"A la recherche d'un corps" CE LIVRE EST LE VINGT-CINQUIÈME TITRE DE LA COLLECTION « FICTION & CIE » DIRIGÉE PAR DENIS ROCHE Fiction & Cie Serge Grunberg, - "A la recherche d'un corps" Langage et silence dans l'œuvre de William S. Burroughs essai/Seuil

Seuil, 27, rue Jacob, Paris 6e ISBN 2-02-005051-x.

@ ÉDITIONS DU SEUIL, 1979.

La loi du 11 mars 1957 interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale nu par- tielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement des auteurs ou de leurs ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal. Pour Chantal

Imitation de William S. Burroughs

Ecce William Seward Burroughs, alias l'inspecteur Lee, l'onCle Bill, el hombre invisible, 1,85 m, yeux bleu yage, bleu orgone, bleu-gris pluie du temps. Né le 5 février 1914 à Saint Louis, Missouri, heure précise inconnue, astrologues rentrez vos éphémérides. Son père, Mortimer Perry Burroughs, homme fort discret et porté sur la floriculture, était le fils de William Seward Burroughs première édition, fondateur de ce qui est devenu la Burroughs Corpo- ration. L'argent de la famille s'est déprécié lors de la grande crise de 1929, et il y a longtemps que Burroughs a brûlé dans ses veines l'ultime dollar maison. Il n'a aujourd'hui plus rien à voir avec la Burroughs Corporation, et n'a d'ailleurs pas grand-chose sur son compte de la Chase-Manhattan. Sa mère, Laura Lee, une vraie « Southem Belle », prude et volon- taire, était la fille d'un pasteur méthodiste de Géorgie et nullement une descendante directe du général sudiste Robert E. Lee. « Toutes les familles du Sud qui s'appellent Lee prétendent descendre du général! » ricane Burroughs. Laura Burroughs, Noami Ginsberg et Gabrielle « Mémère » Kerouac engendrèrent la entre deux guerres mondiales. Les années d'enfance se passent dans la maison natale, 4664 Per- shing Avenue, trois étages, briques- rouges, toit d'ardoise, pelouse sur le devant, grande cour derrière. Petites classes à la Taylor School. Premières écritures : westerns, gangsters et maisons hantées, ainsi que l'Autobiographie d'un loup, inspirée par la Biography of a Grizzli d'Ernest Thompson Seatton. En 1926, la famille s'installe dans une propriété de deux hectares située à Clayton, dans la banlieue de Saint Louis. Le jeune Burroughs est envoyé à la John Burroughs School puis, en 1929, à la Ranch School de Los Alamos, Nouveau-Mexique. Quinze ans, masturba- tion deux fois par jour et première liaison avec un camarade de classe. Rentrant à Saint Louis à Pâques 1930, il détruit, terrassé de honte, le journal de sa liaison. Il n'écrira plus pendant huit ans. Études de littérature anglaise à Harvard, à une époque où T. S. Eliot y était « visiting professor ». Des échos éliotiens résonneront souvent dans la future œuvre burroughsierme : « Kind, Wo weil est du? » ou encore « Who is the third who walks always beside y ou? ». Après son « Bachelor of Arts » en 1936, une année de voyage en Europe... Budapest, Athènes, Vienne et sa faculté de médecine, où Burroughs tâte du scalpel — Heil Doktor Benway! 1938, retour à Harvard, études supérieures d'anthropologie, et nouvelle tentative d'écriture avec Kells Elvins, un vieux copain : Quand le paquebot coulera, vous serez le premier à vous ruer dans le canot de sauvetage, même s'il faut pour cela s'attifer en bonne femme et couper au couteau les phalanges qui s'accrochent — voilà le premier thème burroughsien, qu'il reprendra dans une section de , « Dernières lueurs du crépuscule ». Mais en fait, c'est cette nouvelle tentative d'écriture qui coule, et c'est à Bur- roughs qu'il manque un bout de doigt — nous y venons. Il semble bien que Burroughs ait voulu à cette époque entrer, grâce à ses relations familiales, à l'OSS. Mais il lui manquait cette phalangette de l'auriculaire gauche dont on ne sait s'il la perdit en jouant avec de l'explosif ou se la sectionna avec un sécateur à poulet... Toujours est-il que sa demande fut rejetée. Ce bout de doigt manquant allait néanmoins lui servir bientôt. Après avoir travaillé pendant un an dans une agence de publicité à New York, le voilà en 1942 dans l'armée. Il tente alors le « coup Van Gogh » : il est réformé au bout de cinq mois. Il part vivre à Chicago où il exercera divers métiers — ô usines, ô bureaux — dont celui d'exterminateur de parasites... 1943. Burroughs arrive à New York où, par l'intermédiaire d'un autre vieux copain de Harvard, Dave Kamarer, il rencontre un tas de jeunes gens qui font la bohème du Greenwich Village des années de guerre : , Hal Chase, le petit Ginsberg et le jeune Kerouac. Ces deux derniers sont totalement fascinés par Burroughs, qui leur présentera en retour quelques personnages du bas-monde, fournisseurs de drogue et criminels assortis : Vicki Russell, Bill Garver, Phil White, Herbert Huncke. Nul n'ignore que la jonction de ces deux groupes, rejoints quelque temps après par deux autres garçons tâtant eux aussi de la taule comme de la plume, Neal Cassady et Gregory Corso, portera une dizaine d'années plus tard ses fruits sous la forme d'une légende littéraire doublée de considérables mouvements de migration pla- nétaire — le tout portant le nom de Beat Generation. En attendant, Burroughs apporte la tempête dans la vie de Kerouac et de Ginsberg, leur fait découvrir la drogue, leur fait lire toute une bibliothèque et leur fait même une sorte de psychanalyse sauvage sur le canapé de la salle à manger... En effet, Burroughs avait fait trois ans de psychanalyse avec quatre ou cinq analystes successifs, dont le Dr Paul Federn (qui succéda à Freud pour conserver les Minutes des « séances du mercredi soir » de-la Société psychana- lytique de Vienne, au début du siècle), et le Dr Louis Wolberg, spé- cialiste de l'hypnoanalyse. Burroughs, quant à lui, n'est pas sans profiter de ces rencontres. Il épouse , une amie de la première femme de Kerouac, avec lequel il va aussi retenter l'écriture. Tous deux admirent les policiers de Dashiell Hammett et. Raymond Chandler, et s'essaient a composer, en alternant les chapitres, un roman intitulé And the Hippos Were Boiled in their Tanks — sans suite. Mais Burroughs, récemment entré en drogue pour une douzaine d'années, commence à avoir des ennuis avec la police et part s'ins- taller dans une ferme de New Waverly, Texas : luzerne, citrons et cannabis... En 1947, Joan Burroughs met au monde William Burroughs Junior, troisième du nom. L'année suivante, les Burroughs s'instal- lent à Algiers, en face de La Nouvelle-Orléans. Nouvelle arrestation de Burroughs, situation de plus en plus difficile, Joan ne débenzédrine pas... Installation l'été 1949 à Mexico, au 212 Orizaba. Entre des cours à l'université sur la langue et l'histoire maya et aztèque, Burroughs se met pour de bon à écrire : en sorti- ront et un roman inédit, . Entre les pages, Burroughs fait joujou avec son pistolet et — c'est lui-même qui l'a raconté — il tue un jour une souris en plein bar. Mais ses exercices de tir vont bientôt tourner au drame. En mars 1952 (quoiqu'il y en ait pour placer au 7 septembre 1951 le fatidique accident), William Burroughs tue net Joan d'une balle dans la tête. Quelle version croire? La version « Guillaume Tell » (posant un verre sur sa tête, Mrs. Burroughs défie son mari de le descendre, et il manque son coup), ou la version Bill-était-en-train- de-nettoyer-son-arme-en- se - balançant- sur - les - pieds - arrière - de- sa- chaise-quand-la-balle-est-partie-par-accident — ou une autre?... Imaginez la scène à votre convenance, racontez-la comme il vous plaira, puisque celui qui a tiré n'en dira rien. Burroughs repart alors en voyage et, traversant Panama, va explorer en Amérique du Sud la sérénissime bleuité du yage, cette mystérieuse banisteria caapi qu'il tient pour une des plus extraordinaires drogues. En juillet 1953, après un an de voyage, retour à New York; installation chez Ginsberg, 206 East 7th Street, et parution, sous le pseudonyme de William Lee, de Junkie (Ace Books). Burroughs quitte alors l'Amérique et débarque, en janvier 1954, à Tanger.

Interpolation

La vie de WSB croise ici celle d'un homme qui va l'influencer de manière irréversible et indélébile : . Il serait insensé de vouloir comprendre Burroughs en faisant abstraction de Gysin, et la trajectoire de chacun ne cessera plus dès lors de surfiler celle de l'autre jusqu'à s'y fondre parfois. Né le 19 janvier 1916 en Angleterre d'un père suisse et d'une mère canadienne, Gysin est élevé en Angleterre, aux États-Unis et au Canada, avant de s'installer à Paris où il rencontre en 1935 le groupe surréaliste. Exclu du groupe en décembre 1937 lors de l'exposition collective à la galerie Quatre Chemins, il y fait pourtant sa première exposition personnelle en 1939. L'année suivante, il part aux États-Unis, où il dessinera des costumes pour des comédies musicales de Broadway. Un séjour dans les armées américaine et canadienne lui permet de s'initier au japonais et à sa calligraphie. Il s'intéresse ensuite à l'esclavage et écrit la biographie de « l'oncle Tom » : To Master : A Long Goodnight, suivi de The History of Slavery in Canada (New York, Creative Age Press, 1946). En 1949, il reçoit une des premières bourses Fulbright pour la France et poursuit ses recherches sur l'esclavage à l'université de Bordeaux et aux Archives des Indes, à Séville. Puis, en 1950, il s établit à Tanger, accomplit un grand voyage à travers le Sahara, rencontre les musiciens de Joujouka et ouvre en 1953 un restaurant, les Mille et Une Nuits. Il repère Burroughs dès son arrivée en ville début 1954...

Misteur Willi-yam ou Misteur Bourousse, comme l'appellent les jeunes Arabes, vit successivement dans un bordel masculin, 1 calle de los Arcos, puis à la villa Muniria, au coin de Cook Street et de Magallanes, enfin dans une maison de la casbah où il atteint l'ultime degré de l'intoxication à l'héroïne. Il n'en sera sauvé, en 1956, que grâce au traitement à l'apomorphine que le Dr John Dent administre à Londres, dans une clinique de Cromwell Road aujour- d'hui disparue. Burroughs fera deux rechutes mineures en 1958 et 1959, mais l'apomorphine les circonscrira. Se réinstallant alors à la villa Muniria, Burroughs se jette fré- nétiquement dans l'écriture, produisant une grande partie du maté- riau dont seront tirés le Festin nu, la Machine molle et Le ticket qui explosa. Début 1958, Burroughs vient s'installer dans un hôtel sis 9 rue Gît-le-Cœur, chambre 15. Il y retrouve Brion Gysin, dont le restau- rant avait été ruiné, prétend celui-ci, par certaines pratiques magi- ques. Terminé à Paris, The est publié en 1959 (Paris, Olympia Press). Peu après et à l'étage supérieur, chambre 25, Brion Gysin fait surgir le cut up de sous sa lame Stanley. Burroughs est enthousiasmé par cette découverte, et ils se mettent tous deux à soumettre au cut up tout texte qui leur passe entre les mains. Les premiers résultats sont publiés dès janvier 1960 dans Minutes to Go (Paris, Two Cities Editions), puis dans The Exterminator (San Francisco, Auerhahn Press, 1960). Comme dit Maurice Roche : « (on n'y coupe pas ici-bas :) on coupe. » Ce tournant des années soixante est une période d'intense expé- rimentation de techniques de création pour Burroughs comme pour Gysin. Non seulement le premier coupe et recoupe comme un for- cené, mais il se livre également à des essais de photomontages, à des expériences sur magnétophone et à la composition de scrapbooks, albums de textes se fondant en images. Quant à Gysin, après avoir livré à son complice l'intarissable cut up, il met au point et expéri- mente deux autres trouvailles fabuleuses : la dreamachine, la pre- mière œuvre d'art qu'on regarde les yeux fermés, et les permutations, où « I am that I am » revoit et corrige le cogito en projetant toutes les possibilités d'identité jusqu'au fond de l'écho — les permutations ou la fin du lapsus. De l'automne 1959 au printemps 1961, Burroughs vit à Londres, au Empress Hôtel, 25 Lillie Road. Tandis que paraît (Olympia Press, 1961), il fait à l'automne de cette même année un séjour chez Timothy Leary, dans le Massachusetts. Bur- roughs en repart très sceptique sur l'individu et ses expériences psychédéliques. Il séjourne alors un mois à New York, où il commence Nova Express. Retour à Londres, logement à Lancaster Terrace; parution de (Olympia Press, 1962), et de The Naked Lunch aux États-Unis (Grove Press, 1962.) Le livre y fit scandale; deux procès intentés contre lui en 1965, à Los Angeles et à Boston, devaient le décharger des accusations d'obscénité. Après avoir participé à Edimbourg, au cours de l'été 1962, à la Conférence internationale des écrivains, Burroughs regagne le Maroc — Marrakech puis Tanger, au 4 calle Larachi, où il termine Nova Express. 1963 voit la parution de (avec , City Lights Books) et de Dead Fingers Talk (Londres, Calder & Boyars). En 1964, tandis que paraît l'éblouissante traduction du Festin nu par Éric Kahane (Gallimard), Burroughs quitte définitivement Tanger et retourne en Amérique, comme il en était venu, par bateau. Après un bref séjour-pèlerinage à Saint Louis, il va vivre à New York, d'abord au célèbre hôtel Chelsea, puis 210 Center Street. Publication de Nova Express (Grove Press, 1964) et de Time (New York, « C » Press, 1965). Burroughs est rejoint à New York par Brion Gysin. Rentré au Maroc en 1961, ce dernier avait entre-temps (Rome, 1962) mis au point sa « grille roulée », un étonnant rouleau de peintre en bâtiment creusé d'alvéoles carrés qui pose en un roulement toute une grille sur la toile, et participé à toutes les séances du « Domaine POétique » à Paris, en 1963. Après dix mois de collaboration à New York, ils terminent leur grand ouvrage commun, , inédit en anglais à ce jour (voir, plus loin, Œuvre croisée). En septembre 1965, Burroughs revient en Angleterre, s'installant à l'hôtel Rushmore, Il Trebovir Road, avant d'emménager en 1967 au 8 Duke Street Saint James's, qui restera son domicile jus- qu'en 1974. Profitons de ce nouveau déménagement pour spécifier le sens, sur lequel d'aucuns n'auront pas manqué de s'interroger, de ce minutieux répertoire des domiciles successifs de l'auteur. Burroughs repère, classe et même se souvient de ses différents écrits en fonction du lieu d'habitation où ils ont été rédigés. Sa mémoire, sans doute meilleure spatialement que temporellement, retient les lieux géographiques plutôt que les dates, qu'il a tendance à confondre. Ainsi, tout texte, long ou minuscule, est lié précisé- ment dans son esprit à l'endroit, au logement dont il est sorti. On pourrait donc dresser une mappemonde textuelle de l'œuvre de William Burroughs. Publications : en 1966, Apo-33 (Beach Books); en 1967, les Lettres du yage (traduction : Mary Beach; adaptation : Claude Pélieu; L'Herne), Nova express (idem.; L'Herne), So Who Owns Death TV? (avec Claude Pélieu et Carl Weissner, Beach Books). En 1967, tandis que Brion Gysin emmène Brian Jones à Joujouka dont il enregistre les musiciens (Brian Jones Presents the Pipes of Pan at Joujouka, Rolling Stones Records, 1971), Burroughs séjourne à Tanger et Marrakech, où il commence . A la même époque, diverses prises de position privées ou publiques pour la vio- lence des militants noirs, contre le pacifisme hippie alors en pleine floraison. De janvier à avril 1968, Burroughs est chez les scientologues à Saint Hill, Sussex. On sait qu'après un premier engouement, Bur- roughs a fait machine arrière et ne rate pas, depuis, une occasion de dénoncer la manipulation des troupes de Mr. L. Ron Hubbard. Fin août, il suit pour Esquire la Convention démocrate de Chicago. Il sera des manifestants, bras dessus bras dessous entre Ginsberg et Jean Genet. Les années suivantes sont pratiquement vides d'événements mar- quants; Burroughs écrit et publie. La Machine molle (traduction : Mary Beach; adaptation : Claude Pélieu; Christian Bourgois édi- teur, 1968); Le ticket qui explosa (idem; Christian Bourgois édi- teur, 1969); Apomorphine (idem; L'Herne, 1969); The Dead Star (San Francisco, Nova Broadcast Press, 1969); Entretiens, par Daniel Odier (Belfond, 1969); The Last Words of Dutch Schultz (Londres, Cape Goliard Press, 1970); The Job (les Entretiens revus et augmentés, Grove Press, 1970) ; The Wild Boys : A Book of the Dead (Grove Press, 1971); Electronic Revolution (Grande- Bretagne, OU, 1971); les Derniers Mots de Dutch Schultz (tra- duction : Mary Beach et Claude Pélieu; Christian Bourgois éditeur, 1973); les Garçons sauvages (idem; Christian Bourgois éditeur, 1973),. Exterminator! (New York, Viking Press, 1973),. White Subway (Londres, Aloes, 1973) ; A Descriptive Catalogue of the W. S. Burroughs Archive (Covent Garden Press/Am Here Books, 1973); (Covent Garden Press/Am Here Books, 1973); Révolution électronique, suivi de Time et d'Étoile morte (traduction : Jean Chopin; Champ libre, 1974); Exterminateur! (traduction : Mary Beach et Claude Pélieu; Christian Bourgois éditeur, 1974); The Book of Breething (Grande-Bretagne, OU, 1974). Brion Gysin a publié lui aussi : The Process (New York, Double- day, 1969) et Let the Mice In (Something Else Press) en 1973, date à laquelle Gysin quitte définitivement Tanger pour s'installer à Paris. Depuis son retour à New York en 1974, Burroughs mène une vie beaucoup plus mondaine et variée. Un semestre de cours sur l'écriture au City College of New York. Lectures dans des facultés à travers le continent, de Toronto à Berkeley, de Vancouver à Boston. Parti- cipation à la Rencontre internationale de la contreculture en avril 1975, à Montréal. A partir de juin de la même année, Burroughs tient dans le magazine Crawdaddy une rubrique intitulée « Time of the Assassins ». Chaque été depuis 1975 également, il tient un atelier dans le cadre de la session estivale de l'Institut Naropa, à Boulder, Colorado. Début 1975, Brion Gysin subit à Londres une série d'opérations d'un cancer rectal. Au même moment, David Bowie déclare à la télévision britannique avoir été influencé par les techniques litté- rair es de Burroughs et Gysin. En mars paraît William S. Burroughs, de votre serviteur (Seghers, collection « Littérature ») et, en juillet, la traduction du Process : Désert dévorant (par Livia Standersi, Flammarion, collection « Connections »). Du 24 au 28 septembre 1975 se tient à Genève le Colloque de Tanger, ensemble de manifestations verbales, graphiques, théâtrales et musicales suscitées autour de William Burroughs et Brion Gysin par Gérard-Georges Lemaire. 1976 voit la parution de Œuvre croisée (traduction : G.-G. Lemaire et C. Taylor; Flammarion, collection « Connections »), le Métro blanc (traduction : Mary Beach et Claude Pélieu-Washburn; BourgoisjLe Seuil), et le Colloque de Tanger (Bourgois). L'auteur ne publie quant à lui que de courts textes : Sidetripping, sur des photos de Charles Gatewood (Strawberry Hill, 1975), The Retreat Diaries (City Moon, 1976) et Cobble Stone Gardens (Cherry Valley Editions, 1976). Pendant l'été 1976, William Burroughs Junior subit, à Denver, Colorado, une transplantation du foie. Ce n'est facile pour personne d'être le fils de WSB. Ledit fils a raconté certaines choses dans deux livres : Speed (Olympia Press, 1971 ) et Kame Kaze (Flammarion, collection « Connections », 1975). Le 24 septembre 1976, Burroughs fait à l'Akademie der Künste de Berlin une lecture en compagnie de Ginsberg et de Susan Sontag. En mars 1977, les livres Penguin font entrer parmi leurs rangs le premier roman de Burroughs, rebaptisé Junky pour l'occasion, tandis que l'auteur en écrit avec Terry Southern le scénario, et l'on murmure les noms de Dennis Hopper, Lou Reed et même Patti Smith... De la lecture organisée le 29 juin 1977 par le Centre Georges Pompidou, Burroughs n'aura que ce commentaire : « Ver y amusing, very amusing ». Et de me glisser malicieusement dans l'oreille : « Et ils peuvent bien garder le chapeau : il était usé de toute façon... » Et voilà l'homme reparti pour son appartement du Lower East Side — un de plus, qui verra surgir dieu sait quel nouveau manus- crit —, un ancien YMCA transformé en immeuble de location. Le locataire du dessous occupe l'ancienne piscine, celui du dessus le gymnase et au milieu, Burroughs a hérité — légende oblige — des anciens vestiaires. Dans un coin, deux pissotières... The smell of empty locker rooms and old urinais... Décidément, si vous voulez rencontrer Burroughs, allez le trouver dans sa légende.

Philippe Mikriammos novembre 1977.

Également parus : Havre des saints, traduction Ph. Mikriammos, Flammarion, collection « Connections », 1977. A paraître bientôt : The Third Mind (New York, Viking Press) et en France, , Les journaux de retraite, Cobble Stone Gardens, deux volumes d'Essais et Le colloque de Tanger nouvelle version — le tout chez Christian Bourgois, tandis que Pierre Belfond ressortira des versions revues et augmentées de Junkie et du Job. DANS LA MÊME COLLECTION

John Ashbery Fragment Jean-Luc Benoziglio La boîte noire Béno s'en va-t-en guerre L'écrivain fantôme Pascal Bruckner et Alain Finkielkraut Le nouveau désordre amoureux William S. Burroughs Le métro blanc Michel Deguy Jumelage suivi de Made in USA Lucette Finas Donne Glenn B. Infield Leni Riefenstahl et le IIIe Reich Hugo Lacroix Raideur digeste Giovanni Marangoni George Jackson Avenue Philippe Muray Jubila Rafaël Pividal La maison de l'écriture Ishmaël Reed Mumbo Jumbo François Rivière Fabriques Denis Roche Louve basse Thomas Sanchez Rabbit Boss Gertrude Stein Ida Autobiographie de tout le monde Jacques Teboul Vermeer Kurt Vonnegut Le breakfast du champion R comme Rosewater! Le cri de l'engoulevent dans Manhattan désert Tom Wolfe Acid Test

FIRMIN-DIDOT S.A. — PARIS-MESNIL. D.L. 1er TRIM. 1979, NO 5051 (2755).