MERCI À NOTRE PARTENAIRE

4- HISTOIRES FORESTIÈRES PRINTEMPS 2018 5 Mot de l’éditeur et président de la SHFQ

La revue Histoires forestières du Québec consacre cette édition à l’innovation dans l’industrie québécoise des produits forestiers.

L’histoire de l’industrie des produits forestiers s’établit sur un continuum d’innovations. En effet, au fil des périodes et des besoins changeants, notre industrie manufacturière des produits du bois s’est adaptée et elle a fait preuve de génie et d’audace.

L’innovation se retrouve au sein de l’industrie des pâtes et papiers, des panneaux à base de bois, de procédés comme les structures lamellées-collées et de l’émergence de produits forestiers à valeur ajoutée.

L’innovation, c’est l’ensemble du processus qui se déroule depuis la naissance d’une idée jusqu’à sa matérialisation. La foresterie scientifique se situe donc au cœur même de l’innovation, les articles traitant du Centre de recherche et développement de et du programme de baccalauréat en sciences du bois nous présentent entre autres cette composante importante de l’innovation.

En entrevue, Monsieur Gilbert Tardif nous parle de sa carrière et de sa vision de l’industrie sous le signe de l’innovation. Un autre article présente l’histoire des Auger, une famille de marchands de bois s’étendant sur quatre générations et exerçant leurs activités jusqu’au début des années 1980, après plus de cent ans de commerce du bois.

La revue Histoires forestières du Québec poursuivra la même thématique l’automne prochain, cette fois en traitant de l’innovation en aménagement et approvisionnement forestiers. L’innovation, une histoire à suivre !

Quelques mots sur les affaires de la SHFQ

Lors de l’assemblée générale annuelle tenue en avril dernier, le conseil d’administration a accueilli officiellement quatre nouveaux membres. Maude Flamand-Hubert, Louis Campeau, Pierre Mathieu et François Rouleau se sont joints aux administrateurs de la Société. Le CA les accueille avec enthousiasme, leurs expériences et leurs compétences seront les bienvenus. Nous regrettons toutefois le départ de Marie-Claude Lambert alors que Gérard Lacasse quitte le CA pour assumer la direction générale de la SHFQ.

En terminant, permettez-moi de remercier François Rouleau pour son travail de coordination de cette revue et nos rédacteurs pour la qualité des articles soumis.

Bonne lecture !

Jean-Claude Mercier Président de la Société d’histoire forestière du Québec

6- HISTOIRES FORESTIÈRES L’INDUSTRIE DES PÂTES ET PAPIERS — UN BREF HISTORIQUE D’INNOVATION

Par Jean-Paul Gilbert Collaboration : François Rouleau

INTRODUCTION

Quelques auteurs ont traité de l’innovation dans et papiers. Ce centre fondé par le gouvernement du le domaine des pâtes et papiers, mentionnons Canada en 1913 et dont les laboratoires ont ouvert Jean-Pierre Charland, 1990, Roger Hayter, 1988, en 1915 était situé sur le campus de l’Université Benjamin Ofori-Amoah, 1989, Edouard H. Snider, McGill à Montréal. 1990, et Peter Williamson, 20001. En puisant dans leurs écrits, ainsi que dans d’autres sources Lorsque cette dernière créa en 1925 le département accessibles sur internet, un survol chronologique de de chimie industrielle et cellulosique, il fut décidé de quelques moments historiques qui caractérisent les regrouper les trois partenaires dans un nouvel édifice innovations a été élaboré. inauguré en 1929. Cet institut coopératif industrie- gouvernement fédéral de recherche et développement Un bref historique du principal organisme dédié prit le nom de PAPRICAN en 1925 et fut relocalisé à à l’innovation au Canada constitue la meilleure Pointe-Claire en 1958 dans des locaux beaucoup plus introduction à ce document. Il s’agit du consortium vastes et modernes. Toujours en exploitation sous le industriel de recherche et développement PAPRICAN nom de FPInnovations depuis la fusion en 2007 avec établi à Montréal et ensuite à Pointe-Claire depuis les centres de recherche de Forintek spécialisé dans les plus d’un siècle. Rappelons que l’industrie des pâtes produits du bois et de Feric spécialisé en exploitation et papiers par l’entremise du comité consultatif de forestière, le centre prévoit maintenant se relocaliser la Section technique de l’Association canadienne dans le Technoparc de Montréal2. (Williamson, 2000, des pâtes et papiers (ST-ACPP) collabora dès 1915 p. 13, 15, 121, 139, 145) avec le Forest Products Laboratory of Canada (FPL), comptant cinq divisions dont la Division des pâtes 2 http://www.newswire.ca/fr/news-releases/technoparc- montreal-et-fpinnovations-sont-fiersdannoncer-la-signature-de-lachat- des-terrains-pour-la-mise-en-uvre-de-fpinnovations-autechnoparc-d- 1 Voir les références complètes à la fin de l’article. e-montreal-651904373.html , consulté le 7 janvier 2018.

PRINTEMPS 2018 7 L’industrie des pâtes et papiers — un bref historique d’innovation

L’université de Colombie-Britannique (UBC) et des pâtes et papiers. Ce n’est pas un hasard si environ l’École Polytechnique de l’Université de Montréal la moitié des récipiendaires ont œuvré dans l’un ou ont initié un programme coopératif d’enseignement l’autre des centres de recherche et développement post-gradué et de recherche semblable à celui et universités du Québecl6. de McGill en 1978 et 1984, respectivement. Le gouvernement du Québec a reconnu en 1992 PAPRICAN à titre de consortium de recherche. Les INVENTIONS ET PRIMEURS entreprises canadiennes membres de PAPRICAN Notre liste dénombre une soixantaine d’inventions ou peuvent ainsi bénéficier du crédit d’impôt primeurs technologiques dans les usines du Québec remboursable s’appliquant sur leurs contributions depuis le début de la production de pâtes et papiers faites à PAPRICAN au Québec. (Williamson, 2000, en 1805. Ces améliorations portent autant sur les p. 135, 153) Le mode de partenariat a évolué au procédés de fabrication que sur les équipements ou cours des ans (ex. le réseau FIBRE3 créé en 2011, les sur les systèmes environnementaux. Une recherche Chaires de recherche du Canada4 mises sur pied à dans les sources primaires telles que les archives partir de 2000) tenant compte de la spécialisation des des entreprises nous surprendraient en raison d’un universités et des besoins stratégiques de l’industrie grand nombre d’améliorations et de découvertes des pâtes et papiers. qui n’ont pas fait les manchettes pour des raisons commerciales. Un tel travail déborde du cadre de cet À Trois-Rivières, l’UQTR débuta la formation de post- article. gradués en pâtes et papiers en 1972.

Outre les centres de recherche et de développement ANNÉES 1800 des entreprises5, les fabricants d’équipements et de produits chimiques ont également joué un Ce siècle marque la naissance de l’industrie des pâtes rôle important pour l’introduction de nouvelles et papiers. Cette période se caractérise par la mise en technologies au sein des usines soit par l’application place des procédés de mise en pâtes et des premières directe des résultats de leur propre recherche ou à machine à papier. titre de partenaires avec PAPRICAN. 1— The Argenteuil Manufactory est le premier moulin au Canada entré en exploitation UNE CONTRIBUTION REMARQUABLE en 1805 à Saint-André-d’Argenteuil, région des DU QUÉBEC Laurentides. Ce moulin ainsi que le Jacquecartier Mill à l’embouchure de la rivière Jacques-Cartier Depuis 1989, l’Association technique des pâtes et vers 1810 et les Stanstead Paper Mills en 1823 papiers du Canada (PAPTAC) remet annuellement à seraient les seuls à avoir fabriqué le papier à la main l’un de ses membres la médaille d’or commémorative et séché sur des étendoirs. (Gilbert, 2017). Des piles John Seaman Bates, fondateur de la section technique hollandaises () actionnées par de l’ACPP, en reconnaissance de sa contribution à long l’énergie hydraulique défibraient et mettaient en terme à la science et à la technologie de l’industrie pâte les chiffons7.

3 https://fpinnovations.ca/about-us/Pages/membres- 2— L’industrie met à profit l’innovation pour partenaires-et-collaborateurs.aspx , consulté le 28 février 2018. 4 https://fr.wikipedia.org/wiki/Chaire_de_recherche_du_ accélérer sa lancée. McDonald & Logan’s Mill de Canada , consulté le 28 février 2018. Portneuf exploite la première machine à papier de 5 Quelques exemples de centres de recherches et de développement : Domtar, Senneville (1962-1997), Noranda, Pointe- forme cylindrique au Québec en 1837 et la première Claire (1963-2003), Building Products of Canada, LaSalle (1964-1990), CIP/CPFP/ Saint-Laurent, Pointe-aux-Trembles (1955-1997), Laurentide & Paper/Consolidated Paper Corp./Abitibi, Grand- 6 Gagnants de la médaille d’or commérative John S. Bates, Mère (1916~1999), Abitibi-Price et Paprican, usine pilote à Kénogami Founder of the Technical Section, CPPA. http://www.paptac.ca/images/ (1976-1989), CIL, McMasterville (1916-1980), Cascades, Kingsey-Falls stories/Awards/JOHN%20S%20Gold%20medal-medaille%20or.pdf, (1985-en exploitation), Centre de Couchage International (CIC), Trois- consulté le 17 janvier 2018. Rivières (1999-en exploitation) et deux autres centres de recherche et 7 Carruthers, George, 1947, Paper in the making. Part I- First développement situés à proximité du Québec et desservant les usines Hundred Years of Paper-Making by Machine, Part II-First Century de cette province et de l’Ontario: Riordon Co./CIP/CPFP, Hawkesbury of Paper-Making in Canada , The Garden City Press Co-Operative, (1923-1991) et de Howard Smith Paper, Cornwall (≈1930- ≈1961). Toronto, 712 pages, p. 259.

8- HISTOIRES FORESTIÈRES L’industrie des pâtes et papiers — un bref historique d’innovation L’industrie des pâtes et papiers — un bref historique d’innovation

machine à papier Foudrinier au Canada en 1843. copeaux de bois à une température élevée dans une (Gilbert, 2017) La technologie Foudrinier sera la plus lessive à base d’hydroxyde de sodium et de sulfure de utilisée jusque dans les années 1960. sodium. Ce procédé produit des fibres plus fortes que celles obtenues par les autres procédés. (Charland, 3— La pâte chimique à la soude (hydroxyde de 1990, p. 54, Gilbert, 2017) sodium) est produite pour la première fois au Canada à Windsor Mills en 1865 par Angus, Logan & Co au 10— La section des séchoirs sous vide Minton moulin Watopeka ou Lower Mill. (Charland, 1990, (28 pouces Hg) est adoptée par seulement deux p. 53, Gilbert, 2017) usines au Québec : Price Bros à Kénogami vers 1914 et Brown Corp. à La Tuque pour sécher la pâte 4— La pâte mécanique de meules est produite pour commerciale en1910. (Charland, 1990, p. 202) la première fois en Amérique à l’usine Alexander Buntin Co. de Valleyfield vers 1866, les meules 11— Le Canadian Standard Freeness Tester (CSFT)8 Voelter furent importées d’Allemagne. (Charland, fut développé au cours des années 1924 et 1925 1990, p. 52, Gilbert, 2017) par le Laboratoire des produits forestiers du Canada (FPL) situé sur le campus de l’Université McGill à 5— La première usine de carton-cuir au Canada Montréal. Cet instrument mesure le taux de drainage débute ses activités à Chambly en 1873. (Gilbert, ou d’égouttage de la pâte arriva à point nommée, e 2017) c’est-à-dire à l’aube de la 2 révolution industrielle, au moment où l’art de fabriquer de la pâte et du papier devenait une science. Cet appareil de contrôle des 6— Le premier moulin de papiers fins au Canada est procédés fut adopté par l’industrie Nord-Américaine inauguré à Saint-Jérôme en 1882 par The Rolland et par l’industrie des autres pays. FPInnovations Paper Company, Limited. (Gilbert, 2017) demeure encore aujourd’hui le seul laboratoire pour l’étalonnage de cet appareil selon la norme de 7— La pâte au sulfite (bisulfite de sodium) est produite l’Organisation internationale de normalisation (ISO). pour la première fois au Québec dans le moulin d’E. B. (Williamson, 2000, p. 13, 15, 179) Eddy à Hull en 1889. (Gilbert, 2017)

8— La première machine à papiers tissus au Canada Instrument de est mise en exploitation dans le moulin d’E. B. Eddy à mesure du Hull en 1890. (Charland, 1990, p. 112, Gilbert, 2017) drainage et de l’égouttage de la pâte. ANNÉES 1900

L’âge d’or de l’industrie des pâtes et papiers s’inscrit http://dejavulab. dans ce siècle. On assiste alors à la multiplication com/inven- des usines et à la mise en place et l’amélioration des tory/1418/cana- technologies par des innovations constantes touchant dian-standard- freeness-tester, tant les procédés de mise en pâtes que les machines à consulté le 17 papiers. On assiste aussi à l’introduction de procédés décembre 2017. environnementaux pour l’assainissement de l’eau et de l’air.

9—L’industrie québécoise s’illustre en Amérique du Nord avec la mise en opération en primeur du procédé Kraft à l’usine de Brompton Pulp and Paper Co. d’East-Angus en 1907. La pâte Kraft, aussi 8 James Hull, Let Freeness Ring: The Canadian Standard Freeness Tester as Hegemonic Engine. http://spontaneousgenerations. appelée pâte au sulfate, est obtenue par la cuisson de library.utoronto.ca/index.php/SpontaneousGenerations/article/ viewFile/15962/12970, consulté le 17 décembre 2017

PRINTEMPS 2018 9 L’industrie des pâtes et papiers — un bref historique d’innovation

12— La première usine de pâte à dissolution au 13— En 1923, le moulin de St. Maurice Paper Co. monde entre en exploitation en 1920 à Témiscaming (CIP en 1924) de Trois-Rivières devient le premier à (Kipawa). Elle est le fruit des recherches de C.B. fonctionner entièrement à l’électricité. Site du musée Thorne, le premier chimiste (origine norvégienne) Boréalis depuis 2010. (Gilbert, 2017) embauché par l’industrie des pâtes et papiers au Canada alors directeur technique de Riordon 14— La première chaudière de récupération13 au Pulp and Paper Co (embauché en 1901 à l’usine de monde pour le procédé Kraft a été mise au point Hawkesbury9, gérant d’usine en 1906 et directeur en 1932 à Windsor Mills par George Herbert de Riordon en 1917). Cette pâte remplace les fibres Tomlinson chimiste en chef et directeur du service de coton jusqu’alors utilisées pour la fabrication de la recherche de Howard Smith Paper Company de rayonne et de cellophane. Elle ouvre la porte (maintenant Domtar) et commercialisée par Babcock à l’établissement de grandes usines telles que & Wilcox. Dès lors le procédé Kraft sera préféré Canadian Celanese (fibres textiles de diacétate de au procédé au sulfite pour la production de pâte cellulose communément appelé rayonne d’acétate chimique notamment pour des raisons économiques ou soie artificielle et fibres de triacétate de cellulose et environnementales. (Snider, 1990, p. 156, pour les tapis) à Drummondville (1928-2000)10, de Williamson, 2000, p. 23) CIL-Dupont du Canada (cellophane) à Shawinigan (1932-1982)11 et de Courtaulds (rayonne, cellophane) à Cornwall, Ontario (1925-1992)12. (Charland, 1990, p. 233, 256, Snider, 1990, p. 158) George Herbert Tomlinson (Sr.) (1880- 1958), C. B. inventeur Thorne. de la chaudière de récupé- ration pour https:// le procédé www. Kraft. temisca- ming.net/ la-ville/ histoire, chapitre 2 https:// www. paperdis- coverycen- ter.org/ inductees/ george- herbert- tomlinson/, consulté le 23 août 2017.

9 https://www.pulpandpapercanada.com/news/cip-research- employees-relive-the-good-times-1000165767 , consulté le 17 janvier 2018. 10 http://www.patrimoineculturel.gouv.qc.ca/rpcq/detail.do?m ethode=consulter&id=14311&type=pge#.Wk01nVXib3g, consulté le 3 décembre 2018. 11 http://patrimoineshawinigan.ca/capsule-web-cellophane/, consulté le 3 décembre 2017. 12 http://www.standard-freeholder.com/2017/11/14/ 13 Chaudière qui brûle les matières dissoutes du bois dans la remembering-the-giant-that-was-courtauldscanada-in-cornwall , liqueur de cuisson pour produire de la vapeur et récupérer les produits consulté le 20 janvier 2018. chimiques.

10- HISTOIRES FORESTIÈRES L’industrie des pâtes et papiers — un bref historique d’innovation L’industrie des pâtes et papiers — un bref historique d’innovation

15— L’Anglo-Canadian Pulp and Paper Mills de 20— En 1958, l’usine de pâte Kraft de Thurso Pulp and Québec est la première usine au Canada qui est passé Paper entre en exploitation et devient la première au de la cuisson au sulfite du bas à haut rendement en Québec à s’approvisionner en copeaux plutôt qu’en 1933. (Charland, 1990, p. 195) billes de bois. (Charland, 1990, p. 187)

16— L’usine de CIP à Témiscaming est la première au 21— Le premier lessiveur Kamyr au Québec pour la monde à exploiter un générateur de dioxyde de chlore cuisson de la pâte Kraft en continu est acquis par CIP pour blanchir la pâte en 1946. Ce procédé avait été mis usine de La Tuque en 1960. (Charland, 1990, p.195). au point au centre de recherche et développement de CIP à Hawkesburry. (Snider, 1990, p. 159) 22— Kruger implante à Montréal (Place Turcot) en 1961, la première usine de production de carton 17— Edmund Howard Smith14, président de la doublure fait entièrement de carton et de papier compagnie Howard Smith Paper et George Tomlinson récupérés en Amérique du Nord19. (Jr.)15, directeur du développement de la recherche ont mis au point en 1946 un procédé pour extraire un 23— Au début des années 1960, l’usine de polymère phénolique de la liqueur de cuisson Kraft Consolidated Paper de Portage-du-Fort contrôle de l’usine de Cornwall. Cette découverte a pavé la avec précision le dosage des copeaux d’érable, de voie à l’établissement en 1948 de l’usine de panneaux peuplier faux-tremble et de bouleau permettant de stratifiés Arborite16, toujours en exploitation, à ville fabriquer une pâte Kraft sur mesure. (Snider, 1990, LaSalle17. (Snider, 1990, p. 159) p.160)

18— C’est sous la direction de Weston C. Bennett, 24— L’usine de la CIP à La Tuque est la première au chef ingénieur du département de recherche et Canada à installer un ordinateur (IBM, série 1710) développement de l’usine de papier journal de CIP pour le contrôle de la concentration en alcali de Gatineau que Robert D. Duncan et Geoffrey D. la lessive en 1963. Il est suivi d’un ordinateur plus Hughson ont mis au point la caisse d’arrivée « Fozen puissant (IBM 1800) en 1967. (Charland, 1990, p.207, Flow Headbox » vers la fin des années 1950. Cette Williamson, 2000, p. 89) caisse d’arrivée modifie la turbulence du débit de pâte à la sortie de la caisse ce qui améliore la performance des machines à papier à haute vitesse. Elle fut par la 25— L’usine de l’Anglo-Canadian Pulp and Paper Mills suite installée sur plusieurs machines à papier de CIP à Québec est la première à fabriquer du papier journal avec un contenu en pâte thermomécanique (TMP) en et de IP »18. Quelques années plus tard, soit en 1952, le prototype du Deculator, équipement pour désaérer la 1964. (Snider, 1990, p. 160) pâte fut installé en amont de la caisse d’arrivée. Cette technologie améliore le drainage et la formation de la 26— Le centre de recherche de CIL à McMasterville feuille. (Snider, 1990, p, 160) en Montérégie (1916-1980) démontre la faisabilité de blanchir la pâte chimique avec de l’oxygène en 19— Peter Wrist et George Buckhard du laboratoire milieu alcalin vers le milieu des années 1960. (Snider, de recherche de l’usine de QNS Baie-Comeau 1990, p. 161, Hayter, 1984, p. 42) remplacent les pontuseaux des Foudrinier par des racles d’égouttage permettant d’accroitre la vitesse 27— En 1968, le premier formeur à toiles jumelées des machines à papier au milieu des années 1950. (Black Clawson’s Verti-Forma) au monde pour la (Snider, 1990, p. 160) fabrication de papier journal est installé dans l’usine de CIP à Trois-Rivières. Les doubles toiles offrent un

14 Fils du fondateur Howard Smith de l’entreprise du même nom. meilleur drainage, une vitesse accrue, une meilleure 15 Fils de George Herbert Tomlinson qui fut également directeur formation (isotropie) et imprimabilité supérieure. de la R/D de Howard Smith Paper, Cornwall. Elles remplaceront graduellement les Foudrinier. 16 HPL ou High Pressure Laminate. 17 http://www.arborite.com/le-arborite-histoire?customlang=fr, (Charland, 1990, p. 203, Snider, 1990, p. 161) et https://en.wikipedia.org/wiki/Arborite , consultés le 24 novembre 2017. 18 https://www.google.com/patents/US1481163 https://www. 19 L’histoire de Kruger, Les cent premières années, 2004, google.com/patents/US2737087, consulté le 3 décembre 2017. Montréal.

PRINTEMPS 2018 11 L’industrie des pâtes et papiers — un bref historique d’innovation

28— Le centre de recherche de Consolidated- Bathurst à Grand-Mère développe vers la fin des années 1960 le « Backtender’s Friend » pour mesurer le profil de la dureté des rouleaux de papier et pour contrôler les calandres de façon manuelle ou automatique. (Snider, 1990, p.161)

29— L’usine de CIP Trois-Rivières met à l’essai en 1968 le Papridryer développé par PAPRICAN, une nouvelle technologie de séchage du papier en collaboration avec l’équipementier DMR Associates (coentreprise de DEW et Midland-Ross of Canada). Bien que le prototype ait eu un potentiel pour l’ajout de capacité de séchage, il ne fut pas commercialisé. (Williamson, 2000, p. 99) http://overmade.it/en/products/paper-board/paper-board-for- mers/papriformer 30— North Shore de Baie-Comeau installe la première machine à papier double toile Bel-Baie Former en 1969 fabriqué par la compagnie Beloit Corp. de Sorel. (Charland, 1990, p. 203)

31— En 1970, la compagnie Rolland de Saint-Jérôme contrôle par ordinateur une machine à papier, une première au Québec. (Charland, 1990, p. 209)

32— Les travaux menés par Hutch Holton au laboratoire du centre de recherche de CIL à McMasterville au début des années 1970 prouvent que le rendement en pâte Kraft peut être accru en ajoutant un additif, l’anthraquinone lors de la cuisson. Plusieurs usines à travers le monde adoptent ce procédé. (Snider, 1990, p. 162, Williamson, 2000, p. 115, Hayter, 1984, p. 42)

33— Le premier formeur à toiles jumelées Papriformer au monde, mis au point par le Dr. Raimbault de Montigny (1911-1971) de PAPRICAN à Pointe- Claire et fabriqué par Dominion Engineering Works (DEW) Canada à Lachine, entre en production (papier journal) en 1972 dans l’usine Kruger de Dr. Rainbault de Montigny. Bromptonville. Rainbault de Montigny avait mis au http://pubs.cif-ifc.org/doi/pdf/10.5558/tfc66156-2 point le prototype expérimental avec Ian Pye et T. B. Hedley en 1965. Vingt-six Papriformer étaient en 34— Au cours des années 1970 outre le Papriformer exploitation dans le monde en 197820. (Snider, 1990, p.161, Ofori-Amoah, 1989, p. 157, 162, Williamson, plusieurs technologies développées à Pointe-Claire 2000, p. 99, 127,128, Hayter, 1984, p. 60) eurent un succès commercial, entre autres : les épurateurs de gaz en 1970, le système anticorrosion Papritection en 1977, le système de contrôle des disques raffineurs en 1977. (Williamson, 2000, 20 L’histoire de Kruger, Les cent premières années, 2004, p. 129, Hayter, 1984, p. 60) Montréal.

12- HISTOIRES FORESTIÈRES L’industrie des pâtes et papiers — un bref historique d’innovation L’industrie des pâtes et papiers — un bref historique d’innovation

35— La première ligne de production de pâte thermomécanique du premier stage subit un thermomécanique (PTM) en Amérique du Nord traitement chimique (sulfonation) avant d’être entre en exploitation en 1972 dans l’usine Kruger de raffinée à la pression atmosphérique au second stage ; Bromptonville21. ce qui résulte en des économies d’énergie, à moins de pollution que la pâte au sulfite et en un papier 36— La calandre à pince molle (soft nip calendering) plus fort. L’équipement de raffinage est fabriqué par pour les machines à papier journal fut développée Hymac, Laval. (Snider, 1990, p.162, Hayter, 1984, en 1973 par Walter G. Mihelich, directeur du p. 56, 57) département de recherche et développement d’Abitibi-Price à Kénogami. Cette usine fut la 42— L’usine de Tembec à Témiscaming devient en première au Canada à s’équiper d’un tel équipement 1984 la première en Amérique du Nord à vendre fabriqué en collaboration avec Kleinewefers de la pâte commerciale chimico-thermomécanique d’Allemagne. (Snider, 1990, p. 161) blanchie (CTMB)23.

37— Les essais menés à l’usine pilote de PAPRICAN à Kénogami ont permis de fabriquer en 1975 du papier journal avec de la pâte thermomécanique (TMP) de haute qualité qui mélangée à de la pâte mécanique de raffinage (RMP) ou de meulage permettait de réduire le contenu en pâte chimique. (Williamson, 2000, p. 113)

38— En 1978, l’usine de papier journal de CIP Gatineau inaugure un procédé de mise en pâte à haut rendement, la pâte chimico-mécanique sulfonée (sufonated chemi-mechanical pulping ou SCMP) en remplacement de la pâte au sulfite pour produire du papier journal. Ce procédé avait été développé Temcell-Tembec. au centre de recherche de Hawkesburry et à l’usine http://www.lemaitrepapetier.ca/index.php/blogs/mark- pilote de Gatineau. (Snider, 1990, p. 162) williamson/1426-tembec-un-bio-raffineur-en-avant-de- son-temps.html 39— La papeterie Donohue-Normick d’Amos est la première de l’est du Canada à n’utiliser que de la pâte 43— La recherche visant la réduction des dioxines thermomécanique pour fabriquer du papier journal et des furannes et des composés organochlorés des en 1982. (Charland, 1990, p. 148) effluents des usines de pâte Kraft devint prioritaire vers le milieu des années 1980. Les solutions 40— L’usine de Consolidated-Bathurst de Port-Alfred proposées par PAPRICAN furent adoptées par les développe et installe en 1983 le premier système usines. (Williamson, 2000, p. 149, 151, 167) d’induction électrique à haute fréquence (Calcoil) pour chauffer un rouleau de calandre permettant un 44— L’usine de Tembec à Témiscaming est considérée meilleur contrôle de l’épaisseur du papier22. (Snider, comme précurseur au bioraffinage forestier au 1990, p. 162) Canada, ce depuis 198424.

41— Le procédé de mise en pâte OPCO entre en exploitation à l’usine de papier journal de Quebec North Shore Paper Co. (QNS) en 1983. La pâte

21 Savoir Innover, Kruger Magazine, printemps 2016. 23 http://www.company-histories.com/Tembec-Inc-Company- 22 https://www.researchgate.net/publication/293657190_ History.html CALCOIL_A_NEW_APPROACH_FOR_BETTER_CROSS-MACHINE_ 24 http://www.groupes.polymtl.ca/crip/doc/outils/Bioraffinage- CONTROL , consulté le 3 décembre 2017. forestier.pdf, consulté le 3 janvier 2018.

PRINTEMPS 2018 13 L’industrie des pâtes et papiers — un bref historique d’innovation

45- Cascades ouvre son centre de recherche et ANNÉES 2000 développement à Kingsey-Falls en 1985 sous la direction de Martin P. Pelletier. Ce centre est toujours Ce début de siècle marque le déclin de certains en exploitation. secteurs de l’industrie des pâtes et papiers, particulièrement le papier journal et les papiers 46— Les progiciels de simulation des procédés de d’impressions, en raison de l’avancée spectaculaire fabrication de papier journal et de pâte Kraft ont des technologies de l’information. permis dès 1986 aux usines d’analyser elles-mêmes leurs activités et de les optimiser. L’année suivante ce Face à cette crise, les dirigeants de ces entreprises sera un progiciel d’analyse des immobilisations que cherchent à diversifier la production de leurs usines. PAPRICAN offrira à l’industrie. (Williamson, 2000, Le bois se compose de fibres de cellulose, de lignine et p. 149) d’hémicellulose. L’extraction de ces composantes et leur transformation ouvre la voie à une renaissance 47— Le prix international Marcus Wallenberg de l’industrie des pâtes et papiers. considéré comme le « prix Nobel » de la foresterie est discerné en 1998 aux Dr. Keith B. Miles de Rappelons qu’il s’agit d’une voie déjà explorée27. PAPRICAN à Pointe-Claire et W. Donald May de Au milieu du siècle dernier, monsieur Joseph Risi28 l’Université McGill à Montréal pour leur recherche écrivait dans la revue « La forêt québécoise29 » fondamentale sur les mécanismes du raffinage des d’octobre 1947 dans une rubrique intitulée « La copeaux de bois25. (Williamson, 2000, p. 165) parade des produits forestiers », un article sur les fibres textiles, cellophane et plastiques dont voici un extrait :

« L’ester acétique de la cellulose sert en grande quantité à la fabrication de pellicules photo et cinématographiques à cause de sa faible inflammabilité, ainsi que de vernis spéciaux pour les avions, de brosses et de perruques, d’éponges artificielles, de réservoirs de plumes- fontaines, de cuir artificiel, de disques de phonographes, d’articles de toilette, de contenants transparents de toute sorte et de centaines d’autres articles en plastique qu’il serait trop long d’énumérer. »

Dr. Keith B. Miles de PAPRICAN à Pointe-Claire et W. Donald Nous constatons que la transformation chimique May de l’Université McGill à Montréal corécipiendaires du prix Marcus Wallenberg en 1998. de la cellulose était déjà en vogue. Monsieur Risi ajoutait : http://mwp.org/1998-keith-miles-and-donald-may

« … il n’est pas exagéré de dire que le bois jouera, dans ce 48— Un procédé pour enrayer le ternissement domaine comme dans tant d’autres, un rôle de plus du papier à base de pâte mécanique lorsqu’il est en plus important comme produit de départ dans une exposé la lumière fut trouvé par le réseau des pâtes civilisation matérielle extraordinairement développée ». mécaniques de PAPRICAN en collaboration avec l’entreprise suisse Ciba Speciality Chemicals en 199926. (Williamson, 2000, p. 53) 27 Gilbert, J.-P. et Rouleau, F., L’industrie des pâtes et papiers, 1987-2017 – Une profonde transformation, Le Monde forestier, décembre 2016 – janvier 2017. 25 Le Prix Marcus Wallenberg : une distinction scientifique 28 En 1941, il fonde le Laboratoire de produits forestiers et technologique prestigieuse dans le secteur forestier, Yves Birot, de Duchesnay. Constatant une énorme lacune du côté de la science Rev. For. Fr. LIV - 1-2002. http://documents.irevues.inist.fr/bitstream/ forestière, il se spécialise dès lors en chimie organique du bois et ses handle/2042/4905/93_96.pdf?sequence=1 recherches portent essentiellement sur les arbres du Québec » tiré 26 https://www.pulpandpapercanada.com/paptac/PDFs/Oct04/ du Kiosque des sciences, http://www.sciencepresse.qc.ca/kiosque/ PaperProperties.pdf et http://brevets-patents.ic.gc.ca/opic-cipo/cpd/ chronscien.html, consulté le 2 décembre 2016. eng/patent/2346211/summary.html, consultés le 5 décembre 2017. 29 P. 605 et p. 606.

14- HISTOIRES FORESTIÈRES L’industrie des pâtes et papiers — un bref historique d’innovation L’industrie des pâtes et papiers — un bref historique d’innovation

À preuve, monsieur Risi citait en exemple les usines d’acétate de cellulose, de viscose et de cellophane. Les plus âgés d’entre nous se souviennent encore des grandes usines de Celanese à Drummondville, de Courtaulds à Cornwall et de CIL-Dupont à Shawinigan.

Cependant, la pétrochimie prit son envol après la Seconde Guerre mondiale et freina l’essor des produits dérivés des composantes du bois. Mais, un demi-siècle plus tard les besoins de naturalité des consommateurs, la protection de l’environnement et la lutte aux changements climatiques donnent un nouvel élan à cette filière. Usine pilote de Celluforce à Windsor au Québec. http://www.celluforce.com/en/technology/ 49— L’usine de Cascades à Lachute débute la fabrication d’un papier dit « intelligent », un essuie- 52— Le prix international Marcus Wallenberg mains antibactérien en mai 201030. a été discerné en 2013 au Dr. Dereck Gray en reconnaissance de son travail à l’Université McGill 50— Tembec à Matane débute en 2012 la production et à FPInnovations sur la cellulose nanocristalline de biométhane, un gaz produit par un réacteur (CNC)34. anaérobique pour traiter une partie des effluents de l’usine31.

51— Entrée en exploitation en 2012 de la première usine de nanocellulose cristalline (NCC) au monde, la coentreprise CelluForce formée par Domtar et par FPInnovations située à Windsor32. La société multinationale Schlumberger s’est jointe à cette dernière en mars 2015 et la société Fibria du Brésil fit de même en novembre 201633.

Le Dr Derek Gray, le roi Gustaf XVI de Suède et Marcus Wallen- berg, président de la fondation Marcus Wallenberg. http://www.fpac.ca/fr/linnovation-canadienne-sur-la-scene-inter- nationale/

30 http://www.ledevoir.com/economie/actualites- economiques/289201/cascades-lance-un-papierintelligent, consulté le 7 53— La filière énergétique s’enrichit en 2014 d’un janvier 2018. projet d’énergie solaire de Cascades à Kingsey- 31 https://www.newswire.ca/fr/news-releases/usine-tembec- Falls dans le Centre-du-Québec, une première dans de-matane---plus-de-25-millions-dedollars-investis-dans-deux-projets- visant-a-ameliorer-la-competitivite-du-secteur-forestierquebecois- l’industrie35. 507430191.html, consulté le 28 janvier 2018. http://ici.radio-canada.ca/ nouvelle/751266/gaspesie-matane-usine-tembec-economie-energie, consulté le 7 janvier 2018. 32 http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/547639/inauguration- nanoncellulose-windsor 34 http://www.fpac.ca/fr/linnovation-canadienne-sur-la-scene- 33 http://www.celluforce.com/fr/medias/nouvelles/celluforce- internationale et-fibria-celulose-signent-une-ententede-partenariat-strategique/ 35 http://blogue.cascades.com/2014/06/10/cascades-lance- consuté le 7 janvier 2018. important-projet-energie-solaire/, consulté le 7 janvier 2018.

PRINTEMPS 2018 15 L’industrie des pâtes et papiers — un bref historique d’innovation

54— Kruger inaugure en juin 2014 la première usine au monde de démonstration de filaments de cellulose dans son usine de Trois-Rivières36.

55— L’usine de Cascades à Témiscouata-sur-le-Lac (Cabano) annonce en 2015 un projet de bioraffinage pour extraire l’hémicellulose du bois qui serait transformée en sucre, une première au Canada37.

56— Résolu annonce un projet novateur en août 2016, une première dans l’industrie des pâtes et papiers, soit la captation du carbone (technologie de CO2 Solutions) produit par le procédé de l’usine de Saint-Félicien et son utilisation au complexe serricole voisin38. Filaments de cellulose, Mcan.gc.ca.

57— Fortress Cellulose Spécialisée annonce en novembre 2016 un projet d’extraction d’hémicellulose à son usine de Thurso39. Le 16 mars 2018, l’entreprise annonce son intention de construire en partenariat avec S2G Biochemicals, une usine de démonstration pour produire du xylitol en 202040.

58— Papiers White Birch de Gatineau (Masson- Angers) annonce en novembre 2016 la première implantation au monde d’un nouveau procédé pour la fabrication de fibres densifiées destinées au marché des matériaux composites bois-plastiques41.

36 http://www.lemaitrepapetier.ca/index.php/blogs/mathieu-re gnier/2402-2014-06-25-14-55-04.pdf 37 Saindon, Richard, 2017, Chronique du Bas-Saint-Laurent, 1535-2017 , Septentrion, Québec 38 http://www.lemaitrepapetier.ca/index.php/nouvelles/ developpement-durable/6008-2017-10-03-12-20-56.html , consulté le 7 janvier 2018 39 http://www.paperadvance.com/news/industry-news/6528- fortress-paper-announceshemicellulose-separation-project-at-its- dissolving-pulp-mill.html, consulté le 7 janvier 2017 40 https://www.pulpandpapercanada.com/green-energy/ fortress-global-acquires-s2gbiochemicals-and-new-xylitol- project-1100001047, consulté le 17 mars 2018 41 http://mffp.gouv.qc.ca/gouvernements-canada-et- quebec-soutien-developpement-technologiepointe/ et http://www. pulpandpapercanada.com/sustainability/feds-quebec-invest-$125m-in- papiermasson-cleantech-project-1100000469, consultés le 10 janvier 2017.

16- HISTOIRES FORESTIÈRES L’industrie des pâtes et papiers — un bref historique d’innovation L’industrie des pâtes et papiers — un bref historique d’innovation

ENCART42

BIENVENUE AU BIORAFFINAGE

Qu’est-ce qu’une bioraffinerie ? C’est une unité de production qui transforme les composantes du bois en bioproduits, c’est-à- dire des produits intermédiaires et des produits finis tels que l’énergie, les carburants, les produits chimiques43.

Est-ce que les bioproduits rajeuniront l’industrie des pâtes et papiers ? Probablement, car on entend de plus en plus le mot « bioproduits » accolé à celui des pâtes et papiers. Possiblement, une évolution semblable à celle de l’industrie du textile et des vêtements que l’on nomme maintenant « l’industrie de la mode ».

Les usines de pâtes et papiers sont des sites privilégiés pour implanter des bioraffineries intégrées puisqu’elles transforment déjà le bois avec des procédés chimiques, mi-chimiques ou mécaniques et qu’elles disposent d’infrastructures, de services d’entretien et de logistique.

Des projets de bioraffineries autonomes sont également annoncés ou à l’étude telle que les projets de biocarburants de Ensyn Technologies, Arbec et Groupe Rémabec à Port-Cartier44 et de Bio Énergie La Tuque45.

Une nouvelle génération de chimistes et d’ingénieurs du bois est en train de naître. Des centres de formation ont mis à jour leurs programmes et rebaptisé ceux-ci pour les rendre plus attrayants auprès des étudiants. Ainsi, le Centre de recherche en pâtes et papiers de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) porte maintenant le nom de Centre de recherche sur les matériaux lignocellulosiques (CRML) depuis 201146, le Centre spécialisé sur les pâtes et papiers du CÉGEP de Trois-Rivières devient le Centre d’innovation des produits cellulosiques ou Innofibre en 201347 et le Diplôme d’étude collégiale (DEC) Technologies des pâtes et papiers de ce CÉGEP devient le DEC Écodéveloppement et bioproduits en 201748.

L’université Laval a reçu l’accréditation d’Ingénieurs Canada en 2002 pour le programme coopératif de génie du bois (B. Ing.) portant sur le bioraffinage, la chimie verte ainsi que d’autres domaines de la transformation du bois49.

RÉFÉRENCES Charland, Jean-Pierre, 1990, Les pâtes et papiers au Québec, 1880-1980, Technologies, travail et travailleurs, IQRP, Québec, QC. Gilbert, Jean-Paul, 2017, Survol de l’évolution de l’industrie des pâtes et papiers au Québec de 1805 à 2015, SHFQ. Hayter, Roger, 1988, Background Study 54 Technology and the Canadian Forest-Product Industries. A Policy Perspective, Science Council of Canada, Ottawa, ON http://artsites.uottawa.ca/sca/doc/Background-Study-No.-54-Technology-and-the-Canadian-Forest-Product-Industries-A-Policy-Perspe.pdf, consulté le 7 décembre 2017. Ofori-Amoah, Benjamin, 1989, Technology choice in a global industry: the case of the twin-wire in Canada, Simon Fraser University, C.B. http://summit.sfu.ca/ system/files/iritems1/4881/b14612070.pdf, consulté le 6 novembre 2017. Snider, Edward H., ing. P.Eng., Avril 1990, The Forestry Chronicle, Canadian Accomplishments in Pulp and Paper Research, 1805 to 1990. http://pubs.cif-ifc. org/doi/pdf/10.5558/tfc66156-2, consulté le 6 novembre 2017. Williamson, Peter N., 2000, The light in their eyes, La lumière dans leur regard, PAPRICAN, Pointe-Claire, QC.

42 Gilbert, J.-P. et Rouleau, F., L’industrie des pâtes et papiers, 1987-2017 – Une profonde transformation, Le Monde forestier, décembre 2016 – janvier 2017. 43 Ressources naturelles Canada, Glossaire Bioproduits, https://scf.rncan.gc.ca/, consulté le 3 décembre 2016. Bbioproduits tels que biofuel, biocarburants (ex. bioéthanol), produits biochimiques, bioplastiques, biogaz, biomatériaux. 44 www.ensyn.com, consulté le 6 décembre 2016. 45 www.ville.latuque.qc.ca consulté le 6 décembre 2016. 46 www.uquebec.ca, consulté le 6 décembre 2016. 47 www.cegeptr.qc.ca/ consulté le 6 décembre 2016. 48 www.lemaitrepapetier, consulté le 6 décembre 2016. 49 https://www.ffgg.ulaval.ca/sites/default/files/Documents/la%20faculte/professeur-emerite-2014-foresteriemichel-beaudoin.pdf, consulté le 16 mars 2018. https://engineerscanada.ca/fr/agrement/programmes-de-genie, consulté le 15 mars 2018.

PRINTEMPS 2018 17 L’HÉRITAGE DU BOIS : ASSISE DE NOTRE PATRIMOINE

Par CÉCOBOIS Article paru dans Construire en bois, vol. 9, no 3, Automne 2017 https://www.cecobois.com/publications_documents/CECO-11024_Journal_Automne_2017_WEB.pdf

La valorisation du bois comme matériau de construction est sans aucun doute un sujet qui a su prendre sa place dans l’actualité au cours de la dernière décennie. De plus en plus, les constructions modernes en bois se multiplient à travers le monde, les produits se diversifient et les bâtiments gagnent en hauteur. Au Québec, l’enthousiasme envers ce matériau ne date pas d’hier. En effet, il existe entre les Québécois et le bois une complicité certaine dont les racines sont bien ancrées dans notre patrimoine.

Les Québécois sont attachés à leur patrimoine. Voilà pourquoi de nombreuses églises furent recon- verties afin de conserver le bâtiment d’origine.

Photo : Courtoisie Lapalme Rheault Architectes et Associés.

18- HISTOIRES FORESTIÈRES L’héritage du bois - assise de notre patrimoine

Historiquement, en raison de l’abondance de la Il ne fait aucun doute que la construction en bois ressource, le bois était le matériau privilégié dans fait partie intégrante de notre histoire et que les la plupart des infrastructures. On le retrouvait Québécois conservent, encore de nos jours, un vif partout, tant dans les maisons que dans les granges, sentiment d’attachement envers ce patrimoine. les étables, les commerces, les ponts ou les églises, Les manifestations de ce respect de l’héritage ne traçant ainsi les contours des paysages urbains et sont d’ailleurs pas rares. En effet, des communautés ruraux de notre belle province. Encore aujourd’hui, entières se mobilisent chaque année afin de nombreuses sont les constructions solides d’antan protéger leurs ponts ou leurs églises en bois de la qui se tiennent fermement debout, témoignant de la destruction au profit d’infrastructures modernes, durabilité remarquable de ce matériau. nous rappelant ainsi toute l’importance que revêt ce matériau au sein notre héritage collectif. Dans les années 1900 à 1920, les projets de constructions en bois abondaient dans les grands Plus d’une centaine de ponts couverts centenaires au centres urbains du Canada. La tendance était à Québec possèdent encore leur structure d’origine. la maçonnerie, particulièrement présente sur les murs extérieurs des bâtiments et dans les structures de planchers. N’étant alors soumis à aucune réglementation concernant l’utilisation du matériau bois, les constructeurs des grandes villes comme Montréal, Toronto et Vancouver ont érigé de superbes immeubles en bois dont la hauteur atteignait souvent six à neuf étages. Cependant, l’entrée en vigueur du Code national du bâtiment en 1941 en raison de nombreux cas de propagation rapide d’incendies, mettra fin à cette évolution vers le haut. Le nombre d’étages autorisé pour les bâtiments en bois fut réduit à quatre et l’apparition de nouveaux matériaux sur le marché capta l’attention des constructeurs qui se tournèrent peu à peu vers le béton et l’acier, considérés alors comme des matériaux plus modernes. Pont Perrault. Photos : © Pascal Conner Toutefois, le bois n’avait pas dit son dernier mot. Dans les années 1960, le développement du bois lamellé- collé facilitait la construction de poutres massives et son apparence noble était manifestement grandement appréciée dans les lieux spirituels où le béton et l’acier ne semblaient pas trouver leur place.

Au fil des années, les innovations dans les produits du bois ont permis la construction de plusieurs autres bâtiments, allant des centres sportifs aux écoles, en passant par les bibliothèques et les immeubles de bureaux. Ces avancées ont grandement contribué à améliorer la sécurité des bâtiments en bois, rendant ainsi le code de 1941 désuet et permettant au bois d’atteindre de nouveaux sommets. Pont de Powerscourt. Photos : © Pascal Conner

PRINTEMPS 2018 19 ENTREVUE DES PIONNIERS GILBERT TARDIF, propriétaire de l’entreprise Maibec

Par Aurélie Sierra

Gilbert Tardif et sa famille sont propriétaires de LE BOIS, LA CONSTRUCTION l’entreprise Maibec depuis 1980 et il y œuvre ET LES STATISTIQUES depuis 1970. Il a étudié en génie forestier et en mathématiques. Doté d’un esprit entrepreneurial Pouvez-vous me parler de votre parcours scolaire et et animé d’une passion pour les produits du bois professionnel ? à valeur ajoutée, il est un acteur important de l’évolution de l’industrie forestière au Québec. Je suis originaire de la région de Victoriaville, mon Nous avons rencontré Gilbert Tardif et nous père était cultivateur, nous avions aussi quelques lots avons parlé innovation. Tout d’abord parce que forestiers, on bûchait un peu de bois de chauffage. l’innovation est au cœur de l’histoire de l’industrie Ça a été mes premières expériences avec le bois, forestière québécoise. Mais, également parce que sur la ferme. En 1939, je suis parti étudier à Ottawa, Monsieur Tardif, grâce à ses réalisations tout au j’y ai passé 5 ans, puis je suis revenu poursuivre long de sa carrière, mais aussi grâce à sa vision mon cours classique à Nicolet, le plus ancien de nos humaine et moderne de ce que doit être l’innovation, collèges classiques après le Séminaire de Québec. est indéniablement un pilier important de cette Ensuite, je suis entré à la Faculté de génie forestier industrie. Son parcours nous invite à réfléchir sur la de l’Université Laval. Ce n’était pas le campus que l’on place du bois et des forêts dans notre société, sur connaît aujourd’hui, mais il fut le premier bâtiment notre capacité à comprendre les besoins sociaux et à du campus de Ste-Foy, on était un peu des pionniers. relever les défis économiques. Rapidement, je me suis intéressé au bois de structure, au bois de construction, surtout le lamellé-collé avec lequel on fait des poutres, des arches, etc. Louis Joncas, ingénieur civil, fut mon premier mentor. J’ai également suivi des cours de calcul des structures avec les professeurs Krieger de l’Université Laval.

20- HISTOIRES FORESTIÈRES Entreveue des pionniers - Gilbert Tardif

Donc dès ce moment-là, vous saviez que vous vouliez opérationnelle. J’ai alors passé deux ans chez KCS à aller vers le bois de construction ? Toronto dont le Dr Kates était le fondateur. Ce même Dr Kates avait obtenu son doctorat ès sciences de Oui, j’ai préféré ça à la sylviculture, j’étais plus intéressé l’Université de Toronto sur le sujet du développement par l’utilisation du bois que par sa culture. Ça vient des ordinateurs utilisés au traitement des affaires. sûrement de l’expérience à la ferme chez nous. On a C’est ainsi que le même ordinateur a été utilisé au construit des granges, ça m’avait initié et ça m’a amené traitement des budgets des hôpitaux du Québec à m’intéresser au bois de structure assez tôt, je crois. après l’institution de l’Assurance-hospitalisation des Après, je suis parti à l’Université de l’État de New York hôpitaux du Québec par Jean Lesage au début des pour faire une maîtrise en foresterie, mais surtout dans années 1960, mais aussi au calcul des bourses des le domaine de l’utilisation des bois. Ils enseignaient étudiants du Québec! le séchage, les structures, la transformation. J’ai fait ça durant une année, je suis revenu et j’ai eu mon À ce moment-là, et toujours chez KCS Ltd, j’entrepris premier emploi dans une entreprise qui s’appelait un projet de construction du programme linéaire visant Eagle Pencil. C’était une manufacture de crayons. Dans à la détermination du choix optimal d’une nouvelle cette entreprise, j’ai développé un système de contrôle usine de papier journal pour le Chicago Tribune et le de la qualité des produits. On examinait la constance New York News appartenant au colonel McCormick. des produits, on devait être sévère parce que l’on Ce même colonel était aussi propriétaire de la fabriquait des crayons de haute qualité destinés à papetière Québec et Ontario Paper de Baie-Comeau l’exportation. La théorie sur le contrôle de qualité et Thorold, en Ontario. Ce colonel voulait alors s’était beaucoup développée durant la guerre, quand augmenter la production de papier journal à partir ils fabriquaient des munitions notamment, il fallait que de ses propres usines ou d’autres usines du Québec la surveillance soit étroite. Ça s’était particulièrement et de l’Ontario. La solution recherchée était alors développé aux États-Unis où des statisticiens avaient celle de l’approvisionnement optimal de ses usines créé des systèmes de contrôle par échantillonnage de papier journal. La réponse qui fut donnée était de et autre. Après deux ans à Drummondville, je suis renforcer Baie-Comeau, jusqu’à saturation, et réaliser, reparti étudier en Caroline du Nord, en statistiques exceptionnellement, des achats libres ailleurs. Tout mathématiques. cela après la construction d’un programme linéaire d’optimisation formé d’une centaine de variables et une cinquantaine d’équations. Mon séjour chez KCS fut intensif et riche en expériences diverses.

Ensuite j’ai œuvré au sein du bureau de consultation Omer Lussier et Associés de 1964 à 1971. Je travaillais en collaboration avec Louis-Jean Lussier et Robert Darveau. Mes occupations principales au sein de ce Source : Eagle Pencil Co. New York. groupe furent principalement orientées sur deux projets d’envergure provinciale, la réalisation d’un plan directeur de confection et de déploiement d’un régime Qu’est-ce qui vous a intéressé dans les statistiques ? d’inventaire permanent des forêts du Québec et d’un plan directeur de développement et d’optimisation Il s’agit de statistiques mathématiques affectées des opérations de sept scieries de bois résineux de la aux problèmes d’échantillonnage et de contrôle péninsule de la Gaspésie. De façon plus ponctuelle, opérationnel. C’était la période après guerre qui a j’ai également travaillé sur l’approvisionnement en été témoin d’un fort développement des méthodes bouleau blanc (bouleau à papier) d’une usine de de contrôle opérationnel fondé sur la construction palettes et d’abaisse-langue et la rédaction d’un plan de modèles mathématiques (programmation linéaire directeur de fabrication et de commercialisation des et dynamique) dont la solution par méthode itérative copeaux de bois des scieries du Québec. se faisait par ordinateur. C’était alors le moment de l’introduction de ce nouvel outil de calcul affecté au développement des affaires et de la recherche

PRINTEMPS 2018 21 Entreveue des pionniers - Gilbert Tardif

CINQUANTE ANS Donc si je comprends bien, l’entreprise s’est beau- DE TRANSFORMATIONS coup transformée…

Et c’est après que vous avez commencé à travailler Oh oui, au début c’était une petite scierie, située à chez Maibec ? Saint-Pamphile, à la frontière du Maine, elle était assez mal conçue, il y avait des sources d’eau au sous-sol et toutes sortes de choses assez cocasses. Il C’était un de nos clients, j’avais fait des travaux de a fallu commencer par repenser l’usine, on a fait ça au consultation pour eux pendant quelques années. À fur et à mesure, en suivant un plan de développement. l’époque, le propriétaire c’était Monsieur Théberge, il Le complexe de bois de sciage s’est développé y avait des Lagueux aussi. Ils achetaient du bois pour graduellement en commençant par la scierie, les les industries de pâtes et papiers, les cultivateurs séchoirs et l’usine de rabotage. Puis ensuite vers coupaient leur bois durant l’hiver et ils le déposaient les produits à valeur ajoutée dont notamment les tout le long des rives du Saint-Laurent à partir de Trois- bois préteints de revêtements extérieurs et les bois Rivières et jusqu’en Gaspésie. L’entreprise récupérait d’ingénierie chassés mécaniquement. La récupération le bois en bateau l’été et le transportait dans les usines des résidus de production fut constamment intégrée à Québec ou à Trois-Rivières. Après, ils ont acheté à celle des produits principaux. Il s’agit ici des copeaux une petite scierie et c’est là que j’ai commencé. Je suis à pâtes, des écorces, des sciures et des copeaux de rentré en 1970, donc ça fait presque 50 ans maintenant rabotage dont le volume est presque égal à celui des que je suis au sein de la compagnie. Lorsque Monsieur produits principaux. De telle sorte que l’entreprise fut Théberge est décédé, je suis resté avec la succession, au cours de son histoire autant un chantier permanent puis avec deux autres employés on a acheté la de construction et de développement que des usines de compagnie. À ce moment, je me suis surtout occupé transformation à ronronnement continu. N’oublions de l’organisation des usines et du développement. En pas que parallèlement aux produits de sciages et à ses 1980, je leur ai proposé d’acheter la compagnie et dérivés, l’usine de production des bardeaux de cèdre depuis, on la développe avec ma famille. se développait en bordure de la frontière américaine. Nous sommes partis de quatre machines à bardeaux au départ, il y en a vingt-deux aujourd’hui. Et quels bardeaux maintenant par rapport à ce qu’ils étaient au début! Ils sont notamment équarris, séchés, teints au goût du consommateur. Au fil des années, Maibec a acquis une autre usine à bardeaux à Saint-Théophile, construit une autre à Pontiac et acheté une scierie de bois d’œuvre à Barraute en Abitibi.

Quand vous devenez propriétaire dans les années 1980, saviez-vous quels changements vous vouliez apporter, aviez-vous une vision précise dès le début ?

À ce moment-là, on visait la diversification et puis on essayait de se conformer à la réalité du marché qui s’était beaucoup normalisé au regard des produits offerts. C’étaient les deux enjeux, je dirais. C’est grâce à cette volonté de diversification qu’on est allé vers les techniques de séchage et la fabrication de produits à valeur ajoutée à l’état naturel et pré teint. On a également classé le bois en fonction de sa résistance mécanique, et ça, ça a été utile pour ceux qui faisaient des poutres lamellées-collées, de même que des Usines de Maibec, collection de la famille Tardif. arches, on pouvait leur donner exactement ce dont ils avaient besoin.

22- HISTOIRES FORESTIÈRES Entreveue des pionniers - Gilbert Tardif Entreveue des pionniers - Gilbert Tardif

L’INNOVATION, C’EST L’ENVIE D’ALLER Comment vient l’idée d’une innovation ou d’un PLUS LOIN TECHNIQUEMENT ET changement, ça vient de vous, du marché ou de HUMAINEMENT certaines demandes de clients ?

Parlons un peu d’innovation, si vous deviez me donner C’est un peu une combinaison de tout ça, de la demande, votre définition de l’innovation ? du marché et de l’observation. Disons que c’est l’envie d’aller plus loin et après on s’inspire à partir de plusieurs sources. Par exemple, on fait beaucoup de treillis, à L’innovation, elle peut avoir plusieurs aspects, dans l’époque ça se faisait uniquement en bois naturel. On a la façon de fabriquer le produit, ou en créant de eu l’idée de le teindre en diverses couleurs et ça a bien nouveaux produits. Pour nous, l’innovation allait dans fonctionné. On part de ce qui existe, cela nous suggère les deux sens. Le classement mécanique des bois de nouvelles idées et on va toujours un peu plus loin. se faisait assez peu, nous, on l’a intégré dans notre chaîne de production. Ça, c’est une de nos premières spécialisations. On a plus particulièrement travaillé Quand je vous entends, je comprends que vous sur le bardeau. Au départ, le bardeau, c’est un produit cherchez toujours une valeur ajoutée supplémentaire, assez irrégulier du point de vue des dimensions, on a c’est ça qui vous intéresse au fond ? pensé qu’il fallait équarrir le bois pour qu’il devienne plus régulier, pour faciliter la tâche de ceux qui le Oui c’est ça, disons que l’on ne veut pas répéter posent. On a fait beaucoup de normalisation de ce l’histoire, on veut pousser toujours plus loin nos point de vue. On a aussi essayé de classer le bardeau produits. La vraie question à se poser c’est : qu’est-ce par moyens optiques. Il y avait l’Institut National qu’on apporte de nouveau et comment est-ce qu’on d’Optique ici à Québec, on a travaillé avec eux pour l’apporte ? Parfois, on les a poussés trop loin aussi, le détecter les caractéristiques du bois par lecture marché ne répond pas toujours. Ce n’est pas juste à la optique. Ça n’a pas si bien fonctionné à l’époque, mais conception que ça se passe, il y a aussi toute la section ça mériterait d’être essayé à nouveau et ça pourrait des ventes, parfois c’est là que la partie se joue. Par fonctionner aujourd’hui. exemple, quand j’ai eu l’idée de teindre les bardeaux, ça venait d’une observation faite dans le Maine, il y a beaucoup de maisons en bardeaux qui ont changé de couleurs et qui sont noirs. On s’est dit que ce n’était pas très beau ce bardeau noir, et j’ai eu l’idée de le teindre, mais finalement dans le Maine ils n’achètent pas tellement de bardeau teint, ils préfèrent le laisser vieillir. Par contre, ici au Québec ou en Ontario, on vend plus de bardeaux teints, donc il faut aussi tenir compte des mentalités. Il faut constamment s’ajuster. On progresse donc par nos propres échecs, c’est comme ça que l’on a réussi à avancer.

J’imagine que l’innovation c’est aussi une façon de gérer la main-d’œuvre. Est-ce que vous avez eu à progresser là-dessus, à avancer ?

Oui, c’est un bon point, il faut former les gens. La plupart de nos employés ont suivi des cours, pas nécessairement dans la fabrication du bois, mais des cours de formation générale, de connaissances Bardeaux de cèdre teints, Maibec. générales, pour devenir plus agiles, plus réceptifs et ils collaborent davantage, ils apportent des idées. C’est une dimension importante pour notre direction du personnel de former nos gens. C’est devenu plus

PRINTEMPS 2018 23 Entreveue des pionniers - Gilbert Tardif automatisé, avec des équipements plus sophistiqués, et continuer à l’améliorer, et il faut travailler avec les ça demande moins de main-d’œuvre, mais une main- forces du milieu. Avec cet architecte-là par exemple, d’œuvre mieux formée. Et puis on les encourage à je suis allé voir FPInnovations, on travaille avec avoir leurs propres idées, comment améliorer leurs eux et avec l’Université Laval. Il faut apporter des conditions de travail, la meilleure façon de faire, etc. idées, mais pas nécessairement travailler sur tout le C’est une chose sur laquelle on travaille beaucoup, ils développement. Ça, c’est une autre partie qui peut participent vraiment aux projets de l’entreprise. être faite par d’autres partenaires. Et puis parfois, il faut savoir ne pas s’entêter (rires). Ce que l’on comprend en vous écoutant, c’est que l’innovation c’est aussi humain, ce sont UN CONTEXTE FAVORABLE des rencontres, des collaborations, c’est la compréhension des besoins et des mentalités… ET DES OPPORTUNITÉS À SAISIR

Est-ce que le contexte québécois est favorable à Exactement, aujourd’hui par exemple, on a un souci l’innovation ? plus grand concernant l’écologie, il y a un retour vers la nature. Le domaine de la construction est visé, car on emploie beaucoup de béton et d’acier qui ne sont Je pense que oui. En général, les Québécois pas des matériaux écologiques. Alors que le bois est aiment les choses nouvelles. Dans le domaine de un produit écologique, donc il séduit. On a un besoin la construction, nos ouvriers sont habiles, ils ont important en termes de nouveaux logements et on beaucoup d’aptitudes. Au niveau de la recherche, veut les construire de façon différente. Il est question FPInnovations et l’Université Laval apportent une de regrouper, de construire en hauteur plutôt qu’en belle contribution et une belle expertise. Notre étendue. C’est une tendance moderne, comment force c’est aussi de savoir adapter de nouvelles va-t-on répondre à cela? Et bien, le lamellé-collé est idées à notre milieu, à nos conditions de vie, ça fait une solution, on peut faire 25-30 étages avec ces partie de nos mœurs en quelque sorte, et la forêt panneaux et ça devient incombustible parce qu’une fait aussi partie des mœurs québécoises, c’est un fois superposés, ils ne brûlent pas, le bois se carbonise pays forestier. Mais, on pourrait être encore plus en surface et le feu s’éteint. Alors ça, c’est un progrès, créatif, par exemple sur l’aménagement des terrains un produit plus écologique et plus sécuritaire. actuellement abandonnés ou pas aménagés.

Ça fait longtemps que le Québec se bat pour Si vous étiez aujourd’hui un jeune dirigeant ramener plus de bois dans la construction, pour qu’il d’entreprise, que feriez-vous ? y ait plus de bâtiments en bois… Ce que j’aime moi, c’est lancer l’idée, faire des études Oui et aujourd’hui on est capable de soutenir préliminaires. Je vous ai parlé tout à l’heure d’un techniquement l’argumentaire pour favoriser les contact avec l’architecte français avec lequel on est constructions en bois, y compris de grands ensembles. en train de développer un nouveau produit. C’est ça C’est un domaine qui m’intéresse personnellement, qui me plaît, rechercher de nouveaux produits, une c’est pour cela que je continue à m’y intéresser. nouvelle qualité, de nouvelles utilisations du bois, surtout dans le contexte actuel. Continuer à travailler sur le lamellé-collé pour le rendre plus parfait, avec Quel rôle joue le chef d’entreprise dans ces une meilleure résistance. Personnellement, je ne vois processus d’innovation ? pas le jour où je vais arrêter de travailler, la retraite, ça ne m’intéresse pas (rires). C’est lui qui doit pousser son équipe, mais il ne doit pas tout faire. Un de ses rôles, c’est de fixer les objectifs. Avant de faire ces propositions, il doit faire des recherches personnelles et se questionner : « Si on le fait, qu’est-ce que ça va apporter ? » Par exemple en ce moment, je travaille avec un architecte français sur un nouveau produit. Maintenant, il faut élaguer

24- HISTOIRES FORESTIÈRES Entreveue des pionniers - Gilbert Tardif Entreveue des pionniers - Gilbert Tardif

Centre Vidéotron, gracieuseté de CÉCOBOIS.

Quels sont, selon vous, les grands défis des prochaines années ?

J’en vois deux principalement, comme je disais plus tôt, dans le domaine de la construction, le bois va devenir de plus en plus présent parce que le souci écologique des gens force l’abandon du béton et de l’acier. Il va falloir améliorer les collaborations entre l’industrie et le milieu de la construction et il va falloir que les pouvoirs publics soient sensibles à ces changements et qu’ils interviennent pour encourager cet avènement du bois. L’autre défi important au Québec se situe au niveau de la relève et du recrutement. C’est peut-être là qu’il va falloir innover le plus dans les prochaines années, sur nos façons de recruter de nouvelles personnes d’ici et d’ailleurs.

Poutres lamellées-collées dans un stade de soccer, gracieuseté de CÉCOBOIS.

PRINTEMPS 2018 25 CHRONIQUE : ANECDOTE HISTORIQUE — UN ÉQUIPEMENT AU NOM ÉVOCATEUR

Par Jean-Paul Gilbert

INTRODUCTION

Plusieurs auteurs rapportent que les pulperies de – Hébert, J.-F. et Coulombe, A., La Pulperie Chicoutimi et de Val-Jalbert étaient équipées de de Chicoutimi : un siècle d’histoire, métiers ce qui piqua ma curiosité. Il n’est pas question Chicoutimi, La Pulperie de Chicoutimi, 1998, ici des métiers exercés par les employés de ces 100 p. (ISBN 2-9803955-4-4), Wikipédia, moulins, mais bien d’une pièce d’équipement pour L’encyclopédie libre. Le procédé de fabrication essorer la pâte. de la pulpe nous apprend que : « … des pistons hydrauliques pressent le bois contre des meules Les métiers ne font-ils pas partie de la machinerie en granite qui tournent à grande vitesse et dont servant à travailler les textiles ? Alors pourquoi cette la surface est striée, ce qui défibre les billots pour appellation dans une usine de pâtes et papiers et d’où les transformer en minuscules fibres de bois. Ces provient-elle ? dernières sont mêlées à une grande quantité d’eau et passent à travers plusieurs tamis en direction LES SOURCES DOCUMENTAIRES des métiers. Ces machines tournent sans arrêt et permettent d’accumuler la fibre de bois pour lui Les deux moulins en question fabriquaient des pâtes donner une certaine épaisseur, soit 5 mm. Lorsque mécaniques commerciales avec des meules au cours cette mesure est atteinte, un ouvrier coupe la feuille des premières décennies du XXe siècle. Sans être de pulpe, la plie en 4 et la recouvre d’un treillis 1 exhaustive, voici quelques sources où il est question métallique. » des métiers : – Bouchard, L., historienne et archiviste, La Compagnie de pulpe de Chicoutimi. Un ouvrage sous – Côté, D., Le Saguenay–Lac-Saint-Jean, Les villes de la direction de Jean-François Hébert, La pulperie compagnies, Les Éditions GID, 2016, 208 p. chapitre de Chicoutimi — Un siècle d’histoire, p. 21-30. premier, Val-Jalbert (1902-1971), page 21, l’auteur Chicoutimi : Musée de La Pulperie de Chicoutimi, décrit en ces termes l’usine après son agrandissement : 1998, 100 p. L’auteure décrit l’opération des métiers « … après ces travaux, l’usine compte trois turbines, une dizaine de meules défibreuses, dix métiers, huit 1 https://fr.wikipedia.org/wiki/Pulperie_de_Chicoutimi , presses et neuf tamis… » consulté le 21 juin 2017. 26- HISTOIRES FORESTIÈRES Chronique : anecdote historique — Un équipement au nom évocateur

en ces termes : « Les fibres ainsi sélectionnées sont ORIGINE DU CANADIANISME MÉTIER expédiées au département des métiers et ramassées par un cylindre grillagé ; elles adhèrent par couches Sans en avoir la certitude, la similitude entre les « wet successives à un feutre sans fin qui permet de réduire machines » et les métiers à tisser d’une part et la graduellement leur teneur en eau, formant ainsi une ressemblance entre une feuille de pâte et une couverture feuille de pâte. 2» et une photo accompagne le texte : de coton blanc d’autre part, ont probablement inspiré l’auteur. La photo qui suit le prouve :

Métier à tisser. Machinerie (draper) de la Dominion Textile, vers 1938 © Société d’histoire de Magog

Département des métiers, pulperie de Chicoutimi, les opérateurs Les enquêtes orales effectuées par Gaston Gagnon, prennent la pose pour le photographe. conseiller en patrimoine et en muséologie du Fig. p. 28 b. Le secteur des métiers à l’intérieur du moulin #2. ministère de la Culture et des Communications, dans Source : Collection des Eudistes, fonds du Père Courtois. les années 1980 auprès d’anciens travailleurs de la Compagnie de pulpe de Chicoutimi nous apprennent http://classiques.uqac.ca/collection_histoire_SLSJ/bouchard_ louise/compagnie_pulpe_chicoutimi/compagnie_pulpe_chicou- que l’appellation métiers était courante. La timi_texte.html, consulté le 21 juin 2017. documentation fait aussi état des termes « rouleau », « rouleurs » ou « machine humide 3». Les listes de paie des employés de la pulperie de Val-Jalbert font QU’EST-CE QU’UN PRESSE-PÂTE ? également état du terme métier4 et l’on découvre dans des archives de ce moulin les termes « wet L’Histoire forestière multimédia de l’Outaouais, machine », « presse-pâte » et « ramasse-pâte ». Jean- Capsule C19, Ezra Butler Eddy et l’industrie des Pierre Charland note que « La fédération ouvrière pâtes et papiers présentent cette description : « Une mutuelle du nord compte 117 coupeurs en 1919. Avec “wet machine” de la fabrique de pâte mécanique. les opérateurs de défibreurs, c’est l’un des groupes de La pâte qui résulte du broyage des billots contient travailleurs importants. 5» Rappelons que les moulins plus de 60 % d’eau. Les rouleaux de cet appareil la de cette époque utilisaient environ un presse-pâte compriment pour réduire le pourcentage d’eau, ce pour chaque meule. qui donne des “couvertures” de pâte matelassée. On peut en voir, empilées derrière l’ouvrier. » Donc, les opérateurs de métiers se nommaient des « coupeurs » et non des « tisserands » comme nous Les « couvertures » sont ensuite pressées avec des aurions pu nous y attendre… si l’analogie avait été presses hydrauliques pour amener le contenu en poussée plus loin… eau autour de 50 %. Force est de conclure que nous avons affaire ici à une appellation métaphorique, un 3 Communications de l’auteur en juin 2017. canadianisme. 4 Communications avec mesdames Caroline Marcoux, historienne, Village historique de Val Jalbert et Cathleen Vickers, directrice des collections et de la recherche, La Pulperie de Chicoutimi / Musée du Saguenay–Lac-Saint-Jean en juin et décembre 2017. 2 http://classiques.uqac.ca/collection_histoire_SLSJ/bouchard_ 5 Charland, Jean-Pierre, 1990, Les pâtes et papiers au Québec louise/compagnie_pulpe_chicoutimi/compagnie_pulpe_chicoutimi_texte. 1880-1980, Institut québécois de recherche sur la culture, Québec. Page html , consulté le 21 juin 2017. 193 et 215. PRINTEMPS 2018 27 Chronique : anecdote historique — Un équipement au nom évocateur

Selon monsieur Gaston Gagnon, Julien Édouard Alfred Dubuc, fondateur et directeur-gérant de la Compagnie de pulpe de Chicoutimi favorisait l’usage de la langue française : « la langue française est la seule en usage dans tout l’établissement 6». Il en fut probablement ainsi au moulin de Val-Jalbert acquis par l’entreprise en 1909. Toutefois, nous ne pouvons affirmer que Dubuc fut lui-même l’auteur de ce canadianisme.

Ce nom évocateur cessa d’être utilisé avec la fermeture des deux usines saguenéennes alors que « wet machines et presse-pâte » furent adoptés par l’ensemble de l’industrie.

L’innovation, le thème principal de cette revue, ne porte pas seulement sur la technologie comme nous serions portés à le croire, mais aussi dans le domaine linguistique.

REMERCIEMENTS

À monsieur Gaston Gagnon dont les connaissances historiques ont permis de déchiffrer cette énigme et à mesdames Caroline Marcoux et Cathleen Vickers pour leurs conseils et recherches.

6 GAGNON, Gaston, Au Royaume du Saguenay et du Lac-Saint-Jean, « Une histoire à part entière, des origines à nos jours », Les Éditions GID, 2013. p. 169. Réf. # 50. Buis Arthur, « La province de Québec », Québec, Département de l’Agriculture de la province de Québec, 1900, p. 210-211.

28- HISTOIRES FORESTIÈRES Chronique : anecdote historique — Un équipement au nom évocateur MERCI À NOTRE PARTENAIRE

PRINTEMPS 2018 29 L’INNOVATION, FACTEUR DE L’ÉMERGENCE ET DU DÉVELOPPEMENT DE L’INDUSTRIE QUÉBÉCOISE DES PANNEAUX À BASE DE BOIS

Par Martin Claude Yemele, Ph. D., ing. f., MAP

L’auteur est un conseiller en développement industriel à la direction de la modernisation de l’industrie des produits forestiers (DMIPF), du Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) depuis 2008. À ce titre, il est responsable du secteur de l’industrie des panneaux composites à base de bois et coordonne actuellement la Plateforme d’innovation panneaux. Il a également coordonné plusieurs initiatives ministérielles au profit de l’industrie forestière notamment le Bureau de projets de Saint-Félicien, le Chantier Panneaux dans le cadre du Forum Innovation Bois qui s’est tenu à Rivière-du-Loup le 31 octobre 2016.

En outre, il est auteur et coauteur de plusieurs articles scientifiques publiés dans des journaux avec comité de lecture, professeur associé dans plusieurs universités canadiennes notamment l’Université Laval et membre de l’Ordre des ingénieurs forestiers du Québec (OIFQ).

INTRODUCTION

Depuis son émergence au Québec au début du canadienne et 21 % de la capacité de l’Amérique du XXe siècle, l’industrie des panneaux n’a cessé de Nord en panneaux de particules. Ainsi, le Québec se développer, de s’adapter, de se transformer occupe le deuxième rang, après l’Oregon, des États et d’innover. L’innovation a fortement marqué et Provinces nord-américaines productrices de l’industrie québécoise des panneaux tout au long de panneaux de particules et de fibres. son évolution et lui a permis de faire des avancées importantes si bien que certains de ces secteurs sont Cet article après une brève présentation de aujourd’hui parmi les chefs de file en Amérique du l’industrie québécoise des panneaux insiste sur son Nord. cheminement et les principales innovations qui ont marqué son évolution. Selon l’Association des panneaux composites (CPA)1 qui représente les intérêts des manufacturiers nord- américains de panneaux particules et de fibres, le Québec possède 80 % de la capacité de production

1 https://www.compositepanel.org/about-cpa/

30- HISTOIRES FORESTIÈRES L’innovation, facteur de l’émergence et du développement de l’industrie québécoise des panneaux à base de bois

L’INDUSTRIE QUÉBÉCOISE DES (cas des panneaux OSB), soit pour leurs propriétés PANNEAUX EN BREF esthétiques ou d’apparence dans l’industrie du meuble et des armoires ou comme isolant. L’industrie québécoise des panneaux de bois agglomérés est assez diversifiée. Elle comprend L’industrie québécoise des panneaux s’approvisionne des usines de fabrication de panneaux structuraux principalement d’essences feuillues notamment notamment les panneaux de lamelles orientées ou les peupliers et le bouleau à papier dans le cas de panneaux – OSB (oriented strand board), les bois panneaux OSB et de sous-produits d’usines de de placages lamellés ou stratifiés – LVL (Laminated sciage dans le cas des entreprises de fabrication de Veneer Lumber). Elle comprend aussi des usines de panneaux de particules, de panneaux de fibres MDF fabrication de panneaux non structuraux comme et HDF et de panneaux légers ou isolants. les panneaux de particules, les panneaux de fibres de moyenne et de haute densité (MDF et HDF) et Divers procédés, équipements et technologies sont de panneaux légers ou isolants. Les panneaux sont mis en œuvre pour fabriquer des panneaux qui principalement utilisés soit pour leurs propriétés respectent des standards élevés de performance, de structurales dans l’industrie de la construction sécurité et de certification environnementale exigés par les principaux marchés.

PORTRAIT DE L’INDUSTRIE QUÉBÉCOISE DES PANNEAUX AGGLOMÉRÉS

Source : Rapport du Chantier panneaux, Forum innovation bois, Rivière-du-Loup, 30 octobre 2016.

PRINTEMPS 2018 31 L’innovation, facteur de l’émergence et du développement de l’industrie québécoise des panneaux à base de bois

DÉFINITION DE L’INNOVATION

L’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) définit l’innovation comme étant la mise en œuvre d’un produit (bien ou service) ou d’un procédé nouveau ou sensiblement amélioré, d’une nouvelle méthode de commercialisation ou d’une nouvelle méthode organisationnelle dans les pratiques de l’entreprise, l’organisation du lieu de travail ou les relations extérieures2.

Cette définition débouche sur quatre types d’innovation notamment de produit, de procédé, de commercialisation et d’organisation selon le Manuel d’Oslo3 publié en 2005 par l’OCDE.

L’INNOVATION DANS L’INDUSTRIE QUÉBÉCOISE DES PANNEAUX

Un rapport de la FAO4 précise que le processus d’innovation dans l’industrie des produits forestiers est provoqué par trois facteurs principaux : les coûts, la réglementation et les stratégies visant à remplacer un produit existant.

L’industrie québécoise des panneaux n’échappe pas à cette règle. L’analyse de son cheminement historique présenté par Gilbert et Rouleau5 permet de distinguer trois grandes périodes d’innovation qui ont marqué son évolution. Les principaux évènements marquants qu’a connus cette industrie ont été illustrés dans le temps afin de permettre une meilleure compréhension et d’établir quelques liens à des fins d’analyse.

Ligne du temps6 de l’in- novation et de l’industrie des panneaux de bois.

2 https://www.economie.gouv.qc.ca/fileadmin/contenu/formations/mpa/materiel_pedagogique/defi_innovation/processus_innovation.pdf 3 Manuel d’Oslo: Principes directeurs pour le recueil et l’interprétation des données sur l’innovation, 3e édition. https://www.oecd.org/fr/ sites/strategiedelocdepourlinnovation/definirlinnovation.htm 4 UNECE-FAO. Produits bois innovants, Dans revue annuelle du marché des produits forestiers 2012-2013. http://www.unece.org/ fileadmin/DAM/timber/publications/FPAMR2013F.pdf 5 Gilbert J.P. et Rouleau F., 2012, Une industrie québécoise plus que centenaire : les panneaux de bois. Québec, SHFQ. (Mise à jour 13 janvier 2013) 6 Les informations utilisées pour l’élaboration de cette ligne du temps sont tirées de Gilbert J.P. 2012. Survol de l’évolution de l’industrie des pâtes et papiers au Québec 1805-2011, Rapport de recherche. SHFQ. et Gilbert J.P. et Rouleau F. 2012, Une industrie québécoise plus que centenaire : les panneaux de bois. Québec, SHFQ. (Mise à jour 13 janvier 2013)

32- HISTOIRES FORESTIÈRES L’innovation, facteur de l’émergence et du développement de l’industrie québécoise des panneaux à base de bois L’innovation, facteur de l’émergence et du développement de l’industrie québécoise des panneaux à base de bois

L’ÉMERGENCE ET L’EXPANSION Donnacona7. Trois autres usines seront construites au Québec entre 1930 et 1956 notamment à La première période débute avec l’invention du Gatineau, Louiseville et Pont-Rouge. Deux de ces contreplaqué par Witkowski et le dépôt du brevet à quatre usines sont toujours en activité. Il s’agit de Londres en 1884. Cette date est considérée par les Matériaux spécialisés Louiseville et de Matériaux de analystes comme le début de l’industrie des panneaux. construction BP à Pont-Rouge. Ces usines, qui ont Cette période s’étendra jusqu’aux années 1970. déjà été modernisées par le passé, nécessiteraient Elle est marquée par une innovation qui peut être davantage d’investissement pour une mise à niveau qualifiée d’émergente et d’expansion. On observe de leurs infrastructures de production. pendant cette période l’émergence de plusieurs types d’industries et de produits de panneaux ainsi qu’une Le panneau de particules a fait son apparition croissance importante du nombre d’usines. Cette pour se substituer, dans certaines applications, période qui correspond à l’âge d’or de l’industrie du aux contreplaqués et au bois d’œuvre de feuillus. contreplaqué a également connu la fabrication au Contrairement au contreplaqué dont la production Québec de panneaux de fibres de basse densité en était limitée par le rendement des forêts, les panneaux 1930, la naissance en Allemagne des panneaux de de particules jouissaient d’une bonne disponibilité particules en 1940 et la construction de la première de sous-produits du sciage tels que les sciures et usine de ce type au Québec en 1963. La fabrication les rabotures à prix très compétitifs. Ces produits des panneaux de fibres commence aussi au cours de conjoints étaient alors brûlés à la scierie parce qu’il n’y cette période soit précisément en 1963. avait pas de débouchés pour ces matières premières.

La fabrication du contreplaqué dépend grandement Les panneaux de fibres (MDF) sont apparus après des billes de bois de qualité avec un diamètre les panneaux de particules. Ils recherchent le important. Les essences de bois feuillu sont même type de matière ligneuse, mais visent des privilégiées dans la fabrication de ce produit. La utilisations différentes compte tenu d’une plus première usine de fabrication de contreplaqué de grande homogénéité qui leur permet d’être usinés, feuillu est construite au Québec en 1904 à Nominingue imprimés, peints ou recouverts comme du bois solide. dans les Laurentides. Toutefois, ce produit fabriqué à Des utilisations telles que les moulures, les battants partir de placages tranchés ou déroulés et assemblés d’armoires et les portes découlent de ces propriétés. en plusieurs couches perpendiculaires ne connaîtra son véritable essor que dans les années 1930 avec la venue de nouvelles colles résistante à l’humidité. L’ÉMERGENCE DE L’OSB Cette industrie va se développer au Québec si bien ET LE DÉCLIN DU CONTREPLAQUÉ que 13 usines vont y être construites au fil du temps. Ces usines, toutes d’essences feuillues, pouvaient Les années 1960 semblent annoncer un tournant compter sur une ressource forestière de qualité pour dans l’industrie du contreplaqué au Québec. Le répondre principalement aux besoins de l’industrie nombre d’usines n’augmente presque plus. Le marché du meuble. Le contreplaqué fabriqué au Québec s’est nord-américain de la construction domiciliaire qui illustré dans divers autres usages exigeant un niveau se développe rapidement provoque une demande élevé d’ingéniosité et d’innovation notamment la croissante de matériaux. Certains produits comme fabrication des bombardiers Mosquitos durant la les sciages ou les contreplaqués de résineux, ne Seconde Guerre mondiale. suffisent plus à la demande. Les billes de haute qualité et de dimensions importantes dont est tributaire la La fabrication par procédé humide de panneau production de contreplaqués deviennent de moins de fibres de basse densité découle du procédé en moins disponibles. papetier. C’est un peu tout naturellement que ce type d’usines, « prolongement » de l’industrie des pâtes et papiers, va faire son apparition au Québec en 1930 par la construction de la première usine à

7 http://shfq.ca/download/GILBERT-JP-Survol-de-lindustrie- des-pates-et-papiers-au-Qu%C3%A9bec-1805-2011-MAJ-01-13.pdf

PRINTEMPS 2018 33 L’innovation, facteur de l’émergence et du développement de l’industrie québécoise des panneaux à base de bois L’innovation, facteur de l’émergence et du développement de l’industrie québécoise des panneaux à base de bois

L’innovation va permettre le développement de produits de substitution pour répondre aux besoins du marché. Le panneau gaufré dont la première usine canadienne a été construite à Hudson Bay, Saskatchewan par Wizewood Products Ltd. en 1961, apparaît au Québec par la construction en 1980 des usines Malette Waferboard à Saint-Georges de Champlain et H Perron et Fils à La Sarre.

Les usines qui fabriquent ce nouveau panneau vont profiter dans leur développement de deux essences peu utilisées par l’industrie des pâtes et papiers très active au Québec. Il s’agit du peuplier faux-tremble et du bouleau à papier. Ces essences sont issues de la régénération naturelle qui s’est établie à la suite de violents feux qui ont dévasté le territoire forestier québécois au début du XXe siècle pendant la construction du chemin de fer Transcontinental.

Poutrelle en I : semelles en LVL et âme en panneau OSB Source : https://www.apawood.org/Data/Sites/1/media/images/ products/apa-i-joist.jpg

LES INNOVATIONS RÉCENTES ET L’ADAPTATION AU MARCHÉ

La croissance de l’industrie des panneaux notamment Panneaux OSB celles de l’OSB va se poursuivre jusqu’en 2005, date Source : https://www.apawood.org/Data/Sites/1/media/images/ à partir de laquelle l’industrie forestière québécoise products/apa-product-osb.jpg connaîtra des évènements qui auront des impacts significatifs dans tous ces secteurs. Par ailleurs, les travaux de recherche de Forintek, l’actuel FPInnovations, vont contribuer grandement L’un de ces évènements est le conflit du bois d’œuvre au développement et à l’amélioration des propriétés (Lumber IV) entre le Canada et les États-Unis qui du panneau OSB. Ce leadership acquis dès lors dans commence en 2001. Les scieries québécoises de bois la production de panneaux OSB par les entreprises résineux vont être affectées par les taxes imposées nord-américaines demeure reconnu mondialement. par les États-Unis. On assiste à des réductions de Au fil des années, l’innovation dans les équipements capacités de production, à la fermeture d’usines tels que les gaufriers a permis de générer des et à la consolidation de certaines entreprises avec lamelles plus minces et longues qui améliorent les des pertes d’emplois. L’industrie des panneaux qui performances mécaniques du panneau. De plus, s’approvisionne de sous-produits du sciage a été l’utilisation de telles lamelles facilite leur orientation affectée par ce conflit dont un accord a été conclu en croisée et leur disposition en couche. Certaines de octobre 2006. ces innovations ont permis la fabrication au Québec dès les années 1990 d’un nouveau produit structural pour la construction, la poutrelle en I. Ce produit est obtenu en intégrant généralement des éléments de panneau OSB et du bois de placages stratifiés ou LVL.

34- HISTOIRES FORESTIÈRES L’innovation, facteur de l’émergence et du développement de l’industrie québécoise des panneaux à base de bois L’innovation, facteur de l’émergence et du développement de l’industrie québécoise des panneaux à base de bois

À partir de 2006 on observe une diminution abrupte Les usines de panneaux utilisent de plus en plus des des mises en chantier aux États-Unis. L’industrie fibres recyclées provenant notamment des bois de forestière québécoise en général et le secteur des déconstruction issus des centres de tri. Au Québec, panneaux en particulier, déjà fragilisés au chapitre l’investissement le plus marquant dans ce domaine des approvisionnements par le conflit du bois d’œuvre a été réalisé par l’entreprise Tafisa à son usine de et la baisse de la possibilité forestière doivent Lac-Mégantic. La technologie RewoodMC9 de Tafisa maintenant subir les contrecoups de la crise des mises rend possible le recyclage et la valorisation dans en chantier surtout aux États-Unis avec une baisse la production de panneaux des fibres de bois post- importante de la demande de ses produits. Cette consommation et prolonge la période de stockage situation est qualifiée par de nombreux analystes de du carbone au lieu que ce bois se retrouve dans « perfect storm ». Elle connaîtra son point culminant un site d’enfouissement ou encore utilisé à des en 2009 avec à peine 500 000 mises en chantier aux fins énergétiques. Le concept de déconstruction États-Unis soit un peu moins du quart du nombre sélective que l’on souhaite intégrer de plus en plus enregistré en 2005. dans la conception de projets de construction de maison permettra dans le futur de récupérer et L’industrie québécoise des panneaux va affronter de valoriser davantage de bois provenant de la cette situation dont dépend en partie sa survie. On déconstruction. va assister à la réduction de la capacité de production et à la fermeture de certaines usines de panneaux D’autres investissements réalisés récemment dans partout en Amérique du Nord. Au Québec, trois les usines de panneaux au Québec ont permis usines d’OSB vont fermer temporairement ou de d’installer de nouvelles lignes de lamination des façon définitive. Il s’agit des usines de Louisiana Pacific panneaux de particules équipées de technologies à Saint-Michel-des-Saints et à Chambord ainsi que permettant de fabriquer des panneaux laminés l’usine de Norbord à Val-d’Or. L’usine de panneaux embossés synchronisés10. Cette technologie permet de fibres MDF à La-Baie qui appartenait à Uniboard d’imiter et de reproduire presque à la perfection la a également fermé définitivement. Ses équipements texture et les aspérités du grain du bois. ont été transférés à Moncure en Caroline du Nord afin d’être plus proches des marchés.

Le processus d’innovation dans l’industrie des panneaux a été guidé pendant cette dernière décennie par le contrôle des coûts de production et l’adaptation aux principaux marchés en répondant à de nouvelles normes réglementaires.

À partir de 2007, les entreprises nord-américaines de panneaux, dont celles du Québec, ont réalisé des investissements dans leurs usines pour réduire les niveaux d’émissions de formaldéhyde de leurs produits notamment les panneaux de particules et de fibres fabriqués principalement de résines urée- formaldéhyde afin de répondre aux exigences de la Panneaux de particules laminés. norme californienne California Air Resources Board Source : photo DMIPF à partir de produits d’usines québécoises de panneaux. (CARB)8. Cette norme est depuis applicable à tous les États américains.

8 http://shfq.ca/download/GILBERT-JP-Survol-de-lindustrie- 9 http://www.tafisa.ca/rewood des-pates-et-papiers-au-Qu%C3%A9bec-1805-2011-MAJ-01-13.pdf 10 Technologie Embossed-in-register (EIR) : Norme californienne CARB. http://www.decorativesurfaces.org/ http://surfaceandpanel.com/Features/Technology/Technology-Detail/ userfiles/filemanager/524/ synchronized-finishes-take-tfl-tonew-level-of-realism

PRINTEMPS 2018 35 L’innovation, facteur de l’émergence et du développement de l’industrie québécoise des panneaux à base de bois

Les usines québécoises d’OSB se caractérisent par leur petite taille comparativement aux autres usines nord-américaines. Ces usines ont surtout investi ces dernières années pour s’adapter aux nouvelles normes du Règlement sur l’assainissement de l’atmosphère. D’autres investissements dans les usines de ce secteur ont porté sur l’introduction d’adhésifs plus performants à base d’isocyanates et la fabrication de produits à grande valeur ajoutée tels que des panneaux avec une membrane coupe vapeur11.

L’innovation a permis d’utiliser certains panneaux dans des secteurs non traditionnels. Le produit de revêtement extérieur NaturetechMC fabriqué par l’entreprise KWP12 depuis 2008 à partir de panneaux de particules à base d’adhésif phénol formaldéhyde résistant à l’humidité en est une illustration.

La récupération des sciages courts combinée au développement des adhésifs et de la technologie du jointage ont favorisé l’essor de nouveaux produits Utilisation des panneaux CLT dans la construction en hauteur. d’ingénierie notamment le bois lamellé collé et Cas du bâtiment du projet Origine à Québec. le panneau lamellé croisé (CLT). Avec l’usine de © Photo : Stéphane Groleau. Source : Courtoisie de Cecobois Chantiers Chibougamau, le Québec détient l’une des plus importantes capacités de fabrication de ce Le secteur des contreplaqués a connu une produit de bois d’ingénierie au monde. transformation importante depuis le début des années 2000. De la fabrication habituelle du L’industrie des produits en bois d’ingénierie est contreplaqué formé de plusieurs couches de le secteur de l’industrie du bois qui enregistre placages ou plis croisés perpendiculairement, on actuellement le plus d’innovations notamment est progressivement passé au recouvrement de à cause de la forte influence des marchés et des substrats qui peuvent être des panneaux bruts de politiques gouvernementales. La contribution des particules ou de fibres par une ou deux couches de produits du bois à la lutte contre les changements placage de bois feuillus d’essences indigènes ou climatiques est reconnue par la plupart des experts exotiques. C’est ainsi que d’environ treize usines de à travers le monde. Les produits en bois d’ingénierie contreplaqués qui ont été construites au fil des ans tels que le CLT offrent des performances au Québec depuis leur apparition, seulement trois ou intéressantes pour la construction en hauteur quatre sont encore en activité et produisent surtout permettant de substituer des produits tels que le ces nouveaux types de panneaux « plaqués ». béton et l’acier.

11 http://www.cifq.com/fr/communiques-et-evenements/ communiques/investissement-de-17-m-chezproduits-forestiers-arbec- de-shawinigan-une-excellente-nouvelle-pour-l-essor-de-l-industrie- forestiereen-mauricie 12 https://www.kwpproducts.com/fr/naturetech/

36- HISTOIRES FORESTIÈRES L’innovation, facteur de l’émergence et du développement de l’industrie québécoise des panneaux à base de bois L’innovation, facteur de l’émergence et du développement de l’industrie québécoise des panneaux à base de bois

CONCLUSION MERCI À NOTRE MEMBRE VAN BRUYSSEL

L’industrie des panneaux joue un rôle essentiel dans l’optimisation de la chaîne de valeur des produits forestiers notamment par la transformation des ressources sous-utilisées en produits de valeur ajoutée pour l’industrie de la construction et de la rénovation ainsi que pour l’industrie du meuble, des armoires de cuisine et de salles de bain, des planchers laminés et d’ingénierie.

Historiquement, l’industrie des panneaux est principalement le résultat d’un processus d’innovation qui visait à répondre à la baisse de la qualité de la ressource forestière ou à la valorisation de sous-produits générés par d’autres procédés de transformation notamment le sciage. C’est également l’innovation qui a permis à l’industrie québécoise des panneaux de s’adapter aux défis du changement de matières premières au fil des années, de se développer, de se diversifier, de se moderniser et de Utilisation des panneaux CLT dans la construction en hauteur. répondre aux exigences du marché en produits plus Cas du bâtiment du projet Origine à Québec. performants, sécuritaires et moins dommageables © Photo : Stéphane Groleau. Source : Courtoisie de Cecobois pour l’environnement. Ces défis se poursuivent et demeureront les principaux moteurs de l’innovation et de la transformation de l’industrie des panneaux. Le secteur des contreplaqués a connu une Ses principaux partenaires notamment les centres transformation importante depuis le début des de recherche et les gouvernements continueront de années 2000. De la fabrication habituelle du l’appuyer dans cette voie. contreplaqué formé de plusieurs couches de placages ou plis croisés perpendiculairement, on est progressivement passé au recouvrement de substrats qui peuvent être des panneaux bruts de particules ou de fibres par une ou deux couches de REMERCIEMENTS placage de bois feuillus d’essences indigènes ou exotiques. C’est ainsi que d’environ treize usines de L’auteur tient à remercier messieurs André Denis, contreplaqués qui ont été construites au fil des ans Larry Tremblay, Jean-Noël Jr Savoie respectivement au Québec depuis leur apparition, seulement trois ou gestionnaire, économiste et stagiaire à la DMIPF quatre sont encore en activité et produisent surtout du MFFP pour leurs contributions. Il remercie ces nouveaux types de panneaux « plaqués ». également M. Alain Cloutier, Professeur et directeur du Département des sciences du bois et de la forêt à la Faculté de foresterie, de géographie et de géomatique de l’Université Laval et qui a bien voulu relire ce manuscrit.

PRINTEMPS 2018 37 TÉMOIGNAGE LE CENTRE DE RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT DE CASCADES Par Martin P. Pelletier, ing., Ph.D., Fondateur du CRD

L’histoire du Centre de recherche et de développement (CRD) de Cascades a commencé vers 1980 alors que j’étais directeur général de l’usine de Papiers Cascades (Cabano) inc. Étant diplômé d’un doctorat en génie chimique, Bernard Lemaire m’avait laissé entendre que, « quand Cabano deviendrait rentable », il me demanderait de démarrer un Centre de recherche et développement à Kingsey Falls. La rentabilité de l’usine a été au rendez-vous en 1984, huit années après son démarrage et l’est demeuré depuis !

En 1983, puisqu’on percevait que l’usine sortirait de l’encre rouge, Bernard m’avait demandé d’aller en Europe, en France plus précisément, pour visiter le Centre de recherche et les usines de carton et de papier de la compagnie française Béghin-Say. Cascades inc. s’apprêtait alors à investir avec Béghin-Say dans une usine de serviettes périodiques et de couches pour adultes à Drummondville et Bernard avait beaucoup aimé la visite du CRD de Béghin-Say. Il me demandait de m’inspirer de leurs installations pour concevoir celui de Kingsey Falls. J’ai donc fait ce voyage et visité ce CRD ainsi que plusieurs de leurs usines de carton plat et de tissus.

RAISONS DE BERNARD LEMAIRE POUR DÉMARRER UN CENTRE DE RECHERCHE

À cette époque, Cascades inc. était une petite compagnie de pâtes et papiers qui se spécialisait principalement dans le recyclage de vieux papiers. Bernard avait démarré la compagnie avec son frère Laurent et son autre frère Alain les avait par la suite rejoints. Étant donné que les papetières canadiennes étaient beaucoup plus grosses et puissantes que Cascades, Bernard avait adopté une attitude de profil bas pour éviter que ces grosses compagnies le voient comme un concurrent important. En même temps, il avait développé une philosophie de gestion avec ses employés qui prônait la transparence, le respect, la modestie, le travail d’équipe et surtout le partage des profits à tous les niveaux d’employés de la compagnie.

Cette philosophie de gestion avait fait école et était certainement un élément majeur du succès de Cascades et Bernard craignait que des contacts avec les autres compagnies ne contaminent l’esprit qu’il avait réussi à implanter chez tous les employés de Cascades. Il s’en tenait donc à son profil bas tout en faisant progresser Cascades.

38- HISTOIRES FORESTIÈRES MERCI À NOTRE MEMBRE VAN BRUYSSEL

PRINTEMPS 2018 39 Le Centre de recherche et développement de Cascades

Objectifs du Centre de Recherche que l’argent investi dans ce domaine ne rapportait pas assez rapidement. De cette façon, nous avions Le centre de recherche avait pour but les principaux vécu que plusieurs CRD privés de compagnie avaient éléments suivants : été fermés, laissant ainsi toute la place à PAPRICAN, le centre de recherche qui regroupait l’ensemble des papetières canadiennes1. • Faire des recherches et développements dans le domaine du recyclage, un domaine alors peu connu et peu exploité par les papetières Pour Laurent Lemaire, il était clair que pour canadiennes. maintenir le CRD en vie à long terme, il faudrait qu’il génère ses propres revenus de façon à ne pas • Développer une expertise et un lieu possédant dépendre du corporatif pour sa survie. Avec cette les équipements sophistiqués nécessaires en idée en tête, voici les règles sur lesquelles a été conçu recherche et développement (R & D) et que les le CRD de Cascades : usines ne pouvaient pas se permettre d’acheter seules. • La mise de fonds initiale, bâtisse et équipements de démarrage sera faite par Cascades. • Développer de bons scientifiques avec la « fibre Cascades » de façon à former un bassin de cadres • Le CRD devra vendre ses services de façon à potentiels pour les usines. générer l’argent nécessaire à son fonctionnement.

Ce dernier but a été rempli de façon très efficace, • Les profits avant impôt et amortissement tellement que le CRD a été un peu victime de seront laissés dans l’entreprise et pourront son succès en « perdant » bon nombre de jeunes être réinvestis dans l’achat d’équipements scientifiques au profit des usines. Il a fallu en cours additionnels. de route ajouter quelques règles pour éviter que le CRD soit perdant dans le recrutement de ses Ces règles sont toutes simples mais conduisent meilleurs éléments par les usines. Il fallait également les acteurs à mettre l’accent sur une conception que la perte d’un chercheur que le CRD avait formé différente des chercheurs et de la recherche que celle scientifiquement et développé dans l’esprit de des papetières conventionnelles. En particulier, les Cascades soit compensée par l’usine qui venait le chercheurs recrutés doivent avoir les habiletés chercher. Nous avons mis au point des formules de suivantes : compensation pour la perte de nos éléments au profit des usines. Dans la majorité des cas, puisque l’usine • Une capacité scientifique et technique indéniable. connaissait le candidat et l’avait « testé », elle ne voyait La compétence inspire la confiance des clients pas la compensation comme un prix trop élevé. Je dois potentiels. ajouter qu’aujourd’hui beaucoup de nos anciens sont devenus des rouages importants dans la marche de • Un esprit entrepreneurial qui permet d’aller offrir nos usines. Plusieurs sont devenus directeur d’usine ses services à des clients potentiels. et même occupent des postes encore plus importants. • Un coût abordable pour les services rendus. ÉTABLISSEMENT DES RÈGLES • La capacité de prendre la pression inhérente à DE FONCTIONNEMENT DU CRD l’obligation de générer sa propre rémunération. La plus grande préoccupation des frères était la crainte de voir disparaître le CRD dans la foulée d’une 1 Nous avons essayé de travailler avec PAPRICAN à la fin des baisse cyclique des affaires, typique à l’industrie des années 80 en proposant de travailler sur la base de contrats. Cette pâtes et papiers. En effet, l’histoire des CRD de nos approche n’avait pas été retenue par la direction de PAPRICAN. D’autre part, puisque les fonds de recherche de PAPRICAN provenaient des compétiteurs nous avait instruits que lorsque l’argent papetières membres, il était normal que les recherches soient orientées se faisait plus rare, la première réaction était de vers leurs affinités, qui étaient à ce moment-là, le papier journal et la pâte chimique, deux domaines dans lesquels Cascades n’avait pas « couper » dans les budgets de R & D, soi-disant parce d’activité.

40- HISTOIRES FORESTIÈRES Le Centre de recherche et développement de Cascades

• Une nécessaire orientation pratique quant aux m’efforçais d’utiliser les forces de mes collaborateurs travaux offerts, de façon à inciter les usines à du CRD pour résoudre plusieurs problèmes recourir aux services du CRD. techniques et laisser savoir ouvertement que les solutions trouvées venaient du CRD. Avec ces contraintes, nous avions des obstacles sérieux au recrutement des jeunes chercheurs. Au Il a fallu 6 ans et l’engagement de plusieurs autres fil des années, nous avons perdu quelques bons personnes, scientifiques, ingénieurs et techniciens, chercheurs pour lesquels ces critères présentaient avant que nous puissions générer les revenus des difficultés. nécessaires à notre indépendance financière. Une fois que ces années difficiles furent passées, nous avons toujours réussi à couvrir tous nos frais courants DÉMARRAGE DIFFICILE DES avec les revenus générés. Les surplus, comme le OPÉRATIONS DU CRD souhaitaient les frères, étaient affectés à l’achat d’équipements fort utiles, mais trop coûteux pour Jusque-là, les frères Lemaire avaient fonctionné que les usines se les offrent. presque en autarcie, exécutant eux-mêmes la construction et l’opération de leurs unités. J’étais Quelques-uns de nos chercheurs avaient une le premier ingénieur engagé par Cascades et orientation plus recherche fondamentale j’imagine que Bernard avait compris à mon contact qu’appliquée. Pour les satisfaire, il a fallu trouver qu’une personne bien formée pouvait faire sienne un moyen de financer des recherches plus adaptées la « philosophie » de Cascades tout en rendant de à leurs ambitions. La solution a été de former des précieux services qu’une personne moins instruite consortiums d’usine unis par un sujet à long terme aurait eu de la difficulté à rendre. qui les interpellaient. Les sujets contenaient quand même un objectif parfois lointain de développement Même si les frères comprenaient très bien que je de nouveaux produits ou de procédés. C’était le lien pouvais rendre ces services, il en était tout autrement qui unissait ces usines et les incitait à financer ces de la part des employés qui voyaient dans le CRD recherches. un service inutile puisqu’ils avaient toujours résolu leurs problèmes avec les frères dans le passé. Mais, Cascades grossissait et les frères devenaient moins Développement du CRD disponibles à mesure que la taille de la compagnie augmentait. En fait, quelques cadres importants • Microscopie de Cascades ne trouvaient pas que le CRD était une bonne idée… et les frères les respectaient ! Peu après les débuts du CRD, on a senti le besoin Mon objectif premier a donc été de démontrer aux d’adjoindre un service qui pourrait donner au Centre employés et cadres de Cascades que le CRD pouvait la possibilité de résoudre quantités de problèmes être un outil extraordinaire dans la solution de qui survenaient dans nos usines. Nous nous sommes problèmes techniques et parfois complexes. adjoint un microscopiste chevronné et lui avons donné un microscope capable de résoudre plusieurs problèmes de nos clients qui se plaignaient de la En 1985-1986, après la construction de ce que qualité des produits. Dans beaucoup de cas, nous je voyais comme la moitié de la future bâtisse et trouvions la cause des problèmes et suggérions les l’installation d’un laboratoire adéquat pour les pâtes changements nécessaires soit dans nos opérations ou et papiers, j’ai engagé un bon jeune chimiste et un bon assez souvent dans celles de nos clients. Nous nous technicien de laboratoire. Je leur ai expliqué que je sommes bâtis en ce faisant une très bonne réputation m’attendais à ce qu’ils démontrent éventuellement auprès de nos clients et de nos usines. La photographie la nécessité du CRD auprès des employés et cadres suivante montre une partie de l’installation actuelle de Kingsey Falls. Je leur fis part de mon souhait que du laboratoire de microscopie. Elle est équipée entre le CRD génère éventuellement suffisamment de autres d’un microscope électronique très moderne. revenus pour opérer de façon autonome. Pour ma part, comme je continuais à superviser des usines, je

PRINTEMPS 2018 41 Le Centre de recherche et développement de Cascades

services au CRD. Nous avons toujours maintenu un nombre d’environ 10 chercheurs dans ce domaine depuis sa création.

Le directeur actuel du CRD, l’ingénieur chimique Jean Morin, fut le premier ingénieur de ce groupe et celui qui mit au point l’utilisation du logiciel de simulation.

• Finalisation de la bâtisse et des laboratoires

À la fin de 1997, on me demanda de laisser ma place de directeur du CRD pour œuvrer à plein temps dans la nouvelle compagnie de cartonnage ondulée, Norampac Inc. Comme Norampac résultait de la fusion des activités de carton ondulé de Cascades et Microscope électronique (MEB). de Domtar, il était logique que je consacre toutes mes énergies à la nouvelle compagnie. • Groupe d’ingénierie de procédé En même temps, le CRD avait suffisamment évolué et Comme je constatais assez souvent que des avait démontré qu’il pouvait survivre par lui-même. changements de procédés technologiques amenaient Puis, la décision de terminer la bâtisse que j’avais fréquemment d’autres problèmes dans d’autres conçue au départ fut prise et exécutée. Nous sections des usines, j’ai pensé démarrer un groupe étions alors pas mal à la suite au développement du d’ingénierie de procédé. Cela passait par l’utilisation personnel et de l’achat de multiples équipements. d’un logiciel de simulation. Après avoir simulé le On a donc complété notre bâtisse en 1998 ( plus que procédé de l’usine, on simulait le ou les changements doublé la surface ! ). que l’on voulait faire et on pouvait ainsi prévoir les effets des changements avant de les faire réellement. Avec le premier agrandissement, on a planifié de faire L’outil permettait d’éviter des erreurs coûteuses un atrium au centre de la bâtisse. À cet endroit, on et, sans être parfait, donnait une confiance accrue peut manger (une dînette est accessible !), et on peut dans les changements envisagés. Les diagrammes prendre les pauses ou même faire de petites réunions. d’écoulement développés permettaient également On m’a fait une fleur en nommant cet espace à mon avec le temps de bâtir une connaissance pointue des nom. La photo qui suit reproduit la plaque suspendue procédés. Cette connaissance servait par la suite à la en mon honneur dans cet espace. conception de nouvelles usines.

Plusieurs cas de simulation ont permis de démontrer l’utilité de cette procédure et peu de temps après le début de ce groupe, on a pu le faire grandir à la suite de demande des usines qui y voyaient un moyen d’éviter de se tromper dans les changements de procédés. C’est ainsi qu’une bonne quantité de jeunes ingénieurs ont été formés et ont acquis l’esprit souhaité dans les opérations de Cascades. Ce groupe a été également une grande source de dirigeants potentiels, car leur travail dans les usines les faisait connaître et souvent les usines voulaient les embaucher. Plusieurs anciens de ce groupe sont aujourd’hui des cadres importants (v-p opération, directeur d’usine, etc.) qui contribuent au succès de la compagnie, en plus de demander des Plaque suspendue dans l’atrium.

42- HISTOIRES FORESTIÈRES Le Centre de recherche et développement de Cascades

Les années ont passé, les services du CRD ont évolué d’une équipe plus forte et plus complète, possibilité et grandi et les locaux sont devenus encore une fois d’aller supporter les clients de Cascades au chapitre très étroits ce qui a forcé un réaménagement interne des services techniques en plus des produits offerts, majeur en 2016 (plus de la moitié du CRD a été rester compétitif avec le marché externe, alimenter réaménagé). Ce dernier réaménagement a permis nos idées et savoir-faire pour l’innovation, etc. d’intégrer le nouveau Centre d’Innovation Cascades (CIC) ainsi que d’augmenter le nombre de bureaux disponibles pour les employés. Les laboratoires ont PRINCIPALES RÉALISATIONS aussi été optimisés pour tenir compte des nouveaux besoins internes de Cascades. Il faut dire que Depuis les plus de trente ans du CRD, il semble bien l’innovation prend maintenant une place importante que l’utilisation et l’utilité du CRD ne se démentent dans la stratégie de Cascades et cela se reflète par le plus. Aujourd’hui, plus de 70 scientifiques, ingénieurs nombre grandissant de scientifiques en R&D qui sont et techniciens travaillent à solutionner des problèmes dédiés aux projets innovation. Cela se traduit par le difficiles, développer de nouveaux produits et former constat actuel qui semble récurrent : notre CRD est des personnes à la philosophie de Cascades. On peut encore trop petit ! Nous travaillons donc actuellement dire que le CRD est un rouage important dans le sur un nouveau projet d’agrandissement. développement de Cascades.

Lors de l’élaboration des changements aux locaux, Au-delà des travaux qui occupent les chercheurs, on les chercheurs ont insisté pour que leurs bureaux doit noter quelques réalisations qui ont été des points soient situés dans un espace ouvert. De cette tournants dans la vie de Cascades. J’en ai retenu six, façon, disaient-ils, cela permettrait d’échanger plus mais j’en ai laissé des centaines. Les voici : facilement avec les confrères et diminuerait la perte de temps. Voici une photo des nouveaux bureaux. • Développement de la boîte « North Box » pour le marché du e-food.

Qui n’a pas entendu parler des repas livrés directement à la maison et qui vous permettent de cuisiner santé et à votre goût ? Ce type de livraison requiert un emballage qui préserve les aliments durant le transport (boîte isolante). Cascades a développé une solution recyclable à la boîte traditionnelle de styromousse. Les scientifiques du CRD ont été directement impliqués dans le développement de cette solution d’emballage qui répond à un marché en pleine croissance actuellement.

• Développement d’un analyseur en ligne de contaminants hydrophobiques (stickies).

Parallèlement, l’équipe du CRD a été intégrée en Pour les usines qui œuvrent dans le domaine des 2016 avec deux autres équipes techniques internes papiers recyclés, les « stickies » représentent un (équipe et équipe ) pour former énergie ing. et projets problème aigu dans la perte de qualité des produits une compagnie en soi : Cascades CS+ (pour Cascades ou dans les difficultés d’opération. Cet appareil Services +). Cascades CS+ offre donc une gamme développé au CRD permet de suivre en temps réel complète de services techniques aux clients internes l’évolution du contenu de la pâte en « stickies » et de Cascades, mais aussi à des clients externes de faire les corrections de procédé nécessaires. Cet du secteur manufacturier. Actuellement le ratio analyseur est breveté dans plusieurs pays. interne-externe est de l’ordre de 70/30. Cet équilibre apporte plusieurs bienfaits pour CS+ : maintien

PRINTEMPS 2018 43 Le Centre de recherche et développement de Cascades

• Design, installation et démarrage de plusieurs été reconnue comme une compagnie sensible à équipements papetiers. (Désencrage Memphis, l’environnement et le blanchiment des pâtes sans Usine Greenpac, Machines à tissus, etc.) chlore faisait partie de son ADN. Aujourd’hui, nos usines s’enorgueillissent de ne pas utiliser de chlore L’expertise développée par les scientifiques et le ou de ses dérivés pour obtenir la blancheur souhaitée groupe d’ingénierie de procédés a conduit à la de nos produits recyclés. possibilité de dessiner des usines intégrant tout notre savoir dans les pâtes recyclées. Du design au Le CRD de Cascades a démontré avec les années qu’il démarrage en passant par l’installation, l’équipe de est possible de maintenir ce genre d’activités même si CS+ prend en charge l’entièreté du projet. la conjoncture économique ne s’y prête pas. On peut ajouter que la R&D devient encore plus importante • Développement de plusieurs couchages avec dans ces moments-là. Le point de différentiation qui fonctionnalités spécifiques. permet au CRD de se développer est assurément son mode de financement (utilisateur-payeur). Ce mode L’équipe du CRD a développé un couchage pour assure aussi que les projets effectués sont en lien avec les plats de restauration rapide (ex. : poutine) et ce les besoins des clients. Je crois que les clients de leur complètement recyclable et compostable. côté comprennent que ce service est essentiel pour les aider à sortir de leurs problèmes et qu’investir • Mise au point de séquences de blanchiment sans dans ce domaine est réellement un moyen efficace de chlore. les aider.

Dès le début du CRD, ce fut un objectif de mettre au Aujourd’hui, la bâtisse et les équipements sont point des séquences de blanchiment sans chlore pour disponibles, mais il ne faudra jamais oublier que c’est les pâtes recyclées blanches. Cascades a toujours le personnel qui l’utilise qui fait la différence.

MERCI À NOTRE MEMBRE VAN BRUYSSEL

44- HISTOIRES FORESTIÈRES Le Centre de recherche et développement de Cascades

UN MARCHAND DE BOIS DE LONGUE DATE DE QUÉBEC RAPPELLE LES TOUT PREMIERS JOURS DU COMMERCE DU BOIS CARRÉ

Par : Pierre Auger

Partant d’un texte paru dans la presse spécialisée du premier quart du XXe siècle et consacré aux activités de commerce du bois conduites par la famille Auger de Québec, nous présentons dans cet article l’histoire de ces marchands de bois s’étendant sur quatre générations et de leur entreprise logée pour les 30 dernières années dans le quartier Limoilou sur la rue Industrielle à Québec et exerçant leurs activités sous la raison sociale « Auger & Auger ltée » (bois et matériaux de construction) jusqu’au début des années 1980, après plus de cent ans de commerce du bois.

Le texte est paru en anglais dans la revue Canada Lumberman1 en septembre 1926 avec le titre « Veteran Quebec Timber Merchant recalls early days of Square Timber Trade », le texte original de l’article a été mis au point par la rédaction de la revue d’après des notes manuscrites de Amédée J. Auger lui-même. Le texte relate des souvenirs de la carrière d’ A. J. Auger, marchand de bois établi à Québec dès 1874 et patriarche d’une famille étroitement associée au commerce du bois pendant plus d’un siècle.

1 Canada Lumberman, Toronto, v.46, no 15, septembre 1926. Amédée J. Auger, archives de l’auteur.

PRINTEMPS 2018 45 Un marchand de bois de longue date

NOTICE BIOGRAPHIQUE Unis. Autour de 1906, Armand G. Auger fonde la INTRODUCTIVE2 « Charlevoix Lumber Company » pour l’exploitation d’une « limite à bois » à Port-aux-Quilles. Dès 1920, M. Amédée J. Auger est né à Québec le 28 septembre la raison sociale de la compagnie est devenue « Auger 1841. Il a passé son enfance dans la paroisse & Fils ». Les activités forestières de la compagnie se Saint-Roch de la même ville. Après des études poursuivirent avec l’ajout d’une scierie au Lac-à-Jim commerciales chez les Frères des Écoles chrétiennes (Saguenay–Lac-Saint-Jean), puis stoppées par la de Québec, il est entré comme comptable dans une grande crise économique de 1929. Puis dans les entreprise importante qui faisait le commerce du années 1930, l’exploitation d’une scierie à St-Pacôme bois au Canada. Durant ces années, il fut aussi à dans le Kamouraska sous la raison sociale « Auger même de suivre et d’étudier de près les rouages des Lumber ». Au fil des ans et des changements de raison opérations conduites dans cette vaste industrie, sociale, le siège social de l’entreprise a été localisé tour la plus considérable au Canada, particulièrement à tour au 71 et au 132 de la rue Saint-Pierre dans les opérations de flottage dans la vallée de le vieux quartier d’affaires de Québec, puis à Saint- l’Outaouais. Ses fonctions consistaient alors à Roch dans la Basse-Ville, au 187 rue de la Couronne surveiller l’assemblage des grandes coupes de bois, (coin Daulac) et finalement au 48 (devenu le 1200) l’équarrissage des bois récoltés (industrie du bois de l’avenue Industrielle dans le quartier Limoilou, carré), leur mise en longs trains de cages de bois, de près du site actuel de l’incinérateur de Québec. La même que le flottage et la conduite de ces immenses Compagnie « Auger & Auger Ltée », à sa dissolution trains de bois jusqu’au port de Québec, en destination en 1980, logeait encore à cette enseigne. des marchés de l’Europe et des États-Unis. En 1866, M. Auger établit, à Montréal, un commerce de bois sous la raison sociale « Auger Lumber » qu’il opéra jusqu’en 18743. En cette dernière année, il alla se fixer dans sa ville natale, à Québec où il mit sur pied un commerce d’exportation de bois qui a prospéré à cette époque. Au début des années 1900, M. A. J. Auger père s’est associé son fils, Armand G. Auger, pour le seconder dans ses activités commerciales. Ce dernier a alors rejoint la Maison Auger & Son dès sa sortie des écoles ; c’est donc dire qu’il est entré très jeune dans la vie active et qu’il a été affecté aux tâches de création et de recherche des marchés de production et de consommation des produits forestiers. Les nouveaux marchés avaient alors évolué vers le bois à pâte alors appelé bois de pulpe, les traverses de chemin de fer et les poteaux télégraphiques, produits qui ont pris durant ces années des proportions plus étendues en raison de l’augmentation du réseau des voies ferrées, de ceux des communications télégraphiques et téléphoniques, du transport de l’électricité et enfin, celui du développement de l’industrie de la fabrication des produits dérivés de la fibre de bois, le papier journal, entre autres. La maison « Auger & Son » tient alors un rang enviable dans ce secteur du commerce canadien. Il a été dans les faits le premier exportateur canadien de bois à pâte vers les États- Armand-Gabriel Auger, archives de l’auteur.

2 D’après un article anonyme paru en français en 1906 à Québec dans le journal d’affaires Notre Monde Commercial. 3 Est-il nécessaire de souligner qu’à cette époque les raisons sociales en langue anglaise foisonnaient dans le commerce largement dominé par les marchands anglais.

46- HISTOIRES FORESTIÈRES Un marchand de bois de longue date Un marchand de bois de longue date

Voici les raisons sociales successives utilisées pour dénommer l’entreprise familiale au fil des ans :

• 1866 – 1874 « Auger Lumber » : Amédée J. Auger, marchand de bois à Montréal • 1874 — 1899 « Auger Lumber » : Amédée J. Auger, marchand de bois à Québec • 1900 - 1919 « Auger & Son » : Amédée J. Auger et Armand G. Auger, marchands de bois à Québec • 1906 « Charlevoix Lumber » : Armand Gabriel Auger, Port-aux-Quilles • 1920 – 1931 « Auger & Son » devient « Auger & fils », Québec • 1932-1948 « Auger & Auger » : Armand G. Auger, Antoine A. Auger, René Auger et Louis Auger • 1949-1980 « Auger & Auger Ltée » : Antoine A. Auger, René Auger et Louis Auger, Québec

En termes d’activités, selon les époques, l’entreprise s’est adonnée au commerce et au transport du bois carré par trains de bois, au sciage du bois et à son commerce, à la fabrication de bardeaux de cèdre, au commerce de poteaux téléphoniques et de traverses de chemin de fer, et à celui du bois à pâte. Au fil des ans, l’entreprise familiale s’est orientée principalement vers le commerce en gros et au détail de bois d’œuvre constitué des principaux bois de sciage québécois et canadiens, comme le pin blanc et rouge, le sapin baumier, l’épinette blanche, le cèdre blanc, la pruche de l’Est, l’érable blanc, le bouleau jaune et les chênes blanc et rouge, pour les premiers, le sapin Douglas, le cèdre rouge de l’Ouest et la pruche (tsuga) de l’Ouest pour les seconds. À compter des années quarante, s’est ajoutée, en sus des bois de sciage, toute la gamme des matériaux de construction domiciliaire. À sa fermeture, en 1980, le commerce avait toujours cette mission.

Les premières raisons sociales de l’entreprise, en langue anglaise, rappellent l’empreinte britannique omniprésente au XIXe siècle dans le commerce du bois, empreinte encore décelable au Québec au XXe siècle, mais à un moindre degré avec les grandes compagnies papetières et les associations professionnelles patronales.

Il convient aussi de mentionner qu’à Québec, une ville de commerce du bois, près d’une dizaine d’entreprises familiales4 se sont partagées jusque dans les années 1980 ce commerce du bois ouvré (gros et détail), soit les familles Auger, Bilodeau & Doré, J. Georges Chalifour, Drouin & Drouin, Jos.Grenier, Isidore Garon, Jos. Morneau et Louis Canac-Marquis exploitant chacune une cour à bois et assurant pour la plupart la transformation secondaire des bois d’œuvre et la production de sciages spéciaux (séchage du bois, sciage de bois carré, rabotage de bois scié, moulurage, tels les bois à embouvetage, les moulures intérieures décoratives, le recouvrement à clin de maisons, etc.). En aval de cette industrie secondaire du bois, il existait un nombre important d’ateliers ou de petites usines de fabrications de portes et châssis en bois.

Le texte qui est présenté ci-dessous fournit un portrait de l’état du commerce de bois pour les années allant de 1866 à 1934 couvrant en même temps une période charnière pour l’industrie, celle de l’effondrement du marché d’exportation du pin vers l’Angleterre qui a coïncidé avec l’abandon progressif du bois dans la construction des navires au profit de l’acier.

4 Annuaire forestier de la province de Québec, 1937, pp.219-222.

PRINTEMPS 2018 47 Un marchand de bois de longue date

« VETERAN QUEBEC TIMBER MERCHANT RECALLS EARLY DAYS OF SQUARE TIMBER TRADE » paru en septembre 1926 dans la revue « Canada Lumberman —v.46 no 18 5»

TEXTE DE L’ARTICLE

« M. A.J. Auger, un marchand de bois de Québec de longue date, qui est encore vigoureux et en santé à l’âge de 85 ans, est toujours activement engagé dans le commerce des produits forestiers avec son fils, M. A.G. Auger, il a rédigé pour la revue “Canada Lumberman” ses souvenirs relatant sa profonde connaissance et son expérience du commerce du bois dans le port de Québec. Il a été le premier Canadien à expédier du bois à pâte aux États-Unis. En fournissant un portrait du passé, M. Auger, qu’on a identifié aux activités forestières dès sa prime jeunesse, nous parle longuement de son accointance avec l’industrie forestière. 6»

« Jadis, le commerce du bois était sans conteste la plus importante des activités commerciales conduites au Canada. L’abattage du bois s’est effectué dans toutes les régions forestières au pays, incluant le district du lac Champlain dans la section orientale de l’État de New York. À cette époque, les billes ou les pièces de bois carré étaient regroupées et assemblées en train de bois constituées par des cages7 représentant autant de radeaux et, ainsi, navigués depuis leur point d’abattage par les rivières et les lacs vers le fleuve Saint-Laurent pour ensuite rejoindre le port de Québec. Les cages étaient mues à la voile et à la rame, selon les caprices du temps, elles nécessitaient aussi des équipages de vingt-cinq à quarante hommes selon la taille des trains de bois pour en assurer la navigation jusqu’au port de Québec. C’était tout un spectacle que d’apercevoir de là ces îles flottantes qui approchaient poussées dans le courant, recouvertes d’écorce et de cabanes rudimentaires en bois rond pour le logement des cageux8 [syn. frq.de radeliers, draveurs, flotteurs de radeaux ou raftmen en anglais] ; une vision désormais enfouie dans le passé du commerce canadien du bois et qui ne reviendrait plus. Ce qui ajoutait au spectaculaire, c’étaient les grandes voiles carrées gonflées par le vent qui assuraient la descente des cages sur le Saint-Laurent. Des mâts étaient fermement plantés sur chacune de la multitude de cages fendant le courant, en route vers leur destination, le port de Québec. À cette époque, la navigation à vapeur n’était qu’à ses débuts et il n’y avait pas de bateaux remorqueurs ni d’autres moyens de propulsion que la rame et la voile.

Quand les trains de bois qui descendaient du district forestier de l’Outaouais, poussés par des vents favorables, arrivaient au Long-Sault ou à Hawksburry, ils étaient divisés en leurs cages9 (ou cribs) en raison du peu de profondeur de l’eau à cet endroit et de la longueur du Sault d’environ 12 milles [un peu plus de 19 km]. Cette procédure était nécessaire pour permettre de conduire les radeaux de façon sécuritaire le long de cette voie d’eau de haut-fond [et de rapides]. Une fois Carillon atteint, ces portions de trains étaient réassemblées et solidarisées. Après avoir passé le Lac St-Louis et les Deux-Montagnes jusqu’à l’Ile Bizard, de même que la Rivière-des-Prairies jusqu’à l’Abord-à-Plouffe, les cages étaient redivisées pour passer les rapides en dessous du Pont du C.P.R. [ la compagnie de chemin de fer Canadian Pacific Railway] et ensuite atteindre le bout de l’Ile et Montréal, en route vers Québec.

5 Le texte en français présenté plus bas est une traduction libre de l’article tel que paru dans la revue « Canada Lumberman » effectuée par Pierre Auger, arrière-petit-fils de A.J. Auger. Ont été ajoutées dans le texte français plusieurs annotations susceptibles d’éclairer le lecteur sur la technique et la terminologie du flottage en trains de bois cages( ) en usage au XIXe siècle, tant en anglais canado-britannique qu’en français canado- québécois, ainsi que sur les problèmes terminologiques qu’une telle traduction comporte nécessairement. 6 Paragraphe d’introduction à l’article par l’éditeur de la revue. 7 Les cages qui parvenaient au Port de Québec étaient pour la plupart constituées de pièces de bois carré, c’est-à-dire des pièces équarries manuellement à la grand’hache avant de quitter leur port d’origine. Le terme frq. cage qu’on a utilisé pour désigner les éléments de ces immenses trains de bois était parfois concurrencé par le terme cageux qui au sens premier désignait d’abord les ouvriers rattachés au montage des cages et à leur flottage. Un train de bois comportait quelque de 30 à 50 cages transportant entre 1 000 et 1500 pièces de bois carré chacune (Lower Arthur R.M., GBW.1973). 8 Vue la durée des voyages, les cageux devaient disposer d’un minimum de confort : un abri pour dormir, une cuisine de type cambuse comme dans les chantiers forestiers, des bancs pour se reposer etc. 9 Le terme anglais raft peut désigner tant un radeau simple qu’un train de radeaux, les cages comportaient ainsi plusieurs sous-parties les drams ou bands subdivisibles en 25 cribs environ (Gage, W.J., D of C, 1967). Cette façon de construire les cages permettait de les démonter pour passer en toute sécurité des endroits difficiles comme les rapides ou une zone de haut-fond.

48- HISTOIRES FORESTIÈRES Un marchand de bois de longue date Un marchand de bois de longue date

Nul n’a idée de ces années, à part ceux encore vivants Quand les cages arrivaient à Québec, elles étaient qui ont été engagés dans le commerce du bois à cette mises à l’abri pour être ensuite démontées. On époque, de rudes conditions qu’ils ont rencontrées en laissait flotter le bois dans l’eau entouré d’estacades comparaison avec les méthodes de travail modernes. flottantes pour l’empêcher de se disperser, et ce, La vapeur est venue plus tard pour faire fonctionner jusqu’au moment de l’expédier pour répondre à la les bateaux remorqueurs et permettre leur utilisation demande de pays européens. On utilisait pour ce pour transporter les cages de la tête du Saint- faire les petites anses naturelles qui s’étendaient de Laurent jusqu’au port de Québec. Cette innovation Cap-Rouge à l’Anse-aux-Sauvages, sur le bord du aura permis de parer aux difficultés et aux délais Saint-Laurent et aussi de la rivière Saint-Charles, sur rencontrés jadis et de réduire les coûts entraînés par les deux rives de ces cours d’eau respectifs. À cette les anciennes méthodes de transport des bois. même époque, le port de Québec avec son havre très étendu accueillait de nombreux bateaux à voile en Les opérations de coupe du bois en forêt se bois. On a ainsi pu recenser de 150 à 180 bateaux à sont beaucoup améliorées avec les années, voile11 dans le port à certaines périodes. Une partie particulièrement en ce qui a trait au gaspillage de de ces bateaux était amarrée au mouillage sur les la ressource. Personne aujourd’hui, mis à part les petits quais dans les anses où était stocké le bois anciens forestiers encore vivants, n’a idée, pour l’avoir flottant, l’autre partie de l’immense flotte de bateaux vu, du gaspillage de la ressource ligneuse occasionné était à l’ancre à mi-courant, attendant leur tour pour par le manque de connaissances spécialisées lors rejoindre les quais et prendre leurs chargements de la récolte des bois en forêt. Pour commencer, respectifs pour regagner les marchés de bois de il n’existait pas de services de foresterie comme il pays européens et spécialement l’Angleterre. Cette en existe aujourd’hui au département des terres flotte de voiliers de transport du bois comprenait de la Couronne, avec son personnel d’ingénieurs des vaisseaux de toutes tailles et tonnages, du brick forestiers pour superviser les activités de coupe du à la goélette jusqu’aux grands bâtiments conçus bois et conseiller ceux qui les conduisent de façon pour le transport du bois en longueur [grumes ou bois adéquate et éclairée. Ainsi lors de l’abattage des carré]. D’ailleurs, plusieurs de ces bateaux avaient été arbres, les bûcherons ne choisissaient que ceux qui construits et lancés depuis les nombreux chantiers étaient exempts de tout défaut, même qu’après avoir maritimes de Québec. été abattu chaque arbre était examiné au sol et tout défaut, même le plus léger, justifiait son abandon sur C’était un spectacle magnifique que de pouvoir le lieu de coupe. Cette façon de faire ne constituait observer durant ces années-là l’immense flotte de pas seulement un gaspillage de la ressource, mais voiliers en bois occupant tous les coins du grand favorisait le développement de champignons port en eau profonde de Québec. La grandeur de la nuisibles aux arbres ainsi que les feux de forêt. scène peut être mieux appréciée depuis l’extrême limite du port qui offre un point de vue avantageux Pour revenir au flottage des bois par radeaux, je sur une forêt de mâts. De plus, les activités conduites voudrais souligner le point que l’assemblage et la sur le front du fleuve sur les deux rives étaient source construction d’une cage nécessitaient une énorme d’inspiration, toujours gravées de façon indélébile quantité de petits arbres pour solidariser les dans la mémoire de l’octogénaire ou du nonagénaire énormes pièces de bois carré. Pour le flottage du d’aujourd’hui qui a fait des affaires dans la Mecque du bois en billes, deux petits arbres étaient nécessaires commerce du bois qu’est Québec. pour chaque crib. Les traverses mesuraient de vingt- deux à vingt-quatre pieds de longueur, mises à plat, Dans mes années de jeunesse comme dans celles elles occupaient une largeur de huit à neuf pouces de la maturité, la rue Saint-Pierre a été et était dans avec un diamètre de six à huit pouces. Elles étaient le passé le centre des activités d’affaires de la ville principalement constituées de pin rouge et six à huit de Québec. Là se rassemblaient quotidiennement pièces étaient requises pour chaque crib10. des forestiers canadiens de toutes les régions du

10 L’ouvrage Les cageux de L.-A. Robidoux décrit bien la structure 11 On retrouve plutôt les chiffres 1500 et 1800 dans le texte qui relativement complexe de la cage nécessitant des connaissances et nous ont laissé perplexe. Les chiffres 150 à 180 nous apparaissent plus un savoir-faire spécialisé pour les assembler de manière en assurer la vraisemblables. Il s’agit peut-être aussi d’une erreur de la rédaction de la navigabilité (Robidoux L.-A. 1974). revue.

PRINTEMPS 2018 49 Un marchand de bois de longue date pays, affrétant et convoyant des trains de bois vapeur depuis le port de Montréal et les ports à l’est (radeaux/cages) pour obtenir des avances de fonds de Québec où l’on retrouve des scieries, ports qui par d’institutions financières de Québec pour les ailleurs ne possèdent pas les caractéristiques ou les soutenir dans leurs opérations forestières dans les ressources pour la manipulation ou l’expédition du forêts de l’Ouest canadien. On les voyait également bois en billes ou du bois carré. mêlés sur la rue Saint-Pierre avec les marchands de bois, les exportateurs et les capitaines de bateaux à Personnellement, j’ai été engagé dans toutes les la recherche d’affréteurs, de régisseurs de bateaux, opérations en rapport avec la coupe du bois en de marchands de fournitures de bateaux, de commis forêt et son expédition depuis le port de Québec et de bureau, de débardeurs, des racoleurs œuvrant j’acheminais annuellement jusqu’à quatre cages de en somme pour les patrons et négociant avec les bois (trains de bois) durant les périodes de navigation. capitaines pour leur fournir au besoin des équipages En comparant le coût de la coupe du bois dans les neufs pour les cas de désertion ou d’incitation à la forêts canadiennes entre le passé et nos jours, je désertion de navires par des maîtres de pension ou de dirais qu’à cet égard il y a une grande différence. Il racoleurs qui ont vidé des navires de leur équipage. faut (d’abord) admettre qu’à l’époque, l’accès aux approvisionnements en bois était plus rapproché des La téléphonie n’était pas encore en vogue à cette villes, il en allait de même pour le flottage, la mise époque-là ou même inventée alors que les affaires en radeaux et le point d’expédition. Par exemple, la se faisaient sur toute la longueur de la rue Saint- baie de Nicolet, en voisinage rapproché du port de Pierre. Comme conséquence, durant l’agitation et Québec, possédait des peuplements denses de pin le bourdonnement des conversations, on voyait qui étaient jugés supérieurs en qualité à ceux de la les garçons messagers du télégraphe qui n’avaient rivière Outaouais et de la rivière Gatineau. Cette pu localiser le marchand ou la personne, qu’ils réserve est disparue voilà de nombreuses années, cherchaient, courir au milieu de la rue tenant les tout comme d’autres sources d’approvisionnement télégrammes en l’air en appelant les noms des qui ont été épuisées comme ces terres libérées au destinataires. profit de l’agriculture.

Quel contraste hélas avec aujourd’hui. Les bateaux Dans les années 1880 qui correspondent à une à vapeur, sur l’océan, ont soustrait du commerce époque qui m’est familière, les forêts canadiennes les bateaux à voile et c’est maintenant devenu une étaient d’un accès facile. Des coupes excessives curiosité que d’apercevoir un voilier dans le port. On pour satisfaire la demande venant d’outremer, sans peut certes trouver les marchands de bois du passé compter la consommation domestique canadienne dans leurs bureaux, grâce à l’efficience des services en bois, ainsi que les ravages causés par les feux de de télégraphie, mais peu sont encore engagés dans forêt, ont sans cesse repoussé plus loin les sources le commerce du bois suite à l’effondrement de ce d’approvisionnement en bois et donc augmenté les domaine commercial d’exportation jadis si important. dépenses affectées au flottage du bois en rivières et La demande réduite pour du bois canadien ces au transport vers Québec. dernières années, causée par les exportateurs russes et scandinaves, la hausse des frais de transport des Un autre point à prendre en considération en chargements et l’utilisation du fer et de l’acier dans la rapport avec la coupe du bois est celui des frais de construction expliquent ce déclin. main-d’œuvre. Dans le passé, on avait l’habitude de payer des salaires standards répartis comme On peut maintenant ajouter que le bois transformé suit : – bûcheron expérimenté 15,00 $ par mois, - n’était pas exporté du Canada dans le passé. Il y cantonnier (road cutter) 8,00 $ à 10,00 $ par mois, avait peu de moulins à scie (scieries)12 et le sciage grand’hache13 (broad axemen) de 25,00 $ à 30,00 $, et transformation en tous genres pour répondre lesquels comprenaient le gîte et le couvert. Le menu aux exigences étaient effectués dans des moulins consistait en du pain cuit dans des chaudrons qui en Angleterre. Aujourd’hui, au Canada, il y a une multitude de scieries et le bois scié est expédié par 13 Les Broad axemen étaient désignés sous le terme grand’haches en français du Québec, c’étaient en fait les équarisseurs qui utilisaient de courtes haches à lame large à un seul biseau pour équarrir les billes 12 Cf. Augfor73 pour un commentaire linguistique sur cet usage. de bois et en faire du bois carré.

50- HISTOIRES FORESTIÈRES Un marchand de bois de longue date Un marchand de bois de longue date

était très bon. Des pommes de terre (patates), soupe aux exigences du marché et procurer les installations aux pois, du porc et de la mélasse complétaient la nécessaires pour le transport par vapeur. Québec est diète ordinaire. alors redevenue prospère comme le démontrent les statistiques. En 1851, la population de Québec était Hélas, maintenant voilà que tout a changé. Plus de de 42 000 âmes, et de 125 000 aujourd’hui (ca.1925), cages qui descendent le fleuve avec leurs équipages elle continue toujours de s’enrichir et d’augmenter sa portant leurs foulards colorés si pittoresques, signes population. d’un passé pas si lointain. Désormais, le bois, en petites quantités, rejoint Québec par rail, surtout des billes Les bateaux à coque d’acier sont aujourd’hui de bouleau et d’épinette ; le pin blanc étant devenu construits à Lauzon, en face de Québec sur la rive un matériau rare. La coupe du bois à pâte, expédié sud du Saint-Laurent, à la Société navale Davie depuis différentes stations ferroviaires, a remplacé shipbuilding, à proximité des deux cales sèches du le commerce du bois carré. Le domaine du bois à gouvernement. Une de ces cales figure parmi les pâte dans lequel je suis engagé maintenant conjugué cales les plus grandes au monde avec ses 1 550 pieds à celui du bois de sciage (bois scié) est expédié de longueur et une entrée de 120 pieds de largeur. directement dans les moulins à papier (papeteries) au Ce chantier possède des ateliers spécialisés en Canada et aux États-Unis. J’ai été le premier Canadien fabrication navale et à l’entretien des navires. (=Canadien français) à expédier du bois à pâte aux États-Unis que je payais ordinairement entre 2,25 $ La revue Canada Lumberman publie au mois de février et 2,50 $ la corde, FOB (FAB, en fr.), sur des wagons à 1944, dix ans après le décès de A.J. Auger, un second divers points d’expédition. article, sur la famille de commerçants de bois Auger, cette fois, sous le titre Prominent Quebec Lumber Anciennement, plusieurs fortunes ont été faites Family - The Augers of Quebec have been associated dans le commerce du bois dans lequel des dizaines with Lumbering since Turbulent Pioneering Days qui de marchands anglais étaient engagés. Avec la resitue les entreprises Auger vers la fin de la Première disparition de ce lucratif domaine d’affaires dans le Grande Guerre Mondiale. En outre, elle y va de la port de Québec, la majorité des Anglais qui s’étaient mention de quelques anecdotes épiques pour décrire installés à Québec retournèrent chez eux profiter du un peu le milieu parfois rude des forestiers d’alors. bien-être que pouvait leur procurer leur fortune bâtie Nous présenterons ultérieurement, dans une autre au Canada, et acheter des propriétés en Angleterre. publication, ce texte traduit par nos soins.

En ces temps anciens, il n’existait pas à Québec d’industries manufacturières comme il en existe aujourd’hui (ca. 1925). Les principales industries à l’époque étaient celles du bois et des chantiers navals. Cette dernière était très répandue et employait près de 5 000 travailleurs : — charpentiers navals, - forgerons, - fabricant de voiles et tous les métiers reliés à la construction navale.

Durant l’année 1864, on a bâti quelque 105 navires à voiles dans les chantiers de Québec et, en 1866, 103 bâtiments qui ont tous navigué sur les sept mers du globe. Quand cette importante industrie a périclité tout comme le commerce du bois, elle a été remplacée par l’industrie des bottes et chaussures, une nouvelle activité à Québec. D’autres industries se sont rajoutées par la suite, qui sont aujourd’hui bien implantées et florissantes. Pendant ce temps- là, le port de Québec a été développé pour répondre

PRINTEMPS 2018 51 Un marchand de bois de longue date

ANNEXE I

LA MAISON AUGER, QUÉBEC (extrait de la revue « NOTRE MONDE COMMERCIAL », Québec 1906)

Le chef de cette maison, M. A. – J. Auger est né en 1841.

S’il est quelqu’un qui sait bien ce que c’est que le commerce des bois du Canada, dans la production, la distribution à l’intérieur et l’exportation au-dehors, c’est bien lui ; il en possède tous les secrets, il en a la science complète. Il a touché, dans sa jeunesse la note exacte de sa vie future et il n’a pas dévié depuis ; il s’est imprégné de la devise anglaise « fixity of purpose ! ». Le grand commerce des bois et son développement furent le but qu’il assigna à l’ensemble de sa vie.

Après avoir suivi un cours solide d’études commerciales à l’école des Frères des Écoles chrétiennes, M. A. – J. Auger entra comme comptable dans une maison qui faisait un commerce considérable de bois. Pendant quelques années il suivit et étudia de très près, avec une attention constante, les détails de l’exploitation et les opérations de cette vaste industrie, la plus considérable du Canada, dans la vallée de l’Ottawa. Ses fonctions consistaient alors à surveiller le flottage, l’assemblage des grandes coupes, leur mise en radeaux et la conduite de ces radeaux, véritables îles flottantes de grandes pièces carrées, sorties de forêts séculaires de bois de divers genres, jusqu’au port de Ouébec, en destination des marchés de l’Europe et des Etats-Unis.

En 1866, M. A. – J. Auger établit, à Montréal, un commerce de bois qu’il continua jusqu’en 1874 ; en cette dernière année, il alla se fixer à Québec où il a fait un commerce d’exportation qui n’a fait que prospérer et grandir avec les années.

Le secret de l’utilisation de la fibre de bois pour différents usages de la vie courante étant trouvé, et cette fibre pouvant désormais devenir un objet de commerce important entre les différents pays en relation avec le Canada, M. A. – J. Auger ne fut pas lent à trouver le moyen d’utiliser cet aliment nouveau à l’activité nationale, et c’est à son initiative que l’on doit le commencement de l’exportation du bois de pulpe aux États-Unis ; il fut le premier Canadien qui a fait cette exportation. Ce n’est pas sans surmonter de grandes difficultés, on le sait, qu’un Canadien peut introduire un élément nouveau dans le système d’affaires de nos voisins les Américains ; cependant, M. A. – J. Auger peut bien tirer gloire du résultat qu’il constate aujourd’hui et qui ne saurait aller qu’en augmentant désormais. Il est l’exportateur pionnier de cette industrie qui a pris de nos jours des proportions considérables en même temps que profitables au pays tout entier.

M. A. – J. Auger est encore robuste et son énergie au travail ne se dément pas ; il possède un de ces tempéraments vigoureux que l’on aime à faire connaître, car ils sont utiles à une nationalité. On entend souvent répéter le vieux dicton : – « tel père tel fils », M. Auger père s’est associé son fils pour l’appuyer dans ses opérations commerciales. Ce dernier fait partie de la Maison Auger & Son depuis presque sa sortie des écoles ; c’est dire qu’il est entré très jeune dans la vie active et, sous un maître comme le père, il n’a pas tardé à conquérir ses épaulettes d’homme d’affaires consommé que son père proclame avec fierté, l’âme dirigeante de la maison. C’est sur lui qu’est dévolue la responsabilité de la création ou de la recherche des marchés de production et de consommation qui alimentent l’activité de son commerce, et tout fait pressentir un bel avenir qu’il prépare avec la prévoyance et la constance qu’on se plaît à reconnaître en lui. Les opérations spéciales en traverses de chemin de fer, en poteaux télégraphiques et en bois de pulpe prennent, chaque année, des proportions plus étendues en raison de l’augmentation des voies ferrées, des réseaux de communications par l’électricité et du développement de l’industrie de la fabrication des articles en pulpe, le papier entre autres, et la maison Auger & Son tient un rang distingué dans cette branche du commerce canadien.

M. Armand Gabriel Auger vient de fonder la Charlevoix Lumber Company pour l’exploitation d’une limite à Port-aux-Quilles (Charlevoix, Qc).

52- HISTOIRES FORESTIÈRES Un marchand de bois de longue date Un marchand de bois de longue date

BIBLIOGRAPHIE

Annuaire forestier de la province de Québec 1937, A.R. Gobeil éd., Canada Indexing and Publishing Reg’d (AFPQ 1937), 350 pages. Auger Pierre (1973) Le vocabulaire forestier au Québec des origines à nos jours, étude historique, thèse de doctorat de 3e cycle, Université des Sciences humaines de Strasbourg, Strasbourg, 789 p. (2 vols.) (Augfor73) Canada Lumberman, revue mensuelle, C.H. Mortimer Pub. Co, Toronto, 1880-1964 Gage W.J. (1967) A Dictionary of Canadianisms, W.J. Gage Limited, Toronto+. (Gage W.J 1967) Lower Arthur R.M. (1973) Great Britain’s Woodyard - British America and the Timber Trade (1763- !867), McGill-Queens’s University Press, Toronto, 1973, 271 pages. (Lower Arthur R.M., GBW, 1973). Robidoux L.-A. (1974) Les cageux, Éditions de l’Aurore, coll. Connaissance des pays québécois no7, 93 pages. (Robidoux L.-A, 1973)

MERCI À NOTRE MEMBRE VAN BRUYSSEL

PRINTEMPS 2018 53 LE GÉNIE QUI TOUCHE DU BOIS1 Par Jean-Paul Gilbert

Le génie du bois célèbre ses 15 ans en 2017, un anniversaire qui mérite d’être souligné malgré son jeune âge. Ce survol historique d’une formation unique au Canada relate le contexte dans lequel elle évolua.

Le pavillon Gene-H.-Kruger, Université Laval.

LES ANNÉES 1960-1980 : CROISSANCE RAPIDE DES SCIERIES

L’augmentation de la production de bois de sciage fut spectaculaire au cours de ces deux décennies, le volume ayant plus que triplé. Cette forte croissance occasionna une mutation de la structure de l’industrie. Le nombre de scieries a diminué et, inversement, leur capacité de production a augmenté. Au début des années 1980, le vent tourne ; la mauvaise conjoncture de l’industrie de la construction en Amérique du Nord vient déprimer la demande et les prix du bois d’œuvre.

Le ministère de l’Industrie, du Commerce et du Tourisme (MICT) étudiait en profondeur la problématique et publiait, en 1981, un rapport intitulé « L’industrie du bois de sciage au Québec : analyse et perspectives ». Le rapport résumait ainsi la situation :

1 Ce document s’inspire de deux articles de la revue Info-Forêt du ministère des Ressources naturelles. Le premier publié en novembre 1995 est intitulé « Seconde transformation du bois, Le Québec pourrait bientôt offrir un diplôme d’ingénieur », page 9, et le deuxième publié en décembre 2002, intitulé « Université Laval : le Programme de baccalauréat coopératif en génie du bois est maintenant accrédité » écrit par monsieur Michel Beaudoin, professeur émérite de l’Université Laval, disponible à la BAnQ, page 7 : http://collections.banq.qc.ca/ark:/52327/bs20700, consulté le 26 janvier 2017.

54- HISTOIRES FORESTIÈRES MERCI À NOTRE MEMBRE VAN BRUYSSEL

MERCI À NOTRE MEMBRE VAN BRUYSSEL

PRINTEMPS 2018 55 Le génie qui touche du bois

L’industrie du bois de sciage se retrouve devant un Rappelons que Gustave-Clodomir Piché, l’un des problème épineux de choix de nouveaux équipements fondateurs et directeur de l’École forestière Laval, alors que l’information est peu disponible. En fait, décida dans les années 1920 d’ajouter les sciences du il découle de cette évolution accélérée un manque bois à la foresterie. Il y voyait notamment un moyen chronique de compétence technique. Plusieurs pour remplacer les importations en croissance de scieries sont gérées comme de petites entreprises bois d’œuvre en provenance des pays scandinaves alors qu’elles sont devenues moyennes ou grandes. et de la Russie et de trouver de nouvelles utilisations au bois. Une meilleure connaissance du matériau et l’amélioration des techniques de sciage devaient Le rapport ajoutait : convaincre les ingénieurs et architectes du temps de faire appel aux essences indigènes plutôt qu’aux En fait, les fournisseurs d’équipements jouissent importations (Gélinas, C., 2010, pp. 304-305). d’une influence démesurée auprès des industriels du sciage. De plus, le manque de standardisation des Le nouveau programme de baccalauréat en sciences équipements des scieries québécoises amplifie les du bois visait à former des spécialistes orientés problèmes déjà décrits. (MICT, octobre, 1981) principalement vers la première transformation du bois. Ce programme n’attira que de petites cohortes Le ministère de l’Énergie et des Ressources (MER) d’étudiants (5 à 10 par année), mais une fois gradués, prendra le relais du MICT en 1982, lorsque la ces étudiants étaient accueillis à bras ouverts par responsabilité ministérielle du développement l’industrie des produits du bois. de l’industrie des produits forestiers lui sera entièrement confiée (Gilbert, J.-P. 2016, vol. 8, no 1, Il est intéressant de s’arrêter un instant et de pp. 36 à 40). En 1983, le MER lança Le Programme comparer avec la pratique qui avait cours dans quinquennal de consolidation et d’expansion de l’industrie des pâtes et papiers. La complexité des l’industrie du bois (PCEIB)2. Un appui financier était offert aux scieries notamment pour réaliser des procédés et la grande taille des usines exigeaient une études d’ingénierie de procédés et pour se doter de expertise sur place pour résoudre des problèmes personnels d’ingénierie et de gestion de production. techniques et pour améliorer les procédés et produits. Ces entreprises avaient la capacité financière Le volet études d’ingénierie de procédés3 fit fureur tant le potentiel d’amélioration des opérations des d’embaucher des ingénieurs de procédés et de scieries était élevé, tandis que celui de dotation ne projets, soit des ingénieurs chimiques, mécaniques connut pas l’ampleur désirée étant donné la difficulté et industriels pour ne nommer que ceux-là, ce qui à recruter du personnel compétent. était jusqu’alors rarement le cas pour l’industrie des produits du bois.

L’expansion de l’industrie du bois d’œuvre et les interventions du MER venaient créer une demande LES ANNÉES 1980-2000 : pour des spécialistes en transformation du bois. C’est DIVERSIFICATION À TOUS AZIMUTS dans ce contexte que le Programme en sciences du bois4 vit le jour, en 1983, lors du fractionnement en La production de l’industrie du bois de sciage trois5 du programme de génie forestier. continue d’être en forte progression ; il en est de même pour la capacité de production des usines. Les grands groupes industriels prennent de plus en plus 2 http://www.cubiq.ribg.gouv.qc.ca/in/faces/details.xhtml?id= p%3A%3Ausmarcdef_0000448825&highlight=Auteur%3A+%26quot d’importance (exemples : Forex, Normick-Perron, %3BGilbert%2C+Jean+Paul%26quot%3B&posInPage=1&bookmark= Saucier). Des entreprises papetières acquièrent des a74d3cb1-c4ef-4224-93a8-8552bf10b70e&queryid=8140ab35-0f69- 4e1e-93cf-4d7dea9245a5, Direction de l’industrie du bois, MER, mai scieries pour assurer leur approvisionnement en 1985, consulté le 12 février 2017. copeaux (exemples : Consolidated-Bathurst, Domtar, 3 Le consortium CRIQ/Forintek et la firme Roche et Associés réalisaient les études d’ingénierie de procédés. Le CRIQ mit sur pied le Kruger). Cette expansion des entreprises engendre Groupe d’ingénierie des produits du bois. des économies d’échelle pour l’opération et la gestion 4 La Faculté de foresterie et de géodésie devenue depuis la Faculté de foresterie, de géographie et de géomatique de l’Université qui antérieurement n’étaient pas possibles. Laval dispensait le baccalauréat en sciences du bois. 5 https://www.ffgg.ulaval.ca/historique, consulté le 2 février 2016.

56- HISTOIRES FORESTIÈRES Le génie qui touche du bois Le génie qui touche du bois

En 1981, la Société générale de financement (SGF) colonnes en bois lamellé-collé), le bois de plancher, détient des participations dans deux grandes le traitement protecteur du bois, la préfabrication papetières qui exploitent six scieries et la société de maisons à ossature de bois et une croissance d’État Rexfor contrôle, en tout ou en partie, neuf rapide des produits du bois dorénavant appelés « bois scieries. d’ingénierie » telle que les poutrelles en I, en LVL, en bois jointé/lamellé-collé. Les nouvelles technologies encouragent les scieries à se moderniser. L’informatisation des procédés de En 1994, la relocalisation du laboratoire de l’est transformation et l’automatisation procurent des du Canada de Forintek6 d’Ottawa à Québec (Parc gains substantiels de productivité et de rendement technologique du Québec métropolitain) vient matière, que l’on pense seulement au sciage en gonfler la dynamique au sein des intervenants courbe des billes de résineux, et ce, dans un contexte impliqués dans la recherche et la transformation des où le volume des tiges diminue grandement. De 1976 produits du bois. Forintek avait déjà un pied-à-terre à 2004, le volume moyen brut par tige de bois de à la FFG depuis l’expansion du pavillon Abitibi-Price, sciage SEPM récolté dans les forêts publiques est en 1990, avec la création du Centre d’excellence en passé de 173 dm3 par tige à 105 dm3 (Beauregard, R., transformation des bois de petites dimensions. 2015, p. 10), (MER, 1985, p. 40). La gestion de la qualité, des procédés, des projets Face à l’enthousiasme de l’industrie et à la de modernisation, du développement de nouveaux collaboration des entreprises, l’Université Laval produits a fait son chemin au sein de l’industrie, ce transforma, en 1991, le programme en programme qui créa beaucoup de nouveaux débouchés pour les coopératif en sciences du bois afin d’intéresser un spécialistes en transformation du bois. Les moyennes plus grand nombre d’étudiants. « Les responsables et grandes usines ont maintenant la capacité du projet pensaient que cette approche vivifierait financière d’assumer ces fonctions. Toutefois le ce programme qui n’avait pas connu en nombre nombre de diplômés est insuffisant (une quinzaine d’étudiants le succès escompté depuis sa mise en annuellement)7 pour pourvoir les postes et l’université route en 1983. » (Gélinas, C., 2010, pp. 306-307). anticipe que ce manque de professionnels perdurera L’alternance de stages en entreprises avec les sessions encore quelques années. d’études apporte une valeur ajoutée fort importante et appréciée par tous : la pratique en milieu de travail. La Table de concertation des produits du bois a reconnu l’importance de cette formation et, à Le secteur des panneaux prend une grande ampleur l’automne 1995, elle confia à un groupe d’experts de vers la fin des années 1970 grâce à l’arrivée l’industrie, du ministère des Ressources naturelles d’entreprises disposant d’expertise et de capitaux. (MRN) et de l’Université Laval le mandat, après Elles provenaient de l’extérieur de la province consultation des industriels, des diplômés, des (exemples : Ontario, Allemagne de l’Ouest, Espagne, professeurs et des étudiants, de proposer des France, États-Unis). Ces usines, d’un gabarit améliorations à ce programme. intermédiaire entre les scieries et les usines de pâtes et papiers, fabriquent des panneaux gaufrés, Les résultats de cet examen s’avérèrent très des panneaux à lamelles orientées (OSB), des favorables au programme. Ainsi, l’université le révisa panneaux de particules, des panneaux de fibres de en profondeur au cours des années 1996-1997. Le densité moyenne (MDF) et de haute densité (HDF), nombre de crédits passa de 112 à 120. La seconde des panneaux décoratifs, etc. Elles s’ajoutent aux transformation fut ajoutée et l’ingénierie de procédé quelques usines déjà existantes produisant des industriel fut substantiellement étoffée en vue d’une panneaux contreplaqués et des panneaux de basse densité (LDF). 6 Forintek origine de la privatisation du Laboratoire des produits forestiers de l’Ouest à Vancouver et du Laboratoire des produits forestiers de l’Est à Ottawa, survenue en 1979. Devenu On constate alors un intérêt renouvelé pour la FPInnovations en 2007. http://artsites.uottawa.ca/sca/doc/, consulté le 2 avril 2017. deuxième transformation de certains produits 7 Communiqué de presse de l’Université Laval, le 12 février du bois tel que le glulam (exemples : poutres et 1998, intitulé : « Pénurie de diplômés et de stagiaires universitaires en génie du bois ».

PRINTEMPS 2018 57 Le génie qui touche du bois

éventuelle accréditation par Ingénieurs Canada- le jour depuis 2000 sur un total de seize programmes Bureau canadien d’agrément des programmes de génie présentement agréés : génie agroenvironnemental11 (BCAPG)8,9, conformément à la recommandation et génie du bois en 2002, génie logiciel en 2006, du groupe d’experts. L’université s’assura d’avoir le génie géomatique12 en 2007, génie des eaux en 2009 nombre d’ingénieurs requis dans le corps professoral et génie industriel en 2014. et l’agrément lui fut accordé en juillet 2002. Les futurs ingénieurs auront la formation requise par le BCAPG Il est intéressant de noter au passage que le génie pour être admissible aux ordres professionnels des alimentaire, un autre programme en transformation ingénieurs au Canada. La majorité des nouveaux manufacturière des ressources naturelles diplômés joindront l’Ordre des ingénieurs du Québec (agriculture et pêcherie), avait été précurseur en (OIQ) à la suite de cette accréditation. recevant l’agrément du BCAPG13, cinq ans avant le programme en génie du bois.

LES ANNÉES 2000 À CE JOUR : Dès ses débuts, la multidisciplinarité caractérise cette LA REVANCHE DU BOIS ET DE SES formation : foresterie (10 %), génie et ingénierie de procédés en collaboration avec la Faculté des sciences DÉRIVÉS et de génie (35 %), matériau bois et ses procédés de La saga des produits du bois se poursuit avec toujours transformation (35 %) et formation complémentaire la même fougue. Le pavillon Gene-H.-Kruger, en langues, gestion, etc. (20 %). Le programme actuel inauguré en 2005, constitue le plus important pôle du baccalauréat coopératif en génie du bois nous de recherche en transformation du bois dans l’est du indique que cette multidisciplinarité s’est maintenue Canada. Il accueille les étudiants au baccalauréat en au fil des ans10. génie du bois ainsi que ceux de maîtrise et de doctorat. Il abrite des salles de conférences, de réunions, des Ainsi, le génie du bois se démarque des sciences du salles de cours, des laboratoires d’enseignement bois. « Les ingénieurs du bois (B. Ing.) pourront donc et de recherche et des bureaux. Il offre un confort dorénavant concevoir et améliorer les procédés de inégalé à ses occupants. transformation du bois et approuver les paramètres des produits de bois d’ingénierie structurale sans avoir recours à un autre ingénieur puisqu’ils le seront eux-mêmes. », conclut monsieur Michel Beaudoin, directeur du programme (Beaudoin, M., 2002, p. 7). Le nombre d’inscriptions (10 à 20 annuellement) demeure modeste et ne peut satisfaire la demande du marché. Les conditions de travail qui sont souvent supérieures aux autres génies ne sont pas en cause. Les cycles économiques que traverse l’industrie ont un impact sur l’intérêt des candidats.

De plus, la compétition entre les nouveaux programmes spécialisés en génie agréé par le BCAPG est plutôt féroce, puisque, seulement à l’Université Laval, six nouveaux programmes ont vu Pavillon Gene-H.-Kruger. 8 https://www.ffgg.ulaval.ca/sites/default/files/Documents/ la%20faculte/professeur-emerite-2014-foresterie-michelbeaudoin. pdf, Source : Université Laval. consulté le 2 février 2017. 9 https://engineerscanada.ca/fr/agrement/programmes- 11 Programme dispensé par la Faculté des sciences de de-genie, consulté le 25 avril 2017 https://engineerscanada.ca/fr/ l’agriculture et de l’alimentation (FSAA). agrement/programmes-de-genie-agrees-par-etablissement, consulté le 12 Cours dispensé par la Faculté de foresterie, de géographie et 2 février 2017. de géomatique (FFFG). 10 Cours dispensé par la Faculté de foresterie, de géographie et 13 Cours dispensé par la Faculté des sciences de l’agriculture et de géomatique (FFFG). de l’alimentation (FSAA).

58- HISTOIRES FORESTIÈRES Le génie qui touche du bois Le génie qui touche du bois le jour depuis 2000 sur un total de seize programmes La mise sur pied de centres de recherche La fabrication de certains produits de deuxième présentement agréés : génie agroenvironnemental11 collaborative, tels que le consortium de recherche et troisième transformations du bois reviendra- et génie du bois en 2002, génie logiciel en 2006, FORAC14 en 2002, le Centre de recherche sur le t-elle au bercail ? L’article du journal « Le Soleil » génie géomatique12 en 2007, génie des eaux en 2009 bois (CRB) en 2002 devenu le Centre de recherche du 31 janvier 2017, intitulé : « Pas moribond le et génie industriel en 2014. sur les matériaux renouvelables (CRMR)15 en 2013, secteur manufacturier 19» traite du rapatriement de la Chaire industrielle sur les bois d’ingénierie la fabrication de produits manufacturés. M. Louis Il est intéressant de noter au passage que le génie structuraux et d’apparence (CIBISA) en 2004, la J. Duhamel, conseiller stratégique chez Deloitte, alimentaire, un autre programme en transformation chaire industrielle de recherche du CRSNG sur la explique comme suit ce qui sous-tend ce retour : manufacturière des ressources naturelles construction écoresponsable en bois (CIRCERB) en « L’avantage compétitif des pays émergents (agriculture et pêcherie), avait été précurseur en 2015, constitue des pôles d’excellence et d’attraction tend à s’estomper. Leurs coûts de main-d’œuvre recevant l’agrément du BCAPG13, cinq ans avant le pour les étudiants, la recherche et l’industrie. augmentent. Ils ont été rattrapés par la réalité. Il programme en génie du bois. faut se rappeler que les pays industrialisés, comme Les panneaux de bois lamellé-croisé (cross laminated le Canada, sont des champions de la productivité. Les timber ou CLT) fabriqués au Québec depuis 2010 pays émergents, eux, n’ont jamais eu à se casser la tête LES ANNÉES 2000 À CE JOUR : ouvrent de nouveaux horizons au bois d’œuvre. Ils avec ça. Ils pouvaient compter sur une main-d’œuvre LA REVANCHE DU BOIS ET DE SES permettent de construire des édifices de 18 à 20 abondante et peu chère. Ils doivent apprendre aujourd’hui à devenir plus productifs. Et croyez-moi, DÉRIVÉS étages complètement en structure de bois16. ils vont apprendre assez vite. » Il ajoute : « Notre futur se trouve dans les produits de moyenne et forte La saga des produits du bois se poursuit avec toujours En 2015, La Charte du bois confirme l’engagement du valeur ajoutée. On ne se mettra pas à fabriquer des la même fougue. Le pavillon Gene-H.-Kruger, gouvernement du Québec à utiliser plus de bois dans boîtes d’allumettes. » inauguré en 2005, constitue le plus important pôle la construction. Les programmes d’architecture et de recherche en transformation du bois dans l’est du de génie de plusieurs universités, dont celui en génie Canada. Il accueille les étudiants au baccalauréat en du bois, incorporent les charpentes et structures Cela m’amène à poser la question suivante : « Est-ce génie du bois ainsi que ceux de maîtrise et de doctorat. en bois. Le Centre d’expertise sur la construction que la fabrication de meubles en bois au Québec Il abrite des salles de conférences, de réunions, des commerciale en bois (CECOBOIS), mis sur pied en pourrait devenir assez compétitive pour satisfaire salles de cours, des laboratoires d’enseignement 2010, vise une plus grande utilisation du bois pour la demande et éventuellement diminuer les et de recherche et des bureaux. Il offre un confort les projets de construction multifamiliale et non importations ? » De beaux défis pour les ingénieurs inégalé à ses occupants. résidentielle. du bois.

Lors du Forum Innovation bois, tenu en novembre La formation en génie du bois est généraliste, 2016, les principaux acteurs de l’industrie se sont en développant les compétences des étudiants unis autour d’une vision et d’un projet commun et dans le vaste domaine de transformation du bois, mobilisateur. Le gouvernement du Québec entend de conception de produits d’ingénierie jusqu’à favoriser l’innovation des procédés, des produits, la la bioraffinerie et chimie verte, tout en offrant modernisation des usines afin de créer de nouvelles deux profils, le profil international et le profil occasions d’affaires17. Cette concertation débouche entrepreneurial. À l’instar des autres formations en sur une nouvelle version de la Charte du bois diffusée génie agréées par le BCAPG (Ingénieurs Canada), les en mai 2017 qui présente les actions concrètes pour étudiants sont évalués depuis 2014, tout au cours accroître l’utilisation du bois18. de leur formation pour s’assurer qu’ils maîtrisent les douze qualités identifiées par le BCAPG dont la capacité de conception de produits et de procédés20 21.

14 https://www.ulaval.ca/notre-universite/salle-de-presse/ communiques-de-presse/details/article/le-consortium-de- rechercheforac-recoit-le-prestigieux-prix-brockhouse.html, consulté le 2 février 2017. Pavillon Gene-H.-Kruger. 15 https://www.ulaval.ca/notre-universite/salle-de-presse/ communiques-de-presse/details/article/un-centre-de-rechercheunique- 19 http://www.lapresse.ca/le-soleil/affaires/actualite- Source : Université Laval. pour-faire-letude-des-materiaux-renouvelables.html, consulté le 2 economique/201701/31/01-5065062-pas-moribond-le- février 2017. secteurmanufacturier. php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_ 11 Programme dispensé par la Faculté des sciences de 16 Entrevue avec l’architecte Stéphan Langevin, Le monde contenuinterne=cyberpresse_B9_affaires_3004_section_POS1, consulté l’agriculture et de l’alimentation (FSAA). forestier, novembre 2016, page 3. le 5 février 2017. 12 Cours dispensé par la Faculté de foresterie, de géographie et 17 http://mffp.gouv.qc.ca/-inforumnovation-bois-ensemble- 20 https://www.fsg.ulaval.ca/nouvelle/article/les-12-qualites-au- de géomatique (FFFG). reinventons-notre-industrie/, consulté le 11 février 2016. coeur-de-la-formation-en-genie/, consulté le 7 mars 2017. 13 Cours dispensé par la Faculté des sciences de l’agriculture et 18 http://www.mffp.gouv.qc.ca/forets/entreprises/entreprises- 21 https://www.fsg.ulaval.ca/fileadmin/fsg/documents/PDF/ de l’alimentation (FSAA). transformation-charte.jsp , consulté le 6 juin 2017. Qualites.pdf, consulté le 7 mars 2017.

PRINTEMPS 2018 59 Le génie qui touche du bois

Bâtiments verts ou écologiques, biomatériaux, Que de chemin parcouru depuis un siècle ! Les biofuels, biocarburants, bioénergie, biopolymères, objectifs de M. Piché ont été dépassés à en juger par chimie verte, extractibles pour les produits l’engouement que suscitent le bois et ses dérivés alimentaires, pharmaceutiques font la manchette auprès des architectes et des ingénieurs dont, bien des journaux… et la liste s’allonge de jour en jour. entendu, les ingénieurs du bois. L’imagination devient la limite de ce que l’on peut fabriquer avec le matériau bois, ses composantes (cellulose, hémicellulose, lignine, extractibles) et ET DEMAIN… leurs dérivés chimiques. Que demander de plus à une matière première écologique, renouvelable et L’industrie a saisi les enjeux. Elle est en voie de recyclable qui, en plus, séquestre le carbone ? transformer son modèle d’affaires notamment vers l’innovation et la diversification de ses activités de production. À elle seule, la révolution industrielle Résines/lignosulfonates22, biométhane23, cellulose Industrie 4.0 (usines intelligentes) lance des défis nanocristalline24, filaments de cellulose25, que l’on ne pouvait à peine imaginer il y a quelques hémicellulose26 27, fibres densifiées28, biocharbon29 années. Les gouvernements du Québec et du sont au menu des entreprises au Québec et des Canada apportent leur appui. Ces changements projets de bioraffineries sont en cours d’élaboration fondamentaux ouvrent une diversité d’emplois notamment à La Tuque30 et Port-Cartier31. dans le domaine et viennent ainsi doper la demande pour les ingénieurs du bois et même leur offrir une Après avoir commencé leur carrière dans des progression rapide en emploi. Espérons que les postes d’ingénieurs de procédés, de projets, de candidats intéressés aux baccalauréats en génie développement de produits, d’assurance qualité, « toucheront du bois » au moment de choisir leur de production, les ingénieurs du bois accèdent à future carrière. l’administration et la gérance de production, d’usines, des postes de décideurs. Certains poursuivent Le nombre de diplômés continue de progresser leurs études aux cycles supérieurs pour travailler lentement (entre 15 et 20 annuellement)32, mais en recherche et enseignement. D’autres exercent sûrement. Un taux de placement de 100 % des leur profession dans des cabinets-conseils, chez des nouveaux diplômés et une rémunération supérieure fabricants d’équipements, dans des centres de R/D et en début de carrière constituent également des au sein des gouvernements. facteurs attractifs. L’université hausse la promotion du génie du bois afin de rejoindre tous les étudiants à la recherche d’une carrière en génie33. 22 http://tembec.com/fr/produits/produits-chimiques, consulté le 6 février 2016. 23 http://tembec.com/fr/projets-en-cours/projets-denergie- La bioéconomie est sur sa lancée. Lors de la récente verte, consulté le 16 juin 2015. conférence « BIOFOR international 2017 », tenue à 24 http://www.newswire.ca/fr/news-releases/celluforce- celebre-linauguration-de-la-premiere-usine-de-demonstration- Montréal en février dernier, on évoqua la possibilité denanocellulose-cristalline-au-monde-509497371.html, consulté le 6 que la bioéconomie devienne au Canada un projet de février 2017. 34 25 http://www.lemaitrepapetier.ca/index.php/blogs/mathieu-re société . gnier/2402-2014-06-25-14-55-04.html, consulté le 6 février 2017. 26 http://www.cascades.com/fr/medias/communiques- et-nouvelles/communiques/2015/5407/cascades-annonce- dimportantsinvestissements-dans-un-projet-de-bioraffinage-a-son- usine-de-cabano, consulté le 6 février 2016. 27 http://www.paperadvance.com/news/industry-news/6528- fortress-paper-announces-hemicellulose-separation-project-at- 32 Revue Plan, janvier-février 2017. https://www.sbf.ulaval.ca/ itsdissolving-pulp-mill.html, consulté le 6 février 2017. sites/default/files/documents/carrieres-etstages/portrait_de_tatjana_ 28 http://mffp.gouv.qc.ca/gouvernements-canada-et-quebec- stevanovic.pdf, consulté le 1er février 2016. soutien-developpement-technologie-pointe/, consulté le 6 février 2017. 33 Évaluation périodique des programmes de baccalauréat 29 http://www.pulpandpapercanada.com/green-energy/quebec- coopératif en génie du bois (B. Ing.), maîtrise en sciences du bois – avec torrefaction-plant-becomes-fully-operational-1100000554, consulté le mémoire (M. Sc.) et doctorat en sciences du bois (Ph. D), avril 2016. 7 mars 2017. https://www.vre.ulaval.ca/fileadmin/site_VREAI/Documents_VREAI/ 30 http://www.lemaitrepapetier.ca/index.php/energies- Resumes_1er_cycle/BMDSciences_du_bois__5_avril_2016_.pdf, consulté forestieres/bioraffinage.html, consulté le 6 février 2017. le 3 février 2017. 31 http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/792603/port-cartier- 34 http://www.lemaitrepapetier.ca/index.php/energies- usine-biocarburant-remabec-investissements, consulté le 6 février forestieres/bioproduits/5458-2017-03-28-21-39-52.html, consulté le 1 2017. avril 2017.

60- HISTOIRES FORESTIÈRES Le génie qui touche du bois Le génie qui touche du bois

Parions que les quinze prochaines années du génie RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES du bois seront tout aussi excitantes que les quinze premières ? Beaudoin, M. (novembre 1995), Seconde transformation du bois, Le Québec pourrait bientôt offrir un diplôme d’ingénieur », Québec, Info-Forêt, p. 9. Bon 15e anniversaire et longue vie au génie du bois ! Beaudoin, M. (décembre 2002), Université Laval : le Programme de baccalauréat coopératif en génie du bois est maintenant accrédité, Québec, Info-Forêt, no. 76, p.7. Beauregard, R., (2015). Chantier sur la production de bois, Le volet économique de la Stratégie d’aménagement durable des forêts, Rapport final, Québec. Gélinas, C. (2010) L’enseignement et la recherche en foresterie à l’Université Laval, Québec, Société d’histoire forestière du Québec, « Comprendre la forêt du Québec ». Gilbert, J.-P., « Le développement de l’industrie des produits forestiers – Une responsabilité ministérielle qui a changé en 1982 », « Revue Histoires forestières », La gestion forestière au Québec, vol. 8, no 1, printemps-été 2016, », Québec, pp. 36 à 40. Ministère de l’Énergie et des Ressources (MER) (1985), Portrait statistique 1985, ressource et industrie forestière, Québec. Ministère de l’industrie, du Commerce et du Tourisme (MICT) (1981), L’Industrie du bois de sciage au Québec, Analyse et perspectives, Québec.

MERCI À NOS MEMBRES VAN BRUYSSEL

Le pavillon Gene-H.-Kruger, Université Laval.

REMERCIEMENTS

Les judicieux commentaires de Mme Tatjana Stevanovic, professeur titulaire et directrice du baccalauréat coopératif en génie du bois et de M. Michel Beaudoin, professeur émérite à la retraite qui assura la direction de ce programme pendant quinze ans, ont été des incontournables et fort Jean-Claude Mercier appréciés pour que ce survol historique soit fidèle aux faits. M. Beaudoin fut aussi vice-doyen aux études de premier cycle, directeur de l’ensemble des programmes et secrétaire de la FFGG. Je les en remercie, ainsi que M. François Rouleau, directeur général et Mme Lucie Caron, membre de la Société d’histoire forestière du Québec (SHFQ) pour l’éditique de cet article.

PRINTEMPS 2018 61 CHRONIQUE DE CHASSE ET PÊCHE

L’INDÉSIRABLE SANGLIER

Par la Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs

En milieu agroforestier, soyez vigilants ; une nouvelle FAUTEUR DE TROUBLES ! rencontre pourrait survenir, celle avec l’ennemi vorace qu’est le sanglier. • Il détruit la végétation indigène ; • Il détériore les sols et modifie les écosystèmes ; QUI EST-IL ? • Il s’attaque aux cultures ; Corps massif, pattes courtes, pelage épais, couleur • Il cause des dégâts aux propriétés privées ; sombre, nez long, étroit et résistant, oreilles velues dressées, canines inférieures (défenses) • Il peut provoquer le déclin de certaines espèces proéminentes qui croissent avec l’âge, le sanglier est animales ; un animal dont l’apparence annonce les capacités • Il peut être vecteur de dispersion de maladies et destructrices. Si on ajoute à ce profil une grande de parasites dont certains sont transmissibles intelligence, on comprend pourquoi les autorités aux humains ou aux animaux domestiques ; gouvernementales ont levé une alerte à son sujet et demandent l’aide des citoyens pour localiser les • Il réduit la qualité de l’eau dans laquelle il patauge sangliers ou groupes de sangliers qui se promènent en la contaminant avec ses déjections et en la actuellement en liberté dans la province du Québec. rendant trouble.

62- HISTOIRES FORESTIÈRES L’indésirable sanglier

UN APPÉTIT DESTRUCTEUR ! LES PRINCIPAUX FACTEURS DE PROPAGATION Le sanglier est un animal fouisseur omnivore qui mange une multitude d’aliments : tubercules, Présentement, les principaux facteurs qui rhizomes, bulbes, petits fruits, glands, céréales, contribuent à la propagation des sangliers vers, mollusques, insectes, petits mammifères, demeurent la libération illégale des individus amphibiens, oiseaux, reptiles et charogne. Il peut pour la chasse et les animaux qui s’échappent des même s’attaquer aux faons de cerfs de Virginie, aux installations de garde en captivité. Présentement, animaux domestiques et aux animaux d’élevage. C’est au Québec, peu de sangliers vagabondent. pour satisfaire son appétit vorace qu’il retourne la Probablement quelques dizaines. Par contre, des terre, qu’il la laboure, littéralement, malmenant ainsi opérations menées par le ministère des Forêts, les écosystèmes et son environnement. Il aime aussi de la Faune et des Parcs ont récemment permis se vautrer dans la boue pour chasser ses parasites la capture de deux femelles avec des petits, et se rafraîchir en été. L’établissement du sanglier au ainsi qu’une qui était gestante ; preuves que ces Québec pourrait nuire à certaines espèces animales animaux peuvent se reproduire à l’état sauvage indigènes, dont certaines espèces menacées et et pourraient s’implanter définitivement sur le vulnérables. Par exemple, en mangeant des glands territoire du Québec. et des noix, les sangliers entrent directement en compétition avec, notamment, les cerfs, les ours et les écureuils pour cette source de nourriture OBJECTIF : ÉRADICATION DE L’INTRUS !

La mise en place d’opérations d’éradication est primordiale afin d’éviter l’implantation de sangliers en milieu naturel au Québec. Selon l’expérience vécue par des États des États-Unis ainsi que par des provinces canadiennes, la chasse n’est pas adéquate pour se débarrasser des sangliers. Au contraire, elle accélère leur propagation et nuit aux opérations d’éradication en cours. Il faut plutôt procéder à des opérations de captures de groupes entiers, puis les éliminer. Le rôle des citoyens ? Rapporter toutes présences de sangliers en milieu naturel.

LES RAISONS DE NE PAS OUVRIR LA CHASSE ? OÙ SE CACHE-T-IL ? Le sanglier est un animal qui aime être en groupe. Les sangliers s’adaptent facilement à différents types Les expériences vécues antérieurement dans d’habitat. Aux États-Unis, ils préfèrent les endroits d’autres pays prouvent que la chasse augmente où l’habitat est hétérogène et contient des forêts, le phénomène de dispersion des individus d’un de l’eau et des sources de nourriture. Les paysages groupe. La chasse ouverte permet de prélever un agroforestiers leur conviennent parfaitement. En ou deux individus d’un groupe, toutefois les autres effet, la présence de champs cultivés fournissant un membres du groupe s’enfuient et deviennent alors apport supplémentaire de nourriture peut contribuer introuvables. Les fugitifs ne reviennent jamais et à augmenter de façon considérable la densité de continuent leurs ravages et leur reproduction. sangliers trouvés dans une région. De même, de Ainsi, l’étalement des membres d’un groupe nombreux points d’eau augmentent la valeur d’un augmente drastiquement le nombre de sangliers en habitat pour le sanglier. D’ailleurs, à travers son aire liberté et multiplie le rythme de la croissance de la de répartition, le sanglier a une préférence pour les population. La stratégie d’éradication du Ministère habitats riverains et les milieux humides. mise donc sur la saisie complète du groupe de

PRINTEMPS 2018 63 L’indésirable sanglier sangliers. De cette façon, nous pouvons nous assurer que l’impact négatif de chacun des individus du groupe est éliminé.

Éléments supplémentaires qui nous aideront davantage dans nos actions Il serait d’une grande aide que vous ayez en votre possession des images prouvant la présence de sangliers lorsque vous entrerez en contact avec le MFFP. Les personnes au Ministère pourront ainsi mieux répondre à votre appel et être mieux outiller pour solutionner la problématique.

• La date, l’heure et la fréquence des observations • Le lieu, le plus exactement possible • Le nombre d’animaux • La présence de dégâts ou de signes (souille, frottage à un arbre, etc.)

DÉNONCEZ-LES ! Par téléphone : 1 800 463-2191

64- HISTOIRES FORESTIÈRES L’indésirable sanglier

MONTRÉAL, CARREFOUR MONDIAL DES PÂTES ET PAPIERS

Ce texte a déjà été publié sur le site internet de la Société d’histoire forestière du Québec en 2016, ISBN 978-2-9811938-3-4.

Par Jean-Paul Gilbert

INTRODUCTION

La région de Montréal n’a pas été une importante Ainsi, la Canadian Pulp and Paper Association région productrice de pâtes et papiers. Rien (CPPA), fondée le 8 mars 1913 à Toronto par les d’étonnant, vous me direz, c’est une région urbaine représentants de quatorze sociétés de pâtes et dépourvue de grandes forêts. Alors comment se papiers, tenait sa première réunion à Montréal deux fait-il que Montréal soit un carrefour mondial de semaines plus tard2. L’association établit son siège l’industrie de pâtes et papiers ? L’histoire nous social à Montréal, alors la métropole commerciale apporte une réponse à cette question. et économique du Canada et le centre de gravité de l’industrie canadienne des pâtes et papiers. UN REGARD RÉTROSPECTIF Extrait d’Histoire de la promotion du secteur forestier au Canada, APFC, 20 mars 2013 : C’est en Au fil des ans, de nombreuses sociétés de pâtes et effet le 8 mars 1913 qu’un groupe de 14 dirigeants papiers ont établi leur bureau-chef ou siège social1 d’entreprises forestières se sont réunis à l’hôtel King à Montréal. Leur présence entraîna la création Edward, à Toronto. La réunion avait été organisée d’un réseau composé d’associations, de centres par le rédacteur en chef de la revue Pulp and Paper de recherches privés et universitaires, de centres Magazine. Ils ont discuté de la nécessité de collaborer d’enseignement supérieur, d’équipementiers, de sur des sujets comme les tarifs douaniers, le coût du fabricants de produits chimiques et de consultants de transport par rail et les marchés et ont décidé d’établir renommée mondiale. On y tient aussi des évènements une organisation qui aurait pour but « de considérer sectoriels dont l’ampleur culmina jusqu’au tournant les sujets d’intérêt général pour l’industrie des pâtes du siècle dernier. et papiers, de favoriser sa prospérité et de voir aux relations sociales entre les membres ».

1 Selon le Petit Larousse : « lieu où siège la direction d’une 2 http://www.fpac.ca/fr/histoire-de-la-promotion-du-secteur- société ». forestier-au-canada/.Consulté le 12 mars 2016.

PRINTEMPS 2018 65 Montréal, carrefour mondial des pâtes et papiers

Enerquin Air, Foxboro, Hymac, Ingersoll-Rand, Robert Mitchell) et une quinzaine de fabricants de produits chimiques (exemple : Buckman, Diversey, EKA, EQIP Int.) pour l’industrie des pâtes et papiers3.

Toutefois, la vague d’acquisitions et des fusions survenue vers la fin des années 1990 entraîna la fermeture de tous les centres privés de recherche et développement4 de la région de Montréal, ainsi qu’ailleurs en province.

Les centres de recherche et développement :

• Domtar à Senneville (1962-1997)5 ;

• Noranda à Pointe-Claire (1963-2003)6 ;

• Building Products à LaSalle (1964~1990) ;

• CIP/CPFP/Carton Saint-Laurent à Pointe-aux- Trembles (1955-1997) ;

• Consolidated-Bathurst/Stone-Consolidated à Grand-Mère (1957~1999) ;

• usine pilote de PAPRICAN située à la papeterie d’Abitibi-Price à Kénogami (1976-1989) ; Transcription de la fondation de la CPPA le 8 mars 1913. https://www.facebook.com/FPAC.APFC. Consulté le 20 février • à la frontière du Québec : CIP/CPFP 2016. à Hawkesbury, Ontario (1923-1991)7.

Les éditions de l’annuaire Canadian de 1920, de 1956 et de 1981 nous apprennent qu’une dizaine de sociétés avaient leur siège social à Montréal. Ce nombre varie quelque peu d’une année à l’autre, au gré des fusions, des acquisitions et de la venue de nouvelles sociétés. Ces sociétés prenaient graduellement de l’ampleur, puisque le nombre d’usines qu’elles exploitaient au Canada passa de 14 à 34 et à 46 usines au cours des 3 Répertoire des manufacturiers québécois de machinerie et années précitées. d’équipement pour l’industrie papetière », MICT, 1981. Répertoire « Technologies québécoises de transformation du bois », « Quebec Wood Processing Technologies », MRN, 1998. http://www.mffp.gouv.qc.ca/ Un grand réseau de fournisseurs de services et de publications/forets/entreprises/technolo.pdf Consulté le 2 mars 2016. 4 Le centre de R/D de Cascades fondé en 1985 et situé à produits s’est développé dans la région de Montréal, Kingsey-Falls ne fut pas affecté par cette vague de fermetures. si bien que dans les années 1990, on comptait une 5 http://www.uer.ca/locations/show.asp?locid=31109 Consulté trentaine de cabinets-conseils en ingénierie de 22 février 2016. 6 http://www.ic.gc.ca/app/opic-cipo/trdmrks/vwTrdmrk. procédés et de projets (exemple : Cowan, KSH, do;=0001Su9KLx_DlJVNvnxeFIR5lIS:-142HMU?lang=fra&fileNumb Sandwell, H.A. Simons, SNC), une cinquantaine de er=727294 Consulté le 22 février 2016. 7 http://www.pulpandpapercanada.com/news/cip-research- fabricants de machinerie et d’équipements (exemple : employees-relive-the-good-times-1000165767. Consulté le 22 février 2016.

66- HISTOIRES FORESTIÈRES Montréal, carrefour mondial des pâtes et papiers Montréal, carrefour mondial des pâtes et papiers

MONTRÉAL : DE CAPITALE MONDIALE À VILLE CLÉ DES PÂTES ET PAPIERS

Les publications du Ministère des Ressources naturelles10 nous éclairent sur l’importance de Montréal. Tout d’abord, la Stratégie de développement de l’industrie des produits forestiers mise en œuvre en 2000 par ce ministère décrivait Montréal en ces termes : Centre de recherche Domtar fermé en 1997, Senneville. http://www.uer.ca/locations/show.asp?locid=31109 « De plus, plusieurs sièges sociaux d’entreprises de produits forestiers, firmes d’experts-conseils, centres Des consultants en ingénierie (exemple : NLK acquise de recherche et établissements d’enseignement par Jaakko Pöyry en 2003)8 et des équipementiers supérieur spécialisés dans ce domaine sont (ex. les fabricants de machines à papier Dominion concentrés dans la Métropole (de la province de Engineering Works/Valmet à Lachine fermé vers Québec, NDLR). Montréal compte une douzaine de 1998 et de Beloit Corp. à Sorel fermé en 1994) ont sièges sociaux d’entreprises de pâtes et papiers qui 11 changé de propriétaire ou fermé. en font la capitale mondiale de cette industrie » .

Nous notons que les centres de recherche et En 2000 aussi, le ministère des Finances et le développement de la région de Montréal ne faisaient ministère des Ressources naturelles lui réitèrent pas exception, puisque la plupart des entreprises cette reconnaissance dans la stratégie intitulée papetières nord-américaines fermèrent leur Pâtes et papiers, pour une industrie moderne et centre. Toutefois, le nombre de fermetures et leur compétitive : « … Montréal est le premier centre mondial concentration dans la région de Montréal furent des sièges sociaux du secteur des pâtes et papiers, devant remarquables. Par ailleurs, la consolidation des la ville d’Helsinki en Finlande »12. On souligne la tenue équipementiers fut principalement à l’avantage des de la Semaine du Papier, le plus important congrès pays européens9. annuel international du secteur avec la venue de 15 000 participants. Ces fermetures ont contribué à raffermir le rôle en recherche et développement de PAPRICAN et elles ont rendu l’industrie des pâtes et papiers plus dépendante de l’importation d’équipements et de machinerie.

Malgré la perte de son titre de métropole canadienne Logo du 100e anniversaire de PaperWeekCanada en 2014. vers le milieu des années 1980 et la disparition d’une http://www.paptac.ca/Newsletters/images/header-bulletin-fr.jpg partie importante du réseau des pâtes et papiers, Montréal a fait preuve de résilience.

10 Maintenant le Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP). 11 http://www.mffp.gouv.qc.ca/publications/forets/entreprises/ strategi.pdf, page 3. Consulté le 18 mars 2016. 12 Ministère des Finances et Ministère des Ressources 8 http://www.poyry.com/news/jaakko-poyry-group-expands- naturelles. 2000. Pâtes et papiers, Pour une industrie moderne et its-operations-in-north-america Consulté le 22 février 2016. compétitive. page 14. http://www.finances.gouv.qc.ca/documents/ 9 Contexte de l’industrie des pâtes et papiers dans le monde, Autres/en/pulp_paper.pdf MRNFP et NLK, 2004. http://collections.banq.qc.ca/ark:/52327/ http://www.finances.gouv.qc.ca/documents/Autres/fr/pates_papiers. bs52040 Consulté le 18 mars 2016. pdf. Consulté le 2 février 2016.

PRINTEMPS 2018 67 Montréal, carrefour mondial des pâtes et papiers

Cette exposition annuelle s’est tenue au Palais des • l’Association technique des pâtes et papiers du Congrès à partir de 1985, elle prit beaucoup d’ampleur Canada établie à Montréal depuis plus d’un siècle et fut nommée EXFOR13. Elle sera relocalisée à (PAPTAC)16 ; l’Hôtel Fairmont Queen Élisabeth en 2009 en raison des difficultés économiques de l’industrie qui ont • le Conseil des produits des pâtes et papiers (PPPC)17 ; entraîné une baisse de participation14. • la conférence annuelle de niveau mondial Mais, douze ans plus tard, en 2012, la description PaperWeek Canada depuis 1914 EXFOR la plus de Montréal par le ministère des Forêts, de la Faune importante exposition annuelle au monde et des Parcs laisse percevoir que cette ville a perdu consacrée aux pâtes et papiers depuis 195818 ; de son lustre : « Montréal est qualifiée ville clé dans le domaine des pâtes et papiers, et ce, à l’échelle mondiale. • la nouvelle conférence Montréal BIOFOR Les cinq sièges sociaux de papetières qui y sont établis International ; contrôlent, en effet, une capacité de production annuelle • le siège social et le centre de recherche de d’environ 17 millions de tonnes »15. FPInnovations établi à Pointe-Claire, issu de la fusion en 2007 de PPRIC ou PAPRICAN (fondé 1925 et établi à Pointe-Claire depuis 1958) avec MONTRÉAL EN 2015 les centres de recherche Forintek et Feric ; Les sièges sociaux de Building Products, Domtar • l’Université McGill (début en 1915, Pulp and (bureau corporatif partagé avec celui de Fort Mill en Paper Research Centre) ; Caroline du Sud), Kruger, Produits forestiers Résolu, Tembec (bureau administratif à Témiscaming) et le • l’École Polytechnique de l’Université de Montréal bureau administratif de Cascades ont pignon sur rue, (l’association avec PAPRICAN débute en 198419, à Montréal. Ce nombre est porté à sept, si l’on inclut le Groupe de recherche en science et ingénierie le siège social de Rolland à Saint-Jérôme et celui de du papier GRESIP fondé en 1993, le Centre de Cascades à Kingsey Falls. recherche en ingénierie du papier CRIP fondé en 2002), formation de post-graduésen pâtes et papiers20 ; • l’Institut des communications graphiques et de l’imprimabilité (ICI)21.

16 L’Association canadienne des pâtes et papiers mieux connue sous l’acronyme CPPA donna naissance à deux entités : la section technique fondée en 1915 fusionne avec le groupe des événements et devient l’Association technique des pâtes et papiers du Canada (PAPTAC) en 1998. Le groupe des statistiques et le groupe du commerce fusionnent pour devenir le Conseil des produits des pâtes et papiers (PPPC) en 2000. En 1998, la CPPA déménage à Ottawa et en 2001 devient la Forest Products Association of Canada (FPAC) en englobant Maison et jardin Domtar, Montréal. l’industrie des produits du bois. PAPTAC et le PPPC demeurent à Montréal. http://www.paptac.ca/en/association-paptac/about-us https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/b/b2/ http://www.pulpandpapercanada.com/innovation/ceo-series-setting- Jardin_Domtar_02.jpg/800px-Jardin_Domtar_02.jpg the-record-straight-lise-lachapelle-offpac-1000106659 http://www.pulpandpapercanada.com/news/paperweek-international- 2004-supporting-the-membership-1000155666 Ces sièges sociaux sous-tendent l’activité de plusieurs http://www.inpaper.com/magzines/inpaper/apr-june-y1k/in-event-2. organisations qui rayonnent à la grandeur du Canada htm Consultés le 12 mars 2016. 17 http://www.pppc.org/info/accueil/index.html Consulté le 12 et à l’international : mars 2016. 18 http://www.pulpandpapercanada.com/trends/50-years-of- exfor-history-1000217190 Consulté le 12 mars 2016. 13 http://www.pulpandpapercanada.com/trends/50-years-of- 19 Williamson Peter N., La lumière dans leur regard, 75e exfor-history-1000217190#sthash Consulté le 10 mars 2016. Anniversaire de Paprican, 2000. Page 145. 14 http://www.pulpandpapercanada.com/news/exfor-and- 20 http://www.polymtl.ca/crip/reports/assets/docs/CRIP2003- paperweek-2008-1000220130 Consulté le 10 mars 2016. 2004.pdf Consulté le 12 mars 2016. 15 http://www.mffp.gouv.qc.ca/forets/quebec/quebec-regime- 21 http://reseautranstech.qc.ca/cctt/?id=536 Consulté le 12 gestion-developpement.jsp. Consulté le 2 février 2016. mars 2016.

68- HISTOIRES FORESTIÈRES Montréal, carrefour mondial des pâtes et papiers

Ce réseau s’étend même jusqu’à Trois-Rivières :

• l’UQTR forme des post-gradués en pâtes et papiers depuis 1972 (Centre intégré en pâtes et papiers devenu le Centre de recherche sur les matériaux lignocellulosiques ou CRML en 2013) ; • le CÉGEP Trois-Rivières (École de papeterie fondée en 1923 et le Centre d’innovation des produits cellulosiques ou Innofibre depuis 2011) ; • le Centre International de Couchage (CIC) fondé en 1999.

MONTRÉAL PAR RAPPORT À HELSINKI

Bien qu’elle ne soit pas toujours comparable d’une année à l’autre, l’information publiée dans les rapports annuels des sociétés et dans les annuaires spécialisés permet d’estimer l’importance de leur siège social. Le chiffre d’affaires, le nombre d’usines et d’employés de la société, le nombre d’emplois au siège social, la capacité annuelle de production des usines sont quelques critères permettant de juger de l’ampleur du siège social d’une société.

Rappelons que les fusions, les acquisitions et les cessions de sociétés peuvent entraîner à la hausse ou à la baisse le nombre et la taille des sièges sociaux dans une ville. Le siège social d’une société peut même être scindé à la suite de la fusion de deux grandes sociétés afin de conserver l’expertise. La venue du travail à distance fait en sorte que la taille d’un siège social peut être moins importante que par le passé. À titre d’exemple, la comptabilité peut être impartie à une entreprise étrangère changeant ainsi le concept classique du siège social.

Les sièges sociaux établis dans la région de Montréal dirigent l’exploitation de quelque 78 usines de pâtes, papiers et (dont 70 en Amérique-du-Nord, 42 au Canada et 29 au Québec) ayant une capacité annuelle de production de quelque 18 millions de tonnes. Ces sociétés emploient quelque 39 000 personnes dans l’ensemble de leurs activités22. L’industrie est fortement continentalisée.

Finalement, notons que seule une société exploitant trois usines au Québec est dirigée à partir d’un siège social américain. Les huit autres usines du Québec sont des établissements individuels appartenant à autant de sociétés n’ayant pas leur siège social à Montréal.

Helsinki (en ajoutant la ville voisine d’Espoo) n’est pas en reste, loin de là, puisque les sociétés Ahlstrom, Metsa Group, Stora Enso et UPM y ont chacune leur siège social. Ces quatre sociétés exploitent quelque 83 usines établies sur trois continents et emploient environ 66 000 personnes.

MONTRÉAL ET HELSINSKI EN 2014 – SIÈGES SOCIAUX D’ENTREPRISES DE PÂTES ET PAPIERS

Ville Siège social Chiffre d’affaires Capacité Usine Emploi Nombre Milliard $ CAN Millions tonnes/an Nombre Milliers Helsinki [1] 4 35 29 83 66 Montréal [2] 7 18 18 78 39

[1] Incluant le siège social de Metsa Group dans la ville d’Espoo. [2] Incluant le siège social de Rolland à Saint-Jérôme et celui de Cascades à Kingsey-Falls.

22 Le site internet des entreprises consultés les 14 et 15 février 2016 et le Lockwood-Post Directory et Pulp and Paper Canada Directory 2010.

PRINTEMPS 2018 69 Montréal, carrefour mondial des pâtes et papiers

Quatre critères sur cinq sont à l’avantage d’Helsinki, force est de conclure que cette ville damait le pion à Montréal en 2014.

LA VILLE DE QUÉBEC

Notons, au passage, que la ville de Québec a déjà hébergé quelques sièges sociaux de l’industrie des pâtes et papiers. Au milieu du XXe siècle, on recense : Anglo-Canadian, Canadian , Donohue, Gaspésia Pulp and Paper, Gulf Pulp and Paper et Price Brothers. Le majestueux édifice Price, inauguré en 1931, nous rappelle cette époque.

Édifice Price, Québec. http://www.ivanhoecambridge.com/~/media/imported/website/ properties/16261/photos-main/edifice-price-quebec.jpg

Québec est le pendant de Montréal dans les domaines de la foresterie et l’industrie des produits du bois.

Que nous réserve l’avenir

La stratégie 2012-201723 du ministère des Forêts, de la faune et des parcs et les objectifs Vision202024 de l’Association des produits forestiers du Canada visent, notamment, une diversification de l’industrie des pâtes et papiers vers les bioproduits : bioénergie, biomatériaux, produits biochimiques. La transition industrielle est engagée vers l’innovation depuis quelques années avec la fabrication de nanocellulose cristalline, de filaments de cellulose, de biogaz, l’extraction d’hémicellulose, de lignine, etc., et elle se greffe à la fabrication des pâtes et papiers.

L’importance qu’aura Montréal dépend des acquisitions et des ventes d’actifs qu’effectueront les sociétés papetières. Donc, les décisions prises par les sièges sociaux de Montréal seront donc cruciales. La transformation de l’industrie vers les bioproduits devrait accroître l’activité des centres de recherche et développement, des équipementiers, des fabricants de produits chimiques et des cabinets-conseils.

La concurrence de la part des sociétés et des centres de recherche des pays nordiques s’intensifie. Quelle ville portera le titre de Premier centre mondial des pâtes, papiers et bioproduits ? Souhaitons que ce soit Montréal.

23 http://www.mffp.gouv.qc.ca/publications/forets/entreprises/strategie-developpement-2012-2017.pdf. Consulté le 7 mars 2016. 24 http://www.fpac.ca/wpcontent/uploads/publications/fr/Facts%20Sheets_FR/Innovation_French_March2015.pdfConsulté le 7 mars 2016.

70- HISTOIRES FORESTIÈRES Montréal, carrefour mondial des pâtes et papiers

LA FORESTERIE SCIENTIFIQUE

– AU CŒUR DE L’ÉCONOMIE DE LA CAPITALE-NATIONALE DEPUIS 1910

Ce texte a déjà été publié dans Le Soleil du 30 avril 2016, Promotion la forêt notre richesse, p. 3.

Par : François Rouleau

Lorsqu’il est question de la nouvelle économie de la Capitale-Nationale, les analystes relèvent les forces de la région dans les domaines de l’optique, des jeux vidéo, de l’assurance ou même des produits pharmaceutiques. Mais, ils font rarement allusion à la foresterie scientifique. Pourtant, ce secteur du savoir offre, aujourd’hui, des emplois à près de 1 500 personnes de la région, la plupart de hauts niveaux.

La sensibilité à la protection des forêts s’accroît rapidement à la fin du eXIX siècle. Pour y faire face, le Gouvernement du Québec veut mettre en place une approche scientifique de la foresterie, notamment pour assurer la pérennité de la forêt.

L’ENSEIGNEMENT ET LA RECHERCHE

L’école forestière voit le jour en 1910 à L’Université Laval. Elle est l’œuvre de Gustave Clodomir Piché et d’Avila Bédard, deux pionniers du monde forestier, qui sont formés à l’Université Yale aux États-Unis.

Gustave Clodomir Piché et Avila Bédard à Yale en 1906.

Source : SHFQ, collection de la famille Piché.

Après une fusion avec l’École d’arpentage en 1919, l’École de foresterie et d’arpentage devient la Faculté d’arpentage et de génie forestier en 1945. Aujourd’hui, on la nomme Faculté de foresterie, de géographie et de géomatique.

PRINTEMPS 2018 71 La foresterie scientifique - au coeur de l’économie de la Capitale-Nationale depuis 1910

Dans les années 1960, la recherche forestière D’autres organismes voués à l’industrie des produits prend de l’ampleur. L’Université Laval s’y positionne du bois sont également implantés dans la région. Par fermement, financée souvent par le ministère des exemple, le Bureau de promotion des produits du Terres et Forêts du Québec. Au fédéral, on s’intéresse bois du Québec (QWEB) et le Conseil de l’industrie aussi à cet aspect de la foresterie. Ainsi, le Centre de forestière du Québec (CIFQ) complètent une offre recherches forestières des Laurentides s’établit à bien garnie de services à l’industrie. Québec en 1960 (170 emplois). De même, la région peut compter sur le Centre d’enseignement et de En même temps que se développe la foresterie recherche en foresterie de Sainte-Foy (CERFO), la scientifique au début due XX siècle, la région technique forestière au CÉGEP de Sainte-Foy et le de Québec accueille ses premiers consultants. comité sectoriel sur la main-d’œuvre. Aujourd’hui, la région compte huit entreprises spécialisées en foresterie, ce qui procure de l’emploi La forêt Montmorency est créée en 1963 dans un à environ 250 personnes. ancien territoire de coupe de l’Anglo-Canadien Pulp (maintenant Papiers White Birch), situé dans la Réserve faunique des Laurentides. Avec ses 412 km2, LE CONTRÔLE, LA PROTECTION il s’agit de la plus grande forêt expérimentale au ET LA GESTION DES FORÊTS monde. La sensibilisation à la protection des forêts se développe particulièrement à la fin du XIXe siècle avec la mise en place des premiers organismes de protection. Après plusieurs réformes au cours des ans, les activités se rationalisent avec la création en 1990 de la Société de protection des forêts contre les insectes et les maladies (SOPFIM) et en 1994, de la Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU). Ces deux organismes ont leurs sièges sociaux à Québec et y emploient plus de 80 personnes.

La Confédération de 1867 donne la responsabilité de la gestion des forêts publiques aux provinces. Ainsi, le département ou le ministère responsable a toujours été localisé à Québec. Après avoir changé de nom à La forêt Montmorency. huit reprises au cours des ans, le ministère des Forêts, SHFQ. de la Faune et des Parcs est maintenant localisé dans l’arrondissement de Charlesbourg (600 emplois).

LA TRANSFORMATION DU BOIS Le contrôle de la profession d’ingénieur forestier ET LA CONSULTATION PRIVÉE apporte aussi des retombées pour la région. C’est en 1916 qu’est fondée l’association des ingénieurs Le domaine de la transformation du bois fait partie forestiers de la province de Québec. Après quelques aussi des activités de la Faculté de foresterie. En 2002, modifications de statut, l’ordre des ingénieurs est le programme de génie du bois reçoit l’agrément fondé en 1974 et est établi dans le Parc technologique. du Bureau canadien des programmes en génie. Le maillage se fait tout naturellement avec Forintek La région de la Capitale-Nationale constitue donc un (Institut canadien de recherche des produits du bois) pôle reconnu de la foresterie scientifique au Canada. qui s’établit en 1994 dans le Parc technologique du Québec métropolitain (aujourd’hui FPInnovations). Source principale : Gélinas, C., L’enseignement et la recherche en foresterie à l’université Laval – de 1910 à nos jours, Société d’histoire forestière du Québec, 2010, 348 p.

72- HISTOIRES FORESTIÈRES MERCI À NOS MEMBRES VAN BRUYSSEL

PRINTEMPS 2018 73 74- HISTOIRES FORESTIÈRES