Des potentialités indéniables, mais…

La wilaya d’El-Tarf n’a été créée qu’en 1984. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, cette wilaya de l’arrière- pays, bien qu’elle se caractérise par un sous-développement local, n’a pas bénéficié d’un programme spécial à même de la faire hisser au rang de ses semblables. Les mini-budgets alloués jusqu’à présentne lui ont pas permis de connaître un développement local conséquent.

Depuis une décennie, la population en a ras-le- bol. Elle a manifesté sa colère par des émeutes d’une rare violence à l’image de celles ayant émaillé les agglomérations de Chatt, Chebaïti-Mokhtar, Oum Teboul, Aïn El- Assel et Zitouna. C’est une wilaya créée dans un cadre bien précis, à savoir le rapprochement entre l’administré et l’administration. Autrement dit, une décentralisation afin de mieux gérer les affaires courantes des citoyens. Cette jeune wilaya, située à l’extrême-est de l’Algérie, renferme des potentialités non négligeables, en particulier dans les domaines agricole, touristique et de l’aquaculture. Elle a une richesse qu’on ne trouve nulle part ailleurs telle que le corail. Ce minéral rouge est recueilli par des plongeurs professionnels, généralement des Italiens, à une profondeur de plus de quatre-vingt-dix mètres. Dorino étant un des spécialistes connus dans la région pour avoir cueilli de grandes quantités. Depuis l’arrêt de cette exploitation, ce professionnel a rejoint son pays natal. Dame Nature a également doté la région d’immenses terres agricoles hautement productives, plus de 72 000 hectares. El-Tarf, qui dans la langue arabe signifie “l’extrémité”, présente entre autres, un littoral de quatre- vingt-dix kilomètres. Le domaine touristique, malgré des sommes colossales injectées et l’intérêt accordé à ce secteur, n’a pas connu l’essor tant attendu depuis que la bête immonde du terrorisme a engendré l’insécurité. La région a vu ces dernières années une valse de visites de touristes et opérateurs économiques, mais aucun contrat pouvant être cité n’a été conclu en dépit de toutes les facilités accordées. Ses plages sont propres mais ne connaissent pas l’engouement de la saison estivale de 2001. Elles ont pour noms Hannaya dans la commune de , Battah, Cap-Rosa, l’usine du Moulin, la Grande-Plage (El-Kala) et la Messida dans la commune d’Oum Teboul dans la daïra d’El-Kala. Quatorze plages sont ouvertes à la baignade publique. Mais depuis l’émeute qui a mis en feu El-Kala en 2002, les estivants ne se bousculent plus au portillon cette année bien que nous entamons la seconde quinzaine du mois d’août. Pas d’animation. L’infrastructure touristique d’accueil est défaillante, une dizaine d’hôtels et une auberge de jeunes sont implantés à Oum-Teboul commune frontalière située à une dizaine de kilomètres de Tabarka (Tunisie). La majorité écrasante de la population vit de l’agriculture sous ses différentes formes et de l’élevage (bovins,ovins,caprins). Selon les statistiques en notre possession, on dénombre 145 000 têtes d’ovins, 85 000 caprins et 120 000 bovins. La région d’El-Tarf est un véritable éden. Elle a généralement un climat rigoureux en hiver, tempéré en automne et au printemps, mais habituellement un été torride. Dès le début du mois de juillet, le mercure atteint des pics insupportables. À l’extrême-est, plusieurs localités sont voisines de villages tunisiens. Elle dispose d’un des plus importants ports de plaisance en voie de réaménagement. Le projet est décentralisé depuis la visite du chef de l’Etat. Un projet qui a fait couler beaucoup d’encre. Le directeur de la DIB, en dépit du sérieux qu’il affiche, a été dégommé. Les travaux ayant caractérisé le nouveau port sont en arrêt et reprendront incessamment, une fois les études renouvelées. Cinquante milliards de DA ont été engloutis par les vagues lors des intempéries, des cent milliards de DA alloués initialement. El-Tarf est constituée de vingt-quatre communes —El-Tarf, Zitouna, , El-Kala, Aïn El-Assel, El-Ayoun, Ramel-Souk, (Oum Teboul), Ben M’hidi, Berrihane (Chatt), (, ), ( dite Bouhaïratou Ettouyour, Cheffia), (Aïn Kerma), , Beni Salah ) , Dréan, Chebaïta-Mokhtar et . C’est le parti FLN qui a raflé la mise lors des joutes électorales du 10 octobre dernier. Selon le recensement effectué en juin 1998, la population est estimée à 342 000 habitants. Des sept daïras,Bouhadjar, Besbès, Dréan, Ben M’hidi, El-Kala, Bouteldja et le chef-lieu, El-Tarf, Besbes a la plus grande densité en population, plus de 74 000 âmes, selon les dernières statistiques ; vient après celle de Dréan avec 52 000 habitants. Comme nous l’avons signalé plus haut la population vit de la diversité des activités agricoles et de l’élevage. Hormis la Menuiserie de l’Est, le secteur étatique est sur la liste des absents. Les compressions opérées dans le cadre de la privatisation ont fait beaucoup de malheureux qui se sont joints aux rangs des milliers de hittistes. La wilaya a un sous-sol riche mais la paupérisation atteint des seuils alarmants. Dix mille familles démunies environ. Des équipes de prospection auraient découvert dans le lieu-dit Bouchliga dans la commune de Zitouna un gisement de minerais. Dans le passé, une mine était exploitée par les colons à Oum Teboul et les voies de chemin de fer gardent encore leurs stigmates reliant à plusieurs villes tunisiennes. Cette voie de communication valant son pesant d’or fut abandonnée bien avant le déclenchement de la Révolution. Celle-ci se trouve dans la commune d’Oum Teboul (la localité avait durant la Révolution pris le nom de la mine). Ce n’est que dans les années soixante-dix (la révolution agraire) qu’elle a repris sa dénomination d’origine, “Souarekh”. La wilaya d’El-Tarf peut se vanter de la présence de plusieurs lacs et de deux barrages alimentant Annaba et El- Tarf en eau potable. Elle reçoit chaque année plus d’un milliard trois cents millions de mètres cubes d’eau. Les trois quart des eaux pluviales se déversent dans la Méditerranée après avoir inondé plusieurs milliers d’hectares hautement productifs. En dépit de ces potentialités, les populations de plusieurs localités souffrent le calvaire. Elles sont confrontées continuellement à une irrégularité dans la distribution de l’eau potable. Certaines reçoivent ce précieux liquide tous les quinze jours. Deux autres barrages sont sur le point de se concrétiser dans les communes de Bougous et Boutheldja, les études d’assiettes sont déjà achevées. Le manque d’eau a fait sortir des populations dans la rue, il est accentué par une crise de logement sans précédent. Le parc immobilier ne dépasse guère les 77 mille logements entre le social et les attributions en autoconstruction. Un déficit de trente mille unités est enregistré. Durant la guerre de Libération, la région avait versé un lourd tribut. La wilaya compte 7 200 handicapés sans les victimes de la guerre de Libération nationale. Les mines coloniales continuent de temps à autre à faire des victimes. Le secteur éducatif enregistre une nette amélioration en comparaison des années 1980. Quatre vingt-dix mille écoliers, collégiens et lycéens poursuivent respectivement leur scolarité dans 256 écoles primaires, 58 CEM et 18 lycéens entre le technique et l’enseignement général. Les centres de formation assurent quatorze spécialités. Un centre universitaire est opérationnel depuis l’année passée dans les locaux de l’ex-institut agro-vétérinaire. Il assure des cours à des étudiants qui se sont inscrits dans les quatre filières ouvertes, notamment biologie, agro-vétérinaire, langue et littérature arabe. La wilaya aura, à partir de 2004, sa propre université. La cité universitaire sera opérationnelle à partir de cette rentrée scolaire. Quant au secteur sanitaire, il accuse un déficit important sur le plan infrastructurel et d’encadrement, manque de spécialistes également malgré les mesures incitatives. Les centres de santé sont inopérants.

T. B.