Grigori Lazarev Sociologue, et Géographe. Association de Recherche Interdisciplinaire Al Idrissi, Rabat Ancien fonctionnaire international (FAO), Rome. [email protected]

Généalogies et géographies tribales

Résumé : Cet article tire ses matériaux des travaux de G. Lazarev (en cours de publication) sur les « Populations et les territoires du , VII°-XI° siècle ». Il propose quelques réflexions sur les rapports entre les généalogies et les géographies tribales pendant la période médiévale. Il fait bien entendu référence à Ibn Khaldûn et à l’approche généalogique de son histoire des groupements ethniques berbères jusqu’au XIV° siècle. L’analyse montre cependant les biais de son approche et son adéquation des généalogies à la succession des phases successives de l’histoire du Maghreb. Une contre-analyse permet de déceler les correspondances qui s’établissent entre les blocs généalogiques et la géographie des tribus du Maghreb. Cette contre-analyse vérifie une intuition tardive d’Ibn Khaldûn, mais que déterminé par le conformisme généalogique de son époque, il n’a pas appliquée dans son ouvrage antérieur, le kitab al ibar1.

Mots clé : Maghreb médiéval, tribus berbères, généalogie tribale, géographie tribale au Maghreb

Abstract: This paper is based upon works by G. Lazarev (in process of publication) on « Populations and Territories in Maghreb, VII°-XI° centuries ». It offers some thoughts on the relationships between genealogies and tribal geographies in medieval times. Of course, it refers to Ibn Khaldûn and to his genealogical approach of berber ethnic groups until century XIV. An analysis showshowever his approach’many biases due to hissimplified adequation to the successive phases ofMaghreb history. A counter-analysis leads to find straight correspondences between « genealogical blocks » andMaghreb tribal geography. Such counter- analysis seems to valid a late Ibn Khaldûn intuition that however, and following his time conformism, he didn’t applied in the kitab al ibar, his forerunner work2.

Key words: Medieval Maghreb, tribes, tribal genealogy, tribal geography in Maghreb.

Ethnos, peuples et tribus

Notre recherche sur les populations et les territoires du Maghreb médiéval (Lazarev, sous presse) s’est largement fondée sur la géographie historique des ethnonymes. Mais qu’y a-t-il derrière ces noms ethniques que nous avons rapportés ? Des peuples partageant un même territoire et un même mode de vie ? Des ethnies se référant à une même culture, à un même parler, à une même origine ? Des groupements de parentèles ? Des alliances de groupements sociaux ? Des formations politiques ? Il est probable que toutes ces réponses ont pu, à un moment ou un autre, s’appliquer, ou l’une ou plusieurs, à des structures sociales rencontrées sous une dénomination ethnique. Mais il est certain que les réponses sont indissociables des périodes et de leur contexte. Nous n’avons, à cet égard, aucun moyen de montrer que, dans la longue durée, un ethnonyme ait nécessairement correspondu à une notion stable de tribu, comme on s’est durablement habitué à le supposer. Nous ne pouvons formuler que des suppositions.

1. L’auteur a utilisé la traduction d’Ibn Khaldûn de A. Cheddadi (La Pléiade). La transcription des noms de tribus a suivi celle, simplifiée, de A. Cheddadi. 2. The author made use of Ibn Khaldûn traduction by A. Cheddadi (La Pléiade). Transcription of tribal names has therefore followed Cheddadi’s simplified transcription.

(Recibido el 30/08/2020. Aceptado el 14/09/2020) Al Irfan / n°: 5 163 ISSN: 2351-8189 Les dénominations les plus anciennes sont celles qui, depuis Hérodote, désignent des populations du Maghreb méditerranéen oriental. Mais qui étaient ces Maxies, ces Nasamons, ces Marmarides, ces ? Se nommaient-ils ainsi ou furent-ils nommés parce qu’ils occupaient des portions distinctes d’un territoire ? Leurs noms durèrent longtemps, certains s’y ajoutèrent, d’autres disparurent, alors que des fissions les scindaient (comme ce fut le cas pour les Nasamons dont la fission aurait, selon Y. Modéran, donné les Austuriani et les ). L’histoire ancienne nous montre que ces populations étaient capables de combattre mais constituaient-elles des unités politiques ? Il est plus probable qu’elles formaient des galaxies de groupements indépendants, qui pouvaient, dans certaines conditions, s’agréger en coalitions autour de chefs. Rien dans les textes n’indique que ces groupements aient eu des institutions sociales structurées à ces échelles, sinon à celles qui devaient régir la vie quotidienne des formations élémentaires. On est tenté de parler de ces formes sociales, encore indistinctes, en termes « d’ethnos », pour reprendre le terme par lequel les politeia, grecques désignaient les populations confuses qui étaient extérieures à leur culture. Les premiers ethnologues parlaient de « peuplades » pour désigner des populations qui occupaient un territoire qu’ils identifiaient mais dont ils ne savaient pas grand-chose. Au cours des siècles successifs de la période antique, les populations de l’Afrique du Nord eurent une historicité plus marquée et on les vit s’exprimer dans des formations politiques, conduites par des « princes ». Mais qui étaient ces Massyles, ces Massaesyles, ces Maurii dont les noms furent appliqués à d’immenses territoires ? On leur trouve des rois qui se succédèrent, mais qui les suivaient, sinon des agglomérations de groupements, vivant habituellement de façon dispersée ? De tels groupements étaient capables d’une immense mobilité, grâce très certainement au cheval. La géographie des conflits montre en effet des déplacements sur des distances considérables. Mais les populations combattantes avaient-elles une notion de solidarité mutuelle derrière leur roi ? On ne sait rien de l’organisation des communautés qui composaient ces peuples, et si elles avaient des institutions tribales éventuellement susceptibles de les fédérer3. La période romaine vit apparaître plus nettement des formes tribales, rangées comme des « gens, gentes ». On en connait de très nombreuses dénominations et la carte de l’occupation romaine nous montre une constellation de tribus. Celles-ci avaient, sans nul doute, des formes institutionnelles dans leurs rapports avec les agents de la romanité, ce que montrent de multiples traces épigraphiques. On ne sait pas quelles langues parlaient les gentes berbères, mais celles-ci furent, plus tard, submergées par les parlers qui se rattachaient aux langues appelées zénètes. Ces parlers furent probablement introduits par des tribus nomades, que rencontrèrent les romains et qui franchirent le limes après leur départ. C’est à elles que dut s’appliquer le terme imprécis de Gétules. Il semble que ces tribus avaient, à l’époque byzantine, les formes de base des tribus pastorales, système de chefferies dominantes et coalitions de type plus ou moins confédéral. Les conflits des Byzantins et des tribus libyennes illustrent de mêmes faits sociaux. Les chroniques des premiers temps arabes, ou celles qui s’y rapportent, nous donnent de premiers noms de peuples berbères. Mais à quoi correspondaient ces noms ? Certainement pas à un modèle culturel arabe qui ne s’imposa que par la suite avec l’acculturation généalogique. Ces premiers ethnonymes berbères sont mentionnés sans aucune connexion avec une structure

3. Mattingly (1983) s’est interrogé sur la possibilité d’une structure confédérale des populations libyennes qui suivirent les guerres contre les byzantins. Mais cette hypothèse n’est toujours pas démontrée.

164 Revista de Ciencias Humanas y Sociales Grigori Lazarev Généalogies et géographies tribales tribale de type segmentaire ou avec une affirmation de parenté. Ne peut-on pas supposer que ces noms n’aient été, au départ, que des désignations de peuples occupant un territoire donné ? L’une des régions les plus citées est le JbalNefûsa, en Tripolitaine. Les sources en mentionnent quelques composantes territoriales sous une désignation que nous pouvons qualifier d’ethnique. Elles rencontrent de mêmes noms sur le chemin des migrations. L’exemple des BanûFaten est intéressant. Toutes leurs composantes, dont on retrouve la trace ethnonymique dans l’ouest du Maghreb Central, ont des origines dans l’est de cette région, en Tripolitaine ou dans le sud-est de l’Ifrikiya (Gabès). Nous les retrouvons, plus tard, rangées dans une classification généalogique comme des BanûFaten. Mais il est douteux que cette classification ait existé lors de leurs migrations aux tous débuts de l’ maghrébin. Nous n’avons aucune indication de structure confédérale et les modèles généalogiques, dans leur modalité arabe, n’avaient pas encore pris forme. Il est plus probable que des origines voisines dans les lieux d’émigration de ces groupements, ainsi que des participations communes aux premières révoltes kharedjites, les aient amenés, à un certain moment de l’acculturation arabe, à se désigner sous une domination généalogique collective de BanûFâten. Nous n’avons aucune preuve de l’existence de formations sociales à base généalogique aux premiers temps de l’Islam au Maghreb. Il est plus probable que les ethnonymes tribaux n’aient été, en ces temps, que des références à des occupations territoriales de groupes humains, à des « peuples » ou des « peuplades », parlant probablement de mêmes langues et ayant peut-être des traditions d’origine commune. Sans plus. Plus tard, mais on ne sait ni comment, ni sur quelle durée, les désignations de populations ont dû changer de sens et se fondre dans le modèle généalogique de l’acculturation arabe. Ces considérations ne sont que des hypothèses de recherche mais elles nous interpellent car rien n’indique que les tribus berbères anciennes aient été organisées selon ce modèle. Quoi qu’il en soit, l’histoire montre qu’à partir d’un certain moment, les tribus berbères sont entrées dans le modèle généalogique arabe. C’est sur ce modèle que nous nous interrogeons dans les sections qui suivent. Le référentiel et l’idéologie généalogique d’Ibn Khaldûn

La principale source d’information sur les populations berbères pendant la période qui va du VIII° au XIV° siècle, et qui est devenue la référence en la matière, est celle que nous apporte Ibn Khaldûn dans son Kitab al Ibar.4On lui doit un inventaire des tribus berbères du Maghreb et leur classification selon les traditions généalogiques. La source majeure d’Ibn Khaldûn dans cette matière a été celle du philosophe et généalogiste andalou du XI° siècle, Ibn al Hazm (Djamhara, ed. Lévi-Provençal). Le tableau qu’Ibn Khaldûn donne de la répartition géographique des populations berbères et des tribus arabes, au XIV° siècle, à l’époque où il composa son œuvre, est demeuré une référence devenue quasiment universelle5.

4. , 1332-1406, Kitab al ‘Ibar. Trad. partielle De Slane, Histoire des Berbères et des dynasties musulmanes, Alger, 1852-1856, 1èreed de Casanova, 1925, Reed. 1968/. Traduction d’Abdeslam Cheddadi (Le Livre des exemples, La Pléiade, Paris 2012. Cette traduction a été faite quelque 120 ans après la traduction de De Slane. 5. C’est un fait les travaux scientifiques sur l’histoire des populations du Maghreb ont été dominés et sont encore marqués pardes références à la théorie généalogique dont les fondements ont été posés par Ibn Khaldun. Il n’est pas un ouvrage historique depuis les premiers travaux des orientalistes occidentaux du XIX° siècle qui n’en répète les fondements. Les articles sur les ethnonymes aussi bien de l’Encyclopédie de l’Islam que de l’Encyclopédie Berbère commencent toujours par une référence aux arborescences généalogiques de cet auteur. G.S. Colin qui fut l’un des meilleurs connaisseurs de l’histoire des tribus du Maghreb, replace toujours ses remarquables apports dans le référentiel généalogique. G. Camps, auquel nous devons l’une des meilleures synthèses sur les berbères, n’échappa pas à ce déterminisme généalogique. Ce référentiel semble avoir pris un nouvel élan avec le mouvement culturel de l’amazighité. Les sites de ce mouvement abondent de monographies tribales d’une évidente signification identitaire. D’une grande variabilité dans leur sérieux historique, ces monographies ont en commun leurs références à la généalogie khaldounienne. Il est vrai que des incohérences dans les structures généalogiques ont été souvent relevées et que les origines mythiques des arborescences ont été mises en doute depuis longtemps dans les travaux scientifiques. Mais les grandes classifications ont eu la vie dure.

Al Irfan / n°: 5 165 ISSN: 2351-8189 Ce qu’il dit des classifications des populations selon leurs filiations généalogiques, est par contre plus discutable. Celles-ci, en effet, reflètent, au XIV° siècle, des situations socio-politiques qui, dans une très large mesure, ont été cristallisées à partir des classifications généalogiques des populations berbères élaborées au XI° siècle en al-Andalus. Les généalogies, autant que les regroupements des berbères en grandes composantes, n’ont pas été élaborées au Maghreb mais en al-Andalus. Elles furent donc, au départ, tributaires de la vision que l’on pouvait avoir du Maghreb à partir des contingents qu’il fournissait6. Lorsque Ibn Khaldun écrit son ouvrage, l’histoire des populations, entre le VII° et le XIV° siècle, a connu des vagues de changement particulièrement marquantes. Celles-ci ont affecté autant la distribution géographique des populations que leur structure sociologique et leur référentiel généalogique. La vision des grands groupes de population que nous donne Ibn Khaldun est, à cet égard, fortement biaisée par sa compréhension d’une histoire qui vit se succéder une période des de la «Première nation « (les Sanhâja Zirides et Hamadites), puis une période des principautés Zénètes (Meknassa, , Beni Ifren), suivie de celle des Sanhâja de la «Deuxième nation» (les Almoravides qui conquirent al-Andalus), de celle des Masmouda (avec les Almohades et les Hafsides) et, enfin, de celle des Zénètes Mérinides et Abdelwadites. Cette compréhension de l’histoire a favorisé des regroupements et des simplifications qui ne donnent probablement pas les meilleurs éclairages sur l’histoire des populations du Maghreb pendant les tous premiers siècles de l’Islam. L’utilisation de la source Ibn Khaldûn est, sans nul doute, essentielle et indispensable pour la connaissance de ces populations. Mais on doit très certainement la soumettre à une analyse critique7. La filiation généalogique chez Ibn Khaldûn

On doit à Constant Hames (1987) un regard utilement interrogateur sur la notion de filiation généalogique, le nasab, chez Ibn Khaldûn. Nous en reprenons quelques traits marquants. Le nasab, selon la définition de Pellat, rend compte de la conception qu’un groupe, ou un individu, a de lui-même à partir de la représentation généalogique de son ascendance. C. Hames constate l’adhésion d’Ibn Khaldûn à la conception arabe d’une société dans laquelle le groupe est une parenté. Selon Ibn Khaldûn, le terme de nasabnefait référence qu’à une construction sociale mentaleet ne désigne jamais un groupe social concret. Il est un attribut du groupe et non le groupe lui-même. « Un nasab, écrit Ibn Khaldûn, est une affaire d’imagination, non de réalité ; son utilité réside dans ce que les liens sociaux et le sentiment d’appartenance qu’il crée, apparaissent comme naturels dans les mentalités ». Un groupe de descendance se constitue en fait sur une base idéologique qui prend des apparences « naturelles ». Selon Hames ; Ibn Khaldûn a théorisé à partir d’un discours que la société tenait sur elle-même et auquel il adhérait. L’enregistrement

6. Au moment de la conquête d’al-Andalus, les berbères orientaux étaient dominants. On y trouvait des Nefzâwa, (on rapporte que Tarik Ibn Zyad, lui-même, était originaire de ce peuple), desMatghâra, desMeknâsa, des Hawaâraet desAwrâba. On ne trouvait pas de Sanhâja mais certaines chroniques mentionnent des Ketâma, qui furent plus tard associés à la geste des Fatimides (un anachronisme, selon les historiens d’Al Andalus). LesMasmudafurent probablement regroupés derrière la tribuMasmudadont le territoire jouxtait le Détroit.Rien n’interdit de penser que le nom de cette tribu ait, par extension, été donné à tous les berbères qui parlaient des langues apparentées à la langue des premiers Masmuda, peut être aux mêmes racines que celles qui ont donné naissance aux parlers tachelhait. Il est très probable que ces populations ne se donnaient pas ce nom collectif avant que les généalogistes arabo andalous ne s’en mêlent 7. Les travaux d’Yves Modéran en sont une bonne illustration. La lecture critique qu’il fait des sources pour expliquer le sens de la fameuse division des peuples berbères en Botr et Branes est, à cet égard tout à fait lumineuse. Elle montre bien comment l’interprétation généalogique fut marquée par son contexte idéologique.

166 Revista de Ciencias Humanas y Sociales Grigori Lazarev Généalogies et géographies tribales des identités et des appartenances « s’opère par le biais du langage de l’agnatisme lignager ». En cela, Ibn Khaldûn ne se démarque pas du modèle généalogique des sociétés arabes et fait preuve du conformisme de son époque. Son apport a été d’introduire la notion d’asabiya, comprise comme le moteur de l’histoire. L’asabiya est un attribut du nasabet la force de son empreinte différencie la puissance dans les sociétés bédouines (par opposition aux hadari, les citadins). L’asabiyase perd avec la décadence du groupe mais celui-ci peut, parfois, recomposer son nasabpour regagner sa place sociale. En fait, l’histoire des tribus du Maghreb nous montre que les recompositions généalogiques constituèrent un mécanisme social extrêmement fréquent, qui conduisait à la refonte ou la création de prétendues segmentarités. Les victoires ou les défaites, les conquêtes et les soumissions, les amalgames de populations, créaient autant d’occasions pour de tellesréorganisations. Un exemple peut-être l’un des plus parlants, n’est-il pas celui desZenâta, petite tribu de Libye, dont une branche, les Maghrâwa, parvint à fédérer sous leur nom tribal de Zenâta, l’ensemble des tribus des steppes du Maghreb Central et des oasis - des groupements ethniques dont les caractères communs ne furent probablement que de partager des langues apparentées, celles dites zénètes, ainsi que des genres de vie comparables, et nullement des origines de parenté commune. Ibn Khaldûn s’est en même temps interrogé sur la façon dont les sociétés humaines s’étaient divisées « depuis la création ». Son esprit critique l’aurait conduit, pour en comprendre la diversité, « à voir dans les ascendances généalogiques une reconstruction a posteriori d’un phénomène préalable de répartition géographique des peuplements ». « Constatant la division de fait de l’espace habité, le langage de la filiation généalogique aurait servi à traduire une réalité d’un autre ordre » (Hames, 1987). Cette théorie n’a cependant pas été développée par Ibn Khaldûn, dont le tableau des sociétés du Maghreb est resté essentiellement structuré autour de la conception généalogique de son temps. La lecture des généalogies

Les généalogies, si on cherche à les interpréter avec d’autres clés de lecture, semblent offrir des informations indirectes sur la structure politique des populations berbères anciennes et sur la succession, dans l’histoire, des grandes lignées. Les généalogies des grands groupes de populations berbères montrent en effet des discontinuités révélatrices. Certains rameaux s’arrêtent à une génération donnée et n’ont plus de succession. Ce type de configuration semble bien indiquer que les populations correspondantes ne jouent plus de rôle politique notable dans l’histoire. Dans la généalogie des Zenâta, par exemple, on voit plusieurs rameaux s’arrêter. Ce sont les «branches mortes» des généalogies, elles témoignent d’une histoire ancienne qui n’a pas eu de suite. On pourrait y retrouver une succession de mouvances politiques que l’on pourrait même dater d’après le nombre de générations. Mais dans la même généalogie des , on observe des enchaînements générationnels qui, contrairement aux précédents, se poursuivent jusqu’aux époques récentes ou contemporaines (du XIV° siècle). Ces enchaînements témoignent de continuités encore bien repérables, et donc du caractère longtemps ou toujours vivant de certaines grandes lignées. Certaines d’entre elles s’arrêtent certes en cours de chemin, non nécessairement parce qu’elles ont totalement disparu, mais plus certainement, parce que l’on n’en parle plus dans l’histoire. Ce sont, bien entendu, les lignées qui se relient aux dominantes politiques les plus récentes qui sont les plus détaillées et les plus continues. Elles représentent

Al Irfan / n°: 5 167 ISSN: 2351-8189 les branches les plus «vivantes» des généalogies. La généalogie des Zenâtaconduit jusqu’aux Mérinides et aux lignées zénatiennes du Maghreb Central qui, à l’époque d’Ibn Khaldûn, gouvernaient la plus grande partie Maghreb.

GENEALOGIE SIMPLIFIEE DES ZENATA

Niveau généalogique Branchements généalogiques Epoque historique

I Djana ______I______II Ferini Urnid Adiddy ___I______I______I______III Mendjesa Warghmert Jerâwa Urchir VII° Siècle Ismerten Wadjediden I I Nomaleta I Autres I I ------I------IV Demmer Zakya VII° Siècle V Berzal Ittuwef Wartajin Mesra VIII° Siècle I I VI I Isliten Isdrin I Saghmart I I ------I------VII Lignée Ifren Lignée Maghrâwa Lignée Banu Wasin IX°-X° S I VIII Banu Badin ______I______IX BanuUrnid Abdal Wad B Tujin Banu Marin XIII-XIV°S Sud Oranais Maghreb Central Maroc

Cette généalogie des Zénâta semble illustrer une hypothèse selon laquelle on pourrait lire, dansCette la généalogie succession des générationnelle Zénâta semble illustrer des lignées une hypothèse éteintes selon et actives laquelle des on généalogies,pourrait lire, dans une la succession générationnelle des lignées éteintes et actives des généalogies, une succession de successionphases historiques. de phases Lahistoriques. leçon vaut La probablement leçon vaut probablementpour d’autres généalogies, pour d’autres bien généalogies, qu’en général bien qu'en général moins décomposées que celle des Zénâta. On pourrait y lire des successions de

168 prééminenceRevista de Ciencias ou Humanas d'importance y Sociales politiques, de même que l'on pourrait y trouver la trace de confédérations disparues mais dont les structures anciennes ont continué à se refléter dans l'image généalogique – ce que montre, par exemple, le cas des Neffûsa.

Mais on peut aussi tirer d’autres informations des généalogies. Celles-ci, en effet, reflètent dans une certaine mesure, des localisations territoriales, ce dont Ibn Khaldûn avait eu l’intuition sans l’exploiter. Selon C. Hames, on l’a dit, Ibn Khaldûn aurait été conduit, pour mieux comprendre la diversité des peuples, « à voir dans les ascendances généalogiques une reconstruction a posteriori d’un phénomène préalable de répartition géographique des peuplements ». « Constatant la division de fait de l’espace habité, le langage de la filiation

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Grigori Lazarev Généalogies et géographies tribales moins décomposées que celle des Zénâta. On pourrait y lire des successions de prééminence ou d’importance politiques, de même que l’on pourrait y trouver la trace de confédérations disparues mais dont les structures anciennes ont continué à se refléter dans l’image généalogique – ce que montre, par exemple, le cas des Neffûsa. Mais on peut aussi tirer d’autres informations des généalogies. Celles-ci, en effet, reflètent dans une certaine mesure, des localisations territoriales, ce dont Ibn Khaldûn avait eu l’intuition sans l’exploiter. Selon C. Hames, on l’a dit, Ibn Khaldûn aurait été conduit, pour mieux comprendre la diversité des peuples, « à voir dans les ascendances généalogiques une reconstruction a posteriori d’un phénomène préalable de répartition géographique des peuplements ». « Constatant la division de fait de l’espace habité, le langage de la filiation généalogique aurait servi à traduire une réalité d’un autre ordre ». C. Hames observe cependant que cette réflexion d’Ibn Khaldûn n’apparaît que dans sa biographie, écrite vingt ans après Kitab al ibar. Son tableau des sociétés du Maghreb est ainsi resté essentiellement structuré autour de la conception généalogique de son temps. La classification généalogique des formations tribales

Le modèle généalogique auquel s’est référé Ibn Khaldûn, et qui a conditionné l’ordre des chapitres du Kitab al ibar, nous est présenté de façon résumée au début de l’ouvrage. En fait, au fur et à mesure de son texte, l’auteur y a apporté d’autres indications généalogiques qui ont progressivement complexifié sa présentation initiale. Celle-ci n’en reste pas moins fondatrice pour expliquer sa démarche. Tout part d’une division initiale de l’ascendance des berbères entre les deux fils de Berr, l’ancêtre fondateur. Son fils Maghis, dit Abtar, est l’ancêtre de tous les Butr tandis que son fils Bernes est celui de tous les Branes. Toutes les lignées berbères descendent de l’une ou l’autre de ces deux premières branches. Ibn Khaldûn en donne le tableau simplifié suivant (Ibn Khaldûn, trad. Cheddadi, p. 130) : Les Branes se divisent en sept branches, les Azdâja, Masmuda, Awrâba, Ajîsa, Ketâma, Sanhâja, Awrîgha. Toutes les tribus Branes seraient des descendants de ces branches. Les Ketâma comprennent aussi les Zwawa et les Sedwiksh. Les Sanhâja comprennent les Lemtuna, Messûfa, Gedâla, Sherta, Feshtala, Haskura, Lamta et d’autres. Les Masmuda comprennent les Ghmâra, les Barghwâta, et des tribus de l’Atlas, citées ailleurs (p. 351). Les Huwâra sont comptés avec les Branes, bien que d’une descendance incertaine. Les Butr forment quatre branches : les Addâsa, les Neffûsa, les Dariya et les Luwâ, tous issus de Zahîk, fils d Maghis. Les Addâsa comprennent les Sefâra, Hanzûna, Herâgha, Awtîta, Terhuna. De Luwâ sont issus deux grandes branches, les Nefzâwa et les Luwâta. Ces derniers comprennent plusieurs branches, les Agûra, Atrûsa, Mzâta, Maghâra, Jadâna. Avec les Luwâta, se trouvent également les Sadrata. Dans leur généalogie, se trouvent les Maghrâwa. Les Nefzâwa comprennent plusieurs branches, les Walhâsa, Ghassâsa, Zabîla, Matmâta, Wursif, Sumâta, Marnîsa, Zatîma, Warkul, Marnîsa, Wardghrûs, Wardîn. Les Walhâsa forment de nombreuses branches : Warjûma, Kartît, Maânedjej, Sibant, issus de Tighas ainsi que les Wardîn, Tetir, Warkatûnt, Makra, Yifriyen, issus de . Les Dariya forment deux grandes branches, lesTamsît et les Yahya. Les Tamsît comprennent les Matmâta, Saddîna, Maghîla, Malzûza, Kashrâna, Qûna, Madyûna, tous enfants de Faten. Les Yahya comprennent tous les Zenâta, les Semgan et les Warsîf. De ces derniers

Al Irfan / n°: 5 169 ISSN: 2351-8189 dérivent les Meknâsa, Awegna, Wartnaj, Les Wartnaj, comprennent, à leur tour, les Mkensa, Kernîta, Sedrata, Hnâta, Fulâl et les Zwagha. Nous retrouvons dans cette présentation généalogique de nombreuses tribus Butret Branes qui apparaissent dans les histoires des groupes ethniques rapportées par le Kitab al ibar. Les distributions généalogiques sont cependant hasardeuses car certaines ethnies apparaissent, en même temps, dans des filiations différentes. On remarque que la filiation des Zenâta n’est pas détaillée au stade des grandes divisions primaires de la généalogie. Les Telkata, le pivot des Sanhâja du Maghreb Central, n’apparaissent pas non plus alors qu’en raison de leur importance politique, on les voit plus tard figurer parmi les composantes des Sanhâja, au même rang que les Lamtuna, les Gedâla ou les Sherta, dont ils ne furent, probablement qu’un petit rameau. La généalogie ethnique d’Ibn Khaldûn ne mentionne aucune ethnie de l’aire touarègue. Lorsqu’il rend compte de l’histoire des différents segments de cette généalogie, Ibn Khaldûn nous donne une bonne image de la dispersion des groupes tribaux à son époque. On note également qu’il ne décrit dans son histoire, qu’une partie des ethnonymes mentionnés dans les généalogies, comme si de nombreuses formations ethniques avaient disparu de son temps ou si elles n’avaient plus d’importance suffisante pour qu’elles soient notées. Par contre, il en a ajouté d’autres, absentes des premières constructions généalogiques. Nous nous sommes proposés de tester l’idée qu’eut, sur le tard, Ibn Khaldûn d’une interprétation territoriale des constructions de la généalogie. Il en avait suggéré l’idée dans le Kitab al ibar, lorsque, pour expliquer les confusions entre les Zwagha et les Zwâwa, il indiquait que ces derniers ne devaient pas être confondus avec les premiers et que les Zwâwa devaient être considérés « comme une branche des Ketâma, vu leur lieu de résidence » (p. 131). La géographie des agrégations généalogiques tribales

Procéder à un tel test, suppose quelques démarches méthodologiques. La première a été de faire un inventaire des tribus mentionnées dans les généalogies et représentant, en principe, leurs premières formes, en tant que groupes identifiés. Cet inventaire est naturellement parti d’Ibn Khaldûn qui nous a donné les listes les plus complètes des tribus berbères, en même temps qu’il les classait selon leurs généalogies et les localisait, à son époque mais aussi à d’autres périodes de l’histoire. La seconde démarche a été de se débarrasser du carcan de la division entre Butr et Branes. Si cette différenciation avait pu avoir une signification aux premiers temps de la conquête musulmane, par contre, au XIV° siècle, elle s’était adaptée aux clivages entre grandes ligues tribales qui avaient marqué le Maghreb depuis le X° siècle. Elle n’était plus qu’une représentation politique conventionnelle. La troisième démarche a été d’identifier, dans les listes tribales, des blocs de voisinage que l’on pouvait plus ou moins localiser dans des territoires d’origine, tout en tenant compte des migrations qui avaient pu les disperser par la suite. Il est clair, à cet égard, que la géographie ethnonymique que nous avons appliquée à notre compréhension des localisations tribales, nous a beaucoup aidés dans ce sens. Une autre démarche a été d’user d’une réflexion critique pour éviter certains biais qui avaient pu déformer la signification, apparemment territoriale, de certaines dénominations. Cet exercice a débouché sur une projection géographique de blocs ou de grappes de tribus dont l’agrégation était identifiable dans les généalogies. Nous en suivons le chemin de l’est vers l’ouest. Le premier « bloc généalogique » est celui des enfants de Luwa le jeune, fils de Luwa. Leur descendance comprenait deux grandes formations tribales, celle des Luwâta et celle des Mazâta.

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Les premiers occupaient la Cyrénaïque et les seconds, les désert des Syrtes, Leurs ethnonymes ont qualifié l’occupation de ces régions jusqu’à l’arrivée des arabes hilaliens. Des Luwâta se sont dispersés dans tout le Maghreb. L’un de leurs rameaux, les Sedrata, n’apparait pas dans les nomenclatures ethniques de ces régions chez les géographes médiévaux. Les Sedrata, s’ils furent, à un moment, présents dans l’est libyen, purent, peut-être, en disparaître en raison d’une très ancienne migration vers les déserts et l’oasis de Ouargla (à moins qu’il ne se soit agi que d’un artifice des généalogistes pour donner une origine libyenne à une tribu établie à Ouargla). Les généalogistes disent aussi qu’aux Sedrata étaient associés des Maghrâwa, apparentés par la mère et dont la généalogie s’était confondue avec la leur. C’est, dans le texte d’Ibn Khaldûn (p. 132), la première mention des Maghrâwa que l’on retrouve plus tard comme une composante de la tribu libyenne des Zenâta, Des branches des Mazâta migrèrent également et on les rencontre, avec de fortes implantations locales, dans les Aurès et les steppes avoisinantes. Les généalogies énumèrent des composantes de ces deux grandes formations (six pour les Luwâta et autant pour les Mazâta) mais on n’en trouve pas de traces notables dans la toponymie tribale. Un second « bloc généalogique » est celui constitué par les Huwâra. Leur nom s’applique à une région d’origine située en Tripolitaine et dans les déserts méridionaux, jusqu’à la limite des Mazâta. Les généalogies leur donnent 17 composantes. Nos analyses géographiques nous en montrent les déséquilibres : à une grande branche pastorale, celle des B. Kemlan, s’adjoignaient de nombreuses petites tribus de la Tripolitaine. Les Huwâra, premiers soutiens des Ibadites, eurent une grande destinée historique. Ils se dispersèrent dans tout le Maghreb, en Al Andalus et même en Egypte. Ils restèrent cependant maîtres de leur territoire d’origine jusqu’à l’arrivée des Hilaliens. Parmi leurs composantes de la Tripolitaine, on note des noms que l’on retrouve ailleurs dans l’émigration, ceux notamment de Mallila ( méditerranéen oriental), de Weghra(dont le nom est resté attaché au fleuve du même nom dans le Prérif) et celui de Terhûna (une tribu actuelle de la Libye et une branche en Tunisie du sud-est). C’est peut-être l’amalgame de composantes aussi différentes qui a amené les généalogistes à hésiter sur la classification des Huwâra. Ils ne furent rangés parmi les Branesqu’au prix d’une interprétation sur un père putatif, leur filiation directe remontant à une femme,Tisgi – une descendance matrilinéaire incompatible avec le modèle généalogique. Le troisième « bloc généalogique », en allant vers l’ouest, est celui des Neffûsa. Celui-ci correspond au massif du même nom et à ses périphéries. La généalogie dit peu de choses de leurs branches. On y trouve des Zemmûr, desMeskûr et des Matûsa. Ils seraient dits Butr, descendants de Zahîk, fils d Maghis. On ne sait rien de ces tribus, sinon que l’on retrouve le nom deZemmûr (un terme désignant l’oléastre en berbère) dans des espaces du Sahara occidental (Guelta Zemmour) et dans le nom d’une tribu migrante du Maroc. En fait, le pays des Neffûsa fut occupé par de nombreuses autres tribus, dont plusieurs furent à l’origine de formations tribales dans d’autres régions du Maghreb. Ainsi en fut-il, par exemple des B. Ifren (mentionnés comme Yifriyen, une branche des Butr Walhâsa, descendants de Dihya) ou des Madyûna. Les premiers furent rangés dans la généalogie des Zenâta et les seconds, dans celle des B. Faten. Lorsque l’on connaît l’histoire confuse du Jbal Neffûsa (notamment les présences juives et chrétiennes qui y sont signalées), on a du mal à y voir un ensemble homogène ou solidaire. La descendance des Neffûsa dans les généalogies n’est d’ailleurs pas détaillée. On n’en dit que la parenté fraternelle de leur ancêtre éponyme avec les trois autres fils de Maghis, le père fondateur desButr. Il serait logique d’associer à l’aire de ce bloc généalogique, l’aire des Zwâgha, qui occupaient (et occupent encore

Al Irfan / n°: 5 171 ISSN: 2351-8189 aujourd’hui, bien que de façon résiduelle) un territoire à l’ouest de la Tripolitaine. La généalogie des Zwâgha comptait treize branches. En se déplaçant vers l’ouest de la Tripolitaine et le sud de la Tunisie, on rencontre un quatrième « bloc généalogique », celui des Nefzâwa, dont le nom est resté attaché à une région du sud-est de la Tunisie. D’après les généalogistes, ce bloc Butr, issu de la descendance de Luwa, fils de Zahîk, fils d Maghis, comprenait un grand nombre de branches. On y comptait les Walhâsa, Ghassâsa, Zabîla, Matmâta, Wursif, Sumâta, Marnîsa, Zatîma, Warkul, Marnîsa, Wardghrûs, Wardînet auxquels on rattachait les Maklâta. On retrouve, au travers du Maghreb, les noms de Ghassâsa (Rif oriental), de Marnîsa(Rif central), de Matmâta (Ouarsenis, pays de Taza au Maroc), de Sumâta, (sud tunisien et Habt au Maroc). On a du mal à imaginer la localisation de toutes les composantes des Nefzâwa dans le seul pays qui porte leur nom. La géographie ethnonymique nous suggère en effet que les Maklâta auraient constitué une aire de localisation distincte située dans l’arc des Jbal Demmer et Matmata, au nord-est des Nefzâwa. Nous y sommes invités par la présence des Matmâta et par celle des Maklâta. Ces derniers comprennent, en effet, des Bnî Dîmar (Demmer), des Gzenaya et des Isliten, qui sont mentionnés dans cette région. On y trouve aussi une mention qui nous interpelle, celle des Bnî Waryaghel. S’agirait-il de l’indication de la très lointaine origine des tribus du même nom du Rif et des massifs méditerranéens de l’Algérie, d’une confusion des copistes ou d’une simple homonymie ? On note, à cet égard, que l’on retrouve les Gzenaya dans le Rif oriental, pas très loin des territoires rifains des Bnî Waryaghel. Les Walhâsa sont connus car leur plus puissante composante fut celle des Warfjûma, dans le sud-ouest de la Tunisie, qui jouèrent un rôle essentiel dans certaines révoltes kharidjites. Notre géographie ethnonymique nous suggère aussi de voir dans une autre composante de la généalogie des Nefzâwa ; les Ursif, une autre aire de localisation. Sous ce nom, on trouve trois composantes, les ‘Urtnaj ; les Megna et les Meknâsa, dont les noms nous amènent à des localisations dans les steppes de Tunisie. Les ‘Urtnaj comprennaient six composantes dont l’une était celle des Mtâlsa (ou Betâlsa). On ne retrouve plus les noms de ces composantes, qui furent, un temps, localisées dans ces régions mais on croise des Mtâlsa, dans les steppes du Rif oriental, au voisinage des Gzenaya. Les Megna comprenaient quatre branches dont les Bnî Islit en, souvent rencontrés dans les références ethnonymiques. Les Meknâsa comprenaient sept branches dans leur généalogie. Aucune d’entre elles n’a laissé de trace en Tunisie et seul le nom de Maknâsa est-il attesté dans cette région de Tunisie, par la toponymie et par les chroniques. Les Meknâsa sont, en fait, essentiellement connus pour leur domination du Maroc oriental, où ils imposèrent leur nom ainsi qu’une nouvelle tradition généalogique. Nous n’avons aucun élément pour savoir si celle-ci avait incorporé des références aux quatre branches initiales du groupe. En définitive, la généalogie ne nous apporte pas grand-chose sur lesBranes du Maghreb Central. On a vu que les généalogistes y avaient rattaché les Huwâra. Ceux-ci ont eu, il est vrai, une présence très marquée dans le Maghreb Central. Il faut cependantleur enlever tous liens de Nous nous déplaçons maintenant vers le Maghreb central pour y rencontrer un « bloc généalogique » de populations désignées comme Branes. Les généalogies y distinguent trois branches, les Azdâja, les Adjîsa et les Awrâba. Ces groupements ethniques semblent incontestablement originaires de cette région et on n’en trouve pas de référence à l’est. On en trouve, par contre, vers l’ouest, du fait de migrations. Les Azdâja auraient une présence très ancienne, comme

172 Revista de Ciencias Humanas y Sociales Grigori Lazarev Généalogies et géographies tribales semblerait le montrer l’identification possible des Mesgen, Mesghana, avec les Mesguenses, mentionnés à l’époque romaine. Les Mesghana sont identifiés dans l’Oranie et ils auraient été les fondateurs de la ville d’Alger. Les Adjîsa sont aussi une ancienne population tellienne mais nous n’avons aucune indication sur leur généalogie et leur fractionnement en branches. Les Awrâba sont bien identifiés par les chroniques historiques, ayant été la tribu de soutien de Kusayla. On sait qu’ils demeurèrent dans les Aurès où les géographes les ont souvent rencontrés. Mais leur histoire a surtout été celle de la migration de certaines de leurs branches vers la région de Fès. Les généalogies nous donnent les noms de six de leurs branches, les Lodjaya ; les Rhywa, les Mezyata, les Anfasa, les Nijda, les Zeghûja et les Dikûsa. Les noms des trois premières branches se retrouvent dans de petites tribus de la région de Taounate, dans le Prérif, où les Awrâba s’étaient réfugiés. Le nom de Anfasa se retrouve dans une tribu des environs de Casablanca. On ne sait pas si cette liste de branches des Awrâba a été construite à partir des formations dans le Maghreb Central ou bien si elle a été élaborée à partir de leur configuration tribale au Maroc parenté avec les autres Branes. Un autre « bloc généalogique » qui se distingue bien par sa concentration régionale est celui des BnîFaten. Ce bloc apparaît comme une dispersion de composantes entre Tlemcen, l’Oranie et les pays de Tahert. Les Bnî Fatencomptaient plusieurs composantes qui se retrouvèrent ensemble lors de la première révolte kharedjite, conduite par l’une d’entre elles, les Matghâra. On y trouve, outre ces derniers, les Matmâta, Maghîla, Lemâya, Mazûza, Beni Mednin, Madyûna, Kumiya, Nedroma, Merenjisa. Toutes ces composantes étaient relativement voisines dans l’ouest de l’Algérie. Mais elles avaient toutes, comme nous l’avons montré dans d’autres travaux, des origines dans un même espace régional du sud du Maghreb oriental. On s’est interrogé sur la possibilité de migrations parallèles aux premiers temps de l’Islam maghrébin. On s’est aussi demandé si leur recomposition en un même ensemble généalogique des Bnî Fatenn’avait pas été construite dans le double contexte de leur voisinage géographique et celui de leur participation commune à la contestation kharidjite. Il est peu probable que cette confédération ait pu exister avant leurs migrations car le modèle généalogique n’avait pas encore été acculturé. Mais toutes ces interrogations restent encore ouvertes. Les généalogistes ont rangé les Bnî Faten parmi les Tamsit, une branche des descendants de Daliya, fils de Zahîk, lui-même fils du fondateur des lignées Butr. Un autre groupe des Branes du Maghreb Central est celui représenté par les Ketâma. Ceux- ci forment avec les Zwawaet les Sedwiksh, un autre « bloc généalogique ». Ce groupement correspond à un espace géographique englobant la Kabylie orientale et tout le Constantinois, de la mer à Batna. Il s’agissait essentiellement de populations sédentaires, dont on pense avoir retrouvé une trace très ancienne avec les Icutumani, une désignation romaine qui aurait été celle des Ketâma. Les Sedwikshétaient, par contre, un groupement nomade, au sud des Ketâma et les généalogies sont incertaines sur leur rattachement à ces derniers. A ces Branes sédentaires, on devrait ajouter la plupart des populations qui furent rangées sous l’emblème onomastique des Sanhâja de la « Première nation ». On a rappelé dans un autre article (sous presse), que ces populations, bien que non sanhajiennes, avaient été incorporés dans le contexte d’une domination politique, qui n’avait rien à voir avec la parenté généalogique des Sanhâja, représentés par les seuls Telkâta et leurs clans. C’est, en fait, la prééminence territoriale des populations sédentaires des aires Sanhâja et Ketâma qui aurait été à l’origine de l’image historique des « Sanhâja » sédentaires, qui s’opposaient aux nomades zénètes. Il y eut bien

Al Irfan / n°: 5 173 ISSN: 2351-8189 des sédentarités mais celles-ci furent, historiquement, désignées par le nom d’un groupement conquérant, effectivement venu des aires Sanhâja du sud-ouest du Maghreb. Ibn Khaldûn n’échappa pas à cet héritage de l’histoire puisque, lors de son inventaire des groupements Sanhâja, il place dans une catégorie bien distincte les « Sanhâja sédentaires » du Maghreb Central. Son acception incluait d’ailleurs les Ketâma, qui participèrent à une même histoire, aux côtés des Fatimides. Il nous reste deux autres groupements généalogiques, ceux des Sanhâja et des Zenâta dans lesquels nous devons distinguer plusieurs « blocs généalogiques ». Les premiers Sanhâja qui apparaissent dans le Kitab al ibar sont ceux de la « Première nation » qui relate la geste des Zirides. Mais nous le voyons dans l’article cité, cette « nation » a été essentiellement une construction politique des Sanhâja Telkâta. Elle est une imposture généalogique qui a surtout été valorisée quand les Zirides se sont fabriqués une généalogie (qui les rattachaient, notamment, à des lignées arabes). Ce que l’on sait des groupements tribaux qui furent inclus dans l’aire Sanhâja, nous montre qu’il s’agissait de populations locales appartenant, vraisemblablement, à des groupements méditerranéens, dont les parlers devaient être ceux d’un zénète ancien -dont les implantations se poursuivaient jusqu’aux populations méditerranéennes du Rif Central. Il n’est resté aucune trace d’une influence des Sanhâja dans l’aire historique qui fut dénommée sous leur nom. La généalogie des Zirides ne dit rien des populations locales qui les suivirent. Les Sanhâja de la « Deuxième nation », qui furent associés à la geste des Almoravides, nous remet, par contre, dans une aire culturelle des Sanhâja. Les indications généalogiques sont déficientes mais la liste de leurs composantes met en évidence une immense aire qui couvrait le Sahara occidental ainsi que, pendant longtemps, les aires au sud de l’Air et du Fezzan. Ces populations partageaient des parlers dits zenaga. Les sources anciennes montrent que les mouvances Sanhâja avaient gagné le Sous et occupaient des territoires jusqu’à Sijilmâsa aux abords de laquelle on trouvait la tribu des Sherta (Serta), également présente dans le Jbel Saghro, l’oued Dra’a et Tamdult. Les Telkâta, qui dominèrent le Maghreb Central devaient, vraisemblablement, en provenir. En raison de leur importance politique, ils furent, nous l’avons dit, incorporés dans la liste des tribus constitutives des Sanhâja, sur un même rang que les plus grandes. D’autres branches des Sanhâja du sud eurent aussi une histoire dans les mouvances au Maroc, apparaissant dans le Haut Atlas sous la dénomination de Haskûra (et dont les listes tribales font apparaître des noms toujours présente dans cette montagne). Ce sont cependant les Sanhâja de la « Troisième nation » qui nous interpellent le plus. On y trouve trois catégories de noms. La première concerne les tribus du Moyen Atlas, désignées sous le nom collectif de Zenaga. Cette désignation s’est, probablement, appliquée à des populations Sanhâja qui auraient précédé ou continué la grande écharpe des Sanhâja, qui s’étendait du Sahara occidental au Haut Atlas oriental. Les généalogistes y rattachent les Dokkâla, dont on a montré qu’ils avaient probablement accompagné la mouvance almoravide. Les deux autres catégories de noms doivent être décryptées car il semble qu’une même liste de noms ait inclus deux groupes différents de dénominations. Les premiers correspondent à des populations du nord du Maroc, que la tradition, ou les survivances des cultures linguistiques, rattachent aux Sanhâja du Moyen Atlas. Telles sont les dénominations de Lukay, Fishtâla, B. Derkûl, B. Mezgîlda, B. Amran, B. Wamûd, B/ Zerwal. Mais la même liste comprend aussi

174 Revista de Ciencias Humanas y Sociales Grigori Lazarev Généalogies et géographies tribales les dénominations de B. Waryaghel, B. Iznacen, Nador, Botuya. Ces noms s’appliquent à des groupements dont les parlers n’ont pas de rapport avec les parlers sanhâja et dont des parlers anciens auraient été submergés par le zénète. De plus, certains d’entre eux ont des correspondants dans des zones méditerranéennes de l’Algérie occidentale, tels que B. Waryaghel, Nador, Botuya. Ces noms apparaissent aussi parmi les dénominations des composantes des Sanhâja de la « Première nation », dont nous avons rappelé l’apparentement des parlers avec le zénète. Le classement généalogique des groupes ethniques des Sanhâja de la « Troisième nation » devraient donc être distingués en deux « blocs généalogiques », celui du Moyen Atlas, avec ses prolongements dans le Maroc du nord, et celui du Rif Central et Oriental avec ses prolongements vers l’est, en Algérie. Les relations généalogiques se rapportant aux populations des Sanhâja de la Première et de la Troisième nation nous apparaissent comme des constructions a posteriori, surtout motivées par un souci de justification d’une réalité politique et territoriale plus qu’ethnique. L’apparentement généalogique des Zenâta s’est appliqué à un nombre considérable de groupements qui occupaient les steppes du Maghreb Central et leurs franges sahariennes. Nous savons que l’incorporation généalogique de ces groupements fut essentiellement le résultat de la domination politique des Maghrâwa, une branche de la tribu libyenne des Zenâta. La « zénatisation généalogique » des populations confédérées par les Maghrâwa, dut se faire à partir du X° siècle, par opposition au monde politique des Fatimides et, plus tard, en référence à la construction de la généalogie des Zirides. Ce que montrent bien les sources historiques, c’est qu’une aire dite zénète était devenue une réalité à cette époque. Les historiens l’entérinèrent au point de donner une qualification « zénatienne » à l’histoire de groupements politiques à des périodes antérieures à celles de la « zénatisation généalogique ». Leurs histoires se sont confondues dans un même creuset. Ibn Khaldûn n’a pas échappé à ce déterminisme puisqu’il rapporte l’histoire « pré-zénatienne » des BnîIfren et des Maghrâwa dans ses chapitres consacrés aux Zénètes. Il en fait même un premier âge des Zénètes, qui aurait précédé le second, celui des Mérinides. Ce premier âge commence avec la Kahîna et la tribu « zénète » des Jarâwa. Les Bnî Ifren et les Maghrâwa n’apparaissent pas spécifiquement dans la généalogie générale des berbères que donne Ibn Khaldûn au début de son ouvrage. On soupçonne, en se référant à cette descriptions que les Bnî Ifren étaient une branche des Walhâsa et les Maghrâwa une branche des Sedrâta, eux-mêmes une branche des ButrLuwâta. Ces références ne nous apprennent rien. Par contre leur assimilation ultérieure à la généalogie des Zenâta montre que ces deux groupements auraient eu une même ascendance que les BanûWasîn d’où furent issus les Mérinides. Comme les B. Wasîn, ils descendent d’Isliten (voir plus haut, la généalogie simplifiée desZenâta). C’est cependant à l’histoire qu’il faut se référer pour replacer ces deux groupements Bnî Ifren et Maghrâwa, dans leur contexte « pré-zénatien ». Nous les voyons en effet affirmer leur présence dans les steppes du Maghreb Central et dans le Tell dès les VIII° et IX° siècles. On peut penser que les premiers provenaient d’une région libyenne et avaient, dans leur migration, laissé des branches dans le sud tunisien. Leur histoire est associée à l’une des premières révoltes kharidjite et à leur domination des territoires des Matghâra. Les Maghrâwa survinrent plus tard et eurent une histoire propre pendant les périodes aghlabide et idrisside. Ce n’est qu’au X° siècle que, confrontés aux Fatimides, leur domination, territorialement amplifiée, se serait accompagnée d’une « zénatisation » des tribus confédérées. Il est vraisemblable que ces adhésions furent facilitées par le voisinage des parlers, ceux qui furent désignés comme « zénètes », et par de mêmes genres de vie nomades.

Al Irfan / n°: 5 175 ISSN: 2351-8189 Le « deuxième bloc généalogique » des Zenâta reflète essentiellement une autre période de l’histoire, celle des Mérinides et des Abdelwadites. Leur généalogie n’est pas avare de détails sur les lignées qui ont conduit à leurs dominations territoriale, depuis le temps des Banû Wasîn, une petite tribu de la Qastiliya. Une question se pose : si l’assimilation collective aux Zenâta pouvait s’expliquer par une communauté de parlers et de genres de vie dans les territoires qu’ils dominaient, pourquoi certains groupements, qui vivaient dans les mêmes parages, avec de mêmes parlers et un même mode de vie, n’entrèrent pas dans leur confédération ? Ce fut probablement en raison de leur adhésion à l’ibadisme que les Huwâra, les Mazâta et les Sedrâta en demeurèrent à l’écart. Encore au XI° siècle, Al Bakrî notait l’importance territoriale des Huwâra et des Mazâta dans le massif et les steppes aurasiennes mais il notait aussi leur qualité d’hérétiques, car professant l’ibadisme. Il en fut aussi ainsi de certaines oasis, dont Ouargla et ses territoires qui étaient un domaine des Sedrâta ibadites. Sur le bloc généalogique des Masmûda, In Khaldûn nous dit peu de choses des traditions d’origine. Il mentionne les Barghwâta et les Ghmâra. Plus loin, dans son texte, il indique que les Mesfîwa et les Maghus seraient des branches des Asaden (Ibn Khaldûn, trad. Cheddadi, p. 353). Ceux-ci auraient aussi inclus les Ghmâra, les Rehûn et les Amûl. Cette association, que l’on a rappelée dans notre étude des peuplements, semblerait montrer que les Asaden, tribu réduite et confinée à l’époque almohade, aurait eu une grande importance dans des temps anciens. Ces temps furent probablement ceux d’une période préislamique, comme le suggère la désignation de Maghus, les idolâtres, les païens. Sur les Barghwâta, nous avons montré que leurs superstructures sociales étaient étrangères au monde des Masmûda mais que les tribus de second rang devaient appartenir à leur aire culturelle. La qualification de Branes, qui a été donnée aux Masmûda par les généalogistes serait due à un mariage d’un Hilân, descendant de Berr, le fondateur des lignées berbères (Ibn Khaldûn ne précise cependant pas qu’il était de la lignée de Bernès), avec une femme des Masmûda. C’est « depuis cette époque que les Hilâna (les Aylan d’) seraient alliés des Masmûda » (Ibn Khaldûn trad. Chedddadi, p. 353). Les chroniques ne donnent pas d’autres informations sur la généalogie des tribus masmoudiennes et ne rapportent que des noms de leurs composantes, surtout connues depuis l’époque almohade. On ne doit pas quitter cette géographie des généalogies sans mentionner le cas de tribus souvent citées mais qui n’apparaissent liées à aucune lignée généalogique. Ceci est particulièrement le cas de quatre groupements tribaux du Moyen Atlas, les Fandlâwa, les Bahlul, les Fazaz et les Rhiyata. On ne sait pas pourquoi ils furent oubliés par les généalogistes, bien que ces groupements aient été connus. Une interpolation nous interpelle, mais sans vouloir dire grand- chose, celle avec la tradition de tribus anciennement judaïsées que rapporte Ibn Khaldûn (et qu’il est le seul à rapporter) et qui incluait ces groupements. Mais cela n’est pas vérifié pour d’autres tribus, dites judaïsées, comme c’est le cas des Neffûsa, qui n’ont pas été ignorés, et des Madyûna, qui ont été incorporés dans la généalogie des Bnî Faten. Ce parcours géographiques des « blocs généalogiques semblerait bien montrer que l’intuition tardive d’Ibn Khaldûn était justifiée. Les généalogies des groupes ethniques représenteraient bien des territoires de populations. Elles leur auraient donné une représentation imaginaire qui justifiait leur identité. On voit, à cet égard, que les représentations des tribus proches du

176 Revista de Ciencias Humanas y Sociales Grigori Lazarev Généalogies et géographies tribales pastoralisme nomade furent généralement plus élaborées. Mais on voit aussi que pour des raisons de représentation politique, certaines représentations généalogiques furent faussées.

Bibliographie

Cette bibliographie sommaire renvoie à des références qui concernent directement l’article. Une bibliographie plus complète est donnée dans l’ouvrage de G. Lazarev sur « les Populations et territoires du Maghreb ». AL BAKRI, 1040-1094 Kitab al Maghrib fi dhikrbiladIfrikiyawa l Maghrib, Trad De Slane, Description de l’Afrique Septentrionale ; 1911-1913, réed. Paris 1965. BONTE Pierre, Donneurs de femmes ou preneurs d’hommes? Les Awlad Qaylan, tribu de l’Adrar mauritanien, in revue l’Homme, Avril-Juin 1987, (Tribus en Afrique du Nord et au Moyen orient). CHELHOD J., Les structures dualistes de la société bédouine, Revue l’Homme, 1969, n° 9. ------, Le Droit dans la société bédouine. Recherches ethnologiques sur le ‘ orf ou droit coutumier des Bédouins, Petite bibliothèque internationale de sociologie, A. Cuvillier, Paris, 1971. HAMES Constant, La filiation généalogique (nasab) dans la société d’Ibn Khaldûn; in revue l’Homme, Avril-Juin 1987, (Tribus en Afrique du Nord et au Moyen Orient). HART David Montgomery, The AithWaryaghar of the Moroccan Rif ; Ethnography and HistoryViking Fonds des publications en Anthropologie, 1976, USA. Egalement, David Hart, Dadda, Atta and his forty sons, Anthropological Papers, Ann Harbor, University pf Michigan, Anthropological Museum, 1971. IBN ḤAZM, Jamharat al-ansāb al-‘arab, ed. E. Lévi-Provençal, Le Caire, 1948; ed. Dār al- Kutub al-‘Alamī, Beyrouth, 1403/1983; trad. espagnole, E. Terés Sádaba, “Linajes árabes en al-Andalus según la ‘Ŷamhara’ de Ibn Ḥazm”, Al-Andalus, XXII (1956), pp. 55-111 y 337-369. IBN KHALDUN, 1332-1406, Kitab al ‘Ibar. Trad. partielle De Slane, Histoire des Berbères et des dynasties musulmanes, Alger, 1852-1856, 1èreed de Casanova, 1925, Reed. 1968/. Traduction d’Abdeslam Cheddadi (Le Livre des exemples, La Pléiade, Paris 2012. Cette traduction a été faite quelque 120 ans après la traduction de De Slane. ------, La Muqaddima, Nouvelle traduction par Abdeslam Cheddadi, Le livre des exemples, la Muqaddima, La Pléiade, Paris 2002. Autre traduction, V. Monteil, Discours sur l’histoire universelle (Muqaddima), Collection UNESCO des œuvres représentatives, Beyrout, 1967. LAZAREV Grigori, Populations et Territoires du Maghreb, VII°-XI siècle. (En cours de parution, Ed. al Idrissi, Rabat). ------, Les Sanhaja du Maghreb Central au X°-XI° siècle. (Encours de parution, Revue al Irfan, Instituto de Estudios Hispano-Lusos). MATTINGLY D.J., The Laguatan, a tribal confederation in the Late Roman Empire, in Libyan Studies, 14, London, 1983.

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