines valeurs (ORNAMENTAL AQUATIC TRADE ASSOCIATION, 2008).

Ammoniaque, nitrites et nitrates

L’ammoniaque en trop forte concentration, par exemple, peut être toxique. Il provient du métabolisme des poissons, de la dégradation des cadavres qui seraient laissés dans l’aquarium ou bien de la nourriture non consommée. Dans le contexte « fish spa », les cadavres peuvent être repérés facilement, ils sont donc rapidement retirés ; la quantité de nourriture qu’on leur donne est ajustée de façon à ce qu’il n’y ait pas de gaspillage. La production d’ammoniaque est ainsi due au métabolisme des poissons, ce qui n’est pas cependant négligeable, car ils sont présents en grand nombre. Nous pouvons également penser que les squames humaines non consommées et produites par le soin de « fish massage » peuvent participer à ce phénomène et altérer la qualité de l’eau, il faudra donc y être particuliérement attentif dans le cadre des « fish spas ».

L’ammoniaque existe dans l’eau sous deux formes, l’ammoniaque libre (NH3), hautement toxique pour les poissons, et l’ammonium (NH4+ ), non toxique tant qu’il est ionisé. L’équilibre entre ses deux formes dépend du pH et de la température de l’eau. Plus la température et le pH sont élevés, plus il y a une concentration importante de NH3 et moins il y a de NH4+, plus le milieu est dangereux pour les poissons et inversement. La concentration en NH3 ne devrait pas excéder 0.02 mg/l, au-delà cela peut causer un stress aux poissons puis endommager leurs branchies et d’autres organes jusqu’à les conduire à la mort (ORNAMENTAL AQUATIC TRADE ASSOCIATION, 2008).

Dans les « fish spa », la concentration en ammoniaque est mesurée en permanence, grâce à une pastille présente dans l’aquarium et les résultats sont relevés quotidiennement au début de la mise en place des Garra rufa dans le bac, puis de manière hebdomadaire par la suite. Il est possible d’extrapoler ces valeurs en fonction du pH et de la température (afin de connaître la concentration en NH3). Ces

58 valeurs sont donc bien contrôlées et des mesures sont prises si les résultats ne sont pas satisfaisants.

La concentration en ammoniaque peut être réduite par : - La dilution, en changeant une partie de l’eau - L’entretien régulier des bacs et des filtres - La réduction du nombre de poissons par bac - La réduction du gaspillage alimentaire - L’amélioration de la filtration

L’ammoniaque est ensuite dégradé en nitrite, qui est lui-même dégradé en nitrate lors du cycle de l’azote, grâce à l’action de certaines bactéries spécifiques (Nitrosomonas sp. puis Nitrobacter sp.). La concentration en nitrites ne devrait pas excéder 0.2mg/l car ils peuvent se lier à l’hémoglobine des poissons, empêchant ainsi un apport suffisant en oxygène et conduisant à un étouffement progressif, accompagné d’un brunissement caractéristique des branchies (ORNAMENTAL AQUATIC TRADE ASSOCIATION, 2008).

Les nitrates n’ont pas une toxicité élevée pour les poissons, mais ils peuvent être un bon indicateur, quand on les trouve en quantité trop importante : cela signifie que d’autres éléments, potentiellement toxiques pour les Garra rufa, sont présents à une concentration trop élevée. Il est conseillé que le niveau de nitrates n’excède pas de plus de 50 mg/l celui mesuré dans l’eau du robinet utilisée (ORNAMENTAL AQUATIC TRADE ASSOCIATION, 2008).

L’action des bactéries permet de transformer l’ammoniaque en nitrites puis en nitrates, composés nettement moins toxique pour les poissons, il faut donc les favoriser. Les bactéries ont besoin d’une surface appropriée et suffisamment grande pour se développer et des apports en nutriments (ammoniaque, nitrites) aident à leur développement avant que le système aquarium n’atteigne son équilibre, avec un cycle de l’azote qui fonctionne correctement.

pH

La stabilité du pH est essentielle pour le bien être des poissons et il peut être amené à varier du fait des acides produits par différentes sources (cycle de l’aquarium, contamination par le client…). Il faut y être particulièrement vigilant dans le contexte « fish spa », des changements d’eau et des filtres biologiques efficaces peuvent permettre de le maintenir ou de le ramener à une valeur correcte.

Oxygène

Une quantité d’oxygène dissout de 6 mg/l, équivalent à une saturation de 73 % à 25 °C, est recommandée (ORNAMENTAL AQUATIC TRADE ASSOCIATION, 2008). Plus la température s’élève et plus la quantité d’oxygène qui peut être dissout dans l’eau diminue. Pour augmenter la quantité dissoute, il faut maximiser la surface

59 d’échange et favoriser les mouvements d’eau (notamment à l’aide d’une pompe) de façon à ce qu’elle soit le plus souvent au contact de l’air frais, pour se saturer en O2 et se débarrasser du CO2 en excès. La consommation d’oxygène dépend, bien sûr, du nombre et du type de poissons (les petits poissons utilisent relativement plus d’oxygène que les gros) et de la température (la consommation d’oxygène par les poissons augmente avec la température et sa solubilité est moindre, ce qui le rend disponible en quantité moins importante dans l’eau)

Nombre de poissons

Une trop grande quantité de poissons dans un espace trop restreint peut conduire à une détérioration importante de la qualité de l’eau mais également à un stress, dû à la surpopulation et à des phénomènes de dominance et de lutte pour les ressources allant jusqu’à la mort de certains individus (FEDERATION OF BRITISH AQUATIC SOCIETIES, 2008). Cependant, le Garra rufa est une espèce grégaire, qui est habituée à vivre en bancs et il doit donc se trouver en compagnie d’autres individus de son espèce, ce qui est le cas en institut.

Il est difficile de prédire, a priori, quel est le nombre maximal de poissons que peut contenir un aquarium d’une taille donnée. Et ce calcul doit être pondéré par le suivi des paramètres de qualité de l’eau qui, s’ils se dégradent, peuvent être le signe d’une surpopulation. Cependant, certaines études donnent des valeurs indicatives qui peuvent servir de repère dans un premier temps. Pour des poissons tropicaux d’eau douce tels que les Garra rufa, il est recommandé de ne pas dépasser pour 1000 l 1.5 kg de poissons de moins de 5 cm ou 2.5 kg de poissons de plus de 5 cm (ORNAMENTAL AQUATIC TRADE ASSOCIATION, 2008). Si nous faisons le calcul, par exemple pour les aquariums classiques de « Aquarium Services France » de 243 l, en considérant le volume des deux zones (bac des Garra rufa et annexe technique) ce qui est discutable mais correspond au volume effectif d’eau, cela reviendrait à 365 g de Garra rufa de moins de 5 cm ou 608 g de plus de 5 cm. En admettant que les poids des poissons présents en institut varient entre 2 g et 20g et en considérant ces deux extrêmes, cela permettrait d’avoir 183 petits poissons de 2 g et de moins de 5 cm ou bien 30 spécimens de 20 g et de plus de 5 cm. Les Garra rufa atteignant ces dernières dimensions sont loin d’être les plus fréquents en institut, cependant les individus sont amenés à grandir et il est donc sage de prévoir une certaine marge. « Aquarium Services France » fournit une centaine de poissons par bac, ce qui est un intermédiaire entre les deux résultats que nous avons trouvés et peut donc paraître cohérent. Une autre méthode consiste à déterminer le nombre de poissons par cm². Avec comme référence 77 cm² pour un poisson d’une taille de 2.54 cm (sans la queue) (FEDERATION OF BRITISH AQUATIC SOCIETIES JUDGES &STANDARDS COMMITTEE, 2007). Les mêmes aquariums que dans l’exemple précédent possèdent une surface au sol de 5400 cm², soit la possibilité d’héberger 70 Garra rufa, ce qui est inférieur à la densité généralement observée en institut. Ces résultats dépendent du format des poissons et sont obtenus avec beaucoup d’approximations ; de plus ces méthodes de calculs sont utiles pour donner des jalons mais ne se vérifient pas toujours dans la réalité. En pratique, il faut mesurer

60 les paramètres de qualité de l’eau et, s’ils sont satisfaisants, le nombre de poissons peut être conservé ou augmenté, tandis que si les résultats se détériorent sans autre raison apparente, il est nécessaire de diminuer le nombre d’individus ou d’opter pour un bac plus grand.

Température

La température est normalement régulée en institut par un chauffage et elle est maintenue autour de 28 °C. Il n’est cependant pas possible de refroidir l’eau et en été la température peut grimper, ce qui n’est pas gênant pour les Garra rufa, qui sont des poissons tropicaux, mais ce qui demande d’autant plus de vigilance quant à la qualité de l’eau qui risque de se dégrader plus rapidement. En cas de panne de courant, les instituts doivent veiller à rétablir l’électricité le plus rapidement possible et, si cela ne se peut pas, contrôler la température de l’eau voire la chauffer avec des moyens autres (poche d’eau chaude qui flotte, chauffage portatif à proximité…).

En résumé, il faut s’assurer que les poissons soient dans un contexte sûr avec une taille d’aquarium adaptée, une filtration efficace, une eau de bonne qualité et des paramètres appropriés(FEDERATION OF BRITISH AQUATIC SOCIETIES, 2008). L’environnement doit être stable et les poissons ne doivent pas être stressés par des changements inopportuns. Tous ces éléments sont régulièrement vérifiés en institut de « fish massage », ce qui permet donc aux Garra rufa de vivre dans un environnement le moins mauvais possible.

iii. Le bien-être par l’alimentation

Les poissons ont besoin d’un régime alimentaire équilibré, compatible avec leurs besoins physiologiques (FEDERATION OF BRITISH AQUATIC SOCIETIES, 2008). La nourriture distribuée en institut par « Aquarium Services France » semble adaptée aux besoins des Garra rufa. Cependant, il est recommandé d’être prudent quant à la quantité distribuée : les poissons doivent être suffisamment nourris mais, en leur donnant plus que nécessaire, ils peuvent rapidement devenir obèses, ce qui est néfaste à leur santé. Par ailleurs, comme nous l’avons vu précédemment, la nourriture distribuée en excès et non consommée va conduire à une détérioration de la qualité de l’eau. Il est donc conseillé de ne distribuer que la nourriture pouvant être consommée en quelques minutes (FEDERATION OF BRITISH AQUATIC SOCIETIES JUDGES &STANDARDS COMMITTEE, 2007). Si tout n’est pas mangé, il faut ajuster la quantité lors des prochaines distributions et retirer, au besoin, la nourriture non consommée au bout de quinze minutes.

En institut, la quantité est déterminée par le technicien qui s’occupe des Garra rufa et elle est calculée de manière à ce qu’il n’y ait pas de gaspillage, ce qui correspond aux recommandations pour le bien-être des poissons.

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Tout changement d’habitudes alimentaires des Garra rufa doit être pris en compte car il peut être le signe d’un mal-être ou de la présence d’une maladie (FEDERATION OF BRITISH AQUATIC SOCIETIES, 2008).

iv. Le bien-être par le comportement

Un poisson a besoin de pouvoir exprimer un comportement « normal », c’est-à-dire un comportement approprié à son espèce. Si ce n’est pas le cas, il est possible d’observer une diminution de la prise alimentaire, des changements de couleur, d’attitude (par exemple un port anormal des nageoires), des comportements inhabituels (comme le fait de se cacher dans les coins de l’aquarium, de rester trop longtemps immobile…) (FEDERATION OF BRITISH AQUATIC SOCIETIES, 2008). Le stress peut être causé par des changements trop importants ou trop rapides de l’environnement, l’ajout d’autres poissons et l’établissement de nouvelles relations de dominance, etc. Pour les Garra rufa en institut, ces phénomènes sont limités car l’environnement est régulièrement contrôlé et il s’agit d’une espèce habituée à vivre en groupe.

Encore une fois, il n’est pas évident de concevoir ce qu’est un comportement « normal » pour un Garra rufa mais il paraîtrait logique d’adapter son milieu de captivité de façon à ce qu’il soit le plus ressemblant possible à son milieu naturel. Or, s’il est possible, dans les aquariums d’ornements, d’ajouter un substrat, des plantes et des éléments de décor où les poissons ont la possibilité de se cacher, cela est beaucoup plus compliqué dans le cadre du « fish massage ». En effet, des plantes naturelles interviendraient sur l’équilibre du système et tout élément additionnel est une entrave au nettoyage et à l’hygiène, fondamentaux dans cette activité. Certains instituts utilisent quelques galets qu’ils retirent et nettoient régulièrement ; on pourrait aussi imaginer l’usage de plantes ou de décor en plastique, facilement nettoyables, mais il faut mettre en balance le gain réel pour les Garra rufa et les risques sanitaires possibles.

La majorité des bacs de « fish massage » ne possèdent aucun enrichissement pour des raisons d’hygiène et d’aspects pratiques. Nous pouvons considérer que le seul qui existe pour eux est l’introduction des pieds des usagers. Cela permet aux Garra rufa d’exprimer un comportement « normal », s’apparentant à la détection, au détachage et à la consommation partielle d’algues présentes sur les galets de leur environnement naturel. Ainsi cette activité ne représente pas pour eux un travail, proprement dit. Et ils ne sont donc pas exploités dans ce cadre car cette tâche n’est pas subie mais choisie par eux. Il arrive d’ailleurs qu’ils refusent de l’effectuer mais c’est souvent le signe d’un problème de santé ou d’un déséquilibre de certains paramètres environnementaux. Ainsi, il faut être attentif à tous les signaux que les Garra rufa peuvent envoyer, de manière à pouvoir agir en conséquence.

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v. Le bien-être par la protection contre les maladies et la souffrance

Les poissons doivent être protégés au maximum contre les maladies, la souffrance et les blessures (FEDERATION OF BRITISH AQUATIC SOCIETIES, 2008). Comme nous l’avons vu, beaucoup de problèmes peuvent être dus à une mauvaise qualité de l’eau et des contrôles réguliers, accompagnés de mesures appropriées, permettent de les éviter (ORNAMENTAL AQUATIC TRADE ASSOCIATION, 2008). Les Garra rufa sont vulnérables à différentes maladies (cf. la partie intitulée « pathologies ») et le personnel des instituts doit être formé à les reconnaître, ainsi que tous les signes d’appel et de mal-être des poissons pour pouvoir agir ou en référer à une personne compétente et mettre en œuvre rapidement les mesures nécessaires.

L’institut doit aussi se fournir en Garra rufa auprès de sources sûres de façon à ce que les poissons ne soient pas malades ou porteurs de pathogènes et il serait même intéressant de les garder en quarantaine avant de les introduire avec les autres poissons déjà présents dans l’institut. Une observation détaillée et régulière des Garra rufa est importante pour détecter tout signe de mal-être ou précurseur de pathologie. L’usage inapproprié de certains traitements peut être délétère pour les poissons, il est donc nécessaire de s’adresser à des personnes compétentes, telles que des vétérinaires.

Il faut, par ailleurs, limiter les risques de blessures. En institut, cela peut être fait en limitant les manipulations et en responsabilisant les clients, par exemple en leur expliquant qu’il ne faut pas faire de gestes brusques. Il faut également couvrir les bacs quand ils ne sont pas utilisés afin que les Garra rufa ne puissent pas sauter à l’extérieur (FEDERATION OF BRITISH AQUATIC SOCIETIES JUDGES &STANDARDS COMMITTEE, 2007).

Ainsi, le bien-être des poissons est fondamental, que ce soit d’un point de vue éthique ou sanitaire car utiliser de l’eau de mauvaise qualité, surpeupler les bacs, avoir une alimentation inadaptée, une mauvaise gestion des maladies et des risques de blessures peut conduire les Garra rufa à un stress chronique, détériorer leur santé et aller jusqu’à provoquer leur mort (FEDERATION OF BRITISH AQUATIC SOCIETIES, 2008). Or, beaucoup de poissons, apparemment sains, peuvent, sans signe évident de maladie, servir d’hôtes à des pathogènes qui se révèleraient dans des situations de stress. Une épidémie chez les poissons ainsi qu’une mauvaise qualité de l’eau peut augmenter potentiellement le nombre de pathogènes qui risquent d’être transmis aux clients et aux membres du personnel des « fish spa ». Voyons en quoi consistent exactement ces risques sanitaires.

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3. Les dangers sanitaires et les facteurs de risques associés aux « fish spas »

a. Évaluation des dangers sanitaires

Les dangers sanitaires sont associés à l’immersion d’une partie du corps dans un milieu hydrique fermé, de taille restreinte, dont les caractéristiques techniques de fonctionnement sont favorables à l’apparition, à la persistance et à la multiplication de micro-organismes (pas de substance désinfectante, renouvellement d’eau restreint, température élevée, présence de poissons, nombreux usagers…). Ces problèmes concernent à la fois les clients et les professionnels (risques sanitaires associés à l’entretien et à la maintenance des aquariums).

Les dangers proviennent de trois sources : - l’eau utilisée pour remplir le bac : c’est l’eau destinée à la consommation humaine, donc de bonne qualité sanitaire, mais elle peut être contaminée par les poissons et les utilisateurs successifs. L’absence de désinfectant dans les bacs et la formation de biofilms sur les parois contribuent à la recontamination régulière de l’eau en circulation. - les usagers qui apportent leur propre flore et, pour certains d’entre eux, des microorganismes pathogènes, s’ils présentent des infections qui n’ont pas été détectées ou s’ils sont porteurs sains. - les poissons qui hébergent une microflore naturelle et qui peuvent également véhiculer des micro-organismes pathogènes.

Une campagne d’analyses de la qualité de l’eau des bacs de « fish massage » a été réalisée en République Tchèque par les autorités sanitaires dans 15 établissements. Ces prélèvements ont mis en évidence une contamination microbiologique de l’eau des bacs, notamment par Pseudomonas aeruginosa et Staphylococcus aureus, dans plus de la moitié des établissements inspectés (ANSES, 2013).

Par ailleurs, le service d’inspection du « Centre for Environment, Fisheries & Aquaculture Science » du Royaume-Uni a enquêté, le 12 avril 2011, sur une épidémie chez 6000 Garra rufa provenant d’Indonésie et devant être livrés à des salons de « fish massage ». Une autopsie de ces poissons a montré des signes d'exophtalmie et d’hémorragies autour des branchies, de la bouche, et l'abdomen. Streptococcus agalactiae a été identifié. Afin de déterminer si cette bactérie et d'autres pathogènes pouvaient être véhiculés plus largement par ces poissons, le service d’inspection a réalisé 5 visites au poste de l’aéroport de Londres-Heathrow, du 5 mai au 30 juin 2011, pour intercepter des échantillons de Garra rufa en provenance d’Indonésie. Différents micro-organismes ont été identifiés à plusieurs reprises, notamment certains pathogènes pour l’homme comme Aeromonas sp., Mycobacterium senegalense, Vibrio vulnificus, Vibrio cholerae et Streptococcus agalactiae (HEALTH PROTECTION AGENCY, 2011).

D’autre part, d’après un document du ministère de la santé de l’État de l’Ontario, des analyses d’échantillons d’eau recueillis dans des bacs remplis de poissons auraient

64 montré une prolifération d’Escherichia coli, de coliformes totaux, de staphylocoques pathogènes et de Pseudomonas aeruginosa. Les bacs n’ayant pas été préalablement utilisés pour l’immersion des pieds des clients, il est probable que les Garra rufa eux-mêmes soient la source de ces bactéries (ANSES, 2013) (CONSEIL SUPERIEUR DE LA SANTE BELGE, 2013).

Les laboratoires d’hygiène de la ville de Paris se sont également intéressés au problème et ils ont réalisé trois prélèvements qui ont permis de comparer les charges bactériennes de l’eau du réseau et de l’eau des bassins de « fish massage ». Même si l’échantillon est restreint, les résultats sont éloquents : le nombre total de bactéries est multiplié par 170 à 250 suivant les bacs mais surtout une flore bactérienne potentiellement pathogène est apparue. Les champignons n’ont pas été recherchés à cause des modalités d’isolement spécifiques qui sont nécessaires (DORCHIES, 2013).

Enfin, dans l’étude de GRASSBERGER et HOCH, des échantillons d’eau ont été testés tous les mois, prouvant l’absence de Legionella sp. et Pseudomonas aeruginosa. Les poissons ont également été examinés afin de détecter la présence d’Aeromonas hydrophila, d’Aeromonas sobria, d’Aeromonas caviae, de Mycobacterium marinum et de Mycobacterium piscium pour éviter tout risque d’infection zoonotique (GRASSBERGER et HOCH, 2006). Cependant, ces données ne sont que partielles et face à l’absence de publications d’études de terrain rigoureuses, avec un échantillonnage conséquent, sur les contaminations des eaux des bacs de « fish massage », les autorités qui se sont penchées sur la question (Angleterre, France, Belgique...) ont choisi d’établir des données théoriques à partir de la liste des dangers retrouvés dans les piscines, bains à remous, pédicures et lors de l’activité d’aquariophilie (fig. 31).

Erysipelothrix rhusiopathiae,Streptococcus iniae,Aeromonas sp.,Mycobacterium marinum

Infections bactériennes

M. fortuitum et M. chelonae,Salmonelles,Vibrio cholerae,Klebsiella sp.,Edwardsiella tarda, Streptococcus agalactiae Transmission du poisson à l'homme

trématodes (Opisthoocis spp., Clonorchis spp., Heteropthyes spp) ,cestodes (Diphyllobotrium Infections parasitaires latum),nématodes (Anisakis spp.,Gnathostoma spp.),protozoaires ( Giardia spp)

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Legionella spp.,Pseudomonas Transmission de l'eau à aeruginosa,bactéries Infections bactériennes l'homme coliformes (Escherichia coli),mycobactéries

Infection bactérienne: Staphylococcus aureus

Transmission par l'eau Infection par des virus hématogènes: hépatite B, C et virus du SIDA

Transmission de l'homme à l'homme champignons (dermatophytes)

Transmissions par les mycoses (pieds surfaces de contact d’athlète)

virus papillomateux (verrues)

Figure 31 : Source de dangers et risques sanitaires pouvant être rencontrés dans l’activité « fish spa », à partir des données disponibles concernant les piscines, bains à remous, pédicures et activité d’aquariophilie avec des poissons comparables aux Garra rufa (ANSES, 2013) (CONSEIL SUPERIEUR DE LA SANTE BELGE, 2013) (HEALTH PROTECTION AGENCY, 2011).

Cependant si, en effet, les sources de dangers citées précédemment se retrouvent également dans les activités de piscines, bains à remous, pédicures et aquariophilie, il existe des facteurs de risques différents spécifiques au « fish massage » qui peuvent amener à reconsidérer ces différents risques sanitaires.

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b. Facteurs de risques spécifiques à la pratique de « fish massage »

i. Facteurs de risques liés à l'action exfoliante des poissons

L'effet de gommage du « fish massage » provoque l'érosion et la libération des couches superficielles de l'épiderme, ce qui contribue à la dégradation de la qualité physique et biologique de l'eau.

De plus si, étant donné l’anatomie de la bouche du poisson, du mode de succion, et du temps de contact restreint, générer des traumatismes sur une peau saine est peu probable, ce n’est pas le cas sur une peau déjà fragilisée. En effet, si une lésion infime préexistante de la peau est passée inaperçue lors de la phase d’inspection, elle peut se dégrader rapidement sous l’effet de cette pratique, d’autant plus que les poissons semblent plus attirés par les surfaces de peau non saines. Cela peut blesser l’usager, mais surtout être la porte d’entrée de contamination (de la personne ou du bac si les saignements passent inaperçus) (ANSES, 2013).

ii. Facteurs de risques liés aux Garra rufa

Comme nous l’avons vu précédemment, les pathologies des Garra rufa n’ont pas encore vraiment été étudiées en détail et nous devons nous contenter des rares cas recensés.

Cependant nous pouvons affirmer que: - les Garra rufa sont des hôtes potentiels de parasites internes variés. Ces derniers ne peuvent, pour la plupart, être contractés que par consommation de la chair des poissons, crue ou mal cuite, et de l’eau. Le risque est donc très faible dans l’activité de « fish massage » mais, par prudence, mieux vaut se nettoyer les mains ensuite afin de ne rien véhiculer jusqu’à la bouche. - Aucune maladie virale n’a été décrite chez Garra rufa. Comme la plupart des cyprinidés, il est probable que cette espèce soit néanmoins porteuse de divers virus. Cependant, aucun des virus décrits à l’heure actuelle chez les poissons ne présente de caractère zoonotique. Pour l’homme, le risque viral provenant des poissons dans l’activité de « fish massage » est donc déclaré nul en l’état actuel des connaissances. - Les bactéries identifiées (cf. fig. 31) peuvent aussi bien contaminer les poissons que l’homme. C’est pourquoi nous détaillerons leurs particularités et les risques qui en découlent dans le chapitre concernant les risques sanitaires spécifiques liés à l’activité « fish massage ». - Aucune infection mycosique n'a été décrite concernant les Garra rufa (ANSES, 2013).

Nous pouvons imaginer que les Garra rufa puissent présenter les mêmes pathologies que d’autres espèces de poissons d'ornement d’eau douce. Ce parallèle est d’autant plus justifié que les Garra rufa employés dans les instituts esthétiques proviennent souvent des mêmes élevages que les poissons d’ornement, voyagent dans les mêmes conditions, par les mêmes circuits commerciaux et qu’ils présentent

67 des profils de microflores associées qui se ressemblent. Leurs flores se rejoignent non seulement par leur composition spécifique mais aussi par les profils d'antibiorésistance qu'elles expriment (VERNER-JEFFREYS et al., 2009).

La problématique des résistances aux antibiotiques est très importante (DORCHIES, 2013) (MAJTÁN et al., 2012).

La mise en parallèle des résultats obtenus par VERNER-JEFFREYS et al. après deux enquêtes réalisées successivement à partir de lots de poissons importés d'Asie (2009) et de prélèvements opérés sur Garra rufa à destination de «fish-spa», (2012) permet de constater, chez toutes ces espèces, la présence de bactéries porteuses de nombreux types de résistances transmissibles, dont les profils sont souvent superposables. Cela n'a rien de surprenant car les poissons importés d'Asie sont élevés dans le même contexte, avec sûrement l’usage récurrent et non justifié d’antibiotiques. La propagation de multirésistances aux antibiotiques dépasse le cas des éventuelles infections cutanées et met également en jeu l'hygiène générale des locaux hébergeant les poissons ainsi que la gestion des effluents (devenir des poissons en fin de vie, des eaux de rejet), pouvant constituer des sources de propagation de bactéries potentiellement dangereuses. A ce propos, les procédures appliquées dans les établissements de «fish massage» ne sont pas toujours très explicites. «Aquarium Services France» demande à ses instituts de conserver les poissons morts au congélateur afin qu’ils soient récupérés par leurs techniciens et évacués de façon appropriée à l’équarrissage. Il faut se demander quels sont les éléments gardés dans le même réfrigérateur que les poissons morts et prendre garde aux possibles contaminations croisées.

La possibilité de voir propager des bactéries résistantes aux antibiotiques dangereuses pour la santé humaine par des poissons de «fish massage» n'est donc pas à écarter. Cette éventualité est cependant liée aux pratiques observées dans les élevages et à la rigueur des contrôles auxquels sont soumis les poissons mis sur le marché. Les garanties étant très différentes en fonction de leur provenance, une connaissance précise des réseaux d'importation est indispensable pour gérer efficacement ce type de risque.

iii. Facteurs de risques liés aux contraintes inhérentes aux installations de « fish massage »

Les agents infectieux ou parasitaires hébergés par l'homme ne provoquent pas toujours des manifestations cliniques, ils peuvent même être parfaitement tolérés par certains sujets et passer ainsi inaperçus lors de l’inspection. Le risque est alors que les poissons se contaminent en mordillant les peaux mortes ou immédiatement sous- jacentes et agissent comme vecteurs passifs en délivrant au client suivant les micro- organismes indésirables ( virus, bactéries, champignons) .

Le risque est plus important dans le cadre de la pratique du « fish massage » en raison des conditions spécifiques de traitement et de recirculation de l’eau et de l’absence de désinfection.

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En effet, la particularité de cette pratique est que l’eau utilisée peut être désinfectée (filtres cités précédemment) avant son entrée dans les bacs mais en aucun cas elle ne sera désinfectante, du fait de la présence des poissons. Par ailleurs, les filtres doivent être nettoyés et changés régulièrement pour rester efficaces et afin d’éviter leur colonisation par des organismes pathogènes ou le relargage de substances toxiques. La filtration sur différentes couches de matériaux doit permettre d’éliminer certains microorganismes mais la présence de ce matériel n’est en rien un gage de sécurité s’il n’est pas bien entretenu. Cependant, la plupart des établissements utilisent également un traitement de l’eau grâce à des lampes à rayonnements UV. L’efficacité de ces dispositifs dépend notamment de la puissance de la lampe et de la dose de rayonnements UV appliqués. Ces données sont indispensables à connaître et à maîtriser afin de garantir une réelle efficacité désinfectante de ce traitement face aux germes pathogènes qui peuvent être présents dans l’eau des bacs.

De plus, l’eau est chauffée pour maintenir une température de 26 à 30°C,ce qui favorise la croissance bactérienne et augmente la porosité de la peau en cas d’immersion prolongée et donc, indirectement, les infections cutanées potentielles.

Certaines installations mélangent l’eau de plusieurs bacs par le passage au sein d’une même unité de traitement ce qui augmente les risques de contamination globale.

Dans les bacs, les micro-organismes peuvent adhérer aux parois et former un biofilm favorisant leur multiplication et leur relargage régulier. La température élevée des bacs, la stagnation de l’eau dans les bassins, la composition physicochimique de l’eau (matières organiques, azote, phosphore) et l’absence d’agent désinfectant dans les bacs sont propices à l’implantation de ce biofilm (ANSES, 2013). De plus, un nettoyage des surfaces des bacs avec un produit désinfectant n’est pas évident, il faudrait faire une vidange complète de l’eau et changer les poissons de bac, cela n’est jamais fait en pratique.

Comme nous l’avons vu, la particularité de cette pratique est la succession des usagers dans un même bac, sans vidange ni renouvellement d’eau, et l’absence de désinfection possible entre deux utilisateurs. Mais en fonction de chaque usager le risque auquel il s’expose peut être plus ou moins important.

iv. Facteurs de risques liés aux profils des usagers

Comme nous l’avons vu précédemment, ce soin est déconseillé aux personnes susceptibles de contracter plus facilement des infections (personnes immunodéprimées, diabétiques..). Par ailleurs , la pratique de « fish massage » revendique, par l’action exfoliante des Garra rufa, la prise en charge des épaississements excessifs de la peau. Donc nous pouvons imaginer que les personnes les plus susceptibles d’être intéressées par ce soin sont celles présentant une hyperkératose. Or, de nombreuses maladies cutanées provoquent une hyperkératose. C’est le cas de la dermatite atopique (ou eczéma constitutionnel) qui concerne 1 à

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2 % de la population, du psoriasis qui concerne autour de 2 % de la population et surtout des infections de l’épiderme par des champignons appelés dermatophytes, sous forme du « pied d’athlète », d’un épaississement des ongles ou de la peau du pied. Ces mêmes maladies responsables d’un épaississement de la peau sont aussi à l’origine de ruptures de la barrière épidermique qui facilitent la pénétration des agents infectieux ainsi que la contamination des bacs. Ainsi ces personnes intéressées par la pratique de « fish massage », en raison d’un épaissisement excessif de la peau, sont donc à la fois plus susceptibles de contaminer les bacs des poissons, et plus exposées aux risques d’être victimes d’infections ou de surinfections, du fait de possibles lésions associées à leur maladie cutanée(ANSES, 2013) .

c. Dangers sanitaires spécifiques liés à l’activité « fish massage »

Au vu de ces facteurs de risques spécifiques, nous allons reconsidérer les dangers sanitaires cités précédemment (cf. fig. 31) mais nous nous cantonnerons aux pathogènes que l’ANSES a choisi de retenir.

Compte tenu du mode de pratique du « fish massage », l’exposition par voie orale est peu probable et elle toucherait surtout les professionnels lors de l’entretien des bacs. Ce risque concernerait les parasites internes cités précédemment et certains agents de gastroentérites (entérobactéries : Edwarsiella tarda, Salmonella, Aeromonas, etc ) provenant de la flore fécale et environnementale. L’exposition par voie orale fait suite à un contact manuporté avec l’eau, les poissons et les surfaces contaminées mais elle peut être limitée par le suivi des bonnes pratiques des règles d’hygiène.

Nous nous intéresserons donc ici aux risques concernant le mode d’exposition principal, qui est la voie cutanée. L’infection peut être due à des virus, des bactéries ou encore à des champignons.

i. Les virus humains

Papillomavirus

Les papillomavirus (HPV) sont très résistants et subsistent de ce fait dans l’environnement. Toutefois, s’ils persistent longtemps sur les surfaces, leur comportement dans l’eau n’est pas connu. Ces virus sont souvent retrouvés sur la peau de porteurs sains. Dans les piscines, la contamination ne se ferait pas par l’intermédiaire de l’eau des bassins mais par contact direct de personne à personne ou par contact indirect avec des surfaces

70 contaminées (sols, serviettes, etc.,) sur lesquelles se sont déposées des desquamations cutanées. Les particules virales infectieuses pénètrent au niveau des cellules épithéliales à la faveur d'une brèche cutanée (coupure, abrasion, etc.). Il en résulte la formation de verrues plantaires(ANSES, 2013).

Virus des hépatites B et C et de l’immunodéficience humaine

Les virus de l'hépatite B (VHB), C (VHC) et le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) sont surtout transmis par le sang et certains autres liquides biologiques. Aucune donnée n'est disponible sur leur survie dans l'eau. Il est connu cependant que le VHB peut survivre au moins 7 jours dans l'environnement sur des surfaces sèches et que le VHC peut conserver son infectiosité durant quelques jours dans des environnements humides. Le VIH, en moins grande concentration dans les liquides, est aussi plus fragile et ne survit que peu de temps dans l'environnement extérieur. La contamination par ces virus dans le cadre de l’activité de « fish massage » apparaît très peu probable. Théoriquement, des virus VHB et VHC pourraient se retrouver dans l'eau du bassin de « fish massage», si un client infecté présentait de petites lésions ouvertes. Un des clients suivants devrait obligatoirement présenter, à son tour, une rupture de la barrière cutanée, pour être exposé à un risque de contamination par ces virus. La survenue successive de ces événements paraît peu probable.

De plus, la faible quantité de sang (donc de virus) qui se retrouverait dans l'eau du bac, associée à la dilution qui en résulterait, rendent le risque de transmission très peu probable lors d'une activité de « fish massage » (ANSES, 2013). Cependant au vu de la gravité de ces maladies, on ne peut pas ignorer ce danger .

ii. Les bactéries

Pseudomonas aeruginosa

P. aeruginosa est une bactérie ubiquitaire, largement distribuée dans la végétation, le sol et l’eau. Elle se distingue par sa grande adaptabilité, par son aptitude à survivre plusieurs mois dans l’eau, voire à s’y multiplier, et par sa capacité à former des biofilms. De ce fait, elle est retrouvée dans les canalisations d’eau destinée à la consommation humaine à la faveur de stagnation et dans les bains à remous, à chaque fois que les concentrations en désinfectant sont insuffisantes. Elle est associée aux filtres, siphons et autres éléments de robinetterie. P. aeruginosa est également présente chez l’homme en portage sain, au niveau du tractus digestif, de la sphère oto-rhino-laryngologique et de la peau (sur les mains). L’eau et les usagers représentent la source de contamination pour l’homme. Dans les bassins, la voie principale de contamination par P. aeruginosa est le contact avec l’eau et les surfaces contaminées. La transmission est favorisée par rupture traumatique de la barrière cutanée et lors de la modification de la flore cutanée commensale.

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P. aeruginosa est responsable d’une infection cutanée ou folliculite (dermite des piscines) généralement superficielle et limitée. Les cas d’infection ne semblent pas être corrélés avec la quantité de P. aeruginosa détectée dans l’eau (ANSES, 2013) . Les épidémies de folliculites à P. aeruginosa sont rarement décrites en France en raison des symptômes limités qui n’imposent pas obligatoirement une consultation. Ceci étant, Pseudomonas aeruginosa est une bactérie parfaitement adaptée aux milieux hydriques et aux équipements contenant de l’eau. Elle est susceptible de survivre et de se multiplier à l’intérieur de biofilms tapissant les surfaces. L’absence de désinfectant dans l’eau contribue à sa prolifération. Elle est connue pour être impliquée dans la survenue de folliculite associée à la fréquentation de bains à remous.

Il s’agit donc d’un danger sanitaire à prendre en compte dans le cadre de l’activité « fish massage » (ANSES, 2013).

Aeromonas sp.

Les Aeromonas comprennent 16 espèces, A. hydrophila est la plus fréquente et on retrouve également d’autres Aeromonas (sobria, caviae..)pouvant provoquer des maladies des poissons ou des maladies humaines (MAJTÁN et al., 2012). A. hydrophila est une bactérie pathogène opportuniste pour l’homme, très répandue dans l’environnement, le milieu aquatique constituant son habitat principal. L’eau et les poissons en constituent la source. Les voies d'infection sont l'ingestion d'eau ou de fruits de mer et le contact cutané, la pénétration étant favorisée par une rupture de la peau. Ces bactéries sont impliquées dans la surinfection de plaies par contact avec une eau contaminée (NOVOTNY et al., 2004). Il n’existe pas de cas recensé d’infection à A. hydrophila contractée en piscine, la plupart des accidents impliquant des blessures survenues en cours de baignade dans des eaux naturelles ou lors de la manipulation de poissons(ANSES, 2013).

Il semble qu’en raison de la faible virulence des souches et du caractère opportuniste de la bactérie, le risque engendré par A. hydrophila soit plutôt limité(ANSES, 2013) cependant de telles bactéries ont effectivement été retrouvées sur des Garra rufa et sont donc susceptibles d’être réellement présentes dans les bacs de « fish massage » (MAJTÁN et al., 2012).

Vibrio vulnificus et Vibrio cholerae

La présence attestée à plusieurs reprises de V. vulnificus chez les Garra rufa interpelle (ANSES, 2013). Cette bactérie marine, capable de se contenter d’une concentration en sel de l'ordre de 1 % et de prospérer en eau saumâtre, est représentée par plusieurs biovars dont certains (biovar 2) sont pathogènes pour des animaux aquatiques, d'autres (biovars 1 et 3) sont plus spécialement incriminés dans des infections humaines. La source est donc constituée par les poissons et la contamination se produit à partir de lésions ou micro-blessures ouvertes de la peau.

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Les infections humaines par V. vulnificus ne sont pas fréquentes mais toujours graves, surtout quand le biovar 1 est en cause. Outre la consommation de produits de la mer dans des périodes très chaudes, le point de départ typique est cutané, à la faveur de blessures, et conduit à des infections locales graves pouvant imposer l'amputation, voire à des septicémies d'évolution brutale et souvent fatales (NOVOTNY et al., 2004).

La nature des souches isolées de Garra rufa n'a pas été identifiée avec précision mais cette bactérie appelle à la vigilance. En revanche, l'isolement de V. cholerae est nettement moins inquiétant. Les représentants de cette espèce les plus fréquemment associés aux poissons sont presque toujours non agglutinogènes (non-O1) et n'expriment pas de pouvoir pathogène(ANSES, 2013) .

Staphylococcus aureus

Staphylococcus aureus est isolé dans l’environnement naturel (sol, eau, poussière, air), en milieu hospitalier et dans les locaux de préparation ou de conservation de denrées alimentaires. Les staphylocoques font également partie de la flore commensale de la peau, des muqueuses et de la sphère rhino-pharyngée humaine. S. aureus est une bactérie résistante qui peut survivre dans des conditions difficiles. En laboratoire, la température optimale de croissance pour la bactérie est comprise entre 35°C et 41°C. La contamination par S. aureus se fait par transmission directe (transmission de personne à personne) ou par transmission indirecte via de l’eau, du matériel, etc. La dose minimale infectieuse est difficile à établir car elle est dépendante des souches et des modes de transmission (transmission orale ou cutanée). La dissémination de S. aureus est d’autant plus importante que l’hygiène de l’usager est insuffisante. Les bactéries sont libérées dans une gangue muqueuse qui les protège une fois dans l’eau. S. aureus provoque diverses infections suppuratives, dont des infections cutanéomuqueuses bénignes (infections des plaies, impétigos, furoncles, abcès) et certaines plus sévères associées à une morbidité élevée, voire létales, comme les cellulites des tissus sous-cutanés et les fasciites nécrosantes. Ces affections peuvent devenir apparentes 48 heures après l’exposition. La présence de plaies ou de brûlures favorise l’implantation de la bactérie et l’apparition de lésions cutanées plus ou moins profondes(ANSES, 2013). Un cas d’infection après un « fish massage » a été décrit : l’homme a ressenti plusieurs heures après le soin une forte démangeaison et, trois jours plus tard, il présentait des lésions inquiétantes ; il est allé consulter son médecin traitant qui a diagnostiqué une cellulite et qui lui a prescrit de l’amoxicilline avec de l’acide clavulanique et des tétracyclines. Mais la situation a continué à se détériorer et quand il s’est présenté à l’hôpital il avait des plaques de peau noircie avec des sécrétions purulentes sur les deux jambes (en dessous des genoux jusqu’aux chevilles) (fig.32). Des analyses ont révélé la présence d’un staphylococcus aureus ; en quelques semaines grâce à des soins de plaie et à une antibiothérapie appropriée, le patient n’a plus présenté de séquelles. Il a été, à l’occasion de son passage à l’hôpital, diagnostiqué diabétique, ce qui, nous l’avons vu, peut favoriser ce genre d’infections (AN TAN et al., 2011) .

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Figure 32 : Lésions cutanées bilatérales dues à staphylococcus aureus (AN TAN et al., 2011)

Ce danger microbien est avéré et il doit être pris en compte, le risque peut cependant être(AN limiTANté R.par et un al., entretien 2011) optimal des locaux et par un respect des bonnes pratiques d’hygiène par les usagers (ANSES, 2013).

Streptococcus pyogenes

Le genre Streptococcus regroupe un ensemble hétérogène de bactéries, comprenant de nombreuses espèces dont S. pyogenes. Ce streptocoque bêta-hémolytique du groupe A représente l’espèce la plus pathogène pour l’homme. Les usagers en constituent la source. Dans les piscines, la contamination, se fait par contact entre l’eau des bassins et la peau et/ou les muqueuses des baigneurs. La dose minimale infectieuse de Streptococcus pyogenes n’est pas connue, ceci pour les mêmes raisons que S. aureus. S. pyogenes peut être responsable d’infections bénignes non invasives, cutanées (impétigo, surinfection de plaies ou de brûlures) ou muqueuses (otites, vaginites, angines, pharyngites et sinusites), mais également d’infections sévères de la peau et des tissus sous-cutanés (érysipèles, cellulites et fasciites nécrosantes) responsables de chocs toxiques dont le taux de mortalité est élevé(ANSES, 2013).

Même si Streptococcus pyogenes a une survie limitée dans l’environnement, un risque potentiel d’infections sévères ne peut être écarté (ANSES, 2013).

Mycobactéries non tuberculeuses

Les mycobactéries non tuberculeuses (MNT) sont des bactéries de l'environnement qui constituent un groupe hétérogène de plus d’une centaine d’espèces. Elles sont

74 abondantes dans tous les milieux, en particulier dans l'eau où elles sont souvent associées aux organismes aquatiques. La plupart des espèces sont saprophytes mais certaines sont pathogènes pour les animaux et pour l’homme, chez lesquels leur développement est intracellulaire. Les MNT peuvent se développer dans une large gamme de températures de 20°C à 50°C. Elles ont une aptitude à s’intégrer aux biofilms en raison du caractère hydrophobe de leur paroi. Les sources sont les poissons et l’eau. Lors de l’immersion dans un bac rempli d’eau, le mode de contamination privilégié est le contact cutané avec l’eau ou le biofilm, favorisé par des plaies ou des coupures sur la peau ou par des blessures survenues lors de l’entretien des aquariums. Les mycobactéries non tuberculeuses susceptibles d’être à l’origine d’infections cutanées chez l'homme comprennent des espèces à croissance rapide ainsi que M. marinum, qui se multiplient à des températures voisines de 30°C. M. marinum est responsable du granulome des piscines (ou des aquariums) après contact avec des poissons infectés, l’eau et le matériel qui leur sont associés. D'autres infections cutanées sont dues à des espèces du groupe des mycobactéries à croissance rapide (M. chelonae, M. abcessus, M. fortuitum, etc.) à la faveur d’une brèche cutanée (NOVOTNY et al., 2004). Mycobacterium senegalense, par exemple, trouvé chez Garra rufa, est rattaché au groupe de M. fortuitum, lequel, est la mycobactérie la plus fréquemment isolée des « tuberculoses » de poissons après M. marinum et est considéré comme un agent zoonotique (ANSES, 2013).

La transmission à l’homme de mycobactéries non tuberculeuses à tropisme cutané lors de l’immersion des jambes et des pieds dans un bac de « fish massage », à la faveur d’une rupture de la barrière cutanée (blessure, rasage, etc.), est donc possible. Les mycobactéries non tuberculeuses, hôtes habituels du milieu hydrique et des poissons, capables de former des biofilms, représentent un danger biologique à prendre en considération (ANSES, 2013).

Autres bactéries

D’autres auteurs citent l’implication possible de Salmonella ou de Klebsiella dans la surinfection de plaies mais les parties immergées lors des « fish massages» devant être saines, cet incident ne devrait pas se produire (CONSEIL SUPERIEUR DE LA SANTE BELGE, 2013) (HEALTH PROTECTION AGENCY, 2011).

Les infections bactériennes liées à Erysipelothrix rhusiopathiae et à Streptococcus iniae sont associées aux manipulations du poisson hors de l’eau et les infections zoonotiques sont rares chez ceux qui manipulent fréquemment des poissons (NOVOTNY et al., 2004). Les poissons infectés par le Streptococcus iniae ont un taux de mortalité élevé et meurent vraisemblablement rapidement, ce qui ne passe pas inaperçu. Dans ces conditions, ces deux bactéries sont considérées comme des pathogènes à faible risque pour les humains dans le contexte « fish spa » (CONSEIL SUPERIEUR DE LA SANTE BELGE, 2013) (HEALTH PROTECTION AGENCY, 2011).

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Streptococcus agalactiae (un Streptocoque du groupe B) a récemment été identifié au Royaume-Uni comme la cause de morts prématurées de Garra rufa destinés à des « fish spas » (VERNER-JEFFEYS et al., 2012). Les infections humaines au S.agalactiae apparaissent essentiellement chez les nouveaux-nés et cette bactérie est également un pathogène fréquent chez les patients diabétiques. Cet organisme est généralement considéré comme un pathogène à faible risque dans le contexte des « fish spa » (CONSEIL SUPERIEUR DE LA SANTE BELGE, 2013) (HEALTH PROTECTION AGENCY, 2011) .

iii. Les agents fungiques

Les agents en cause sont, d’une part, des levures (Candida albicans, par exemple, peut être présente aussi bien dans l’eau que sur les surfaces à l’intérieur de l’établissement) qui sont à l’origine de mycoses superficielles cutanéo-muqueuses, le plus souvent sans gravité et, d’autre part, des dermatophytes (Epidermophyton, Microsporum et Trichophyton) qui sont à l’origine de diverses manifestations cliniques, dont les mycoses cutanées et les mycoses des ongles ; les mycoses des plis inter-orteils étant, de loin, les plus souvent associées aux bains en piscine avec le fameux « pied d’athlète » (ANSES, 2013). Les dermatophytes peuvent survivre sur nombre de surfaces et milieux, notamment les cabines de douche, le sol des piscines et l’eau. Selon l’espèce, ils peuvent survivre jusqu’à 20 mois sur les squames de peau à température ambiante. Par ailleurs, certaines espèces de dermatophytes ont la possibilité de se multiplier par voie sexuée dans le milieu extérieur, ce qui l’enrichit encore plus en spores infectantes (ANSES, 2013). Les sources sont les utilisateurs et la contamination des surfaces. Le mode de transmission des mycoses telles les candidoses et les dermatophytoses se fait principalement par voie cutanée, par contact direct (transmission interhumaine) ou indirect avec l’eau des baignades ou les surfaces contaminées afférentes à la zone de bain (sols, vestiaires…)(ANSES, 2013).

Comme nous l’avons vu précédemment, une des raisons de la pratique de « fish massage» par les usagers est liée à la présence d’un épaississement excessif de la peau, qu’ils ne jugent pas forcément anormal, alors que ce peut être le symptôme d’une infection ou d’une maladie cutanée, faisant d'eux une source potentielle de contamination de l’eau. Cette source est d'autant plus à craindre que les dermatophytoses fragilisent la peau et favorisent les lésions ouvertes. En cela, ces usagers seraient aussi bien des victimes potentielles que des disséminateurs d'infections (ANSES, 2013).

Ainsi, certains virus et des bactéries citées précédemment, comme Streptococcus pyogenes, Vibrio vulnificus ou Mycobacterium marinum peuvent, en se retrouvant dans les bacs des « fish massage», devenir responsables d’infections graves de la peau et des tissus mous et cela même chez des utilisateurs non-immunodéprimés, dans la mesure où la présence des poissons empêche, par définition, de garantir la désinfection de l’eau des bacs.

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La probabilité de survenue de ces infections reste faible. Toutefois, le risque associé pourrait être majeur, voire létal, en cas de cellulites et de fasciites nécrosantes causées par Streptococcus pyogenes, Streptococcus agalactiae ou Staphylococcus aureus. Cette pratique expose donc les utilisateurs à des risques médicaux très élevés (bien que rares) et cela doit être mis en balance par rapport à ce que ce soin peut apporter (ANSES, 2013).

d. Recommandations pour limiter les problèmes sanitaires dans les « fish spas »

i. Les locaux et les installations de l’établissement

Un conseil spécialisé devrait être requis, tant sur l’équipement que sur les moyens d’obtenir et de maintenir des conditions convenables pour la santé des poissons. Le personnel devrait également recevoir une formation adaptée aux soins et au bien- être des poissons.

Des standards minimaux d’hygiène de base en rigueur dans les salons de beauté devraient être suivis. - Les serviettes utilisées pour examiner et sécher les pieds devraient être blanches et lavées à 60 °C minimum. - Le nettoyage des locaux devrait avoir lieu de manière à minimiser les éclaboussures, les gouttes ou la production d’aérosols. - Les zones de lavage utilisées devraient être équipées d’eau courante de telle sorte que les parties du corps à immerger puissent d’abord être lavées avec de l’eau et du savon, puis désinfectées avec un antiseptique et ensuite rincées et séchées. Là où il est impossible d’utiliser des installations alimentées par des canalisations, des stations mobiles d’eau courante seraient une alternative adéquate. - Les sols et autres surfaces à proximité des bacs de « fish massage » devraient avoir des revêtements antidérapants, non absorbants et facilement lavables. Ils devraient être régulièrement nettoyés pendant la journée. - La gestion des poissons malades, morts ou en excédent devrait être encadrée.

ii. La gestion de la qualité de l’eau

La qualité de l’eau est importante que ce soit pour réduire le risque d’infection pour les clients ou pour garantir le bien-être des poissons. Un grand nombre d’interventions existe pour améliorer la qualité de l’eau. Cependant elles sont toutes limitées par la tolérance des poissons dans le cadre des « fish spa ».

Les produits chimiques antimicrobiens

Les traitements chimiques de l’eau utilisés dans des bains et des instituts de pédicure conventionnels incluent le chlore et/ou d’autres produits chimiques ou

77 l’ozone. En général, ces produits chimiques utilisés à concentration microbiologiquement efficace seraient toxiques pour les poissons, ce qui ne les rend pas applicables dans cette situation. Le traitement par l’ozone peut être utilisé. Cependant, les taux d’ozone qui sont sans danger pour les poissons ont peu d’effet antimicrobien, et en particulier sur des biofilms bien installés. De plus, les travailleurs qui utilisent l’ozone doivent se conformer à des limites d’exposition maximum dans le cadre de leur lieu de travail (HEALTH PROTECTION AGENCY, 2011).

L’utilisation d’UV

Celle-ci peut être dommageable aussi bien pour le poisson que pour la peau des clients (accentuation des phénomènes de vieillissements extrinsèques, risque de stimuler l’apparition de cancers cutanés tels que des carcinomes) s’ils sont utilisés dans le bac ou a lieu le soin de « fish massage » et non uniquement dans l’annexe technique. De plus, l’utilisation des UV n’est pas toujours une méthode efficace pour le traitement de l’eau si les filtres préalables sont encrassés parce que la matière organique peut inhiber l’action des UV. Si les rayonnements UV sont utilisés dans une chambre de recirculation, séparée du containeur principal (comme c’est souvent le cas) pour éviter les risques précédents, cela n’a pas d’effet sur les biofilms qui n’y sont pas exposés et qui sont générés par les micro-organismes-planctons et les microbes transportés par les poissons (CONSEIL SUPERIEUR DE LA SANTE BELGE, 2013) (HEALTH PROTECTION AGENCY, 2011).

La filtration

De nombreux types de filtres sont disponibles mais ceux-ci n’auront pas d’effet sur les biofilms qui génèrent les microbes planctoniques ni sur les microbes transportés par les poissons. Les filtres fins seront rapidement colmatés et cesseront d’être efficaces s’ils ne sont pas entretenus. La présence de matières particulières, comme des cellules de peau et des matières fécales des poissons, accentue ce phénomène. Les variations d’efficacité de la filtration sont dépendantes du nombre de clients et de poissons, de la taille du système d’eau à filtrer et de l’entretien de l’unité de filtration et du bac (CONSEIL SUPERIEUR DE LA SANTE BELGE, 2013) (HEALTH PROTECTION AGENCY, 2011).

Le chauffage de l’eau

Un chauffage additionnel de l’eau pourrait être un moyen de contrôler l’apparition de microorganismes dans les eaux qui ne peuvent pas être désinfectées. Cette technique nécessiterait un équipement de chauffe spécialisé et de longues périodes de refroidissement de l’eau avant que les poissons n’y soient réintroduits. Et il

78 faudrait savoir dans quelle mesure cela risquerait d’affecter les poissons (stress du changement de milieu et des manipulations, modifications possibles de certains paramètres de l’eau) (CONSEIL SUPERIEUR DE LA SANTE BELGE, 2013) (HEALTH PROTECTION AGENCY, 2011).

Le changement de l’eau

Alors qu’un changement complet de l’eau entre chaque client ne serait pas toléré par les poissons (paramètres de l’eau inadéquats, choc thermique, stress lors des manipulations…) un changement continu ou proportionnel de l’eau peut être une alternative acceptable. Ceci provoque un effet diluant graduel et une diminution de la proportion d’eau originellement contaminée. La quantité d’eau changée que les poissons peuvent tolérer varie en fonction du volume du bassin, des types de filtres, de la densité de population, de la gestion des manipulations et du stress comportemental. Le changement de l’eau (tout comme la toilette préalable des clients) soulève des problèmes particuliers pour les spas qui n’ont pas l’eau courante (type installations mobiles).

Les normes pour le contrôle de l’eau

Des normes variées existent pour tester microbiologiquement différentes catégories d’eaux comme celles des piscines, des spas et des eaux balnéaires (CONSEIL SUPERIEUR DE LA SANTE BELGE, 2013) (HEALTH PROTECTION AGENCY, 2011) . Cependant aucune de ces normes n’est directement applicable aux « fish spas » car l’utilisateur ne court pas le risque d’ingérer de l’eau. Des normes de qualité de l’eau pour les aquariums existent mais elles sont fondées sur le pH et certains paramètres chimiques importants pour le bien-être des poissons mais elles ne prennent pas en compte les risques sanitaires possibles pour les utilisateurs de « fish spa ».

Comme des éléments pathogènes sont vraisemblablement présents dans les biofilms, et que des contaminations additionnelles peuvent se produire par les poissons et les pieds des clients, tester l’eau, même si on le pouvait, n’aurait que peu de valeur pour prédire au quotidien si elle est sûre pour les clients. Par contre, cela pourrait indiquer qu’elle est effectivement trop contaminée et permettre d’aboutir à une connaissance plus poussée de ce qu’on peut réellement rencontrer comme microorganismes et dans quelles proportions.

iii. Les documents nécessaires

Le propriétaire du « fish-spa » devrait avoir effectué une analyse de risques pour son établissement, incluant les questions du contrôle des infections et en garder une trace écrite.

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Les spas devraient avoir un cahier de suivi, qui précise les choix et le fonctionnement de l’établissement en ce qui concerne l’utilisation, le nettoyage et la maintenance du « fish-spa » ainsi que la formation du personnel. Les incidents (tels que les saignements de clients ou les signes de maladies des poissons ) devraient y être inscrits ainsi que les procédures mises en œuvre pour y remédier.

Par ailleurs, le personnel chargé du contrôle de ces établissements devrait instaurer une liste précise de points à vérifier lors des visites des locaux des « fish spas », comme l’a proposée la HPA (cf. annexe 1).

iv. Les incidents clientèle

Les interactions avec les clients et la pratique du soin devraient être effectuées conformément à la description et aux remarques faites dans la partie « description de la pratique de fish massage ».

En cas de saignement observé après le soin sur les parties immergées du client ou bien visible dans le bac, les poissons devraient être enlevés de l’aquarium et le bassin devrait être vidé, nettoyé, désinfecté de manière appropriée et re-rempli. Les poissons qui ont été en contact avec ce bac devraient être confinés dans un bassin séparé, en quarantaine, et ne pas être réutilisés avant au moins 48h (CONSEIL SUPERIEUR DE LA SANTE BELGE, 2013).

Les clients devraient être informés de l’apparition de possibles maladies et ils devraient être encouragés à signaler tout signe suspect à leur médecin traitant. Les médecins généralistes, les autres cliniciens ( les microbiologistes, les praticiens en santé publique, les podologues) ainsi que les esthéticiens devraient être mis au courant des risques potentiels des « fish spas » et tenir compte de cette exposition si des patients présentaient des infections du pied ou toute autre infection inhabituelle. Tout cas devrait faire l’objet d’un rapport transmis aux autorités compétentes.

Etant donné tous ces problèmes sanitaires, il pourrait être intéressant de développer l’activité « fish spa » pour particuliers où les gens pourraient choisir d’avoir leur propre bac de « fish massage » chez eux. Cela limiterait les contaminations possibles d’homme à homme ; par contre, cela ne les mettrait pas à l’abri des autres sources infectieuses possibles (poissons, environnement..) et ils devraient s’astreindre à un entretien régulier et à une hygiène responsable car personne d’autre ne serait présent pour contrôler, à moins d’imaginer de pouvoir acheter ce service mais les coûts deviendraient alors conséquents.

Face à tous ces éléments, aux possibilités limitées de désinfection inhérentes à la pratique « fish massage », aux risques théoriques encourus et à l’absence de connaissance des pathogènes réellement présents dans les eaux des bacs, l’activité s’est développée de façon différente et est plus ou moins encadrée en fonction des pays, comme nous allons le voir dans la partie suivante.

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4. État des lieux de la situation et réglementation des « fish spas » en France et à l’étranger

Depuis 2009, l’activité de « fish massage », arrivée de Turquie puis d’Asie, se développe de manière très importante en Amérique du Nord et en Europe, notamment en France. Elle a principalement lieu dans des établissements d’esthétique ou de bien-être, le plus souvent en complément d’autres prestations, mais elle peut aussi voir le jour dans des complexes hôteliers ou des spas.

a. Evolution en France et réglementation de l’activité « fish spa »

Il n’est pas possible de déterminer avec précision la situation en France mais il semblerait que plusieurs centaines d’établissements proposant la prestation de « fish massage » soient en activité, quelques-uns seulement satisfaisant aux conditions légales d’ouverture (ANSES, 2013). D’après les membres de la profession, il y a eu un effet de mode suite à l’arrivée de cette nouveauté en France avec l’ouverture de nombreux centres, puis l’activité a eu tendance à s’essouffler, des instituts ferment chaque année mais en parallèle de nouveaux se créent, ce qui correspondrait à une évolution stable du nombre de « fish spa » après une brève croissance exponentielle.

En France, la législation ne prend pas encore en compte ce phénomène sous tous ses aspects (tab. IX), le versant sanitaire en particulier n’est pas du tout, à l’heure actuelle, encadré de manière spécifique.

Tableau IX : Réglementation française relative à l’activité de « fish massage » (ANSES, 2013) (AQUARIUM SERVICES FRANCE, 2013).

Réglementation objet conséquences faune sauvage captive -Garra rufa, espèce non -une personne de domestique : articles L. 411-1 l’établissement doit posséder le à 413-5, R. 411-5 à R. 413-8 du certificat de capacité d’élevage code de l’environnement (CEn) de Garra rufa nécessaire et arrêté du 11 août conformément à l’article R. 413- 2006. 6 du CEn. -détention et utilisation des Garra rufa à des fins lucratives, - une autorisation préfectorale dans le cadre d’un d’ouverture, permettant établissement de d’agréer les « fish massage » : activité d’un installations de détention et établissement d’élevage au d’utilisation des animaux, sens des articles fonctionnant sous la L. 413-2 et L. 413-3 du CEn et responsabilité du capacitaire de l’arrêté du 10 août 2004. détenant le titre ci-dessus.

bien-être -en tant qu’êtres sensibles, les Respect des conditions Garra rufa sont protégés au conformes aux besoins titre des articles L. 214-3 et L. physiologiques des Garra rufa

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215-6 du code rural et doivent dans la mesure où cela ne être entretenus dans des contrarie pas les conditions de conditions conformes à leurs sécurité, d’hygiène (non besoins établies) et de protection de la physiologiques. nature  interdiction de libérer les -Implication en matière de Garra rufa dans protection animale de l’activité l’environnement, de les de « fish massage» : consommer ; articles L.214-1 et suivants du leur mise à mort doit se faire code rural, notamment article L. dans des conditions correctes 214-2 : « tout homme a le droit et en toute de détenir des animaux dans sécurité pour l’opérateur. les conditions définies à l’article L. 214-1 et de les utiliser dans les conditions prévues à l’article L. 214-3, sous réserve des droits des tiers et des exigences de la sécurité et de l’hygiène publique et des dispositions de la loi n°76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature ». importation -Garra rufa d’origine Pas de contraintes pour les européenne : libre échange, importations européennes mais pas de règlementation contrôle relatif des Garra rufa particulière. venant d’Asie notamment. -Garra rufa d’autres pays importés à des fins commerciales : dispositions du Règlement (CE) n°1251/2008 de la Commission du 12 décembre 2008 portant application de la directive 2006/88/CE (liste des pays autorisés, conditions sanitaires à respecter, modèle de certificat zoosanitaire à fournir, contrôles réalisés aux postes d’inspection frontaliers des pays de l’Union Européenne…) sanitaire Aucune réglementation Mesures non imposées pour la spécifique, notamment au titre sécurité des clients et des du code de la santé publique. manipulateurs. Vide juridique devant être comblé par la responsabilité de chacun.

La seule réglementation s’appliquant vraiment au quotidien et menant à des mesures concrètes concerne l’aspect « faune sauvage captive » (MICHEL, 2013) avec : -le « certificat de capacité » (CC) délivré par le Préfet du département de résidence du requérant, attestant de la qualification personnelle du responsable pour élever et utiliser des animaux dans des locaux adaptés à l’espèce désignée, (conformément à l’article R. 413-6 du CEn), après examen et audition du requérant par la Commission Départementale de la Nature, des Paysages et des Sites - une « autorisation préfectorale d’ouverture » (APO), permettant d’agréer les

82 installations de détention et d’utilisation des animaux fonctionnant sous la responsabilité du capacitaire précité.

Le dossier de demandes d’obtention de CC et d’une APO, adressé à la préfecture, doit comporter les éléments suivants : - un descriptif synthétique de l’activité de « fish massage » et des conditions d’utilisation des poissons dans l’établissement demandeur - le descriptif de l’espèce et le nombre approximatif de Garra rufa utilisés dans chaque bac - les modalités d’alimentation des poissons et de surveillance de leur état général et sanitaire - les modalités de traitement de l’eau - les modalités de suivi de la qualité de l’eau.

Tout établissement devrait fonctionner sous la responsabilité d’un capacitaire élevage Garra rufa . Cela peut être le propriétaire de l'entreprise ou un salarié. Dans tous les cas, il faut que cette personne travaille effectivement sur place et s'occupe quotidiennement des animaux. C'est elle qui les nourrit, s'assure de leur bien-être, de l’entretien, des règles d'hygiène et de sécurité, autant pour les animaux que pour les personnes. Le capacitaire est seul responsable de ces tâches mais il peut en déléguer certaines à un technicien confirmé ou au référent qu’il aura désigné au sein de l’établissement. En cas d’observation anormale ou non conforme aux consignes données, le capacitaire sera immédiatement informé et il décidera de la conduite à tenir. Le contenu et la fréquence de ces contrôles et entretiens seront conformes au tableau de suivi d’entretien établi et il mettra en œuvre les moyens de lutte contre les maladies et affections pouvant résulter de l’utilisation des installations (ANSES, 2013) (AQUARIUM SERVICES FRANCE, 2013).

L’ANSES a publié le 1er février 2013 un avis relatif à l’analyse des risques sanitaires liés à la pratique d’immersion des pieds dans un bac d’eau contenant des poissons de l’espèce Garra rufa. Cette étude, commandée par la Direction générale de la Santé (DGS), devrait être un prélude à la mise en place d’une réglementation plus adaptée. L’ANSES a conclu que : « Le groupe de travail : 1- estime que, malgré l’absence de cas d’infection documenté, le risque de transmission interhumaine ou zoonotique par le biais de l’eau ou des poissons, au cours de la pratique de « fish massage », n’est pas nul. Il est probablement faible, hormis pour les populations d’usagers sensibles précitées à risque plus important ; cependant, en raison de l’absence de données, le groupe de travail n’est pas en mesure de quantifier ce risque ; 2- estime qu’il n’est pas possible de maintenir cette activité en l’état sans un changement profond et rigoureux des pratiques actuelles et un encadrement réglementaire spécifique ; 3- signale que l’Anses va faire réaliser des analyses dont les résultats seront disponibles postérieurement à la restitution de l’avis » (ANSES, 2013).

L’ANSES recommande au vu de la situation : « o l’acquisition de données en vue de caractériser le risque sanitaire et de

83 relever les cas d’infections liées à la fréquentation d’établissements de « fish massage » ; o l’application stricte de la réglementation relative à la faune sauvage captive ; o un encadrement réglementaire imposant : - des postes de pratique contenant une eau garantissant la protection contre les risques d’infection pour l’usager ; - des procédures d’admission et d’hygiène des usagers, d’hygiène de l’établissement sous la responsabilité de personnels qualifiés ; - le contrôle et l’auto-surveillance du fonctionnement des installations, de la qualité de l’eau des bacs et de l’hygiène générale de l’établissement ; - l’obligation de traçabilité des lots et le contrôle sanitaire des poissons ; - l’information objective du public sur les dangers encourus lors de cette pratique ; - l’information des personnels, y compris les travailleurs temporaires, les stagiaires et les personnels d’entreprises extérieures intervenant au sein de l’établissement, sur les risques d’infection, en particulier par des bactéries multirésistantes aux antibiotiques, et la nécessité du respect des règles d’hygiène au travail ; - la formation des personnels de ces établissements pour garantir leur sécurité et celle des usagers. » (ANSES, 2013).

Cet avis n’est pas négatif quant à la pratique de cette activité mais il insiste sur la nécessité de changements, de rigueur et d’encadrement législatif, devant s’appuyer sur des études de terrains. Les analyses dont il est question n’ont pas pu encore être effectuées, notamment du fait de leur coût (DORCHIES,2013). La Direction Générale de la Santé a également demandé son avis à la Société Française de Dermatologie qui semble opposée à cette pratique. Nous espérons qu’une fois les dangers sanitaires et les facteurs risques identifiés, une législation appropriée pourra être mise en place en encadrant notamment les mesures à prendre pour la protection du public et son information. Il n’y a, a priori, pas de procédures communes existantes ou prévues en Europe concernant la problématique « fish spa » (NEY, 2013).

Voyons à présent quel est le développement du « fish massage » dans les autres pays et quelles sont les orientations réglementaires proposées à l’étranger.

b. État des lieux des pratiques et des recommandations à l’étranger

Dès 2006, un « fish spa » a été inauguré à Hakone au Japon et à Umag en Croatie. Des spas voient le jour en Belgique, Chine, Pays-Bas, Corée du Sud, Singapour, Bosnie-Herzégovine, Hongrie, Slovaquie, Inde, Thaïlande, Cambodge, Indonésie, Malaisie, Philippines, Hong Kong, Roumanie, Espagne et Norvège. En 2008, aux Etats-Unis, un service de pédicure utilisant les Garra rufa a fait l’objet d’un reportage à la télévision (BRITISH BROADCASTING CORPORATION, 2013), où il est vanté pour son effet de rajeunissement de la peau et de relaxation en communion avec la

84 nature. La même année, la SARL Py-khuan voit le jour en France, elle propose notamment la fourniture des Garra rufa et l’installation du matériel nécessaire à leur utilisation (BUISSON, 2010) (CONSEIL SUPERIEUR DE LA SANTE BELGE, 2013).

i. Europe

Tous les pays européens sont confrontés depuis ces dernières années au développement important de l’activité de « fish massage », proposée aussi bien à des fins thérapeutiques qu’à des fins esthétiques. Il n’existe pas, a priori, de réglementation sanitaire spécifique relative à l’utilisation des poissons à des fins esthétiques. Cependant, le Royaume-Uni a été le premier à mettre au point un guide de gestion des risques sanitaires dans le cadre de l’activité de « fish massage », en essayant d’en identifier les dangers. La France et la Belgique ont, elles aussi, publié des rapports similaires peu après. Nous allons présenter un tour d’horizon de ce qui se passe chez nos différents voisins européens.

- Royaume-Uni

Une enquête, réalisée en 2011 dans un tiers des localités du Royaume Uni, a identifié 279 centres de « fish massage » ce qui laisse à penser que le nombre total réel est encore bien supérieur. Face à ce développement important et rapide, l’agence de protection de la santé (Health Protection Agency, HPA) a élaboré un guide publié en octobre 2011 afin de caractériser les risques liés à cette pratique et de proposer des mesures sanitaires appropriées. Ce rapport ne prend en compte que la pratique « fish massage » à des fins esthétiques de pour les pieds et seulement l’utilisation de poissons de l’espèce Garra rufa. La conclusion de cette étude est que le risque d’infection ne peut pas être exclu mais il est considéré comme très faible si les mesures d’hygiène nécessaires sont respectées. Cependant, cette activité est déconseillée aux personnes immunodéprimées pour lesquelles le risque d’infection est plus important. L’HPA ne dispose pas de données suffisantes relatives à la qualité de l’eau des bacs qui pourraient permettre d’élaborer des critères à respecter pour sa qualité microbiologique et elle indique qu’il serait nécessaire de mettre en œuvre une étude à grande échelle afin de pouvoir, en tout état de cause, décider des mesures nécessaires (HEALTH PROTECTION AGENCY, 2011).

- Allemagne

En Allemagne, les autorités ont d’abord été confrontées au développement de cette pratique à des fins thérapeutiques. Elles ont mis en place des règles sévères, notamment en Bavière, pour les autorisations d’ouverture des établissements. Elles comprennent une description détaillée des équipements et des dispositifs de traitement, un rapport d’expertise sur l’efficacité des procédés de désinfection utilisés, un plan d’hygiène détaillé, des mesures de contrôle de la qualité de l’eau pour le bien-être des poissons, une brochure d’informations relatives aux risques sanitaires potentiels à destination du public, le consentement du client et la preuve

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écrite que l’usager n’est atteint ni d’hépatite B et C, ni du VIH, ni colonisé par des bactéries cutanées pathogènes. Les autorités du Land de la Basse Saxe s’interrogent sur la compatibilité de l’utilisation de ces poissons à des fins de bien-être pour l’homme avec la réglementation en vigueur sur la protection et le bien-être animal (HEALTH PROTECTION AGENCY, 2011) (ANSES, 2013) (CONSEIL SUPERIEUR DE LA SANTE BELGE, 2013).

- Belgique

A l’heure actuelle, environ une centaine de « fish spa » sont sans doute en activité en Belgique, sans réglementation particulière. Les locaux des « fish spa » sont parfois des surfaces commerciales dédiées uniquement à ce type de soin, mais on rencontre également des salons de coiffure, des instituts de beauté, tout autant que des unités mobiles, vaquant dans les centres commerciaux et autres lieux divers.

Le Conseil Supérieur de Santé de Belgique considère que : « l’utilisation des poissons à des fins cosmétiques n’a qu’un effet limité, mais s’inscrit plutôt dans la recherche de sensations particulières. Il n’existe donc aucun motif scientifique raisonnable permettant de justifier une pratique qui représente une source de stress pour les poissons » Un avis complémentaire doit être demandé au Conseil du Bien-être des animaux concernant le stress occasionné. Par ailleurs, pour l’usage médical il déclare que : « A ce jour, il n’est pas établi, de façon scientifiquement suffisante, que l’ichtyothérapie soit à tout le moins efficace dans le traitement de maladies ( le psoriasis), ou offre un avantage quelconque par rapport aux traitements conventionnels. Il n’existe donc aucun motif scientifique raisonnable justifiant cette pratique. » Ces éléments amènent à conclure que : « Pour ces raisons, et compte tenu des informations récoltées à ce jour, le Conseil Supérieur de Santé émet un avis défavorable au sujet de la création ou du maintien de tels centres en Belgique ». Il ajoute cependant que : « Si le pouvoir politique décidait néanmoins de ne pas interdire la pratique en Belgique, il devrait alors prévoir la mise en œuvre de certaines mesures contraignantes à l’égard des salons, ou autres lieux, offrant de la fish pédicure. Le Conseil estime néanmoins que ces mesures ne sont pas économiquement justifiées et réalistes/réalisables dans l’immédiat » (CONSEIL SUPERIEUR DE LA SANTE BELGE, 2013).

- Estonie

En l’absence de réglementation spécifique, le ministère chargé de la santé fait référence à la réglementation en vigueur relative aux piscines publiques. Il recommande aux responsables des établissements de « fish massage » d’établir un document dans lequel sont détaillés les étapes de la procédure, le descriptif des dispositifs de traitement et leur entretien, les modalités d’hygiène, etc, et de réaliser une auto-surveillance de la qualité microbiologique de l’eau tous les 5-7

86 jours pour les paramètres suivants : coliformes, Pseudomonas aeruginosa, Staphylococcus aureus (ANSES, 2013).

- Slovénie

Un guide a été réalisé en 2012 sur la base du rapport de l’HPA, ainsi que d’échanges avec les autorités de Bavière et de leur propre expérience (ANSES, 2013).

- Suisse

L’office vétérinaire fédéral et les services cantonaux de protection des animaux sont de plus en plus confrontés à des demandes concernant l’utilisation de Garra rufa à des fins esthétiques. La détention et l’élevage de poissons à titre professionnel sont soumis à autorisation, conformément à l’ordonnance sur la protection des animaux (articles 94 à 96). Celle-ci est délivrée par le vétérinaire cantonal. Il apprécie la situation en fonction de la loi fédérale et des directives de l’office vétérinaire fédéral concernant les conditions d'utilisation des Garra rufa, notamment au regard du contrôle de l’effectif des poissons, la fréquence ou le nombre d’heures d’utilisation, la surveillance des aquariums et leur température, leur pH, le changement de l’eau, etc. L’office vétérinaire fédéral recommande toutefois de refuser ces demandes en s’appuyant sur la loi relative à la protection des animaux. Dans ce cadre, cette utilisation est considérée comme une atteinte à la dignité de l‘animal. Le poids du bénéfice engendré pour l’homme est considéré plus faible que la contrainte imposée aux poissons. Cette loi stipule que personne ne doit, de façon injustifiée, causer à des animaux des douleurs, des maux ou des dommages, ou les mettre dans un état d’anxiété, va dans le même sens. En effet, les situations de stress et les risques de blessures (en particulier en cas de manipulation) sont jugés inévitables pour les poissons dans cette pratique (ANSES, 2013).

- Hollande

Aux Pays-Bas, il existe également les deux types d’établissements, ceux dédiés à l’esthétique, très nombreux et quelques structures prodiguant des traitements médicaux. Dans certains de ces centres thérapeutiques (SanaCure BV Nederland, par exemple), les soins sont remboursés à 65% par la sécurité sociale hollandaise (ANSES, 2013).

- Autriche

L’Autriche a été un pays précurseur à propos de l’étude des vertus médicales des Garra rufa. En effet, une des deux seules études scientifiques a été réalisée à Vienne en 2006 sous la supervision d'une équipe de dermatologistes dirigée par GRASSBERGER et HOCH.

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ii. Amérique du Nord

- États-Unis

L’activité de « fish massage » est pratiquée dans certains endroits mais, aujourd’hui, aux Etats-Unis, les « fish massages » ont été interdits dans 18 états par la Board of Cosmetology de l’état concerné, sur la base d’infraction aux règles applicables aux soins de beauté. Les « Centers for Disease Control and Prevention » n’ont pas réalisé d’évaluation de risques au niveau national. Les raisons des interdictions ne sont donc pas basées seulement sur des raisons sanitaires mais sur des considérations de protection animale et une interprétation stricte de la réglementation en vigueur : - les bassins d’immersion des pieds ne peuvent pas être nettoyés entre chaque client du fait de la présence des Garra rufa - les poissons, considérés alors comme des « instruments », ne peuvent pas être désinfectés et sont, par ailleurs, utilisés plusieurs fois pour plusieurs clients, augmentant donc le risque de propagation d’infections - selon l’U.S. Fish and Wild Life Service, les Garra rufa pourraient constituer une menace pour la faune et la flore dans les cas où ils seraient libérés dans le milieu naturel car ils ne sont pas originaires des États-Unis - la réglementation n’autorise la présence de poissons dans un salon de beauté Que dans le cadre d’aquariums décoratifs (CENTERS FOR DISEASE CONTROL AND PREVENTION, 2013).

- Canada

Au Canada, la pratique est interdite dans quatre États : Ontario, Colombie- Britannique, Alberta et Manitoba. La base de l’interdiction est similaire à celle des États-Unis et repose sur l’impossibilité de soumettre les poissons à une désinfection règlementaire entre chaque client (ANSES, 2013) (CONSEIL SUPERIEUR DE LA SANTE BELGE, 2013).

iii. Moyen-Orient, Extrême-Orient et Afrique

La Turquie est le berceau des Garra rufa. Les établissements de fish-massage ne sont pas nouveaux. Ils existent depuis très longtemps, comme nous l’avons dit précédemment, pour le traitement du psoriasis mais aussi pour l’esthétique et le bien-être. Plusieurs publications, concernant les Garra rufa sont d’ailleurs d’origine turque.

On trouve également des établissements de « fish massage » à travers de nombreux pays d’Asie comme le Japon, la Chine, Singapour, la Thaïlande, la Malaisie, les Philippines. L’activité, bien que moins abondante, est également retrouvée dans beaucoup d’autres pays tels que la Tunisie, le Maroc, l’Egypte, le Sénégal, les Emirats Arabes Unis et l’Afrique du Sud (AQUARIUM SERVICES FRANCE, 2013).

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Après nous être intéressés aux Garra rufa, à l’activité de « fish massage », à sa pratique, à ses risques et à l’état des lieux dans le monde, nous allons maintenant étudier ce qu’il en est sur le terrain à travers un travail de recherche qualitative visant à interroger les différents acteurs impliqués dans la filière pour nous rendre compte de la réalité quotidienne en institut de « fish massage ».

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90

II. ETUDE QUALITATIVE

Le travail préalable à toute recherche expérimentale, est de faire le point sur le sujet étudié par une revue de la littérature concernée (AUBIN-AUGER et al., 2008). La partie précédente nous a ainsi permis d’obtenir les informations nécessaires pour aborder l’étude expérimentale en pleine connaissance et avec les éléments essentiels à une réflexion pertinente.

Nous préciserons d’abord succinctement, ce qu’est la recherche qualitative, afin de justifier notre choix. Puis nous présenterons notre étude expérimentale de manière classique en détaillant les matériels et méthodes utilisés pour appréhender au mieux le concept « fish-spa » avant de présenter les résultats obtenus et de discuter des perspectives qui en découlent.

1. Choix de la recherche qualitative

La recherche qualitative est particulièrement appropriée lorsque les facteurs observés sont difficiles à mesurer objectivement, elle peut ainsi contribuer à une meilleure compréhension des phénomènes et apporter de précieuses informations sur leurs différentes modalités. C’est pour cela que cette technique nous a paru la plus adaptée pour appréhender au mieux le concept « fish spa ». Nous allons d’abord brosser un bref historique du développement de la recherche qualitative afin de mieux cerner cette technique puis nous nous intéresserons à ses spécificités et à l’application que nous allons en faire dans notre étude.

Le développement de la recherche qualitative remonte aux années 1920, elle était à cette époque-là utilisée essentiellement par les anthropologues et les sociologues qui menaient des recherches sur des phénomènes humains dans leur environnement habituel et d’un point de vue holistique (AUBIN-AUGER et al., 2008). Dans les années 1950, le marketing s’est lui aussi approprié ces techniques. Et c’est seulement à partir des années 1990 que les chercheurs en santé ont vraiment commencé à utiliser cette méthode de recherche. Mais cette technique n’a pas été tout de suite approuvée par la communauté scientifique qui craignait son manque de rigueur. Preuve en est l’article de POPE ET BRITTEN « Barriers to qualitative methods in the medical mindset » publié dans le « British Sociological Association Medical Sociology Group conference » en 1993, dans lequel les auteurs montraient leur collection de lettres de refus de publication provenant des journaux médicaux illustrant ainsi l’ignorance et le scepticisme de ces éditeurs scientifiques vis-à-vis de la recherche qualitative (GREENHALGH et TAYLOR, 1997).

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La recherche quantitative est souvent opposée à la recherche qualitative. Pourtant il est indispensable de choisir la méthode la plus adaptée en fonction de l’étude entreprise. Elles ont chacune des caractéristiques et des avantages différents : il n’y a en fait non pas opposition mais complémentarité entre les deux et elles peuvent permettre ensemble de cerner tous les aspects d’un même sujet puisqu’elles n’explorent pas les mêmes champs de la connaissance. Il semble avéré qu’un résultat est plus facilement accepté comme établi s’il est possible d’obtenir des chiffres à l’appui (GREENHALGH et TAYLOR, 1997). Ainsi la recherche quantitative apparaît plus rationnelle. A l’inverse, seule la recherche qualitative a une dimension holistique en mesure de décrire la complexité du comportement humain. Et puis, les données numériques peuvent, hors de leur contexte, induire en erreur, s’avérer sans rapport ou être très réductrices par rapport à la réalité de terrain et elles n’apporteront finalement pas la réponse appropriée ou pas de réponse du tout aux problèmes rencontrés. La recherche qualitative ne sert pas à quantifier ou à mesurer, elle permet de recueillir des données verbales amenant une démarche interprétative. Elle consiste à accéder aux déterminants des comportements, pour comprendre plutôt que compter. Cette méthode s’intéresse plus que l’autre à l’humain dans la mesure où elle peut permettre de prendre en compte les émotions, les sentiments, ainsi que les expériences personnelles. Le tableau X synthétise les différences et les spécificités de ces deux méthodes de recherche.

Tableau X : Différences entre recherche qualitative et quantitative (GREENHALGH et TAYLOR, 1997) (AUBIN-AUGER et al., 2008).

Recherche qualitative Recherche quantitative Principe Crée des hypothèses Teste des hypothèses But Compréhension du contexte Relations causales entre des Étude des sujets dans leur variables mesurables environnement Méthode Entretiens, observations Expérimentations, enquêtes Raisonnement Inductif Déductif Technique Explore l’existence et la signification Mesure, quantifie des variables d’investigation de phénomènes Technique théorique statistique d’échantillonnage Question Qu’est-ce que X ? Combien y a-t-il de X ? Force validité fiabilité

La démarche classique de recherche est de partir d’une théorie que l’on confirme ou infirme avec les données recueillies. Pour ce qui est de la recherche qualitative, ce n’est pas aussi simple, nous commençons avec l’intention d’explorer un domaine particulier, avec un but plus ou moins défini mais qui peut évoluer en fonction du

92 retour terrain ; s’ensuit une collecte de données (par le biais d’observations, d’interviews..) et c’est leur analyse, concomitante à leur recueil, qui va aider à finaliser les idées, les hypothèses.

D’après certains auteurs : « Ce type de recherche nécessite des dispositions humanistes, de la curiosité, de l’imagination et de la créativité, mais aussi un sens de la logique, la capacité à reconnaître la diversité ou la régularité d’un phénomène » (AUBIN-AUGER et al., 2008)

C’est d’ailleurs ce qui participe à son caractère passionnant, mais aussi ce qui la rend très complexe ; c’est pour cela que nous allons décrire pas à pas et aussi précisément que possible, notre démarche expérimentale dans le paragraphe suivant : « Matériels et méthodes ».

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2. Matériels et méthodes

a. Recueil des données

Il existe plusieurs méthodes de recueil de données utilisées en recherche qualitative. Il est possible de se baser sur l’étude de documents, de faire de l’observation passive ou active en s’attachant à décrire les comportements observés, en interagissant ou non avec ceux qui agissent. Il est également possible d’effectuer des entretiens individuels ou bien collectifs (focus groups), en abordant des sujets plus ou moins définis au préalable et en rebondissant sur les données recueillies pour prolonger la réflexion.

Dans notre cas, la technique la plus appropriée pour explorer le concept « fish-spa » nous a paru être l’entretien individuel car c’est cette méthode qui permet d’obtenir le plus d’informations de terrain valables en allant voir les personnes une à une dans leur environnement. Les regrouper aurait été très compliqué et le rendu, qui n’aurait pas forcément été meilleur, présentait un risque de manque de spontanéité dû à l’intimidation de l’effet groupe et l’apparition d’un possible leader lors de la discussion. Cela ne nous aurait pas non plus permis d’observer le contexte, les infrastructures ni d’avoir la chance d’observer par nous-mêmes des points essentiels.

Mais plusieurs techniques peuvent se compléter, c’est cela même que l’on appelle la triangulation, concept largement utilisé par les géomètres et qui consiste, dans leur cas, à augmenter la validité d’une carte en y intégrant les mesures prises à partir d’angles différents. De la même façon, en recherche qualitative, ajouter des données provenant d’approches différentes ou d’autres points de vue ne peut qu’aider à s’approcher au plus près de la réalité et à mieux la comprendre (MALTERUD, 2001). Pour ce faire, il est possible d’utiliser plusieurs des méthodes citées précédemment ou bien d’étudier d’autres perspectives en se référant à des sources différentes (KUPER et al., 2008).

Dans notre cas, nous avons choisi de combiner les deux méthodes en ajoutant des phases d’observation en institut « fish-spa » (ethnographie) à nos interviews ainsi que des visites aux fournisseurs. Nous avons, par ailleurs, décidé d’avoir des entretiens avec différents membres indépendants de la filière (esthéticiennes en institut, clients, membres des services d’hygiène, professeurs et chercheurs s’étant intéressés à la question, techniciens aquariophiles...) pour pouvoir comparer la vision de chacun et enrichir ainsi notre analyse. Le but est, d’une part, d’être sûr que les données indépendantes que nous recueillons vont bien dans le même sens ou tout au moins ne se contredisent pas. D’autre part, il est illusoire de recueillir des informations complètes concernant quelque phénomène que ce soit, mais l’utilisation d’instruments et d’angles différents pour récolter un maximum de renseignements sur

94 un même objet permet d’en avoir une connaissance plus valable, complète et différenciée.

Cependant, la triangulation ne présente pas que des avantages : il est en effet difficile de comparer des données collectées par des moyens différents et provenant d’acteurs divers. Quel poids et quelle valeur accorder à ces éléments différents ? Comment trancher si des données sont contradictoires ? Dans notre cas, le nombre limité de candidats à interroger dans certaines catégories nous conduira à utiliser les données recueillies à partir de ces sources comme des garde-fous. Nous nous efforcerons d’aborder ces points avec une grande prudence et le plus de recul possible et nous nous contenterons de mettre en lumière les contradictions éventuelles rencontrées, tandis que les données allant dans le même sens nous permettront de corroborer et de valider de façon un peu plus certaine la réalité complexe dont chaque recueil de données différentes fournit une vue partielle contribuant à reconstituer l’ensemble. Intéressons-nous maintenant à la façon dont nous avons choisi notre échantillonnage.

b. Echantillonnage

En recherche qualitative, l’échantillonnage n’est pas établi de manière statistique, on ne cherche pas à obtenir la représentativité mais plutôt à mettre en lumière la diversité au sein d’une population donnée (BARBOUR,2001) (POPE et al., 2000). Pour cela, nous avons décidé d’avoir recours à une méthode d’échantillonnage choisie afin d’explorer au mieux tous les aspects du thème étudié. En effet, ce ne sont pas des données moyennes qui nous intéressent mais le maximum de données différentes afin de parvenir à une meilleure compréhension du phénomène et c’est la diversité de l’échantillonnage choisi qui va amener à la richesse des données et donc à la qualité de la réflexion finale (AUBIN-AUGER et al., 2008), (GREENHALGH et TAYLOR, 1997).

Une des particularités de la recherche qualitative est que la taille de l’échantillon n’est pas forcément prédéfinie (KUPER et al., 2008). En effet, le recueil de données est arrêté quand la lecture des données n’apporte plus de nouveaux éléments (AUBIN-AUGER et al., 2008). Ce phénomène est appelé saturation. La collecte de données s’arrête quand une compréhension satisfaisante du phénomène est atteinte et que des entretiens supplémentaires n’apportent plus d’éléments nouveaux par rapport aux données acquises précédemment.

Cependant il n’est a priori pas évident de commencer une étude sans avoir la moindre idée du nombre de personnes à interroger. Il est nécessaire de savoir si l’expérience est réalisable que ce soit au niveau du temps, de l’investissement nécessaire ou des contraintes du terrain.

95

GUEST et al. se sont intéressés à la question et ont mené une étude sur l’interview de soixante femmes africaines, en documentant systématiquement le degré de saturation des données et leur variabilité au cours de ces différents interviews. 73% des codes utilisés pour analyser ces entretiens avaient été identifiés lors des six premiers interviews et 92% lors des douze premiers. Les entretiens suivants n’ont apporté que peu de nouveauté et ils ont ainsi pu conclure que le phénomène de saturation était quasiment totalement atteint dès les douze premiers entretiens et que déjà après les six premiers, les thèmes principaux étaient présents (GUEST et al., 2006) .

D’autres études ont montré qu’un nombre de quatre interviews pouvait être valable et que choisir un trop grand nombre de personnes à interroger par excès de zèle n’est parfois que peu bénéfique à l’étude, voire peut même être néfaste dans la mesure où le recueil et le traitement d’un volume trop important de données peut prendre énormément de temps et détourner le chercheur de ses objectifs réels. Parfois, un seul exemple bien documenté peut parfois être le meilleur moyen de produire d’excellentes théories (POPE et al., 2000) .

Le nombre de personnes à interviewer dépend aussi du degré de compétence des personnes interrogées par rapport au sujet étudié. Il ne faut pas non plus qu’elles aient de liens forts entre elles, de façon à ce que nous puissions être sûrs que nos données sont bien indépendantes les unes des autres. Plus le domaine d’enquête est vaste, plus les réponses seront différentes et, d’une manière assez évidente, plus notre échantillonnage sera diversifié et hétérogène, plus nous aurons besoin d’un grand nombre d’entretiens avant de ne plus être confrontés à des éléments nouveaux.

Le nombre dépend donc du sujet de l’étude, de la sélection de la méthode, du choix du panel de gens à interroger et il est par ce fait unique pour chaque expérience et défini par elle. Nous pouvons cependant considérer que 4 à 12 entretiens est une fourchette a priori intéressante et raisonnable et nous verrons notre choix s’affirmer au cours de l’étude en fonction des résultats récoltés.

Pour trianguler le plus efficacement possible, nous avons choisi d’interroger des intervenants aux différentes étapes de la filière, c’est-à-dire :

- Des fournisseurs

- Des formateurs

- Des membres des services vétérinaires

- Des professeurs ou chercheurs ayant publié sur le sujet

- Des techniciens certifiés, responsables de l’entretien des aquariums

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- Des personnes travaillant dans les instituts offrant la prestation « fish spa », certifiés ou non

- Des clients ayant essayé le « fish massage»

- Des clients présents dans l’établissement pour une autre prestation

Nous avons été limités, dans notre choix, par le faible nombre de personnes qu’il était possible de rencontrer dans les cinq premières catégories mais chacun des entretiens effectués a été très formateur. Nous avons choisi de mettre particulièrement en lumière dans cette étude les entretiens avec le personnel des « fish spa » et les clients. Les interviews avec les personnes des autres catégories nous ont permis de nous informer pleinement, ils ont contribué à établir le cadre et à documenter partiellement la première partie et ils jouent le rôle de garde-fous pour nous permettre d’avoir un regard critique sur les données recueillies en instituts.

Le choix des personnes des premières catégories s’est donc fait en fonction de ce qui était possible car ce ne sont pas des gens très nombreux ni très faciles à rencontrer : pour les formateurs, fournisseurs et techniciens, nous nous sommes principalement tournés vers « Aquarium Services France », à Dijon, précurseur en la matière, avec plus de 500 instituts approvisionnés en France et à l’étranger. Nous avons également approché Rufafish, à Paris, possédant trois instituts spécialisés en la matière et se présentant aussi en tant que fournisseur.

Nous avons envoyé des mails aux DDPP de plusieurs départements où nous sommes allés sur le terrain dans le cadre de notre étude expérimentale (Côte-d’Or, Gard, Vaucluse, Rhône, Ile de France…). Nous avons obtenu des réponses de la part du service de la Côte-d’Or (le siège de « Aquarium Services France » se situant à Dijon nous avons donc pensé qu’il serait particulièrement bien renseigné et sensible à la question) et du Gard (pour lequel nous avions les coordonnées directes de la vétérinaires responsable, Mme Sophie JEAN BAPTISTE).

Nous avons contacté par mail les deux vétérinaires faisant partie du groupe de recherche de l’ANSES ayant publié une étude sur les « fish spa » : M. Philippe DORCHIES, parasitologue et Professeur Emérite à l’École Nationale Vétérinaire de Toulouse, avec qui il a été possible d’avoir un entretien téléphonique, et M. Christian MICHEL, Docteur en Médecine vétérinaire ayant travaillé au service « Infections et Immunité des Poissons » de l’Institut National de la Recherche Agronomique. Tous deux nous ont répondu extrêmement gentiment, en nous fournissant des données très intéressantes et en nous conseillant de contacter Mme Eléonore NEY responsable scientifique de l’unité d’évaluation des risques liés à l’eau à l’ANSES qui nous a, elle aussi, fait part de son avis sur le sujet.

Pour les deux dernières catégories, dans lesquelles nous avions le choix d’interviewer différents intervenants dont le nombre existant était suffisamment important, nous avons, dans la mesure du possible, tenté de choisir la gamme la plus

97 large possible tant au niveau des localisations que des styles pour avoir la plus grande diversité de données envisageables.

Nous avons opté pour la prise de notes lors de chaque entretien plutôt que pour un enregistrement. En effet, ce dernier semblait mettre les participants mal à l’aise et il aurait risqué de donner un côté artificiel et faussé aux résultats recueillis. Nous avons pris soin de prendre le maximum de notes possibles lors de chaque conversation et de les remettre au propre en les complétant dès la fin de l’entretien.

Voyons en quoi consistaient les grands axes de ces entretiens individuels.

c. Entretiens individuels

Nous avons mis en place des guides d’entretiens individuels semi-structurés avec des thèmes à aborder et la possibilité de rebondir sur ce que dit la personne interviewée pour approfondir un point qui pourrait alors nous paraitre intéressant. Nous avons ainsi élaboré deux types de guides d’entretien différents pour les personnes travaillant dans les instituts « fish spa » et pour leurs clients. Pour les personnes appartenant aux autres catégories, nous avons repris les différents thèmes abordés dans les questionnaires précédents étaient repris en les complétant par des questions adaptées à leur rôle dans la filière. Dans les guides d’entretien destinés aux instituts, nous avons choisi d’aborder : - les spécificités de l’institut (son historique, la date d’installation, le choix et le développement de l’activité « fish spa »…) - le fonctionnement de l’activité « fish spa » (règles, entretien, contrôles, soins, contraintes...) - les problèmes rencontrés lors de cette activité (techniques, sanitaires, concurrence…) - les retours clients (leurs perceptions, les remarques les plus fréquentes…) - leur sentiment personnel vis-à-vis de cette activité (travail quotidien, efficacité, éthique...)

Dans les guides d’entretien destinés aux clients ayant pratiqué l’activité « fish spa », nous avons choisi d’aborder : - les raisons de leur choix et leur éventuelle expérience préalable - leurs connaissances sur le sujet et leur ressenti.

Pour les clients n’ayant pas pratiqué cette activité nous avons enquêté sur : - leur connaissance du concept « fish spa » - leur désir argumenté de tenter ou non l’expérience dans le futur.

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Dès les tout premiers entretiens, nous avons commencé le processus d’analyse des résultats afin de pouvoir, si nécessaire, recentrer ces entretiens sur des éléments qui auraient pu nous échapper avant la confrontation terrain.

d. Méthode d’analyse

Nous avons recherché différentes thématiques qui pouvaient apparaître lors de ces interviews, guidés par nos guides d’entretien. Puis nous avons choisi d’adopter la théorie ancrée (Grounded theory). L’analyse et la collecte des données se réalisent en parallèle et nous effectuons un aller-retour constant entre ces deux opérations. La découverte d’éléments imprévus, suite à un premier entretien, peut amener à modifier le guide d’entretien et la grille d’analyse pour les entretiens ultérieurs (AUBIN-AUGER et al., 2008) (POPE et al., 2000).

Le but était d’organiser et de hiérarchiser tous les éléments de réponse des questionnaires dans des catégories et sous-thèmes généraux qui serviraient, par la suite, à analyser et à décoder chaque interview de façon rigoureuse selon la grille d’analyse élaborée, en répertoriant les éléments présents dans chacun. Il s’agit en quelque sorte, une fois la liste de codes établie dans la grille d’analyse, de faire des copiés collés de chaque fragment d’entretien afin de les organiser dans les différentes catégories. Cela peut être effectué ou bien à l’aide d’un logiciel approprié ou bien manuellement si le volume de données à analyser n’est pas trop important. C’est cette dernière technique que nous avons choisie : il faut alors lire et relire les retranscriptions des entretiens afin d’identifier les concepts clés, puis essayer de les associer entre eux et les classer dans les cases que nous avons définies.

Cette grille préliminaire, établie à partir de nos connaissances et des premières interviews, peut être remodifiée et améliorée par la suite pour s’adapter au mieux aux différents éléments recueillis lors des entretiens suivants et c’est ensuite avec cette grille finale standardisée que toutes les interviews sont analysées de manière systématique, afin de pouvoir envisager une théorie explicative construite à partir des données recueillies.

Le chercheur se doit en effet de ne pas introduire des biais d’interprétation lié à ses convictions ou conceptions personnelles. De ce fait, il peut être nécessaire de baliser la procédure grâce à des techniques de vérification pouvant intervenir à différents niveaux.

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e. Techniques de vérification

La vérification peut se faire tout au long de la recherche mais nous pouvons identifier deux moments-clés : celui de la retranscription de l’entretien et celui de l’analyse des données et de l’élaboration de la grille.

Il est possible de faire valider la prise de notes a posteriori par la personne interrogée lors de l’entretien mais les avis sont partagés quant à la pertinence de cette mesure.

Cela permet d’être certain que la personne adhère à ce qui est écrit et qu’aucune erreur n’a été commise lors de la prise de notes mais ceci peut aussi être à l’origine de problèmes. En effet, les données peuvent être contradictoires et la personne peut ne plus être d’accord ou ne plus se rappeler ce qu’elle a voulu exprimer à ce moment-là, elle peut même vouloir effacer des propos qu’elle n’aimerait pas voir retranscrits alors qu’elle a exprimé avec spontanéité ces éléments précédemment, ce qui les rend particulièrement intéressants. C’est pour toutes ces raisons que certains auteurs considèrent que la relecture des données par les participants n’est pas constructive (COHEN et CRABTREE, 2008) (BARBOUR, 2001) . Face à ce dilemme, nous avons choisi de ne pas proposer de relecture, également parce qu’un temps supplémentaire est nécessaire pour effectuer cette opération et que cet acte dépend du bon vouloir des participants et leur demande un effort de plus.

Par ailleurs, un critère de qualité de l’étude peut être que l’analyse a été effectuée par plusieurs personnes différentes (GREENHALGH et TAYLOR, 1997). Cela est souvent difficile en pratique mais une solution intermédiaire acceptable est qu’au moins une deuxième personne se penche sur un échantillon des données pour voir si la grille d’interprétation élaborée lui paraît adaptée et, si elle accorde un sens similaire à ces entretiens et aux thèmes principaux qui s’en dégagent.

Même s’ils trouvent cette comparaison intéressante, certains chercheurs n’accordent que moyennement de crédit au degré de concordance entre les différentes personnes qui analysent mais ils s’intéressent plutôt à leurs points de désaccord et en quoi ceux-ci peuvent permettre de repenser la grille d’analyse (BARBOUR, 2001). A ce titre, ils pensent que le fait que cette réflexion soit menée par un chercheur seul, par une équipe ou par des personnes différentes, n’est pas le point fondamental. Ce qui est important, c’est le regard critique apporté, accompagné d’un travail consciencieux, rigoureux et d’une procédure systématique d’analyse qui aura été détaillée avec soin au préalable.

Pour la recherche nous concernant, nous avons eu la chance que le Professeur Denise Remy puisse nous superviser tout au long de l’étude.

Il existe de nombreux articles mettant en avant des listes de points à vérifier pour apprécier la qualité d’une étude qualitative (COHEN et CRABTREE, 2008) (GREENHALGH et TAYLOR, 1997) (KUPER et al., 2008) (MALTERUD, 2001). Nous

100 avons construit notre méthodologie de recherche en ayant en tête ces différents critères de qualité et nous avons soumis notre travail à une telle évaluation.

Même si ces listes de vérification peuvent être utiles pour améliorer les méthodes de recherche qualitative, un zèle trop important ou un usage non critique de celles-ci peut s’avérer improductif (BARBOUR, 2001). En effet, réduire la recherche qualitative à une liste des procédures techniques est contre-nature et peut conduire à tourner en rond et diminuer les bénéfices de ce type de recherche. Par ailleurs, chaque recherche qualitative est unique et aucune de ces techniques n’assure à elle seule la qualité de l’étude ; elles peuvent pourtant l’améliorer si elles sont utilisées à bon escient et si elles sont associées à beaucoup de rigueur et de transparence tout au long de l’étude.

Voyons maintenant à quels résultats cette méthodologie nous a conduits.

101

3. Résultats

a. Caractéristiques des instituts choisis

Tableau XI : Caractéristiques des différents « fish spa » ayant fait partie de l’étude qualitative.

Nom de Localisa Type de Type Prestations Descriptif Nom- l’institut -tion structur d’install proposées bre + e a-tion d’an- (prestatai dans nées re de l’institut d’ou- service) visité vertur e Rufafish 68 3 6 à 8 « fish Seul 5 avenue instituts bacs à massage » institut en (un de New (2 à pieds pour les France technicie York, Paris, 1 pieds :20 ou avec n Trocadé à Marra- 3 30 min, pour baignoires aquario- ro kech) baignoi- le corps 30 intégrales. phile) 75016 res min ou 1h. Fournisseu Paris intégral Esthétique, r, es à 2 massages. Qui se places présente comme la « Première chaîne de « fish spa » en France , cadre zen et chic Delaland 21 1 seul 2 bacs à « fish Institut de 2 re.com- avenue institut pieds massage » beauté Institut du pour les touristique docteur pieds, 10 de la Côte (« Aquari Dauthev min, 20 min d’Azur um ille, ou 30 min. ayant su Services 06160 Massages mettre France » Juan les et l’accent ) Pins esthétique. sur le bien- être et la chaleur humaine Moment- 16 rue 1 seul 7 bacs à Activité de Concept 3 FishSpa du petit institut pieds « fish store puits, utilisés massage » « branché

102

(technici Quartier parfois des pieds, » en du pour les 15 min ou avec une interne) panier mains 30 min, ambiance 13002 en y massage zen, à Marseill accolant des pieds, lumière e un exposition tamisée tabouret et vente bas. d’œuvres de créateurs Instant 26 rue 2 10 bacs Uniquement « Fish 2 Fish Spa Carnot, instituts à pieds « fish spa » 13210 ( L’Isle- massage » touristique (technici Saint sur-la pour les en plein en Rémy Sorgue pieds (15 et centre-ville aquario- de et Saint 30 min) et d’un village phile) Provenc Rémy vente de provençal e de crèmes. Provenc e) Algance- 49 rue 2 3 bacs à « fish Institut de 1 Paris Franklin instituts pieds massage » beauté de , (Vienne pour les standing (« Aqua- 69002 et Lyon) pieds: 20 ou rium Lyon 30 min. Services Massages France » et ) esthétique.

Fish 78, rue 1 seul 3 bacs à Uniquement Un des 3 n’feet Ney institut pieds «fish premiers Quartier massage » instituts (“Aqua- des 20 min ou « fish rium Brotteau 30 min et spa » Service x bien-être du ouvert à s 69006 pied mais Lyon à France” Lyon pas beauté l’accueil ) du pied agréable et (vernis) aux couleurs vives

Nous reviendrons sur les différentes caractéristiques de ces instituts (tab. XI) et sur ce que cela implique lors de la discussion.

103

b. Grilles d’analyses adoptées

Les thèmes et sous-thèmes que nous avons définis au cours de nos entretiens avec le personnel des instituts offrant la prestation « fish spa » sont présentés dans la figure 33 .

Historique Spécificités de l’institut Activité

Règles

Fonctionnement de l’activité fish-spa Soins

Entretien

Techniques

Problèmes rencontrés Sanitaires

Autres

Avant le soin Perceptions des clients Après le soin

Travail au quotidien

Réglementation Sentiments du personnel Ethique

Avenir

Figure 33 : Différents thèmes et sous thèmes abordés lors des entretiens avec le personnel des « fish spa ».

104

Les clients ayant pratiqué l’activité « fish spa » ont, quant à eux, développé les thèmes et sous-thèmes suivants (fig.34).

Expériences passées

Connaissance du Connaissances concept "fish sanitaires et spa" techniques

Critères de choix de l'institut

Efficacité

Sensations Ressentis

Considérations sanitaires

considérations éthiques

Figure 34 : Différents thèmes et sous-thèmes abordés lors des entretiens avec les clients ayant expérimenté le soin de « fish massage ».

Enfin, nos entretiens avec les clients n’ayant pas pratiqué l’activité « fish spa » nous ont permis de regrouper les thèmes et sous-thèmes présentés figure 35.

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Connaissances sanitaires Connaissance du concept et techniques avec leurs "fish spa" sources

Efficacité

Sensations Désir de tenter ou non l'expérience dans le futur

Considérations sanitaires

considérations éthiques

Figure 35 : Différents thèmes et sous-thèmes abordés lors des entretiens avec les clients n’ayant pas expérimenté le soin de « fish massage ».

c. Résultats des interviews et de l’étude ethnographique

Par souci de clarté et de simplicité, et pour éviter toute redondance, ces résultats seront détaillés dans la partie « discussion des résultats ».

106

4. Discussion

a. Discussion sur les matériels et méthodes

Toute recherche expérimentale est critiquable car elle consiste en une succession de choix qui sont tous discutables et de nombreux biais peuvent intervenir à tous les niveaux. La recherche qualitative est d’autant plus sujette à ces critiques que l’on peut discuter le choix de l’échantillonnage, la technique d’analyse, la tendance du chercheur à interpréter les données dans le sens qu’il attend, son implication émotionnelle, etc. Nous commencerons par discuter les méthodes choisies avant d’aborder les détails de l’échantillonnage obtenu.

i. Méthodes

Il est essentiel de faire preuve de la plus grande transparence possible et d’essayer d’être véritablement conscient de tous les paramètres qui peuvent entrer en jeu. Pour ce faire, nous nous sommes intéressés aux nombreux articles présentant des éléments permettant de juger de la fiabilité d’un travail de recherche. COHEN et CRABTREE ont synthétisé les publications qui évaluent les critères de qualité d’une recherche qualitative. Il en ressort que, parmi les plus importants, figurent le choix d’une technique appropriée et rigoureuse, l’importance de la réflexivité et la recherche des biais possibles, ainsi que l’importance de la vérification et de la fiabilité (COHEN et CRABTREE, 2008). Nous avons porté attention à ces critères et avons eu recours à la triangulation, suivant par-là les recommandations des différents auteurs ( cf. la partie « Matériels et méthodes ») (GREENHALGH et TAYLOR, 1997) (AUBIN-AUGER et al., 2008). Nous avons donc couplé observations et entretiens avec des participants occupant des postes différents au sein de la filière « fish spa ». En effet, utiliser de manière combinée différentes techniques de récolte ou d’analyse de données est un moyen pour éviter les dangers concernant la validité, souvent évoqués dans le domaine de la recherche qualitative.

Par ailleurs, le biais introduit par la personne qui définit et réalise l’expérimentation est une chose importante à prendre en compte. Elle peut intervenir à différents niveaux. Les valeurs du chercheur sont palpables à toutes les étapes de sa recherche car tous les choix effectués et les interprétations données sont liés à sa conception des choses, elle-même rattachée à son histoire personnelle, au contexte et à une période donnée (COHEN et CRABTREE, 2008). Mais les idées préconçues peuvent se distinguer du biais, et il faut que le chercheur prenne garde à ne pas confondre le savoir intuitif qu’il avait avant l’étude et le savoir qui découle de l’enquête systématique qu’il a effectuée. Il peut s’y astreindre en se forçant à rester attaché aux résultats et à leur interprétation logique ; la recherche qualitative comporte un

107 nombre important d’informations et leur analyse implique des capacités d’abstraction et de généralisation, composantes influencées par l’histoire individuelle du chercheur (MALTERUD, 2001). Nous ne pouvons pas être différents de ce que nous sommes, nous détacher de ce que nous savons ou de la manière dont nous sommes amenés à interpréter ce qui nous entoure. Nous ne pouvons pas non plus, en nous présentant de façon honnête et naturelle, changer la façon dont les autres vont nous percevoir et souvent le chercheur n’est jamais tout à fait étranger au domaine qu’il étudie, sa place ou son rôle peuvent influencer malgré lui les réponses lors des entretiens (KUPER et al., 2008). Même si nous essayons de rester le plus objectif et le plus neutre possible, toute recherche commence avec des idées préconçues et des opinions propres au chercheur qui la réalise (MALTERUD, 2001). Mais être humble et honnête par rapport à ce phénomène et prendre conscience de l’influence que cela peut avoir sur les résultats est essentiel. Par ailleurs, un des moyens de limiter l’impact de ce biais est de décrire en détail notre titre et notre rôle par rapport au sujet afin que le lecteur puisse par lui-même prendre pleinement conscience du type de biais qui peut s’établir (GREENHALGH et TAYLOR, 1997).

C’est donc en ne perdant jamais de vue ces éléments que nous avons entrepris notre recherche. Nous nous sommes toujours présentée comme une étudiante vétérinaire faisant une thèse sur la filière « fish spa », qui complétait un volet bibliographique par une enquête de terrain. Nous devons dire, en toute franchise, que, partout, nous avons été extrêmement bien reçue, ce qui n’était pas forcément évident car le vétérinaire, dans cette filière, pouvait représenter le contrôle sanitaire ou encore les obligations législatives aux yeux des différents acteurs. Les personnes interrogées se sont montrées serviables et enthousiastes, elles n’ont pas hésité à nous consacrer du temps et à faire tout leur possible pour nous aider. Une grande partie d’entre elles a également fait preuve de beaucoup d’intérêt et de curiosité quant à la nature de la recherche effectuée.

ii. Choix de l’échantillonnage et spécificités des instituts visités

Les « fish spa » choisis offrent un échantillon de ce que l’on peut trouver sur le marché français. Cette partie se rapporte notamment aux résultats fournis dans le tableau XI.

Ces instituts diffèrent par leur date de création (de 2008 à 2013). Leur nombre d’ années d’exercice a été comptabilisé en fonction du nombre d’étés passés depuis leur ouverture, du fait de l’activité principalement touristique de certains de ces établissements. Le premier créé correspond à l’arrivée de l’activité de « fish massage » en France et notre faible échantillon montre quand même que des « fish spa » s’ouvrent toujours actuellement.

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La localisation géographique varie énormément, de Paris à la Côte d’Azur en passant par Marseille, la Provence et Lyon. Nous avons ainsi pu explorer cette activité dans des grandes villes comme dans de petites agglomérations, dans des régions touristiques ou non, sur la côte ou dans les terres. Il nous a paru, en effet, que l’approche commerciale n’était pas forcément la même en fonction de la clientèle visée et de la concurrence présente à proximité.

Le standing, le cadre et l’ambiance générale variaient beaucoup d’un institut à l’autre.

Les équipements également pouvaient être différents, tous les endroits visités possédaient des bacs à pieds (entre 2 et 10), un s’en servait également pour les mains, un seul possédait 3 baignoires intégrales et un possédait un bac à mains mais qui n’était plus utilisé en raison d’un problème de fuite.

Le « fish massage » pouvait être l’activité principale ou non : être le soin autour duquel tout s’organisait, être un produit d’appel ou encore seulement un complément d’activité.

Nous reviendrons sur certains de ces éléments dans la partie de la discussion concernant les résultats recueillis.

Au fil des entretiens, la sensation d’avoir fait le tour du sujet et de réaborder les mêmes thèmes à chaque fois nous est apparue de plus en plus nettement et à travers ces 6 instituts, nous avons le sentiment d’avoir engrangé suffisamment d’éléments pour mener à bien une discussion pertinente. Nous regrettons cependant, par manque de temps, de n’avoir pas pu inclure dans notre échantillon des instituts saisonniers (ne fonctionnant que 4 mois par an sur la Côte-d‘Azur par exemple) ou des personnes proposant ce soin hors institut (salon de coiffure, hôtel, activité itinérante…) mais cette dernière catégorie est encore très rare en France et il ne nous a pas été possible de nous renseigner suffisamment pour en trouver un dans un délai raisonnable. C’est dommage car cela nous aurait donné un autre éclairage sur le sujet, même si ce ne sont pas, de loin, les pratiques les plus fréquentes. Cependant, nous avons quand même eu la chance d’avoir une palette d’instituts très variée, nous permettant ainsi d’obtenir un maximum d’informations que nous allons développer dans la partie qui suit.

b. Discussion des résultats

Dans cette discussion, nous allons aborder un à un les thèmes qui ont été évoqués lors des entretiens en instituts en les enrichissant des données que nous avons

109 compilées par ailleurs, ce qui nous permettra de mener une réflexion cohérente et constructive ; nous essaierons de faire le tour du sujet, sans forcément réussir à être exhaustifs. Les spécificités des instituts visités ont déjà été détaillées en partie précédemment, mais nous y ajouterons quelques éléments et nous nous intéresserons ensuite au fonctionnement de l’activité « fish spa » avant d’aborder les problèmes qui peuvent s’y poser au quotidien. Nous envisagerons enfin le regard des clients puis des professionnels sur cette activité de « fish massage ».

i. Spécificité des instituts : installation et développement

Motivations à l’origine de l’ouverture d’un « fish spa »

Il était intéressant de savoir comment l’idée était venue aux propriétaires d’ouvrir un « fish spa » ou bien d’ajouter le soin de « fish massage » à leurs prestations. Pour la moitié des instituts, ils avaient découvert ce concept lors de vacances dont les destinations étaient variées : Asie, Espagne, Côte-d’Azur. L’Asie et l’Espagne sont en effet connues pour l’abondance de leur activité « fish spa » parfois au détriment de la qualité des prestations, avec, notamment, des installations itinérantes, de bords de plage, laissant à désirer et dégradant l’image de marque de la profession. Il n’est pas étonnant non plus que l’activité « fish spa » se retrouve au Grau du Roi, destination touristique balnéaire française connue, mais nous ne possédons malheureusement pas de carte de répartition des instituts, tous n’étant pas répertoriés ni répertoriables. Cependant, c’est sur les côtes et dans les zones touristiques que cette activité semble la plus présente. Cela peut sans doute s’expliquer par l’afflux saisonnier dans ces zones et par le caractère de loisir de cette prestation. De plus, du fait de la présence de poissons et d’eau, on pourrait être tenté d’associer cette pratique à l’été, moment pendant lequel on a envie de se rafraîchir et de se délasser. D’autres instituts rapportent avoir eu l’idée du « fish massage » par l’intermédiaire d’un média (émission télévisée, article dans un journal…). Dans tous les cas, ils ont été frappés par l’originalité du concept, certains appréciant la perspective de travailler avec des poissons, d’autres n’en faisant pas mention.

Choix des fournisseurs

Les futurs responsables des instituts se sont ensuite renseignés et la moitié d’entre eux a opté pour « Aquarium Services France » en tant que fournisseur du matériel et des poissons, prestataire de service pour l’entretien régulier, formateur et accompagnateur dans les démarches administratives. Les autres ont opté pour

110 différents fournisseurs ou n’ont pas hésité à dissocier et à commander, par exemple, leurs poissons directement à l’étranger (République Tchèque principalement).

Procédure réglementaire

La plupart ont déposé ensuite officiellement leur demande d’autorisation d’ouverture et de certificat de capacité d’élevage Garra rufa. Un seul institut sur ceux visités n’avait pas mis en œuvre ces démarches parce qu’il ne l’avait pas fait dès l’ouverture par manque d’informations et n’avait jamais entrepris la démarche ensuite. Les autres ont commencé à exercer entre temps et tous font état de la lenteur de la procédure : « Un an et demi pour que la commission ait enfin lieu et encore un an pour recevoir les papiers correspondants » nous a déclaré l’un deux, et les autres parlent de un à trois ans d’attente, certains n’ayant d’ailleurs toujours pas reçu les papiers car, disent-ils : « On leur réclame toujours un document qui manque ». On peut se demander dans quelle mesure ils ont le droit d’exercer tant qu’ils n’ont pas cette autorisation et le certificat de capacité. Cependant, dans ce dossier, ils doivent fournir le descriptif de leurs installations, le nombre de poissons, etc. et il est évident qu'une fois équipés, les instituts vont vouloir rentabiliser, donc ne pas attendre et payer l’entretien pendant des années pour rien. De plus, les responsables des instituts parlent des visites des services vétérinaires pendant la procédure d’autorisation, ce qui prouve que ceux-ci sont au courant que l’activité est déjà en route.

Développement de l’activité « fish massage »

Nous leur avons demandé quelle a été l’évolution de l’activité « fish massage ». Tous ont répondu dans le même sens : un « boum » au début, dû à la nouveauté et à l’effet de mode, suivi d’une stagnation, d’un essoufflement, peut-être dû à une réflexion du public à cause, notamment, de certaines émissions ou journaux qui ont parlé du « fish massage » et en ont donné une mauvaise image, en particulier du point de vue sanitaire. Le personnel des « fish spa » nous a cité, quasiment à chaque fois, des instituts voisins ayant fermé, sans doute par manque d’activité et pourtant de nouveaux instituts s’ouvrent toujours. Il est possible qu’on atteigne une phase d’équilibre, après une augmentation exponentielle du nombre de « fish spa », celui-ci tendant, en effet, maintenant, à se stabiliser.

Stratégies commerciales

Pour rester dans la course, les instituts sont obligés de mettre en œuvre différentes stratégies (fig.36). Certains optent pour une démarche commerciale plus agressive en distribuant des flyers et en allant jusqu’à interpeler les personnes dans la rue,

111 d’autres font appel à des offres attractives par le biais d’internet, avec des sites tels que « groupon », « wonderbox » ou « spare box ». Dans ce cas, ils essaient d’étaler les soins proposés sur un minimum de 6 mois. En effet, les aptitudes des poissons ne sont pas infinies et si « Aquarium Services France » demande de se limiter à 8-10 clients par jour et par aquarium, cela se justifie en pratique parce qu’après un nombre trop important d’usagers successifs, les Garra rufa ne viennent plus exfolier les pieds du client et restent au fond du bac. Le phénomène peut être le même en début de saison touristique et nous pouvons nous demander comment les poissons supportent ce changement brusque d’intensité de travail. Certains instituts attestent, en effet, d’une mortalité plus importante en début de saison, qui peut s’expliquer par une sorte de sélection, les éléments les plus faibles ne supportant pas ce changement. Par ailleurs, cet afflux brusque de monde est difficile à gérer par les instituts et augmente forcément les risques sanitaires. Il y a plus de passages dans les bacs donc plus de risques de contamination, les soins sont plus fréquents donc l’eau a moins le temps d’être filtrée entre deux prestations. Ainsi les pathogènes sont évidemment plus virulents s’il y a peu d’intervalle de temps entre deux personnes et la qualité de l’eau se dégrade plus vite du fait du nombre de clients (ce qui est amplifié si le phénomène a lieu en été à cause de la chaleur). De plus, le personnel est alors débordé, le nettoyage des sols et des aquariums est sans doute fait un peu plus rapidement, tout comme l’inspection avant le soin et la désinfection préalable. Il faut donc faire preuve de la plus grande prudence pendant ces périodes critiques et être plus que jamais attentif à l’hygiène, même si cela demande des efforts supplémentaires à un moment où il est encore plus difficile de les fournir. Sinon, tout peut basculer rapidement et en plus du danger que cela représente, le temps, l’énergie et le coût de la gestion d’une crise sanitaire peuvent être énormes, privant l’institut de son activité en pleine saison et l’obligeant à une désinfection générale, à une réacclimatation des poissons de plusieurs semaines et à leur traitement, voire, dans certains cas, à leur renouvellement partiel ou total.

Les instituts peuvent aussi décider de développer d’autres activités pour rester concurrentiels et ils peuvent se servir des poissons comme produit d’appel. Une étude autrichienne a montré que les usagers prêtent une importance particulière aux stimuli naturels : pour ce faire les auteurs ont placé un aquarium dans une vitrine d’une grande rue commerçante et ils ont filmé les passants. Effectivement, les mesures comportementales permettant de mesurer l’attention portée à la vitrine (vitesse de passage devant le magasin, personnes s’arrêtant pour le regarder, doigts pointés pour le désigner…) ont prouvé qu’elle était beaucoup plus importante lorsque l’aquarium était visible (WINDHAGER et al, 2011). Les bacs de « fish massage » peuvent ainsi être un produit de marketing, il faut cependant être prudent quant à l’exposition en vitrine qui peut être discutable comme nous l’avons vu précédemment. Mais le fait de détenir des aquariums dans la boutique, même s’ils

112 ne sont pas extrêmement visibles de l’extérieur, peut attirer du monde et inciter les passants à entrer.

Ainsi, certains établissements proposent d’autres services ou articles. Tous vendent des cosmétiques pour le bien être des pieds. Beaucoup offrent également la possibilité de massages et de prestations esthétiques. D’autres essaient de développer des activités plus originales telles que l’exposition et la vente d’œuvres artistiques (sculptures, tableaux, créations, cartes postales…) ou carrément opportunistes telle que la vente de cigarettes électroniques. Ces idées de « concept store » (association d’activités commerciales diverses centrées sur une thématique commune et regroupées au sein d’une même structure) sont intéressantes et certains pensent même ajouter au « fish spa » un service de petite restauration. Cependant cela leur demanderait d’avoir les structures et la place nécessaires et d’être particulièrement vigilants pour décaler dans le temps restauration et soins car le risque de faire tomber des aliments ou des boissons dans les bacs n’est pas négligeable et cela pourrait non seulement les polluer, mais aussi en perturber l’équilibre.

Figure 36 : Offre promotionnelle proposée dans Figure 37 : Publicité pour un un « fish spa » (ALGANCE INSTITUT, Lyon). « fish spa » (MOMENT FISH SPA, Marseille).

D’autres essaient de faire de la publicité en étant particulièrement visibles et en mettant des affiches à proximité de leur établissement (fig.36), certains souhaiteraient même pouvoir sortir leurs bacs à l’extérieur pour qu’on les voit mieux tout en proposant une activité de plein air. Cela est compliqué en pratique, du fait du poids des bacs qui imposerait l’installation d’une rampe pour les déplacer ; ces changements de place réguliers seraient de toute façon un stress pour les poissons. De plus, les bacs risqueraient davantage d’être contaminés et leur température moins facile à réguler.

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Ce problème se pose aussi lorsque les bacs sont en vitrine car leur température peut monter de manière excessive : les Garra rufa le supportent mais la qualité de l’eau se dégrade rapidement. Par ailleurs, le fait que les clients soient eux aussi exposés pendant leur soin n’est peut-être pas très agréable, et, pour y remédier, certains instituts collent une bande opaque sur la vitrine à mi-hauteur de façon à ce que les passants voient les bacs, les poissons et les pieds mais pas les têtes des clients, qui, eux non plus, ne voient donc pas qu’ils sont observés. Cela attise forcément la curiosité, et ils ne sont pas toujours à l’abri des commentaires des curieux, pour peu que la porte soit ouverte… Or ce type de soin est sans doute mieux apprécié dans le calme et sans les jugements des passants.

Certains instituts ont voulu essayer de développer l’événementiel et de proposer l’activité de « fish massage » lors de foire, de mariage, etc… Mais là aussi c’est le déplacement des poissons sur le lieu des événements qui pose problème. Quelqu’un nous a confié avoir tenté l’expérience : au niveau de la publicité et de la rentabilité, cela aurait pu être intéressant mais cela s’est vite transformé en catastrophe du fait de l’arrêt du groupe électrogène. La température des bacs a chuté rapidement et les Garra rufa ne venaient plus sur les pieds. Ce professionnel a perdu par la suite la moitié des poissons présents ce jour-là. Par ailleurs, on peut se demander dans quelle mesure le nettoyage préalable pouvait être effectué efficacement.

Toutes ces idées montrent qu’il y a encore beaucoup de choses à développer autour de cette activité et qu’il existe différentes façons d’en tirer parti.

Politique de prix

Les prix sont très variables d’un endroit géographique à l’autre et en fonction du standing de l’institut mais, en général, ils s’équilibrent dans une même zone, ce qui fait qu’ils chutent là où la concurrence est la plus rude (sur les côtes) où l’on peut trouver des prestations à partir de 12.50 euros (les 10 minutes) tandis que d’autres cultivent le côté luxueux de ce soin et peuvent en demander jusqu’à une centaine d’euros. Cela dit, les prestations proposées ne sont pas les mêmes. En général, cela coûte un peu plus d’un euro la minute mais certains proposent des offres- découvertes de 10 minutes qui sont très abordables même si elles permettent seulement de goûter à la sensation sans avoir forcément de résultats esthétiques. D’autres, au contraire, ne proposent pas d’offres simples de « fish massage » mais les agrémentent d’autres soins comme l’hydratation, le massage, la mise en beauté, ce qui fait considérablement augmenter les prix.

Voyons maintenant les variations rencontrées concernant l’activité « fish massage » en fonction du soin lui-même et de l’entretien effectué.

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ii. Fonctionnement des « fish spa »

La moitié des instituts visités avait « Aquarium Services France » comme prestataire de service, le déroulement du soin et les techniques d’entretien sont donc normalement similaires à ce que nous avons décrit dans la partie bibliographique. Cela nous a été confirmé sur le terrain et, dans les autres instituts, les démarches étaient souvent comparables. Nous ne détaillerons ici que les spécificités et différences qui nous ont été confiées ou que nous avons pu constater.

Soins

Certains membres du personnel donnent systématiquement une petite explication supplémentaire concernant l’histoire des Garra rufa, d’autres se contentent de répondre aux questions. Les deux pratiques se justifient, il est intéressant de mettre en valeur ces poissons fabuleux, mais certains clients peuvent préférer profiter de leur soin sans perturbations extérieures, or il est difficile de trouver un moment autre pour instruire les usagers dans la mesure où beaucoup d’informations leur sont déjà fournies au début concernant les contre-indications.

Certains instituts n’acceptent pas les enfants en dessous d’un certain âge (10-12 ans) : ils arguent du risque de chahut, vingt minutes seraient trop long pour eux. Les enfants font du bruit, bougent les pieds, risquent de heurter ou d’éjecter les poissons. Cela pourrait en effet présenter un stress et un risque pour les Garra rufa et perturber le confort des autres clients. Il est aussi fait mention d’un risque de chute, la distance entre le bac et le banc étant critique en dessous d’une certaine taille. La contrainte de taille est bien réelle (à moins d’imaginer un aménagement du siège différent). Par contre, s’il s’agit seulement d’une question de comportement, cela pourrait éventuellement être évalué au cas par cas, bien que la prise de rendez-vous par téléphone rende la chose délicate. Mais il est bon que les instituts ne cherchent pas à faire du chiffre à tout prix et choisissent d’écarter les personnes pouvant provoquer des perturbations ou prendre des risques.

Certains utilisent parfois leurs bacs à pieds pour les mains en y accolant un tabouret bas. On peut se demander si cela est tout à fait approprié, d’un point de vue sanitaire, le milieu utilisé pour les pieds étant sans doute plus contaminé et les mains risquant davantage d’être portées à la bouche par la suite.

Un institut présentait une densité de poissons plus importante avec 300 poissons par bacs (aquariums standards fournis par « Aquarium Services France »). Cette densité de poissons est peut-être plus attractive pour les clients (même si on peut imaginer que certains pourraient en avoir peur). Les poissons y étaient encore jeunes et donc plus petits (peut-être le resteront-ils du fait de la taille limitée de l’aquarium et de la

115 forte population ou peut-être y aura-t-il des pertes) mais le risque sanitaire peut malgré tout devenir plus important du fait, notamment, de leur métabolisme.

Nous avons rencontré un seul institut où un membre du personnel nous a confié accepter les gens avec du psoriasis ou de l’eczéma si la zone n’était pas trop étendue et ne paraissait pas surinfectée, tout en leur précisant que ce soin n’était pas, a priori, prévu pour cet usage. Cela représente un danger majeur, comme nous l’avons vu précédemment, à la fois pour la personne en question qui risque de se contaminer plus facilement, mais aussi pour les usagers suivants qui peuvent être contaminés également (surinfection du psoriasis, peau fragilisée et maladies présentes dans le sang…). Cette même personne nous a également confié que s’il y avait une petite croûte, une lésion mineure ou un bouton, elle proposait de mettre un pansement. Nous ne sommes pas sûrs de l’imperméabilité du pansement et le risque est toujours présent. Beaucoup de gens présentant du psoriasis ou d’autres problèmes de peau sont intéressés par le « fish massage » or non seulement cette activité médicale n’est pas autorisée en France mais les risques pour ces mêmes usagers sont plus importants ; le risque de contamination des bacs se trouve également accru. De la même façon, nombreux sont les clients qui présentent une petite plaie, une ampoule, une coupure, un bouton et, là encore, les risques sont accrus. Accepter, pour des raisons commerciales ou de complaisance (il n’est pas toujours facile de refuser un client, surtout lorsque le processus de nettoyage est déjà entamé et que l’on se rend compte d’une lésion mineure), une de ces deux catégories de clients, c’est mettre en danger cet usager ainsi que le suivant et risquer de contaminer l’installation toute entière. C’est ce genre de comportement qui, en faisant prendre des risques et en montrant que les consignes ne sont pas respectées, ternit l’image des « fish massages » et nuit au développement futur ainsi qu’à la pérennisation de l’activité. Personne n’a à y gagner et il faudrait que tout le personnel de tous les « fish spa » comprenne cela. Il n’est certes pas facile de refuser un client mais, si l’on a exposé au préalable toutes les contre-indications comme il est prévu, les choses deviennent beaucoup plus aisées. Il faut aussi que le client soit informé et conscient que ce genre de choses peut arriver de façon à choisir cette activité et son institut en connaissance de cause.

Heureusement, dans la pratique, le personnel est très souvent tout à fait conscient de la problématique et ne prendrait absolument pas le risque de contaminer leurs installations. Certains ont développé des stratégies pour contourner le problème, par exemple, si la lésion se trouve sur les jambes et paraît de nature accidentelle plus que contagieuse, ils rehaussent le banc avec des coussins supplémentaires de façon à ce que la partie en cause ne soit pas immergée. D’autres proposent de ne mettre dans l’eau que le pied sain pour découvrir la sensation et pouvoir faire partiellement le soin. Certains membres du personnel rapportent que les clients sont allés consulter un médecin à la suite de la découverte d’une lésion suspecte en institut et sont revenus

116 par la suite, une fois soignés. Tout semble être une question de communication et chaque cas doit être géré de la façon la plus appropriée possible sans que le client ne le prenne comme une attaque personnelle ou ne ressente une trop grande déception de ne pas pratiquer le soin. Il pourra revenir une fois soigné et si la guérison totale a été constatée par un médecin.

Entretien et contrôle

Dans l’institut possédant les baignoires intégrales, il est fait mention de contrôles fréquents et à l’improviste des services d’hygiène. Dans les autres instituts, on nous a parlé de contrôles lors de la demande d’ouverture (parfois plusieurs), mais plus jamais par la suite. Ce serait pourtant sans doute un type d’activité qui demanderait à être suivi dans la durée, mais, comme les paramètres sanitaires à évaluer ne sont pas vraiment définis, il n’est pas évident de réaliser un contrôle efficace et pertinent.

Quand le prestataire est externe et n’appartient pas à « Aquarium Services France », il passe soit 3-4 fois par semaine soit une fois par semaine selon que l’institut compte parmi son personnel un capacitaire ou non. Et il fait peu ou prou les mêmes vérifications et entretiens que ceux cités dans la partie bibliographique.

Voyons maintenant quels sont les problèmes qui ont pu se poser.

iii. Problèmes rencontrés par les professionnels

Les problèmes, dont nous ont fait part les professionnels interviewés, concernent principalement la santé des poissons et les risques sanitaires. Même si dans notre enquête notre rubrique n’était pas restrictive, ce sont les seuls thèmes que nous y avons retrouvés ainsi que la difficulté pour l’obtention des demandes d’autorisation d’ouverture et des certificats de capacité, que nous avons traitée précédemment et le flou réglementaire existant que nous traiterons par la suite.

Plusieurs instituts décrivent quelques problèmes sanitaires, notamment lors de la période estivale car, dans les installations classiques, même si la température est contrôlée, l’eau peut être réchauffée (à l’aide du chauffage présent) mais non refroidie.

Les problèmes peuvent arriver aussi à la suite d’une coupure de courant. Pour un arrêt de 5h, un institut nous a dit avoir constaté, dans les jours suivants, des problèmes au niveau des branchies des poissons (sûrement dus à la dactylogyrose). Ces coupures d’électricité sont problématiques : en hiver, le chauffage vient à manquer rapidement et, en été, la qualité de l’eau se dégrade vite. Si les coupures

117 sont de courte durée, les problèmes sont limités mais il faut intervenir vite et mettre en place des mesures correctives (réchauffement, changement d’une partie de l’eau, suroxygénation…).

On nous a aussi signalé que des changements trop importants d’eau entraînaient la mort systématique d’un ou deux poissons à chaque fois.

Un autre incident correspondait à un ravalement de façade de l’immeuble en face de l’institut concerné, qui a entraîné une mort progressive de tous les poissons en l’espace d’un mois ; le phénomène a été impossible à juguler et l’institut a dû fermer jusqu’à la fin des travaux. A la réouverture, il n’y a plus eu aucun problème. On peut se demander si cette mortalité est liée à ces travaux, aux émanations toxiques des matériaux employés, à des contaminations des bacs par les poussières ou bien au stress induit par le bruit et les vibrations dus aux travaux.

Des épisodes où les poissons semblaient mal et étaient au fond du bac ou contre les parois, accompagnés d’une plus forte mortalité, mais sans cause identifiée, ont été rapportés.

De même, il a été question à plusieurs reprises de la maladie des points blancs ou ichthyophthiriose, dont les poissons peuvent être porteurs sains et qu’ils peuvent ne déclarer que lors d’un stress. Ceci engage à limiter le stress des Garra rufa au maximum au quotidien mais aussi lors de l’élevage et du transport.

Tous les membres du personnel interrogés ont assuré n’avoir jamais observé de saignements dans les bacs ou sur les pieds des clients après le soin. Si c’est réellement le cas, c’est une bonne chose d’un point de vue sanitaire que ce phénomène soit rare ; il faut seulement espérer que ces saignements ne passent pas inaperçus en pratique.

Tous les instituts ayant recours à « Aquarium Services France » semblent ravis de leur réactivité et des solutions qu’ils mettent en œuvre en cas de problème, notamment en cas de maladie des Garra rufa : « Le poisson passe avant le client ». Cette prise en charge est rassurante et il est bon que la santé des Garra rufa passe avant le profit (nous imaginons, bien sûr, que ce n’était pas de la sécurité sanitaire du client qu’il était question ).

Par ailleurs, si le protocole d’entretien n’est pas suivi régulièrement, le technicien, lors de ses contrôles, le voit à la qualité de l’eau et à l’état des filtres ; il regarde ce qui est noté sur le cahier de suivi et il remplit tous les mois une fiche d’intervention. Il peut faire remonter les informations à « Aquarium Services France », s’il y a un problème et menacer de stopper la garantie-poissons (cette garantie est limitée à une population complète par an, avec une valeur approximative de 4 euros le Garra rufa).

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Ce suivi est rassurant, même si le contrôle est effectué par quelqu’un qui n’est pas étranger à la filière et dont les intérêts sont souvent les mêmes que ceux des instituts.

Cependant, lors de nos visites, nous n’avons rien vu de choquant ni constaté de manque d’hygiène apparent. On nous a parlé d’un institut qui avait à l’arrière un bac de « fish massage »non déclaré et sale avec seulement une dizaine de poissons à l’intérieur, ce qui donnait une mauvaise image de la profession. On ne peut pas, bien sûr, évaluer les risques sanitaires à l’œil nu, mais si un examen visuel permet d’émettre des doutes, c’est sûrement qu’il y a un problème réel.

Voyons maintenant de quelle façon ces soins et ces problèmes sont perçus par les clients potentiels.

iv. Perception des clients

Nous nous sommes intéressés aux ressentis des clients lors de cette activité, avant, pendant et après l’expérience. En parallèle, nous avons demandé aux membres du personnel comment ce soin était perçu par les clients ; les résultats concourent.

Avant le soin

Beaucoup de clients viennent la première fois par curiosité. Certains déclarent venir pour l’efficacité du soin esthétique prodigué, d’autres, par plaisir, pour prendre du temps pour eux-mêmes, ou encore pour se relaxer et se ressourcer. Une cliente a raconté qu’elle avait eu envie de revivre une expérience similaire à celle qu’elle avait vécue de façon naturelle aux Seychelles, lors de vacances. En s’immergeant dans l’eau chaude de l’Océan Indien, elle s’était aussitôt vue environnée d’une multitude de petits poissons multicolores venus « becqueter » sa peau pour son plus grand plaisir. Elle nous a fait remarquer que, de même, les tous petits poissons des rivières françaises avaient cette habitude lorsque, assise sur la berge, elle laissait ses jambes dans l’eau : ils venaient aussitôt lui faire « des petits bisous ». Il semblerait donc que les poissons aient cette tendance naturelle à aller vers les humains pour desquamer leur peau.

Mais d’autres clients envisagent cette prestation très différemment et ce soin constitue pour eux un petit défi psychologique. En effet, certaines personnes ressentent de la peur à cause des poissons, peur d’être dévoré en référence aux piranhas, peur de ne pas retrouver son pied indemne, peur de souffrir, voire de mourir. Il se peut que ce soient des inquiétudes enfantines qui refassent surface ou bien des peurs de l’inconscient collectif exprimées et encouragées par des faits divers

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(relatant souvent des attaques de requins) et des films tels que, par exemple, « Les Dents de la Mer » de Steven Spielberg, sorti en 1975. Les clients désirent, grâce à cette expérience, dépasser ces peurs irrationnelles, remettre le poisson à sa juste place, évacuer leurs émotions, se rééquilibrer. Certains vont jusqu’à pleurer, à se fixer des challenges pour réussir ( « si j’arrive à dépasser ça, j’arriverai à maîtriser mes élèves à la rentrée » ) ou alors ils essaient de relativiser en se disant : « Tu as réussi à accoucher d’un enfant, tu peux arriver à mettre tes pieds dans ce bac ! » . Une cliente est revenue un an après sa première tentative alors qu’elle avait échoué la première fois, elle voulait absolument réussir cette fois, par défi sinon, disait-elle, elle ne pourrait pas arrêter d’y penser. Ce soin peut donc aussi provoquer des tensions, de la rage même, pour parvenir à un dépassement et à une maîtrise de soi. La peur de certaines personnes est également due au dégoût. Nous ne ferons pas à nouveau état des problèmes sanitaires et de la mauvaise image véhiculée par les médias, que nous avons déjà abordée précédemment, mais nous avons effectivement retrouvé ces éléments dans les discours des clients, tout particulièrement ceux qui choisissaient de ne pas pratiquer cette activité. Ici ce n’est pas une crainte sanitaire que nous évoquons mais un dégoût primaire dû aux poissons eux-mêmes, « au côté visqueux et frétillant ». Ces sensations peuvent peut-être faire écho à de mauvaises expériences en milieu naturel : une cliente nous a ainsi rapporté avoir gardé des souvenirs effrayants de baignade ou elle avait été surprise par le contact de quelque chose qu’elle n’avait pas pu voir . La peur est liée à l’imaginaire et à l’impossibilité d’identifier la nature du contact. Ce n’est pas du tout le cas de ce soin, qui est tout en transparence. Quelles que soient les raisons de cette réticence, pour certains clients l’appréhension est trop importante et, même s’ils étaient venus à l’institut avec l’intention de faire ce soin, parfois, au moment de mettre les pieds dans le bac, l’inquiétude est trop forte et ils ne peuvent pas la dépasser. La plupart des instituts nous ont ainsi rapporté le cas de clients qui venaient, payaient mais sans réussir à faire le soin. Le rôle des membres du personnel est ici crucial, ils doivent accompagner et rassurer le client. Certains adoptent des attitudes plus ou moins interventionnistes en fonction du temps dont ils disposent. Ils peuvent expliquer que les pieds sont libres dans l’eau (à l’inverse de l’expérience avec les sangsues qui peut hanter l’inconscient collectif) et qu’ils peuvent les retirer quand ils le veulent. Certains proposent de mettre la main dedans pour voir la sensation, cela peut aider notamment les personnes qui présentent une haptophobie des pieds. Parfois, ce sont aussi les clients précédents qui, en faisant part de leurs impressions, encouragent les prochains à y aller. Si cette prestation est une activité que certains apprécient, osent tenter ou appréhendent, d’autres la dénigrent sans l’avoir essayée, du fait du risque sanitaire mais aussi peut-être à cause, ainsi que nous l’a rapporté un professionnel, de la tendance critique du français, frileux par rapport à la nouveauté à laquelle ils mettent des années à s’habituer. En effet, dans les zones touristiques, on nous a rapporté

120 que les étrangers sont plus enclins à pratiquer cette activité (particulièrement les Anglais et les Belges) et qu’ils ont sur cette prestation un regard plus enthousiaste.

Pendant le soin

Les ressentis sont très différents en fonction des clients. Souvent, les premières minutes peuvent surprendre, les gens rient, parfois crient. Beaucoup parlent de surprise et de sensation agréable que l’on peut comparer au contact avec des bulles, à des chatouillements, à un effet jacuzzi, à des mini décharges électriques ou bien encore à de multiples stimuli faits par des aiguilles. Certains éprouvent au départ un déplaisir puis ils s’habituent et se détendent, cela se voit à l’attitude de leurs jambes qui se modifie et à leur regard qui change. Les clients inquiets s’apaisent souvent au bout de quelques minutes pour savourer la communion qu’ils sont en train de vivre avec ces petits poissons. Certains comparent l’expérience à celle d’ « un chien qui lèche les pieds » mais tous le prennent comme une preuve de sympathie de la part des poissons et les trouvent très affectueux.

Les gens qui avaient une appréhension s’arrêtent de penser pour dépasser leurs craintes puis ils se rendent compte que les Garra rufa sont tout petits, jolis, inoffensifs ; ils n’attaquent pas, ils sont là pour leur faire du bien, pas du mal. En effet, ces derniers sont très précautionneux et ils ne sont pas peureux, ils s’approchent même des vitres quand on passe à proximité des bacs. Quand les pieds entrent dans l’eau, les Garra rufa vont immédiatement à leur contact mais parfois ils peuvent se retirer pour revenir plus doucement s’ils perçoivent des signes de réticence (mouvements brusques…). Cet attrait des poissons pour le corps des clients a quelque chose de valorisant et a une dimension psychologique et symbolique forte. Les gens se sentent acceptés et aimés. L’absence de peur des poissons est émouvante et elle a quelque chose de paradisiaque. Cette impression est à relier à plusieurs choses : l’évocation d’une mer tropicale où les poissons viendraient nous « bécoter », pour reprendre l’expression d’une cliente, mais également un sentiment d’Eden originel où hommes et animaux interagiraient sans crainte.

Lors de cette expérience unique de soin, de relaxation et de tendresse, les gens parviennent souvent à s’apaiser et la plupart ne veulent pas retirer leurs pieds de l’aquarium, ils adorent ce moment de plaisir et le temps leur semble passer trop vite.

Après le soin

Après cette prestation, les clients, dans la majorité des cas, sont ravis, ils disent se sentir plus légers, avoir apprécié ce soin comme « un vrai moment de détente ». Ceux qui ont dû dépasser leur peur peuvent être « épuisés » après leur combat

121 victorieux. Mais tous rapportent qu’après la séance, la sensation est différente lors de la marche, les jambes sont plus légères, certains parlent même d’ « une impression de ne plus sentir leurs jambes » pendant l’heure qui suit, comme s’il s’agissait d’une petite anesthésie locale. Une randonneuse, venant faire un soin après une marche, a affirmé, lorsqu’il a été terminé, qu’il lui semblait « marcher sur des coussins d’air », la fatigue de ses pieds ayant complétement disparu grâce à ce bain.

Les clients semblent satisfait de l’aspect esthétique du soin et trouvent leurs pieds très doux, ils se sentent délassés et n’ont souvent pas envie de remettre leurs chaussures.

Certains clients sont étonnés par la désinfection préalable, ce sont souvent ceux qui avaient expérimenté auparavant ce soin en Espagne ou en Asie sans ces précautions sanitaires.

Fréquentation et clientèle

La clientèle est constituée en majorité de femmes (fig.38, fig.39) mais on rencontre aussi des hommes qui, la plupart du temps, les accompagnent pour partager ce soin avec elles. Ce sont des femmes de toutes les classes d’âges et qui souvent viennent à plusieurs, entre amies ou en famille. Cette activité semble en effet gagner à être partagée, tant pour échanger ses perceptions que pour se soutenir et oser ensemble. Les poissons attirent également énormément les enfants qui incitent leur maman à entrer dans l’établissement, ce qui peut être une aubaine pour une approche commerciale.

Beaucoup de gens viennent pour la première fois mais il existe aussi des clients fidèles, même si ce n’est pas le cas le plus fréquent. Les instituts ont essayé de mettre en place des stratégies pour fidéliser leur clientèle : ils proposent des systèmes d’abonnement, des cartes pour plusieurs séances, des cartes de fidélité, permettant de bénéficier de prix plus attractifs.

En pratique, la fidélisation semble rare dans les zones touristiques même si, parfois, certains clients reviennent d’une année sur l’autre ou plusieurs fois au cours de la même saison. Sinon, la fréquence d’utilisation de ce soin dépend de l’usage pour lequel on le choisit ; tous les mois à tous les deux mois pour un usage esthétique (de manière plus rapprochée au début s’il y a une présence excessive de corne), à volonté et au besoin pour un soin relaxant.

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Figure 38 : Cliente pendant le soin de Figure 39 : Cliente pendant le soin de « fish massage », (DELALANDRE « fish massage » (DELALANDRE INSTITUT, Juan-Les-PINS). INSTITUT, Juan-Les-PINS).

Le choix des instituts par les clients semble se faire du fait de l’opportunité (découverte visuelle du magasin, flyers..) ou bien par le bouche à oreille ou encore par internet.

Nous avons rencontré un couple d’habitués qui nous a fait part de son expérience. Ils ont découvert cette prestation lors de vacances sur la côte méditerranéenne dans un institut où les soins « étaient fait à la chaîne, il y avait une file d’attente qui allait jusqu’à l’extérieur du magasin ». Malgré cette foule, l’expérience leur a plu et ils ont souhaité la renouveler tous les deux mois pour « avoir les pieds tout doux » et prendre un moment de détente. Actuellement, ils n’ont plus recours à ce soin aussi régulièrement car ils avouent être débordés sauf pendant les vacances où ils essaient d’en bénéficier où qu’ils soient. Ils ont précisé avoir vu pourtant des instituts « bouiboui, qui ne faisaient pas envie ». Ils ont alors décidé de chercher les établissements acceptables sur internet en se fiant aux commentaires des usagers précédents. Ils se rendent ensuite sur place pour voir si l’institut les inspire réellement ou non. Ils nous ont parlé de l’importance de l’ambiance, du cadre et du statut sanitaire du « fish spa » : « ça se voit », d’après eux, si l’hygiène est correcte ou non.

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v. Perception du personnel

Réglementation

Un seul individu sur tout le personnel interrogé trouve que c’est déjà suffisamment réglementé. Tous les autres regrettent le « flou artistique » actuel car ce manque de réglementation les oblige à vivre au jour le jour, en craignant que leur activité soit interdite du jour au lendemain. Certains hésitent même à anticiper et se posent la question de changer d’activité ou de faire du « fish massage » une activité minoritaire en s’en servant uniquement comme produit d’appel mais en développant autour une large gamme de produits ou de services différents. Ainsi la plupart désirent plus de législation pour pérenniser cette activité mais également pour l’encadrer de manière à ce qu’il n’y ait plus de pratiques répréhensibles pouvant faire du tort à l’image de la profession.

En effet, si un cadre législatif adapté était mis en place en prenant en compte, en particulier, les problèmes sanitaires avec des contrôles et des protocoles obligatoires pour tous, cela permettrait à la fois de protéger les êtres humains (clients et professionnels) mais aussi les poissons ainsi que l’image de la profession. Cependant, afin de mettre en place quelque chose d’adapté (en admettant que ça soit réalisable), il faudrait financer de grandes campagnes d’analyses pour vérifier quels pathogènes on peut rencontrer et pour connaître la réalité du terrain. Ces études, ainsi que la mise en place du cadre législatif adapté et de son application demanderaient une somme considérable d’argent qui n’a pas encore été débloquée et ne le sera peut-être pas en raison du nombre restreint de personnes concernées.

Ethique

Quand on interroge les membres du personnel des instituts sur l’éthique et le bien- être des poissons, on obtient le même type de réponses. Les Garra rufa sont nourris régulièrement et on ne les force pas à travailler, ils viennent d’eux-mêmes sur la peau des clients. Certains aimeraient pouvoir enrichir leur milieu avec des plantes, des galets ou encore des amphores mais le problème est l’équilibre entre le bien-être et l’hygiène parce que ces enrichissements seraient également des éléments où les micro-organismes pourraient s’accumuler. D’autres imaginent pouvoir les mettre dans un aquarium plus grand et mieux aménagé en basse saison. Mais ces changements et ces milieux différents pourraient également être un stress pour les Garra rufa.

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Un prestataire de « Aquarium Services France », qui travaille également avec d’autres types de poissons d’aquariums, nous a confié que certains d’entre eux pouvaient paraître tristes et abattus alors que les Garra rufa, eux, paraissent, dans la plupart des cas, réactifs, vifs et frétillants.

De plus, il est vrai qu’ils sont toujours issus d’élevages et non pas arrachés à leur milieu naturel, ils sont donc nés et ont toujours vécu dans des conditions semblables.

Travail quotidien

La plupart des membres du personnel interrogé apprécient de travailler au quotidien avec les Garra rufa et ne le vivent pas du tout comme une contrainte. Certains en parlent comme d’ « une présence agréable », « une énergie positive » et le bruit de l’eau contribue à créer une « ambiance relaxante ». Il est d’ailleurs devenu à la mode d’utiliser des aquariums comme objets décoratifs mais également comme élément pacificateur, dans les salles d’attente, par exemple. Certaines études montrent même le rôle thérapeutique que peuvent avoir ces aquariums (DE SCHRIVER et CUTLER RIDDICK, 1990). Ainsi, l’activité de « fish massage » semble être un plus dans ces instituts tant pour le bien-être du personnel que pour les clients.

Cependant, nous pourrions penser que travailler avec des êtres vivants présente quand même certaines contraintes mais les instituts ont su s’en accommoder. Ainsi, beaucoup optent pour la possibilité de louer un distributeur automatique de nourriture (auprès de « Aquarium Services France ») afin de pouvoir partir en vacances. Certains se permettent de partir en vacances jusqu’à 12 jours avec ce système. Les contrôles hebdomadaires ne sont donc pas respectés dans cette circonstance mais, comme il n’y a pas eu d’introduction de pieds pendant ce laps de temps, le risque de contamination s’en trouve diminué. Cependant, le métabolisme des poissons restant le même, les changements d’eau devraient, semble-t-il, quand même avoir lieu pour en préserver la qualité.

125

5. Conclusion

Cette partie expérimentale nous a permis de mieux appréhender le concept « fish spa » et de mettre en lumière certains éléments qu’il nous était impossible de découvrir par le fait d’une étude uniquement bibliographique : en particulier, toute la dimension émotionnelle et psychologique liée à cette activité. Les clients, même s’ils peuvent être réticents au départ, sortent ravis de cette expérience et les membres du personnel ne tarissent pas d’éloges quant à la présence des Garra rufa au sein de leur établissement. Il est déjà bien connu que les aquariums peuvent avoir un rôle apaisant mais dans le cadre du « fish massage », une dimension supplémentaire est particulièrement efficace, celle du toucher ; une vraie interaction peut avoir lieu avec les poissons.

Cette étude expérimentale a également mis en évidence la grande variabilité en matière de respect des mesures d’hygiène et de prévention, même si en pratique les problèmes sanitaires semblent être extrêmement rares. La quasi-totalité du personnel interrogé à souligné l’insuffisance du cadre légal et considère cette dernière comme une menace pour la profession.

Ainsi, si les contraintes sanitaires sont un jour maîtrisées et encadrées par des textes de lois appropriés, il pourra être intéressant de tirer parti des bienfaits émotionnels et psychologiques du « fish massage » pour généraliser son usage partout où le rôle de l’animal a déjà fait ses preuves ( maison de retraite, centre de rééducation, hôpital, école…).

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CONCLUSION

Notre travail a permis de synthétiser les données bibliographiques concernant les « fish spas » et les poissons qu’on y utilise, les Garra rufa. Les études sur les particularités de ces animaux sont relativement limitées. Seuls deux rapports scientifiques incomplets traitent de l’efficacité médicale de ces soins. Nous n’avons trouvé aucune donnée relative à leur action esthétique. Enfin, aucune analyse de terrain de grande ampleur n’a été conduite sur les espèces pathogènes que l’on peut rencontrer dans les « fish spas ». Le développement récent et important de l’activité de « fish massage », avec tous les risques potentiels qu’elle présente, a déjà cependant alerté les autorités de plusieurs pays. Certains ont choisi d’interdire cette pratique, en se basant sur des textes de loi concernant l’obligation de désinfection ou la prise en compte de la présence d’animaux vivants dans les instituts. D’autres ont décidé de mener des études plus approfondies, en approfondissant, en particulier, la question des problèmes sanitaires qui peuvent se poser ; certains ont également soulevé la question du bien-être des poissons utilisés. A notre connaissance, aucune recherche qualitative n’a été conduite sur le sujet. Notre étude expérimentale est ainsi la première de ce type. Elle nous a permis de mettre en lumière différents éléments intéressants : le « fish massage » n’a pas qu’une dimension lucrative aux yeux des professionnels, la plupart d’entre eux appréciant beaucoup ces poissons et le travail quotidien en leur présence. Les clients, quant à eux, sont extrêmement enthousiastes et tout à fait satisfaits. Il apparaît ainsi qu’il serait dommage de supprimer une telle activité, même si celle-ci gagnerait grandement à être mieux encadrée et adaptée, grâce à des textes de loi appropriés. Nous espérons que les applications médicales du « fish massage » pourront être étudiées dans un avenir proche et qu’il sera envisageable d’extrapoler une telle ressource à la médecine vétérinaire, où les problèmes dermatologiques sont nombreux et où l’on a déjà recours aux capacités du monde animal pour soigner, avec, par exemple, l’usage de la larvothérapie pour la détersion des plaies en médecine équine.

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134

ANNEXE

Exemple de checklist pour les inspections de « fish spa » (HEALTH PROTECTION AGENCY, 2011)

Rempli par: Fonction:

Nom de l’institut: Date de visite:

Adresse:

Personne de l’institut (référente en matière de Garra rufa) à contacter :

Téléphone:

Installations:

Nombres et type de bacs (parties du corps immergées, usage individuel ou collectif) :

Nombre moyen de soins par bac, par jour:

Fournisseur:

Condition d’utilisation des bacs (les bacs sont-ils couverts quand ils ne sont pas utilisés, sont-ils vérifies pour les fuites..)

Types de filtres présents:

Est-ce que chaque bac a son propre système de filtration ou bien les eaux sont-elles mélangées? Comment et à quelles fréquence les filtres sont-ils nettoyés ? Sont-ils changés en accord avec les instructions du fournisseur et de l’usage qui en est fait ?

Traitement aux rayonnements UV

• Vérification journalière des ampoules

• Heures d’utilisation si pas en continu:

Traitement à l’ozone

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• Maitrise des risques et enregistrement

Sécurisation électrique:

Sol non glissant, non absorbant et facilement nettoyable:

Installation pour le nettoyage

• installation pour le lavage des clients

• Eau chaude courante

• Unité de lavage mobile

Eau

Est-ce que la température est vérifiée et consignée régulièrement?

Est-ce que la qualité microbiologique de l’eau est testée régulièrement? Si oui, quel paramètre, par qui, à quelle fréquence?

Est-ce que les paramètres de l’eau sont vérifiés de manière à être conformes aux valeurs nécessaires pour le bien-être des poissons ?Par qui ? A quelle fréquence,

Quelles sont les mesures prises si la qualité n’est pas optimale?

Est-ce que l’eau est change régulièrement en quantité et de manière acceptable pour les poisons?

Est-ce que l’eau est claire, sans couleur et sans odeur?

Poissons

Nombre approximatif de Garra rufa

Nombre de poisons d’autre espèce (à préciser)

Nom du fournisseur des poissons:

Enregistrement des dates d’arrivée des poisons et nombres de poisons fournis :

Nombre de poisons par bac:

Densité de stockage (nombre de poisons par m²):

Fréquence d’inspection des poissons ?

Est-ce fait par un spécialiste? Si oui, nom et qualifications?

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Nourriture des poisons (nature, fréquence…)

Gestion de la mortalité (enregistrements, analyses, stockage, évacuation)

Clients

Existe-t-il un document d’inspection corporelle approprié complété pour chaque client?

Est-ce que les parties immergées sont lavées à l’eau et au savon puis désinfectées avant et après le soin ?

Est-ce que le vernis et les faux ongles sont retirés avant le soin ?

Est-ce que les parties immergées sont inspectées pour écarter la présence de lésions et d’infection?

Est-ce que des serviettes blanches propres sont utilisées pour chaque patient? Est- ce qu’elles sont lavée à au moins 60°C entre chaque client ?

Est-ce que les parties immerges sont inspectées après traitement afin de s’assurer qu’il n’y a pas eu de saignements?

Est-ce que l’eau est vérifiée afin d’être certain qu’il n’y a pas eu de saignements?

Est-ce que l’eau est changée et les poissons isolés s’il y a eu preuve de saignements ou de contamination ?

Membres du personnel

Est-ce que les membres du personnel sont formés pour:

- L’utilisation des bacs de “fish massage” - Le nettoyage et l’entretien des bacs de “fish massage” - Le bien-être des poissons - La reconnaissance des signes de détérioration de la santé des poissons - L’évaluation de la bonne santé de parties immergées des clients (si oui, formé par qui ?) - Les procédures en cas d’incidents (problèmes sanitaires, saignements ou contamination des bacs..) - La tenue d’un registre où tout est reporté

Est-ce que les membres du personnel portent des gants (pour le nettoyage des pieds du client, le nettoyage des aquariums…) ?

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Documentation

Evaluation des risques

Manuel

Documents de formation

Questionnaires clients

Contrôle du matériel électrique

Procédures en cas d’incident et consignation des incidents

Enregistrement des opérations de maintenance, de nettoyage et des tests de qualité de l’eau

Enregistrement des données concernant les poissons (fournisseur, date de livraison, nombre, nourriture, mortalité…)

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NOM PRENOM : BUCAU Pernelle

TITRE : CONTRIBUTION A L'ETUDE DU GARRA RUFA ET DE SON UTILISATION DANS L'ACTIVITE "FISH MASSAGE" : ANALYSE BIBLIOGRAPHIQUE ET RECHERCHE QUALITATIVE

Thèse d’Etat de Doctorat Vétérinaire : Lyon, le 21 Novembre 2013

RESUME :

Le développement récent des « fish spas » à travers le monde est à l’origine de nombreuses polémiques. Ces établissements commerciaux proposent une activité de « fish massage », c’est-à-dire l’immersion d’une partie du corps du client dans un aquarium contenant des poissons de l’espèce Garra rufa qui ont la particularité de retirer les peaux mortes du tégument et provoquent une exfoliation et un micro-massage apaisant. Notre travail constitue, à notre connaissance, la seule étude synthétique sur le sujet. Il comporte une partie bibliographique, la plus exhaustive possible, et une partie expérimentale, qui est un travail de recherche qualitative dont le but est de découvrir et de décrire la réalité sur le terrain. Dans la partie bibliographique, un chapitre est consacré aux Garra rufa puis tous les aspects de l’activité « fish massage » sont détaillés: procédure d’ouverture d’un « fish spa », description des installations et de leur entretien, déroulement pratique de l’activité, bien-être des poissons. L’état des lieux des connaissances en matière de risques sanitaires ainsi que les aspects réglementaires en France et à l’étranger sont ensuite exposés. La seconde partie est rédigée comme un article scientifique (matériels et méthodes, résultats, discussion et conclusion) et permet, grâce à un travail de recherche qualitative intégrant les protagonistes de la filière « fish spa » et les clients, d’étudier cette activité novatrice dans ses différentes perspectives pour lever le voile sur un certain nombre d’enjeux.

MOTS CLES : - Poisson - Bien-être - Cosmétologie - Santé publique - Recherche qualitative

JURY : Président : Monsieur le Professeur Claude Gharib

1er Assesseur : Madame le Professeur Denise Remy 2ème Assesseur : Madame l’ Inspecteur en Santé publique Vétérinaire Sylvie Mialet

DATE DE SOUTENANCE : 21 Novembre 2013

ADRESSE DE L’AUTEUR : 20 rue André le Nôtre 84000 AVIGNON

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