du Rwanda et du Burundi n°52 - Décembre 2019 Trimestriel - n° d'agrément : P914556 Expéditeur : MdC, rue d'Orléans, 2 - 6000 Charleroi

CULTURE CONGOLAISE Nouveau musée national à

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i 2019 a été, comme toutes les années depuis la fête nationale, fut l’occasion de nous souvenir de la Libération création de notre association, prospère en matière il y a 75 ans. La Brigade Piron fut mise à l’honneur et l’un des de production de travaux de mémoire et d’événe- nôtres y participait : Julien Nyssens. Qu’il en soit ici remercié et ments majeurs, je forme le vœu que 2020 le soit tout doublement car il fut aussi l’artisan de la plupart des documentaires autant. Les Mardis ont connu les mêmes succès et réalisés par MdC. Dans le cadre de ce défilé, il écrivit un poème vous avez été nombreux à participer à ces journées figurant dans le n°51 de septembre dont nous reprenons ci-après empreintes de fraternité et de convivialité. De même, l’envoi : “Que vive la Belgique des jours toujours plus beaux !”. Snos Forums, tenus tous les quinze jours, assurés par MM.Thierry Claeys Bouuaert et Marc Georges, attirent toujours nos membres Enfin, en apothéose de cette année, il a plu à Sa Majesté le Roi actifs et satisfont nos invités. Philippe de décerner à deux d’entre nous une distinction ho- Notre fête du mois d’août à Loverval a réuni plus de 150 membres norifique. Lors du dernier forum de décembre, Son Excellence et amis de MdC. Le succès de cette journée pour la troisième année l’Ambassadeur de Belgique honoraire, M. Renier Nijskens, vint consécutive nous incite à la renouveler en 2020. L’organisation de remettre en personne à M. Pierre Vercauteren la médaille d’officier ces rencontres n’est possible que grâce à des personnes motivées dans l’Ordre de Léopold II et à M. Guy Lambrette la médaille de pour la défense des thèmes qui nous sont chers : la réputation chevalier dans l’Ordre de la Couronne. Vive 2020 ! de Léopold II et l’œuvre belge en Afrique Centrale. ■ Paul Vannès Notre site www.memoiresducongo.be est notre meilleur canal d’information par sa réactivité. Parmi les événements majeurs de l’année 2019, notons la rencontre du Frère Mariste Edgard Iserentant et Monsieur Eric Iduma Gitoni, organisée par notre Vice-Président Thierry Claeys Bouuaert. Le 21 juillet, jour de notre Sommaire Mémoires du Congo et du Ruanda-Urundi

Périodique n° 52 - Décembre 2019 MoehlerPhoto F. Editorial 2 Programme des Mardis 3 Carte blanche : Ben Affleck et la chasse aux fantômes 4 Carte blanche : Lettre à Lilian Thuram 6 Industrialisation du Congo (11) : le Colonat 8 Musées du Congo 14 Nouveau Musée National du Congo 18 1482 20 Décoloniser 24 Che Guevara (1) 28 Une contribution majeure 32

Stanleyville 1964 35 MoehlerPhoto F. L'aviation légère 39 Associations : calendrier 2019 44 URBA 45 MDC - Echos des Mardis 47 MDC - Echos du Forum 48 MDC - Eric Iduma Gitoni à l'honneur 50 Afrikagetuigenissen 52 URBC 100 53 Contacts - ASAOM 55 Nyota - CRAA 60 Bulletin - RCLAGL 64 Administration des cercles partenaires 66

Bibliographie 67 MoehlerPhoto F. Médiathèque Photo de couverture : Thierry Claeys Bouuaert Nécrologie Une grande dame s’en est allée, une de plus, laissant la famille des coloniaux un peu plus clairsemée. Huberte Culot, plus connue chez nous comme épouse de Guido Bosteels, le vaillant président d’Afrikagetuigenissen. Elle prive sa famille, ses proches, ses amis et les membres de nos asso- ciations, de son sourire bienfaisant mais leur laisse l’exemple d’une femme courageuse dans l’adversité et le modèle d’une philanthropie bien comprise. On ne saura jamais tous les bienfaits qu’elle a distribués sur le long chemin de sa vie (1931-2019), mais on sait qu’ils furent nombreux. Qu’elle en soit à jamais remerciée. Que les familles reçoivent nos condoléances et nos remerciements !

MdC 2 Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 MdC MÉMOIRES DU CONGO, asbl du Rwanda et du Burundi asbl Périodique trimestriel - Agrément postal : BC 18012 N° 52 - Décembre 2019 Programme des Editeur responsable : Paul Vannès. Rédacteur en chef & coordonnateur des revues partenaires : Fernand Hessel “Mardis de Mémoires du Congo” Correctrice : Françoise Devaux Comité de rédaction : Thierry Claeys Bouuaert, Françoise Devaux, Leuvensesteenweg, 17 à Tervuren. Marc Georges, Fernand Hessel, Françoise Moehler. Auditorium 3e étage. © Création, design et mise en page : New Look Communication Prix à payer : 30€ (23€ Moambe + 7€ participation aux frais) Comité des responsables thématiques A verser au compte de MdC, au plus tard une semaine Thierry Claeys Bouuaert (histoire post-coloniale), Guido Bosteels avant la date de la manifestation (textes en néerlandais), André de Maere d’Aertrycke (histoire IBAN – BE45 3630 0269 1889 BIC BBRUBEBB coloniale), Marc Georges (santé), Fernand Hessel (éducation), Seul le payement enregistré une semaine avant Françoise Moehler-De Greef (culture), André Schorochoff le mardi concerné vaut réservation ferme. (justice), Jean-Pierre Sonck (défense), Pierre Van Bost (économie). Attention ! Il est dorénavant interdit de garer sa voiture dans Dépôt des articles l’enceinte du CODA/CAPA. Un grand parking est à disposition Les articles sont reçus à : [email protected] en face, de l’autre côté de la chaussée de Louvain. (adresse strictement réservée au dépôt des articles; les échanges relatifs aux articles reçus se font directement avec la rédaction en Mardi 11 février 2020 chef). 10h00 : Témoignage de Jean-Louis Luxen Conseil d’administration Président et Administrateur délégué : Paul Vannès 11h30 : Conférence de Pierre-Yves Kairis, chef Vice-président : Thierry Claeys Bouuaert de département à l'IRPA (Institut Royal du Secrétaire : Nadine Evrard Patrimoine Artistique), “Réflexions impertinentes Administrateurs : Guido Bosteels, Thierry Claeys Bouuaert, sur la question des restitutions : des spoliations Marc Georges, Fernand Hessel, Guy Lambrette, Etienne Loeckx, Françoise Moehler, Robert Pierre. révolutionnaires au patrimoine issu des colonies.” Comptabilité 12h45 : Moambe de nos chefs Régine, Pierre et Solange Brichaut Yves Hofman. Siège social 14h30 “La guerre coloniale contre les Herero.” avenue de l’Hippodrome, 50 - B-1050 Bruxelles Réalisateur : Martin Baer, film de 2004, 72 mn. [email protected] Siège administratif rue d'Orléans, 2 – B 6000 Charleroi. Tél. 00 32 (0)71 33 43 73 Mardi 10 mars 2020 Numéro d’entreprise : 478.435.078 Site public : www.memoiresducongo.org 10h00 : Témoignage de Robert van Michel BIC : BBRUBEBB 11h30 : Conférence de Marc Georges, médecin IBAN : BE95 3101 7735 2058 colonel : “Aide humanitaire et éthique.” Secrétariat 12h45 : Moambe de nos chefs Pierre et Yves Secrétaire : Andrée Willems Hofman. Cotisations 2020 Cotisation ordinaire : 25 €. Cotisation de soutien : 50 € 14h30 : “Brazza ou l’épopée du Congo” Cotisation d’Honneur : 100 €. Cotisation à vie : 1.000 € Réalisateur : Léon Poirier, film de 1939, 94 mn. Tous les membres reçoivent la revue. Compte bancaire de Mémoires du Congo (Pour les revues partenaires Contacts, Nyota et Bulletin, voir le compte bancaire de chaque association, en page 66). BIC : BBRUBEBB - IBAN : BE95 3101 7735 2058 Ne pas oublier la mention “Cotisation 2020” ou “abonnement 2020”. Les dames, sont priées, lors des versements, de bien vouloir utiliser le nom sous lequel elles se sont inscrites comme membres. AVIS AUX AMATEURS ET AUX HABITUES Fichier d’adresses Si vous changez d’adresse, merci de nous communiquer vos Tous à LISBONNE le 6 juin 2020 nouvelles coordonnées et votre adresse mail. Merci également de communiquer l’adresse de toute personne intéressée à devenir membre de Mémoires du Congo et du Ruanda-Urundi ou à s’abonner à la revue. Simple abonnement à la revue Pour recevoir la revue, il suffit de virer 25 € au compte de l’association avec mention de l’adresse et de l’année. Publicité Tarifs sur demande, auprès du siège administratif Copyright Les articles sont libres de reproduction dans des publications poursuivant les mêmes buts que la revue source, moyennant mention du numéro de la revue et de l’auteur de la revue source, et envoi d’une copie de la publication à la rédaction. © 2019 Mémoires du Congo, du Rwanda et du Burundi.

MdC Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 3 Carte blanche BEN AFFLECK ET LA CHASSE AUX FANTÔMES

L’annonce du projet de film du célèbre acteur et metteur en scène Ben Affleck sur Léopold II et le Congo Indépendant, film basé sur le livre d’Adam Hochschild King Leopold’s Ghost, est tout sauf anodine. Voir www.cinechronicle.com/historique.

PAR THIERRY CLAEYS BOUUAERT Il n’est pas inintéressant de revenir populations fragilisées. sur l’épisode de la publication du Jean Stengers, dans son ouvrage pamphlet de Mark Twain, Le Soliloque Congo Mythes et réalités précise du Roi, en 1905. La genèse de cette que ces abus qui ont accompagné publication a été bien documentée par la récolte du caoutchouc, ont pris l’historienne Liane Ranieri qui a publié dans nombre de cas le caractère de un article en avril 2005 dans la Revue véritables crimes mais relève qu’ils Générale belge (voir www.albertville. ne se sont pas étendus à l'ensemble be/twain). Je la cite : « Twain offrira du Congo. Des distinctions géogra- le pamphlet et ses droits d'auteur à phiques sont indispensables. « Locali- la section américaine de la Congo sations dans le temps et localisations Reform Association, qui le publiera à dans l'espace qui font de l'idée d'un Boston en 1905, nanti d'une préface 'holocauste' dû à Léopold II, non pas de Morel, mettant le lecteur en garde une absurdité, mais simplement une contre les exagérations de l'auteur et impossibilité. » Voir : www.urome.be/ l'extravagance des chiffres cités par fr2/ouvrag/hochschild. Hochschild Twain (dix millions de morts affamés mait aussi son admiration devant les se base surtout sur les livres de D. et massacrés). En réalité, dans ses résultats obtenus en si peu de temps Vangroeneweghe (Du sang sur les propres écrits, Morel cite le chiffre par l'État Indépendant du Congo. La lianes) et de J. Marchal (L'Etat libre déjà considérable et sans aucun doute publication in extenso au Bulletin de du Congo, Paradis perdu), dont on ne excessif d'un million et demi de morts, l'EIC des travaux de la commission peut affirmer qu'ils furent écrits selon majoritairement à cause des maladies, d'enquête est en soi aussi un signal les principes d'une critique sereine et comme il le reconnaît lui-même. On non équivoque de la volonté royale équilibrée. Liane Ranieri rapporte des sait en effet que, dans de nombreuses de s'associer à un travail de meilleure commentaires intéressants de certains parties du monde, la dépopulation gestion, là où des abus avaient été lecteurs du livre de Hochschild, je est une conséquence tragique de la mis en lumière (voir : www.urome. n’en citerai qu’un : « Was Leopold any confrontation des populations in- be/fr2/ouvrag/1905). Liane Ranieri better or worse than Queen Victoria digènes avec les colonisateurs (ce nous éclaire sur les sources du livre or Kaiser Wilhelm? How were the fut aussi le cas au nord et au sud d’Hochschild. Il reprend notamment British, French or German colonies du continent américain). » Devant comme « sources indiscutables » le in Africa treated as compared to the les attaques de Morel et sa Congo pamphlet de Mark Twain, ou le ro- Belgian Congo ». Reform Association, il faut rappeler man de Joseph Conrad Au cœur des que c’est le Roi lui-même qui a de- ténèbres, dont l'auteur affirmait qu'il Citons aussi le livre du Prof. Pierre- mandé qu’une Commission d'enquête ne s'agissait que d'une œuvre de fic- Luc Plasman : Léopold II, potentat soit diligentée au Congo. Ce qui fut tion. Écrit en 1890, avant même le congolais, L'action royale face à la fait en 1905. Le rapport, très sévère début de l’ère du caoutchouc, de sa violence coloniale (Racine 2017). Il sur des faits relevés dans les zones récolte forcée, des abus criminels apporte un regard neuf et troublant d’exploitation du caoutchouc, expri- qui l’ont accompagnée, face à des sur la violence du système colonial. Il

MdC 4 Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 aborde pour la première fois le fonc- la part de bobos US me gonflent, 20 témoignages d’acteurs, de témoins de tionnement de l'État Indépendant du millions d'Amérindiens exterminés, ce passé commun, congolais comme Congo et le rôle de Léopold II en vue ça, ça ne risque pas de produire un belges. C’était aussi la symbolique des de mieux comprendre les atrocités film sur le sujet ». Propos d’un ami retrouvailles du mardi 8 octobre der- liées à la récolte du caoutchouc ainsi congolais. nier, mettant face à face un ex-otage que les actions du souverain. Mais n’avons-nous pas aussi un exa- et le jeune Congolais dont la lucidité Et voilà Ben Affleck qui annonce men de conscience à faire, une res- et la présence d’esprit ont permis de reprendre à son compte les alléga- ponsabilité à assumer face à cette sauver de nombreux otages détenus tions d’Adam Hochschild comme histoire qui quoiqu’il soit arrivé, réunit dans le collège des Frères Maristes soubassement historique à son film. Belges et Congolais dans une pé- un certain 24 novembre 1964. Une Sans risque de nous tromper, nous riode, brève sans doute, mais combien réécriture « à quatre mains » de ces pouvons déjà en déduire que nous cruciale pour nos deux pays. Deux pages d’histoire commune, par une serons dans la caricature, bien plus livres récents méritent d’être signa- équipe d’historiens belges et congo- que dans une fresque historique. Car lés. Le premier Congo, Mémoires à lais, serait une avancée majeure pour limiter une présentation de ce qu’a vif (Mols, 2019) est l’œuvre entamée livrer aux générations futures un récit été l’E.I.C. aux activités de récolte du par Luc Beyer de Ryke, achevée par dépollué autant d’une narration de caoutchouc et aux abus qui y sont sa compagne, Françoise Germain l’historiographie coloniale ne voulant liés est pour le moins très réducteur. Robin, qui écrit que le malentendu voir que les aspects positifs de l’en- Pas de doute à avoir sur le scénario belgo-congolais peut être dissipé par treprise, que des amalgames souvent concocté par Affleck, Scorsese et le partage des mémoires et l’étude présents dans les théories postcolo- consorts. Dans la grande lignée des de l’histoire. « Pour cela il faut se niales qui dominent aujourd’hui. « Et films hollywoodiens, il nous offrira débarrasser une fois pour toutes de dont l’idéologie, les fantasmes et les une histoire assez scandaleuse de deux grands mythes qui obscurcissent réappropriations abusives à propos méchants, de victimes et de crimes jusqu’à aujourd’hui la pensée et la de ce passé dont se sont emparées impunis. Ce qui évoquera dans l’es- réflexion. Ces deux mythes sont des mémoires (nécessairement par- prit du public que les méchants – les Léopold II et Lumumba ». Le second tisanes), en insistant sur la néces- colonisateurs européens – devront Collectif Congo Belge, Mémoires en sité de revenir régulièrement à la « payer » pour leurs forfaits. Et voilà Noir et Blanc 1945-1960 (Weyrich, matérialité des faits, seuls remparts l’image des États-Unis redorée, en 2019), à l’initiative de l’association contre les nostalgies simplificatrices bons défenseurs des peuples oppri- Âges & Transmissions. Le journaliste et les mystifications messianiques més, redresseurs de torts, autorité François Ryckmans brosse parfaite- de la postindépendance », comme morale en matière de démocratie, ment les contours et objectifs des 14 le Dr Jean-Claude Kangomba l’écrit de justice et d’état de droit. témoignages publiés, avec la volonté dans sa postface du livre Traces de L’anthropologue américain Frede- de trouver des convergences entre vie coloniale au Congo belge et au rick Starr (voir www.urome.be/pdf/ Congolais et Belges, de faire un bilan Ruanda-Urundi (L’Harmattan, 2017). ebooktruth) n’avait-il pas relevé « que dans la lucidité, permettant d’esquisser Alors pour revenir à Ben Affleck et ceux qui s’indignent en apprenant que une histoire partagée, sortir des dénis Martin Scorsese, en adaptant King des Noirs sont fouettés, enchainés ou mutuels, des autojustifications et des Leopold’s Ghost d’Adam Hochschild tués au Congo, trouvent cela parfaite- accusations. « Il est temps de tisser à l’écran, pas de doute, ils feront fort, ment normal dans leur propre pays ». les liens d’une histoire critique. Il est très fort même ! Avec certainement le temps de rappeler que la construction même souci de rigueur historique qui “Je crains le pire. D'après le scénario, du Congo colonial a été aussi l’œuvre ferait du Wild West Show de Buffalo un des protagonistes de l'histoire sera des Congolais. Il est temps d’affirmer Bill la vraie histoire de la conquête un missionnaire Noir américain ! Au avec force que la richesse et la diversité de l’Ouest. Pas de risque de devoir XIXe siècle ! Très crédible, quand on de la Belgique, en Europe et dans le évoquer « the Ghost Dance » ni le sait que les Afro-Américains n'ont monde, sont dues aussi au travail et massacre de Wounded Knee. C’est obtenu la fin (officielle) de la ségré- à la contribution majeure du Congo tellement plus confortable de parler gation raciale aux États-Unis qu'en ... et des Congolais » nous explique-t-il des fantômes des autres ! ■ 1964 ! Mais bon, réécrire l'Histoire, dans son introduction. au nom du politiquement correct, ça prime sur toute autre considération... Ces objectifs sont aujourd’hui partagés (pour info, je suis moi-même Noir, par Mémoires du Congo, du Rwanda je suis né au Congo, et j'ai vécu aux et du Burundi. Nous poursuivons États-Unis). Ces leçons de morale de avec détermination la collecte des

MdC Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 5 Carte blanche LETTRE A LILIAN THURAM

Lettre ouverte à Monsieur Lilian Thuram, auteur de Mes étoiles noires, dont certains passages interpellent bon nombre de ceux qui connaissent la réalité du terrain. PAR ANDRE DE MAERE D’AERTRYCKE

Cher Monsieur, millions de descendants d'esclaves noirs en Amérique. A l'Est, les arabes C'est avec beaucoup d'intérêt que j'ai n'achetaient pas leurs esclaves, ils lu votre livre intitulé Mes étoiles noires les capturaient. Avec l'aide de tribus De Lucy à Barack Obama. Ce livre locales, dont celle des Batetela (la est admirablement écrit et j'ai appris tribu de Patrice Lumumba) ils encer- quantité de choses, que j'ignorais tota- claient les villages, les incendiaient lement. La plupart des "étoiles" dont et emmenaient toute la population, vous relatez les hauts-faits et - hélas - à pied, jusqu'à Mombassa et de là, à aussi les humiliations, les injustices, Zanzibar où des potentats du Moyen- les insultes et les exclusions qui les Orient les leur achetaient. Beaucoup ont frappées, je ne les connaissais pas de ces malheureux mouraient en cours du tout ou je n'en avais que vague- de route. Et qu'advenait-il des survi- ment entendu parler. Ces choses-là vants ? Les hommes étaient châtrés doivent être dites et elles ne sont pas, et quant aux femmes, après les avoir mais alors pas du tout, à l'honneur violées, leurs ravisseurs les faisaient des Blancs qui s'y sont livrés sans avorter. Résultat : on ne voit guère vergogne et sans états d'âme ! Shame 1830 que le roi de , Charles X, de descendants d'esclaves noirs au on them ! Honte à nous, Blancs, pour a mis fin à cette pratique barbare, Moyen Orient. ces agissements inqualifiables. en envahissant Alger, qui en était le centre névralgique. Mais il y avait encore une troisième Au début de votre livre (en bas de forme d'esclavage. Celle-là, vous n'en la page 54 et en haut de la page 55) Vous auriez pu aussi souligner parlez pas. Pourquoi ? une phrase m'a toutefois perturbé : ce qui différenciait fondamen- Est-ce parce qu'elle était pratiquée "Jusqu'à la fin du Moyen-Age, des talement la traite négrière pra- par les Noirs eux-mêmes aux dé- Européens ont été vendus par d'autre tiquée autrefois par des mar- pens de leurs propres frères? Les Européens en direction des pays mu- chands blancs de diverses puis- tribus vivant en Afrique centrale sulmans". J'aimerais que vous nous sances européennes, dont la France, se livraient autrefois à des com- en donniez la preuve en citant les en Afrique, de celle que les Arabes bats sans trêve et sans merci, pour archives historiques qui soutiennent musulmans y pratiquaient depuis la se procurer des prisonniers qui cette assertion. nuit des temps. A l'Ouest, les esclaves devenaient leurs esclaves et l'on ren- étaient achetés par des marchands contrait un peu partout des marchés D'autre part, j'estime qu'il eut été cor- britanniques, hollandais, français, de chair humaine dans lesquels les rect de votre part, de mentionner portugais et espagnols pour les en- acheteurs venaient désigner et mar- aussi que durant des siècles, ce sont voyer travailler dans les plantations quer eux-mêmes sur les victimes à les musulmans maghrébins qui ont de canne à sucre en Amérique et dans égorger, le morceau qu'ils convoitaient. écumé le sud de la France et d'autres les îles de l'océan atlantique. Achetés, Les funérailles des chefs de village côtes européennes pour y capturer payés, donc vendus. Et qui est-ce qui étaient alors célébrées par d'atroces les habitants de villages entiers et les les vendait ? Les rois et chefs de tribus hécatombes d'esclaves que l'on égor- emmener comme esclaves à Alger, où noirs, pardi ! Ces Noirs vendaient leurs geait et jetait dans leurs tombes avec ils étaient mis en vente sur la place pu- propres frères de couleur ! Résultat : leurs femmes préférées, qui, elles, y blique, aux plus offrants. Ce n'est qu'en il y a maintenant des dizaines de étaient enterrées vivantes !

MdC 6 Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 Pour illustrer ce qui précède, nous Mais en plus, dans ce chapitre, vous BNB à tout le Congo, que vous vous avons cette lettre savoureuse, adres- ne vous contentez pas de mythifier complaisez à présenter comme étant sée en 1907 par le Chef Manangame quelqu'un auquel vous ne reconnais- le pire que l’Afrique aie jamais connu ! d'Avakubi à un officier suédois (Eskil sez d'ailleurs pas d'autres mérites Sundhagen) de la Force Publique, que ce fameux discours, que vous L’attachement des Belges à leur an- où il lui dit ceci : “Dans le temps prenez plaisir à citer intégralement, cienne colonie et à ses habitants, ne quand les Arabes étaient les chefs, ils mais vous en profitez pour prétendre s'est pas relâché après son accession prenaient nos femmes et enfants et que le colonisateur belge a été "le pire à l’indépendance. Nombreux sont les vendaient comme esclaves. Sans colonisateur que l'Afrique ait jamais les Belges qui y sont restés, y sont pitié ils pillaient le pays et brûlaient connu" ! Et sur quoi vous basez-vous retournés ou s’y sont rendus pour les villages. Le blanc ne brûle jamais pour prétendre cela ? Sur une seule la première fois, notamment dans le des villages et si on va chez lui avec source ! Sur Adam Hochschild, un cadre de la coopération au dévelop- des poules et des bananes, il nous journaliste, avide comme tant d'autres pement, comme ces enseignants à paye toujours pour tout. Il paye bien qui exercent ce métier, de scandales, qui la République démocratique du aussi pour le Mupira (caoutchouc). de scoops sensationnels, politique- Congo doit aujourd’hui l’émergence de Le blanc a éliminé le trafic des es- ment corrects et dans l'air du temps ! très nombreux universitaires dans les claves. Mais nous les hommes noirs, Tout sauf un historien digne de foi ! domaines les plus divers : professeurs on veut quand même que les blancs d’université, ingénieurs, médecins… partent, parce qu'ils nous forcent à Franchement, de la part d'une per- Comme celui qui s’est installé en maintenir les routes en état et on sonne aussi intelligente et cultivée que France, à Marly-Gomont et dont un ne peut plus faire la guerre contre vous, cela me déçoit profondément. film célèbre relate les aventures, pour les voisins et on ne peut même plus Permettez-moi d’invoquer le livre de ne citer qu’un exemple. manger les prisonniers, car si on les Kakou Ernest Tigori, Prix Mandela mange, on est pendu !” de littérature 2017, intitulé L'Afrique Nombreux sont les Belges qui initient, à désintoxiquer, dans lequel cet Ivoi- aujourd’hui encore, malgré la situation Mais c'est surtout le chapitre que vous rien insiste sur la nécessité de "sortir chaotique qui y règne, des projets de avez consacré à Patrice Lumumba qui l'Europe de la repentance" et "l'Afrique développement durable en RDC, dans m'a fait bondir. Ce discours haineux de l'infantilisme". Et c'est un Noir qui lesquels les Congolais s'impliquent à envers les Belges, qu'il prononça le a eu l'honnêteté et le courage d'écrire fond et qu'ils mènent à bien, comme 30 juin 1960, lors de la cérémonie cela. Ayant passé, avec ma femme et ce programme de sécurité alimentaire, d'accession de son pays à l'indépen- nos enfants, les dix premières années basé sur la relance de l'agriculture, dance fut non seulement une insulte de ma vie professionnelle au Congo du petit élevage et de la pisciculture envers le Roi Baudouin et tous les Belge, comme Administrateur Ter- à Lulingu (Sud-Kivu), suivi par un de Belges ayant œuvré avec enthousiasme ritorial, j’en garde le souvenir d’un mes fils et de nombreux bénévoles. au Congo, mais surtout une erreur peuple attachant, jovial et intelligent, monumentale qui a causé un chaos, heureux de vivre dans un pays dont Parler, écrire, c'est bien. Agir, c'est dont son pays ne s'est toujours pas non seulement le P.I.B. était le plus encore mieux ! relevé aujourd'hui, près de soixante élevé de toute l’Afrique en 1960, mais ans après. Ah, si Lumumba avait eu dont surtout le B.N.B. ; le Bonheur Espérant avoir ainsi quelque peu l'âme et l'étoffe d'un véritable homme National Brut était sans équivalent éclairé votre lanterne et complété d’État, ce leader au charisme excep- dans les autres colonies. les connaissances que vous avez en la tionnel, aurait pu sceller une amitié, matière, je vous présente, cher Mon- une entente, une collaboration sincère Comme vous le savez sans doute, les sieur, mes très cordiales salutations. ■ entre les anciens colonisateurs et les trois critères qui entrent en ligne de anciens colonisés, dont tous auraient compte pour évaluer cette notion, profité. sont les suivants : la sécurité et la paix règnent partout, un enseigne- Nelson Mandela, qui avait souffert ment, de qualité, est accessible à tous, bien davantage de la colonisation gratuitement, partout et des soins britannique et du régime de l’apar- médicaux, de qualité, sont dispensés theid, a eu, lui, cette grandeur d'âme à tous, gratuitement, partout, jusque et cette vision prophétique ! Pour le dans les coins les plus reculés. Et plus grand bien de tous les habitants, c'est le colonisateur belge, celui qui Blancs et Noirs, de l'Afrique du Sud. avait finalement réussi à étendre ce

MdC Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 7 Economie L'INDUSTRIALISATION

DU CONGO (11) Le colonat Au Congo Belge, le terme “colon” désignait celui qui s’était installé à la Colonie pour y exercer à son compte personnel une profession ou un métier. Il y avait des colons agriculteurs et éleveurs, des artisans, des commerçants, des industriels ou des personnes exerçant une profession libérale. Etait aussi considéré comme colon celui qui vivait de ses rentes.

PAR PIERRE VAN BOST

Il n’y avait pas que des Belges installés transports,… Deux régions étaient par- Mais par défaut de capitaux, la Pastorale comme colons, mais aussi des ressortissants ticulièrement propices à l'installation de se vit forcée de cesser ses activités en d’autres nations, des Grecs, des Italiens, colons européens, il s'agissait des régions 1912. Le Service de l’Agriculture du Gou- des Polonais, des Portugais, des Anglais, d'altitude du Haut-Katanga et du Kivu. La vernement reprit et développa alors la des Français, des Suisses, des Grand-du- Province Orientale, plus particulièrement tâche entreprise par la société défaillante. caux, des Indiens et bien d'autres encore. en Uele-Ituri, accueillit aussi de nombreux Cette dernière avait néanmoins rendu de Le Congo Belge n’était pas une colonie colons agricoles. grands services en contribuant à l’étude de peuplement, aussi, estimant que les Au Katanga, le Comité Spécial du Katanga, des terrains agricoles et des élevages, et Européens ne devaient pas concurrencer le C.S.K., créé en 1900 pour mettre en en favorisant l’installation au Katanga des les Congolais sur le marché de l’emploi, le valeur tous les terrains appartenant au premiers colons de nationalité belge dans Gouvernement ne facilita pas l’établisse- domaine de l’État et ceux attribués à la une dizaine de fermes expérimentales. En ment à la Colonie d’un grand nombre de Compagnie du Katanga, reçut des pouvoirs 1919 il y avait au Katanga une trentaine colons. On rencontrait des colons dans administratifs, de gestion et d’aliénation de colons européens. [1, 2] toute la colonie, mais les grandes villes très étendus. En 1909, le C.S.K. a favorisé En 1920, le C.S.K. créa un service forestier de Léopoldville et d'Elisabethville furent la création d’une société de colonisation, la bientôt doublé d’un service agricole. En deux pôles qui attirèrent de nombreux Compagnie Foncière Agricole et Pastorale 1922, il entreprit des cultures expérimen- colons. Ailleurs, les grandes entreprises du Congo, la Pastorale, chargée d’étudier tales dans un jardin d’essai, l’Arboretum favorisèrent l'installation comme colons les sols du Katanga, de rechercher ceux de l’Étoile. de certains de leurs anciens agents en leur qui convenaient le mieux pour l’installation 1. Les premiers colons belges au Katanga, en achetant des produits vivriers pour leur de colons belges, de faire des expériences 1911. René Jules Cornet, Les Phares verts, main-d'œuvre ou en leur faisant effectuer de cultures et d’élevage, d’installer ces 1965. certains travaux tels que terrassements, colons, de les protéger et de les soutenir. 2. Habitation d'un colon dans la région du lac fabrication de briques, construction de La Pastorale envoya au Katanga deux Kisale et mise en sac du café, Congo 1925, maisons, construction de charpentes, missions agricoles et fonda des fermes. © Henroteau.

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MdC 8 Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 L’année suivante le Comité créa une grande pouvaient y faire un stage d'un an. qu’à cause des entraves et lenteurs de ferme laitière expérimentale, la Ferme L’œuvre réalisée par le Comité Spécial du l’action administrative». Hubert Droogmans, où des recherches et Katanga fut énorme, que ce soit dans les Pour résoudre le problème financier, le essais furent entrepris en vue de mettre au domaines agricoles et de l’élevage ou au Gouvernement fit appel à des capitaux point les meilleures méthodes d’élevage point de vue de l’approvisionnement en privés. C’est ainsi qu’une association com- du cheptel bovin et porcin. En juin 1923, viande fraîche, en produits laitiers, ou posée de la Colonie, de la Compagnie il constitua un Service de Colonisation encore sur le plan de l’aide au colonat. des Grands Lacs, qui renonça aux droits chargé de tout ce qui concernait l’établis- Au 31 décembre 1958, on dénombrait au fonciers qu’elle possédait dans la région, sement de colons agricoles, indigènes et Katanga 2.310 colons pratiquant tous les d’un certain nombre d’associés souscrip- non-indigènes, sur ses terres. La laiterie du métiers, dont 1.208 de nationalité belge. [3] teurs et des sociétés privées, créa, le 13 Katanga, créée par le C.S.K. en 1930, valo- La province du Kivu, située à l’est de la janvier 1928, un organisme parastatal, risait au maximum la production laitière Colonie, comprenait deux régions assez le Comité National du Kivu, le C.N.Ki., des fermes des environs d’Elisabethville. différentes, le Maniema, un moyen pla- chargé de la mise en valeur de la région. En 1937, le Comité créa la station de teau traversé par le Lualaba et le Kivu Cette association avait pour objet d’étu- Keyberg chargée de recherches visant à proprement dit, une région montagneuse dier et d’aménager la région du Kivu au l’amélioration et à la diversification des en bordure du grand « Graben » central. point de vue des voies de communication, cultures fruitières et maraîchères, ainsi Le Kivu, avec ses terres fertiles et un cli- du développement de l’agriculture, de qu’à une meilleure valorisation des ri- mat tempéré dans les zones d’altitude, la colonisation agricole tant européenne chesses forestières domaniales. De 1940 était une région propice à la colonisation qu’indigène et des industries agricoles et à 1944, la station céda aux colons près européenne. Au point de vue agricole, le diverses. Elle devait également mettre en de 10.000 jeunes arbres fruitiers greffés, pays offrait des possibilités de cultures valeur les terres faisant partie du domaine plusieurs milliers de plants bouturés et variées en fonction de l’altitude. Mais le privé de la Colonie et les mines non encore plus de 1.000 kilos de graines. Kivu était d’accès difficile, ce qui retarda concédées. La gestion de toutes les terres En 1947, le C.S.K. participa à la constitu- l’établissement de colons blancs dans la domaniales était donc confiée au C.N.Ki. tion de la Société de Colonisation belge région. Ceux-ci ne s’installèrent au Kivu qui disposait de «pouvoirs concédants» au Katanga, la Cobelkat, dont l’objet était qu’après la Première Guerre mondiale analogues à ceux accordés au Comité de promouvoir l’installation de colons et, en 1924, ils étaient à peine 11, dont Spécial du Katanga. belges dans le domaine du Comité. Cette 7 Belges. Dès le 31 juillet 1928, le C.N.Ki. créa une société installa plusieurs dizaines de colons En 1928, le Premier ministre belge, Henri filiale, la Société Auxiliaire Agricole du qui se consacrèrent principalement à la Jaspar, déclara : «si nous ne voulons pas Kivu, la S.A.A.K., chargée de recherches culture du tabac, du café, des fruits, ainsi voir la région du Kivu colonisée par des scientifiques en matière agricole. A cette qu’à l’élevage de bétail laitier. En 1950, éléments étrangers, il faut y implanter des fin, l’État lui remit la station expérimen- elle construisit à Kasese une ferme pilote Belges sans tarder. Cette mise en valeur tale de Tshibinda, gérée par la Régie des pour bovidés, suidés, ovidés et gallinacés. immédiate et rapide qui s’impose, le Gou- Plantations de la Colonie et dont les études Cette société mettait ses installations à vernement est impuissant à la réaliser, tant portaient sur les cultures tels le café, le thé la disposition des candidats colons qui en raison des difficultés d’ordre financier, et le quinquina. Cette station possédait une école de moniteurs où elle recevait les fils de chefs indigènes. Elle aida les 3 planteurs en leur donnant des conseils techniques et en fournissant des graines et plants sélectionnés. La S.A.A.K. admettait en stage des candidats colons. En 1934, l’État reprit la station expérimentale pour la céder à l’Inéac. Le C.N.Ki. avait compté sur les revenus des cessions et concessions de terres, mais la crise survint et l’afflux de colons nouveaux se ralentit, tandis que les colons déjà établis, en pleine période d’investis- sement, se trouvaient aux prises avec des

3. La fabrique de cigares Finistère à Jadotville, vers 1950. A l’avant-plan, Mme Gabrielle Bruilandt, propriétaire de la fabrique, et au second sa fille Maria Auraame

MdC Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 9 Economie

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difficultés financières aggravées encore des années 1930 montra tout le danger tant par les conseils prodigués par les par les déboires dus, en général, à leur de la monoculture. Aussi, peu avant la techniciens du C.N.Ki., que grâce à la inexpérience. Les ressources du domaine Deuxième Guerre mondiale, des cultures collaboration des services de l’Inéac. [5] ne couvraient même pas les frais de gestion. nouvelles, comme celles du quinquina, Certains colons entreprirent aussi des Le C.N.Ki. n’étant pas en mesure d’exécu- du pyrèthre, du derris, de plantes à par- cultures maraîchères et fruitières dont ter le programme d’investissements et de fum, de l’aleurite, conquirent une place les productions étaient acheminées vers développement qui lui avait été assigné, importante dans la production agricole les grands centres de la Colonie par la le Gouvernement, lors de réorganisations du Kivu. La tâche des colons fut facilitée, voie aérienne. en 1933 et 1935, déchargea le Comité de la plupart de ses obligations sociales et de l’exécution des travaux d’intérêt public 5 et, en contrepartie, réduisit l’étendue de son domaine. Au 31 décembre 1958, il y avait au Kivu 1.741 colons pratiquant tous les métiers, 736 d’entre eux, dont 615 Belges, s’occu- paient d’une entreprise agricole. [4] Les premiers colons installés au Kivu s’étaient adonnés presque uniquement à la culture du caféier. Mais la chute des cours du café lors de la crise économique 4. Une ferme à Rutshuru, au Kivu, vers 1950. Ministère des Colonies.

5. Récolte des fleurs de pyrèthre. Les fleurs séchées et broyées constituent un excellent insecticide. Evolution InforCongo 1955 .

MdC 10 Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 Peu avant la Deuxième Guerre mondiale, créée en 1947, accordait aux candidats didats étaient soumis à la dure discipline le Gouvernement revit sa politique et fut colons des avantages d’ordre pécuniaire du travail agricole. L’enseignement était disposé à favoriser l’extension du petit comme la dispense du cautionnement théorique et pratique. Les cours avaient colonat belge. Le Service de Colonisation, exigée à toute personne pénétrant sur une durée de douze mois et se terminaient créé en 1936 à la Direction de l’Agriculture le territoire du Congo Belge et l’octroi par un examen. La réussite des épreuves et de la Colonisation à Léopoldville, fut de prêts à long et moyen terme permet- permettait aux candidats colons de béné- chargé de tenir un inventaire permanent tant au colon de faire face à ses frais de ficier d’un crédit de notoriété de 800.000 des possibilités d’installation à l’intention de première installation, des réductions sur francs pour faire face aux frais de premier candidats cherchant à s’établir au Congo. les frais de voyage, des exemptions ou établissement. Les nouveaux candidats Cette année-là, un premier contingent de des réductions des droits de douanes étaient aidés dans le choix de leurs terres 160 colons belges, dont une centaine de pour permettre d'importer l'équipement et de leurs orientations agricoles par des colons agricoles, émigrèrent au Congo. nécessaire à leur installation. équipes de l’État, du Comité Spécial du Mais ce ne sera qu’après la guerre 1940- S’installer colon agricole n’était pas chose Katanga ou du Comité National du Kivu; 1945 que l’envoi de candidats colons au aisée, car il fallait pouvoir disposer de ils recevaient en outre l’aide technique Congo fit l’objet d’une intervention systé- terres et de main-d’œuvre et le dévelop- nécessaire des organismes ayant la colo- matique du gouvernement. Dans ses «Mes- pement d’une entreprise agricole exigeant nisation dans leurs attributions. Au cours sages de Guerre» le Gouverneur Général un nombre important d’années, il fallait de la session 1957-1958, 110 élèves, dont Pierre Ryckmans avait défini clairement disposer de moyens financiers considé- 2 Congolais suivirent les cours dans les les besoins en hommes de la Colonie : rables. Les candidats colons belges ou fermes-écoles, 91 se sont installés ensuite «Notre programme d’après-guerre n’est luxembourgeois provenant du milieu comme colons agricoles. réalisable que s’il s’appuie sur la fondation rural pouvaient sous certaines conditions Les colons agricoles européens s’adon- solide d’une nombreuse colonisation par effectuer un stage rémunéré de trois ans naient à des cultures diverses. Certains l’élite. Pour toutes les élites : scientifique, dans le service officiel de l’agriculture. Cet récoltaient du caoutchouc ou de l'huile professionnelle, ouvrière, administrative, engagement temporaire leur permettait de palme, d'autres cultivaient le cacao technique… Mais seulement par l’élite, d’acquérir de l’expérience en matière d’agri- ou le café robusta en plaine et le café parce que toute place que l’indigène peut culture tropicale et d’épargner ainsi une arabica en zone d'altitude. D'autres encore occuper aussi bien que le Blanc doit lui partie de leur capital de premier établis- s'adonnaient aux cultures maraîchères, à être ouverte de plein droit». Le problème sement. Les candidats ayant effectué avec la floriculture, à l’arboriculture fruitière, du colonat ainsi placé en relation avec le succès leur stage continuaient à recevoir à la culture de théiers, de quinquina, de devoir de tutelle excluait l’introduction l’aide de l’État. pyrèthre et de plantes à parfum ou mé- au Congo d’une catégorie de personnes Les autres candidats colons, n’ayant aucune dicinales. En principe, ils s’intéressaient dont la prospérité serait faite du maintien expérience rurale, devaient effectuer un surtout aux cultures d’exportation. dans un état d’infériorité de la population stage dans une des fermes-écoles exis- Les candidats colons artisans pouvaient indigène. On ne fit donc appel qu’à des tant au Congo Belge. Une ferme-école à s'engager comme stagiaires pour une durée éléments d’élite, tant colons que fonction- Mushweshwe, au Kivu, gérée par l’Office maximum de trois ans dans un service de naires. La politique du Gouvernement des Produits agricoles du Kivu, enseignait l'administration. A leur arrivée au Congo, visait ainsi l’installation au Congo de colons les cultures de montagne : café arabica, thé, les nouveaux colons pouvaient s'ils le disposés à y faire souche, à y exploiter quinquina, pyrèthre et plantes à parfum, désiraient séjourner dans des maisons rationnellement les richesses naturelles et une autre école installée à Lula, près d'accueil ouvertes par le Gouvernement du sol et à y réinvestir leurs profits, créant de Stanleyville, dépendant de l’Office du où ils pouvaient vivre un certain temps à ainsi une économie servant les intérêts Café Robusta, s'adonnait aux cultures de frais réduits, le temps de s'installer et de de la Colonie. zones chaudes, comme le café robusta, démarrer leur affaire. Il y avait de telles Un bureau de la Colonisation ouvert à le palmier à huile, le caoutchouc et le maisons d'accueil dans une quarantaine Bruxelles encourageait les candidats colons cacao. Dans ces établissements, les can- de localités. [6] qui, par leurs aptitudes, étaient jugés en Les colons débutants et leurs familles mesure de contribuer au développement du pouvaient, pendant les cinq premières Congo. Ce service était apte à renseigner, années de leur installation, bénéficier à guider judicieusement tout candidat et d’une assistance médicale leur assurant à l’orienter vers la région qui lui offrirait la gratuité des frais médicaux et de mé- le maximum d’avantages, compte tenu de dicaments. ses qualités personnelles, de ses connais- sances professionnelles et du capital dont 6. Maison d’accueil pour colons construite à il disposait. Sur intervention de ce même Kindu par le gouvernement. Les futurs colons y bureau,7 la Société de Crédit au Colonat, 6 trouvaient un logement à peu de frais pendant leur période de prospection.

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Le colon artisan était garagiste, tailleur, au colon commerçant il se chargeait du C’est dans ce domaine qu’il y avait propor- coiffeur, photographe, imprimeur, élec- commerce au détail ou demi-gros. Parmi tionnellement le plus de Belges : 30,27% tricien, cordonnier ou plombier-zingueur. les professions libérales on trouvait des de tous les colons belges s’occupaient Le colon industriel exploitait une entre- colons médecin privé, dentiste, avocat ou d’agriculture, venaient en seconde place prise de construction, de transport, un architecte. [7, 8, 9, 10] les colons commerçants avec 22,65%. atelier de fabrication métallique, un chan- Au 31 décembre 1958, on dénombrait Parmi les étrangers, les plus nombreux tier naval, un hôtel, un restaurant, une au Congo Belge 9.516 colons de toutes étaient des Portugais et des Grecs qui boucherie-charcuterie, une fabrique de catégories dont 5.202 étaient Belges, soit s'adonnaient surtout au commerce. [11] limonade ou encore une laiterie. Quant 54,55%. Le plus grand groupe de colons Les colons étaient réunis dans des associa- 7. Colons tenant une maison de commerce à était formé de commerçants, 3.676 au tions professionnelles très actives comme Léopoldville. Ministère des Colonie total, dont une majorité d'étrangers, mais l'Union pour la Colonisation, l'Unicol, par contre les Belges étaient largement l'Union des Colons du Ruanda-Urundi, la 8. Menuiserie d’un colon à Léopoldville. Ministère des Colonies majoritaires parmi les colons agricoles. Chambre de Commerce et de l'Industrie

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MdC 12 Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 du Kivu-Maniema, l'Union Profession- 9 nelle Agricole du Katanga, l'Union des Entrepreneurs, Industriels et Artisans, l'Union des Colons de la Province Orientale. Ces associations étaient groupées au sein d'une fédération, la Fédacol, qui avait un représentant à Bruxelles. Si certains colons ont réalisé de bonnes affaires et se sont enrichis au Congo, ce ne fut pas une règle générale, surtout pas parmi ceux qui s’établirent dans la colonie après la Deuxième Guerre mondiale. Ils durent d’abord rembourser les sommes importantes qu’ils avaient empruntées pour payer leurs frais de voyage et d’installation et, pour s’assurer une rente à l’âge de la retraite, ils investissaient le plus souvent dans leurs propres entreprises ou dans des biens de placement. Ces personnes ont travaillé dur, prestant de longues journées de travail et, souvent, avaient des activités annexes pour arrondir les fins de mois. La plupart ont tout perdu à l’Indépendance du Congo. ■ (à suivre) Plan de l’étude complète 1. Introduction (n°42) 2. Transports (n°43) 3. Industries minières A UMHK (n°44) 4. Industries minières B (n°45) 5. Industries minières C (n°46) 6. Sources d'énergie (n°47) 7. Agro-industries (n°48) 8. Industries de transformation A (n°49) 9. Industries de transformation B (n°50) 10. Industries de transformation C (n°51) 9. René et Victoria De Mol, colons bouchers- 10. Une vue des installations des Etablissements 11. Le colonat (n°52) 12. La Main-d’œuvre indigène 1 (n°53) charcutiers à Elisabethville, de 1946 à 1960. Somville à Elisabethville. Katanga Marabout DR 13. La Main-d’œuvre indigène 2 (n°54) Photo De Mol

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MdC Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 13 Culture 1. MUSÉES DU CONGO

Avec les bibliothèques, les musées sont les lieux privilégiés de la mémoire d’une nation. Non seulement ils relient les peuples qui la forment à leur passé mais ils sont dotés de la force pédagogique apte à les projeter dans l’avenir. Le Congo, qui peut tabler sur une richesse peu commune dans le domaine de la culture, ne peut se passer de musées.(fh)

PAR ANDRE-BERNARD ERGO

Histoire Léopoldville (Kinshasa) et installé dans c’est à cette occasion que le Président Durant la période coloniale, 4 musées un bâtiment d’UTEXLEO, à l’initiative Mobutu, s’étant rendu compte de ce que importants avaient été créés au Congo. d’une association nommée « Les Amis pouvaient rapporter ces statuettes et C’est à l’initiative du Belge Robert Verly de l’art indigène ». Vers 1936, ce musée, autres objets, ordonna que l’on « vide » qu’un musée est créé à Luluabourg qui prendra le nom de « Musée de la vie les villages du Congo des œuvres d’art (Kananga) en 1957, sous l’appellation indigène », déménagera aux environs du qu’ils pouvaient encore contenir, et que de « Musée d’art et de folklore de Lu- pont Ngabi. En 1953, le gouvernement naquit, dans son esprit, l’idée du retour luabourg » rattaché dès le début au Lycée colonial installera ce musée dans les à l’authenticité ainsi que la création d’un de Luluabourg (actuellement Lycée de anciens bâtiments de l’Hôtel des Postes, organisme chapeautant tous les musées. Kele Kele) et considéré, dès sa création, et dès cette époque, il fut rattaché au Dès les années cinquante, un musée comme un outil de documentation avec Musée du Congo belge à Tervuren. Au fut créé à Coquilhatville (Mbandaka) à une double vocation didactique et tou- terme de la colonisation ce musée conte- l’initiative de Monsieur Niset, un employé ristique. Ce musée a connu, comme nait des dizaines de milliers de pièces de l’administration. Le musée rassemblait d’autres institutions de la République, amassées par de nombreux conserva- au départ 600 pièces du patrimoine après 1960 et jusque 1972, des moments teurs notamment par M. Vandenbossche culturel et traditionnel des ethnies de difficiles ponctués par des pillages et qui a, en outre, structuré l’institution. la province de l’Equateur, comprenant des vols, rendant impossible la volonté Le musée était d’ailleurs ouvert tous les des outils de chasse, des paniers, des de mettre en place une politique de jours de la semaine. Son histoire détail- nasses de pêche, des pirogues, des pho- conservation. Durant cette période, le lée et tragique en ce qui concerne les tos d’intérêt ethnographique, des pote- musée s’est nettement appauvri alors collections a été longuement explicitée ries, mais aussi des livres. Le musée de qu’on constate, à la lecture des anciens par Jan Raymaekers le 25 mars 2017 à Mbandaka a subi récemment de grosses répertoires, qu’il contenait plus de 4000 l’ARSOM. Ce musée a non seulement déprédations du fait de l’occupation objets. Un inventaire de janvier 2008 fait été pillé au cours d’émeutes après l’in- par l’armée congolaise. Le quatrième état de 658 objets conservés au musée, dépendance, mais les objets qui ont musée a été créé à Élisabethville, en auxquels doivent s’ajouter 615 autres pro- été vendus localement à très bas prix 1937, par le docteur en anthropologie tégés, à titre conservatoire depuis 1972 ont été rachetés par un commerçant Francis Cabu qui présenta au public, à la direction générale de l’Institut des non congolais de Léopoldville, lequel un an après son arrivée au Katanga, les Musées nationaux du Congo à Kinshasa. les a revendus, entre-autre, sur la place récoltes de ses recherches en archéo- Cela permet de chiffrer l’importance des de New York notamment avec de fa- logie. Recherches qu’il continua avec pertes. (De l’ordre de 68%). Actuellement, ramineux profits. En 1964, (je suis à l’aide de Van De Brande et d’Anciaux de le musée de Kananga reste le principal Léopoldville), le marché d’oeuvres d’art Faveaux, obtenant des collections plus acteur de l’environnement socioculturel à la place Braconnier ne désemplit pas nombreuses et diversifiées notamment de la ville et de la région, en participant et une clientèle anglo-saxonne (ONU ?) en ce qui concerne la minéralogie, la ou en organisant des conférences, des achète n’importe quoi à n’importe quel géologie et l’entomologie. C’est un an- expositions ou des ateliers ouverts à prix ne sachant pas que dans la tradition thropologue de l’Université de Berlin, le tous et particulièrement orientés vers africaine, les pratiques commerciales Dr Burkhart Waldecker, qui classa et des institutions pédagogiques. Depuis font toujours l’objet d’une joute verbale ordonna les collections. En 1942 fut créée 2005, a été créé à cet effet, une revue entre le vendeur et l’acheteur. Mon lin- la Société des amis du Musée laquelle semestrielle appelée Kasai Culturel. gala m’a permis, à l’époque, d’acheter, obtint la personnalité civile en 1943, et à un prix décent, deux peintures à un en janvier 1946, les collections furent Mais le premier musée du Congo belge étudiant de Saint Luc. exposées de manière définitive dans fut créé beaucoup plus tôt, vers 1930 à L’avocat Mario Spandre prétend que ce qui fut baptisé officiellement Musée

MdC 14 Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 Léopold II mais que le public continua L’Institut des Musées férentes stations de recherche qu’il a d’appeler Musée Cobu. Peu avant 1960, nationaux du Congo été préservé en plus grand nombre, le musée bénéficia d’un bâtiment tota- Le musée national de Kinshasa a été pendant plus d’un siècle, à des fins lement neuf, construit par l’architecte fondé en 1970. Il est situé dans la com- d’études scientifiques. Cette exposition belge Claude Strebelle. Mais ce n’est mune de la Gombe sur le mont Nga- publique d’objets d’Afrique centrale à qu’en 1961 que les collections gagnèrent liema, dans l’enceinte de l’ancienne une époque charnière de l’histoire de les nouveaux bâtiments pour peu de Académie des Beaux-Arts et rattaché l’art en Europe, la fin du fauvisme et temps d’ailleurs, car durant la période à l’Institut des musées nationaux du l’émergence du cubisme, a éveillé l’in- de sécession du Katanga, les troupes Congo. Il est créé à la suite de la collecte térêt des artistes qui ont identifié ces des Nations Unies (ONUC), notamment générale des objets d’art demandée objets à de l’art premier. Un peu plus suédoises, transformèrent le musée en par le Président Mobutu après 1965 tard, dans les années trente, en créant caserne, causèrent d’importants dégâts et la création de l’Institut des musées le concept de négritude, Léopold Sen- aux bâtiments et détruisirent quantité nationaux du Zaïre (IMNZ) en mars ghor fera émerger une forte conscience d’objets préhistoriques et zoologiques. 1970 comme entreprise publique, par politique que les chefs d’état africains Elles pillèrent en outre plus particuliè- ordonnance présidentielle n° 70-089. porteront à l’international après les in- rement les collections ethnographiques Cet institut fonctionne sous la double dépendances, notamment au Festival et minéralogiques et détruisirent une tutelle du Ministère du portefeuille (tu- des arts de 1966. C’est l’époque où le grande partie de la bibliothèque. telle financière) et du Ministère de la Président Mobutu commence à penser Collections patiemment reconstruites en- Culture et des Arts (tutelle technique). au concept de « retour à l’authenticité » suite. Depuis 2003, les services éducatifs Institution attachée à la Présidence de qu’il appliquera vers 1970, dont un des du musée travaillent en collaboration 1970 à 1975 et fonctionnant en étroite principaux marqueurs est le patrimoine, avec ceux de Tervuren à la réalisation relation avec le MRAC à Tervuren qui avec les archives nationales et la bi- d’un programme pédagogique adapté lui assure un appui logistique ainsi que bliothèque nationale. L’aide de camp aux élèves de Lubumbashi au départ de la formation de ses cadres spécialisés. du Président Mobutu, le colonel John deux thèmes choisis : l’écologie et la di- Le directeur du MRAC l’ir Lucien Cahen Powis aura un rôle important dans la versité. Un premier atelier appelé « S.O.S. sera le premier directeur de l’institution réalisation de ce concept. Environnement » et un second nommé jusqu’à sa retraite du MRAC en 1975, On a vu que la Présidence a ordonné la « Unité dans la diversité » amènent chaque date à laquelle il sera remplacé par le collecte du patrimoine matériel dans tout mois, gratuitement, un millier d’enfants frère Joseph Cornet, jusqu’à l’avènement le pays, mais elle a suggéré également la dans le musée ; ce qui correspond aux de gestionnaires congolais à la direc- collecte de nombreux enregistrements visites d’une année entière précédem- tion générale sous la supervision de de musique traditionnelle. ment. Il y a dans les environs du grand laquelle sont rattachés différents musées Jusqu’en 1987, la présidence de l’IMNC Lubumbashi, 245 écoles primaires et provinciaux (Kinshasa, Lubumbashi, sera belge et le recensement des tra- 185 écoles secondaires. Toutes n’ont Kananga, Mbandaka déjà évoqués, ditions des 450 groupes ethniques du pas encore été contactées par les deux mais aussi Butembo, Boma, Kikwit et Congo se fera avec la coopération belge ateliers. le musée national d’art contemporain et le musée de Tervuren; à cette date, Pour être complet, il faut encore signaler situé à Kinshasa). le premier président congolais, le pro- quelques petits musées existant durant Le siège de l’IMNZ appelé IMNC au- fesseur Lema Gwete travaillera plutôt l’époque coloniale comme le Musée jourd’hui, est tout un symbole, car il avec le PNUD et avec l’UNESCO. régional de Thysville (1937), le Musée est situé à l’endroit où le grand chef Dans les années nonante, l’IMNC ren- de la vie indigène de Kinsambi (1939) et coutumier teke humbu du nom de contre de graves problèmes de fonc- celui de Stanleyville géré par Madame Ngaliema avait érigé sa résidence et tionnement ce qui entraîne un arrêt des Barlovatz. le lieu où il avait reçu le chef Makoko recherches. À la fin de cette décennie et D’autres musées seront créés après 1960 de l’autre côté du pool Malebo. C’est jusqu’en 2002, avec l’entrée à Kinshasa comme le musée kimbanguiste à Nkam- également l’endroit de la résidence des de l’AFDL les collections du musée ont ba ; le musée du cardinal Malula et le deux premiers présidents de la Répu- subi de nouveaux pillages et certaines musée d’art contemporain à Kinshasa ; blique congolaise. importantes pièces pillées ont été re- le musée de minéralogie de Likasi qui L’essentiel du patrimoine traditionnel trouvées à Vienne (notamment la statue contient 600 espèces de minerais et congolais se trouvait, depuis les pil- Bandundu de la reine Mbala et une des outils du XVIe siècle ; le musée de lages de 1960 et de ceux qui suivirent, harpe zande). Gungu (plus de 18.000 objets Pende) ; dispersé dans le monde entier où il Aujourd’hui, la situation s’est apaisée, les musées de Kikwit, de Boma et de avait pris une valeur artistique et com- les réserves du musée concernent en- Butembo dont on reparlera plus loin merciale très importante, mais c’est au viron 50.000 objets et les travaux de et le musée du Kivu. musée de Tervuren et dans ses dif- recherche ont repris dans 7 sections :

MdC Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 15 Culture

Sites et monuments, Musicologie, Édu- dans des hôtels de Goma et de Kinshasa. de francs avait d’ailleurs été reprise dans cation, Art moderne et contemporain, Il existe un autre petit musée au Kivu, le budget de l’État en 2017. Art traditionnel, Archéologie, Histoire assez méconnu, mais qui s’évertue à La rentabilité des musées dans cette et traditions orales. perpétuer la sagesse traditionnelle région est loin d’être garantie à cause du L’IMNC compte huit musées nationaux, congolaise qui disparait de plus en manque d’accessibilité pour des visiteurs dont 2 à Kinshasa, un à Lubumbashi, un plus aujourd’hui. Le musée est locali- en grand nombre et un musée sans à Kananga, un à Mbandaka, à Kikwit, sé à Bukavu et sa pièce maîtresse est visiteurs est difficilement concevable. à Boma et à Butembo. La Corée du la statue d’une femme, assise sur ses Malgré tout, l’État a envisagé de créer 14 Sud a construit un nouveau musée à genoux et qui tient dans ses mains une musées de proximité dans les provinces Kinshasa, imaginé pour développer espèce de jarre, comme celle figurant et un musée panafricain à Kinshasa. des recettes propres : salle polyvalente jadis sur les anciens billets de 10 Fr. En On peut supposer que le nouveau mu- (location), bibliothèque, espace de restau- langage luba, Kabila signifie partage.et sée financé par la Corée du Sud jouera ration, une superficie utile de 15.000 m2 la statuette avait, parait-il une fonction, ce rôle (voir article suivant). Malgré la pour les expositions, les réserves et stimulant l’entraide et la solidarité. La présence de l’ancien musée de Kinshasa l’administration. statue, appelée la petite kabila, est une dans un lieu assez fréquenté, le nombre En matière de formation on envisage copie de l’originale dont on ignore le sort. de visites dépassait à peine le millier une coopération avec l’École du Patri- Le musée a été constitué jadis, il y a d’individus par an. Force est de consta- moine africain de Porto Novo et avec une quarantaine d’années, par un Père ter que, depuis toujours, les Congolais l’Université francophone L.S. Senghor xavérien nommé André, au départ d’ob- n’ont pas vraiment la culture de musée, d’Alexandrie. Un atelier soutenu par jets conçus en prévision généralement et, si les visites d’écoles peuvent créer l’UNESCO forme le personnel à la lutte d’une cérémonie d’initiation ou pour cette culture, elles n’auront pas, avant contre le trafic illicite de biens culturels. l’investiture d’un chef. longtemps, d’effets sur la rentabilité On va développer des visites d’écoles Le petit musée du Kivu a ouvert ses immédiate. La distribution des musées pour le public ainsi que la mise en valeur portes en 2013, mais la recherche inten- dans le pays, comme le montre la carte des sites remarquables de Kinshasa. sive d’objets avait débuté 10 ans plus tôt, suivante, est aussi un problème préoc- Le Musée d’art contemporain et mul- à la fin de la seconde guerre du Congo cupant, car de nombreuses régions ne timédias de l’échangeur de Limete (2003). Grâce à la coopération des chefs sont pas couvertes et la grosse majori- (Kinshasa) a été créé en 2012 à l’ini- coutumiers des principales tribus du té des ethnies n’aurait pas accès à ses tiative du chef de l’État sortant Joseph sud Kivu (Lega, Bembe, Shi et Buyu), patrimoines. Kabila Kabange. Outre des illustrations la collection du musée compte plusieurs La distribution des musées dans le pays photographiques le musée présente centaines de statuettes, masques et fé- est aussi un problème préoccupant, car des travaux de céramique, des arts tiches, mis à l’abri du pillage et des vols de nombreuses régions ne sont pas cou- multimédias et cinématographiques. des groupes armés. vertes et la grosse majorité des ethnies Il dispose de vidéo-projecteurs et d’un Ce petit musée est là pour garder la n’aurait pas accès à ses patrimoines. écran panoramique de 16 mètres. On mémoire collective des ethnies, alors Les musées se répartissent comme suit : y projette des images sur les cultures que celle-ci tend à disparaître. musées de Mbanza-Ngungu, Kinsambi congolaises et étrangères. À l’extérieur de la procure xavérienne, et Kisangani n’existent plus ; musées Le petit Musée de Butembo a été créé en rien n’indique la présence du musée nationaux supportés par l’IMNC : Matadi, 2004 à l’initiative de Sauveur Mulwana bien qu’il attire quelques milliers de Kinshasa, Arts contemporains, Kikwit, qui a commencé par mettre en vente visiteurs par an, essentiellement des Kananga, Lubumbashi, Mbandaka et tous les objets qu’il possédait dans ses groupes organisés par les écoles ou Butembo ; autres musées : Musée kim- entrepôts, pour s’apercevoir, quelques les paroisses. banguiste à Nkamba, Musée de Gungu, mois plus tard, que son musée était vide Musée de Likasi, Musée du Kivu à Bu- et ne présentait plus d’intérêt pour les Rentabilité des musées nationaux kavu et ouvert récemment à Kinshasa et visiteurs. Il a alors recommencé une L’IMNC répertorié jadis comme une non renseigné, Musée cardinal Malula. collection en distinguant les objets à entreprise publique a été transformée Le professeur d’histoire Adam Djedidja mettre en vente et ceux à exposer. La en établissement public au moment de souligne un autre problème important, collecte d’œuvre est toujours en cours la réforme de 2009. Malgré que l’Institut le rejet formel par les églises du réveil, et le nombre d’objets retenus détermi- des Musées Nationaux du Congo n’a des traditions ancestrales, de la cou- nera la réouverture du musée. Sauveur jamais contribué au budget de l’État, tume, des statues, des bracelets, des Mulwana qui est aussi un artiste, peint le Ministère de la culture et des arts œuvres de l’ancien temps, des amulettes et réalise des monuments répartis dans envisage de construire d’autres musées et des instruments musicaux qualifiées la ville qui est elle-même un musée en et bibliothèques dans la province du de Bokoko, bref, ce que montrent les plein air. On retrouve aussi ses œuvres Kwilu et une somme de 231,9 millions musées aujourd’hui. ■

MdC 16 Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 2. NOUVEAU MUSEE NATIONAL DU CONGO

PAR FERNAND HESSEL. Photos Thierry Claeys Bouuaert, sauf indication contraire

Le MNRDC a vu le jour dans le cadre musée national. Il y a déjà le musée musées africains installés en Europe d’un partenariat avec la Corée du Sud, national voulu par Mobutu à l’Institut n’ont pas manqué de s’interroger sur la qui offrit finances et technicité dans le des Musées nationaux (flanqué d’un politique que compte mener le Congo cadre de son programme de coopéra- petit musée en plein air dédié à la sta- en matière de restitution des pièces tion bilatéral Koica. La construction a tuaire coloniale). Sis au pied du Mont uniques, qui n’ont survécu qu’en Europe. pris trois ans. Sa superficie est de 6000 Ngaliema, derrière les barreaux du parc Non que le Congo manque de pièces m2. Espace relativement modeste au Présidentiel, il ne risque pas d’entrer pour meubler son nouveau musée, les regard de l’immensité du pays et de ses en concurrence, car son accès est plu- réserves de l’Institut des Musées natio- centaines de peuples, diront certains, tôt difficile et décourage plus qu'il ne naux sont innombrables, pas toujours mais il faut voir avant-tout la volonté des mobilise les citadins et touristes. Les en bon état de conservation il est vrai. gouvernants à doter la population d’un écoles, qui sont les premières appelées, Mais l’enjeu porte sur les pièces rares. instrument apte à remonter dans son ne se sont jamais pressées aux portil- Deux politiques semblent s’opposer : passé, car l’intérêt pour histoire n’est lons. Notons qu’il était déjà conçu sur le retour forcé au pays d’origine et le pas le mieux partagé, ni dans le public, le mode thématique, avec l’appui du maintien d’une vitrine africaine au cœur ni dans les écoles, en dehors du rejet MRAC, bien avant que le MRAC ne se de l’Europe. Le débat risque d’être long. un peu simpliste du passé colonial. La mue en AfricaMuseum. Il est vrai que la Belgique est parmi facture s’élève à 21 millions de dollars. Il est certain que le MNRDC est appelé les pays les plus concernés. Le MRAC Au sens strict il n’est pas le premier à grandir et à s’enrichir. Du reste les est riche en effet de 180.000 pièces

Photo tirée du dossier de presse

MdC Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 17 Culture

d’origine africaine. Notons avec intérêt musée et pour la statuaire coloniale. Les que le conservateur du MNRDC plaide diverses coopérations appelées à prêter pour que la restitution se déroule dans main forte à l’édification d’un nouveau la concorde, l’essentiel étant la protec- musée, n’étaient pas très chauds pour tion d’un patrimoine qui fait la gloire flanquer le nouveau musée de la statuaire de l’Afrique. coloniale qui jusque-là attendait dans Les Congolais et les amis du Congo, divers entrepôts de la ville une forme passionnés de culture, saluent l’ouver- de réhabilitation, plus en phase avec ture du MNRDC, voulu par Kabila, avec les temps nouveaux. Elles plaidaient enthousiasme. La capitale se trouve ainsi pour une plus grande discrétion. Or dotée d’un véritable centre de rayon- il y avait urgence car le Roi Albert II nement culturel sans précédent, avec avait accepté de participer aux festivi- ses salles d’exposition, de conférences tés du Cinquantenaire et qu’il eût été et autres travaux, avec ses ateliers de peu diplomatique de laisser la statue réparation des pièces que trop d’années de deux de ses ancêtres, Léopold II et de négligences et de pauvreté budgétaire Albert 1er, loin des regards. ont laissé se détériorer. Comme le nouveau musée n’existait Si le MNRDC n’est pas situé au cœur encore que sur plan, la majorité finit de la ville, ce qui serait difficile à main- par se décider pour un musée colonial tenir car celle-ci ne cesse de grandir, en plein air, entourant les bâtiments de étant passée de 500.000 citadins vers les l’Institut des Musées nationaux, au bas années soixante à plus de dix millions du parc présidentiel créé par Mobutu, aujourd’hui, il s’est résolument approché où se trouve aussi le cimetière des Pion- de ses consommateurs potentiels, en niers et le théâtre en plein air. C’est ainsi s’implantant sur le boulevard Triomphal, que la statuaire coloniale se trouve loin à un jet de pierre du stade des Martyrs, du nouveau musée. Il est fort à parier de la cathédrale du Centenaire et du toutefois que le MNRDC n’évoque pas Palais du Peuple. Le centre de gravité de diverses manières le passé colonial culturel de la capitale se déplace ainsi du Congo. En illustration, quelques insensiblement du centre administratif images, prises de manière sélective premier, tel que légué par le coloni- par Thierry Claeys Bouuaert lors de sateur, et tel qu’il se vide en grande son récent voyage au Congo. Avec en partie le soir et les jours de congé. Il est prime le photographe photographié, davantage à portée des écoles, et plus posant avec le directeur du NMRDC, facile d’accès pour les visiteurs, qu’ils sous le regard bienveillant du Président viennent de l’intérieur du pays ou qu’ils de la république. mettent à profit leur séjour au Congo Ce petit échantillon permet de constater pour goûter l’art et l’artisanat d’art au que l’exposition s’inspire résolument de contact des peuples qui les ont produits la scénographie moderne, telle qu’on au cours des siècles passés. peut l’expérimenter depuis peu à l’Africa- Et pour être tout à fait dans le vent, le Museum de Tervuren, que les légendes MNRDC sera doté à terme d’une café- sont bilingues (français-anglais), que les taria et, autofinancement oblige, d’une pièces sont exposées avec parcimonie boutique de souvenirs. Sans oublier sa dans chaque thématique, que l’ambition salle de surveillance comprenant pour didactique est manifeste. Le tout dans un le moins 68 caméras ! écrin qui ne manque pas d’élégance. ■

Pour la petite histoire, il est intéressant La revue, toujours pleine d’inérêt de noter que dans les pourparlers qui pour la culture d’Afrique centrale, ont conduit à l’implantation du MNRDC dans toutes ses manifestations, et qui se sont intensifiés à l’approche se plaît à souhaiter plein succès du cinquantenaire de pays, en 2010, la et longue vie au MNRDC partie congolaise visait déjà le boule- vard Triomphal, et pour son nouveau

MdC 18 Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 ”La définition du musée doit être ancrée dans la pluralité des visions du monde et des systèmes de pensée et non dans une tradition scientifique occidentale unique.” Recommandation du Conseil international des musées (ICOM), 2018.

MdC Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 19 Grandes découvertes 1482 En ces temps lointains naviguer était une aventure. Les navires étaient rudimentaires, les instruments de mesure imprécis, les destinations pleines d’inconnu... De plus les rares écrits qui relatent les audacieuses expéditions ne sont pas toujours fiables. Aussi la légende ne tarda pas à auréoler les exploits. C’est ainsi qu’il n’est pas aisé de cerner la figure et la carrière de celui que l’Histoire a retenu comme le découvreur du Congo (pour l’Occident de la fin du XVe siècle s’entend). PAR JEAN-PAUL RAMBOUX

n l’an 1482, dix ans avant jusqu’à ses plus hautes instances ha- le biographe René Cambier parle du que Colomb ne mette le bitera plus tard l’esprit du souverain deuxième voyage. cap sur l’Amérique, Diogo de l’État indépendant du Congo. Dio- René Cambier peut se résumer comme Cao, sur ordre du roi du go Cao n’était pas dupe de quelque suit : Jean II de Portugal mande Diogo Portugal hisse les voiles chance de trouver deux fleuves en Cao en 1482 ; ce dernier atteint l’em- pour cingler vers l’At- vis-à-vis, l’un occidental, l’autre orien- lantique sud. Pour ten- tal, dont l’amont de chacun d’eux ter, comme l’écrit Oscar eût une largeur suffisante pour être ELibotte, de remonter les fleuves de navigable par un vaisseau de type la côte ouest-africaine dans l’espoir caravelle ou caraque jusqu’à joindre – jamais réalisé – d’atteindre ainsi un un lac central tout aussi hypothétique. lac intérieur illusoire qui devrait per- Son programme visant à jalonner mettre d’accéder à un autre fleuve et, de bornes monumentales (padrao) de là, au royaume fabuleux du prêtre la côte occidentale africaine a donc Jean, dans les parages de l’actuelle précédé toute velléité de remonter le Abyssinie. Le projet politico-religieux cours d’un fleuve, ce qu’il ne tenta était de protéger ce royaume imagi- de faire, selon les sources adoptées Témoignage gravée dans le roc à Yelala- Matadi par les explorateurs portugais naire de ses voisins musulmans, de par le biographe Jean Cuvelier, que conduits par Diogo Cao. prendre en quelque sorte l’Islam à lors d’un troisième voyage, alors que revers. Dans le contexte global des expé- ditions portugaises et espagnoles, lucratives à souhait, cette motivation religieuse apparaît plus officielle que réelle, car avant Diogo Cao, en 1469, le marchand Fernao Gomes avait acquis pour 5 ans les droits d’exploration de la côte africaine, ce qui l’avait amené à exploiter l’or de la Côte d’Or. L’AR- SOM abonde, sous la plume de Mgr J. Cuvelier, de références indiquant l’envoi par des Papes successifs de missionnaires capucins pour christia- niser le Bas-Congo à partir de Luanda, mais la motivation religieuse apparaît bien comme prétexte de légitimation de prise de possession de nouvelles terres. Ce souci de séduire le clergé Musée de la Marine à Lisbonne. Tête de la sculpture dédiée à Diogo Cao. © N. Wattgeyne

MdC 20 Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 bouchure du Congo en 1483, y plante ambassade de qualité. Profitant de mer du Nord furent pontées jusqu’à son 1er padrao sur une languette de l’occasion, il tente alors une remontée couvrir toute la surface en surplomb terre proche de la rive gauche, s’en- du Congo, arrêtée à Matadi où il ne de la coque. En Méditerranée, plus quiert auprès des riverains de savoir date pas l’inscription, gravée sur le calme qu’en mer du Nord, on jugea qui est leur roi, choisit parmi ces ri- rocher, de son nom et ceux de ses opportun d’ajouter une plate-forme à verains une délégation diplomatique compagnons. Comme à son accou- chaque extrémité de la nef, surmontée pour faire parvenir une sorte de lettre tumée, Cao ne perd pas de temps et, chacune d’un château, offrant ainsi de créance à ce roi (Nzinga Nkuwu) toujours au cours de cette 2e mission, une position élevée en cas de combat trônant à l’intérieur du pays, puis lève il file planter un 3e padrao face à naval. Les nefs ainsi équipées prirent l’ancre tout aussitôt, pour poursuivre une « montagne noire » par -15° 41’ nom de caraque. A ce stade, caraques plus au Sud la plantation des padraos de latitude, puis un 4e padrao à -27° et caravelles n’avaient pas d’avant entreposés dans la cale du bateau. 47’ au Cap Cross en 1485, où il meurt, différencié de l’arrière, si ce n’est la Il plante un 2e padrao au cap Santa laissant ses compagnons retourner présence de deux safrans (planches), Maria, latitude – 13°25’. Arrivé à ce sans lui en métropole. une de chaque coté de l’arrière, pour point, il juge avoir donné à la délé- Selon les sources adoptées par Jean diriger la nef. Une première diffé- gation congolaise le temps de revenir Cuvelier, Cao aurait cinglé immé- rentiation perceptible avant-arrière sur la rive du Congo avec les gages diatement vers le Sud après le dé- ne concerna d’abord que le grée- de bienvenue de la part de Nzinga barquement de ses otages, sans se ment : le mât centré gréé de voiles Nkuwu. Il vire alors de bord vers le soucier du fleuve Congo à ce mo- carrées fit ensuite place à un mât Nord pour les y rejoindre. Arrivé sur ment, et serait retourné bien vivant décentré gréé de voile latine et, dans place, il constate que la délégation en métropole après avoir atteint le le même temps, le château de proue diplomatique n’est toujours pas de Cap Cross. Il aurait alors été investi fut réduit à une portion congrue. retour. Dépité, Diogo Cao embarque ou se serait lui-même investi d’une Apparut ensuite une différentiation de force des notables locaux en vue 3e mission en vue de la remontée plus spectaculaire lors de l’adoption de les familiariser avec le Portugal du Congo jusque Matadi. Cuvelier du gouvernail dit « d’étambot », en et fait voile de retour à la métropole. situe la gravure lapidaire en 1488. prolongement de la quille, marquant Diogo Cao serait ensuite retourné définitivement une nette différence Cao se voit anobli et gratifié d’une en métropole la même année, pour de profil des nefs entre la proue et rente substantielle par Jean II, lequel y mourir à Vila Real. la poupe. Sous la férule du Prince adhère sans se faire prier à une 2e Henri le Navigateur, fils du roi Jean I mission de Cao vers la côte Ouest afri- Quel était le navire porteur de Portugal, caravelles et caraques se caine. Cao s’empresse de ramener au de Cao ? firent mettre au défi d’affronter l’océan Congo les otages, dont l’un est devenu Cedric Rogers soutient que l’appella- atlantique. Les caraques haussèrent virtuose de la langue portugaise et tion “caravelle” était déjà usitée, depuis leurs bordages, carénèrent leurs hauts baptisé chrétien, s’assurant ainsi une que les nefs de Méditerranée et de châteaux, nommés dorénavant gaillard d’avant et gaillard d’arrière, en pro- longement du carénage du bordage, mais conservèrent un épais mât central gréé de voiles carrées. Les caravelles quant à elles jetèrent leur dévolu sur la révolution de leur gréement : fi de château de proue pour y faire place au mât porteur des voiles carrées, laissant ample place à trois autres mâts suiveurs gréés chacun d’une voile latine, clé de succès pour naviguer aussi bien par vent de face qu’à toute autre allure, le mât à voiles carrées devenant un bonus par vent arrière. De taille modeste au départ, comme les deux caravelles accompagnant la caraque de Christophe Colomb, elles s’agrandirent et s’armèrent plus tard de canons pour devenir les galions Musée de la Marine à Lisbonne. © N. Watteyne

MdC Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 21 Grandes découvertes

indétrônables. Diogo Cao dès 1482 a la valeur d’une lieue marine est la Portugal, Espagne et Papauté tom- pu faire usage tant de caraques que plus proche de la correspondance bèrent alors d’accord pour préférer de caravelles atlantiques. en degrés de longitude qu’elle aurait s’exprimer en lieues marines, en l’oc- eue si elle avait été mesurée le long currence dans un premier temps à Comment Cao relevait-il de l’équateur. Une telle disposition 100 lieues marines enfin à 370 lieues ses latitudes ? n’était pas superflue car, à l’époque, marines à l’Ouest de l’île du Cap Vert Dans le sillage du marchand Fernao mesurer une longitude par mesure pour arbitrer la ligne de partage entre Gomes, vers 1472 un anonyme sut qu’il de temps était une gageure sur mer les possessions Portugaises et Espa- atteignit l’équateur en réalisant qu’à comme sur terre, tant que n’apparaî- gnoles. Comment mesurer alors une cet instant l’ombre d’une tige verticale tra pas l’horloge à ressort, et encore, lieue marine ? Le traité de Tordesillas ne s’écartait pas d’un fil tendu d’Est il faudra attendre en 1772 l’horloge avait un caractère contradictoire, il en Ouest. Mettant en panne à cet en- d’une précision homologuée à 1/3 mettait aux prises deux royaumes, droit pour une observation nocturne, sec/jour par le bureau britannique des formellement Portugal et Castille. Ce il put observer que l’étoile polaire longitudes pour obtenir des longitudes traité devait nécessairement comporter s’éclipsait à l’horizon. Il pouvait donc acceptables pour des expéditions un cahier des charges, mentionnant dorénavant établir ses latitudes Nord d’une durée d’un an ou plus. tant la valeur d’une lieue marine que par la mesure angulaire de hauteur de Les horloges à pendule de qualité le protocole de mesure. On ne trouve l’étoile polaire sur l’horizon, ce que lui existaient bien à l’époque de Diogo trace de ce cahier des charges ni à permettait l’astrolabe. Puisque cette Cao, mais impossible de les utiliser l’ARSOM ni sur le web. Je ne me suis étoile disparaissait passé l’équateur, à bord d’un bateau en mouvement, pas rendu à l’Albertine, et je gage il avait à s’enquérir d’une autre étoile le balancier tantôt s’arrêterait, tantôt que ce cahier des charges se trouve... qui devait poindre à l’horizon coté produirait des battements erratiques. à Tordesillas. Pour ce qui est de la Sud. Ne la trouvant pas, il se rabattit Revenons à Diogo Cao 1482, Tordesil- valeur de la lieue marine usitée à sur la croix du Sud dont il mesura que las 1494 : en mer les heures, et donc l’époque, je trouve sur le web des va- son étoile basse était située au-dessus les longitudes étaient alors mesurées leurs contradictoires : tantôt 1770 km de l’horizon d’une valeur de 4,5 fois en comptant…..des sabliers ! On aurait pour les 370 lieues du traité, ce qui la distance angulaire séparant les pu penser à une clepsydre, mais cette donne 4,784 km pour une lieue marine étoiles haute et basse de cette même dernière, une fois brisée, n’aurait pu espagnole d’époque. Ailleurs, je trouve croix du Sud. Le calcul des latitudes être remplacée aussi facilement que que la legua nautica espagnole en Sud devra donc tenir compte de la l’on change de sablier. cours de 1400 à 1600 valait 5,903 km. hauteur angulaire du point polaire virtuel situé sous la Croix du Sud. Et pour ce qui est des longitudes ? Il y avait d’abord lieu de faire le choix d’un méridien zéro. Madère ayant été découverte avant l’île du Cap Vert, il est tentant de spéculer que Fun- chal, port et capitale de Madère, eût été choisie par les Portugais pour méridien zéro médio atlantique. L’Espagne quant à elle aurait pu re- vendiquer l’île Hierro (Fer), la plus à l’Ouest des Canaries, laquelle sera d’ailleurs imposée bien plus tard par Louis XIII comme méridien zéro aux cartographes français. Cependant, le traité de Tordesillas de 1494 dé- signe explicitement l’île du Cap Vert pour méridien référant, mettant en cela d’accord Portugal et Espagne, et ce pour une bonne raison : entre Madère, Hierro et l’île du Cap Vert, cette dernière est la plus proche de l’équateur, et donc à une latitude où Caravelle portugaise du 16e siècle (c) F. Hessel.JPG

MdC 22 Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 Par comparaison, la lieue nautique Un ruban coloré noué proche de la temps calme, le bateau mesureur se internationale actuelle vaut 1/20e de fin de la corde alerte le bobinier 1 met en panne, le bateau ramasseur degré méridional ou équatorial d’une qui entonne un chant marin pour s’arrime au bateau mesureur. Les ma- sphère arrondie à 40.000 km de péri- sortir le bobinier 2 (bâbord) de son rins du bateau mesureur transbordent mètre, soit 5,555555 km. Pour ce qui assoupissement, puis pousse un cri les mandrins vides dans le bateau est du protocole de mesurage, que le quand toute la corde est partie, sur ramasseur tandis que les marins du lecteur me pardonne si je ne lui livre quoi le bobinier 2 pousse à son tour bateau ramasseur transbordent les rien d’autre que le produit de mon du pied la bouée fixée à la bobine mandrins rembobinés dans le bateau imagination, d’autant qu’il n’existe bâbord, tandis que le bobinier 1 mesureur. pas ou plus de plan de caravelle ou s’en va quérir une nouvelle bobine Pour qu’une telle opération soit caraque datant de Diogo Cao. et ainsi de suite. Pour chaque bobine rentable, il faut qu’une bobine Un bateau mesureur était chargé de déroulée, le quartier-maître accuse contienne pour une lieue de corde, bobines de cordes, chacune fixée à réception d’un cri ou d’un chant marin et que chaque bateau, mesureur et une bouée lestée. Deux paliers de en même temps qu’il ajoute un trait ramasseur, contienne chacun l’un moyeux de bobine étaient aména- à la craie sur une ardoise, et ainsi de 100 bobines, l’autre 100 mandrins gés dans le château de poupe, face suite. A la suite du bateau mesureur vides. Que peut bien contenir un à deux lucarnes pratiquées au niveau se trouve un bateau ramasseur. Dans mandrin dont les joues font 1 m du bordage, une de chaque coté du ce bateau suiveur des marins sont de diamètre, le moyeu 30 cm et la gouvernail. chargés d’attraper à la gaffe l’anneau largeur intérieure 1m, contenant Au lever d’ancre, le préposé à la bobine accroché aux bouées larguées par le une corde de ½ pouce d’épaisseur ? tribord, que j’appellerai bobinier 1, bateau mesureur et une équipe de Nous avons : en largeur 80 rangs, pousse du pied dans l’eau la bouée marins rembobine les cordes sur des en épaisseur 56 tas, en périmètre lestée à la corde qui se débobine. mandrins vides. De temps à autre par moyen (3.1416+0.9425)/2 = 2.04 m. Total 80x56x2.04 = 9.139 m, plus qu’il n’en faut pour avoir une lieue de corde par bobine. Si les deux bateaux s’arriment toutes les 100 bobines, il n’eût fallu que 3 arrimages de bateau pour couvrir les 300 premières lieues du traité de Tordesillas, le solde des 70 autres ayant dû être partagé entre mer et terre.

Épilogue Ce fut Bartolomeo Dias qui, poursui- vant l’œuvre inachevée de Diogo Cao, a atteint le cap de Bonne Espérance. Si la renommée historique de Dias Maison natale supposée de Diogo Cao.jpg surclasse celle de Cao, ce dernier eut toutefois le bonheur d’être reconnu, honoré et gratifié en haut lieu de son vivant. ■

Sources - Article d’Oscar Libotte Histoire du Congo, L’arrivée des Portugais au Bas- Congo, site web Urome, non-daté.

- Biographie Coloniale Belge, Tome II 1951, col. 134-137, René Cambier et renvoi à Mgr Jean Cuvelier.

- Les Voiliers, 5 siècles d’aventures sur les mers, Cedric Rogers, 1974, traduit de l’anglais par DIFUNAT . 1486-1986 Monument dédié à l’exploit de Diego Cao à Cape Cross © F. Moehler

MdC Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 23 Réflexion DÉCOLONISER

Au vu du zèle que mettent les politiques, relayés par les médias, à traiter du sujet, la décolonisation est entrée avec force dans l’actualité. La problématique n’épargne aucun secteur, si bien que le citoyen attentif est en droit de se poser la question de savoir si décoloniser répond à un besoin sentimental ou à une obsession politique.

PAR ANDRE-BERNARD ERGO

a revue française LE POINT gine de nos collections, il nous reste à mémoires d’ingénieurs africains, régu- qui aurait pu s’appeler LE informer sur la manière dont elles ont lièrement en visite au musée, avec la POTIN pour ses commé- été collectées localement, vaste et gros légitime fierté de pouvoir écrire qu’ils rages et ses cancans est problème ; pratiquent tous, aujourd’hui, leur métier particulièrement intéressée - décoloniser ce n’est pas uniquement au service de leur pays natal). par la réouverture du mu- raconter une autre histoire, c’est aus- - la société belge est très blanche ; les sée de Tervuren puisqu’elle si engendrer d’autres partenariats qui visas n’ont pas été donnés aux anciens a consacré il y a quelque apporteront un nouveau regard sur les colonisés, comme ce fut le cas dans Ltemps un grand article sur le sujet signé collections décrites uniquement par d’autres pays… les Africains ne repré- par Valérie Marin La Meslée. Il faut dire des Blancs ; sentent que 8% du personnel du musée que c’est un sujet à la mode puisqu’on - il y a 20 ans il n’y avait pas d’Afri- mais on bouge. trouve aussi : cains dans le musée ; (Fausse assertion : Le paragraphe suivant, je tiens à l’écrire - dans la revue MEDOR, un question- en 1995 dans mon propre bureau il y textuellement comme l’a énoncé Guido nement de Cédric Vallet : Musée de avait sous contrat un brillant docteur Gryseels : aujourd’hui, nous considé- Tervuren, décolonisation impossible ? en sciences sénégalais, un ingénieur rons le système colonial immoral, nous - dans la revue ANTIPODES, les Im- agronome diplômé de l’ULB et, de pas- prenons nos distances avec ce système pressions sur la nouvelle scénographie sage deux fois par jour, un ingénieur basé sur l’occupation militaire, une gou- du musée africain de Tervuren, de Jean technicien peul diplômé en promotion vernance raciste et autoritaire et sur Claude Mullens, sociale ; et avant même, dans les années l’exploitation d’un pays. Nous assumons - en carte blanche sur le journal LE SOIR, 70, des Congolais, sous contrat durant notre responsabilité en tant que musée Dix idées reçues sur la colonisation la période coloniale, terminaient leur puisque pendant une période de plus belge, de l’historienne Amandine Lauro, carrière au MRAC. D’autre part, dans de 60 ans on a contribué à ce message - et même sur le WASHINGTON POST, notre centre de recherche CIDAT-CITLO, colonial, en diffusant cette image de la les états d’âmes de son correspondant à nous avons parrainé une vingtaine de supériorité des cultures occidentales sur Bruxelles Michael Birnbaum : ’s Africa Museum reopens, as country confronts its violent colonial past.

Mais arrêtons-nous au contenu de l’article de Valérie Marin La Meslée, (qui porte le nom assez rare d’un authentique héros), laquelle a interrogé six personnes sur la question : doit-on “décoloniser” l’Africa Museum ? J’apprécie le fait qu’en bonne journaliste, elle place le mot décoloniser entre guillemets pour souligner l’usage abusif du mot dans cette circonstance. Elle interroge tout d’abord Guido Gryseels le directeur actuel du musée qui lui donne, résumées, les informa- tions suivantes : - étant les premiers à avoir précisé l’ori- L'AfricaMuseum prêt à la réouverture © F. Hessel 2018

MdC 24 Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 les cultures africaines. Les diasporas la population belge totale. Sur base de D’autre part, à ce sujet, B. de Halleux africaines demandent que j’assume cette la population, les Belgolais au Congo et moi-même étions appelés comme responsabilité et c’est ce que je fais, en 1960, femmes et enfants compris, experts belges à la Commission AGRITR- depuis quelques mois, publiquement. représentaient à peine 0,6% de la popu- POP de la CEE à Luxembourg et les Je laisse à Guido Gryseels la responsabi- lation totale du pays et l’ensemble des initiatives du cadre scientifique du CI- lité des termes qu’il emploie ; il a l’excuse expatriés 0.93%. Si on prend la surface DAT composé uniquement d’anciens de l’ignorance, il n’a jamais connu la des deux pays comme référence, on a d’Afrique, recevaient l’appui de la FAO colonisation belge, la seule au monde un rapport de 1 à 250. (rapport de la Conférence sur l’établis- qui a parlé et promu les langues verna- On peut s’étonner que je parle de Bel- sement de programmes coopératifs de culaires et protégé le droit coutumier golais et pas de colons ; la raison est recherche agronomique-Zone guinéenne ainsi que l’organisation tribale grâce à simple, la plupart des expatriés belges 23-28/08/1971, recommandation n°5, une administration rigoureuse certes, étaient des contractuels allant exercer point 4). Que Guido Gryseels ignore paternaliste peut-être, mais pas raciste. leur métier au Congo, avec l’intention tout cela n’est pas étonnant, il n’avait pas Quant à l’exploitation et à la supériorité de rentrer au pays au terme du contrat. encore terminé le cycle secondaire des de la culture, elles ont été essentiellement Le directeur Gryseels termine en ali- études à l’époque. Mais qu’il ignore cela, le résultat d’une supériorité technique et gnant son attitude sur celle du président malgré les archives, comme directeur technologique évidente et incontestable français Macron en ce qui regarde la de l’Institution est interpelant. dont l’état belge a très largement fait restitution des œuvres d’art à leurs pays profiter sa colonie et dont la gestion d’origine et il conclut en affirmant avoir La seconde personne interrogée par financière était totalement séparée de déjà digitalisé et numérisé les archives Valérie Marin La Meslée est la conser- celle de l’état tuteur. coloniales du Rwanda dont copie avait vatrice (et pas conservateur) Bambi Et Guido Gryseels de poursuivre : ... il y été demandée par les autorités de ce Ceuppens qui souligne également le a un très grand intérêt du public (belge ?) pays. rôle important joué par l’état français pour le continent africain qui posséde- Il n’y a rien là d’exceptionnel ni de dans la problématique de la restitution ra dans 20 ans 40% de la population nouveau ; au début des années 70, le des objets africains aux pays d’origine. mondiale. L’objectif du musée est de Congo, le Rwanda et le Burundi avaient Elle mentionne également une demande mettre ces informations au service de ce reçu de la part du musée de Tervuren d’inventaire de la part du Rwanda pour public et d’offrir aux 250.000 Africains (CIDAT-CITLO), sous forme de micro- localiser en Europe (pourquoi seule- de Belgique un “regard” sur des objets fiches réalisées au musée, l’entièreté ment en Europe ?) les objets d’origine d’importance mondiale (?). des textes publiés, relatifs à l’agriculture rwandaise. Le directeur affirmait, dans un para- des trois pays, ainsi que l’analyse de ces graphe précédent, que peu de visas textes ; un travail bien plus difficile à La troisième personne interrogée égale- avaient été donnés aux anciens co- réaliser à l’époque que la numérisation ment sur la restitution des “œuvres d’art lonisés lesquels représentent 8% du de dossiers aujourd’hui. Travail qui avait anciennes” est Billy Kalonji, le président personnel du musée ce qui n’est pas intéressé la FAO pour le projet CARIS du COMRAF (Comité de concertations mal puisqu’aujourd’hui les Belges d’as- (Catherinet), la France (Aubrac et Aries) avec les asbl africaines) et membre du cendance africaine représentent 2% de et l’IITA à Ibadan (Lawani). groupe des six experts africains consul- tés par le MRAC. Arrivé en Belgique en 1980, il mentionne trois positions évoquées, concernant la décolonisation du musée : - Détruire le musée et ramener les objets en Afrique ; - Vider le musée, qui même vide, parlerait encore aux Africains. Alors construire ensemble (?) un nouveau musée et y placer les objets ; - Entrer dans le musée actuel pour y introduire les Africains, car notre histoire est commune avec la Belgique et nous avons eu plusieurs combats et gagné des victoires ensemble. Évocations étranges dont la dernière a la faveur de Billy Kalonji. Tableau de Chéri Samba, Réorganisation, photo © Fernand Hessel 2008

MdC Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 25 Réflexion

Mais de quels combats communs parle- “... que le Congo a toujours représenté la et ses collections ethnographiques, c’est t-il ? De certaines amnésies de l’histoire ? fierté nationale belge et, pour le régime un peu la même chose, un mausolée, des Comme la proposition du Père ingénieur royal, le musée est un symbole fort, vitrines tombeaux, des objets identifiés agronome Hyacinthe Vanderyst, juste vitrine de la fierté belge. Le critiquer, culturellement au-delà de la période après la première guerre mondiale, c’est critiquer le Roi. Par le chocolat ou coloniale, intemporels. de créer au Congo un Institut agrono- les diamants, de tout temps, le Congo Mireille Tsheusi-Robert préfère choisir mique, proposition disparue avec la crise a contribué à la grandeur nationale de une partie de la seconde proposition économique des années trente. De la la Belgique”. mentionnée par Billy Kalonji, un nou- création en 1943 (vous avez bien lu), par Des arguments de potache ! Je pourrais veau musée répondant à des théma- des ingénieurs de Lubumbashi, d’une lui aligner une centaine d’appréciations tiques plus récentes. Elle constate que première candidature universitaire (dix de non belges, universitaires, écrivains, les experts de la diaspora, invités, n’ont ans avant Lovanium), arrêtée brutalement journalistes sur la gestion sociale, fi- pas été entendus, alors que les Belgo- pour des rivalités citadines, pour des nancière, économique, industrielle lais, qu’elle ignore, n’ont même pas été frustrations religieuses et politiques. Les ou agronomique de la colonie, juste consultés. Quant à la restitution, elle est Belgolais qui n’avaient aucun pouvoir avant l’indépendance, pour expliquer surtout intéressée de voir si les pièces au Congo faisaient des propositions ou les raisons de la fierté des Belges. Le ont été volées ou pas et envisage leur prenaient des initiatives. Ils savaient, musée n’a rien à voir là-dedans. Ce n’était restitution. depuis longtemps (Panda Farnana et qu’un conservatoire d’objets devenus Il y a dans le mot restitution, la certitude surtout Louise Cecilia Fleming) qu’il des œuvres d’art grâce à leur bonne d’une acquisition illicite et l’évocation suffisait de deux générations pour que conservation, à leur présentation et à d’un propriétaire individuel ou collectif la société congolaise rejoigne le monde l’appréciation d’artistes, de savants et légal. L’état congolais et un quelconque moderne, pour autant qu’on puisse éra- de millions de visiteurs. Elle évoque musée kinois ou autre ne peuvent pas diquer certains comportements qui ensuite comme argument et reproche être les propriétaires puisqu’ils n’exis- étaient la norme à l’arrivée des expatriés au musée la mort de Congolais dans taient pas. Si le vol est prouvé, seules en 1880. Il suffisait d’encadrer et de for- les zoos humains. Pourrais-je lui poser les ethnies peuvent prétendre à une mer les jeunes et d’occuper activement une question : en 1959, 47 Congolais ont propriété morale et être les bénéficiaires les adultes. été tués au cours d’une manifestation à de la restitution. Mais dans le cas d’un Je ne crois pas que Billy Kalonji pense Léopoldville. Pourrait-elle me donner vol établi, le voleur doit être poursuivi, à ces combats-là. Ce qu’il veut pour le le nom d’un seul, me dire comment et c’est-à-dire le donateur à l’état belge. groupe des 6, c’est investir le musée où ces héros de l’indépendance ont été Bonjour les dégâts ! On comprendra pour l’asservir à leurs idées ; c’est ce inhumés ? Où les Congolais peuvent-ils la raison de cette parenthèse plus loin. que j’ai cru comprendre dans les rap- se recueillir sur leurs tombes ? ports privés de leurs réunions dont Les 7 congolais morts durant l’exposition Le cinquième personnage interrogé, j’étais parfois informé. Il se réjouit des de Tervuren ont une sépulture décente Julien Truddaïu, est un chargé de projet discussions en France et de l’impatience dans un lieu sacré ; pour tromper l’oubli, de l’ONG CEC, coopération par l’édu- des jeunes associations de la diaspora. leur nom est écrit sur une pierre tombale cation et la culture, un créateur d’évé- Pour ma part, je prends note du fait qui est fleurie chaque année. Le musée nement, co-auteur du livre “NOTRE qu’actuellement des Belges d’origine africaine rejoignent ou prennent contact avec les associations de Belgolais pour partager ensemble des souvenirs qui sont communs et prendre part à des discussions revisitant l’histoire commune belgo-congolaise.

La quatrième personne interrogée par la journaliste est un autre membre du groupe des six, Mireille-Tsheusi Ro- bert, diplômée en psycho, de l’univer- sité de Louvain, présidente de l’asbl Bamko-Cran, écrivaine sur le racisme, chargée d’études à BePAX (Ex-Caritas Catholica), laquelle affirme que le pro- blème actuel c’est (je cite textuellement) : © Sanza François 2018

MdC 26 Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 CONGO, déconstruire la propagande pour justifier l’affirmation qu’il fait sur font l’objet d’un inventaire comme, par coloniale”. Quel est l’intérêt de décon- la prise de conscience du musée en exemple, à la bataille de Redjaf. struire quelque chose qui n’existe plus, ce qui regarde la critique évidente des Et voilà que l’historien porte des juge- sinon pour en faire un exercice d’école nouveaux cartels explicatifs soulignant ments politiques maintenant : ... il est mettant en évidence l’argumentation et les prises de guerre du célèbre major très difficile de décoloniser un musée les techniques de toutes les propagandes, Storms et l’assassinat du chef de village colonial qui comporte des traces très même celles des anticolonialistes. Il Lusinga. profondes ... des relations difficiles qui constate dans le changement du musée Étonnant pour un brillant historien de perdurent entre la Belgique et le Congo. le début d’une “réflexion décoloniale” (?). “se planter” de la sorte. En 1884, Storms Dans d’autres écrits, il ferait suivre la L’état subsidie certaines ONG pour est un lieutenant adjoint d’état- major ce restitution par des compensations (fi- s’apercevoir de cela ! qui n’en fait pas un major (grade mal nancières ?) imposées à l’état belge pour Quant à la restitution, il se réjouit des connu dans l’armée française !), Il est avoir gardé un siècle ces trésors volés propos du ministre de la coopération responsable de la quatrième mission de l’art congolais. qui a dit que la Belgique devait s’enga- envoyée aux grands lacs par l’AIA et Le type parfait de l’intellectuel africain ger dans un processus de négociation ; garant de ce fait des contrats d’allégeance formaté par la France pour sa politique une manière élégante, intelligente et ... signés par les trois premières missions France-Afrique. politique de caresser l’animal dans le avec certains chefs locaux. Ces contrats Quelle différence avec les propos du sens du poil. d’allégeance garantissent, entre autres, Professeur Docteur Albert Tshiban- aux populations signataires la protection gu-Wa-Mulumba, lequel rend hommage Le dernier personnage consulté est des biens et des personnes, éventuel- à la colonisation belge : ... grâce à tes l’inévitable historien congolais Elikia lement par la force. C’est ce qu’a subi tremplins, je peux, désormais, de moi- M’Bokolo, apôtre et chantre de la dias- le chef Lusinga en faisant la “guerre” même, m’ouvrir à l’infini. En une seule pora africaine, qui est présent partout à certaines populations signataires. Si phrase, tout y est dit. ■ où on peut “croquer” du Belge. On ne Lusinga avait été également un chef peut pas percer la pensée du person- signataire, Storms aurait diligenté une nage sur un seul écrit, il faut en lire et palabre de conciliation. en analyser plusieurs. Dans la réponse Généralement, les prises de guerre, à la journaliste, il prend un exemple dont on fait référence sur les labels,

Problématique de la restitution © F. Moehler 2017

MdC Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 27 Histoire

CHE GUEVARA 1.2 Qu’est venu faire au Congo Ernesto Guevara, du 24 avril au 22 novembre 1965 ? La question continue à tarauder l’esprit de quiconque s’intéresse au pays, en ces années où celui-ci tente d’émerger comme Etat, face à une rébellion qui tient sous sa botte la moitié de son territoire.

PAR WILLY MARCUS *

Esquisse biographique région de Fizi-Baraka, pour y orga- d’Ernesto Guevara, dit le Che niser un maquis destiné à y soutenir les opposants au régime congolais Le Che (littéralement ami ou pote) est du moment. né en Argentine en 1928. Ses ancêtres Il n’y restera finalement que 7 mois. sont irlandais et ses parents sont des Il quittera 2 jours avant le coup d’état bourgeois aisés. Devenu médecin de Mobutu (24 novembre 1965). Par en 1950 à Buenos Aires (malgré des la suite, il qualifiera son expérience études inachevées, diront certains), congolaise “d’année perdue”. il parcourt l’Amérique latine où la En novembre 1966, E. Guevara est misère des populations l’interpelle. en Bolivie où, avec seulement une Celle-ci l’affectera d’une façon indé- poignée de guérilleros, cubains pour lébile pour le restant de ses jours. la plupart, il va mener une guérilla Très tôt, il acquiert et se forge ensuite pendant 11 mois. En octobre 1967, le très populaire profil d’un rebelle avec 37 de ses compagnons d’armes, romantique et mythique. Ce profil Portrait iconique du Che il tombe dans une embuscade fatale. perdure encore de nos jours, plus médiat qu’à leur fuite dans les forêts Fait prisonnier, il sera ensuite exécuté. de 50 ans après sa mort. montagneuses de la Sierra Maestra. Sur ordre de la CIA, prétendent les En 1954, il a alors 26 ans, il assiste De là, après plus de 2 années, avec Cubains et leurs alliés. au coup d’état (ouvertement orches- seulement quelques centaines de C’est fort possible, la CIA ayant contri- tré par la CIA) qui renverse le pou- guérilleros recrutés au fil du temps, bué à sa capture. voir au Guatemala. Sa participation Castro et Guevara sortiront en héros La dépouille du Che ne sera “officiel- précise aux convulsions politiques vainqueurs. Ils auront eu raison des lement” retrouvée en Bolivie qu’en du moment ne nous est pas connue milliers de soldats de l’armée de Ba- 1997, 30 ans après sa mort. Elle sera mais on sait que par ses prises de tista qui va finalement imploser. Ce transportée à Santa Clara (Cuba) où positions, le docteur Guevara doit dernier quitte Cuba en janvier 1959. sera érigé en 1998 un impressionnant quitter le pays. On le retrouve exilé Castro prend le pouvoir. mausolée, puis un musée. Le Che y au Mexique en 1955. Il y rencontre Naturalisé Cubain, à 31 ans, le “Che” repose avec 26 autres guérilleros de un avocat cubain de 29 ans, exilé devient successivement Directeur son groupe. Une place reste prévue comme lui, du nom de Fidel Castro. de la Banque Nationale de Cuba, dans ce mausolée pour les dépouilles Il devient son bras droit dans la créa- Ministre de l’Industrie puis Ministre des 11 guérilleros tués avec lui. Mais tion d’une “Force Révolutionnaire” de l’Economie. Il assumera ces fonc- on les rechercherait toujours. De ses composée d’opposants au régime tions de 1959 à son départ de Cuba, deux mariages, E. Guevara a eu cinq dictatorial de Batista qui sévit à La pour se consacrer à d’autres combats enfants dont les quatre encore en vie Havane. Cette “Force” composée de “qui exigent les notes saccadées des habiteraient toujours à La Havane (2 82 guérilleros va débarquer, fin 1956, mitraillettes, de nouveaux cris de sont/étaient médecins comme leur à bord d’un petit navire (conservé guerre et la victoire”. Une rumeur père, 2 sont/étaient avocats comme dans un musée) à Cuba. Trois jours persistante soutiendra qu’il commen- Castro). Si le Che avait vécu plus long- après le débarquement, Castro et le çait, en réalité, à faire trop d’ombre temps, il aurait connu au moins 12 Che seront parmi les 11 survivants à Castro. Pas impossible. petits-enfants qui ont, depuis, assuré de la “Force”. C’est ainsi qu’on le retrouve, la même une très importante descendance à Ils ne devront ensuite leur salut im- année, dans l’est du Congo dans la la famille Guevara à Cuba.

MdC 28 Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 Toile de fond congolaise leur solde”. Kabila restera toujours qui partiront au Congo sous le com- C’est en tant que Ministre de l’In- accroché à cette analyse et cela ex- mandement du major (noir) Dreke. dustrie que E. Guevara va visiter, à pliquerait le fait, selon E. Guevara, Dans la sélection, les candidats à la partir de 1963, plusieurs pays africains qu’il n’acceptera une aide cubaine peau la plus foncée possible seront dont l’Algérie, le Mali, le Dahomey effective au Congo que du bout des fort prisés. d’alors (Benin), le Congo-Brazzaville, lèvres et sans fournir au Che un sou- l’Egypte, le Ghana. Dans tous les pays tien ou une coopération qui aurait - Mars visités, le Che prendra essentielle- pu être beaucoup plus efficace. On F. Castro dégomme Dreke et désigne ment contact avec des mouvements va le vérifier. un autre chef de détachement en la anticoloniaux et anti-impérialistes, En juillet 1964, Moïse Tshombe (Ka- personne du Che. qui lui demanderont une aide finan- tangais) devient Premier Ministre d’un cière et la possibilité d’entraîner des Congo embrasé dans sa partie orien- - Avril troupes dissidentes à Cuba ou non. tale. Le N-E du Katanga est menacé La photo du Che est connue de tous. E. Guevara s’étonnera de ce que ses par des forces lumumbistes menées, Pour les besoins du voyage vers le interlocuteurs soient principalement entre autres, par Laurent-Désiré Kabila Congo (via Gander, Prague, Milan, des demandeurs passifs semblant et Masengo dont on reparlera vers Le Caire, Nairobi et Dar Es Salam), peu enclins et/ou décidés à agir. De la fin du séjour du Che au Congo. on transforme son look. La photo passage en Tanzanie, il y rencontre un Soumialot et Olenga dévastent alors qui pend en grand format au Musée certain Laurent-Désiré Kabila dont le respectivement le Kivu et le Maniema. de Santa Clara nous le montre rasé, discours lui fait alors une “très bonne L’action quasiment simultanée de la en parfaite tenue bourgeoise, avec impression”. Ils cultivent les mêmes colonne motorisée dite de l’Omme- cravate. Il porte de grosses lunettes et idées, comme quoi “le problème du gang et des Para-Commandos belges, il a des prothèses dans la bouche qui Congo n’est pas un problème africain, permettra de libérer Stanleyville (no- épaississent ses lèvres et qui modifient mais un problème mondial”. Par la vembre 1964). Mais la région ne sera son profil tout en changeant sa voix. suite, le Che écrira que Kabila n’est pas pacifiée pour autant. A l’Assemblée Son passeport sera établi au nom pas un chef révolutionnaire valable Générale de l’ONU de décembre 1964, de Ramon Benitès. Le 1er avril, avec sur qui on peut compter. Il “aime E. Guevara dénonce l’impérialisme 3 camarades, il quitte La Havane. trop les femmes et le whisky”. et le néo-colonialisme présents en Personne, pas même l’ambassadeur Kabila est né à Manono (Katanga) Afrique. Pour lui, le Congo en est la cubain en Tanzanie (à Dar Es Salam) ou à Moba (autre source), autour des parfaite illustration et il annonce la ne saura que le Che est parmi ces années 1945. Il est Muluba. Les Baluba totale solidarité du peuple cubain quatre visiteurs, qu’il sera prié de sont plus connus comme guerriers avec les Congolais. Dans un entretien loger dans un endroit discret et retiré que comme artisans. avec le Président tanzanien Nyerere, où ils seront rejoints ultérieurement En 1960, à l’Indépendance, il se le Che obtient que toute l’aide que par une trentaine de “ressortissants” présente déjà comme “Colonel des Cuba enverra dans l’est du Congo cubains. Ils logeront donc quelques Jeunesses Lumumbistes”. En 1963, il pourra transiter par la Tanzanie. Ce jours dans une petite ferme louée par rejoint la rébellion du sinistre “Gé- sera donc par là et en franchissant l’Ambassade et, sur ordre, l’ambassa- néral” Pierre Mulele. ensuite le lac Tanganyika à partir de deur devra ensuite perdre leurs traces. En 1965, Kabila fonde le Parti Ré- Kigoma que les volontaires cubains Le trop peu de temps qui sépare les volutionnaire du Peuple. Il luttera vont débarquer au Congo. Mais à premiers préparatifs de l’intervention ensuite, à la tête des “Forces Armées aucun moment, dans ses contacts cubaine au Congo (dans le courant Populaires” (FAP) contre Mobutu qu’il africains, le Che ne laissera imaginer de février) et les premières arrivées finira, comme on le sait, par remplacer, qu’il pourrait venir en personne aider sur place (au début du mois d’avril), trois décennies plus tard. la “Révolution” en Afrique. laissent présager une précipitation et Pour la solution du “problème co- une impréparation opérationnelle qui lonial africain”, E. Guevara promet Intervention cubaine vont, très tôt, créer de sérieux pro- une aide de Cuba sur le territoire au Congo en 1965 blèmes de toutes sortes à E. Guevara. congolais, mais Kabila craint que Aucun Cubain de son groupe ne parle venant d’un pays “qui n’a pas l’appui - Février le swahili. Le Che sera un des rares de l’ONU”, cette aide/assistance lo- Près de 500 militaires cubains sé- Cubains du groupe pouvant s’expri- cale ne provoque, contre les “Forces lectionnés initialement et ayant une mer et comprendre imparfaitement Révolutionnaires Congolaises”, une expérience du combat (Sierra Maestra, le français. Le secret de l’opération réaction massive et décisive de la Baie des Cochons) fourniront fina- exigera, évidemment, qu’on se passe part des USA et des “autres pays à lement les 113 combattants retenus de traducteurs qu’on comptait cepen-

MdC Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 29 Histoire dant pouvoir recruter localement. Mais Congolais en particulier. En arrivant hommes connaîtront de nombreux le Che n’en trouvera pas de fiables. au Congo, le Che s’attend à trouver manques d’un peu de tout et prin- Aucun Cubain n’est familier avec des combattants révolutionnaires cipalement des ruptures de stocks l’environnement forestier où il va convaincus par un leitmotiv du genre paralysantes qui vont impacter la falloir opérer et qui n’a rien à voir “el socialismo o la muerte”, dont il ne réussite des opérations envisagées. avec le séjour dans la Sierra Maestra faudra que peaufiner l’entraînement La trentaine de premiers Cubains sur (1956-1959) où Castro et Guevara physique et militaire. Il sera fort déçu les 120 attendus au total, arrive en ont survécu. Le climat du Kivu et en constatant leur peu de motivation début du mois d’avril en Tanzanie à de l’est du Katanga est fort humide pour la Révolution, leur faible ardeur destination de Kigoma au bord du lac en altitude et (très) froid la nuit pour au combat, leur bas niveau d’entraî- Tanganyika. Pour les besoins de la des troupes habituées à un climat nement. Mais il déplorera surtout un mission, les premiers Cubains auront cubain. Rappelons que le Che était manque de discipline généralisé qui pour noms de guerre un numéro en asthmatique. Il dit en avoir souffert. complique tout. swahili. Le major Dreke sera Moja Il aurait d’ailleurs, dit-on été dispensé Sur le plan matériel et de l’armement (n°1) alors que Castro l’a remplacé (dans quel pays ?) de service militaire nécessaires à des opérations dignes au départ ! Le Che sera Tatu (n°3 en pour cette raison. de ce nom, et pour n’éveiller aucun swahili). Je n’ai pas trouvé qui est A Cuba, la faune n’est pas dange- soupçon, le Che devra attendre des Mbili (n°2). On n’ira cependant pas reuse. Il n’y a pas de serpents veni- mois avant de recevoir des radios. Pour au-delà de Kumi (n°10). Par la suite, meux et la malaria n’y sévit pas. Au les embuscades, on devra initialement on utilisera des noms ou des sobri- Congo, cette dernière et les maladies utiliser des mines (chinoises ?) dont quets, en swahili, ou non. intestinales vont faire des ravages. on n’aura même pas fourni les mé- Le premier contingent de Cubains qui L’approvisionnement en nourriture canismes de mise à feu. Le matériel arrive en Tanzanie, a voyagé par petits sera aussi difficile. médical fera défaut et les réserves de groupes de 3 à 4 en ayant emprunté, Ce qui va surtout manquer aux Cu- médicaments du docteur Guevara depuis La Havane, des itinéraires de bains, ce sera la connaissance/com- seront vite épuisées. Et pratiquement voyage et de mise en place différents. préhension de la mentalité des Afri- jamais remplacées. En résumé, sur Ils se font généralement passer pour cains en général et de la mentalité du le plan de la logistique, le Che et ses des chanteurs, des danseurs ou des ➜

Che Guevara en 1965 dans le maquis congolais.

MdC 30 Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 musiciens cubains. fusils belges (FAL) et des munitions. Pas moyen de le joindre. En attendant En arrivant avec le “Che” à Kigoma ils Il trouvera finalement 3 pirogues à mieux, le “Che” et ses hommes s’ins- ont, entre Dar Es Salam et Kigoma, moteur, mais il quittera Kigoma avec tallent temporairement aux alentours couvert 1.700 km à bord de jeeps 36 heures de retard sur son planning de l’EMG. louées pour des safaris “différents”. prévu. En fin de compte, E. Guevara ne ver- Le point de contact de ce premier La zone prévue pour les opérations ra pas Kabila avant le 7 juillet, soit détachement à Kigoma est un certain cubaines se situera dans les monts près de 2 mois après son arrivée au Congolais nommé Chamaleso (un Mitumba (hauteur moyenne 1.500 m) Congo. Il en déduira, on peut le com- membre “important” du “Gouver- à l’ouest de la rive ouest du lac Tan- prendre, que Kabila n’est pas pressé nement Révolutionnaire Congolais”) ganyika et à la latitude de l’agglo- de soutenir ou de profiter de l’appui qui, contrairement à ce qu’espérait mération tanzanienne de Kigoma. des Cubains au Congo. ■ E. Guevara, n’a rien préparé pour la En cours de traversée, une tempête traversée du lac à partir de Kigoma et fait presque couler tout ou partie de A suivre qui ignore que le “Che” figure parmi l’avant-garde du “Premier Corps Ex- (2.2 De mai à novembre 1965) l’avant-garde cubaine. A ce stade, péditionnaire International Cubain” Kabila ignore donc toujours, lui aussi, mais les 3 pirogues arrivent, en fin la présence du “Che” parmi les pre- de nuit, à bon port. Nous sommes Sources miers arrivés Cubains. Les Autorités le 24 avril. En vacances à Cuba, j’ai essayé de tanzaniennes sont dans le même cas. Dans ses mémoires, déjà à ce stade, le savoir ce que le “Che” était pré- Pour traverser le lac Tanganyika, d’une “Che” commence à dénoncer amère- cisément allé faire en 1965 dans largeur moyenne de 50 km à hauteur ment le manque de préparation et l’est du Congo. La lecture d’une de Kigoma, le “Che” (via Chamaleso) les nombreuses improvisations chao- a beaucoup de peine pour trouver des tiques qui impactent fâcheusement traduction de ses carnets de route bateaux à moteur et pour compléter, le commencement de sa mission au parue, en anglais en 1999, sous le toujours discrètement, l’armement de Congo. titre de “Mon année perdue au ses hommes. A son arrivée sur le sol congolais, plus Congo”, m’a servi de base pour Il achètera difficilement quelques particulièrement dans ce qu’on appel- écrire le présent article. La visite du lera le maquis Fizi-Baraka de Kabila, mausolée où reposent les restes du Chamaleso le conduit à “l’Etat-Major “Che” et celle du musée attenant, Général (EMG) du Front Nord” qui à Santa Clara (Cuba), ainsi que est “établi” dans une grande hutte quelques entretiens et contacts isolée. L’accueil des Congolais y est estimés fiables sur place m’ont glacial, mais comme il y a des Blancs permis de compléter. parmi les arrivants, ils croient que la “Révolution” vient d’engager des mercenaires “comme en face” (au (*) Willy Marcus est né à Mano- Congo). Ils deviennent ensuite affables. no (Katanga) en 1944. Il réside à Elisabethville/Lubumbashi jusqu’à Ce n’est qu’alors que le “Che” révèle à l’indépendance du Congo belge en Chamaleso sa véritable identité. Son 1960. Dans la foulée, il entre à l’Ar- interlocuteur évoque avec émotion mée Belge en qualité de soldat VC. le “scandale international” que cette Il participe aux opérations à Kolwezi présence au Congo va déclencher. (Red Bean -1978). Il sert à Kigali Mais il promet de se taire et repart, (Rwanda) comme coopérant tech- le jour même à Dar Es Salam pour nique militaire (CTM) de 1987 à 1990. uniquement, dit-il, informer Kabila à qui E. Guevara demande d’ailleurs Après sa mise à la retraite comme des ordres relatifs aux opérations qu’il militaire, il dirige l’Ambassade de envisage de mener dans la région. Belgique au Congo-Brazzaville de Il semble que le “Che” a essayé de 2001 à 2004. Il s’acquitte ensuite de contacter Kabila avant son départ nombreuses missions en Afrique de Kigoma, mais en vain car Kabila centrale dans le cadre et au profit assistait à une conférence au Caire et de l’UE. il s’y est ensuite fait opérer d’un kyste.

MdC Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 31 Agriculture rwandaise

UNE CONTRIBUTION MAJEURE * Deuxième culture vivrière après la banane plantain et cultivée sur environ 95.000 ha, la pomme de terre a contribué à la reconstruction économique du Rwanda. Des variétés améliorées issues d’un programme CIP/Belgique sont développées mais un système efficace de production de semences est encore à construire pour accroître les rendements.

PAR ANDRE DEVAUX **

etit pays enclavé d’en- subsaharienne, bien qu’il soit l’un des du sorgho et des pois. Environ 40 % de viron 26.000 km2, le plus petits pays du continent africain. La la production était vendue sur le marché Rwanda fait partie des consommation de pommes de terre des local comme principale source de revenus hautes terres africaines quelque 12 millions d’habitants y est la de la famille (Ndagijimana et al., 1984). tropicales, d’une grande plus élevée de ce continent avec environ La pomme de terre était invariablement diversité et d’une grande 100 kg par personne et par an. consommée fraîche et pelée. beauté, avec ses volcans, Seuls les restaurants urbains et les hôtels ses forêts luxuriantes et Coopération du CIP/Belgique servaient des frites, aucun produit à base ses lacs. Sa topographie Au début des années 1980, la coopération de pomme de terre n’était fabriqué loca- montagneuse, allant de belge a financé un projet mené par le Centre lement. Le rendement moyen était d’envi- 950 m à 4.507 m lui a valu d’être qualifié international de la pomme de terre (CIP) ron 7 t/ha avec à cette époque un appui Pde “pays des mille collines”. Malgré leur afin d’aider l’Institut rwandais des sciences technique limité. Le mildiou (phytophtora situation au sud de l’équateur, ces collines agronomiques du Rwanda (ISAR) à élabo- infestans) était le principal facteur limitant offrent un climat idéal pour la culture de rer son programme national d’améliora- la production. La plupart des agriculteurs la pomme de terre. Depuis qu’elle a été tion de la pomme de terre (PNAP). Cette n’utilisaient pas de fongicides en raison introduite dans le pays par les soldats culture couvrait alors environ 45.000 ha du manque de ressources et de l’accès allemands et les missionnaires belges et produisait 300.000 tonnes par an. limité à l’eau courante. au début du XXe siècle, la pomme de Comme aujourd’hui, la pomme de terre Ils cultivaient généralement 3 à 6 variétés terre est devenue un élément essentiel était principalement cultivée entre 1.800 par saison, afin de réduire les risques de du régime alimentaire rwandais. Au- et 2.600 m, dans les provinces du nord maladies. Ils étaient de ce fait intéressés jourd’hui, l’ibirayi – dérivé de l’urburayi et de l’ouest, avec deux saisons de crois- d’avoir accès à de nouvelles variétés ré- (“celui qui provient d’Europe”) – est la sance principales par an. Des familles de sistantes au mildiou. deuxième culture de base du pays après petits agriculteurs dans des exploitations la banane plantain. Le Rwanda est l’un d’en moyenne un hectare les plaçaient Amélioration variétale des principaux producteurs de la région en mélange avec du maïs, des haricots, Le programme de la pomme de terre a

Sélection de variétés avec Martin Bicamumpaka La variété Kinigi au Rwanda en 2018

MdC 32 Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 été basé dans le district de Ruhengeri, à d’Europe et d’Ouganda, mais sensibles lement tolérante à la sécheresse. Même présent appelé Musanze. Il comptait 4 à 6 au mildiou. L’ISAR avait cependant in- si elle présentait une traînée bleue en sa scientifiques de l’ISAR, sous la direction troduit trois variétés en 1972 : Condea, partie interne, elle était très appréciée de Pierre Tegera et Martin Bicamumpaka, Montsama et Sangema. des agriculteurs du Rwanda et aussi du avec les conseils de scientifiques du CIP : Burundi où les scientifiques faisaient de Peter Vander Zaag, Anton Haverkort et Trois clones à succès la formation. Bien que le projet CIP au moi-même. Les priorités du programme Le programme PNAP a mis au point pour Rwanda ait pris fin dans les années 1980, étaient la sélection de variétés améliorées sa part un programme de sélection de plusieurs des variétés du projet continuent à haut rendement résistantes au mildiou variétés à partir de clones reçus du pro- d’être cultivées dans la région. Malheureu- et la mise au point d’un système de pro- gramme d’amélioration génétique CIP sement, beaucoup des contributions du duction de pommes de terre de semence. et de matériel issu du programme de projet se sont perdues lorsque le Rwanda Le système de production de semences, pomme de terre de Belgique. Le PNAP a sombré dans la guerre civile en 1990, basé sur la sélection positive et négative, a ainsi introduit les variétés Gahinga, qui a abouti au génocide de 1994, et que a été mis en place dans une ferme de 45 Gasoré, Kinigi et Nseko en 1982 et les plus de 40% de la population rwandaise ha située dans la commune de Kinigi et variétés Cruza 148 et Petrero en 1985. La a été tuée ou a fui le pays. sur un site de 120 ha près de Gishwati. plupart de ces variétés provenaient donc Devenu le “pays aux mille douleurs” Le PNAP produisait environ 250 tonnes du CIP, mais la variété Gasoré était un (Braeckman 2014), il a fallu des années de semences par an, distribuées à des clone introduit de Belgique dont la pré- au Rwanda pour se remettre de cette projets de multiplication comme le “Service cocité permettait de le cultiver pendant violence et se reconstruire, et la pomme des Semences Sélectionnées” pour une deux saisons consécutives. Largement de terre a certainement contribué à cette diffusion ultérieure dans les zones rurales cultivée au Rwanda, elle est même reve- reprise. Bien que touché par cette crise, mais n’atteignait qu’une petite partie des nue pour la culture bio en Belgique. Le le secteur de la pomme de terre s’est dé- producteurs de pommes de terre du pays matériel génétique introduit à la station veloppé à nouveau à la fin du XXe siècle. (seulement 5 à 10% des plants utilisés de recherche de Ruhengeri a été testé provenaient d’une distribution formelle pour son adaptation, son rendement et la Une priorité aujourd’hui (Ndagijimana et al., 1984). La plupart des résistance au mildiou, et puis, les clones Malgré la tragédie de 1994, le pays a agriculteurs achetaient leurs semences sur sélectionnés ont été testés en champs atteint une situation politique stable à les marchés et souvent conservaient leurs d’agriculteurs afin d’évaluer leur adapta- la fin des années 1990 et a amorcé une semences d’une saison à l’autre. Après le tion aux systèmes de production locaux période de croissance économique, avec mildiou, le deuxième facteur limitant de la et leur acceptabilité. Parmi les six variétés une réduction du taux de pauvreté et une production était le flétrissement bactérien sélectionnées, trois ont été largement plus grande espérance de vie. En 2000, (Ralstonia solanacearum), qui réduisait adoptées : Gahinga, Cruza 148 et Kinigi. le gouvernement a lancé un programme fortement le nombre de multiplications La Cruza 148 a été sélectionnée à l’ori- économique ambitieux appelé “Rwanda de semences à la ferme, surtout dans le gine pour sa résistance au mildiou, mais Vision 2020” et le pays est maintenant sud du pays. Au début des années 1980, les agriculteurs l’ont privilégiée pour sa considéré comme un modèle de déve- une vingtaine de variétés de pommes de tolérance au flétrissement bactérien, qui loppement en Afrique subsaharienne terre étaient cultivées au Rwanda, princi- constituait une contrainte majeure dans (Huggins 2014). Depuis 2010, le secteur palement d’anciennes variétés introduites le sud du Rwanda. Cruza 148 était éga- des services représente la plus grande

Formation sur le terrain : échange entre chercheurs, M. Bicamumpaka et un agriculteur qui testait les nouvelles variétés vulgarisateurs et agriculteurs

MdC Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 33 Agriculture rwandaise partie de l’économie rwandaise, mais comme le secteur privé et aux services la population de l’Afrique continue de l’agriculture joue toujours un rôle central, de vulgarisation qui peuvent alimenter croître et que le changement climatique représentant 33 % du PIB et employant le système informel de distribution de intensifie les défis, il sera vital d’accélérer au moins les deux tiers de la population. semences (Ferrari et al. 2017). le développement de variétés résilientes Le gouvernement continue d’investir dans Une étude récente dans sept pays d’Afrique adaptées aux conditions locales, tolérantes le secteur pour faire face à l’impact de la orientale a montré que les variétés pré- aux maladies et répondant aux besoins croissance démographique sur la demande dominantes cultivées provenaient du du marché. Leur diffusion dépendra de alimentaire. La pomme de terre est l’une matériel génétique associé au CIP (Ha- l’efficacité des systèmes de production de des six cultures prioritaires de son pro- rahagazwe, 2018). Des variétés telles que semences vers un grand nombre d’agri- gramme d’intensification des cultures. Kinigi, Cruza 148 et Gahinga sont toujours culteurs, pour contribuer au bien-être La production est en augmentation et très populaires au Rwanda, au Burundi des populations du Rwanda et des pays représente, au niveau des ménages, 57 % et en Ouganda. Outre la difficulté d’accès environnants. n du revenu brut moyen par an, ce qui au système de semences officiel, les petits représente environ 731 USD (Ferrari et agriculteurs hésitent à les remplacer par * L’article original a été publié dans Potato al. 2017). de nouvelles variétés moins rustiques Planet, sous la référence que voici : Devaux Des statistiques récentes montrent que qui nécessitent des pratiques agricoles A., (2019) La Pomme de terre au Rwanda, une contribution majeure. Potato Planet, 077 (juil./ 95.000 ha de pommes de terre ont été plus coûteuses (par exemple, les engrais). août). https://bit.ly/2mCxQ3y cultivés en 2017 avec une production de Kinigi, notamment, reste la variété de 846.184 tonnes. Les rendements moyens pomme de terre la plus populaire au ** Docteur en sciences de l’agriculture à l’Uni- restent faibles, parfois inférieurs à 10 Rwanda (Nkurunziza, 2017). “Elle est versité de Louvain, l’auteur André Devaux a tonnes/ha ou d’environ 12 t/ha dans appréciée aussi bien par les agriculteurs accumulé plus de 35 ans d’expérience dans les principaux districts de production. pour sa tolérance au mildiou et à la sé- les pays du Sud, principalement avec le Centre Ces bas rendements sont un défi et une cheresse, permettant des rendements International de la pomme de terre (CIP). Ayant participé au développement du programme priorité en Afrique subsaharienne (Hara- supérieurs, que par les compagnies de d’amélioration de la pomme de terre du Rwanda hagazwe et al. 2018). La diffusion réduite transformation. Un kilo de Kinigi peut dans les années 1980, il mène ici une réflexion de plants de pommes de terre de qualité se vendre à 300 FRW, tandis que d’autres concernant la situation du secteur et du pays reste l’une des principales raisons des variétés se négocient 180 FRW par kilo, grâce aux progrès importants accomplis depuis. faibles rendements. L’achat hors ferme car les consommateurs ne les apprécient “Ayant contribué au développement de la va- riété Kinigi au Rwanda, c’est avec satisfaction représente 57 % de l’approvisionnement en pas autant” indique un opérateur. que 30 ans plus tard, j’ai pu me rendre compte semences et la majorité de ces semences Cette domination sera peut-être remise en qu’elle a contribué à la sécurité alimentaire est achetée à d’autres agriculteurs et sur question car au début 2019, cinq nouvelles et au développement du secteur pomme de les marchés locaux. Peu d’agriculteurs variétés, issues d’un partenariat entre CIP terre du Rwanda et des pays environnants.” Selon la société productrice de chips Winnaz (3 %) utilisent des semences certifiées, et RAB, ont été présentées à la station basée au Rwanda et en Ouganda, Kinigi est la majorité d’entre eux n’étant pas au de recherche du RAB à Musanze pour la variété qui convient le mieux à la trans- courant de leur existence ou n’ayant pas leur introduction. Ces candidates allient formation car ses tubercules produisent des les moyens de les acheter. Il est donc es- des qualités répondant tant aux besoins chips plus croustillantes et de meilleur goût sentiel de connecter le système semencier des agriculteurs que de l’industrie des que d’autres variétés. Ils contiennent moins d’eau, ce qui réduit la quantité d’huile contenue formel soutenu par le Rwanda Agricultural chips qui est en pleine croissance dans dans les chips. Board (RAB) qui produit des semences le pays. Elles présentent aussi des carac- certifiées aux acteurs qui multiplient les téristiques nouvelles comme la tolérance catégories de semences les plus basses à la chaleur. Pensant au futur, alors que

Rwanda : Nyiransabimana Claudine qui a participé La Ministre de l’agriculture du Rwanda, Dr Gérardine Mukeshimana, au programme de selection variétale teste les variétés introduites en 2019.

MdC 34 Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 Témoignage STANLEYVILLE 1964 La petite histoire vécue dans la chair par quelques-uns éclaire la grande Histoire mieux que le plus gros des livres.

PAR MICHELE TIMMERMANS-ZOLL (12/8/1940 – 3/6/2019) vant que nous ne je devais rester impassible, surtout ne l'appartement. Nous étions cinq adultes soyons emmenés à pas bouger. Peu de choses auraient et quatre enfants. Pas de lumière, mais l'hôtel des Chutes, pu faire partir le coup. Après quelques la peur toujours cette peur ! nous vivions déjà minutes, il retirait son arme, remettait Dans le fond de ce couloir, il y avait des situations très la sécurité et partait d'un énorme rire. une petite salle de bain, avec une petite pénibles. Perquisi- Comment expliquer cette peur, il n'y fenêtre. Malgré cela, nous avions vrai- tions, les rebelles a pas de mots. C'est arrivé à plusieurs ment très peur d'y aller pour les toilettes. entraient, sans reprises. Ces rebelles tiraient sur les Pour la nourriture, c'était la débrouille. prévenir, à six Africains dans la rue pour je ne sais Nous avions un boy qui nous ramenait ou sept, enfants quelle raison. Les Africains devaient de petites quantités de ce qu'il pouvait soldats compris. Brutaux, effrayants, circuler avec une branche et crier "maie, trouver. Quand l'atmosphère paraissait cherchantA armes, nourriture, créant maie", sans cela, ils étaient abattus. Il y un peu plus calme, nos hommes par- souvent des paniques que nous ne avait trois cadavres devant chez nous, taient à vélo (tous les véhicules avaient montrions pas. Ils renversaient tout, le magasin Peneff. C'était horrible, et le été réquisitionnés) chercher à manger. vidaient le frigo. Un enfant soldat bien climat étant ce qu'il était, l'odeur était Tout ce qu'on trouvait était bon. souvent le même, je le reconnaissais, insupportable. En écrivant j'ai l'impres- M. Hardy était avec nous. Il était arrivé armait son arme, pointant le canon sur sion de la sentir encore. avec le dernier avion et devait prendre la tempe de mes bébés de huit mois. La nuit ça tirait de tous côtés, nous la route avec une voiture qui se trouvait Il me regardait en riant. Je savais que nous réfugions dans le seul couloir de chez nous. Tout avait été convenu avec

MdC Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 35 Témoignage mes parents à Bujumbura. M. Hardy braquaient avec des torches en pleine fi- Les hommes sont venus une fois, surveil- vivait à Buja avec son épouse et son gure. Nous entendions crier des femmes lés mais vivants, pas moyen de parler, fils de 10 ans, Daniel. Il a donc vécu dans des chambres à côté. Nous savions mais, de part et d'autre, un peu rassurés. comme nous ces événements durant ce qui se passait. Nous ne pouvions quatre mois. Malheureusement, comme rien faire. Le matin, nous allions les Puis a commencé la guerre des nerfs. Marco, il est décédé. aider comme nous le pouvions. Les rebelles nous disaient que le len- J'étais tétanisée. Je ne lâchais jamais demain, ils abattraient 9 de nos maris Par la suite, ils sont venus nous chercher mes bébés et en tenait un sur chaque au Monument Lumumba. Effective- avec deux véhicules. Il fallait faire très hanche en permanence. Il y avait une ment, on entendait les neuf coups. Je vite. Contrôle de papiers... Je n'ai eu le terrasse tout le long, sur laquelle donnait ne bronchais pas, ils nous regardaient. temps que de prendre deux biberons, chaque chambre. Cela nous permettait Malheureusement, certaines ont craqué, deux langes et un bébé sur chaque quand même de sortir de notre trou. elles ont été battues. J'étais au Congo hanche. Marco, lui, prenait nos papiers. depuis des années, à Stan depuis 55, Pas le temps de réfléchir, ni de se poser Nous avions aussi une toute petite ter- je savais qu'en aucun cas, je ne devais de questions. rasse qui donnait sur l'extérieur. Une montrer mes sentiments. Je parlais le nuit, tard, j'entends doucement frapper Swahili, mes enfants, mapassa (jumeaux Arrivés à l'hôtel des Chutes, il y avait à cette porte, j'ouvre, c'était mon boy, en swahili), étaient nés à Stan. Les pre- beaucoup de monde, nous étions au effrayé mais avec une boîte de lait en miers Européens depuis l'indépendance. fond, ensemble, assis à une table. Là, poudre et quelques langes. Je l'aurais Je suis persuadée que tout cela a fait nous avons vu que les rebelles enlevaient bien embrassé. Il m’a repris les langes qu'on ne nous a pas touchés. le voile des religieuses avec violence. sales. Il a fait cela chaque fois qu'il en Mais ce n’est qu’après qu'on analyse Patrick Nothomb est intervenu, ils l'ont a eu l'occasion, il m'apportait ce qu'il la question. battu. Ma fille s'est mise à crier, ils ont trouvait. Encore aujourd'hui j'y pense Quatre mois, avec la faim, la soif, le hurlé de la faire taire, avec menaces. souvent et combien je le remercie. manque de sommeil, et cette peur pa- Faire taire un bébé ! J'avais, à ce mo- Les Grecs et les Portugais nous appor- nique! Une ambiance de violence, de ment-là, un bon Dieu pour moi, la petite taient à manger, la plupart du temps il brutalité. On n’est plus soi-même, on ne s'est tue. Après un certain temps, je ne n'y avait pas assez pour tous. Comme réfléchit plus, on agit avec instinct, on sais plus combien, ils ont décidé que les une bête, je guettais et j'étais dans les peut même, soi-même, être agressif pour hommes partiraient. Des camions sont premières pour avoir quelque chose le bien de ses enfants. Ca m'est arrivé arrivés, ils ont fait monter les hommes pour mes enfants et moi. Ce n'est pas avec une personne qui me demandait et sont partis. Ils nous ont fait monter très honorable, mais je ne pensais qu'à de l'aider, mais j’aurais dû laisser mes à l'étage. Nous avons réalisé que tout nous, je me sentais traquée. Besoin petits, j'ai dit non. C'est très dur cette pouvait nous arriver. Nous avons pris de manger pour vivre. Avec le lait en vie, ça n'a plus rien d'humain. une chambre, la première à côté de poudre je mélangeais de l'eau du robi- l'escalier. Il y avait Mady Peneff, ses net, brune, que je faisais passer dans Le 22 novembre nous avons été trans- deux petites filles, une autre personne, de l'ouate. Je pensais éviter ainsi que férés au Victoria, nous y avons retrouvé je ne sais plus qui, mes deux bébés ne passent les crasses. J’y mélangeais nos maris. Nous étions rassurées et et moi. Il n'y avait pas de place pour une sardine. J’agrandissais un peu le contentes. Mais rien ne changeait ; au tous sur un lit de deux personnes. J'ai trou des tétines. Mon fils avalait, il avait contraire. Les rebelles étaient surexcités, aménagé, dans un coin, un petit enclos faim. Ma fille refusait. Je l'ai donc forcée drogués. Nous n'étions vraiment pas pour mes bébés, y ai mis une couver- à la cuillère, car je voulais à tout prix ture de zamu (sentinelle). J'ai pris une qu'elle mange. Un jour, on nous a ap- autre couverture de zamu pour moi. Je porté des boîtes de poulet entier, datant dormais par terre, à côté de mes bébés, de la guerre de Corée. Elles étaient toute habillée, avec mes chaussures et gonflées, personne n'osait y toucher. mes lunettes. Je suis arrivée à ouvrir une boîte. Une A côté de moi, une bouteille vide, au odeur épouvantable ! J'ai versé le tout cas où je devrais me défendre ! Ce dans une gamelle ; c'était de la gélatine. n'était qu'illusion, je n'aurais jamais su Mes enfants et moi avons mangé... On me défendre ni défendre mes bébés. m'appelait “poubelle”, mais mon instinct Heureusement, cela ne m'est pas arrivé. me dictait cela. Je devais conserver un minimum de forces pour mes enfants. Toutefois, la nuit ils rentraient et nous

MdC 36 Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 tranquilles. Toujours cette atmosphère mais rien ne sort, je ne sais pas respirer. locale. Je m'en souviendrai longtemps, de terreur ! Les coups de feu se calment, les gens mais c'est ma seule chance pour le Le 24, nous sommes réveillés par le bruit hurlent, ceux qui peuvent s'enfuient, moment. Je souffre beaucoup, le drain des avions, je regarde par la fenêtre ... mais sont immédiatement abattus, en verre et moi sur le dos ! ce sont les paras ! Je me dis “c'est fini, car il reste des rebelles cachés dans la On m'annonce que ma mère est là, que c’est la mort ou on en sort”. J'attrape à verdure. Les paras arrivent, quelqu'un je dois à tout prix rester calme, que tout toute vitesse deux biberons de lait, je me prend dans les bras, je regarde et va bien. Il faut dire que mes parents prends un comprimé, qui se trouvait me rends compte que c'est le Colonel sont restés sans aucunes nouvelles de- là, du Pertranquil, un calmant, je pré- Laurent. Je le connais très bien, nos puis quatre mois, plus peut-être. Que pare mes bébés. Nous sommes tous yeux se croisent, il n'en revient pas. mon père devenait fou d'inquiétude. paniqués. Les rebelles montent dans Ils ont reçu un premier télégramme du les étages, nus, avec juste quelques Il me met dans la maison qui est là, à Ministre P-H Spaak, leur annonçant branches autour de la taille, machettes côté, défonce la porte avec son pied, que mon mari et moi avions été tués, et et armes à la main. Ils sont fous furieux, m'installe par terre, me dit quelques mots que les enfants avaient disparu ! Puis, hurlent, donnent des coups au passage gentils et repart. Après cela un trou ! un nouveau télégramme disant que et exigent que les hommes descendent. Je me retrouve par la suite à la sortie j'étais à l'hôpital Danois à Kinshasa, de la petite galerie de Larousse Congo. mais entre la vie et la mort. Je vois donc par la fenêtre, tous les J'ai près de moi l'aumônier militaire. Il hommes regroupés partir dans la rue. Je me donne les derniers sacrements, je Ma mère a fait sans tarder le nécessaire m'aperçois qu'une femme suit à quelques suis calme, je ne sais pas où sont mes pour obtenir un visa et mettre les en- mètres. Sans réfléchir plus, je me dis enfants ni s'ils sont vivants, mais je ne fants sur son passeport. A Bujumbura, qu'on va, nous, passer un mauvais quart parviens pas à réagir, je ne pense plus tout le monde savait ce qui se passait, d'heure. Je prends mes bébés, je des- qu'à eux. Un trou. ma mère a donc été fort aidée et a pu cends et je suis les hommes aussi. Mon partir très vite. mari se retourne et me voit arriver de Je me retrouve dans un pick-up avec un Je viens de retrouver un article datant loin. Il ralentit, j'accélère et on se rejoint. autre blessé et quelqu'un qui n'a rien, il de l’époque, il s’agit d’un extrait de la Arrivés au bout de la rue, ils nous font nous accompagne vers l'aéroport, je me chronique journalière d’un commerçant arrêter, discutent bruyamment, toujours rends compte qu'on nous tire dessus belge à Stanleyville : dans un état de totale colère. de tous côtés. On arrive à l'aéroport, “Madame Marco Peneff fut transportée je vois ma belle-sœur, Paule, blessée par après, quasiment inconsciente, et Un sourd-muet que nous connaissons est au bras, mais debout, je lui dis que elle ne fit aucun mouvement. On aurait là ... une vraie terreur ! L'un d'entre eux Marco est mort, elle me rassure, mais dit qu'elle était morte, mais je savais donne l'ordre de tirer, à bout portant, je m'énerve et lui affirme qu'il est mort, que non car elle avait dit peu de temps tout le monde se couche. J'ai à côté de que je ne sais rien des enfants. Un trou. avant à Michel Peneff : Dis à Poncelet moi mon mari, un des bébés, l'autre de me mettre une couverture, j'ai si est à mes pieds. Celui qui est à côté de Je me retrouve dans un avion, par terre, froid. C'est une des familles les plus moi hurle et essaye de partir à quatre beaucoup de bruit, des bancs tout le éprouvées." pattes, je le tiens de toutes mes forces long. Mme Domasig est là, elle me dit pour qu'il ne sorte pas de la mêlée et que les enfants sont là, qu'ils n'ont rien. Je viens de recevoir une lettre de ne devienne une cible. J'entends une fois encore qu'on tire sur Daniel Hardy que j'ai retrouvé il y a l'avion. Un trou. Je me retrouve dans peu. Il m'envoie également une pho- Les coups de feu partent dans tous une ambulance, le sang me sort par tocopie de la lettre que sa maman a les sens. Je suis touchée, je me rends la bouche et le nez. Un trou. Je suis reçue de l'Ambassade de Belgique immédiatement compte que c'est grave, dans une chambre d'hôpital avec, à de Léopoldville, en décembre 1964. je ne sais presque pas respirer, j'ai du mes côtés, ma belle-sœur, Mady, et mon Souvenir dont je ne me souviens plus sang partout, je dis à mon mari de bien beau-frère, Michel. Je suis couchée sur mais qui m'émeut beaucoup. Je cite : garder les enfants. Il panique vraiment, le ventre, je respire difficilement. On 'C'est grâce au témoignage du R.P. Ve- se redresse légèrement, crie d'arrêter me soigne localement c'est tout. reertbrugghen, curé de la Cathédrale de mais est touché. Une balle dans la tête, Arrive la RTB pour interviewer Mady et Stanleyville, qui connaissait très bien il meurt sur le coup. Je m'en rends im- Michel. Personne ne s'occupe de moi. la famille Peneff chez qui logeait votre médiatement compte. Je suis affolée, Un trou. Me voici dans une chambre, époux, que celui-ci put être identifié j'essaie d'empêcher le sang de sortir seule. Le médecin m'annonce qu'ils vont avec certitude.' D’après les déclarations du petit trou qu'il a à la tempe, je crie me mettre un drain, sous anesthésie faites par Madame Marc Peneff-Zoll, hos-

MdC Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 37 Témoignage pitalisée à Léopoldville, au curé-doyen blessés. Nous étions donc à plusieurs sur le courage et la force qu'il fallait. Mais de Stanleyville qui lui rendait visite, des civières avec un accompagnateur, tout reconstruire n'est pas facile ! c'est Monsieur Marc Peneff qui aurait en l'occurrence, pour moi ma mère. Heureusement maman s'occupe de tout. gravé le nom Hardy sur la montre de Les enfants étaient avec nous. Nous sommes rentrés sans le moindre votre mari'. Nous sommes arrivés à Bruxelles le 6 papier. On était en 1964, le Congo était Ma mère est donc arrivée dans ma décembre 64, il faisait noir. Tout était indépendant. Nous habitions Ixelles, chambre, détendue, souriante, comme parfaitement organisé. Les ambulances maman a couru partout, il fallait prou- si elle m'avait quittée la veille. Quel étaient là. Je me suis retrouvée dans une ver que j'étais mariée, que les enfants courage, quelle force, je l'en remercie ambulance dans laquelle m'attendait avaient un père légitime, et même, dans encore, bien qu'elle ne soit plus là. Je ma marraine. Dans l'avion on m'avait un premier temps, prouver le décès de regrette de ne pas lui avoir assez dit dit que j'allais à l’Hôpital Saint-Pierre. Marco. Ceci a vite été solutionné, mais combien elle m'a soutenue et aidée. L'ambulancier m'amène à Brugmann... pour nous, une vraie galère. Finalement Je ne lui ai pas assez dit combien je je refuse de descendre, je veux aller à après des mois, il a été décidé que je l'aimais et l'admirais. Les histoires du Saint-Pierre. Tout le monde s'affaire devais fournir des attestations faites passé étaient peu de choses à côté de et finalement nous voilà partis pour sur l'honneur, de personnes connues. ce qu'elle a fait pour les enfants et moi, Saint-Pierre, où, en effet, je retrouve J'ai encore plusieurs de ces attestations. ainsi que le reste de ma famille. J'y ma mère, mon père, mon oncle et ma Et en fin de compte les enfants ont été inclus tout le monde. marraine qui m'accompagnait. Il a fallu enregistrés à la commune d'Ixelles. que tous me laissent, car je devais être C'est pourquoi, depuis, lorsqu'ils ont Elle m'a donc prise en charge directe- soignée sans délai, radios et autres. besoin d'un acte de naissance, c'est à ment, moralement en particulier, en Ixelles qu'ils le reçoivent même s'ils n'y me disant que les enfants étaient bien. J'ai eu beaucoup de chance que le Pr sont pas nés. En fait, les enfants étaient dans deux Dumont se soit occupé de moi. Il s'est familles différentes, et le problème était battu pour que l’on ne m'enlève pas le Maman a travaillé six mois pour nous, de les retrouver. Ils étaient bébés, per- poumon, il jugeait qu'il fallait attendre. pour que nous ayons tous nos droits, sonne ne savait qui ils étaient. L'Am- On m'a enlevé le drain derrière pour rien n'a été négligé ni oublié. Merci bassade de Belgique et l'acharnement m'en mettre un plus fin et par-devant. maman, encore merci pour nous trois ! de ma mère ont fait qu'on a assez vite Nettement mieux et plus confortable. Tous, nous avions une “marraine” pour retrouvé le premier, pour le second, ça On m'a branchée à un poumon artificiel nous aider à nous réintégrer. Pour moi, a été plus difficile. durant quelques jours. c'était Mme Detiège, Direction de la Et – oh miracle ! –, mon poumon a Croix Rouge. Cette dame m’a beaucoup Tout cela je l'ai su bien après. Ma mère doucement repris. Après cela, il fallait aidée, surtout quand j'ai recommencé à restait avec moi la journée, puis me enlever la balle, et avant ça, la trouver. travailler. J'ai aussi eu beaucoup d'aide de quittait pour justement s'occuper du Ca n'a pas été facile de la repérer. Fi- la Pharmacie Mertens. Ils ont organisé reste. Une nuit j'avais très soif. Dans nalement elle était en-dessous du bras. des collectes de toutes sortes. les chambres, il n'y avait pas de son- Anesthésie locale aussi, je pesais 32 kg nettes, les gens criaient pour appeler ! En définitive, trois côtes éclatées, balle En 1965, j'étais en convalescence. Un et dire leur douleur. C'était très dur dans la plèvre, mais j'en suis sortie. jour je décide d'aller seule au cinéma, d'entendre cela. Finalement un infir- qui se trouvait avenue Louise, pour mier africain m'apporte à boire. Je bois Mes deux petits bouts étaient, eux, voir le film de Lelouch Un homme et sans me rendre compte de rien, en fait dans le Home Reine Fabiola à La Hulpe. une femme. Je suis restée “scotchée” à il m'avait donné de l'eau de Cologne ! En quarantaine au début, germe de la mon siège en regardant ce film et en Maintenant je comprends, le travail, paratyphoïde, dysenterie, malnutrition. écoutant cette magnifique musique. le stress de ces gens. Une erreur est Mon fils, une balle lui a effleuré la tête, Pour la première fois, je me suis posé possible. Sur le moment, je lui en ai on voyait l'os, mais c'est tout ! Ils sont des questions sur mon avenir. C'était beaucoup voulu. restés là durant environ quatre mois. tellement fort que je suis restée dans Mes parents m'ont conduite chaque jour la salle pour le revoir une deuxième Ma mère a décidé ensuite de rester la à La Hulpe, car même si je souffrais fois. Chaque fois que j'entends la mu- nuit aussi, elle dormait dans un fauteuil. énormément du dos, je voulais voir sique, ou que l'occasion se présente de Après plusieurs jours, voyant que je mes enfants. revoir le film, je ne le manque pas et je tenais le coup, les médecins ont pris le Par la suite, il a fallu tout reconstruire, repense à “moi” ce jour-là. n risque de me faire rentrer en Belgique peu à peu, avec beaucoup de chagrin, de avec un avion sanitaire pour grands cauchemars. Mes enfants m'ont donné

MdC 38 Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 Force publique L’AVIATION LÉGÈRE Après la seconde guerre mondiale, le Quartier Général de la Force Publique (FP) a tendance à sous-estimer l’importance de l’aviation légère, malgré les services rendus en Ethiopie en 1941 par les avions de tourisme réquisitionnés. Les deux biplans Stampe-Vertongen 4bis, rescapés des six appareils d’écolage récupérés en Algérie en 1944, ne sont pas remplacés après leur mise à la retraite. Les monomoteurs légers réquisitionnés en 1940, dont le De Havilland Léopard Moth, sont retournés dans le secteur civil. En 1954, l’Avimil se compose uniquement de bimoteurs DH Dove et d’un quadrimoteur DH Heron

PAR JEAN-PIERRE SONCK

’utilité des avions lé- principalement employés pour des suivant qu’un monomoteur léger peut gers n’échappe pas missions de liaisons et d’observation rendre des services sur un théâtre aux jeunes officiers de aérienne. Dans le même ordre d’idée d’opérations donné, mais il juge que la FP, armée de terre que le lieutenant Dierickx, le lieutenant son emploi au Congo Belge est limi- du Congo Belge. Ils Deschepper plaide pour la renaissance té. Le survol des forêts de la cuvette ne sont pas aviateurs, d’une aviation légère de la force ter- centrale et des montagnes de l’est du mais expriment un restre. Il recommande deux avions pays lui paraît exclu pour des raisons avis unanime dans le légers par bataillon d’infanterie, soit de sécurité. Il soulève également le Bulletin Militaire de la deux appareils pour chacun des trois problème de la maintenance de ces FP. Ils défendent l’em- Groupements de la Force Publique. appareils au niveau des bataillons et les ploi de monomoteurs légers en cas de Il propose des solutions originales et difficultés des liaisons radio air-terre. Ltroubles intérieurs, notamment dans le suggère notamment la formation de Néanmoins, il trouve très intéressante cas d’une révolte comme celle des Mau pilotes par l’aviation légère de la force l’idée de développer l’esprit de l’air Mau au Kenya. Le lieutenant Dierickx terrestre métropolitaine à l’occasion parmi les officiers de la force terrestre propose la création d’une escadrille d’une période de congés en Belgique. et suggère de constituer une réserve d’aviation légère, dont les appareils La réaction du major aviateur Colin, de pilotes et d’officiers de liaison de seraient répartis entre les bataillons commandant l’Aviation militaire de la Force Publique. Ils obtiendraient d’infanterie. Les pilotes seraient recrutés la FP à l’époque, est assez critique. leur brevet élémentaire de pilotage parmi les officiers de la FP et seraient Il répond dans le Bulletin Militaire dans les aéroclubs de la colonie. Le lieutenant Deschepper reprend la plume sur ce sujet en février 1956 et évoque l’expérience acquise par les Britanniques au Kenya avec la Police Reserve Air Wing. Ce Wing, constitué d’appareils de tourisme, est compo- sé de pilotes européens mobilisés sur place. Sa mission principale est d’assurer un relais radio entre la base d’opérations et les patrouilles engagées dans la lutte contre les révoltés Mau Mau. Les pilotes de la Police Reserve Air Wing effectuent également des reconnaissances aériennes pour re- pérer les rassemblements de rebelles ou leurs campements. Le lieutenant Piper Cub de l'aviation légère au Ruanda (photo Claeys via Sonck) Deschepper conteste le manque de

MdC Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 39 Force publique sécurité des monomoteurs et évoque d’écolage et de tourisme à l’exemple le 4 janvier 1959. l’atterrissage forcé d’un Piper Tripacer de l’aéroclub de Stanleyville qui s’est Le besoin d’une aviation légère se fait égaré et à court d’essence au dessus équipé de monomoteurs Auster an- sentir avec acuité lors des opérations de la forêt du Maniéma. Le pilote a glais. Ils sont vendus par la firme de maintien et de rétablissement de réussi à se poser sans dégât matériel Duncan-Smith, importateur dans la l’ordre public (MROP). Il faut mobili- au centre d’un village indigène alors colonie de ces aéroplanes anglais à ser les bimoteurs Dove DH104 de que dans des circonstances analogues, ailes hautes surnommés “the eyes of l’Avimil pour effectuer des missions l’atterrissage d’urgence fin 1953 du the army”. Durant la guerre, le major d’observation journalières. Ils sont bimoteur Dove de l’Institut Géogra- Duncan-Smith était agent de l’Intelli- appuyés par un hélicoptère Sycamore phique dans une localité indigène au gence Service à Stanleyville et il s’est venu de Baka et par un Sikorsky S-55 sud d’Opala s’était soldé par la perte établi au Congo comme importateur de la Sabena. La FP ramène l’ordre totale de l’appareil. Un biplan de type de voitures, de camions et d’avions dans les cités indigènes de Léopold- Tiger Moth s’était également posé sans légers Auster. Les nombreuses inter- ville, mais le 14 janvier, des incidents dommage pour ses occupants dans une ventions en faveur d’une aviation légère violents éclatent à Matadi où un ma- rue de Kaminaville en 1956. L’essentiel finissent par donner des résultats et le gasin et les bureaux du centre ex- de l’article de cet officier est repris Quartier Général de la FP prend une tra-coutumier sont pillés par les émeu- dans deux quotidiens de Léopoldville décision importante. En février 1956, tiers. Le procureur du Roi et un officier et soulève un intérêt considérable. le capitaine Deschepper est désigné de liaison FP se rendent sur place en Le Bulletin Militaire de la FP publie comme officier de renseignements bimoteur de l’Avimil et le plan “troubles” ensuite un article du capitaine Ker- de la garnison de Bukavu. Il est au- est mis en vigueur, tandis que les vyn de Meerendre sur le sujet d’une torisé à suivre des cours de pilotage troupes de la garnison sont mises en aviation légère. Cet officier propose à l’aéroclub de Kamembe aux frais état d’alerte. Au cours des jours sui- l’emploi d’hélicoptères étant donné de la FP. Cet officier reçoit également vants, des Congolais en situation ir- les conditions difficiles de terrain l’autorisation d’entretenir son aptitude régulière, expulsés de Léopoldville, en Afrique Centrale. Ayant suivi les au pilotage avec l’appareil de l’aéroclub organisent des désordres dans diverses cours de pilotage et les cours tactique pour effectuer certains déplacements localités du district des Cataractes. d’aviation légère de la Force Terrestre de service. En octobre 1958, le capi- L’aviation militaire collabore efficace- durant son congé en Belgique, Ker- taine Deschepper est désigné par le ment aux opérations de rétablissement vyn de Meerendre obtient son brevet Quartier Général de la Force Publique de l’ordre. En avril 1959, le Quartier de pilotage sur bimoteur. En 1956, il pour suivre un stage dans le Kenya Général de la FP loue un Piper Cub demande sa mutation pour l’Aviation Police Air Wing. A l’issue de ce stage, il de 65 cv et un Supercruiser de 100 militaire (Avi FP ou Avimil). Elle est transmet un rapport complet au Quar- cv à l’aéroclub de Ndolo. Ces deux acceptée par le major aviateur Vo- tier Général. Le 8 décembre suivant, appareils de tourisme à ailes hautes lont. Il vole sur bimoteur De Havilland le Général Janssens, commandant en effectuent des vols de surveillance Dove. Pendant ce temps, sa proposition chef de la FP, lui annonce qu’il a pris pour renseigner les forces de l’ordre. d’employer des hélicoptères fait son connaissance de son rapport avec Ils sont équipés d’un poste de radio chemin à l’Etat-major. L’aviation de grand intérêt et lui fait savoir qu’une PRC 10 pour les besoins de leurs mis- la Force Publique est peu employée escadrille légère de douze appareils sions. Les commandants Dierickx, par le commandement au cours des sera créée en cas de mobilisation. Elle Deschepper, Delcourt et Rahier, offi- manœuvres Kimanza qui s’achèvent comprendra trois sections de trois ciers de l’Etat major, sont chargés de le 17 juillet 1956. Le capitaine Brouns, avions qui seront mises à la disposition prendre l’air à tour de rôle aux com- officier technique de l’Avimil, en fait de chaque groupement de la FP. Un mandes de ces monoplans lorsque la remarque dans un article qui paraît appareil supplémentaire sera affecté à dans un Bulletin Militaire FP. Il rap- la brigade indépendante de Thysville pelle notamment le rôle primordial et deux appareils constitueront la ré- joué par l’aviation dans les opérations serve. Peu après son retour au Congo, de contre-guérilla et il signale que les le capitaine Deschepper décrit dans appareils de tourisme des aéroclubs un article du Bulletin Militaire l’orga- congolais pourraient éventuellement nisation du Kenya Police Air Wing rendre des services à la force terrestre engagé dans la lutte contre les Mau dans l’accomplissement de missions de Mau. L’attitude du Quartier Général liaison. L’officier technique de l’Avimil de la FP change radicalement lors des souhaite la standardisation du matériel émeutes qui éclatent à Léopoldville Piper FP, photo 2017

MdC 40 Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 des désordres sont signalés ou qu’un à basse altitude, le commandant Des- prévôté militaire de la place. Les ha- attroupement menace la tranquillité chepper enlève un message suspen- bitants de la capitale peuvent observer publique. Le commandant Dierickx du entre deux perches. Le 4 juin sui- les évolutions des hélicoptères, outils possède le brevet de pilote de l’aviation vant, les compagnies de gendarmerie indispensables du MROP avec les force terrestre métropolitaine, tandis nouvellement formées sont présentées avions légers. A la même époque, la que les autres officiers ont obtenu leur aux autorités au camp Léopold et une note du général Janssens EM/G3 n° brevet de pilotage dans un aéroclub démonstration de maintien et de ré- 237 est diffusée, entre autres destina- congolais. Par la lettre 20/9023 du 23 tablissement de l’ordre public (MROP) taires, au colonel Vandewalle, admi- mars 1959, le gouverneur général dé- se déroule devant l’assistance. Le com- nistrateur en chef de la Sûreté coloniale. cide que les troupes de la FP en ser- mandant Kervyn de Meerendre, muté Elle concerne l’emploi d’avions légers vice territorial s’appelleront désormais à l’Avimil en 1956, effectue un stage pour le MROP dans les agglomérations gendarmerie. A Léopoldville, un centre en Algérie en 1958. Il vole notamment et propose de recruter des volontaires de coordination des opérations est sur Alouette II. Il fréquente ensuite dans les aéroclubs de Stanleyville, prévu lorsque le maintien de l’ordre des écoles de pilotage d’hélicoptère Elisabethville et Luluabourg, notam- déborde du cadre militaire. Il se com- en France. Breveté moniteur, il entame ment des pilotes civils qui seraient au pose du 1er bourgmestre, du com- l’année suivante une formation de service des commandants de Place missaire de police en chef, du com- quatre mois avec l’adjt-chef Michotte lors des matchs, meetings, manifes- mandant du corps de volontaires sur Sikorsky à Stead dans le Nevada tations populaires, troubles, etc. Le européens (CVE) et d’un représentant (Etats Unis), car le programme d’achat Sikorsky S-41 est équipé d’un treuil de la Sûreté. Le commandant de place de ce type d’appareil est en cours. En et prouve son utilité le 4 octobre 1959 peut mettre à la disposition du 1er septembre 1959, l’Avimil réceptionne lorsque la barque de deux pêcheurs bourgmestre une compagnie de fu- deux hélicoptères Sikorsky du type tombe en panne de moteur sur le siliers, des patrouilles radio, des hé- H-19 à moteur Wright de 800 cv. Ils fleuve Congo. L’embarcation est em- licoptères et des avions légers d’ob- sont codés S-41 et S-42 et confiés au portée vers les rapides et un appel servation. Le 10 avril 1959, un Piper commandant Kervyn de Meerendre, d’urgence est adressé à l’Avimil. Trente Cub de l’aéroclub de Ndolo piloté par nommé à la tête du flight hélicoptère. minutes plus tard, le commandant le commandant Deschepper fait une Les pilotes revenus des Etats-Unis en Kervyn de Meerendre survole les ra- démonstration au camp Léopold II prennent les commandes pour un vol pides et repère l’embarcation, retenue devant le ministre de la Défense Na- d’essai. Le 28 septembre suivant, un par son ancre. Il fixe son hélicoptère tionale Arthur Gilson et les autorités des appareils effectue un vol de dé- à vingt mètres au-dessus des pêcheurs civiles et militaires dont le général monstration et participe à un exercice pour permettre à l’adjudant Van Geet Janssens, le colonel Maertens, chef de maintien et de rétablissement de de manœuvrer le treuil. Les deux res- du 2e groupement de la FP, un délé- l’ordre public (MROP). Cet exercice capés sont remontés et déposés au gué de la Sûreté et le vice-gouverneur se déroule au camp Léopold II avec club nautique de Léopoldville. La FP général Lafontaine. Lors d’un passage des unités de gendarmerie et de la réceptionne trois Piper Cub L18 de 90 cv de couleur jaune livrés en caisses en avril 1959. Ils sont remontés par les mécanos et codés P-61, P-62 et P-63. Ils sont destinés au flight d’avions légers de l’armée de terre confié au commandant Delcourt. Le Slt Mans, ancien moniteur à l’aéroclub de Léo- poldville avant son engagement à l’Avimil, est chargé de l’instruction en vol des officiers de l’armée de terre. Ils en prennent les commandes à tour de rôle pour effectuer des vols de surveillance au-dessus des communes indigènes de la capitale. Une épreuve pratique se déroule à Ndjili pour l’ob- tention du brevet d’avion léger de la FP et les commandants Delcourt, Sikorsky Avimil FP avec treuil (Photo JJ Mans, 2018) Deschepper, Dierickx et Rahier re-

MdC Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 41 Force publique

çoivent l’insigne créé à cette occasion. de Matadi. Cette opération entre dans 1960, l’hélicoptère S-42 piloté par Jean- Ce sont les mêmes ailes que celles de le cadre du MROP et s’effectue avec Jacques Mans, assisté par le mécanicien l’aviation légère de la force terrestre une section de soldats congolais de Julien, est basé à Luluabourg pour les métropolitaine, avec au centre une la FP. Ils sont déposés par hélicoptère besoins du colonel Matterne, nommé grenade sur fond rouge rappelant leur dans les villages des alentours et pra- commissaire extraordinaire lors du mission d’appui aérien à la gendar- tiquent des fouilles chez les villageois conflit baluba-lulua. Le 24 mai, il rejoint merie FP. Les Piper Cub sont des ap- suspects. Les deux Sikorsky 18HD de Kindu où l’état d’exception a également pareils légers qui se posent sur une la Sabena à moteurs Pratt et Whitney, été déclaré. Il y participe à des nom- distance très courte. La plupart des utilisés pour le compte du service de breuses missions de pacification, dé- routes congolaises se prêtent facilement l’hygiène, sont cédés à l’Avimil en mars posant à l’occasion le lieutenant-colo- à leur atterrissage. Ils peuvent opérer 1960, mais, bien que codés S-43 et nel Six dans des villages isolés en sans difficulté à partir de bandes d’en- S-44, ils conservent leur immatricu- pleine forêt du Maniéma. L’équipage vol, dites strip, dont la longueur varie lation et les couleurs de la compagnie Mans-Julien est remplacé ensuite par suivant la charge, le temps et l’altitude. aérienne. Lors d’une de ces interven- l’équipage Busschots et Wilgaut. Le L’Avimil Force Publique s’installe au tions d’épandage de DDT le 4 avril commissaire extraordinaire Six dispose nouvel aéroport de Ndjili et réceptionne 1960, l’appareil S-43 se crashe à Inga également du bimoteur DH Dove D-19 trois Alouette II (A-51/A-52/A-53) des- à cause d’une surcharge et de la tem- avec comme équipage le pilote Char- tinées au flight hélicoptère. En no- pérature élevée. Le Slt Mans et l’adjt- lier, assisté du mécanicien Beltable et vembre 1959, le commandant Kervyn chef Michotte sont légèrement blessés. du radio Manil. Cet appareil est basé de Meerendre donne des cours de L’équipage du Sikorsky S-44 embarque à Kindu pour effectuer des vols de pilotage sur hélicoptère Sikorsky aux le Cdt Hirsch pour aller à leur secours. liaison et d’observation. Lors des évé- sous-lieutenants Busschots et Mans L’épave est ramenée à Ndjili et sert de nements de l’indépendance en juillet et à l’adjudant Boutet. Pendant ce stock de pièces de rechange. Ce n’est 1960, une révolte éclate dans les camps temps, le Cdt Deschepper est envoyé pas le seul accident de cette période militaires et l’armée congolaise est à Kigali et opère avec le Piper Super- troublée, car un Piper Cub loué à l’aé- africanisée. Le personnel congolais cruiser de l’aéroclub de Kamembe-Bu- rocub du Katanga et piloté par un de l’Avimil se joint à la mutinerie et kavu du 10 au 19 novembre pour les réserviste sans formation au vol opé- les aviateurs européens sont aban- besoins du maintien de l’ordre lors rationnel, accroche une branche d’arbre donnés à leur sort. Le commandant du conflit Hutu-Tutsi. Lors de sa pre- à Elisabethville, alors qu’il effectue Hirsch, ancien de la South African mière mission d’observation, il enre- une ressource après avoir piqué sur Air Force, commande l’Avimil en l’ab- gistre un important succès en repérant un groupe d’émeutiers. Cet accident sence du major Volont. A partir du 10 une bande de quatre cents incendiaires coûte la vie au pilote et l’observateur juillet, il assure les missions aériennes hutu qui est signalée aux gendarmes est gravement brûlé. De janvier à mai demandées par le major Bouzin, of- de la FP. Pour chacune de ces missions, il est accompagné d’un observateur et exécute, outre les vols de recon- naissance ou d’observation, des lan- cements de tracts censés ramener le calme dans les collines entre Tutsi et Hutu. Il effectue également des lar- gages de messages et de courrier et assure le relais radio entre les pelotons de la FP en patrouille et le PC de Kigali dirigeant les opérations. Après son départ, sa mission est reprise par un réserviste de la FP, breveté pilote à la Force Aérienne Belge. La situation se dégrade dans le Bas Congo et du 13 au 22 janvier 1960, Jean-Jacques Mans et Roger Busschots reçoivent du commandant Kervyn de Meerendre la mission de participer à la recherche d’armes volées dans le camp militaire Du personnel de l'Aviation légère récupère le matériel Avimil (photo Dubois via Sonck)

MdC 42 Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 ficier-aviateur S2/S3 au QG des Forces quisition de ses appareils par l’ONU, dont trois hélicoptères. Le flight Belges d’Afrique (ex-Cométro) avec le commandant Hirsch demande des d’avions légers est dissout et ses ap- les appareils basés à Ndjili. Le com- instructions au major Bouzin. Il reçoit pareils Piper Cub sont repris par les mandant Kervyn de Meerendre perd l’ordre d’évacuer les avions basés à Forces métropolitaines au Ruanda. la vie le 16 juillet au cours d’une mis- Ndjili vers les bases de Kamina et de Le 23 août 1960, l’Avimil passe au sion à Lukala avec l’Alouette A-51. Son Kitona. Le 23 juillet, les aviateurs de service de Moïse Tshombe et devient passager André Ryckmans est égale- l’Avimil se réfugient sur la base de l’Avikat (aviation Katangaise). n ment tué. Dans la crainte d’une ré- Kamina avec une partie des appareils

En guise de réflexion LA VERTU DE BIENVEILLANCE

En notre siècle où certains mots se dévaluent et perdent leur sens fondamental, où d’autres deviennent à ce point envahissants qu’ils finissent par rendre suspects ceux qui depuis des siècles fondent notre huma- nisme, la vigilance reste de rigueur, car les mots qu’on utilise façonnent et déterminent notre personnalité. La bienveillance par exemple, imperceptiblement d’abord puis massivement, a fini par céder la place au politiquement correct. Didier Van Cauwelaert, dans son livre La bienveillance comme arme absolue (Ed. de l’Observatoire), nous livre quelques clés pour une meilleure perception du concept, et par répercussion sur la valeur qu’il incarne. Le retour aux fondements de notre humanisme est la seule voie de sortie du cercle infernal de la dictature de la mode et de retour à la liberté de penser et de juger et de faire le bien, partant d’échapper à la radicalisation de la vie moderne, avec ses fausses informations, ses poussées de haine, son culte du moi d’abord, son discours sectaire, son humanitarisme de façade. L’humanité serait-elle à ce point fourvoyée qu’elle doive justifier la bienveillance, considérée comme de la faiblesse, plus proche de l’abdication que de l’engagement. Or la bienveillance est source de bonheur pour l’individu et promesse de paix pour la société. Les relations entre les anciens colonisateurs et co- lonisés n’échappent pas à l’impératif de bienveillance, comme arme absolue de la réconciliation, aussi extrêmes que soient les positions de certains dans les deux camps. La bienveillance exclut le paterna- lisme comme elle condamne la haine. L’histoire est ce qu’on en a fait, en bien et en mal, et non ce qu’on voudrait qu’elle fût. "Parce que si vous ressassez le mal qu’on vous a fait, si vous voulez vous venger, vous continuez à installer l’ennemi en vous, et c’est lui qui gagne. Il vous amène même chimiquement à fabriquer des toxines.", écrit Didier Van Cauwelaert. L’humour, l’autodérision, l’empathie, la curiosité de comprendre le fonctionnement du malveillant, qui sont autant de manifestations de bienveillance, permettent de modifier son rapport aux autres. La bienveillance selon l’auteur est aussi vieille que la vie sur Terre, chez toutes les espèces, et a été de tout temps ferment de progrès. L’empathie, c’est essayer de comprendre comment fonctionne l’autre, comment s’explique son éventuelle malveillance. La gratitude c’est ce que l’on reçoit de l’autre, même si par moments la patience est de mise. Tant qu’à faire, puisque la radicalisation est à la mode, radicalisons la bienveillance. Et notre dialogue in- tercommunautaire gagnera en vérité; et notre analyse de l’histoire coloniale s’en trouvera plus apaisée. (fh)

”Il est urgent de radicaliser la bienveillance, c’est-à-dire de la pratiquer sans peur, sans honte et sans modération.” Inspiré de La bienveillance comme arme absolue - © RTBF -16.12.2019

MdC Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 43 Vie des associations

Calendrier des activités en 2019 Pour toute insertion ou correction, téléphoner au 0496 20 25 70 ou écrire à [email protected]

Associations * Janvier Février Mars Avril Mai Juin Juillet Août Sept. Oct. Nov. Déc. AFRIKAGETUIGENISSEN : [email protected]

AMI-FP-VRIEND Limburg – Hasselt Pour les activités : voir KKVL ci-dessous APKDL (Amicale des Pensionnés des réseaux ferroviaires Katanga-Dilolo-Léopoldville) : 04 253 06 47 27 W 2 A 1 B 31 W 10 W 30 H

ARAAOM (Assoc. royale des anciens d’Afrique et d’outre-mer de Liège) : 0486 74 19 46 27 W 24 P 24 AB 28 L 18 P 6 E 5 P 5P 8 D 29 M ASAOM (Amicale Spadoise des Anciens d’Outre-Mer de Spa) : 0496 20 25 70 7 M 28 L 23 E 6 L 27 AB BOMATRACIENS (Les Bomatraciens et les amis du Bas-Fleuve) 02 772 02 11 - [email protected] 24 B

CONGORUDI (Association royaledes anciens du Congo belge et du Ruanda-Urundi) : 02 511 27 50 11 G 10 B

CRAA (Cercle royal africain des Ardennes de Vielsalm) : 080 21 40 86 6 M 16 AW 15 M 6 E 7 D

CRAOCA - KKOOA (Cercle royal des anciens officiers des campagnes d’Afrique) : 0494 60 25 65 25 AW 19 E

CRAOM – KRAOK (Cercle royal africain d’outre-mer) fondé en 1889 - www.craom.be 22 C 19 XB 13 C 26 C 21 C 22 P 6 L 17 C 8 C 26 C CRNAA (Cercle royal namurois des Anciens d’Afrique) : 061 260 069 27 AB

CCTM (Cercle de la Coopération technique militaire)

FRABELCO (Fraternité belgo-congolaise - Belgïe-Congo Verbroerderd) [email protected] 26 AW

KKVL (Koninkelijke koloniale vereniging van Limburg) : 011 22 16 09 9 AB 15 E 5 B

MAN (Musée africain de Namur) 081 23 13 83 - [email protected] 6 IX

MDC&RB (Mémoires du Congo, du Rwanda et du Burundi. Pour les coordonnées, voir pages intérieures) 18 O 1 O 8 O 5 O 10 O 7 O 25 J 13 O 11 O 8 O 6 O 15 O 22 O 23 AW 24 O 21 O 30 O 17 O 25 O 12 K 10 K 12 K 12 K 14 K 11 K 8 K 22 O 20 O 28 AB MOHIKAAN (DE) (Vriendenkring West-Vlaanderen) 059 26 61 67 - [email protected] 1 P 29 B NIAMBO : 0475 323 742 - https://sites.google.com/site/niambogroupe/agenda-2 2 P 16 PQ 4 JQ 5 PW 14 P

N’DUKUS na Congo : 02 346 03 31 - 02 251 18 47 - 02 652 58 33 11 G 22 Q 10 B

OMMEGANG (asbl ABVCO www.Compagnons-Ommegang.com) 02 759 98 95 16 M 8 E 22 V 13 E 19 E 22 M 11 E 10 M 24 AW 16 M 15 E 21 E 25 J OS AMIGOS DO REINO DO CONGO E O SEU GRANDE RIO ZAIRE 8 JW (Retrouvailles luso-congolaises au Portugal) REÜNIE CONGO-ZAÏREVRIENDEN : Sint-Denijs-Westrem 09 220 69 93 24 J

RCLAGL (Royal cercle luxembourgeois de l'Afrique des grands lacs) 12 P 24 P 15 W

SIMBA (Société d’initiatives montoises des Belges d’Afrique : 0475 42 25 29) 16 AL 16 B

UNAWAL (Union en Afrique des Wallons et Bruxellois francophones (depuis 1977) – Président Guy Martin) 12 G 24 B

URCB (Union Royale des Congolais de Belgique) 7 EW 8 E 7 E 8 E 30 E 21 E 11 E 1 T 15 E 22 X 23 E URFRACOL (Union Royale des Fraternelles Coloniales) 25 AW 19 E

URBA-KBAU Union Royale Belgo-Africaine 8 M 17 MA 18 M 8 A Koninklijke Belgisch Afrikaanse Unie (ex-UROME) Pour les coordonnées, voir pages intérieures 20 M VÎS PALETOTS (Association du personnel d’Afrique de l’UMHK) 02 354 83 31 13 AW 19 W

VVFP & AMI-FP-VRIEND West-Vlaanderen : 059 800 681 ou 0497 726 088 2 G 3 AF 6 U 3 W 8 W 5 F 3 V 4 E 4 F 2 EF 6 L 4 T 21 E 11 E 15 E

CODES : A = assemblée générale. B = moambe. C = déjeuner-conférence. D = bonana. E = journée du souvenir ou de l’amitié/hommage/commémoration, Te Deum/défilé.F = gastronomie. G = vœux, réception, cocktail /apéro. H = fête de la rentrée, fête patronale. I = invitation. J = rencontre annuelle. K = projections. L = déjeuner de saison (printemps/automne). M = Conseil d’administration. N = fête anniversaire. O = forum. P = activité culturelle/historique. Q = excursion ludique, promenade. R = Office religieux.S = activité sportive. T = fête des enfants. U = réception. V = barbecue. W = gala, banquet/déjeuner/ lunch. X = conférence-expo. Y = jubilé. Z = biennale.

MdC 44 Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 URBA-KBUOL Union Royale Belgo-Africaine Koninklijke Belgische Afrikanse Unie

N° 18

Siège de l’association L'Urome a vécu, rue de Stassart-Straat, 20-22, 1050 Bruxelles- Brussel vive L'URBA ! www.urome.be Contact : Baudouin Peeters Chers amis, [email protected] Président : Dans la foulée de ma nomination comme Ainsi, les Renier Nijskens administrateur-délégué de l'UROME le buts de Administrateur-Délégué : 17 juin 2019, nous avons mis en place un l'associa- Baudouin Peeters groupe de travail "révision des statuts" tion ont Baudouin Peeters et notre première "Université d'été" pour été étendus et revus (voir encadré) et Conseil d'Administration : réfléchir et repenser l'avenir de l'UROME. le nom a été modifié en URBA - KBAU : Renier Nijskens, Baudouin Peeters, Je voudrais remercier tous ceux et celles Union Royale Belgo Africaine - Konin- Guido Bosteels, Luc Dens, Fernand Hessel, Philippe Jacquij, Afata Litombo, qui se sont impliqués dans ce travail klijke Belgisch Afrikaanse Unie. Jean-Paul Rousseau, Paul Vannès de fond qui nous permettra d'insuffler Elle a conclu ce bel exercice de démo- un nouvel élan à notre fédération pour cratie interne par le renouvellement Conditions d’adhésion : les années à venir. de son conseil d'administration (voir (1) agrément de l’AG ci-contre). Le nouveau conseil (60% (2) Cotisation annuelle minimum : 50 € Les conclusions de l'Université d'été et de nouveaux membres), s'est de suite Compte bancaire de la commission de révision des statuts mis au travail pour définir le plan d'ac- Cotisations et soutiens : BE54 2100 ont été présentées au Conseil d'admi- tion 2020 : ouverture à de nouvelles 5412 0897 nistration qui les a validées. Il restait associations, dîner de gala de l'URBA l'ultime étape : le vote de l'assemblée regroupant tous nos membres, nouveau Pages URBA générale extraordinaire du 8 novembre. logo et site web,... Rédacteurs : Baudouin Peeters et Cette dernière, valablement constituée Riche et fier de notre passé, confiant Fernand Hessel et représentant 80% des membres, les en l'avenir, l'URBA est à présent sur Contact a approuvées à l'unanimité. les rails pour remplir sa mission, au [email protected] service de ses membres. www.urba-kbau.be Baudouin Peeters Copyright Mission de l’URBA Tous les articles sont libres de reproduction moyennant mention de la Le buts de l’URBA tels que définis dans l'art. 4 de ses statuts révisés : source et de l’auteur. 1. Promouvoir le souvenir collectif de l’oeuvre accomplie par les Belges au Congo, au Rwanda et au Burundi depuis les origines à ce jour 2. Sauvegarder et vivifier les liens privilégiés entre la Belgique et le Congo, le Membres de l’URBA Rwanda et le Burundi 3. Coordonner et promouvoir les intérêts collectifs de ses membres 1 ABC-Kinshasa 13 CRAOCA 4. Rassembler les Belges, les Congolais, les Rwandais & les Burundais qui 2 ABIA 14 CRNAA désirent coopérer pour créer des relations dynamiques positives entre ces pays 3 AFRIKAGETUIGENISSEN 15 FBC 4 AMI-FP-VRIEND 16 MAN 5. Contribuer au rapprochement des peuples de ces quatre pays par une 5 AP/KDL 17 MDC action efficace contre toutes les formes de désinformation à leur égard et par 6 ARAAOM 18 N’DUKUS la promotion de la rédaction collective d’une histoire factuelle et scientifique de 7 ASAOM 19 NIAMBO leurs relations 8 BOMATRACIENS 20 SIMBA 9 CCTM 21 URCB 6. Explorer, étudier et proposer des stratégies de coopération mutuellement 10 CONGORUDI 22 URFRACOL profitables pour leurs populations. 11 CRAA 23 VIS PALETOTS 12 CRAOM

MdC Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 45 Vie de l'association

Nouvelles inspirantes Partenariat entre ORES et l'alliance des Virunga Ils sont venus spécialement en Belgique pour se former... proches du Parc, dans le but de contrer la prolifération Trois techniciens congolais du Parc des Virunga parti- des milices armées. cipent actuellement à un stage de formation sur le site C’est ainsi, qu’il y a quelques années, Emmanuel de Mé- électrique d’ORES à Aye (Marche-en-Famenne). rode a entamé le développement d’une industrie locale, C’est le troisième volet d’un partenariat entre l’Alliance notamment via la construction d’un réseau de distri- Virunga, dirigée par le Belge Emmanuel de Mérode, et bution d’électricité et d’unités de production d’énergie la société ORES... (Voir illustration ci-dessous). hydraulique pour l’alimenter. A ce jour, deux centrales Concrètement, durant deux mois, ces techniciens vont hydroélectriques sont opérationnelles, huit autres verront apprendre à gérer l’exploitation et la maintenance d’un le jour dans un avenir proche. Un travail qui porte ses réseau électrique, résoudre des incidents, réparer les fruits. En trois ans, 6.000 foyers ont eu accès à l’électri- défaillances, manœuvrer des systèmes de dépannages cité. Et avec l’arrivée d’un tel réseau, certains villages ou de sécurité...Tout un savoir-faire technique de haute se sont transformés. Aujourd’hui, un peu plus de 500 tenue. Car aux alentours du Parc des Virunga, à l’Est de entreprises sont connectées au réseau. 80% de ces en- la République démocratique du Congo, 250 kilomètres treprises n’existaient pas avant que l’électricité n’arrive, de lignes électriques ont été installés. Des infrastructures et donc il y a un développement économique qui se voit sur la base du modèle wallon qui sont sorties de terre et qui se sent. Car le problème dans ces zones, est que ces trois dernières années. le taux de chômage parmi les jeunes est de plus de 70%. Ce partenariat entre l’Alliance Virunga et ORES est né de Cela amène de la violence, de l’insécurité. La création de la volonté d’améliorer les conditions de vie des habitants groupes armés est le malheur de cette région. Et c’est intégralement lié au chômage.

Membres d’honneur Agenda trimestriel Nous avons le plaisir d’annoncer que notre AG, en sa session du 8 Activités internes novembre 2019, a entériné notre proposition de nommer Madame 10/09 : CEP l'Ambassadeur honoraire Justine M'Poyo Kasa-Vubu comme membre 14/09 : Université d'été 03/10 : CEP d'honneur. 18/10 : CA Par la même occasion, nous avons nommé au titre d'administrateur 0 6/11 : CEP honoraire et membres d'honneur nos anciens président et administrateurs 0 8/11 : AGE 20/11 : CA délégués André de Maere, dré Schorochoff et Robert Devriese. Qu'ils Activités externes soient vivement remerciés pour leur excellent travail tout au long de ces 15/01/2020 : Voeux de Nouvel An années ! 5-8/03/2020 : Foire du livre Le trimestre en images

Université d'été. L'administarteur délégué définit les tâches © Fernand Hessel Les trois techniciens congolais en stage à ORES à Aye © Bruno Bosilo

Université d'été. Un des bureaux en plein débat © Fernand Hessel Université d'été. La photo de famille © De Preter

MdC 46 Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 MdCMdC Mémoires du Congo, asbl du Rwanda et du Burundi

Échos des Mardis Les grandes vacances ont eu comme chaque année un effet de ralentissement sur les Mardis et sur le Forum, mais il y a suffisamment de matière pour remplir les colonnes, le sujet étant par définition inépuisable. PAR FERNAND HESSEL Journée du 8 octobre 2019 Matinée exceptionnelle que celle du 8 mais entretenant, comme tout Congolais octobre où MDC&RB recevait premiè- bien né, des liens étroits avec sa mère rement le Pr Dr Pierre-Luc Plasman, patrie. Une page spéciale est consacrée auteur d’un livre qui a fait date Léopold à l’événement hors du commun, où le II, potentat congolais, sous-titré L’action jeune interne des Frères Maristes est royale face à la violence coloniale (Racine enfin mis à l’honneur (pp.50 et 51), avec 2017), qui fit le point sur les archives près de 50 ans de retard. relatives à la gouvernance congolaise du La moambe qui suivit vint resserrer les monarque. La conférence créa cependant liens entre les anciens du terrain, restés dans l’esprit de certains auditeurs un Table des conférenciers forts bien au-delà des associations. malaise quand l’historien affirma que L’après-midi, délaissée par le plus grand le bilan de l’EIC frôlait les cinq millions nombre, fut consacrée à la poursuite de de morts par violence. la série de films relatifs à l’esclavage, lourds d’informations sur un épisode peu La seconde partie de la matinée fut plus glorieux de la civilisation occidentale. n réjouissante bien qu’elle renoua avec une période tragique de l’histoire du Congo, fraîchement éclos du cocon colonial. Deux témoins, le Frère mariste Edgard Iserentant et Eric Iduma, un jeune élève et son éducateur, sont venus témoigner d’une aventure hors du commun qu’ils vécurent le 24 novembre 1964, au nez et à la barbe des Simba qui tenaient Présentation du Dr Plasman par Paul Vannès Grosse affluence à la Moambe Stanleyville dans leurs rets. Bel exemple d’exfiltration de missionnaires par une de leurs ouailles. Épisode peu connu des historiens qui continuent à interroger les tragiques journées de novembre 1964, mais qui ne tombent pas toujours sur une pépite de la fraternité humaine.

Le CRAOM et MDC&RB eurent vent sur le tard de l’acte héroïque d’un cer- tain Eric Iduma au bénéfice des Frères maristes de Stanleyville. Thierry Claeys Bouuaert, membre des deux cercles se démena pour mander à Tervuren le jeune héros de 1964, habitant le Canada Vue de l'auditoire abondamment rempli L'auditoire vu de dos

MdC Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 47 Vie de l'association Échos du forum

274 (13.09.19) Compte-rendu manquant Session consacrée essentiellement à la revue des activités de MDC&RB : la revue, la photothèque, Facebook, le site WEB, la vidéothèque, la bibliothèque... Parmi les sujets d’actualité, il est intéressant de noter la création à Loverval d’une bibliothèque propre à l’association, l’enrichissement de la partie néerlandophone du site WEB. Le reste du temps va à l’événement. En photo ci-contre, le prof. Etambala, qui devient membre conseiller du Comité de rédaction de la revue, en sigle COMRED. ■

275 (27.09.19) teur de première force dans la gestation Conduite par Thierry Claeys Bouuaert, de l’Indépendance. Et s’inscrit dans la la session se caractérisa par un aimable nouvelle approche de la colonisation du échange entre les 16 participants, dont Congo (Ekwa, Tigori...), qui ces derniers Michèle Coppois, petite-fille de René Van temps gagne des adeptes, synthétisée en de Ghinste, Commissaire Général au cette phrase remarquable : “ce n’est pas Congo Belge et fondateur de Bukavu, à vous de vous excuser, mais à nous de qui raconte une anecdote succulente sur ne pas avoir su gérer l’héritage.” Est mise sa grand-mère : en expédition avec son ensuite sur le tapis la difficile question mari, René Van de Ghinste, et sur le point de l’enseignement de l’histoire coloniale d’accoucher, sa mère se fit accompagner dans nos écoles, maintenant que la nou- sur les flancs du volcan Nyamulagira d’un velle ministre de l’éducation a décidé de troupeau de chèvres pour être sûre de le réhabiliter, ce qui on s’en doute peut disposer de lait au moment voulu. comporter quelque piège. Le débat s’ac- Intéressante visite de la biographie po- compagne de diverses propositions. ■ litique de Léon Engulu qui fut un ac-

276 (11.10.19) a offert, à titre de reconnaissance, un débattu en Forum, d’autant que Michel La rédaction du compte-rendu pose voyage en Belgique, pour qu’il vienne Faeles, témoin oculaire de ce qui est quelque problème les derniers temps : narrer par le menu son geste salvateur régulièrement décrit comme la plus disponibilité des rapporteurs, que- de 1964 à Stanleyville au bénéfice du grands prise d’otages du XXe siècle, a relle entre verbatim et rapport de Frère Iserentant et ses confrères pris publié ces derniers temps deux livres synthèse…Marc Georges qui, sauf em- dans l’étau des rebelles (voir article sur la question, centrés pour l’un sur pêchement, dirige le Forum cherche spécial consacré à ce haut-fait dans les statistiques des victimes et pour la formule idéale pour l’exercice qui la présent numéro, pages 50 et 51). l’autre sur son propre vécu de ces est important pour la mémoire du Eric Iduma étant présent, à la tête jours particulièrement sombres de la Forum. Il va vers la solution marquée d’une forte délégation, l’occasion fut jeune République du Congo, dont en au coin du bon sens de la synthèse idéale pour poser toutes les questions l’espace de quelques mois plus de la du rapport qui ne dépasse pas les sur le déroulement de la manœuvre moitié du territoire était tombée aux deux pages, en rejetant en annexe les salvatrice du jeune élève interne et de mains des rebelles. L’attention des documents illustratifs et les commen- manière plus générale sur les événe- membres, venus en grand nombre, taires explicites sur un sujet donné, ments, qui amenèrent les paras belges était particulièrement grande. rédigé par l’intervenant lui-même. à s’emparer de la ville pour libérer les Un autre débat a plutôt agité la ses- La session de ce jour s’est focalisée sur otages (voir aussi le poignant témoi- sion, celui relatif au nombre de cinq la mise à l’honneur d’Eric Iduma, à qui gnage de Michèle Timmermans, pages millions de morts par violence cité MDC en partenariat avec le CRAOM 35 à 38). Le sujet est régulièrement par le Pr Plasman lors de sa confé-

© Photo Fernand Hessel

MdC 48 Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 rence. Pour le plus grand nombre, ce nombre est excessif. ■

277 (25.10.19) Après approbation du compte-rendu de tion, celles des dictatures sous le joug Marc Georges dirige le Forum, sur base la session 276 (remis le matin même), la desquelles beaucoup de peuples noirs d’un ordre du jour strict, ce qui permet présentation de l’invitée M. Maniquet, croupissent encore. André Filée, avec à chacun de mesurer son intervention et et le passage en revue des activités cou- son habituel réalisme, insiste une fois de permet surtout de rédiger un compte-ren- rantes des différentes équipes, Emily plus sur la nécessité pour MDC&RB de du apte à éviter tout délayage et toute Beauvent fait une intéressante digres- s’en tenir à son mandat qui est de creuser digression qui n’apporte rien aux archives sion sur l’éclosion de son intérêt pour l’histoire des Belges au Congo, d’avant et de la session. La question de la rédaction la civilisation swahilie, thème qui ne l’a d’après l’Indépendance. Voir dans cette du compte-rendu n’est pas pour autant plus quittée jusqu’à y consacrer une série perspective le livre collectif Congo Belge réglée, surtout que les rédactrices habi- d’articles dans la revue. Son expérience Mémoires en noir et blanc, 1945-1960, tuelles, Nadine Evrard et Nadine Watteyne, arrive à point nommé en notre époque qui vient de paraître chez Weyrich (voir déclarent forfait. où l’intérêt pour les cultures du monde couverture ci-contre). ne fait que croître. Et dans cet éveil aux Rappelons que Mobutu à l’époque de sa autres, l’Afrique subsaharienne est en campagne pour l’authenticité plaidait déjà première ligne. à coups de placards et de meetings pour Un intéressant débat est amorcé, loin la décolonisation mentale. C’est assez dire d’être épuisé, sur la pensée décoloniale. que décoloniser les esprits est un travail Il est certain que ce n’est pas que cette de longue haleine. pensée qui tourmente le plus les Congolais La préparation, bien qu’encore timide, de d’aujourd’hui, plus occupés à chercher la prochaine fête annuelle de MDC&RB, à de la nourriture, des médicaments… à Loverval ou ailleurs, agite déjà les esprits. échapper aux massacres dans l’un ou Appel est fait à la créativité de chacun. l’autre coin du pays. Cela dit, l’intelligent- Il en va de même pour la fête qu’il y a sia congolaise et par extension celle de lieu d’organiser pour la célébration du la Diaspora congolaise de Belgique et 60e anniversaire de l’indépendance du d’ailleurs, n’échappera pas à son devoir Congo. ■ d’approfondir son histoire, celle de ses ancêtres, mais aussi celle de la colonisa-

278 (08.11.19) la revue. Les cercles partenaires payants sponsors, et la chasse semble payante. Il faut saluer l’avènement d’un compte-rendu grèvent le déficit, malgré le fait qu’ils On y reviendra. réduit à l’essentiel, en trois pages, signé prennent en charge le coût du graphisme Il faut savoir que deux sujets importants Marc Georges et Thierry Claeys Bouuaert. et de l’expédition. Les questions le plus attendent la prochaine réunion du conseil Pour quiconque veut exploiter ces écrits, évidentes se posent. Y a-t-il eu appel d’offre d’administration (programmée le 6 dé- c’est un progrès indéniable. Espérons que pour l’imprimerie, pour le graphisme ? Le cembre 2019) : la refonte du circuit de cette nouvelle approche met un terme nombre de pages n’est-il pas excessif ? Faut-il production de la revue et l’adaptation de à plusieurs mois de tâtonnements. Les des comptes en équilibre pour un magazine l’organigramme de l’association aux né- nouveaux rédacteurs ont pour nom F. qui fait la renommée de l’association et cessités des temps nouveaux. Moehler, M. Georges et M. Weber. A cela dont bon nombre de membres se satisfont ? Dans son désir d’optimiser les temps de s’ajoute que dorénavant le compte-rendu Le Forum se déclare incompétent pour Forum, la direction enquête auprès des succinct et le fichier audio seront archivés trancher la question. Il préconise toutefois membres pour savoir si la formule nouvelle, sur une page réservée aux membres du une recherche intensive de sponsors et conduite par Marc Georges et Thierry Forum à créer sur le site WEB par les bons propose que le COMRED fasse une étude Claeys Bouuaert, bénéficie bien de l’aval des soins de N. Watteyne. approfondie des coûts. Thierry Claeys débatteurs attitrés. Louable préoccupation Se pose le problème des frais inhérents à Bouuaert est en piste pour de nouveaux qui au bilan s’avère positive. ■

MdC Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 49 Vie de l'association Eric Iduma Gitoni à l’honneur Le Forum ne manqua pas d’inviter Eric Iduma Gitoni au débat bimensuel du vendredi 11 octobre 2019. La délégation nord-américaine, comprenant le héros du jour, sa femme Mathilde Nsunda-Blu, tous deux de l'Ontario, et un ami, le Dr Seth Abelson dit Dieudonné, de Seattle, tous engagés dans des œuvres humanitaires au Congo, se prêta de bonne grâce au questionnement. PAR FERNAND HESSEL

n sus des réponses qu’il une scène semblable à ce qu'on voit bouger les meubles à côté de ces fit aux diverses ques- dans des films policiers. Des avions fenêtres pour donner l’impression tions sur son parcours de chasse n'ont cessé de survoler qu’ils se seraient évadés par là. Et à et celui de sa déléga- notre école ISMA. Cette scène a causé ma grande surprise, les missionnaires tion, Eric reprécisa la la panique chez les rebelles qui, se qui m'écoutaient attentivement, ont stratégie payante qu’il doutant que quelque chose était en accepté de faire ce que je leur avais inventa dans la fougue train de se préparer, décidèrent de suggéré, et sont allés se cacher. de son adolescence, prendre la fuite en laissant derrière Quelques temps après, les rebelles qui valut aux mis- eux les otages. sont revenus en très grand nombre sionnaires d’avoir la Entre-temps, lorsque les avions de pour les tuer. Ils disaient en Swahili: vie sauve. Le mieux est encore de chasse ont arrêté de survoler notre Biko wapi tubahuwe (Où sont-ils pour Ereprendre textuellement la relation école, j'ai compris malgré mon jeune qu’on les tue). Avec sang-froid, je me qu’il en fit d’abord sur l’excellent site âge, qu’une situation dangereuse était suis empressé de leur répondre que www.stanleyville.kisangani.be, piloté en train de se préparer. Ainsi, grâce les missionnaires s’étaient sauvés par par Jean-Luc Ernst. Témoignage, resté à l'éveil développé à travers la lecture les fenêtres qui étaient largement vivace dans son esprit depuis le fa- de plusieurs livres d’aventures de Bob ouvertes, et que les militaires belges meux 24 novembre 1964, qui mérite Morane écrits par l’auteur belge Henri étaient dans les parages. tous les applaudissements, que les Vernes, j’ai immédiatement imaginé Les rebelles mulele mai-mai, qui ont auditeurs de l’auditoire comme du une mise en scène dont la finalité cru à ma mise en scène pour avoir Forum ne ménagèrent pas. consistait à sauver les missionnaires effectivement constaté que les fe- en les cachant dans les toilettes avant nêtres étaient largement ouvertes, les «Après l'occupation de la ville de Ki- de les faire fuir. Je me suis alors résolu chaises à côté des fenêtres, donnant sangani qu’ils contrôlaient désormais, d’expliquer à Kabamba qui était plus l’impression qu’elles avaient servi aux ces rebelles mulele mai-mai avaient âgé que moi, cette idée de mise en missionnaires à monter dessus pour également pris en otage des mission- scène qui trottait dans ma tête. sortir par les fenêtres, l’eau renver- naires blancs, qu’ils ont transférés de Et puisque je n’avais que 15 ans, et en sée sur le pavement, etc., ont pris la leur couvent à notre internat sous la ayant à l'esprit que les missionnaires poudre d’escampette. De loin, on surveillance d’autres rebelles. Comme l'écouteraient plus que moi, j'ai deman- entendait des coups de feu qui re- nos dortoirs étaient occupés par ces dé à Kabamba de partager cette idée tentissaient. Trente minutes plus tard, missionnaires otages placés là par aux missionnaires pour pouvoir les les paras-commandos belges et les les rebelles, les frères étaient obligés convaincre. Kabamba qui ne voulait gendarmes katangais sont arrivés. Il de nous relocaliser, moi et mes deux pas endosser cette responsabilité, n’y avait plus de rebelles simba mai collègues d’école, au couvent des m’a demandé d’expliquer moi-même mai, pas de mort, tout était calme. Ils Frères Maristes. N'étant pas considérés mon idée aux missionnaires. Devant ont embarqué tous les missionnaires comme des otages, mes collègues et le danger que j’entrevoyais, j’ai pris dans les camions, et ont aussi pris moi étions autorisés à entrer et sortir mon courage à deux mains, et j'ai mon ami Digosso Charles (le métis). du dortoir où se trouvaient les mis- demandé aux missionnaires d’aller Kabamba et moi sommes restés là. sionnaires otages pour leur apporter se cacher dans les deux extrémités Un jeune para-commando belge qui de la nourriture. du bâtiment où il y avait les salles de était sûrement touché et attristé par le La tournure des événements a eu bain et toilettes. J'avais aussi pris soin comportement des autres paras-com- lieu le 24 novembre 1964 lorsque de leur expliquer que nous allions mandos belges qui n'ont embarqué très tôt le matin, nous avons assisté à ouvrir quelques larges fenêtres et que Digosso en nous laissant derrière,

MdC 50 Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 nous dira qu’il avait étudié chez les ture. En sus de la séance académique Frères Maristes à Arlon en Belgique, du Mardi 8 octobre et du Forum du 11 et qu’il reviendrait nous chercher. Tel octobre, dont Thierry Claeys Bouuaert que promis, ils sont revenus deux fut le principal artisan, sa délégation jours plus tard pour nous chercher. eut droit à quelques visites guidées Je me suis ainsi retrouvé à l’aéroport dans la capitale sur proposition de l’un de Kisangani et le lendemain, j’étais et l’autre admirateur. Ainsi, comme en évacué à Kinshasa. » témoignent les photos ci-après, elle visita quelques hauts-lieux bruxellois Récit des plus sympathique qui avant de regagner le Canada, après tranche avec les atrocités commises une escapade de trois semaines au ce jour-là à Stanleyville. Et Eric mérite Congo et retrouver la famille et le certainement toute la reconnaissance ‘fleuve majesté’. Espérons qu’il ne des amis du Congo. Le CRAOM et faudra pas attendre cinquante ans Eric à Ndjili en 1964, au MDC-RB ont été bien inspirés de le de plus pour la revoir. ■ débarquement de l'avion qui l'a mander pour qu’il raconte son aven- évacué de Stanleyville

12.10.19 Au Musée de l’Armée au Cinquantenaire – Le sauveur et le sauvé, Eric & le Frère Iserentant Abelson, Guéret, Iduma, Depreter, Nsunda Eric devant le fameux ketje bruxellois

18.11.19 Devant le palais royal lors du tour bruxellois

Eric et Thierry, tout sourire, sur le fleuve Congo 19.11.19 Délégation et amis à l'AfricaMuseum.jpg

© Photos : T. Claeys Bouuaert, E. Iduma, F. Guéret, F. Moehler,

MdC Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 51 Afrikagetuigenissen NIEUWSBRIEF

Zetel : Jan van Ruusbroeclaan 15, 3080 Tervuren N° 23 Kolonisatie en missionering Van op de schoolbanken werd ons aangeleerd dat de Belgische koloniale ontwikkeling op drie pijlers rustte : een administratieve structuur van overheidswege, de inbreng van het bedrijfsleven en... de evangelisatie.

DOOR GUIDO BOSTEELS e eerste twee factoren antwoordt Zana Etambala. Het is duidelijk staan heden natuurlijk dat het begrip Missie vandaag anders volop in de (negatieve) wordt ingevuld dan in de 19de eeuw. schijnwerpers, maar Deze auteur verheft de stem : Kun je het vindt u niet dat het de missionarissen kwalijk nemen dat zij derde element zich spraken en handelden als mensen uit hun thans in een toch tijd ? Als historici mogen we kritisch zijn, wel opvallende staat maar niet tot in het belachelijke. Verge- van discretie bevindt ten wij hun enorme verdienste niet bij ? “Missiezondag”, “Vlaanderen zendt zijn de ontwikkeling van een hoogstaande Dzonen uit”, “De besten onzer zonen”, de intellectuele en morele elite. film “Tokende”, enz., al die items die ooit Van belachelijke reacties gesproken : had op alle lippen lagen zijn vandaag op de het zin in Wilrijk een “verklarend” bordje achtergrond geraakt. te gaan plaatsen bij het standbeeld van We moeten er natuurlijk geen tekening Pater De Deken ? Zana Etambala geeft bij maken : kolonisatie is een heet hang- ons duidelijk antwoord : “Pater De Deken ijzer geworden, dat nog moeilijk tot een Première cathédrale du Congo (fabriquée en acier was een uitzonderlijk man en helden zijn bezadigde discussie en zinnige conclusies à Charleroi en 1886 sur commande des Pères van alle tijden. Laten we beter de hele aanleiding kan geven, onder meer omdat Scheutistes, embarquée à Anvers le 21/9/1889, geschiedenis rustig bestuderen”.Verge- érigée à Boma, réduite de 25 à 12 mètres de longueur veel te weinig mensen rekening houden pour permettre la construction de la nouvelle et ten wij trouwens ook niet dat reeds in met de evolutie van de tijdsgeest, een actuelle cathédrale). © Fernand Hessel, 2009 de koloniale tijd bijzonder renoverende tijdsgeest die ook de Katholieke Kerk ideeën het licht hebben gezien, met name niet onberoerd heeft gelaten (denken Nee, antwoordt professor Zana Etambala, door de revolutionaire franciscaan Placied we maar aan het Vaticaans Concilie). maar zij rekenden wel op elkaar. Het is Tempels, die bij middel van zijn wereld- Uit een artikel in het tijdschrift Kerk & Le- op aanzet van de genoemde vorst dat vermaarde Bantoefilosofie gepoogd heeft ven vernemen we dat Professor Idesbald diverse religieuze orden hun aandacht op een merkwaardige toenadering tussen de Goddeeris (KULeuven), die zeker geen de beschaving van de “heidense” volkeren westerse denkwijzen en het Afrikaanse bewonderaar was van het toenmalige zijn gaan vestigen. Missiecongregaties wereldbeeld in de hand te werken. Belgisch koloniaal beleid, erkent dat werden overigens door de koloniale Nog een laatste vraag : Is de geschiede- de missionering op hem een positieve politiek op allerlei gebieden geholpen nis van ons missionair verleden reeds indruk heeft nagelaten : de missionarissen en hun onderwijs en medische bijstand voldoende in beeld gebracht ? Idesbald beperkten hun taak niet tot het strikt werden door de overheid ondersteund. Goddeeris antwoordt kordaat dat zulke religieuze domein, het bekeringswerk, Moet het verhaal van de christelijke mis- geschiedenis stiefmoederlijk behandeld maar ze waren ook hulpverleners, onder- sionering in Afrika en elders gelezen werd. Het is nog wachten op een to- nemers en fondsenwervers. Ze hebben worden in het licht van de wijze waar- taalbeeld. En zoals we van deze auteur samenlevingen grondig veranderd. op ons koloniaal verleden de dag van mochten verwachten, meent hij dat op Cruciale vraag : hadden de missionarissen vandaag bekeken wordt ? “De missie dit stuk de stem van het Zuiden moet dan ook dezelfde agenda als Leopold II ? van vroeger bestaat al lang niet meer”, doorklinken. ■

MdC 52 Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 Vie des associations URCB 100 L’Union royale des Congolais de Belgique est la seule association fondée par des Congolais sur le sol belge au temps où le Congo était encore sous administration belge. Les statuts originels datent du 2 janvier 1919. L’union est devenue royale en 1955. Depuis l’Indépendance, il est fort à parier que de nombreuses associations ont vu le jour en Belgique, au cœur de la diaspora congolaise. Comme Justine M’poyo- Kasa-Vubu en est devenue la présidente, la revue ne manquera pas de revenir sur le sujet, d’une importance évidente pour notre politique d’intégration de la diaspora plutôt mal comprise et de consolidation des liens qui existent depuis des décennies entre nos deux communautés.

PAR FERNAND HESSEL

’an 2019 marque le cen- ment jubilaire. Et il faut saluer d’entrée dernière remarque vaut également tième anniversaire de la de jeu le geste de la FRABELCO qui pour les délégations de la communau- fondation de l’URCB, intervint triplement en mettant la main té congolaise. Si l’on ne fut pas plus intervenue au sortir de à la poche, en offrant un bocal conte- nombreux en ces 22 et 23 novembre la Grande Guerre, à la- nant 75 pin’s (vendus généralement 2019, ce ne fut en aucune manière quelle quelques dizaines 5€ pièce) à vendre par l’URCB pour imputable à l’organisation. Les deux de Congolais avaient son propre bénéfice et en participant journées furent parfaitement orches- pris part, répondant aux diverses festivités. La présidente trées. Il était manifeste que l’URCB généreusement à l’Appel ne manqua pas de remercier publi- pouvait compter sur de nombreux du Roi Albert. L’association a connu quement André de Maere d’Aertrycke bénévoles. Un animateur de grand Ldes sorts divers, mais elle a toujours et André Deville pour le double don, talent, en la personne de Barly Baruti, gardé pignon sur rue. Son programme Daniel Depreter pour les nombreuses se dépensa particulièrement pour la de 2019 par exemple compte une di- heures qu’il consacra bénévolement à réussite des rencontres, le 22 pour zaine de manifestations, à la colonne capter les manifestations et la revue de dynamiser l’exposition consacrée à du Congrès comme à la cathédrale MDC&RB pour ouvrir ses pages aux ses œuvres et le 23 pour chauffer Saint-Michel et Gudule et a fortiori au fins de mieux faire connaître l’URCB la salle. Centre culturel de Ganshoren, qui est dans les milieux qui ont l’intérêt pour Dire que les Africains forment des un peu son quartier général actuel. l’Afrique centrale en commun. Ajou- peuples affectifs n’est pas une affir- Les Congolais et leurs amis de passage tons que la commune de Ganshoren mation surfaite, tant ils possèdent en Belgique n’ont pas manqué de ouvre régulièrement ses portes aux le don de la convivialité. C’est un rendre visite à l’URCB, tels Kasa-Vubu, initiatives de l’Union, comme en ces atout précieux pour la réussite d’une Bomboko, Kamitatu, Lumumba, le fêtes organisées dans le cadre du intégration harmonieuse. Ceux qui Mwami de l’Urundi et Léopold Sédar jubilé. Le fait que Pierre Kompany, en douteraient encore sont invités à Senghor, André Ryckmans. Le livre enfant du Congo, est bourgmestre de sortir de leur cocon occidental. Vivre d’or en porte la trace. Ganshoren n’est pas étranger à ces ensemble commence par répondre L’URCB est dirigée depuis quelques privilèges, surtout que Cécile Ilunga aux invitations, et la fraternisation années (voir la page y consacrée dans a l’art d’ouvrir les cœurs. s’ensuivra. Et l’invitation ne s’adresse le n° 44 pp. 47 et 48) par la vaillante Pour ne parler que des deux temps pas seulement aux anciens du Congo Cécile Ilunga, présente dans un grand forts du jubilé, à savoir l’exposition mais à tous les Belges, ouverts aux nombre d’organisations et de mani- de l’artiste Barly Baruti, organisée cultures du Monde. festations inter-associatives (URBA, au Centre culturel de Ganshoren et A la page suivante un petit pêle-mêle MDC&RB, Ami-FP-Vriend…). Sa force le gala de clôture au Hall des sports haut en couleurs de l’Expo Baruti et est d’allier diplomatie et intégration, de Ganshoren, les délégations belges du Gala URCB. ■ dans un louable esprit de pacification. furent de la partie, même si la partici- MDC&RB ne manqua pas de partici- pation des associations sœurs aurait per aux festivités de l’année double- pu être encore plus soutenue. Cette

MdC Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 53 Vie des associations

EXPO Sur fond de drapeau congolais EXPO Extrait du Livre d'or de l'URCB Affiche de l'EXPO et du GALA

EXPO Pêle-mêle des oeuvres signées Barly Baruti EXPO Tableaux qui ne manquent pas d'humour EXPO La présidente et l'artiste

GALA Les animateurs de la journée EXPO Tableau haut en couleurs de Baruti EXPO L'artiste et le bourgmestre de Ganshoren

EXPO Les temps des discours, EXPO Françoise Guéret offrant le bocal de pin's GALA L'orchestre anime depuis le podium, avec forte présence belge au nom de la Frabelco. symboliquement pavoisé

GALA La présidente congratulant les invités GALA Les bouquets de fleurs pour clôturer la fête

Photos : Cécile Ilunga, Barly Baruti, Françoise Guéret, Fernand Hessel.

MdC 54 Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 des An Amicale Spadoise des Anciens d’Outre-Mer e cie is n o s

Avec le soutien du centre culturel de Spa d d a ’ O

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SPA N° 148 Journée de l’amitié Le CIREFASOL (Citoyens et Réfugiés des Fagnes Solidaires – www.facebook.com/cirefasol), en partenariat avec le Centre culturel de Spa dont l’ASAOM a l’honneur d’être membre, a eu la bonne idée d’inviter Mme Françoise Tulkens en personne, ancienne vice-présidente à la Cour européenne des Droits de l’homme. On n’est jamais aussi bien servi qu’à la source. Ce fut un grand moment pour la communauté spadoise et jalaytoise. L’ASAOM a participé bien sûr à la conférence, d’autant que notre administrateur, le Dr Paul Cartier, qui signe l’article, est membre de Ciréfasol et que nos terres par ailleurs sont traversées par la Route des Droits de l’homme. (fh)

PAR PAUL CARTIER

enève, novembre 1950. Les aucun Etat ne s’était opposé à la Déclara- Etats membres du Conseil tion, certains s’abstenant comme l’Afrique du de l’Europe établissent Sud défendant son système d’apartheid ou un traité international, la encore l’Arabie saoudite contestant l’égalité Convention européenne homme-femme. des Droits de l’homme, La Déclaration Universelle des Droits de faisant suite à la Déclara- l’Homme n’a qu’une valeur déclarative. Par tion Universelle des Droits contre la Convention européenne, elle, sera de l’Homme promulguée le premier instrument juridique concrétisant deux ans plus tôt par l’As- et rendant contraignants certains des droits semblée générale des Nations unies. énoncés dans la Déclaration onusienne. GSpa, septembre 2019, plusieurs d’entre nous Affiche Conférence de Ainsi en 1959 était instituée à Strasbourg la se retrouvaient pour écouter Maître Fran- Françoise Tulkens Cour européenne des Droits de l’Homme çoise Tulkens, compatriote renommée pour qui contrôle la mise en œuvre de la Conven- son expertise et son engagement en faveur tion dans les 47 pays membres du Conseil des Droits humains, conviction dont elle fit de l'Europe, chaque citoyen ou chaque Etat preuve tout au long de sa brillante carrière, pouvant introduire une requête concernant notamment comme professeure à l’Univer- des violations de ces droits. sité de Louvain et, durant 14 ans, juge puis Loin d’un exposé théorique, la présentation vice-présidente de la Cour européenne des et le débat qui y fit suite fut émaillée de Droits de l’Homme. nombreux exemples concrets collectés au La Baronne Tulkens, oratrice sympathique et cours de l’exceptionnelle expérience de l’ora- didactique, a tenu en haleine la salle comble trice. Ainsi seront évoqués, entre autres, les du théâtre spadois par un exposé clair sur traitements inhumains ou dégradants dont l’histoire de la Déclaration universelle souli- sont victimes des prisonniers, le droit au gnant “le génie des rédacteurs” de l’époque, réexamen de la peine quelle que soit la gra- dont le juriste français René Cassin, Prix vité d’une condamnation, les droits sociaux, Nobel de la paix reposant au Panthéon. Ils économiques et culturels de migrants dont donnèrent naissance à un mouvement pour Carte de la Route la violation se constate quotidiennement. des droits de l'homme le respect et le développement des droits en Franchimont. Pour Mme Tulkens, la liberté d’expression est humains universels. Universels, car en 1948 un droit des plus important tout en restant

MdC Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 55 Vie de l'association limitée pour des propos racistes, néralisation de l’informatisation des donné naissance au “magnifique haineux ou incitant à la violence. services de sa banque. idéal commun” non seulement de Chacun peut se prévaloir d’exprimer Mme Tulkens s’insurge aussi contre respect mais aussi de développe- ses opinions, ce n’est que comme la pauvreté de plus en plus pré- ment des Droits humains. Pour les cela que le dialogue peut s’instau- gnante actuellement et qu’elle consi- “Mémoires du Congo et du Rwan- rer au sein de la diversité de nos dère comme “une insulte aux Droits da-Burundi”, la conférence ne peut sociétés, c’est le fondement de la humains”. que stimuler la réflexion sur l’his- démocratie. Mme Tulkens est bien consciente toire, notre histoire, à la lumière des Loin de s’immobiliser sur des textes des risques de régression dans le do- engagements courageux pris par gravés dans le marbre, Mme Tulkens maine des Droits humains que nous notre pays depuis plus de soixante prône leur adaptation et leur inter- observons chaque jour. Des politi- ans. Dans ce sens, puisse cette revue prétation (dans le sens positif) à ciens exacerbant les frustrations et se faire la championne de l’Article l’évolution du monde, citant ainsi les peurs de notre société, usant de 10 de la Déclaration universelle : son expérience comme présidente la facile excuse du “contexte actuel”, “Toute personne a droit à la liber- du tribunal Monsanto pour déve- contestant le rôle et l’indépendance té d’expression. Ce droit comprend lopper la responsabilité des entre- du système judiciaire dans notre dé- la liberté d’opinion et la liberté de prises vis-à-vis des Droits humains, mocratie, portent une lourde res- recevoir ou de communiquer des son expertise dans le droit à l’en- ponsabilité dans cette dégradation. informations ou des idées sans qu’il vironnement sain, mais aussi, plus Cela ne rend que plus nécessaire puisse y avoir ingérence d’autorités près de nous, en encourageant une que tout un chacun s’implique en publiques et sans considération de éventuelle plainte pour atteinte aux se référant au “génie” des initia- frontière”. ■ droits économiques de la part d’un teurs de la Déclaration, et donc de client âgé bien démuni face à la gé- la Convention européenne, qui ont

La Baronne Françoise Tulkens Madame Tulkens face au public plein d'attention

11.09.19 Les auditeurs prennent place au théâtre de Spa La plate-forme de Ciréfasol Photos © Ciréfasol

MdC 56 Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 Rendez-vous d’automne Comme à l’accoutumée à la même époque, les cercles de Liège et de Spa se sont retrouvés, le 6 octobre 2019, à la même grande table dans leur restaurant favori. A fortiori quand il s’agit de gibier, le patron étant membre de la confrérie des chasseurs. PAR FERNAND HESSEL

ette année la dé- rénovateurs se sont laissé tenter par de plusieurs livres (fille de président, légation liégeoise les sirènes de l’anticolonialisme am- députée, ambassadeur), le dialogue était plus clair- biant, au point d’occulter tout ce que avec la diaspora, tant souhaité par semée que les la colonisation a apporté de positif Mémoires du Congo, doit se trouver autres années. La à l’émergence des pays colonisés. facilité. veille, l’ARAAOM avait programmé L’invitée d’honneur n’était autre que La présidente accepta volontiers de sa première vi- Justine Kasa-Vubu, la propre fille venir dialoguer avec les membres site à l’AfricaMu- du premier président du Congo Jo- de l’ARAAOM et de l’ASAOM, a seum, sur initia- seph Kasa-Vubu. Elle était accom- fortiori avec ceux qui ont des ra- tive personnelle. Le voyage groupé pagnée de son mari Elie M’Poyo. Le cines congolaises ou qui ont ser- Ctel qu’imaginé initialement pour couple, assailli de questions comme vi dans son pays, afin d’affiner sa les cercles du sud-est (ARAAOM, on imagine, l’histoire étant la pré- conception en matière d’intégration CRAA, RCLAGL et ASAOM) dut être occupation première de notre mou- des deux communautés. Et elle est abandonné faute d’atteindre le quota vement, répondit de bonne grâce visiblement aidée dans ce combat minimum pour aligner un bus. Le aux interrogations des convives. On par son mari. Le fait que le couple président du cercle hôte ne man- comprend mieux pourquoi Justine a sa résidence à Bruxelles la place qua pas d’interroger la présidente Kasa-Vubu a été choisie comme pré- au cœur du débat, en ces temps où de Liège, Odette François-Evrard, sidente de la Diaspora congolaise en l’apport de la Belgique au dévelop- sur le ressenti de sa délégation au Belgique, et même dans le reste du pement du Congo, toutes périodes contact du musée rénové, surtout monde. En y réfléchissant force est confondues, est régulièrement mis que l’appréciation diverge largement de conclure que la diaspora, sou- en cause. dans le milieu des anciens d’Afrique vent décriée dans nos milieux pour L’occasion était belle d’interroger centrale. La présidente résuma en sa dureté envers la passé colonial Justine Kasa-Vubu sur ses propres deux mots: la scénographie est une de la Belgique, est plus organisée convictions politiques, au sens réussite, l’accès est grandement faci- qu’on a coutume de le dire. Il est noble du terme. Sa réponse avait lité, mais hélas Léopold II avec son évident qu’avec des dames comme de quoi surprendre les esprits les unique buste de travers est mécham- Justine Kasa-Vubu, au passé poli- plus chagrins quand il est question ment dénigré. Il est un fait que les tique plus qu’important et auteure de juger l’histoire de la colonisation:

Nos invités d'honneur à l'apéro, déjà très sollicités Adresse de Mme Justine M'Poyo Kasa-Vubu

Photos : Fernand Hessel.

MdC Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 57 Vie de l'association sans mettre en veilleuse l’esprit cri- mari Emile Beuken, dans l’asso- et du Citoyen pour le Franchimont tique et sans flatterie aucune, elle ciation Entraides, Terre-Mer, ayant de Dethier. Contrairement aux appa- n’hésita pas à dire sa satisfaction et pour objectif la bonne intégration rences, nous étions toujours au cœur sa reconnaissance pour ce que les des étrangers dans la communauté du sujet, à savoir le droit de l’homme Belges ont réalisé au Congo, tout spadoise. Rompu à la problématique et du citoyen, même si depuis la Ré- en ajoutant que le passé est devenu de l’intégration, le couple saura être volution française la notion de ci- objet d’histoire et que ce qui im- de bon conseil dans la politique toyen a pris un sens plus universel. porte aujourd’hui c’est l’avenir du d’intégration à mener par l’ASAOM. La partie académique de la journée Congo. Pour sa part elle estime qu’il Les applaudissements fournirent la fut ainsi clôturée, faute d’orateurs. est temps que les Belges reviennent preuve qu’elle était la bienvenue au Mais au bilan les leçons furent bien au Congo pour poursuivre l’œuvre sein du conseil d’administration de comprises, et la rencontre acquiert entamée par leurs ancêtres. l’ASAOM. une dimension qui dépasse de Affirmation on ne peut plus claire L’ASAOM entre ainsi dans le petit loin le contenu des assiettes et des que les Belges, aidés par les Congo- groupe de cercles qui comptent un verres, comme il se doit chez des lais de la Diaspora, doivent se dé- Africain, et mieux encore une Afri- passionnés de l’Afrique. faire de tout passéisme. caine, dans leur conseil d’adminis- Justine Kasa-Vubu, Odette Fran- Moment de grâce pour l’ASAOM, tration. Cela semble pourtant une çois-Evrard, Marie-Rose Utamuliza qui se trouve ainsi confortée dans évidence entre communautés qui et José Jacob auront réussi à éclairer l’option qu’elle a prise: cultiver le se déclarent amies. la résistible édification du Vivre en- passé, promouvoir l’avenir. semble, à laquelle l’ASAOM se doit José Jacob fut le quatrième convive d’apporter sa pierre, modestement, Il y eut une seconde raison de fêter à prendre la parole pour attirer l’at- résolument, courageusement. le rapprochement entre les commu- tention sur la Route des Droits de nautés afro-belge et belge, la pré- l’homme qui traverse l’ancien mar- Vint enfin le temps de la restaura- sentation officielle aux membres de quisat de Franchimont (voir l’image tion. La satisfaction des convives fut l’association de sa nouvelle admi- de la carte dans l’article précédent et unanime. Il est toujours bon d’avoir nistratrice, en la personne de Ma- voir aussi l’article consacré à sa rai- un chasseur-restaurateur dans ses rie-Rose Utamuliza, une spadoise son d’être dans le n°43) et la fameuse membres d’honneur ! ■ bon teint qui s’investit, avec son Déclaration des Droits de l'Homme

La nouvelle administratice, tout sourire, et son mari Les deux ambassadeurs honoraires en conversation

Membres des deux délégations faisant bonne chère Justine Kasa-Vubu

MdC 58 Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 Spa en deuil L’ASAOM se devait de participer aux funérailles de Joseph Houssa (1930-2019), bourgmestre de Spa (1983 – 2018) jusqu’au bout de ses forces, retraité de fraîche date au terme de sept mandats consécutifs, ancien du Congo (1952-1964). Pour l’ASAOM il fut surtout président d’honneur et joyeux compagnon chaque fois que son agenda lui permettait de participer aux activités de l’amicale. Ni Spa, ni l’ASAOM ne peuvent l’oublier.

PAR FERNAND HESSEL

n le savait morose depuis où la foule applaudit spontanément qui régnait dans la salle était lourd qu’il avait pris sa retraite, au passage du cercueil. L’hommage de tristesse et de reconnaissance. on le disait malade, mais vint de toutes parts sous forme de Puis le lendemain, 23 octobre 2019, quand tout à coup la couronnes et de bouquets qui s’ac- vint l’heure du dernier parcours spa- nouvelle tomba : « Le cumulèrent autour du cercueil dans dois. De l’hôtel de ville à l’église pa- bourgmestre est mort ! », la salle de l’hôtel de ville, libérée roissiale, brève étape d’une longue Ola tristesse redoubla d’intensité. Et la veille de l’enterrement pour per- vie, entièrement vouée au service le temps de l’hommage commen- mettre à la famille de recevoir les des siens et de ses concitoyens. ■ ça, jusque sur le parvis de l’église condoléances des citadins. Le silence

Hôtel de ville de Spa Eglise de Spa 22.10.19 Utime hommage à l'Hôtel de ville de Spa

23.10.19 Famille, officiels, amis pleins de recueillement dans l'église de Spa 23.10.19 Utime salut dans le choeur de l'église de Spa

23.10.319 La foule applaudit au passage du cercueil 23.10.19 Le cercueil quitte l'église pour les terres salmiennes où le défunt reposera

MdC Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 59 Cercle Royal africain des Ardennes

VIELSALM N° 180 Auberge du Carrefour Comme chaque année le CRAA a fêté sa Bonana dans son restaurant de prédilection, sis au rond-point de la Baraque de Fraiture. Cette année plus encore que les autres ce fut non seulement le carrefour de la bonne chère mais aussi celui des bonnes idées.

PAR FERNAND HESSEL

’ambiance qui régnait à Ces paroles d’or sont en plus ser- Les invités de marque ne furent pas l’auberge ce 7 décembre vies avec talent, acquis dans les les seuls convives de souche congo- 2019 était exceptionnelle. grandes écoles que l’oratrice a fré- laise. Le curé de Vielsalm, membre à La sélection de photos quentées, et renforcé par ses an- part entière du CRAA, fit également en page suivante en té- nées de parlement, de gouverne- une entrée remarquée. Il ne sollicita moigne.L D’abord nous y avons dé- ment et de diplomatie. Le couple pas pour autant la parole, car il s’est passé les quarante convives, venus M’Poyo-Kasa-Vubu profita de son déjà exprimé abondamment lors de de divers horizons, ce qui fournit passage parmi nous pour formuler la journée du Souvenir (voir Nyota une preuve certaine de la vitalité du une double requête : un appui fi- n°179 in MDC n°51). CRAA. Et, surtout, nous partagions nancier pour l’envoi de fournitures D’autres invités de marque, habitués la fête avec une invitée de marque, dans le cadre d’un projet au béné- de la maison, ne manquèrent pas de Justine M’Poyo Kasa-Vubu, la propre fice de populations dans le besoin communiquer les meilleures saluta- fille de Joseph Kasa-Vubu, le pre- au Congo, plusieurs containers étant tions des membres de l’association mier Président de la République bloqués entre Bruxelles et Anvers, qu’ils président. Il s’agit d’Odette démocratique du Congo, accompa- faute de moyens de payement ; François-Evrard pour l’ARAAOM de gnée de son mari Elie M’Poyo. Tous une attention pour son dernier livre Liège, Jean-Paul Rousseau pour le les amis du Congo se souviennent (vendu sur place à 10€) Et si Kenne- CRNAA de Namur et Fernand Hes- avec quelque émotion du sage Ka- dy était mort pour l’Afrique ?, hypo- sel pour l’ASAOM de Spa. Et la fête sa-Vubu, démis de ses fonctions en thèse qui ne manque pas d’intérêt fut mise à profit pour présenter 1965 sous la désapprobation géné- quand on sait que le Congo était le dernier arrivé dans la famille rale. Justine, restée une amie des déjà alors au cœur de la géopoli- du CRAA qui porte le nombre de Belges et qui habite présentement tique. membres à 41. Bruxelles, fut la première à prendre Bref, notre président Bonmariage la parole, après le mot de bienvenue Michel Faeles, le président d’hon- eut fort à faire pour congratuler tout de la part du président. neur de la Frabelco (Fraternité bel- le monde. Heureusement il est tou- go-congolaise) prit à son tour la jours secondé par son vice-président Comme au dernier déjeuner d’au- parole pour présenter son dernier et animateur en titre, l’irremplaçable tomne de l’ASAOM & ARAAOM à livre : Congo 1964-1967, Une tragé- Guy Jacques de Dixmude. Celui-ci Tiège, ses paroles étaient d’or. Elles die oubliée, La révolte des Simbas, a l’art de mettre à profit les ren- tiennent en deux mots : reconnais- 2018. L’ouvrage est mis en vente à contres du CRAA pour rappeler qu’il sance pour ce que la Belgique a 10€, mais il est surtout distribué gra- est de notre devoir de garder vivant fait pour le Congo, sur le terrain et tuitement à quiconque s’engage à le souvenir de ceux qui nous ont dans les enceintes internationales, le remettre aux personnalités qui précédés sous les tropiques pour et appel à ne pas rester en si bon peuvent en tirer profit pour que pa- apporter leur contribution au dé- chemin. Le Congo d’aujourd’hui a reil malheur ne s’abatte plus jamais veloppement. ■ besoin de la Belgique. sur le Congo.

MdC 60 Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 N° 180

L'invitée d'honneur, Justine M'Poyo-Kasa-Vubu, Le président Freddy Bonmariage fille du premier président de la RDC, s'adresse à un congratule les convives public fort attentif Justine Kasa-Vubu pendant son exposé

L'attention est grande pour les paroles qui sont dites Le silence témoigne de la grande attention Gros-plan sur l'oratrice sur les liens entre Congolais et Belges

Rose Parmentier, la veuve de l'ancien chef de mission Odette François-Evrard, présidente de l'ARAAOM de la Coopération belge à Kinshasa s'est levée Le vice-président et animateur du CRAA, de Liège s'appête à parler pour applaudir Guy Jacques de Dixmude

Freddy Bonmariage parle de son passé Toutes les tablées sont pleines d'attention Le tout nouveau membre se fait applaudir à Kangu au Bas-Congo

A l'avant-plan, le président du CRNAA-Namur, A l'avant-plan , Bente Hollund et son mari, qui fait le lien Les convives sont toute ouïe pour l'oratrice Jean-Paul Rousseau entre ceux de Bukavu dans les années septante

Michel Faeles, président de la Frabelco-Bruxelles, a la parole Michel Faeles justifie le livre qu'il est venu présenter L'équipe de l'auberge se fait applaudir Photos F. Boulanger et Fernand Hessel

MdC Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 61 Commémoration WERETH EN ARDENNE Il a semblé opportun à la rédaction de raviver, en ce 75e anniversaire de la Bataille des Ardennes, un épisode peu connu de la contribution des Afro-Américains à la défense de la liberté dans le monde.

PAR FERNAND HESSEL

Sans doute le lecteur se demande- changement d’état d’esprit à l’égard Les Langer, heureusement partisans ra-t-il pourquoi le Nyota rouvre(*) ses des Noirs, ceux qui ont donné leur des alliés, mirent aussitôt le couvert. colonnes à Wereth, modeste village vie pour nous dans des guerres qu’ils Une heure plus tard, quatre SS firent de la commune d’Amblève (Amel), n’ont pas déclenchées, comme ceux irruption dans la ferme, sans doute au nord-est de St-Vith, au sud de la qui continuent à se battre pour leur avisés par quelque collaborateur (une province de Liège. liberté et leur insertion harmonieuse femme, paraît-il, mais qui n’a pu être dans le monde. identifiée ou que l’on n’a pas voulu Il y a pourtant deux raisons à cela. identifier), amenèrent les pauvres D’abord la revue a pour ambition Les Noirs étaient 260.000 en Europe bougres dans un chemin de traverse de coller à l’actualité ardennaise qui durant la deuxième guerre mondiale, en les forçant à marcher devant leur entretient un rapport avec l’Afrique et principalement en charge des tâches véhicule, soi-disant pour se prémunir la commémoration de la Bataille des d’appui et opérant exclusivement sous contre le froid, puis les exécutèrent Ardennes en est une ; ensuite Wereth les ordres d’officiers blancs. Pour ce durant la nuit avec une telle sauva- appartient dorénavant à l’Histoire qui est de l’armée américaine, c’est en gerie qu’on ne peut s’empêcher de Nord-Sud, depuis l’inauguration, le 1941 seulement qu’ils furent autorisés penser qu’il s’y mêla quelque haine 22 septembre 2012, d’un mémorial, pour la première fois à combattre les raciale (membres coupés, traces de en l’honneur des soldats noirs tombés armes à la main. à Wereth et par extension sur l’en- semble du champ de bataille de la Onze de ceux-là, appartenant au 333e seconde guerre mondiale. Certes le FAB (GI’S noirs) périrent sans gloire symbole de Wereth, avec sa poignée à Wereth, en début de la nuit du 17 de morts, apparaît comme tout à fait décembre 1944, sur le sol belge. Prise modeste au regard de la Bataille des sous le feu de l’artillerie allemande, Ardennes, qui faucha des milliers de leur unité avait reçu l’ordre de se re- vies, mais ce qu’il importe de souligner plier, tout en laissant deux batteries en ici, c’est la reconnaissance posthume, place, dont celle des services. Affamés c’est la longueur du délai entre la et transis de froid, onze GI’s trou- fin de la guerre et l’inauguration du vèrent refuge dans la ferme Langer, monument, c’est par-dessus tout le sise à Wereth. Il était quinze heures.

MdC 62 Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 mutilations…). La guerre ne laissant Cette croix aujourd’hui, avec le dire leur reconnaissance aux onze aucun répit, les corps furent aban- concours d’une poignée d’Améri- Afro-Américains, parmi lesquels donnés et la neige les recouvrit d’un cains et de Belges, dont évidemment peut-être certains venus d’Afrique indigne linceul, si bien qu’on ne les les Langer, qui depuis 2004 ont lutté centrale, et à travers ceux-ci à tous les retrouva qu’au début de février 1945. sans relâche pour la reconnaissance Noirs africains qui ont contribué à la Après rapide enquête et quelques de cet acte héroïque, est devenue victoire de la liberté sur la dictature. photos, atroces, l’armée américaine un mémorial. L’admiration s’impose préférera ignorer l’épisode, refusera pour pareille volonté de sauver de Ce qui n’était pas de mise dans les de plaider le crime de guerre et clas- l’oubli le sacrifice suprême de ces premières décennies qui ont suivi la sera le dossier sans suite. Sept des onze Afro-Américains, dans un che- deuxième guerre mondiale, parce onze furent enterrés dans le grand min creux de l’Ardenne belge, et à que le contexte ne s’y prêtait pas, est cimetière américain d’Henri-Chapelle travers eux de tous les Noirs qui ont devenu réalité aujourd’hui. Force est et les quatre autres furent rapatriés à combattu pour la liberté des Blancs. de reconnaître que le ‘politiquement la demande de la famille. Le fils des Cette liberté qui Dieu merci est deve- correct’ que l’on invoque souvent Langer (Herman, fils de Matthias nue aussi la leur aujourd’hui. avec ironie a aussi ses bons côtés. qui avait eu le courage d’héberger A fortiori quand il tente de réparer les soldats), alors âgé de 15 ans, qui Signe des temps, les commémorations une injustice. Mais problème, il est assista à l’arrestation des onze soldats multiples qui ont marqué le 75e anni- difficile de fonder une éthique du- et qui sans doute dans la nuit qui versaire de la bataille des Ardennes rable vu le caractère changeant de suivit perçut les coups de fusil de ont eu un louable effet sur la RTBF la pensée politique. ■ leurs bourreaux, ne put chasser de qui n’a pas hésité à ouvrir son journal sa mémoire, ni l’atrocité des faits, ni parlé à l’évocation du massacre de (*) Article paru pour l’essentiel dans le NYOTA 152 réservé aux seuls membres du CRAA, le manque de reconnaissance. En Wereth, avec force images. Ils ont couplé avec l’édition 124 de la revue Mémoires 1994 il fit planter une croix en pierre été une petite centaine, villageois du Congo n°24 de décembre 2012. à l’endroit précis où se déroula le et officiels, à se rendre au mémorial massacre et y fit graver les onze noms. de Wereth, drapeaux au vent, pour

MdC Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 63 ROYAL CERCLE LUXEMBOURGEOIS DE L’AFRIQUE DES GRANDS LACS

N° 13 Un attaché militaire belge en Afrique du Sud pendant la présidence de Nelson Mandela Le cercle luxembourgeois complète, l’une image après l’autre, la galerie de portraits de ses membres et amis, qui se sont illustrés en Afrique.

PAR ROLAND KIRSCH

obert Laloux est né à convulsions interethniques. militaire dans ce pays, se tenant prêt à Charleroi le 2 février Ce n’est donc pas une mince affaire exercer tout commandement éventuel. 1947 dans une famille d’y œuvrer avec diplomatie, car la Il a également pour mission de faciliter nombreuse, mais c’est à criminalité, le sida, la fermeture des les contacts entre les représentants Bruxelles qu’il accomplit mines d’or et de diamants, le manque de l’industrie locale de l’armement Rses études secondaires à l’Institut d’emploi et les conditions de vie pré- et l’Etat-Major Général Belge, mais Saint-Jean de La Salle à Saint Gilles. caires dans les « townships » comme aussi avec les attachés des quarante Très sportif, Robert se destine à une Soweto, freinent le développement et pays représentés là-bas. Les langues carrière militaire, contrairement aux obligent notre attaché militaire à agir de contact sont l’anglais et l’afrikaans, envies de son père, pourtant poli- en toute circonstance avec prudence une version simplifiée du néerlandais. cier. Robert sert ainsi pendant 25 et circonspection. Les dix autres langues officielles n’ont ans dans les unités para-comman- En effet, si l’attaché militaire est le pas à être connues. « Fort heureuse- do, en Allemagne et en Belgique. principal conseiller de l’ambassadeur ment », nous relate malicieusement C’est lui qui commande l’escadron dans ce type de situations, il prépare notre colonel, « nous n’avons pas dû d’élite para-commando à Stockem aussi les plans en cas d’intervention suivre des cours de zoulou ! » - Arlon où il vit actuellement. Bre- veté de l’Etat-Major, le colonel La- loux est nommé directeur du Centre d’Etudes de la Défense, puis conseil- ler au collège de Défense de l’OTAN à Rome. Sur décision du Ministre de la Défense Nationale, il est pressenti fin 1998 au poste de premier atta- ché militaire près l’Ambassade de Belgique à Pretoria, capitale admi- nistrative d’Afrique du Sud. Nommé officiellement le 1er avril 1999, Bob Laloux y officie avec succès dans cet Etat complètement transformé depuis 1994, dirigé par l’ancien « re- belle », Nelson Mandela devenu pre- mier président noir du pays. Si fin des années 1990, l’Afrique du Sud (55.000.000 d’habitants dont 10% de Blancs) est délivrée du système d’apartheid et de ségrégation raciale, elle est déjà livrée à ses premières Accréditation du colonel Laloux accompagné de son épouse Annette à Pretoria (01.04.1999)

MdC 64 Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 ROYAL CERCLE LUXEMBOURGEOIS DE L’AFRIQUE DES GRANDS LACS

Très rapidement, en raison du contexte Cette dernière s’est investie aussi à l’honneur a été de procurer au dé- politique général instable en Afrique dans la vie sociale sud-africaine en tachement para-commando belge de australe, Bob Laloux, est appelé à s’occupant à Pretoria d’un orphelinat « Rangers » entrainé spécialement dans devoir étendre son champ d’action d’Etat pour des enfants dont les pa- la neige à Elsenborn, de terminer sur à la Namibie, à la Zambie et au Zim- rents étaient déchus de leurs droits, le podium – première équipe étran- babwe. Pour l’anecdote, en ce qui et en faisant acheminer en Afrique gère – de la compétition inter-nations concerne ce dernier pays, notre offi- des vêtements réunis à Virton. d’opérations de survie. Dans le désert cier se rappelle avoir dû déposer une du Kalahari ! Le colonel lui-même gerbe sur un monument funéraire L’activisme professionnel de Bob s’est distingué, et a été médaillé au d’un régiment africain. Les autorités Laloux lui a donné l’opportunité de tir instinctif à l’arme de poing lors du militaires locales lui révélant par la consacrer au niveau international concours multinational de Jo’bourg. suite avec sérieux qu’il avait honoré devant toutes les nations réunies en Si aujourd’hui, Bob Laloux considère ainsi le lieu d’inhumation d’un bouc, Afrique du Sud, la haute valeur de l’économie sud-africaine comme un ancienne mascotte du régiment. l’armée belge. mélange complexe de sophistication En remerciement pour son geste, une D’abord, en 2001, dans le cadre du du monde industrialisé et de sous- Bible a été offerte à notre représentant premier grand meeting aérien organisé développement du Tiers monde, il se bien perplexe ! sur le sol africain à Johannesburg, un rappelle que « vivre dans ce pays » Pendant son séjour de 1999 à 2003, le jeune pilote belge du détachement fut pour lui et son épouse « une ex- programme de travail s’est singularisé d’avions F-16 de la Force Aérienne n’a périence inoubliable ». Tous deux y par sa variété, mais aussi par une pas manqué, à la surprise générale, auraient volontiers terminé leurs jours. lourde charge publique et protocolaire de remporter l’exercice militaire aé- Actuellement, le colonel BEM Laloux atténuée par l’aide indispensable de rien imposé aux différents équipages est un membre actif du Comité de la son épouse, Annette Dropsy, origi- internationaux participants. Une autre Société Royale des Officiers Retraités naire de Virton. occasion de mettre le drapeau belge de la province de Luxembourg. ■

Quatuor para-commando belge de survie pénétrant dans le désert du Kalahari (Compétion internationale Rangers de 2001- Médaillé). Deux F-16 belges en approche de Bloemfontein

F-16 belge vainqueur de la compétition internationale de voltige

MdC Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 65 des An e cie is n o s

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Vie des associations M c

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ADMINISTRATION DES CERCLES PARTENAIRES

des An e cie is n o s Président : Fernand Hessel. Vice-président : José Welter. Trésorier : Reinaldo de Oliveira. Place Achille Salée, 9, 4900 Spa. 087 56

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A Secrétaire & porte-drapeau : Françoise Devaux. Autre administrateur : Paul Cartier Revue Contacts : Fernand Hessel [email protected]; 0496 20 25 70 - 087 77 68 74 Siège : ASAOM, Vieux château, rue François Michoel, 220, 4845 Sart-lez-Spa (Jalhay). Nombre de membres au 31.12.19 : 104. Présidents d’honneur : Joseph Houssa et André Voisin. Membres d’honneur : Mme Nelly Bultot, Dr Vétérinaire et Mme Craenen-Hessel, M. J. Houssa. La Pitchounette à Tiège, M. et Mme Voisin-Kerff, M. José Welter. Compte : BE90 0680 7764 9032

Président : Freddy Bonmariage. Vice-président : Guy Jacques de Dixmude. Secrétaire et trésorier : Herman Rapier, rue Commanster, 6 - 6690 Vielsalm, [email protected] : tél. 080 21 40 86 Porte-drapeau et fêtes : Denise Pirotte. Vérificateur des comptes : Paul Chauveheid Autres membres : Henri Bodenhorst, Pierre Cremer, Didine Voz Président d’honneur : Roger Marquet Revue (rédaction, MDC, NLC) et UROME : Fernand Hessel [email protected] Siège : Freddy Bonmariage, Grande Hoursinne, 36 - 6997 Érezée Tél. 086 40 12 59 ou 0489 41 79 05, [email protected] Nombre de membres au 31.12.19 : 40. Président d’honneur : Roger Marquet. Compte : BE35-0016-6073-1037

Président : Roland Kirsch. Vice-Président : Gérard Burnet. Secrétaire et responsable des Comptes : Anne-Marie Pasteleurs. Vérificatrice des comptes : Marcelle Charlier-Guillaume Autres membres : Jacqueline Roland, Thérèse Vercouter. Editeur des pages du Bulletin : Roland Kirsch Siège social : RCLAGL, 1, rue des Déportés, 6780 Messancy. Tel : 063 38 79 92 ou 063 22 19 90. [email protected] Nombre de membres au 31.12.19 : cercle en formation. Présidents d’honneur : Baron Patrick Nothomb et Marcelle Charlier-Guillaume. Compte : BE07 0018 1911 5566

Nécrologie Modalités L’ASAOM a le pénible devoir de porter à la - Pour les cercles partenaires, la cotisation annuelle est de connaissance de ses membres le décès de : 25€ (50€ pour une cotisation d’honneur, avec citation dans - Joseph Houssa (voir reportage en pages la revue - voir exemples ci-dessus), à verser au compte de intérieures) l’association de son choix, repris sur cette page, (et non - Jules Vincent au compte de MDC) avec la mention : COTISATION + Que les familles éprouvées trouvent ici ses millésime concerné. condoléances pleines de reconnaissance. - Toute majoration du montant de la cotisation, comme tout don, sera reçue avec reconnaissance. Réalisations internes - Les membres sont instamment priés de communiquer - 24.10.19 : RCLAGL Visite Vieux château, à Sart-lez-Spa leur adresse électronique au secrétariat de leur association. - 07.12.19 : CRAA Bonana, à la Baraque de Fraiture - Le montant de l’expédition de la revue à l’étranger est à - 15.12.19 : RCLAGL Banquet avec Massonnet, à Arlon. convenir avec l’administration de son association. - A défaut de cotisation, la revue cesse d’être envoyée dès Réalisations externes le troisième trimestre de l’exercice engagé. - 11.11.19 : ARAAOM Journée du Souvenir, à Cointe - Chaque membre est prié de rechercher activement de - 08.12.19 : ARAAOM Bonana, à Cointe. nouvelles adhésions à son cercle parmi les anciens et les amis de l’Afrique centrale. Prévisions - Les articles signés n’engagent que leur(s) auteur(s). - 09.02.20 : ASAOM Assemblée Générale - Tous les articles sont libres de reproduction et de - 26.01.20 : ARAAOM Toutânkhamon + Choucroute diffusion, moyennant mention de la revue-source (titre et - 29.03.20 : ARAAOM Assemblée Générale numéro) et du nom de l’auteur/des auteurs. - 25.04.20 : CRNAA AG & Moambe, à Jambes - Tout projet d’article est à adresser à Fernand Hessel, qui - 06.06.20 : 38° Convivio dos Amigos do Congo, à Lisbonne. coordonne les revues partenaires : [email protected].

MdC 66 Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 Bibliographie 13

ERRATUM : Dans le n° 51 de septembre 2019, la recension n°1, relative à NTOMA, a été attribuée par erreur à Mia Vossen alors qu’elle est de la plume de Jos ver Boven. Avec les excuses de la rédaction.

uiconque s’intéresse à l’histoire du vales et avec les pays voisins. L’auteur reste Burundi se doit de lire le livre du té- lucide : les fautes étaient partagées, entre moin et acteur que fut Louis Jaspers, colonisateurs et colonisés, entre factions ri- que l’on voit sur la couverture lors vales de la communauté nationale. Q d’une visite d’un camp de réfugiés Le lecteur se souviendra qu’une partie du à Tabora en 1984. Le lecteur ne peut que se livre est parue dans les pages de la revue, réjouir d’accéder à une manne d’informations du n°48 au n°51, sous le titre d’Histoire d’une sur la dernière étape de la marche de l’Urundi amitié. Des liens d’amitié solides existaient vers le Burundi. Et remercier l’ambassadeur entre le prince Biroli et l’auteur, noués à honoraire Louis Jaspers d’avoir eu le courage l’époque où ils fréquentaient ensemble l’UNI- d’ouvrir ses archives pour en extraire la ma- TOM à Anvers. Jaspers, L., Le destin tragique tière d’un livre. Comme il le dit lui-même, au De plus le livre sur le Burundi complète du Burundi, Mémoires d’un plan professionnel ce fut un grand moment en quelque sorte la trilogie sur le Ruanda, ancien administrateur de territoire (1961-1962), Editions Scribe, 2019. de nostalgie, mais au plan humain ce fut couvrant les périodes 1952-1956, 1956-1960 Nombreuses illustrations. un moment de grande tristesse. Le titre de et 1960-1961, parue chez le même éditeur. Collé, 392 pages, 170 x 240 mm ; l’opus ne laisse aucun doute sur la tragédie 24,95 €. qui s’est jouée à l’époque, avec des atrocités Fernand Hessel sans nom, et qui hélas continue à envenimer et compliquer les rapports entre factions ri-

a rédaction de ce livre a été entamée Congo et des narrations d’hommes politiques en 2017 par Luc Beyer de Ryke, jour- belges et congolais tels que Léon Engulu, naliste bien connu des téléspectateurs Omba Pene Djunga, Etienne Davignon et belges. Sa compagne, Françoise Ger- Herman De Croo pour n’en citer que les main-Robin,L l’a complété et édité comme un principaux. Les discours prononcés le 30 juin acte d’amour et en hommage à sa mémoire. 1960 par Baudouin Ier, par Joseph Kasavubu, Ce livre complète bien le travail de collecte par Patrice Lumumba et son rectificatif lors de témoignages recueillis par l’asbl « Mé- du toast au dîner officiel sont repris pour moires du Congo » puisqu’il relate la vie de permettre à chacun de les relire. Chacun peut Belges et de Congolais mais aussi donne des également tirer des conclusions sur ce « pari regards sur la colonisation belge, le rôle de congolais » et regretter les décisions hâtives l’Eglise, des capitaines d’industrie, les heures prises par la Belgique sans consulter les de la Table ronde, sur les premiers moments Belges qui vivaient sur place. Faut-il rappeler Beyer de Ryke, L., Congo. Mémoires de l’indépendance, des sécessions, du fiasco qu’aucune élection n’était organisée pour à vif, Livre posthume édité par de l’ONU et du Congo tel qu’il est devenu. nos compatriotes vivant au Congo Belge ? Françoise Germain-Robin. Edition Mols 2019 ; France : Sodis. C’est avec plaisir que l’on retrouve des sujets Collé, 235 p., 155 x 230 mm ; 23,50 € comme la vie quotidienne à Kinshasa, la Paul Vannès passion de la brousse, le paradis qu’était le

ecueil de 14 interviews réalisées Le mariage de raison d’alors entre Noirs et par l’asbl Âges & Transmissions, Blancs a fatalement interpelé les acteurs qui mises bout à bout livrent une blancs. Contribuer courageusement au dé- histoire pleine de vie et de vérité sur veloppement du Congo est une chose, savoir Rla période qui a vu émerger le Congo comme que le temps est compté en est une autre. pays indépendant. Les intervenants, venant C’est la raison pour laquelle le livre en ap- d’horizons variés, viennent compléter un pelle un autre : mémoires en noir et blanc tableau, les uns avec un pinceau plus ferme de 1960 à aujourd’hui. Voilà un livre écrit à que d’autres, mais tous animés du désir de 28 mains, auxquelles il faut ajouter pour le mettre en lumière leur part de l’histoire, qui moins les deux de François Ryckmans, qui rejoint la grande histoire. Mémoire plurielle, donne en prime au lecteur une très lucide désirée par tous ceux qui se sont dépensés synthèse. sur le terrain durant les quinze années qui ont conduit le peuple congolais vers son Fernand Hessel Collectif, CONGO BELGE, Mémoires en noir et blanc, 1945-1960, Bruxelles, destin de nation souveraine. Weyrich, 2019. Préface de F. Ryckmans et postface d’Enika Ngongo. 20 €

MdC Mémoires du Congo n°52 asbl Décembre 2019 67 Médiathèque

Livres L’héritage des ‘Banoko’ Agronomes et vétérinaires Un bilan de la colonisation, Pierre Butaye, Ernest Christiane, Le Congo au Temps des Belges Van Bost, P., Autoédition, 2014, 480 p, Guy Dierckens. Une réalité qui dérange 215x305 mm. Abondamment illustré Voix off Danny Gaspar. Bilan et réalisations, 1885-1960. en NB 47,50 € Témoignages 10 € André de Maere d’Aertrycke, André Schorochoff, Pierre Vercauteren, André Vleurinck. 3e édition réactualisée. Editions DYNAMEDIA Les monnaies du Congo Le Dr. Jean Hissette et 25 € Histoire -Numismatique l'expédition Harvard en 1934 Martin Yandesa, Guido Kluxen, Edouard Hizette, Congo, l’autre histoire Weyrich – Africa 2015 André Vleurinck 10 € Par Charles Léonard 264 pages, 210x300 mm, 40 € Editions Masoin 25 €

L’état Indépendant du Congo Tata Raphaël 1885-1908, d’autres vérités RR.PP. Joseph Bollen André-Bernard Ergo, et Henri de la Kethulle 10 € Congo : Mythes et Réalités Editions L’Harmattan 17 € Jean Stengers Ed. Racine 15 €

Léopold II : I.N.É.A.C. un roi injustement décrié MM.Compère, Jottrand Pierre Vercauteren 6 € et Van Leer 10 € Bortaï Campagne d’Abyssinie - 1941 Philippe Brousmiche L’Harmattan, 299 p. ill., cartes, réédition 29 € Les Fondeurs de Cuivre Art pictural du Congo du Katanga Claude Charlier 10 € Isabelle Liesenborghs et André Vleurinck illustré par Marie de A Pied d'oeuvre au Rwanda 25 € Julien Nyssens Schlippe, Ed. Clepsydre Editions Sources du Nil. Col. "Mémoire collective" 10 € Pêche maritime Pionniers en eaux tropicales, Films et documentaires Freddy et Roland Duyck 10 € Dans Stanleyville Réalités congolaises Robert Bodson La plus grande prise d'otages versions en français, néerlandais et du 20e siècle anglais sous le nom de “Congo Close- Patrick Nothomb up” 10 € Ed. Masoin. Réédition 22 € Oeuvre médicale au Congo Belge et au Ruanda-Urundi Le Service Territorial Julien Nyssens, Jean Vandevoorde, Des savants belges en Nadine Evrard, Guy Dierckens 10 € Afrique Centrale (1900-1960) André de Maere d'Aertrycke, Je dirai leurs noms Julien Nyssens, Pierre Wustefeld Marie-Madeleine Arnold Témoignages 10 € Ed. L'Harmattan 12 €

L’Enseignement au Itinéraires et témoignages Congo Belge et au Congo-Zaïre 1960-1980, Ruanda-Urundi Antippas Georges,Ed. Weyrich. Julien Nyssens 50 € Témoignages 10 € Ces ouvrages peuvent être commandés sur le site www.memoiresducongo.be Kolwezi Les années 50-70, Antippas Georges,Ed. Wey- Non compris les frais d'envoi. rich. BE95 3101 7735 2058 32 €