La Langue Gauloise
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LA VOCATION DE L’ARBRE D’OR est de partager ses admirations avec les lecteurs, son admiration pour les grands textes nourrissants du passé et celle aussi pour l’œuvre de contem- porains majeurs qui seront probablement davantage appréciés demain qu’aujourd’hui. Trop d’ouvrages essentiels à la culture de l’âme ou de l’identité de chacun sont aujourd’hui indisponibles dans un marché du livre transformé en industrie lourde. Et quand par chance ils sont disponibles, c’est financiè- rement que trop souvent ils deviennent inaccessibles. La belle littérature, les outils de développement personnel, d’identité et de progrès, on les trouvera donc au catalogue de l’Arbre d’Or à des prix résolument bas pour la qualité offerte. LES DROITS DES AUTEURS Cet e-book est sous la protection de la loi fédérale suisse sur le droit d’auteur et les droits voisins (art. 2, al. 2 tit. a, LDA). Il est également pro- tégé par les traités internationaux sur la propriété industrielle. 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Dottin renferme tout ce que nous savons de la langue gauloise, c’est-à-dire de la langue parlée dans la Gaule, il y a deux mille ans, par les peuples qui s’appelaient les Gaulois. Ce que nous savons de cette langue est malheureusement fort peu de chose : quelques mots, conservés par les Anciens ; beaucoup de noms propres, dont le sens est souvent douteux ; un lot assez restreint d’inscriptions, plus faciles à déchiffrer qu’à traduire. Si le vocabulaire ne nous est point inconnu, la structure de la langue, qui est l’essentiel, nous échappe à peu près complètement. Ce livre, si copieux soit-il, n’est donc qu’un monument d’attente en vue d’un avenir qu’on a le droit d’espérer. Je dis qu’on a le droit d’espérer un avenir qui nous fera connaître, de la langue gauloise, beaucoup de ce que nous ignorons. La ma- nière dont nous avons appris ce que nous savons d’elle est, en effet, une très sûre garantie que des faits nouveaux et importants vien- dront, à très bref délai, satisfaire notre curiosité scientifique. Regar- dez, dans le livre de M. Dottin, l’ignorance en laquelle, au XVIe siècle, on vivait de la langue gauloise ; l’étonnement dans le- quel, il y a moins d’un siècle, la découverte des premières inscrip- tions celtiques plongea nos plus anciens maîtres ; la surprise et la joie à moitié délirante où nous mit, il y a moins de vingt-cinq ans, le calendrier de Coligny ; la stupeur avec laquelle on accueillit, quel- ques années après, la tablette magique de Rom, la première inscrip- tion renfermant quelques phrases en langue celtique. Si le livre de M. Dottin avait été composé en 1880, il n’eût pas eu vingt pages. Il en a plus de deux cents, dont pas une n’est inutile. L’enrichissement rapide de nos connaissances nous fait présager de très glorieux len- demains. On peut dire que ce livre travaille surtout pour annoncer et hâter l’avenir. 3 PRÉFACE Voilà pourquoi nous avons été heureux que M. Dottin consacrât une très longue partie de son livre à des études historiques sur l’érudition ès lettres celtiques. D’abord, l’histoire de cette érudition est un chapitre de l’humanisme, de l’esprit scientifique, ou, plutôt, de l’acheminement progressif de l’esprit vers des conclusions scien- tifiques, et rien de ce qui touche aux efforts intellectuels de nos an- cêtres ne doit nous être indifférent. Puis, M. Dottin nous montre les erreurs qu’on a commises dans la méthode ou dans les conclusions, et connaître des erreurs c’est se rapprocher de la vérité. Enfin, il y a pour nous un encouragement à constater tout ce que l’on ignorait il y a cent ans, à mettre en regard tout ce qu’on sait aujourd’hui : il ré- sulte beaucoup de réconfort de ces chapitres rétrospectifs, et, même en matière scientifique, l’espérance est un gage de progrès. Nous savons gré à M. Dottin de n’avoir point été méprisant à l’endroit des modestes ou audacieux chercheurs qui, dans les temps passés, ont émis sur la langue celtique tant d’étranges hypothèses. Leurs besognes n’ont pas été inutiles ; elles ont attiré le monde sa- vant vers les questions de nos origines linguistiques ; et à travers mille erreurs il reste toujours une part de vérité. Plus nous saurons sur la Gaule d’autrefois, plus nous serons indulgents pour les ini- tiateurs, depuis Ramus jusqu’à Le Brigant, et il n’est pas jusqu’au faussaire Annius de Viterbe qu’il faille se garder de négliger : je suis convaincu, pour ma part, qu’il a eu sous les yeux des documents, en particulier des scholiastes, qui nous manquent et qui auraient une valeur réelle. Ramus, tout différent de lui, est la droiture, la cons- cience, la sécurité même et il n’allègue rien, sur les Gaulois, qui ne soit dans les textes ; celui-ci est un modèle, du genre de Tillemont, et dont l’exemple est toujours à méditer. Le Brigant est, lui, le type de la hardiesse, j’ose dire de l’imprudence, presque démesurée dans l’hypothèse, le type de la demi-science appliquée aux plus dé- concertantes visions ; et cependant, tout n’est point ridicule chez lui, par exemple dans sa prétention à voir en son nom de Le Brigant la survivance d’une population maîtresse de tout l’Occident : car, précisément, le radical brig- est un des radicaux les plus universelle- ment répandus dans cet Occident au troisième millénaire avant le 4 PRÉFACE tuel ; il est, ce radical, une des preuves les plus nettes qu’une seule, et même langue était parlée entre les Sierras et le Danube, les Apennins et la mer d’Écosse, et il y a une intuition de l’avenir scientifique dans les élucubrations de Le Brigant. Je cite à dessein ces trois noms comme représentant chacun une modalité de la vie scientifique d’autrefois : le pastiche, la conscience, l’imagina-tion. Malgré les moissons qui nous attendent, il est certain que la lan- gue gauloise demeurera éternellement une sacrifiée dans la science des langues d’autrefois. Il nous manquera toujours, pour la connaî- tre, ce que nous savons des langues ses contemporaines, le latin ou le grec, il nous manquera la littérature, poétique ou en prose, c’est- à-dire ce qui nous aiderait le mieux à apprécier sa structure pro- fonde, sa valeur intellectuelle, son rôle comme instrument de l’esprit humain. Les plus longs documents que nous pouvons espé- rer d’elle ne seront jamais que des documents épigraphiques, statis- tiques, textes juridiques, graffiti populaires. Victime, la langue gauloise le restera donc. Nous serons tentés toujours de méconnaître les services qu’elle a rendus à la civilisa- tion. Je dis services et civilisation, non pas parce que j’écris sur terre qui fut gauloise, non pas par chauvinisme rétrospectif, mais par conviction absolue. C’est être mauvais savant et piètre historien que de juger les choses d’autrefois uniquement d’après ce qui nous reste d’elles, il faut voir aussi leur place dans le monde, il faut, si hardie que soit cette expression, il faut deviner ce qu’elles ont valu, je dis deviner par la réflexion. Voici une langue, la langue gauloise, dont le domaine a été presque aussi étendu que celui du latin ou que celui du grec. Elle a été parlée du pied des monts Grampians jusqu’au sommet des Apennins, des bords de l’Elbe aux bords du Danube ; on l’a comprise près du Bosphore et sur l’Ida de Phrygie : et vous ne voulez pas croire que cette langue a joué dans l’histoire du monde un rôle à peine inférieur au rôle du latin et du grec, elle qui a servi de lien et de communion aux pensées et au commerce de près de cent millions d’hommes? — Oui ; mais il ne nous reste rien 5 PRÉFACE d’elle. — Disant cela, vous dites une double injustice. D’abord vous transformez en motif de condamnation le résultat d’un hasard. Et ensuite vous oubliez que si elle n’a rien laissé, ce n’est pas parce qu’elle n’a point produit. Je le répète avec tristesse et colère : misé- rables sont les historiens qui ne comprennent le passé que par les restes de ce passé : ils le tuent, si je peux dire, une seconde fois. La langue gauloise a eu le grand tort, qu’elle a partagé avec l’indo- européen primitif, de ne pas être une langue écrite ; les Celtes trou- vaient plus beau, plus noble, plus pieux, de parler, d’entendre et de se souvenir.