Fernand HOLWECK, né le 21 juillet 1890, à , et mort, à Paris, en décembre 1941, assassiné par la en raison de ses activités de résistance, était un universitaire et un physicien-chercheur réputé dans le domaine des rayons X.

Fernand Holweck était le fils d’un sculpteur parisien issu d’une famille alsacienne et catholique émigrée en . Habitant le 14e arrondissement, il a fréquenté l’école Lavoisier puis, dès 1907, l’École de physique et de chimie industrielles de la Ville de Paris dont il est sorti major de sa promotion, en 1910.

Fernand Holweck s’était marié en 1923 avec Jacqueline, une jeune femme d’origine corse. Ils eurent un fils, Jacques, et deux filles, Mireille et Gabou (sans doute un surnom).

Holweck était entré à au Laboratoire Curie de l’Institut du Radium, dirigé par , en 1912, à 22 ans, comme préparateur particulier de la directrice du laboratoire puis assistant. Il était ensuite devenu chef de travaux, maître de conférences, maître de recherches et enfin, un grade alors rarement attribué, directeur de recherches au CNRS. Il y devint rapidement un spécialiste de l’étude des radiations existant dans l’ultra-violet lointain et des rayons X, dont il apprit à fournir des doses connues en intensité et en longueur d’onde. Ses travaux lui permirent d’obtenir le titre de docteur ès sciences à la faculté des sciences de Paris, en 1923. Ses recherches le conduisirent aussi à travailler constamment sur la réalisation de vides de plus en plus poussés, à étudier les effets biologiques des rayons X et à contribuer au développement de la radiologie. Ce chercheur se doublait d’un inventeur d’appareils scientifiques comme la pompe moléculaire Holweck permettant de réaliser des vides très poussés pour l’époque, un pendule gravimétrique permettant de mesurer la gravité avec une grande précision qui lui valut le prix Albert de Monaco de l’Académie des sciences, alors le plus prestigieux, ou encore des lampes triodes démontables de plus en plus puissantes destinées, en particulier, aux émetteurs radio. Il fut aussi un précurseur dans le domaine de la télévision, réalisant dès 1926 la première réception d’une image de télévision sur un oscilloscope électronique, et de l’optique électronique.

Après un service militaire qui le conduisit à l’établissement central de Télégraphie militaire, dirigé par le général Ferrié, il rejoignit le même corps pendant la Première Guerre mondiale et il y mit au point le premier radiogoniomètre à cadre tournant bientôt rendu « réglementaire » dans l’armée française. Il rejoignit ensuite la toute nouvelle direction des Inventions du ministère de l’Armement. Il travailla alors, sous la direction de , à la mise au point de détecteurs à ultrasons. En 1939 puis pendant la Drôle de guerre, Holweck fut encore associé aux recherches intéressant la Défense nationale. Il intervint, entre autre, dans le groupe du pilote Antoine de Saint-Exupéry, dont les bimoteurs Potez 63 voyaient leurs mitrailleuses s’enrayer par le gel. En 1940, toujours à la demande de Saint-Exupéry, il entreprit, avec la collaboration de René Barthélémy, ingénieur de la Compagnie des Compteurs de Montrouge, la mise au point d’un appareil de mesure des distances à partir des avions. Holweck qui n’avait pas d’engagement politique ou syndical connu avant la guerre, semble avoir adopté une attitude résistante dès le début de l’Occupation sur la base de vifs sentiments patriotiques et en affirmant son admiration pour le général de Gaulle. Aucune appartenance à un groupe clandestin ne lui est connue. Il refusa, en 1941, de bénéficier d’un laissez-passer obtenu en sa faveur par le biologiste Louis Rapkine, rallié à la France libre, qui lui aurait permis de rejoindre les États-Unis.

Certains témoignages affirmaient qu’Holweck avait fabriqué des faux papiers et avait facilité des passages en zone non occupée. Selon des témoignages réunis par André Debierne, un des principaux chercheurs du Laboratoire Curie, Holweck fut été arrêté par la Gestapo le 11 décembre 1941, avec deux autres membres du laboratoire Curie, dont son mécanicien, René Souille et un chimiste, de Flignier, après qu’un agent provocateur de la Gestapo se serait fait passer auprès de lui pour un agent anglais. D’autres témoignages parlent de soixante dix arrestations, ce qui accréditerait son appartenance à un groupe organisé. On a aussi évoqué d’éventuelles pressions allemandes visant à exploiter certains de ses travaux et auxquelles il aurait refusé de céder.

Après plusieurs jours d’incertitude totale, le fils d’Holweck réussit à apprendre que son père était détenu à la prison de la Santé. Là, le 25 décembre, on l’informa de sa mort. Le même jour, l’ambassade de France en zone occupée, sollicitée par la Fondation Curie, déclarait à madame Holweck que son mari était mort le 21 décembre à l’hôpital de La Pitié, après deux tentatives de suicide. Le 29 décembre, le corps torturé d’Holweck fut rendu à sa famille. Son état indiquait qu’il avait été autopsié, mais il fut impossible d’obtenir le rapport d’autopsie ni même un contact avec le médecin allemand qui y avait procédé. Les autorités françaises refusèrent de demander une contre-autopsie. Une expertise médicale fut réalisée par le docteur Lacassagne, du Laboratoire Pasteur de l’Institut du Radium, qui révéla des tortures multiples, en particulier des brûlures, sur diverses parties du corps.

Au cours des obsèques d’Holweck qui eurent lieu le 3 janvier 1942 à l’église de Montrouge, André Debierne prononça un discours devant le recteur, le doyen de la faculté des sciences et un certain nombre de professeurs et au total 400 à 500 personnes ; certains participants dans l’assistance étaient venus avec des bouquets de fleurs tricolores.

Libéré au bout de trois mois, René Souille raconta qu’Holweck avait été séparé des autres détenus dès leur arrivée à la Santé.

L’assassinat d’Holweck marqua un tournant dans la vie de l’université parisienne sous l’Occupation. La prise de conscience des réalités de celle-ci, l’évolution dans le comportement des nazis à Paris qu’il semblait indiquer, l’impossibilité de différer encore une prise de parti en étaient les principaux aspects. L’Université libre, publication clandestine quasi hebdomadaire du Front national universitaire, publia un long article en mémoire d’Holweck dans son numéro 45, du 29 janvier 1942, principalement axé sur la dénonciation de la « politique du silence ». Le 3 juillet 1942, lors d’une séance du conseil de la Fondation Curie, un hommage fut rendu simultanément à Jean Perrin qui venait de décéder à New York et à Fernand Holweck qui avait été membre de ce conseil comme délégué du conseil de la faculté des sciences jusqu’à sa mise à la retraite, en octobre 1940. Le n° 8 des Cahiers de Physique de juin 1942, dirigés par Charles Fabry et publiés en zone sud comportait une longue nécrologie louangeuse de Fernand Holweck. Dès 1943, un hommage fut rendu à Holweck à l’Ecole des hautes études de la France Libre, installé à New York au cours duquel Salomon Rosenblum prononça une allocution. En 1943 toujours, le comité de l’Université de Paris du Front national publia une brochure en hommage à Holweck et Jacques Solomon.

La passivité des autorité universitaires, en particulier le recteur Gidel, clairement collaborationniste, puis leur refus de pousser l’enquête sur les causes de la mort d’Holweck vis-à-vis des forces d’Occupation apparurent scandaleuses à beaucoup d’universitaires et d’étudiants. Leur compromission s’en trouva renforcée.

Le 11 novembre 1946, à l’initiative de la FEN, la dépouille d’Holweck fut déplacée, avec celles de 9 autres professeurs et étudiants de l’Université de Paris résistants et martyrs, dans la crypte de la chapelle de la Sorbonne, en présence du ministre de l’Education nationale.

Sources : Archives nationales (archives dites allemandes) : AJ 40 565 ; L’Université libre, n° 45, 29 janvier 1942 ; Antoine Lacassagne, « Hommage à Jean Perrin et Fernand Holweck », conseil de la Fondation Curie, 3 juillet 1942, tapuscrit, archives Curie ; Jacques Fabry, « Nécrologie de Fernand Holweck », Cahiers de Physique, n° 8, juin 1942, p. 1-16 ; Salomon Rosenblum, Ferrnand Holweck, allocution prononcée en 1943, École des hautes études de New York ; André Debierne, Fernand Holweck, sa vie scientifique, son activité pendant l’occupation, sa mort tragique à la prison de la Santé, février 1946, manuscrit, archives Curie ; J.- André Thomas, « Le martyre de Fernand Holweck », La Pensée, décembre 1949, p. 21-28 ; « Fernand Holweck, sa vie, ses travaux scientifiques », La Diligence d’, n°30, 1984, p. 58-63 ; « Hommage à Fernand et Jacqueline Holweck, le 31 mars 1995, Bulletin de l’Association Curie et Joliot-Curie, n° 4, septembre 1995 ; dossier Holweck aux archives Curie ; entretien de Michel Pinault avec Jacques Holweck, 16 mai 1995 ; Michel Pinault, Frédéric Joliot, la science et la société, un itinéraire de la physique nucléaire à la politique nucléaire, thèse Paris I-Sorbonne, février 1999, en particulier p. 301-304, et l’ouvrage paru en 2000, chez Odile Jacob.

Michel Pinault, juillet 2013