Alternative Rock Plus Grands Chanteurs De Rock Et L’Un Des Syndicalistes Les Plus Charismatiques
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Alternative 485 Rock Alternative Traduit de l’anglais par Jean-Pierre Pugi Dans les entrailles d’un paquebot transformé en palace, Rock deux hommes pleurent la mort d’un de leurs amis en écoutant le douzième album des Beatles… qui n’a jamais existé. À l’atterrissage de son avion, Buddy Holly ne sait pas qu’il va participer au plus grand concert de sa vie. Elvis le rouge restera dans les mémoires comme l’un des Alternative Rock plus grands chanteurs de rock et l’un des syndicalistes les plus charismatiques. Revenu d’entre les morts, Jimi Hendrix se paye une dernière virée avec un de ses roadies. Difficile de trouver un boulot quand on s’appelle John Lennon et qu’on a quitté un groupe qui a, par la suite, connu un certain succès : les Beatles. Stephen Baxter, Gardner Dozois, Jack Dann, Michael Swanwick, Walter Jon Williams, Michael Moorcock et Ian R. MacLeod nous offrent cinq nouvelles où le rock’n’roll est roi, cinq textes mettant en scène des icônes de la musique du xxe siècle, cinq alternatives à notre triste réalité. A45831 catégorie F7 ISBN 978-2-07-045831-8 -:HSMARA=YZ]XV]: folio-lesite.fr/foliosf Olffen. Illustration de Sam Van A45831-Alternative rock.indd 1-3 27/03/14 14:26 FOLIO SCIENCE- FICTION Stephen Baxter, Gardner Dozois, Jack Dann, Michael Swanwick, Walter Jon Williams, Michael Moorcock, Ian R. MacLeod Alternative Rock Traduit de l’anglais par Jean-Pierre Pugi Gallimard Les nouvelles « En tournée », « Elvis le rouge » et « Un chanteur mort » ont été précédemment publiées aux Éditions Denoël. The Twelfth Album © Stephen Baxter, 1998 ; Touring © Penthouse International, Ltd., 1981 ; Red Elvis © Walter Jon Williams, 1994, publié avec l’accord de l’auteur c/o Baror International, Inc., Armonk, New York, USA ; A Dead Singer © Michael Moorcock, 1974 ; Snodgrass © Ian R. MacLeod, 1992. © Éditions Gallimard, 2014, pour la traduction française. STEPHEN BAXTER Le douzième album Titre original : THE TWELFTH ALBUM Première publication dans Interzone no 130, avril 1998. Dans les profondeurs d’un transatlantique qui ne regagnerait jamais le large – et affligés par la perte de notre ami Sick Note –, nous nous étions, Lightoller et moi, rendus dans les bains turcs à l’abandon pour nous asseoir en tailleur sur un tapis et écouter John Lennon. «P’tain de bordel, laissa échapper Lightoller. C’est “Give Me Some Truth”, le morceau qui se trouve sur Imagine, mais… — Mais quoi ? » Lightoller soutenait avoir relevé des différences dès le premier accord. Ce n’était pas à exclure. Lightoller est comme ça. « Du Lennon pur jus, ajouta-t‑il avec morosité. Il écrit des mesures complètes à partir d’une seule note, d’un unique accord. Il tourne autour des harmonies comme un crabe. Mais… — Mais quoi ? — Où est ce p’tain d’écho ? Lennon a toujours noyésavoixdansl’accompagnement. Là, c’est 10 Alternative Rock trop brut, privé d’artifices. Ça fait plutôt penser aux arrangements de George Martin. » Guère intéressé par ses propos, je me plongeai dans la contemplation du plafond. Des poutrelles dorées sur un fond cramoisi. Nous n’avons jamais su comment Sick Note s’y est pris pour s’aménager des quartiers à bord de ce paquebot, et dans les bains turcs pour couron- ner le tout. Il s’agit d’une enfilade de salles au sol en mosaïque, aux murs carrelés de bleu et aux piliers lambrissés de teck sculpté. Un cauchemar qu’au- rait pu faire la reine Victoria si Rudolph Valentino lui avait pincé les fesses. Pour citer Lightoller, Sick Note avait dû être le meilleur des p’tains de por- tiers de ce p’tain de palace flottant. «Qu’ils aient retenu ce morceau est logique, déclara mon ami. Lennon le leur a proposé lors des séances d’enregistrement de Let It Be,en février 69. C’était leur façon de travailler. Ils tes- taient déjà depuis début 1968 des chansons qui se sont retrouvées sur LetItBeet Abbey Road, quand ce n’est pas sur les albums qu’ils ont enre- gistrés en solo. — Qui a retenu cette chanson, et pour quoi ? — Les Beatles. Pour leur album suivant, le dou- zième. » Comparé à Lightoller et Sick Note, je n’ai abso- lument rien d’un spécialiste. Cependant, je connais suffisamment les Fab Four pour relever une erreur aussi grossière. Le douzième album 11 « Les Beatles n’ont sorti que onze LP, de Please Please Me à Let It Be. — Tu ne tiens compte que des éditions anglaises, rétorqua Lightoller. — C’est évident. — Tu fais par exemple abstraction de l’album Yellow Submarine qui comprenait principalement des compositions et des orchestrations de George Martin, ainsi que de Magical Mystery Tour sorti aux États-Unis ou encore des EP. — Bien sûr ! Mais il n’y a jamais eu de dou- zième album des Beatles. — Pas dans ce p’tain d’univers », rétorqua un Lightoller énigmatique. John chantait toujours, d’une voix puissante et privée d’artifices. Détail amusant, nous avions abordé le sujet des mondes parallèles avant même de trouver cet album dans les quartiers désormais abandonnés de Sick Note, au cœur de ce vieux navire. Tentez de vous représenter la scène. On pourrait assimiler cela à une veillée funèbre : une vingtaine ou une trentaine d’hommes d’âge indéterminé réunis dans la salle du Café parisien du pont B mise à notre disposition par les proprié- taires de ce palace flottant, avec des tonnelles, du lierre en pots et des fauteuils en rotin partout… des individus occupés à boire la bière et le vin qu’ils avaient apportés tout en cherchant vainement des chips de maïs. 12 Alternative Rock « Morgan Robertson, déclara Lightoller en même temps qu’il mâchonnait une bouchée de Monster Munch. — Qui ? — Un romancier. Fin du XIXe siècle. Il a écrit l’histoire d’un p’tain de transatlantique démesuré, plus gros que tout ce qui avait été construit à l’époque. Il y a fait embarquer une flopée de richards débordant d’autosatisfaction avant de l’envoyer percuter un iceberg, par une froide nuit d’avril. Un paquebot qu’il a baptisé le Titan… — J’en ai froid dans le dos, dis-je sèchement. — Dans un autre univers. — Ouais. » Lightoller connaît un tas d’anecdotes de ce genre, et il ne rechigne jamais à les faire partager. Mais ses histoires à dormir debout étaient pour une fois les bienvenues. Ne tentions-nous pas d’oublier que notre ami nous avait quittés ? Les mots ne servent-ils pas à nous distraire, en de telles circonstances ? Assaillis par l’ennui, en proie à des pensées mor- bides et un peu éméchés, nous nous éloignâmes au hasard dans les coursives, à la recherche d’un Sick Note désormais disparu. Nous atteignîmes le pont A en empruntant le grand escalier avec son énorme coupole en verre, ses lambris de chêne, ses balustrades aux volutes de fer forgé, sa pendule murale et ses deux nymphes en bronze. Autant d’éléments décolorés et altérés par de nombreuses restaurations. Comme la tota- Le douzième album 13 lité de ce navire. Comme la ville qui s’étendait au- delà des quais et que nous pouvions entr’apercevoir par les fenêtres : les ateliers et les musées maritimes de l’Albert Dock auquel ce vaisseau resterait à tout jamais amarré, et au-delà le front de mer de Liver- pool, le tout sous un ciel gris de circonstance. Je déclarai que c’était comme s’ils avaient remorqué l’hôtel Adelphi jusqu’à la baie de Liver- pool. Lightoller lança pour sa part une plaisanterie salace se rapportant à notre ami et aux nymphes. Nous poursuivîmes notre descente de l’escalier monumental menant du pont des embarcations aux coursives où logeaient valets et femmes de chambre des passagers de première, pour passer devant la bibliothèque des deuxièmes classes et le salon des troisièmes, avant de nous aventurer encore plus loin vers l’entrepont. Le deuxième morceau était, imaginez un peu, « It Don’t Come Easy ». « Ringo, fis-je. — Ouais. Un single en solo d’avril 71. » Je me concentrai sur l’écoute, sans pouvoir dire s’il s’agissait ou non du même enregistrement. La prise de son n’était-elle pas un peu plus sèche ? « Every Night », le morceau suivant, était inter- prété par Paul : du McCartney qui restait du pur McCartney, pratiquement identique à ce qu’il avait enregistré pour son premier album en solo. « De la soupe sentimentale », commentai-je. Lightoller plissa les sourcils. « Ouvre grand tes 14 Alternative Rock oreilles. Écoute ses enchaînements de mineur à majeur. — Y a pas plus classique. — McCartney réalisait de véritables miracles en jouant sur cette p’tain de structure chromatique. — Je te crois sur parole. — C’est un autre morceau qu’ils ont essayé pour Let It Be.Et… — Et quoi ? — Je crois avoir relevé des paroles supplémen- taires. — Supplémentaires ? » Le morceau suivant avait une mélodie apaisante : « All Things Must Pass » de George Harrison. « Encore une maquette que George avait pro- posée pour Let It Be, déclara avec amertume Lightoller. Et je constate que les autres lui ont de nouveau rappelé quelle était sa place. C’est la pre- mière plage qui lui est attribuée. » Le jeu était simple et raffiné, guère plus qu’une ligne mélodique à la guitare acoustique, plus proche de la démo préparée par Harrison à l’époque des Beatles que de la version de son album solo. Si je ne reconnus pas le morceau suivant, du Lennon, Lightoller ne put contenir sa surexcita- tion. «C’est “Child of Nature”, répéta-t‑il à plusieurs reprises. P’tain de bordel ! Ils l’ont testé pour le White Album,maisLennonl’a conservé afin de l’inclure dans Imagine après leur séparation.