Bertrand Chamayou Maurice Ravel Complete Works
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1 1 COMPLETE WORKS MAURICE RAVEL FOR SOLO PIANO BERTRAND CHAMAYOU 2 BERTRAND CHAMAYOU Complete works for solo piano L’intégrale des œuvres pour piano solo MAURICE RAVEL Gesamtwerk für Solo-Klavier 2 Maurice RAVEL © Boris Lipnitzki / Roger-Viollet 3 COMPLETE WORKS 1875-1937 Maurice Ravel FOR SOLO PIANO 3 1 Jeux d’eau 1901 [5.47] Gaspard de la nuit, trois poèmes pour piano d’après Aloysius Bertrand 1908 2 Pavane pour une infante défunte 1899 [5.46] 14 Ondine [6.27] 3 À la manière de... Chabrier 1913 [1.53] 15 Le gibet [6.46] Miroirs 1904-5 16 Scarbo [9.37] 4 Noctuelles [4.40] 17 Menuet 1904 [0.47] 5 Oiseaux tristes [3.57] Sonatine 1903-5 6 Une barque sur l’océan [7.00] 18 Modéré [4.06] 7 Alborada del gracioso [6.12] 19 Mouvement de menuet [2.56] 8 La vallée des cloches [6.06] 20 Animé [3.50] 9 Menuet antique 1895 [5.38] 21 Prélude 1913 [1.19] 10 Sérénade grotesque c.1893 [3.22] Le tombeau de Couperin 1914-17 11 À la manière de... Borodine 1913 [1.45] 22 Prélude [3.05] 12 Valses nobles et sentimentales 1911 [15.39] 23 Fugue [3.31] Modéré . Assez lent . Modéré . Assez animé . 24 Forlane [5.36] Presque lent . Vif . Moins vif . Epilogue: Lent 25 Rigaudon [3.06] 26 Menuet [4.50] ALFREDO CASELLA 27 Toccata [3.51] 13 À la manière de... Ravel [2.57] (Almanzor ou le mariage d’Adelaïde) 1914 28 Menuet sur le nom de Haydn 1909 [1.42] 29 Kaddisch 1915 [4.32] (transcribed by Alexander Siloti) Bertrand Chamayou piano . Klavier 4 « DANS LA MUSIQUE DE RAVEL, TOUT SE JOUE ENTRE LES LIGNES » Propos recueillis par Nicolas Southon 4 À quelle époque la musique de Maurice Ravel est-elle entrée dans votre vie de musicien ? Dès le début, car elle était l’un des piliers de l’enseignement de Claudine Willoth, ma professeure au Conservatoire de Toulouse. J’ai ensuite travaillé au Conservatoire de Paris avec Jean-François Heisser, qui avait été l’élève de Vlado Perlemuter, lui-même ayant reçu les conseils de Ravel. Je suivais Jean-François chaque été à l’Académie Maurice Ravel, qu’il dirigeait déjà à Saint-Jean-de- Luz, juste à côté de Ciboure, la ville natale du compositeur, que j’ai d’ailleurs beaucoup fréquentée pendant mes vacances. Mes souvenirs d’enfance et d’adolescence sont donc imprégnés de la musique de Ravel. Qu’a-t-elle représenté pour vous au cours de votre évolution ? Dans mon enfance elle a d’abord été le symbole d’une certaine modernité. Ravel est le premier compositeur du vingtième siècle dont j’ai vu une partition : celle des Jeux d’eau, noire de doubles et de triples-croches. Jamais je n’avais soupçonné l’existence d’une telle écriture, dont la seule beauté graphique me fascinait. Mais mon niveau ne me permettait alors que de jouer le Prélude ou les Oiseaux tristes. J’ai pu aborder les Jeux d’eau vers dix ou onze ans. Ayant le désir de composer moi-même, je me suis ensuite passionné pour des compositeurs plus contemporains : Olivier Messiaen, Pierre Boulez ou Karlheinz Stockhausen, mais Ravel est toujours resté comme un point d’ancrage. J’ai vite dévoré les livres essentiels, à son sujet, de Roland-Manuel, Manuel Rosenthal, Hélène Jourdan-Morhange, Vlado Perlemuter, Arbie Orenstein ou Marcel Marnat. Il est donc presque étonnant que vous n’ayez jamais abordé Ravel au disque avant la présente intégrale… C’est vrai, mais Ravel a souvent fi guré à mes programmes de concert. Il faut dire que j’ai longtemps mis un point d’honneur à 5 jouer un répertoire étendu, pour acquérir de l’expérience comme pour éviter dont la musique sollicite grandement l’imagination de l’interprète. d’être rangé dans une case. Je ressens aujourd’hui le besoin de me recentrer Comment se situer, dès lors, entre cette rigueur et cette nécessaire liberté ? autour d’œuvres constitutives de ma personnalité. Enregistrer Ravel est pour J’ai travaillé les partitions de Ravel à la lettre, plus encore que tous les moi non seulement un retour aux sources, mais aussi une étape naturelle de répertoires jusqu’à présent. Mais j’ai aussi cherché dans mon jeu une grande mon développement. caractérisation de chaque pièce : un climat très noir et oppressant dans L’intégrale que vous proposez exclut La Parade et les transcriptions de La Scarbo, des sonorités cinglantes dans l’Alborada del gracioso, des couleurs Valse et de Daphnis et Chloé. Pour quelles raisons ? immatérielles dans Noctuelles. J’aime me rappeler aussi que Ravel a fréquenté J’y ai longtemps réfl échi, et je suis arrivé à la conclusion que ces pièces les clubs de jazz de New York. Son œuvre pour piano seul était déjà composée, n’auraient rien apporté de vraiment intéressant. La Parade est une esquisse mais cela me suggère5 qu’elle devrait sonner comme une géniale et supérieure de ballet quelque peu indigente, un travail probablement alimentaire. Si l’on improvisation. Au-delà de la rigueur ravélienne, dont on a souvent exagéré la poussait le vice jusqu’à jouer tout ce qui existe de la main de l’auteur, on sécheresse, il y a une liberté et un goût de l’alchimie sonore qui tend vers une devrait aussi inclure des travaux académiques comme les fugues composées certaine volupté, par exemple dans les progressions chromatiques des Valses pour le prix de Rome. Je pense qu’une « intégrale » se doit d’être raisonnée. La nobles. version pour piano seul de La Valse est un travail inachevé, les pianistes qui la Quelle a été votre approche en termes de tempi ? jouent ajoutent en général beaucoup d’éléments. Elle sert plutôt à faire répéter J’ai globalement tendance à adopter des tempi allants, qui m’aident à conduire le ballet, et je la trouve de toute façon peu convaincante, contrairement à la le discours, à créer une directionnalité. Dans la musique de Ravel, certains magnifi que version pour deux pianos. La transcription de Daphnis et Chloé l’est tempi de Perlemuter ne me conviendraient pas, ceux des différents menuets par davantage, mais sonne quand même comme une réduction, chargée, loin de exemple, que je n’arrive pas à faire « danser » si lentement. Manuel Rosenthal, la fl uidité habituelle de l’écriture pianistique de Ravel. un élève de Ravel, explique que les indications de tempo du compositeur étaient Vous avez cependant incorporé la Sérénade grotesque et le Menuet en ut davantage des garde-fous que des exigences strictes. Il dirigeait un jour La #, publiés bien après la mort de Ravel, ainsi que deux autres pièces, plus Valse, et Ravel lui fi t remarquer que la fi n était trop rapide. Rosenthal modifi a inattendues encore… alors son interprétation… mais Ravel lui avoua après le concert qu’il regrettait La Sérénade grotesque, première œuvre véritable de Ravel, est déjà assez sa remarque, car un tempo plus lent sous la direction de Rosenthal n’était personnelle, annonçant l’Alborada del gracioso ; je les ai d’ailleurs enregistrées fi nalement plus aussi organique. L’indication métronomique est un repère, mais en même temps, en demandant à l’accordeur un réglage incisif du piano. Le le tempo est avant tout une affaire très personnelle. Menuet en ut #, bien qu’anecdotique, est éminemment ravélien. Quant aux Quelles sont vos références au sein de la grande tradition d’interprétation deux autres morceaux, ce sont des clins d’œil, manière pour moi de ne pas ravélienne ? me laisser enfermer dans la componction de « l’intégrale » : une fausse « Valse Longtemps je n’ai écouté que la seconde intégrale de Vlado Perlemuter. Je noble et sentimentale », très réussie, signée par Alfredo Casella et publiée dans crois que je préfère aujourd’hui la première, qu’il a enregistrée en 1955. J’ai le même recueil que les À la manière de... ravéliens, ainsi qu’une très belle entendu deux fois Perlemuter en concert, notamment dans Ravel. J’admire la transcription par Alexandre Ziloti – un des élèves favoris de Liszt – de Kaddisch, pureté et la simplicité de son approche, qui semble répondre au mot célèbre, l’une des Mélodies hébraïques. et probablement excessif, que l’on attribue au compositeur : « Ma musique ne À quelles principales diffi cultés l’interprète de Ravel doit-il faire face ? s’interprète pas, elle se joue ». La plus grande diffi culté est de parvenir à trouver un ton personnel, et donc une Vous semblez avoir été nourri par une tradition presque puriste : les livres certaine liberté, au sein d’un texte d’une extraordinaire précision. Car ce que de Roland-Manuel et d’Hélène Jourdan-Morhange, les enregistrements de suggère Ravel est toujours la meilleure option : tout se tient de façon implacable, Perlemuter… jamais la logique du discours musical ne semble pouvoir être contrariée ou On pourrait le croire, mais certaines découvertes sont venues assouplir mes détournée, comme cela peut être le cas chez un compositeur comme Janácˇek, « principes de jeunesse ». D’abord, les enregistrements de Samson François, 6 dont la réputation sulfureuse m’avait tenu éloigné jusqu’au milieu de mon structure peu contrastante. Elle peut être ennuyeuse, d’une révérence un peu adolescence. Son Scarbo est génial. Je pense également à Ivo Pogorelich, dont triste ou au contraire inutilement sautillante. Il faut trouver la juste mesure. le fameux enregistrement de Gaspard de la nuit m’a montré qu’il n’était pas Comment avez-vous préparé cet enregistrement ? impossible, malgré tout, de prendre des libertés avec le texte de Ravel. J’ai été J’avais déjà travaillé toutes les œuvres ou presque depuis mon adolescence.