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Lien social et Politiques

Importer pour exister : Empower et le « travail sexuel » en Thaïlande Import in order to exist : Empower and sex work in Sébastien Roux

Les solidarités sans frontières : entre permanence et changements Résumé de l'article Numéro 58, automne 2007 La s’est problématisée en Thaïlande à partir du milieu des années 1980. Le débat national sur l’usage commercial de la sexualité s’est URI : https://id.erudit.org/iderudit/017557ar progressivement aligné sur les prises de position occidentales. À travers l’étude DOI : https://doi.org/10.7202/017557ar d’une association thaïlandaise spécifique, Empower, il s’agira de montrer comment certains agents locaux ont pu favoriser ce processus d’importation Aller au sommaire du numéro des discours pour promouvoir une vision de la sexualité qui servait leurs intérêts spécifiques. Et au-delà des discours optimistes sur la circulation internationale des « causes » et des engagements, nous proposons ici une lecture critique de la mondialisation de la prise en charge de la prostitution en Éditeur(s) nous interrogeant sur les conséquences pratiques de la transnationalisation Lien social et Politiques des solidarités

ISSN 1204-3206 (imprimé) 1703-9665 (numérique)

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Citer cet article Roux, S. (2007). Importer pour exister : Empower et le « travail sexuel » en Thaïlande. Lien social et Politiques, (58), 145–154. https://doi.org/10.7202/017557ar

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Importer pour exister : Empower et le « travail sexuel » en Thaïlande

Sébastien Roux

La prostitution s’est probléma- tution. Les prises de position sur la s’exercent dans le domaine de l’ac- tisée en Thaïlande depuis les sexualité commerciale se divisent tion morale et du travail social. années 1980, dans un contexte principalement entre prohibition- Cette intrication influence les dis- international marqué par la résur- nistes, abolitionnistes et réglemen- cours locaux, en les maintenant 2 gence des débats relatifs à l’usage taristes (Mathieu, 2004)† .Or,la dans une forme de dépendance commercial de la sexualité forme même que prennent les symbolique (et parfois maté- (Outshoorn, 2005). Elle est ainsi controverses qui opposent les rielle…) qui limite le développe- devenue l’enjeu de discours agents s’est universalisée. Il en va ment d’une pensée originale et moraux, politiques et sanitaires ainsi du débat relatif à la prostitu- oriente non seulement les dis-

particulièrement virulents dans un tion comme travail†: la vente de cours, mais détermine également pays marqué successivement par services sexuels peut-elle être la structure dans laquelle ils s’insè- la condamnation du «†tourisme envisagée comme une activité pro- rent. À travers l’étude d’Empower sexuel†», la diffusion rapide du sida fessionnelle permettant pour et du cas thaïlandais, je montrerai et l’émergence d’une prise en celles et ceux qui l’exercent l’accès comment ces discours ont pu être charge de la «†traite des êtres à une protection juridique garan- importés et mobilisés et quelles humains†». À travers l’analyse tie par le droit du travail†? Cette sont aujourd’hui les difficultés socio-historique d’Empower (pour question s’est mondialisée, favori- pratiques qui naissent de la circu- Education Means Protection Of sée par un renforcement progres- lation internationale des normes Women Engaged in Recreation), sif de solidarités internationales et des catégories morales dans le une organisation non gouverne- qui tendent à uniformiser les monde militant. mentale (ONG) locale engagée prises de position sur la sexualité 1 auprès des prostituées† , je souhaite commerciale. La politisation des Empower dans l’histoire montrer comment les débats rela- questions sexuelles est toujours féministe thaïlandaise tifs à l’usage commercial de la complexe dans un pays du Sud, sexualité féminine se sont vus dans la mesure où les inégalités de Durant tout le XXe siècle, le déterminés par la structure occi- genre croisent des rapports de corps des femmes est demeuré un dentale des discours sur la prosti- domination internationale qui objet privilégié des politiques

Lien social et Politiques, 58, Les solidarités sans frontières : entre permanence et changements. Automne 2007, pages 145 à 154. LSP 58-15 26/11/07 19:38 Page 146

LIEN SOCIAL ET POLITIQUES, 58 5 Chantawipa Apisuk et la création d’Empower† Importer pour exister : Empower et le « travail sexuel » en Thaïlande Chantawipa Apisuk est née à en 1947 dans un milieu aisé, d’un père haut fonctionnaire et d’une mère au foyer. Elle fait des études de sociologie et d’anthropologie à l’Université Thammasat dont elle sort diplômée en 1973. Politisée, proche des mouvements de gauche et des organisations de défense des droits civiques, elle enseigne un temps au nord du pays comme bénévole dans la mou- vance radicale du milieu des années 1970. En 1976, à la suite des dif- ficultés politiques que traverse le pays, elle rejoint l’Asian Center de New York, où elle coordonne un bulletin d’information en thaï pour les étudiants expatriés (Union of Democratic Thaï). S’ensuit une 146 période d’allers-retours entre la Thaïlande et les États-Unis, ponc- tuée de formations universitaires (notamment en 1977 au Boston College). En 1982, elle rejoint l’Asia Monitor à Hong Kong (un thaïlandaises†: il s’agissait pour les élites dirigeantes masculines d’af- centre de ressources sur les relations économiques entre les États- firmer le degré de civilisation du Unis et les pays d’Asie), avant de retourner l’année suivante en pays par une politique de contrôle Thaïlande. À Bangkok, elle participe aux activités d’une ONG paci- et d’éducation, visant à aligner la fiste, œcuménique et démocratique, le Coordinating Group for 6 Thaïlande (anciennement Siam) Religion in Society (CGRS)† . Recommandée par Siriporn sur les standards occidentaux Skrobanek, elle suit en parallèle une «†formation féministe†» interna- (Jeffrey, 2002).Au lendemain de la tionale aux Pays-Bas, le programme Isis-WICCE (Women’s Seconde Guerre mondiale, la International Cross-Cultural Exchange Programme). De retour en Thaïlande est dirigée par une suc- Thaïlande, une autre association religieuse, l’Ecumenical Coalition cession de généraux conserva- on Third World Tourism (ECTWT), lui commande alors une

3 enquête de 6 mois sur l’industrie du sexe dans le tourisme†; teurs et autoritaires† (Baker et Phongpaichit, 2005) qui, jusqu’à la l’ECTWT est une association œcuménique particulièrement critique fin des années 1960, limitent le à l’encontre du tourisme, formée aux Philippines dans la foulée de la Déclaration de Manille de 1980, qui cristallise pour la première fois «†féminisme thaïlandais†» à une parole d’État, véhiculée par des les protestations contre le développement mal contrôlé de l’indus- associations proches du gouverne- trie touristique internationale. En 1985, à la suite de son rapport ment (comme le National Council pour l’ECTWT, Chantawipa Apisuk crée Empower, fondé à of Women of Thailand, dirigé dès Patpong, le plus célèbre des quartiers rouges de Bangkok dédiés aux 7 sa création en 1956 par l’épouse Occidentaux† . du Premier ministre). Ces associa-

tions superposent à «†la femme†» l’image de la mère et de l’épouse politique pour qu’émerge une tuels, universitaires, militants du en défendant une vision fantas- nouvelle génération sensibilisée Parti communiste thaïlandais mée des rapports sociaux «†civili- aux questions de genre, une forme (PCT) sont arrêtés et torturés. Le sés†» qui limitent le rôle des de «†société civile thaïlandaise†» PCT est interdit et les élites radi- femmes au seul univers domes- féministe (Samudavanija, 2002). tique, à l’image de ce qu’ils perçoi- cales du pays prennent le maquis. vent être le modèle occidental. La En 1976, une sanglante répres- Le mouvement féministe est pensée féministe critique se can- sion militaire secoue le pays. directement touché par cette tonne alors principalement aux L’armée ouvre le feu sur des étu- vague de répression (Sansuratikul cercles universitaires éduqués et diants de l’Université Thammasat Kiarasarn, 2001). Les mouve- il faut attendre le début des qui manifestent contre la confisca- ments de femmes ne se réorgani- années 1970 et la libéralisation tion du pouvoir par les militaires. sent qu’au début des années 1980, partielle des médias et de la vie De nombreux étudiants, intellec- les élites radicales de gauche se LSP 58-15 26/11/07 19:38 Page 147

reconvertissant massivement dans tier dégagé de tout jugement dées par la vigueur du dynamisme 8 les ONG (Simpkins, 2003). moral† . La formulation d’un dis- initial et n’empêchent ni la circu- cours sur la sexualité commerciale lation des agents, ni la réunion Les principales ONG fémi- n’apparaît pas comme une néces- ponctuelle des forces associatives. nistes thaïlandaises encore actives sité, l’ONG se concentrant davan- aujourd’hui sont alors créées, tage sur un soutien pratique et Des prostituées aux sex-workers comme Friends of Women (FOW) localisé, au contact direct des et la Foundation For Women prostituées. La conjonction de trois pro- (FFW) (Tantiwiramanond et blèmes sociaux va transformer les Pandey, 1991). Ces groupes ten- La décennie 1980 correspond à activités de l’ONG, Empower évo- tent d’articuler les inégalités de un moment particulier dans l’his- luant rapidement d’une associa- genre aux inégalités sociales et toire thaïlandaise de la prostitu- tion locale et peu politisée vers surtout économiques. La prostitu- tion†; si les différents agents une structure en réseau davantage 147 tion devient rapidement un thème émergent et s’organisent, l’espace préoccupée de la défense des

privilégié de ces organisations en des prises de position sur la sexua- «†travailleurs sexuels†». La fluidité

formation. L’une des féministes lité commerciale reste «†fluide†», initiale de l’espace thaïlandais des

thaïlandaises alors les plus actives, un «†champ mou†» à l’image de la prises de position sur la sexualité

Siriporn Skrobanek, membre fon- «†nébuleuse réformatrice†» que commerciale n’a pas résisté à la dateur de FOW puis de FFW, se Christian Topalov décrit lorsqu’il conjonction de trois problèmes rapproche des Américaines caractérise le mouvement philan- sociaux successifs qui, durant Kathleen Barry, Charlotte Bunch thropique français de la fin du toute la décennie 1990, ont pola- et Shirley Castley lors d’un sémi- XIXe siècle (Topalov, 1999). Les risé les débats selon des logiques naire en 1983 à Rotterdam. Ces positions des agents sont mou- importées†: le «†tourisme sexuel†», féministes sont célèbres interna- vantes, en cours de cristallisation. le sida et la traite des êtres tionalement pour leurs prises de Certes, des différences existent humains. Empower a progressive- position radicales contre la prosti- parmi les associations féministes ment occupé, dans un champ de tution, définie comme une forme thaïes, dont les dirigeant(e)s plus en plus formalisé, le pôle 4 d’«†esclavage sexuel†»† . Ce dis- reproduisent en Thaïlande les radical défendant la prostitution cours critique est alors dominant débats en cours en Occident†: pos- comme travail. parmi les agents thaïlandais en sibilité ou non d’intégration des charge de la prostitution qui se hommes à la direction, rapport au À partir du début des années retrouvent alors majoritairement travail et aux syndicats, planning 1980, le «†tourisme sexuel†» est dans le projet politique d’une sup- familial, bonheur domestique, dénoncé par quelques féministes pression totale de la sexualité migrations, etc. Mais ces spécifici- qui inscrivent cette forme de pros- commerciale. tés qui dynamisent le champ et titution pensée spécifique dans le l’organisent progressivement, ne prolongement d’un impérialisme Dans ce contexte particulier, sont toutefois pas suffisamment néocolonial (Enloe, 1989). Mais Empower commence ses activités structurantes pour positionner mis à part quelques initiatives en 1985, à l’initiative de 9 définitivement les agents, ni sur- locales† , les relations commer- Chantawipa Apisuk. tout empêcher leur communica- ciales entre touristes occidentaux Empower – surtout à travers la tion. Empower collabore par et femmes thaïlandaises ne susci- voix de Chantawipa Apisuk – ne exemple directement avec la tent pas d’intérêt social particulier. développe pas à l’origine de dis- Fondation For Women de Siriporn Ce n’est qu’à partir du début des cours politique sur la sexualité. Skrobanek, sans s’opposer de années 1990 et de la médiatisation L’association préfère éviter l’op- manière irréductible sur la nature de l’exploitation sexuelle des position traditionnelle entre de la prostitution ni sur sa caracté- enfants que le sujet émerge vérita-

«†good girls†» et «†bad girls†» (soit risation. Et si les divisions poli- blement sur la scène internatio-

«†la bonne épouse†» vs «†la prosti- tiques, philosophiques ou morales nale (Montgomery, 2001†: 21-51).

tuée†»), en mettant en place un existent parmi ces groupes nais- Entre 1990 et 1996, sous l’action soutien aux prostituées du quar- sants, elles apparaissent transcen- particulièrement efficace d’une LSP 58-15 26/11/07 19:38 Page 148

LIEN SOCIAL ET POLITIQUES, 58 contre de «†prostituées forcées†». 67). Mais Empower, dirigée par La condamnation de la prostitu- des individus éduqués, proches Importer pour exister : Empower et le « travail sexuel » en Thaïlande tion devient quasi unanime. des mouvements prodémocra- Empower, uniquement préoccupé tiques, se concentrant sur les rela- par les femmes majeures, reste tions entre Thaïlandaises et pourtant à l’écart de ce mouve- touristes occidentaux, n’a jamais ment et s’isole des autres groupes été directement inquiétée. Au militants. contraire, l’association se voit légi-

timée et son «†expertise†» recon- L’explosion du nombre de séro- 11 nue† . Chantawipa Apisuk perçoit positifs en Thaïlande accélère la que le sida transforme la visibilité transformation d’Empower. Au des organisations de prostituées 148 début des années 1990, dans un en les faisant émerger sur l’espace contexte relevant d’une véritable public national et international. «†panique morale†», les prostituées Elle capitalise alors les bénéfices campagne internationale menée sont rapidement désignées par les de cette nouvelle visibilité en s’en- depuis Bangkok par la réunion au autorités sanitaires comme le pre- gageant résolument dans la lutte

sein d’End Child Prostitution in † † mier «groupe à risque» et font contre le virus et en multipliant les Asian Tourism (ECPAT) de mili- l’objet des principales mesures prises de position sur l’épidémie tantes féministes asiatiques et gouvernementales (Fordham, (notamment lors des Conférences

d’activistes chrétiens occidentaux † 2001; 2005). Les femmes se prosti- internationales sur le sida, de 1988 engagés dans la critique du tou- tuant auprès des touristes étran- à 1994 et celle de 1998). De 1992 à risme, le «†tourisme sexuel†» se gers – désignés importateurs 1994, Chantawipa Apisuk coor- réduit progressivement au «†tou- d’une maladie perçue initialement donne d’ailleurs la Thai NGO risme sexuel impliquant des † † comme «occidentale» (Lyttleton, Coalition on Aids. Le sida impose enfants†» (TSIE) et suscite une 2000†: 41) – sont particulièrement 10 ainsi Empower comme associa- vive indignation internationale† . encadrées par les autorités natio- tion légitime, tant sur le plan inter- La représentation internationale nales. Or, les relais locaux font national que domestique. de la Thaïlande, perçue comme la défaut et les premières initiatives

principale destination des «†tou- gouvernementales répressives Pour finir, l’émergence à partir

ristes sexuels†», se transforme sont condamnées sur le plan inter- du début des années 1990 de la radicalement (Hamilton, 1997). national (Cohen, 1988). Les pou- prise en charge de la traite des êtres L’effervescence médiatique qui voirs publics thaïlandais se humains consacre ce mouvement accompagne cette évolution rapprochent alors des agents tra- de polarisation et de structuration impose la prostitution comme vaillant au contact direct des pros- du champ. Deux coalitions interna- nouvelle thématique incontour- tituées et mettent en place une tionales s’opposent pour la qualifi- nable et accentue la visibilité politique de prévention massive à cation de la traite des êtres

nationale et internationale des laquelle participe Empower. humains†: la Coalition Against ONG locales. Cette focalisation L’ONG devient ainsi le seul repré- Traffic in Women (CATW), qui sur les mineurs remplace pro- sentant – à la fois désigné et auto- dénonce la prostitution comme gressivement les débats poli- proclamé – des prostituées. La forme d’exploitation dans la conti- tiques sur l’usage commercial de spécificité d’Empower est nuité de la réflexion de la féministe la sexualité par un large consen- d’ailleurs renforcée par une Kathleen Barry, et la Global

sus sur la nécessaire protection absence†: les mouvements de pros- Alliance Against Traffic in Women

des enfants «†victimes d’exploita- tituées n’existent pas en (GAATW), qui reconnaît à l’in-

tion sexuelle†». Or, à travers la Thaïlande, malgré quelques tenta- verse la prostitution comme source

catégorie de «†victimes†», c’est l’in- tives de mobilisation sans suite, potentielle de revenus et milite uni- tégralité des relations sexuelles rapidement étouffées au début quement contre les formes de commerciales qui est repensée des années 1980 par les autorités contraintes et de coercition que

comme une violence faite à l’en- administratives (Pheterson, 1989†: peuvent rencontrer les femmes LSP 58-15 26/11/07 19:38 Page 149

prostituées (Toupin, 2002†: 10). La (Australie) et Sonagachi (Inde). certaines approches politiques de GAATW s’est créée à Bangkok, en Empower y joue un rôle central et la sexualité a pu susciter des ten- 1994, à la suite de l’International le bureau du réseau se fixe à sions visibles pour qui a une Workshop on Migration and Bangkok (dans des locaux toute- connaissance interne de l’associa- Traffic in Women. Siriporn fois distincts). En favorisant une tion, alors même que cette dyna- Skrobanek, directrice de la FFW, homogénéisation internationale des mique s’est vue favorisée au nom en devient la coordinatrice interna- prises de position sur la sexualité d’un renforcement international tionale, délaissant le discours commerciale, la mise en réseau des des solidarités. Les données pré- abolitionniste de la décennie pré- associations accentue leur politisa- sentées ici ont été recueillies cédente pour défendre dorénavant tion selon la structuration occiden- durant une enquête de terrain une perspective différenciant pros- tale du débat sur la prostitution. La menée dans le cadre d’une thèse titution volontaire et prostitution création de l’APNSW termine d’an- de sociologie à l’EHESS, entre forcée. La GAATW soutient alors crer Empower parmi les associa- février 2005 et août 2007. Étudiant 149 l’empowerment (ou autodétermina- tions de sex-workers. Les bénéfices la construction sociale du tou- tion) des femmes plutôt que leur de cette évolution sont d’ailleurs risme sexuel, j’ai travaillé comme

victimisation, et occupe une posi- renforcés par «†la mise en réseau professeur d’anglais bénévole au

tion auparavant monopolisée par des réseaux†», phénomène récent sein d’Empower afin de m’insérer 12 Empower. Selon une logique de du monde associatif† . La visibilité durablement parmi les prostituées distinction qui lui permet d’exister accrue de l’ONG permet alors à de Patpong. L’association a été en se différenciant, Chantawipa Empower de se rapprocher des fréquentée pendant plus de 400 Apisuk transforme alors définitive- organisations intergouvernemen- heures et des entretiens semi- ment Empower en rapprochant tales les plus légitimes comme directifs ont pu être menés en thaï l’ONG des associations de défense l’ONUSIDA ou l’OMS. auprès de 31 jeunes femmes. des travailleuses du sexe et en radi- Empower n’était pas l’objet prin- Ainsi, en l’espace d’une dizaine calisant son discours. Empower, cipal des entretiens, davantage d’années, Empower s’est rappro- tout en maintenant des liens avec la orientés sur les activités et le par- chée de ce que Margaret Keck et FFW (et la GAATW), s’en dis- cours des femmes interrogées. Kathryn Sikkink ont pu définir tingue en s’affiliant aux réseaux de Mais le décalage observable entre comme un transnational advocacy le discours de l’association et son sex-workers et en capitalisant les 13 network (Keck et Sikkink, 1998)† . bénéfices symboliques de son nou- fonctionnement pratique a Il ne s’agit plus en effet d’apporter veau statut d’association représen- conduit à inclure systématique- uniquement un soutien pragma- tant les prostituées et défendant ment dans la grille d’entretien des tique aux prostituées de Patpong, leurs droits. Les associations inter- questions relatives à l’association. mais plutôt d’inscrire les activités nationales de travailleuses du sexe Les citations présentées ici sont de l’association dans le projet issues de ces interviews. se sont formées dès 1985 lors de la politique d’une reconnaissance tenue de l’International Commit- Il faut rappeler tout d’abord d’un «†travail sexuel†». tee for Prostitutes’ Rights (Jenness, que la revendication de la recon- 1993). En 1991, la formalisation Les effets locaux d’un naissance de la prostitution internationale du mouvement des positionnement international comme travail a été historique- travailleuses du sexe se poursuit ment formulée aux États-Unis et avec la création du Network of Sex Mais le positionnement choisi en Europe par des groupes radi- Work Projects (NSWP). En 1994, par Empower et son alignement caux en association constante une association plus spécifique- sur les associations de sex-workers avec des prostituées. Il s’agissait

ment est créée, l’Asia ne sont pas allés sans soulever un de rendre «†une parole trop long-

Pacific Network of Sex Workers certain nombre de difficultés. Il ne temps confisquée†». La légitimité (APNSW). Ce réseau est fondé par s’agit pas ici de dénoncer telle ou des associations de sex-workers Empower (Thaïlande), Sweetly telle pratique ni de juger tel ou tel s’est ainsi construite sur la partici- Japan (Japon), Pink Triangle comportement. Je souhaite plutôt pation directe des prostituées et (Malaisie), The Scarlet Alliance souligner que l’importation de sur une connaissance pratique de LSP 58-15 26/11/07 19:38 Page 150

LIEN SOCIAL ET POLITIQUES, 58 Ehrlich, 1992†; Odzer, 1994) qui, prostituées de l’association m’ex-

sans correspondre à la représenta- plique ainsi†: Importer pour exister : Empower et le « travail sexuel » en Thaïlande tion construite des relations de prostitution de rue, participe – La directrice n’est pas là cette semaine, pourquoi†? directement au succès de Bangkok, à son inscription dans – Elle est en Angleterre. l’imaginaire collectif (Bishop et – Et toi, tu es déjà parti à l’étran- Robinson, 1998†;Askew, 2002†: 251- ger†? 283) et à la construction de la Thaïlande comme destination – [Rires] Ah non, jamais.

«†attractive†» (Van Esterik, 2000). – Et tu connais d’autres filles, Ainsi, l’amour n’est pas perçu d’autres pays†? 150 comme antagonique à la rémuné- ration (pour les Thaïlandaises – Non, des fois il y a des étrangers comme pour la majorité de leurs qui viennent ici, pour nous voir. la sexualité commerciale clients). Dès lors, la prostitution Mais ils ne parlent pas thaï. (Kempadoo et Doezema, 1998). n’est pas nécessairement considé- Or, née association féministe, – Et comment faites-vous alors†? rée comme une activité autonome l’ONG a conservé une organisa- et aucune femme de Patpong ne – Je ne sais pas… Ils restent avec le tion qui ne correspond pas néces- staff. Nous, on ne leur parle jamais. se qualifiera de «†prostituée†» sairement aux associations (sopheni). Si elles sont employées occidentales de sex-workers. Par De la même manière, l’importa- dans un établissement, elles se exemple, les prostituées n’ont tion de la catégorie sex-worker définiront plutôt comme mas- jamais été intégrées aux postes de s’est faite à partir d’une forme seuse, danseuse ou serveuse†; et si direction, ni même associés aux spécifique de prostitution, et l’on elles travaillent de manière irré- initiatives d’Empower qui relè- associe dorénavant aux prosti- gulière dans les bars de Patpong, vent directement de l’autorité de tuées thaïlandaises les danseuses elles expliqueront systématique- Chantawipa Apisuk. Cette de Patpong. Mais cette population ment qu’elles y viennent «†pour ne constitue qu’une minorité des absence tient en grande partie à la 14 s’amuser†» (maa thieo)? . Dès lors, sociologie des danseuses de bar à prostituées du pays. Car ces jeunes la prostitution n’étant pour elles 15 femmes ont des revenus élevés† , gogo†: faiblement éduquées, majo- ni isolée comme activité spéci- ritairement d’origine rurale, elles sont salariées par les établisse- fique ni différenciée, elles sont le ne sont pas politisées et ne formu- ments dans lesquelles elles tra- plus souvent dans l’incapacité de lent aucune revendication sur une vaillent, possèdent des bases formuler un jugement abstrait sur activité qu’elles jugent privée et minimums d’anglais et bénéficient l’usage commercial de la sexua- qu’elles essaient systématique- le plus souvent de la capacité de lité. Or, Empower n’a jamais ment d’euphémiser. Qui plus est, choisir leurs clients. Or, Empower essayé de pallier cette difficulté†; la prostitution dans les bars pour concentre stratégiquement ses et le processus qui aurait dû per- touristes des quartiers rouges de activités sur ce groupe pourtant mettre aux prostituées d’émerger Bangkok demeure le plus souvent relativement favorisé, tirant béné- comme sujets, les a de facto consa- une activité de transition, d’une fice d’une visibilité construite par crées comme objet (les nouvelles durée variable excédant rarement le succès social du tourisme sex-workers) en les intégrant aux 4 ou 5 ans. Cette volatilité rend sexuel. Cette concentration a eu intérêts politiques de l’associa- d’autant plus complexe la formu- une conséquence paradoxale†: ren- tion. lation d’une conscience politique forcer l’exclusion politique et l’ef- de la sexualité. Pour finir, les rela- Dès lors le partage direct d’ex- facement de la majorité des tions commerciales entre périence, pourtant l’un des objec- prostituées en Thaïlande (les tra- Thaïlandais et Occidentaux intè- tifs affichés des réseaux, n’est que vailleurs des bordels thaïlandais et grent souvent une dimension très difficilement applicable. les prostituées de rue notam-

affective (Cohen, 1986†; Walker et Interrogée à ce sujet, l’une des ment), dont les intérêts – nécessai- LSP 58-15 26/11/07 19:38 Page 151

rement distincts des danseuses à «†travailleuses sexuelles†», alors groups and individuals nationally, gogo – n’ont jamais été pris en même que leurs motivations ne regionally, and internationally16. compte.Ainsi, Empower, en se fai- coïncident pas nécessairement Cette vision optimiste contraste sant le porte-parole d’une popula- avec les objectifs officiels†: toutefois avec la réalité du recru- tion qu’elle ne représente pas, tement de l’association. Cette participe en réalité à un processus – Pourquoi viens-tu à Empower†? caissière d’un bar, fréquentant d’exclusion politique et exerce – Parce qu’il y a des cours d’anglais régulièrement l’association, m’a paradoxalement une violence sup- qui ne sont pas chers et que j’en ai ainsi affirmé†: plémentaire à l’encontre des pros- besoin. tituées. La directrice est venue me voir, il y – Et sur la prostitution†? a des journalistes qui vont passer. En devenant le représentant – Ah… Ils travaillent sur la prosti- Elle m’a demandé de les recevoir thaïlandais quasi hégémonique tution†? Je ne savais pas, moi, je parce que je parle un peu anglais ; 151 des intérêts des «†travailleuses viens juste pour les cours d’anglais. et elle m’a dit de dire que j’étais

sexuelles†», Empower a dû déve- J’ai un petit magasin au nord de sex-worker. Mais moi, je suis cais- lopper un nouveau pôle d’activi- Bangkok, près de l’ancien aéro- sière ! Je n’ai jamais couché pour tés plus directement orienté vers port. […] Je ne connais rien sur de l’argent ! Et je ne suis pas go-go l’expertise et le lobbying juri- Patpong. Je viens juste apprendre danseuse, je suis caissière ! l’anglais avant de partir en dique qui contrastent avec l’am- L’alignement d’Empower sur bition de terrain initiale. Et Australie où m’attend mon futur mari… les réseaux de sex-workers a sus- l’accès à la légitimité politique et cité des attentes sociales qui ne juridique s’est avéré particulière- Qui plus est, l’association s’est correspondent pas nécessaire- ment coûteux pour une associa- trouvée contrainte de justifier son ment à la réalité objective du tion qui ne disposait pas action pour accéder à des finance- fonctionnement de l’association. nécessairement des ressources ments toujours plus importants. financières et intellectuelles pour Par exemple, l’ONG a bénéficié Plus problématique encore, la négocier cette évolution. Ce en 2005 d’une aide de la mise en réseau et l’accès à la visi- recentrage s’est accompagné d’un Fondation Rockfeller pour se bilité internationale a réduit l’au- tonomie d’Empower dont les délaissement des activités locales. transformer en «†Empower choix politiques se retrouvent Ainsi, comme l’affirme cette University†», c’est-à-dire pour ancienne responsable du bureau développer encore davantage aujourd’hui contraints par le suc- cès social des thématiques du de Patpong†: l’éducation. Et pour séduire les bailleurs de fonds internationaux moment. Préoccupée par sa repro- Avant [il y a 10 ans] c’était quand dans un espace de plus en plus duction, l’ONG est désormais même bien plus amusant Empower ; dans l’obligation de parler et d’agir il y avait du monde, pleins d’élèves, concurrentiel, l’association tend à sur des priorités imposées. Par parce qu’on allait dans la rue, on exagérer ses effectifs et à s’aligner leur présentait nos activités. Alors, sur les exigences qu’elle pense exemple, Empower s’est long- elles venaient s’inscrire et il y avait être celles des donateurs. Sur le temps limitée à Patpong et Chiang toujours quelque chose d’amu- site Internet d’Empower, on Mai (les centres ayant été ouverts sant. Et on se connaissait plus. respectivement en 1985 et 1991). trouve ainsi†: Maintenant elles viennent, et puis Or, son développement récent a s’en vont. Et je ne connais per- In addition to the 30 000 sex wor- correspondu en réalité à une actua- sonne. Elles viennent juste pour les kers who have studied with lité externe qui a soudainement cours d’anglais et nous on ne sort Empower, Empower Foundation favorisé un afflux massif de capi- plus. has increasingly become recognized taux dont l’association a su tirer as the strongest and most successful profit†; l’ouverture du centre de Cette situation se retrouve organization for sex workers in directement parmi les élèves de South East Asia. This recognition Mae Sai en 1999 à la frontière nord l’association, systématiquement has seen Empower sharing skills, du pays coïncide avec la concentra- comptées – et présentées dans les information and methodology with tion de l’émotion publique sur la rapports d’activités – comme des an increasing number and variety of traite et les migrations forcées LSP 58-15 26/11/07 19:38 Page 152

LIEN SOCIAL ET POLITIQUES, 58 devenu un passage obligé pour ter – sur des débats qui ne corres- justifier de la pertinence d’une pondent pas toujours à la réalité Importer pour exister : Empower et le « travail sexuel » en Thaïlande prise de position. D’ailleurs, les de leur expérience. groupes qui n’ont pas choisi cette voie en Thaïlande se sont progres- Sébastien Roux sivement coupés de ressources ATER en sociologie à financières, intellectuelles et sym- l’Université Paris 13 boliques et se sont retrouvés rapi- Institut de recherche interdisci- dement déclassés. plinaire sur les enjeux sociaux La transnationalisation des (IRIS) - Sciences sociales, questions sexuelles soulève toute- Politique, Santé 152 fois un certain nombre de difficul- UMR 8156 CNRS-Inserm- tés, car l’étude du féminisme EHESS-Université Paris 13 thaïlandais interroge l’universalité comme nouveau problème social du traitement politique des ques- et celui de Phuket en 2005 avec le tions morales. Le monde associatif tsunami qui a dévasté la côte n’est pas exempt des relations de

Andaman. De la même manière, domination Nord/Sud†; l’une des Notes l’association a récemment essayé manifestations les plus violentes 1 de développer des activités de ce rapport inégal s’observe Certes le terme «†prostituée†» est connoté et difficilement importable autour du «†Grand Mékong†», dans la capacité différenciée comme tel dans le champ scientifique nouvelle thématique incontour- d’universalisation du particulier. (Pheterson, 2001). Nous le conserve- nable des agents internationaux Les formes spécifiques qu’ont pu rons toutefois de manière neutrali- 17 spécialistes de la région† .La prendre localement les débats sur sée, sans jugement moral quant aux mise en réseau des associations a la prostitution se sont avérées activités exercées. L’usage des guille- ainsi imposé un nivellement des dépassées par l’universalisation mets, s’il aurait été nécessaire en d’une vision occidentale anhisto- toute rigueur, n’a pas été retenu dans diversités nationales et une dis- la suite de l’article afin d’en faciliter rique et délocalisée de la sexualité parition progressive des spécifici- la lecture. Quant à l’expression «†tra-

tés historiques qui peuvent commerciale. La force de ce pro- vailleur (-se) sexuel (-le)†» et sa tra- s’avérer lourds de conséquences cessus réside dans sa capacité à duction anglaise sex-worker, ils au niveau local, rappelant ainsi la faire adhérer les agents à des posi- seront reproduits comme des dis- complexité de la transnationali- tions censées recouvrir l’intégra- cours indigènes. lité des positionnements 2 sation des solidarités. Les «†prohibitionnistes†» s’opposent à politiques et moraux sur la prosti- tout usage commercial de la sexua- Solidarités et rapports de tution. La sexualité commerciale a lité, appréhendé comme une forme domination ainsi été traitée en Thaïlande d’exploitation. Les «†abolitionnistes†» selon des logiques importées qui cherchent à pénaliser les bénéfices qu’un tiers – individu ou organisation L’activité sociale et médiatique n’ont de sens qu’au sein de leurs – peut tirer de la prostitution d’au- que le tourisme sexuel, le sida et la espaces d’origine et ne permettent trui. Quant aux «†réglementaristes†», traite ont pu susciter en Thaïlande d’appréhender les rapports de ils tentent davantage d’encadrer la a forcé une importation des prostitution qu’à travers leurs prostitution par un cadre juridique débats sur la sexualité commer- modalités spécifiques. Mais, alors transformant le ou la prostitué(e) en ciale qui ne correspondait pas que des associations locales du travailleur. nécessairement à l’histoire locale Sud auraient pu proposer une lec- 3 Notamment les Maréchaux Phibun- des mouvements féministes. ture originale des enjeux de la songkhram (1948-1957), Sarit (1959- Certaines associations thaïlan- sexualité commerciale, elles se 1963) et Thanom (1958, puis daises ont stratégiquement favo- sont trouvées contraintes d’adop- 1963-1973). risé ce processus pour gagner en ter des positions préalablement 4 Un rapport à été publié à la suite de légitimité. L’international est définies et de s’aligner – pour exis- l’atelier, repris dans un numéro spé- LSP 58-15 26/11/07 19:38 Page 153

cial de Nouvelles Questions fémi- 11 Ce processus est d’ailleurs renforcé 15 Le revenu d’une prostituée de nistes (Barry, Bunch et Castley, 1984). par l’émergence en 1992 d’une nou- Patpong avoisine les 30 000 baths par Cet atelier est primordial dans la velle bourgeoisie libérale au pouvoir mois (avec de fortes disparités), soit 3 structuration d’une prise en charge qui remplace, suite à des difficultés fois le salaire de base d’un fonction- mondialisé de la prostitution politiques majeures, les anciens mili- naire thaïlandais, et plus de 6 fois les (Pheterson, 1989, p. 18†; Keck et taires (Jackson, 1993). revenus des prostituées de rue. Sikkink, 1998, p. 178) 12 Dans le cas d’Empower, l’APNSW 16 Voir le site Internet . 2007 et recoupées par une interview (NSWP), 7-Sisters (coalition régio- 17 conduite par Ara Wilson, pour une nale d’ONG en lutte contre le sida), Notamment emmenés par la Banque étude commandée par le Population l’Asia Pacific Network of People asiatique de développement (BAD), Council (Wilson, 1996). Living with HIV (APN+), l’Inter- pour qui le Grand Mékong repré- national Lesbian & Gay Association sente une priorité, «†l’intégration 6 Interrogée sur sa propre religion, 153 (ILGA) et l’Action for Women’s régionale†» étant systématiquement Chantawipa Apisuk a systématique- appréhendée comme un objectif de ment refusé de se déterminer, préfé- Rights in Development Network bonne gestion. Empower a ainsi rant éluder la question lors des (AWID). organisé le Mekong Regional Sex entretiens accordés†:«†Moi, je suis de 13 Margaret Keck et Kathryn Sikkink Work Forum du 20 au 24 novembre toutes les religions …†». définissent un transnational advocacy 2006, et la constitution d’un Mekong 7 Patpong propose un grand nombre network en fonction de ses objectifs Network est devenue l’un des objec- de bars à gogo et d’établissements et des moyens employés pour y par- tifs actuels. directement orientés vers la satisfac- venir†:«†Transnational advocacy net- tion de demandes sexuelles. Le quar- works are proliferating, and their goal tier, spécialisé vers une clientèle is to change behavior of states and of occidentale et japonaise, est devenu international organizations. Simulta- neously principled and strategic célèbre à la fin des années 1980 grâce Références bibliographiques notamment à l’organisation de shows actors†; they ‘frame’ issues to make sexuels. them comprehensible to target audiences, to attract attention and ASKEW, Marc. 2002. Bangkok, Place, 8 Empower a d’ailleurs pour slogan†: encourage action, and to ‘fit’ with Practice and Representation. Londres, «†Good girls go to heaven. Bad girls favorable institutional venues. Routledge. go everywhere†». Network actors bring new ideas, BAKER, Chris et Pasuk PONGPAI- norms and discourses into policy 9 Friends of Women s’allie ainsi à CHIT. 2005. A History of Thailand. debates, and serve as sources of infor- d’autres groupes féministes asia- Cambridge, Cambridge University mation and testimony […]. They also tiques, notamment le mouvement Press. philippin Third World Movement promote norm implementation, by Against the Exploitation of Women pressuring target actors to adopt new BARRY, Kathleen, Charlotte BUNCH (TW-MAE-W) coordonné par sœur policies, and by monitoring com- et Shirley CASTLEY (dir.). 1984. pliance with international standards†» Mary Soledad Perpiñan, pour dénon- Féminisme international†: Réseau cer en 1981 les sex-tours japonais en (Keck et Sikkink, 1998†: 2-3). contre l’esclavage sexuel. Rapport de Asie du Sud-Est. Des manifestations l’atelier féministe international inter- 14 Bien évidemment, le stigmate de la sont organisées à l’occasion de la national contre la traite des femmes prostituée joue directement sur la tournée dans les pays de l’ASEAN (Rotterdam, Pays-Bas, 6-15 avril manière dont se présentent les du premier ministre japonais Senko 1983), numéro spécial de Nouvelles femmes de Patpong. Mais la honte ou Suzuki. Ces mobilisations sont consi- Questions féministes, 8, hiver. la gêne ne suffisent pas à expliquer la dérées comme la naissance d’une situation et le terme sopheni est BISHOP, Ryan et Lilian ROBINSON. action politique contre le «†tourisme

davantage réservé aux hétaïres des † sexuel†». 1998. Night Market : Sexual Cultures anciens royaumes thaï. Quant au and the Thai Economic Miracle. New 10 Le rôle d’ECPAT dans la construc- terme thaï pour «†putain†» (littérale- York, Routledge. tion sociale du tourisme sexuel est ment «†femme qui se vend†») il primordial et mériterait des dévelop- désigne bien davantage les prosti- COHEN, Erik. 1986. «†Lovelorn Farangs†: pements supplémentaires qui ne peu- tuées de rue que celles travaillant au The Correspondence between

vent être abordés ici. L’étude de cette sein des quartiers touristiques pour Foreign Men and Thai Girls†»,

campagne fait actuellement l’objet occidentaux, et demeure insultant et Anthropological Quarterly, 59, 3†: d’une recherche complémentaire. peu utilisé. 115-127. LSP 58-15 26/11/07 19:38 Page 154

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