The Adventures of Tom Sawyer Au Pays De La Retraduction - Enjeux Et Évolution
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Master The Adventures of Tom Sawyer au pays de la retraduction - Enjeux et évolution MORARD CHARVET, Virginie Abstract La traduction de la littérature jeunesse implique l'invention d'acteurs adultes, qui reste rarement sans conséquence. Le texte source voit en effet bien souvent certaines de ses caractéristiques principales effacées par juge guidé par sa conception stéréotypée de l'enfant. Les œuvres s'adressant à un double public subissent la plupart du temps l'effet de ce filtre, les rendant insipides pour l'adulte. Ce mémoire présente une critique de la première traduction française de The Adventure of Tom Sawyer (1884) et de la dernière retraduction aujourd'hui publiée (2008). Outre l'analyse des choix traductifs ponctuels et de leurs incidences sur l'ensemble de l'œuvre, ce travail illustre l'évolution de la traduction de la littérature jeunesse dans la sphère francophone. Reference MORARD CHARVET, Virginie. The Adventures of Tom Sawyer au pays de la retraduction - Enjeux et évolution. Master : Univ. Genève, 2011 Available at: http://archive-ouverte.unige.ch/unige:18419 Disclaimer: layout of this document may differ from the published version. 1 / 1 Virginie MORARD Mémoire présenté { l’École de traduction et d’interprétation pour l’obtention du Master en traduction, mention Traduction spécialisée Directrice de mémoire : Mathilde FONTANET Juré : Prof. Lance HEWSON Août 2011 Février 2009. Nicolas, 12 ans, nous déclare que l’explication de texte n’est pas son fort, et qu’en rédaction, il a encore une marge de progression. Nous acceptons le défi, l’occasion de mettre en pratique notre savoir tout frais en emploi de la virgule et notre révision laborieuse de l’accord du participe passé. Alors que nous cherchons un texte adapté dans un manuel scolaire, nous nous arrêtons sur « À nous la liberté ! ». Tom Sawyer ? Une mélodie bien connue surgit des méandres de notre enfance. Nous décidons de tenter l’expérience du choc des « générations » : que pense Nicolas, { l’imagination débordante, de cette scène de pirates ? Après une première lecture, nous sommes nous- même interloquée : où est passée la magie du dessin animé que nous suivions avec bonheur ? Un style plat, des mots improbables dans la bouche d’un enfant... Quelques années auparavant, au détour d’un cours d’anglais, notre enseignante nous affirmait pourtant que Mark Twain avait révolutionné la littérature américaine. Nous décidons d’inscrire The Adventures of Tom Sawyer sur notre liste, très longue, de livres à lire impérativement avant la fin de nos études. En attendant, Nicolas délivre un verdict sans appel sur l’intérêt du texte choisi, et sa réécriture « contemporaine » nous paraît bien plus crédible que la traduction proposée dans le manuel. Quelques semaines plus tard, la lecture en français des premiers chapitres nous donne la désagréable impression d’un livre enfantin qui a mal vieilli. Juillet 2010. Nous avons choisi d’écrire notre mémoire sur la traduction littéraire, domaine auquel nous ne pourrons guère nous consacrer dans notre vie professionnelle. Ce défi nous permettra d’adopter un regard différent et assurément enrichissant sur notre discipline, et (l’idée ne nous déplaît pas) de nous fondre, pour une fois, dans la vision stéréotypée de notre futur métier. De plus, nous suivrons dès septembre un complément d’études en littérature allemande, une possibilité de comparer et d’allier les approches de deux domaines souvent considérés comme équivalents par le grand public, et défendus becs et ongles par leurs praticiens respectifs. Pour varier les plaisirs, nous décidons d’opter pour une œuvre anglophone, d’autant que nous passons l’été outre-Manche. Après avoir parcouru de nombreux classiques dans l’espoir de trouver une traduction particulièrement intéressante, nous dénichons par hasard, sur l’étagère de notre logeur, le fameux Tom Sawyer, que nous lisons avidement. Nous retrouvons cette fois-ci avec plaisir, dans la langue originale, l’enfant espiègle de notre souvenir. 1 Nous percevons également derrière l’histoire naïve une autre dimension, une ironie certaine et une critique marquée de la société américaine de l’époque. Assurément, le public francophone a été trompé sur Mark Twain, du moins avec la traduction estampillée « jeunesse » que nous avions lue avec Nicolas. Cela explique d’ailleurs certainement le fait que cet auteur, un classique, soit si méconnu sous nos latitudes. Après quelques recherches, nous découvrons qu’un certain Bernard Hoepffner a récemment retraduit deux de ses livres majeurs, avec les éloges, s’il vous plaît. Nous nous procurons « son » Tom Sawyer au plus vite et ne pouvons que constater l’écart édifiant qui le sépare de celui que nous avions tenté de lire un an auparavant, et qui nous tombait des mains. C’est { dessein que nous avons choisi Tom Sawyer, qui ne constitue certes pas l’œuvre révolutionnaire qui la suivra quelques années plus tard, Adventures of Huckleberry Finn. D’une part, cette dernière faisait justement l’objet, nous l’apprenons plus tard, d’un mémoire en cours { l’ETI. D’autre part, nous nous intéressons davantage { la littérature enfantine « pure », notamment en raison de notre réaction et de celle de notre élève face { l’une des traductions françaises jusqu’ici proposées. En effet, s’il existe un domaine dans lequel le lecteur ne doit aucunement sentir l’intervention du traducteur, c’est bien celui-l{. L’enfant, lecteur exigeant, abandonne très vite sa lecture s’il ne s’identifie pas au héros ou ne comprend pas le langage utilisé. Nous voyons ici toute la problématique de la retraduction régulière, « au goût du jour », des œuvres classiques. Or, si l’adulte tique, il a potentiellement la possibilité de se rendre compte de la qualité de l’original dès l’instant où il possède quelques bases de la langue de départ. Cette option demeure la plupart du temps close pour l’enfant, qui, de toute façon, ne s’embarrasse pas de ce genre de détails. Nous avons également réfléchi à notre réaction de lectrice, qui percevait dans Tom Sawyer un livre enfantin, certes, mais aussi l’une de ces histoires satiriques qui poussent à la réflexion, dimension totalement gommée dans la traduction parcourue. Dans cette optique, nous avons cherché la toute première traduction française de The Adventures of Tom Sawyer (par William-Little Hughes, en 1884), qui a assurément joué un rôle décisif dans la réception mi-figue, mi-raisin de l’œuvre de Twain auprès du public francophone. À ce jour, les deux principales études menées sur les traductions françaises de Tom Sawyer (par Ronald Jenn, en 2004 et en 2006) s’arrêtent { une version de 1963. Dans ce mémoire, nous confronterons la première traduction à celle de 2 Bernard Hoepffner, publiée en 2008. Par l’analyse de différents extraits, nous mettrons en évidence les principales caractéristiques du texte source et le traitement que leur ont réservé les deux traducteurs. Hughes a-t-il, en 1884, pris le parti de la fidélité ou de l’acceptabilité ? Quelles sont les motivations de ses choix traductifs ? Qu’a donc apporté la nouvelle traduction ? Sur la base de ce bilan, qui nous permettra de vérifier certains apports théoriques, nous nous interrogerons également sur l’évolution de la manière de traduire la littérature jeunesse dans la sphère francophone. Dans une première partie, nous présenterons l’auteur et l’ouvrage qui nous intéresse, puis les deux traductions françaises susmentionnées, avec un accent sur le contexte socio-historique et le traducteur. Dans le second chapitre, nous situerons la démarche de Bernard Hoepffner dans la pensée traductologique et traiterons les différents éléments théoriques pertinents pour l’analyse des deux traductions, qui interviendra dans un troisième temps. Après leur confrontation proprement dite au texte source, nous conclurons sur un bilan des deux traductions et sur des considérations plus générales relatives à la méthode employée et à la retraduction de la littérature, notamment celle destinée aux plus jeunes. 3 1.1 Mark Twain : biographie et œuvre Samuel Langhorne Clemens1, alias Mark Twain, est né le 30 novembre 1835 dans le petit village de Florida (Missouri). Ses parents cherchent à faire fortune et courent d’échec en échec et de ville en ville, en quête d’une gloire familiale passée. En 1839, les Clemens déménagent une fois encore et s’installent { Hannibal (Mississippi), qui connaît un certain essor grâce à sa position sur le fleuve. Cette communauté provinciale, caractérisée par un esprit de classes et de races, marque le jeune Samuel. Il y puise l’inspiration de ses jeux : chercheurs d’or, pirates et parias de la société vont et viennent dans ce lieu de passage, laissant parfois derrière eux quelques souvenirs macabres. Samuel est très lié { son jeune frère Henry, l’enfant sage, alors que lui-même possède un tempérament fougueux et cherche constamment à attirer l’attention. Il passe en outre plusieurs mois par an dans la ferme de son oncle, écoutant avec avidité les histoires d’Uncle Dan’l et partageant la vie de ses cousins et des esclaves. En 1847, le décès de son père, avec lequel il entretient une relation froide, bouleverse la vie familiale. Jane Clemens, une femme croyante au grand cœur et au sens moral très développé, se retrouve seule à élever ses quatre enfants encore vivants (trois sont en effet décédés quelques années plus tôt). Seul l’aîné, Orion, peut subvenir aux besoins de la famille, qui éprouve déjà de grosses difficultés financières depuis quatre ans. Samuel doit quitter l’école pour commencer un apprentissage de typographe à Hannibal, avant de travailler pour son frère aîné, qui fonde un hebdomadaire, le Western Union. Celui-ci ne subsiste que quatre ans. Cette expérience permet cependant à Samuel Clemens d’exercer sa plume humoristique et de découvrir le plaisir de lire.