Américanité Et Cinéma Québécois Ce Diable D’Amérique Louise Carrière
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
Document generated on 09/27/2021 8:37 a.m. Ciné-Bulles Le cinéma d’auteur avant tout Américanité et cinéma québécois Ce diable d’Amérique Louise Carrière Volume 14, Number 2, Summer 1995 URI: https://id.erudit.org/iderudit/33804ac See table of contents Publisher(s) Association des cinémas parallèles du Québec ISSN 0820-8921 (print) 1923-3221 (digital) Explore this journal Cite this article Carrière, L. (1995). Américanité et cinéma québécois : ce diable d’Amérique. Ciné-Bulles, 14(2), 40–44. Tous droits réservés © Association des cinémas parallèles du Québec, 1995 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/ Perspective: américanité et cinéma québécois les observateurs: notre cinéma est-il un cinéma de Ce diable colonisé, un de ceux qui ne fait que reprendre l'es thétique, les mythes et le know-how états-uniens, d'Amérique n'en retenant que les signes d'aliénation, contribuant ainsi à appauvrir notre culture nationale? par Louise Carrière Les 20 dernières années ont permis à la critique et aux cinéastes de se prononcer avec passion sur ces enjeux et d'entonner un chant unique sur l'infiltra tion de la culture américaine dans nos films. Cette pénétration culturelle est tantôt associée aux films Américanisation de Gilles Carie, tantôt aux films à gros budgets, aux et culture nationale coproductions ou aux films dits commerciaux de Jean-Claude Lord (Panique, Éclair au chocolat, Cet article est le premier d'une epuis près de 100 ans, le cinéma au Québec Toby McTeague) ou de Jean-Claude Lauzon (Un série de trois sur les rapports a historiquement été confronté avec la proxi zoo, la nuit) et finalement au phénomène plus gé entre la culture américaine et mité américaine. Cette présence a eu des néral de la société de consommation (voir la série le cinéma québécois. D incidences sur la formation du public, ses goûts et, L'Américanité de l'Office national du film). bien sûr, des conséquences sur l'imaginaire des cinéastes québécois et leurs films. La question de Les dernières années auraient vu croître de manière l'identification québécoise, canadienne, «pure laine» négative l'influence américaine dans nos films (se ou «colonisée» des films eux-mêmes s'est posée dans lon les déclarations de Fernand Dansereau, Michael un deuxième temps. Le premier et plus ancien phé Dorland, Micheline Lanctôt, etc.). On a comptabi nomène demeure sans conteste la présence du ci lisé cette percée en montrant le nombre plus élevé néma américain dans nos salles. Dès les années 20 de films américains vus par chaque spectateur qué et 30, des intervenants influents (le clergé, les élites bécois, le goût renforcé de la jeunesse pour le film locales, la critique cinématographique) s'inquiètent américain au détriment des autres cinematographies. de l'impact sur l'identité québécoise de l'attraction cinématographique étrangère (principalement fran On a donné comme exemple de cette assimilation çaise et américaine). Il n'est pas encore question du culturelle celui des coproductions où l'identité qué cinéma québécois, presque inexistant. On se de bécoise se dilue dans la volonté d'internationalisme mande alors laquelle de ces deux cultures cinéma pour donner souvent des produits insipides et édul- « Comme disait l'autre, en l'oc tographiques doit-on privilégier pour la «survie de corés. Aucune analyse, à notre connaissance, n'a currence Benoît Melançon, la race» canadienne-française et catholique. repéré dans l'histoire du cinéma québécois les dans un article à propos de la série télévisée de Ken Burns signes bénéfiques de cette présence américaine, en sur le passe-temps national des En général, les valeurs véhiculées par le cinéma fran core moins a-t-on pu déceler de véritables analyses Américains, il y a ceux qui çais sont perçues comme positives et la de cette américanisation, tout au plus de nombreux aiment le baseball et ceux qui cinématographie américaine, malgré ses qualités jugements de valeur. ont tort de ne pas l'aimer. Éten dons la boutade à l'ensemble indéniables, est jugée «moralement» dangereuse de la culture américaine et le (protestantisme, violence, liberté sexuelle, etc.) pour Pourtant, à la lumière des dernières années, un petit monde se divise alors entre les valeurs dites authentiquement québécoises (fa nombre de critiques commence à poser l'identifica ceux qui défendent celle-ci et mille, religion catholique, langue française, patrie, tion québécoise en cinéma, non plus simplement en ceux qui ne font pas la diffé amour de la terre). Cette tradition critique d'identi matière de fusion à la culture américaine ou étran rence de toute façon. J'enten dais cette semaine quelqu'un fier l'emprise étrangère comme essentiellement gère, mais en matière de «métissage». Des films qui mentionner qu'au Québec américaine et, par le fait même négative, perdure «se caractérisent par des fusions et des mélanges du 85 p. 100 des écrans étaient ré jusqu'à aujourd'hui: le cinéma américain est perni cinéma direct documentaire et du cinéma de fiction; servés à des films américains cieux et son influence contamine nos propres films. ils brassent des éléments de culture nationale et ceux alors qu 'ailleurs au Canada le d'autres cultures, puisés dans l'immigration au Qué pourcentage passait à plus de 1 99 p. 100. L'américanité de Depuis 1960 surtout, les cinéastes québécois ont pré bec ou à l'étranger ...» Ce mélange de textures et "notre " identité culturelle est senté sur le plan allégorique ou dans leurs documen d'hybridation, s'il est plus facilement repérable dans devenue au mieux un poncif, au taires les nombreux signes de cette présence «étran les docu-drames et les films-confessions, est plus pire un fait absolu.» difficile à cerner dans les films de fiction et dans le (Robert Saletti, «L'appel des gère» sur la vie québécoise. Mais au-delà de ces États», le Devoir, 15 avril signes recherchés et révélateurs de la présence améri développement du cinéma québécois dans son en 1994, p. D-4) caine, une question demeure lancinante pour tous semble. Un des meilleurs exemples de métissage Vol. 14 n° 2 OHE3ULLES 40 Perspective: américanité et cinéma québécois culturel en cinéma figure dans l'œuvre de Gilles produits culturels autrement que par le rappel de leur Carie, de Red en passant par les Mâles, Fantastica nombre et de leur nocivité. Jacques Godbout et et les Plouffe. Le métissage pourrait aussi signaler Claude Jutra ont été parmi les premiers à s'intéres une intégration positive d'éléments reliés aux ap ser aux courants de changement soufflant de la Ca ports culturels américains et européens. Essayons lifornie (Comment savoir de Claude Jutra sur les donc une percée dans cet univers controversé de la nouvelles techniques scolaires et Comme en Cali présence américaine dans le cinéma québécois. fornie de Godbout sur le rôle du nouvel âge californien). Godbout encore et Herménégilde U.S. qu'on s'en va? Chiasson se sont respectivement penchés sur la place de deux écrivains américains dans le panorama lit Le paysage américain ou l'actualité américaine se téraire, Jack Kerouac (le Grand Jack) et Will Ja trouvent parfois directement dans le cinéma québé mes (Alias Will James). Godbout rappelle l'origine cois documentaire ou le film-confession. Québec- bien québécoise de ce Dufault devenu rancher dans U.S.A. de Claude Jutra et Michel Brault et Voir le Montana, qui troque son identité canadienne con Miami de Gilles Groulx sont sans contredit les pre tre celle bien mythique du cow-boy-écrivain. Un dé miers coups d'œil québécois sur ce phénomène gran raciné qui contrairement aux ouvriers forcés de s'exi dissant et délicat de l'attraction culturelle américaine. ler (les Tisserands du pouvoir de Claude Fournier) Il est intéressant de saisir qu'un des premiers sujets fera fortune: une «trahison» payante. de cette équipe de cinéastes naissants concerne la culture américaine, le monde de la boxe, de la pu Dans ce panorama, il faut donner une place particu blicité, des autoroutes. À la même époque, Lonely lière au film de Luce Guilbault et Nicole Brossard, Boy de Roman Kroitor présente le chanteur cana Some American Feminists, qui analyse le rôle des dien Paul Anka en tournée américaine; pour lui, féministes américaines, théoriciennes et activistes Yamerican way of life est devenue réalité, son gé dans le combat pour l'émancipation des femmes. Le rant, les photographes et ses admiratrices du chic Copacabana Club de New York se chargent de le lui rappeler. La suite des années 60 et 70 sera pauvre en référen ces directes à l'Amérique, comme s'il fallait nier cette proximité américaine; les rares connotations et références à l'Amérique seront allusives et tou jours ponctuées de rejet. Tout l'accent est mis sur l'aliénation culturelle américaine. Jusqu'aux années 80, se concentrer sur la québécitude francophone semble être la seule façon de contrer ou d'aborder le phénomène. Les cinéastes, bien des années après le texte de Fernand Dansereau sur le «cinéma québé cois colonisé», continuent d'opposer les États-Unis au Québec, et de montrer que l'un doit nécessaire ment ingurgiter l'autre: «Voisins immédiats, le Ca nada et le Québec se retrouvent une fois de plus dans la délicate situation de la "souris dans le lit de l'élé phant".