guide des vallées occitanes de la province de

NUOVO, DA SEMPRE. La ligne verte délimite la partie du territoire qui est de compétence de l’A.T.L. du Cuneese. INDEX

L’Occitanie page 3 Bienvenus dans les vallées occitanes de la Province de Cuneo ! »4 L’Occitanie à pied »5

VALLÉES PÔ, BRONDA, INFERNOTTO »6 Les noms du Mont Viso » 7 Du Mombracco au Buco di Viso » 8 À la découverte de la haute vallée » 9 Peintres en route » 10 Foi religieuse et légendes » 11

VAL »12 Artisanat “solaire” » 13 Sous le Col de l’Agnel » 14 et le bois de l’Alevé » 15 Poésies et rubans colorés » 16 Lys et dauphins » 17 Mistà et danse » 18 Les sons de la vallée » 19

VAL MAIRA »20 Une anglaise à » 21 Grands maîtres » 22 Les ciciu du Saint » 24 Musées de vallée » 26 Dans le village de Matteo Olivero » 27 Manger d’oc » 28 Un “espace”tout occitan » 29

VALLE GRANA »32 Fromage » 33 Sanctuaire de Castelmagno » 34 Novè »36 Fêtes à Coumboscuro » 37 Sur les traces de Pietro » 38 : soie, musique et art » 39

VALLE »42 Musées d’altitude » 43 en mouvement » 44 Frontières de beurre » 45 Mémoires des Alpes en guerre » 46 Les merveilles de Pedona » 47 Parcours littéraires et légendes » 48 VALLE GESSO page 52 L’ours et le seigle » 53 Mémoires royales à et » 54 Sur les traces des loups et des gypaètes » 57 Le Parlate, théâtre d’oc » 58 Gastronomie de vallée » 59 Histoire de bergers migrants » 60

VAL »62 Les Forts de » 63 Ubi stabant cathari »64 Pinocchio à » 65 Le génie de Nòto et Jòrs »66 Paille poésie paroles » 67

VALLÉES AUX PIEDS DE LA BISALTA »68 Stations botaniques » 69 La chartreuse dans les bois » 70 Collection photographique au Parc » 71 Hommes illustres à » 72 Musique nouvelle avec les Gai Saber »73

VALLÉES DU KYÉ »74 Présentation » 74 Itinéraire partisan » 75 Montagnes trouées et métiers d’antan » 76 L’art de Giovanni Mazzucco » 77 Civilisation et goûts de l’alpage » 78

BRIGASCO »80 Un sanctuaire du néolithique » 81 Forêts et villages archaïques » 82 Paradis des spéléologues et des botanistes » 83

Adresses Utiles »84

CRÉDITS Rédaction des textes : Introduction, Valli Po, Bronda, Infernotto,Valle Varaita,Valle Maira, Valle Gesso par Leda Zocchi (Ass. Arealpina);Valle Stura,Valle Grana,Valle Vermenagna, Valli della Bisalta,Valli del Kyè,Valli del Brigasco par Fredo Valla (Ass. Arealpina) Matériel photographique : A.T.L. del Cuneese, C.M.Valli Po, Bronda, Infernotto, C.M.Valle Varaita, C.M.Valle Maira, C.M.Valle Stura, C.M.Valli Monregalesi, C.M. Alta Val Tanaro, Ass. Culturale Il Marcovaldo, Chambra d’Oc, Coumboscuro Centre Prouvençal, Espaci Occitan, Parco Naturale Alpi Marittime, Parco Naturale Alta Valle Pesio e Tanaro,Terme di Vinadio, Tiziana Aimar, Elisa Bono, Massimiliano Fantino, Roberto Gaborin, Laura Martinelli, Daniela Salvestrin, Marco Toniolo Projet graphique : Madisonadv - Cuneo - www.madisonadv.it Impression : TEC Arti Grafiche - - www.tec-artigrafiche.it Traduction : Europa 92 - [email protected]

2 3 L’Occitanie

L’Occitanie est un des plus vastes espaces linguistiques européens. Elle s’étend sur trois états, Italie, France, Espagne, avec une superficie d’environ 200.000 km2 et une population qui dépasse les 10 millions d’habitants. En Italie,outre que dans les Vallées Occitanes Piémontaises des provinces de Cuneo et ,on trouve des communautés occitanes en Ligurie,à Triora et à Olivetta San Michele. On trouve une île linguistique occitane d’ancienne émigration en Calabre, à Guardia Piemontese. Le nom Occitanie est très ancien: il remonte au moins au XIVème siècle, il est cité dans différents documents. Au Moyen-Âge la poésie des troubadours donna lustre à la langue d’oc, qui eut prestige même hors de son territoire : en Galicie, Catalogne, Italie, Allemagne, Hongrie. Dante Alighieri, par exemple, l’estima beaucoup : dans le « Convivio » (I, 13) il raconte du « précieux parler de Provence » et dans la Divine Comédie (Purgatoire, chant XXVI) il emploie l’occitan pour faire parler le troubadour Arnaud Daniel, défini « le meilleur forgeron du parler maternel ». En époque moderne, le poète provençal Frédéric Mistral (1830 -1914) a obtenu le Prix Nobel pour la littérature (1904) pour son oeuvre en occitan. Bienvenus dans les Vallées Occitanes de la Province de Cuneo!

Nous nous trouvons sur l’extrême bord oriental de l’Occitanie, territoire linguistique qui se trouve en grande partie dans le sud de la France et qui s’étend jusqu’à la petite vallée d’Aran en Catalogne (Espagne).Ici chez nous, l’Occitanie, avec ses treize vallées dans le territoire piémontais, avec son paysage âpre de montagne, se diversifie du reste du territoire occitan. En arrivant de la plaine du Pô, les vallées s’ouvrent en éventail vers l’ouest : la couronne des sommets fermant l’horizon se teint d’un rose pâle aux premières lueurs du matin et disparaît en contre-jour dans le ciel du soir. Pendant longtemps, les vallées sont restées peu accessibles et elles ont développé des spécificités,aussi bien dans la langue que dans les traditions. Mais ceux qui pensent à ces lieux comme à des mondes isolés se trompent : les sentiers et les routes ont sans cesse été parcourus,depuis le Moyen-Âge, d’un versant à l’autre, aussi bien sur le territoire aujourd’hui italien, que sur le territoire français.La preuve en est la langue d’oc qui unit ces gens,le legs artistique des peintres qui y ont opéré, les métiers itinérants qui portaient les gens de la mer Méditerranée à la montagne, d’une vallée à l’autre, des montagnes à la plaine du Pô et au-delà. Les montagnes demandent un pas lent et constant pour monter vers le sommet. Il faut cette même patience pour découvrir, dans les villages, dans les faubourgs, dans les petites vallées latérales, les beautés de ce territoire qui demande d’être parcouru sans être pressé,avec un regard attentif et un pas silencieux afin d’apprécier la nature du lieu et les signes des hommes qui ont essayé d’y vivre. Les treize vallées conservent un patrimoine de beautés naturelles et géologiques, de phénomènes karstiques, de flore et de faune, de culture architecturale,musicale,littéraire,de traditions culinaires.Malheureusement, à cause du dépeuplement vécu depuis la fin de la deuxième guerre

4 5 mondiale, le maintien de ces richesses est confié à un nombre bien trop exigu de personnes. Souvent les prés laissent la place au maquis, les chevreuils et les sangliers reprennent pour eux les terrains destinés aux jardins potagers. Une nouvelle conscience du respect et de la tutelle, aussi bien de l’environnement que des traditions, a fait en sorte que des parcs naturels ont été constitués et des musées du territoire ont été édifiés pour conserver la mémoire de ce qui a été et réaffirmer que la montagne est une richesse que nous ne devons pas laisser nous échapper (Infos: www.chambradoc.it/cmgv/progettocmgv.page).

L’Occitanie à pied

En septembre 2008 un parcours de 60 étapes a été inauguré,appelé Occitania a pè. Le départ est à Vinadio dans la Valle Stura et l’arrivée à Vielha dans la Vallée d’Aran. L’itinéraire franchit les Alpes et les Pyrénées, il se déploie entre collines et vallées, il traverse des localités historiques et transmet l’émotion de la poésie des troubadours et d’une langue qui est patrimoine de l’humanité (Infos: www.chambradoc.it/LeAdesioni.page).

Le drapeau de l’Occitanie Vallées Pô, Bronda, Infernotto

La Valle Pô est une des plus courtes vallées occitanes. Placée au centre de l’éventail formé de façon idéale par ces vallées, en quelques dizaines de kilomètres on atteint 3841 m d’altitude avec la cime du Mont Viso qui domine l’horizon vers ouest. On trouve ici la partie la plus haute du « Parco del Po » sur le territoire de Cuneo. Il a été édifié pour protéger les sources du Pô, la flore et la faune caractéristiques de l’espace alpin, mais aussi du milieu humide, qui avec les tourbières caractérisent certains de ces hauts plateaux. Déjà, à une époque reculée, la vallée a connu des habitats, dont il reste encore les gravures rupestres qui nous parlent d’hommes et de femmes en prière vers le soleil, la lune, les étoiles. Certaines des plus significatives se trouvent sur le Mombracco, montagne à la forme arrondie caractéristique, qui ferme la vallée dans la partie la plus basse. On peut voir d’autres témoignages (coupelles) sur le versant opposé de la vallée à Bric Lombatera. De nombreux sites nous parlent de la civilisation paysanne et pastorale,des guerres de religion qui n’ont pas épargné la vallée Pô, de la dévotion religieuse qui a laissé des niches votives, des chapelles et des lieux de culte dans les points les plus beaux de la vallée, comme le Sanctuaire de San Chiaffredo. Dans la Vallée Pô le monachisme médiéval a deux sites remarquables, à Staffarda et à . L’histoire a marqué ces lieux même plus récemment,dans la Valle Infernotto et dans la haute Valle Pô la guerre partisane a commencé immédiatement après le 8 septembre 1943. Certains sentiers que l’on parcourt encore aujourd’hui ont été utilisés par les partisans, et encore auparavant par les caravanes du sel, les émigrants, les pèlerins et des ciseleurs de pierres.

6 7 Les noms du Mont Viso

Le Mont Viso a toujours suscité chez les gens qui l’ont admiré de loin et de près une certaine crainte révérencielle, si bien que les anciens croyaient que c’était la montagne la plus haute du monde. Il est cité par Virgile dans l’Énéide,comme Vesulus. Dante,Pétrarque et Léonard de Vinci nous racontent aussi l’étonnement que suscitait le Mont Viso. G. Chaucer le cite dans les « Récits de Canterbury » et Stendhal dans « la Chartreuse de Parme ». Le Mont Viso a été escaladé pour la première fois par l’anglais Matthews en 1861 et en 1863 par Quintino Sella qui a décidé là de fonder le C.A.I. (Club Alpin Italien). Aujourd’hui la volonté de reproposer les anciens sentiers qui traversent les bois et les bourgs, qui relient les pâturages et les chalets, ouvre de nouveaux horizons pour un tourisme à mesure d’homme. “ Orizzonte Monviso” est un circuit dans la Haute Valle Pô avec des déviations pour découvrir les réalités historiques et artistiques cachées (Infos: Ufficio Turistico Valle Pô / Comunità Montana - www.vallipo.cn.it - www.chambradoc.it//paesana.page).

Le Mont Viso Du Mombracco au “Buco di Viso”

On accède au Mombracco des communes de ,de Rifreddo,de Paesana, de Barge, d’ et de . Cette formation géologique particulière, caractérisée par sa forme à coupole,est appelée aussi Montagne de Léonard, car le génie italien parla avec admiration de ses carrières de pierre. Encore aujourd’hui la montagne est exploitée pour sa célèbre quartzite rose, dont on peut voir l’extraction sur le sommet. Un circuit,appelé « Sentier de Léonard »,permet de retrouver,à mi-côte sur des rochers qui dominent la vallée,des gravures et des coupelles préhistoriques.En effet,le Mombracco a été habité depuis le néolithique,la présence de grottes et d’abris sous la roche offrait un refuge aux bergers et à leurs familles.Le dernier de ces abris, habité jusqu’aux années 60 du siècle passé, est Balma Boves, dans la commune de Sanfront. Depuis peu les maisons ont été transformées en musée du territoire.Ici sont conservés les outils et les instruments utilisés par la civilisation paysanne qui vivait de l’élevage des moutons et de la cueillette des châtaignes, avec de petits jardins potagers sur les versants en dégradés (Infos: www.marcovaldo.it). En remontant la vallée, on côtoie le Pô. Ici, il coule encore impétueux et reçoit son premier affluent, la Lenta, qui descend d’. On arrive ainsi au dernier village de la vallée :.Une route en lacets mène jusqu’à Pian del Re (en été elle est partiellement fermée pour éviter un excès de véhicules dans la partie haute du Parc du Pô et on peut la parcourir avec un bus navette pratique).Le Pô, naît sous un des énormes rochers descendus du Mont Viso, il parcourt ses premiers mètres là où s’étend la tourbière dans laquelle vit la salamandre noire, symbole de ce territoire. De Pian del Re de nombreux sentiers mènent aux sommets environnants,Mont Viso,Punta Roma,Punta Udine et Granero et aux lacs qui s’étendent à leurs pieds. En partant du Pian del Re,un sentier mène au Buco di Viso,le premier tunnel des Alpes, qui remonte à 1478, lorsque le Marquis de pour augmenter la puissance du commerce du sel qui arrivait du delta du Rhône, a décidé de faciliter le parcours des caravanes et de créer un passage plus sûr et plus bref sous le Col delle Traversette.Le tunnel a été achevé en quelques années. Malheureusement la décadence du Marquisat et les hivers plus rigides des siècles suivants ont rendu le Buco di Viso moins fréquenté. C’est seulement récemment que le passage a été rouvert,bien que l’accès soit en partie difficile sur le versant français à cause d’un éboulement déblayé partiellement.

8 9 À la découverte de la haute vallée

À Crissolo se dresse le Sanctuaire de San Chiaffredo,en occitan Chafre,Jaufre au moyen âge. La fête du saint se célèbre en septembre.La tradition identifie Chiaffredo avec un soldat romain de la Légion Thébaine, comme ses compagnons d’armes Maurice,Magne,Ponce,Dalmas,Constant,Maure,Pancrace,les saints typiques de la montagne occitane. Certains se sont enfuis vers les vallées du Mont Viso, où Chiaffredo, poursuivi par les païens, a subi le martyre. Les nombreux ex-voto exposés dans le Sanctuaire racontent les guerres,les douleurs et les espoirs du peuple de ces montagnes. Le cycle de la vie, le travail des champs, l’étable, l’école, les traditions sont illustrés dans le Musée Civique Ethnographique d’ (Infos : Commune d’Ostana tél. +39.0175.94915 - www.reneis.org), avec des outils, des objets, des reconstructions de pièces et photographies avec explication en occitan et en italien. À ne pas perdre, en juin, la présentation des cahiers thématiques du Musée, par l’Association « I Rënéis ». À Ostana, les initiatives communautaires sont multiples : fêtes champêtres, chants choraux, concours de littérature, rassemblements des alpins, expositions photographiques et soin de l’environnement. Un travail attentif qui a transformé le village en un laboratoire d’architecture alpine. Pour ces caractéristiques, Ostana a reçu la reconnaissance « I borghi più belli d’Italia » (les plus beaux bourgs d’Italie). Sur la droite de l’axe de la vallée, Oncino a été pendant des siècles la commune la plus importante de la haute vallée,grâce à ses pâturages et à ses nombreux bovins. Au moyen-âge les moines de Staffarda y menaient les troupeaux au pâturage.Le premier refuge du Club Alpin Italien a été construit prés du lac de l’Alpetto, aujourd’hui complété par un nouvel édifice. Sur les crêtes il y a le Buco delle Fantine, petites fées poilues,mais besogneuses et très propres,qui au matin faisaient la lessive et de leurs maisons les montagnards pouvaient voir leur linge étendu à sécher. De nombreux sentiers qui franchissent la crête vers la Valle Varaita partent d’Oncino. Peintres en route

Les villages et les bourgs de la Valle Pô cachent de petits trésors d’art populaire. Un artiste original œuvra entre le XVIIIème et le XIXème siècle : il signait Giors Boneto pitore de Paizana, (peintre de Paesana) du nom de son village natal.C’était un peintre itinérant, exposant de cette lignée d’artistes paysans qui peignaient à fresques des sujets sacrés sur les niches votives et sur les façades des maisons en échange d’un peu d’argent, souvent de la seule hospitalité. Giors Boneto a peint sa Valle Pô natale jusqu’aux versants de la Bisalta. Sa connaissance de la technique de la fresque était profonde et s’accompa- gnait d’une vaste gamme de sujets : saints, Vierges, Christ en croix, dépositions, chérubins, séraphins… Son style naïf, mais personnel, est reconnaissable à distance des siècles. Dans la Haute Vallée,on peut voir les oeuvres de Boneto à Crissolo,à Oncino, à Ostana et à Paesana : 44 fresques signées ou attribuées à partir de 1780. Ses oeuvres que l’on retrouve dans la basse Valle Pô et dans les vallées voisines Varaita et Maira sont encore plus nombreuses. Nous devons au chercheur Gianni Aimar, le recensement et le catalogage de l’oeuvre de cet artiste. Par contre, Giovanni Borgna « Netu » (1854-1902) est un peintre de bonne école académique. À Martiniana Pô, on trouve sa maison natale, avec la plaque commé- morative sur la façade,et la tombe de famille peinte à fresque par lui même. Borgna a grandi sur les bancs de l’Académie des Beaux arts de Turin, il a affronté des cycles de fresques complexes et difficiles dans les chapelles et les églises des vallées, de la plaine voisine, jusqu’à l’ouest de la Ligurie. Dans la Valle Pô, on peut admirer son oeuvre à Pratoguglielmo, Paesana, Sanfront,Envie,Calcinere,Rocchetta.En regardant la liste des localités et des oeuvres peintes dans sa brève carrière, on est émerveillé par l’activité frénétique du peintre : il y a plus de quarante lieux dans les provinces de Cuneo,Imperia,Savone,Turin et Asti qui conservent des fresques de l’artiste.

10 11 Foi religieuse et légendes

Staffarda, Rifreddo, Revello et Barge ont été le siège d’abbayes qui sont aujourd’hui parmi les monuments médiévaux d’importance notoire et dont la visite nous transporte à l’époque d’or du Marquisat de Saluzzo. Le monastère de est encore plus ancien, il a été fondé par les Lombards,et fut asile de Béatrice,la fille du roi Desiderio.Les moines dictèrent pour elle une épigraphe inspirée aux vers de Virgile. L’importance de Pagno diminua à partir de 825 lorsque l’abbaye fut confiée à l’abbé de la Valle de Susa della Novalesa. Après l’an mille, à la fin des incursions sarrasines, la famille des marquis contribua à la fondation de nouveaux centres monastiques. Au XIIème siècle Manfredo Ier de Saluzzo appela les cisterciens à Staffarda, entre Saluzzo et Revello. L’abbaye élargit ses possessions : un inventaire de la seconde moitié du XIIème siècle révèle la consistance de son scriptorium, comprenant d’importants codes enluminés. Par la suite, les marquis patronnèrent la création à Rifreddo du monastère féminin de Santa Maria della Stella,dont on peut encore voir la façade de l’église et quelques murs avec de précieux ouvrages de décoration en terre cuite. À Revello, en 1291, Tommaso Ier de Saluzzo et sa femme Aloisia di instituèrent le monastère des dominicaines de Santa Maria Nova.Un monastère (le couvent de la Trappe) fut élevé au XIIIème siècle par les Chartreux sur le Mombracco. Aujourd’hui l’héritage des abbayes du Marquisat est recueilli autour du nouveau monastère cistercien de Pra d’ Mill, plongé dans les bois de châtaigniers sur les montagnes de (Infos : www.dominustecum.it). La christianisation du territoire, visible dans les églises, chapelles et centres monastiques, cache des croyances plus archaïques. La mythologie des anciennes sociétés agro-pastorales a survécu sous forme orale avec des personnages surnaturels, certains bénins, d’autres épouvantables. Outre les fantine (fées) de la haute vallée, qui ont enseigné aux femmes à tisser et à coudre,les masche (sorcières) poilues et taquines des grottes du Mombracco, les légendes parlent d’un zoo fantastique.Il va du chat pitois,avec les yeux de feu, au serpent à la crête d’Envie, à l’oiseau pitapenas des villages de l’Infernotto,au terrible ravas,le mangeur d’hommes qui vivait dans une grotte dans les bois de Barge, dans une localité où au Moyen-âge une chapelle intitulée à la Madonna della Rocca a été édifiée. Val Varaita

La Val Varaita est traversée par l’ancienne route pour la France qui mène au Col de l’Agnel. Elle s’étend de à Chianale. Le centre de la vallée est Sampeyre, c’est-à-dire Saint Pierre, de Peire en occitan. La Baio de Sampeyre est un évènement de grand attrait : elle se célèbre tous les cinq ans, pendant les jours du carnaval, pour rappeler l’expulsion des Sarrasins de la Val Varaita, qui selon la tradition a eu lieu vers l’an mille. Des centaines de figurants participent au défilé, organisés comme une armée avec des commandants, des gardes, la cavalerie, des fantassins et les sapeurs qui abattent les barrières de troncs laissées par les Sarrasins en fuite et des drapeaux (exposés dans le Musée ethnographique - Infos : www..sampeyre.cn.it).Même les rôles féminins sont interprétés par les hommes. Le tout dans une explosion de rubans brodés à fleurs, de rosaces et de cocardes de soie, accompagnés par les musiques et les bals occitans. À , Blins, plus haut dans la Val Varaita, la Baio se célèbre tous les trois ans. Le cérémonial renvoie aux mythes du printemps et du soleil, propres des communautés agricoles archaïques avec leurs symboles de fertilité,alors qu’est presque absent l’aspect militaire caractéristique de la Baio de Sampeyre. Une Baio mineure se célébrait aussi à San Maurizio de . À Sampeyre,Casteldelfino et le développement touristique des années soixante a en partie altéré l’architecture originale, mais les édi- fices historiques des villages et des hameaux montrent encore la vaste variété de solutions architecturales du passé. Dans la localité Tè-Nòu, au dessus de Torrette de Casteldelfino, prés d’un mélezier, s’élève l’unique hameau avec les toits partiellement couverts de bardeaux (petites planche de mélèze). Dans la vallée, on trouve le Sanctuaire de Valmala, dédié à la Madonna de la Misericordia c’est un lieu de pèlerinages, où la tradition veut que le 6 août

12 13 1834 la Vierge se soit adressée à d’innocentes petites bergères en occitan.Elle leur est apparue comme une « dame en pleurs ». Le point d’accueil touristique est la « Porta di Valle - porte de la vallée » (Infos :Via Provinciale - 12020 - Tél.+39.0175.689629,www.segnavia.piemonte.it), avec cafétéria, librairie spécialisée en éditions locales, de montagne, cartes du territoire, produits locaux. C’est aussi le siège de l’agence touristique Segnavia qui fait incoming et propose des paquets touristiques dans la Valle Varaita,dans les autres vallées occitanes et sur le territoire de Saluzzo.

Artisanat « solaire »

Une des caractéristiques de la vallée est la production de meubles rustiques dans un style inspiré à l’ameublement d’antan et appelé « Val Varaita » bien que les décorations, remontant aux cultes primordiaux du soleil et des eaux, soient communes à tout l’arc alpin et se retrouvent dans les civilisations anciennes de la Méditerranée.Pétrins,coffres,objets sculptés du Queyras et de la Valle Varaita sont aujourd’hui dans les Musées de Grenoble, Gap et Cuneo et dans beaucoup de collections d’antiquaires d’Europe et d’Amérique.

Architecture typique à Chianale Sous le Col de l’Agnel

À quelques kilomètres de la frontière avec la France,Chianale est le plus haut village de la vallée,il est dominé par le Col de l’Agnel (2748 m).Le village a été reconnu parmi « les bourgs les plus beaux d’Italie ».Son architecture alpine est valorisée par les maisons en pierre, les toits en ardoises, le pont roman qui unit les deux parties du village, traversé par le fleuve Varaita et par les églises remontant à la période du Dauphiné. À Chianale, les catholiques et les huguenots ont cohabité assez pacifique- ment : à coté de l’église romane de Sant’Antonio on trouve une maison médiévale indiquée comme temple protestant. Le village conserve avec orgueil ses caractéristiques occitanes,les toponymes et la langue parlée. Au Moyen-Âge il a gravité dans l’orbite de Briançon, en faisant partie de la République des Escartons avec d’autres communes de la haute vallée, la haute Val Chisone, la Vallée d’Oulx et le Queyras. Une expérience d’autonomie qui a survécu jusqu’en 1713, lorsque les territoires de ce côté des Alpes furent unis aux possessions des Savoie.Aujourd’hui cette expérience est reproposée par la profitable collaboration entre la Communauté de Montagne, les Communes et le Parc du Queyras avec des projets de type culturel, touristique et économique.

Une recette typique de Chianale et de la Val Varaita : les raviòlas, préparées avec des pommes de terre et de la tomme, du fromage frais de lait de vache. Faire cuire 1,5 kg de pommes de terre, les passer et les mélanger à 500 g de tomme. Ajouter un oeuf et pétrir. Puis ajouter 500 g de farine jusqu’à obtenir une pâte pétrie consistante.Couper la pâte en tranches de 3 cm.Fariner la tornoira (table de bois aux bords hauts) et former des petits rouleaux de 2 cm de diamètre. Couper alors à petits morceaux en roulant avec la paume de la main dans la forme à fuseau typique des raviòlas. Disposer sur la table et saupoudrer de farine. Faire cuire dans de l’eau bouillante salée et lorsqu’elles montent à la surface les recueillir avec une écumoire.Assaisonner les raviòlas avec crème fraîche et beurre fondu.

14 15 Casteldelfino et le bois de l’Alevé

On appelle Alevé le bois de pins cembros, elvo en occitan, sur les montagnes de Casteldelfino et de Sampeyre, jusqu’à 2700 m d’altitude : c’est un des bois de cembros le plus étendu des Alpes,parcouru par des sentiers qui mènent au lac Bagnour, où s’élève un petit refuge pour randonneurs. Les statuts de Casteldelfino interdisaient l’exploitation du bois déjà en 1387. En se promenant dans l’Alevè, on peut rencontrer des renards, des chamois, des marmottes et des lièvres. Un animal typique, bien que difficile à rencontrer, est la chouette de Tengmalm, alors que pendant les heures chaudes de la journée on peut apercevoir le vol lent de la buse variable. Les pignons (garilhs) du cembro se mangeaient et donnaient l’huile pour les lanternes. Avec les bourgeons, on faisait des fumigations pour les voies respiratoires et avec la résine on préparait des baumes et des bonbons médicamenteux.Le bois du cembro servait pour la fabrication des semelles en bois (seps) des sabots,chaussés par les enfants et par les personnes âgées qui en appréciaient la légèreté et chaleur. Il était surtout employé dans l’ébénisterie : pétrins, coffrets, tables, chaises, coffres. Sa texture tendre se prêtait bien à la sculpture des motifs traditionnels dérivant des cultes primitifs du soleil : rosaces, serpentins, spirales. Le Musée du Meuble,à Castello di Pontechianale (Infos :tél.+39.348.7125650 – +39.349.1466050), se trouve dans une demeure traditionnelle, il recueille des exemples de meubles et de décorations que les paysans de la Valle Varaita ont su développer dans les siècles,avec des entailles denses semblables à des broderies.Encore aujourd’hui la Valle Varaita se distingue pour les nombreuses entreprises artisanales spécialisées dans le meuble rustique, en portant attention aussi bien aux formes traditionnelles qu’au design moderne.

À Casteldelfino, le centre de visite de l’ Alevè (Infos : Parco del Po, tél. +39.0175.46505) offre un échantillon de forêt avec les animaux typiques : hibou royal, chevreuil, marmotte, lièvre, sanglier et prépare aux randonnées dans le bois de cembros.L’hiver est la meilleure période pour en savourer les silences, interrompus par les appels du casse-noix moucheté, l’oiseau qui oublie les cachettes où il dépose les pignons, en assurant de cette façon la propagation naturelle du bois.À côté du centre de visite le « Spazio Escartons », où on peut recevoir des informations historiques. Dans l’église de Sant’Eusebio,aux pieds des ruines du château dauphinois,se trouve le Musée de la Religiosité Populaire, dédié aux saints des vallées occitanes. Poésie et rubans colorés

La Valle Varaita a donné deux poètes à la littérature occitane contemporaine : Tavio Cosio de Melle et Antonio Bodrero (Barba Tòni Baudrier) de Frassino (Infos : www.chambradoc.it/melle/melle.page). La commune de Melle dédie à Tavio Cosio une manifestation annuelle avec une promenade littéraire dans les lieux qui ont inspiré sa poésie et ses récits. On peut trouver son oeuvre dans les librairies locales. Antonio Bodrero était un poète,défenseur de la cause occitane et de la langue piémontaise. Il étonnait pour son anticonformisme. Qui l’a connu se rappelle de lui comme d’un sage (barba), hypnotique dans ses conversations sur la langue, la religion, la politique, l’origine et l’histoire des mots. À la simplicité apparente de ses vers se tresse une grande profondeur de pensée. Ce sont des vers qui puisent dans les mystères de la montagne, des divinités ancestrales et du monde de la nature. Poète de paysages, il a posé sous les barme (bergeries) les demeures des sarvanòts (faunes), dans les cerisiers en fleurs il a vu des foyers allumés à la gloire de Dieu,dans les étoiles les lumières des chalets des trépassés… :

“Que de quiar,benèit i ouèi,quouro n’er’un per meiro e la nouèch e i vitoun treiàven a fa’stéle; dihen encàa i estéle quouro grinoùr i bòouco: Bafarà, mé pa tro; qui crè pa vène a vèire: nous sén i quiàr di meire, nove, di vosti rèire”.

(Combien de lumières, que les yeux soient bénis, quand il y en avait une par chalet/ et la nuit les montagnards jouaient à faire des étoiles ; / les étoiles disent encore lorsque amour les regarde : /« riez fort, mais pas trop ; celui qui n’y croit pas vienne voir : /nous sommes les lumières des chalets, les nouvelles de vos aïeux »)

L’oeuvre complète de Bodrero est en préparation.

Certains jours de fête, les femmes de Casteldelfino, Pontechianale, Bellino et Sampeyre portent le costume avec coiffes en dentelle aux fuseaux, châles et tabliers de soie sur de lourdes robes noires de forme monacale. La robe est ornée de bindels (rubans). À Sampeyre et à Frassino la coiffe est souvent remplacée par un foulard (mochet de la testa ). La robe de la haute vallée dite

16 17 gonela avec trois plis sur le côté postérieur est très caractéristique.Les bijoux qui complètent l’habillement sont constitués d’un long collier de grains dorés avec un coeur ou une croix en or. Rares sont les occasions où les hommes mettent l’ancien costume : un costume noir avec veste à queues, bas blancs au genou et chapeau bicorne.

Lys et dauphins

Ce sont des symboles qui apparaissent,gravés dans la pierre,sur les fontaines, sur les chapiteaux, sur les architraves dans les villages de la Castellata : Casteldelfino, Pontechianale, Bellino. Le dauphin rappelle la période où la Haute Valle Varaita faisait partie du Dauphiné,alors que le lys fait allusion à la période suivante,celle du règne de France. Casteldelfino - Château Dauphin en époque dauphinoise - fut la capitale de l‘Escarton de la Valle Varaita. De la période dauphinoise le village conserve les ruines du château,les fresques de la paroissiale et,le long de la rue centrale,des demeures de nobles et une fontaine médiévale. La bourgade qui encore aujourd’hui s’appelle Confine rappelle l’ancienne frontière avec le Marquisat de Saluzzo. L’architecture rurale occitane a son sanctuaire dans les bourgades de Bellino, Blins en occitan, un des villages les plus suggestifs. Piliers ronds, architraves mégalithiques, fenêtres bifores, passages couverts, cadrans solaires peints à fresque,toits en ardoises et têtes coupées sont la mémoire du savoir faire.Mais Blins est aussi un village d’écrivains.Dans les librairies de la vallée on trouve les oeuvres de Janò de Vielm, au registre de l’état civil Giovanni Bernard,auteur de « Steve » (premier roman en occitan des Vallées) et de « Lou Saber », dictionnaire encyclopédique avec 12 mille mots en occitan de Blins. Un autre livre important est « Nosto Modo », de Jean-Luc Bernard, c’est la première oeuvre qui a décrit de façon systématique la culture matérielle et orale de ce village occitan. Dans l’ancienne école primaire de Celle di Bellino on trouve le Musée du Temps et des Cadrans Solaires (Infos :tél.+39.0175.95110 - [email protected]). La visite introduit l’itinéraire parmi les cadrans solaires peints à fresque sur les maisons et les édifices religieux dans tout le village, qui dans le passé a eu quelques boutiques de gnomonistes. Des panneaux photographiques suggèrent une réflexion sur le temps,tandis qu’un film scande le passage des saisons avec douze proverbes en occitan. Mistà et danse

Au XVème siècle le bon gouvernement du Marquisat de Saluzzo et les rapports avec le Dauphiné ont favorisé l’épanouissement des arts. Églises, peintures et sculptures sont reliées par un itinéraire artistique appelé Mistà, qui, en occitan, signifie image sacrée. La sculpture a eu parmi ses principaux interprètes, l’école des Zabreri de la Val Maira,avec les fonds baptismaux et les portails avec de petites colonnes et des chapiteaux sculptés. Les églises de Sampeyre,deVillar, de Casteldefino et de Bellino sont significatives. Les écoles artistiques de Briançon ont influencé l’art de la Castellata où, à Bellino, Casteldelfino et Chianale, on rencontre de nombreuses têtes de pierre qui remontent à la coutume des celto-liguriens d’accrocher les têtes des ennemis tués en bataille autour de leurs maisons. Le beau portail du XVème siècle en style flamboyant de la paroissiale de Sant’Andrea à Brossasco représente un cas à part. La chapelle de San Rocco à Brossasco qui date du XVIème siècle est liée au souvenir de la peste. En peinture,les frères Tommaso et Matteo Biasacci de Busca ont laissé de nombreuses fresques dans la Valle Varaita. L’oeuvre de cette famille de peintres itinérants,actifs entre le Piémont méridional et l’ouest de la Ligurie,peut être admirée dans la paroissiale de Sampeyre : Madonna del Latte, Massacre des Innocents,Fuite en Égypte,Adoration des Rois Mages, Passion et Résurrection du Christ, dans l’église de Casteldelfino et à Valmala. Le style est archaïque, de passage entre le roman et le gotique, comme les peintures de la paroissiale de San Massimo à ,et celles sur la façade de la paroissiale de , avec un beau portail gotique fleuri en terre cuite. Les peintures de Rossana sont singulières et curieuses, elles montrent des personnages angéliques qui jouent des instruments de la tradition médiévale, dont certains sont redevenus célèbres avec la renaissance musicale occitane de la fin des années soixante au siècle dernier. En réalité la musique dans la Valle Varaita n’a jamais connu de moments de vrai oubli.Le répertoire des danses exécutées à l’occasion des fêtes ou simplement pour s’amuser comprend des dizaines de bals.Les plus connues sont :corenta,giga,contradança,borea,mescla,sposin… ce sont des

18 19 danses à figures qui peuvent même impliquer des dizaines de danseurs en même temps. Les propositions de cours de danse ouverts aussi aux bals de l’Occitanie transalpine sont nombreuses.

Les sons de la vallée

À , historiquement le centre le plus important du fond de la vallée, avec une belle église baroque et un marché célèbre pour la commercialisation des châtaignes, on trouve la « Fabbrica dei Suoni » l’usine des sons. C’est le premier parc thématique italien centré sur le son et sur la musique.L’objectif de la Fabbrica est d’initier les enfants et les jeunes au monde musical avec une approche ludique et de laboratoire, en suscitant curiosités et interrogations.Les laboratoires,insérés dans le parcours de visite,permettent de distinguer la différence entre son et bruit, de traduire la signification des caractéristiques du son avec des activités concrètes visibles et manipulables, d’expérimenter la vibration des sons et la propagation de l’onde sonore dans l’espace.Une section présente des instruments musicaux provenant des cinq continents. Pour la connaissance des principaux instruments musicaux de la tradition occitane la Fabbrica propose des laboratoires de vielle,d’accordéon diatonique, de galoubet, de tambourin et de fifre, avec des informations sur leur construction, une écoute directe et l’exécution de chants et de bals occitans (Infos : tél. +39.0175.567840, www.lafabbricadeisuoni.it). Au pied de l’imposant château des seigneurs de Sampeyre, à Piasco,à quelques kilomètres de Venasca, on trouve le Musée de la Harpe (Infos : tél. +39.0175.270511 - www.museodellarpavictorsalvi.it) où sont exposées les harpes historiques recueillies par Victor Salvi,harpiste affirmé qui s’est exhibé sous la direction du maestro Arturo Toscanini. Il a été le fondateur d’une entreprise, qu’il a voulu ici pour la tradition artisanale renommée qu’avait la Valle Varaita et les alentours de Saluzzo dans le travail du bois. L’usine de harpes fondée par lui, couvre aujourd’hui 90% du marché professionnel. La collection renferme quatre-vingt-six pièces construites à partir de 1700 jusqu’à la première moitié du XXème siècle, et s’étend de l’Europe à l’Afrique, à l’Asie. On peut voir en effet l’évolution technique et expressive d’un instrument souvent peu connu. Val Maira

Dans la Val Maira, la langue occitane conserve les sonorités des troubadours, mais c’est son paysage et l’art qui sont sa force attrayante. Depuis quelques années son territoire est choisi comme scénario par le cinéma et la télévision. Le film,« le vent fait son tour » (en occitan l’aura fai son vir) du metteur en scène Giorgio Diritti, a obtenu de nombreux prix et a été entièrement tourné là. La vallée suit le cours du torrent Maira, d’où se bifurquent des vallées et des combes suggestives, comme celle d’Albaretto et Celle, de Marmora, Preit, Unerzio et Elva qui montent par des sentiers et des routes militaires vers les crêtes, les cols et les sommets, avec d’innombrables variétés de roches et d’arbres. Dans certaines localités exposées au soleil fleurissent des essences méditerranéennes comme la lavande. La ligne de frontière qui partage l’Italie de la France a été un passage pour émigrants et contrebandiers.Pendant la deuxième guerre mondiale,elle a été traversée par les partisans italiens et les maquisards français qui,entre mai et juillet 1944, au Col Sautron et à Saretto sur le versant de la Val Maira, et à Barcelonnette en France, établirent un accord politique et militaire dans la lutte antifasciste.De l’accord de Saretto il reste encore aujourd’hui une plaque commémorative. La capitale de la vallée est Dronero (Draonier en occitan), qui a titre de ville depuis deux siècles et demi. Pour la découvrir comme occitane, il faut y aller les jours de marché, écouter au milieu des étalages, dans les cafés, entendre les gens qui viennent de San Damiano,d’Elva,d’,de la voisine la Ròcha () et qui, désinvoltes, parlent occitan. Son histoire parle d’huguenots et de vaudois, mais aussi de familles aristocratiques, d’hommes de lettres, d’artistes, de journalistes et de politiciens parmi lesquels se détache le personnage de Giovanni Giolitti, premier ministre du Règne d’Italie, auquel est dédié un Centre d’Études (Infos : www.giovannigiolitti.it). Dronero est riche en monuments, palais et

20 21 églises qui rappellent un moyen-âge florissant. Elle se caractérise pour la hardiesse de son pont à créneaux sur le Maira et pour son marché du froment octogonal de la première moitié du XVème siècle.

Une anglaise à Dronero

L’exploratrice et écrivain anglaise Freya Stark (1893-1993), liée aux personnalités les plus en vue de son temps, comme Churchill et le mythique Lawrence d’Arabie, a vécu à Dronero une partie de son adolescence et elle y est retournée en 1919. Dans son autobiographie, elle décrit Dronero « ville entre deux torrents, au milieu d’une vaste et belle vallée… elle a une cathédrale médiévale avec de fines manufactures en terre cuite de style gothique lombard… Le pont,à créneaux et immensément haut,il embrasse l’entière vallée qui repose beaucoup plus bas recouverte par les blanches pierres du fleuve,sur lesquelles des peupliers tremblants et des noyers jettent de légères ombres bleutées ».

Traversado - Passage au Col de la Gardetta Grands maîtres

Découvrir Elva c’est comme entrouvrir une porte secrète, trouver les signes d’un monde qui fut, retrouver un livre qui a disparu, qui raconte la vie quand les idées allaient à pied et quand vivre en altitude ne signifiait pas dire isolement du monde. Là haut, sur la ligne de partage des eaux avec la Valle Varaita, Elva apparaît suspendue sur la conque au milieu des prés fauchés, entourée par les sommets du Pelvo, du Chersogno et de la Marchisa, des montagnes qui dépassent trois mille mètres. L’église,dédiée à Santa Maria Assunta est sur un éperon de roche.Des figures archaïques décorent la façade : têtes coupées de la tradition celto-ligurienne, grands masques animaliers,Atlantide et la séquence femme- chaîne- serpent. L’arc du presbytère est orné avec les symboles du zodiaque, une sirène romane qui déploie ses extrémités, Saint Georges et le dragon, le chaudron des damnés qui cuisent pour leurs péchés. L’intérieur abrite les fresques de Hans Clemer, peintre flamand qui a travaillé dans le Marquisat de Saluzzo ente la fin du XVème siècle et 1508,année où il est parti pour la Provence où il a travaillé à Tarascon, Pertuis et Vinon… d’autres terres d’Occitanie. À Saluzzo, Clemer se maria et tint boutique avec des élèves locaux.

Elva - église de Santa Maria Assunta

22 23 Ses fresques dans la paroissiale d’Elva sont le chef d’œuvre des vallées occitanes. Dans le territoire du Marquisat, alors fidèle aux tendances artistiques gotiques tardives, le style de Hans Clemer représenta une vraie révolution artistique pour sa contemporanéité et l’introduction d’éléments de la peinture italienne de son temps. La Crucifixion,les Histoires du Christ et de la Vierge de l’église d’Elva montrent un fort sens dramatique et une attention pour le portrait psychologique, évidents dans les visages des pieuses femmes et des apôtres effarés autour du cercueil de la Vierge. Il y a d’autres oeuvres de Clemer à Saluzzo, à Revello, à , Pagno, mais ici dans la Val Maira le visiteur trouvera à Celle , dans la paroissiale dédiée à San Giovanni Battista, une autre de ses oeuvres : le tympan d’autel avec la Vierge sur le trône entourée des Saints, sur fond en or, daté 1496, splendide amalgame entre la culture figurative provençale lombarde et la technique picturale allemande. Au milieu des bois,un peu à l’écart du village de Celle Macra,dans la chapelle de San Sebastiano, se trouve l’œuvre d’un autre artiste important du XVème siècle occitan,le peintre Giovanni Baleison (Johannes de Baleisonis),originaire de dans la voisine Valle Stura, qui travailla sur un territoire à cheval des Alpes entre Piémont, Ligurie et Comté de . Le cycle de fresques comprend un Dieu Glorieux, le Martyre du Saint, le Limbe, la Ville Céleste, les Vertus, le Purgatoire et l’Enfer. Du même auteur, il y a la Vierge à l’extérieur d’un édifice de Bassura di et une fresque dans la chapelle des Saints Sebastiano et Fabiano de Marmora,représentant le Christ Glorieux,la Vierge sur le trône entre les Saints Sebastiano et Costanzo, les Évangélistes, les Histoires de l’Enfance du Christ et de l’Enfance de San Sebastiano. L’itinéraire pictural dans la haute Valle Maira se complète avec les fresques de Tommaso Biazaci dans la paroissiale des Saint Giorgio et Massimo à Marmora qui représentent San Cristoforo, San Girolamo et San Francesco qui reçoit les stigmates. La chapelle de San Peire à Macra, a beaucoup de charme, on peut y découvrir une Danse Macabre avec des textes en occitan mélangés à de l’ancien français, iconographie assez rare pour ces territoires. Une visite à l’église de San Peire à Stroppo procure une forte émotion, pour l’emplacement et les proportions de son édifice en style roman, elle est isolée sur un éperon, avec les fresques de l’abside et une suggestive Adoration des bergers d’un peintre anonyme dans la chapelle latérale.L’itinéraire se termine avec une des plus anciennes églises de la vallée, San Salvatore de Stroppo, avec son clocher à campenard, ses fresques du haut Moyen-Âge qui représentent des épisodes de la Genèse et la Danse de Salomé et ses fresques du XVème siècle avec le Christ bénissant les Évangélistes, les Apôtres et les Saints Caterina et Antonio. La sculpture du XV ème siècle dans la Val Maira a connu l’importante boutique des frères Zabreri (Chabrier en occitan), originaires de Pagliero, qui ont porté leur oeuvre dans de nombreuses localités du Marquisat de Saluzzo. Aux Zabreri furent commandés les portails des paroissiales de Dronero et de . Les chapiteaux modelés provenant de leur boutique se trouvent dans la paroissiale de Sant’Antonio à Pagliero.Des fonds baptismaux « signés Zabreri » se trouvent à et à Pagliero dans la Val Maira et dans de nombreuses églises des vallées occitanes.Ils ont une forme de calice avec un noeud au centre du tronc. La tasse est polygonale, décorée sur le bord d’inscriptions. Dans les quartiers, les feuilles d’acanthe sont accompagnées des armes des commanditaires. Mais l’art dans cette vallée n’est pas l’apanage exclusif des édifices religieux. Il se trouve aussi dans les demeures civiles,comme dans le lazaret de Caudano, du bourg de Stroppo, récemment restauré, qui présente sur la façade à campenard d’intéressantes fenêtres bifores avec des têtes sculptées et le noeud caractéristique de Salomon, adopté comme symbole de la communauté de montagne locale. On trouve des motifs décoratifs, oeuvre d’artistes locaux, à San Damiano Macra et à Villar d’Acceglio, siège entre autre d’un carnaval archaïque parmi les plus intéressants des vallées occitanes. À Castellaro, Combe, Vernetti, Unerzio et Preit on trouve des édifices seigneuriaux d’époque médiévale avec de hautes façades à campenard et des ouvertures monofores ou bifores en pierre travaillée. C’étaient des demeures de cette bourgeoisie paysanne et montagnarde dont on a témoignage dans les actes notariaux du XVème et du XVIème siècle.

Les ciciu du Saint

Dans le territoire au pied des montagnes de ,on rencontre des trésors artistiques et des environnements rares.Dans la Réserve naturelle des ciciu (pantins), au milieu des châtaigniers, des peupliers et des bouleaux, se dressent environ 400 formations géologiques en forme de champignon, avec un diamètre variable entre 2 et 7 mètres et une hauteur

24 25 qui dans certains cas atteint 8 mètres. Leur formation aurait commencé il y a 12.000 ans, à la fin de la dernière glaciation. Les ciciu auraient été formés par l’érosion des eaux qui dans les millénaires ont délavé le sol en laissant, en correspondance de gros rochers de gneiss, des colonnes de terre compacte surmontées de grandes pierres. À la belle saison, les ciciu apparaissent de couleur rougeâtre avec l’amusant chapeau sombre.En hiver,ils se transforment en clochetons qui émergent de la neige. L’ excursion au milieu des ciciu se déploie le long des parcours aménagés, tandis que l’accueil est garanti par le Centre visite à l’entrée de la Réserve. L’aire extérieure est un site pour le bouldering mais il est interdit de grimper sur les ciciu car on risquerait de les abîmer pour toujours (Infos : Organisme de Gestion des Parcs et des Réserves Naturelles de Cuneo - tél. +39.0171.734021). Une légende populaire attribue le phénomène des ciciu à un miracle du martyr Costanzo :les ennemis païens qui le poursuivaient pour le tuer, furent pétrifiés par volonté divine. Costanzo, saint de la Légion Thébaine,est enveloppé par la légende. Une pierre murée dans l’église paroissiale aurait couvert les reliques du martyr,on y lit en latin :« Ici repose Costanzo,martyr du Seigneur, qui appartint à la Légion Thébaine». Autour du culte du martyr, au Moyen-Âge, s’éleva un complexe monastique. L‘église de San Costanzo al Monte,dans les bois au dessus du village,fut érigée au début du VIIIème siècle par volonté du roi lombard Ariperto II, elle a été reconstruite après les invasions sarrasines par des maîtres d’oeuvre lombards qui y portèrent leurs modèles dans les absides, scandées de fins pilastres et ornées dans la sommité de galeries. La crypte constitue une véritable église inférieure. Après avoir assaini la plaine marécageuse, les bénédictins érigèrent l’abbaye des Saints Pietro et Costanzo dans le lieu de l’actuelle paroissiale.Outre la crypte peinte à fresques par Pietro da Saluzzo (histoires de Saint Georges, Vierge, Saints, Évangélistes), l’église conserve la tour campanaire avec des frises romanes -gothiques et des murs en pierre travaillée. Musées de vallée

À Elva, on trouve la preuve qu’autrefois la montagne, avec le travail des champs, le soin du bétail, le travail du lait, garantissait plus que la simple survie. Dans les périodes mortes du travail agricole, les montagnards s’ingéniaient à faire d’autres métiers, en allant parfois loin. Les hommes de Elva partaient en automne pour recueillir les cheveux qu’ils travaillaient dans les maisons de Elva et qu’ils vendaient ensuite en France, Allemagne, Angleterre,et même aux États-unis pour en faire des perruques. En souvenir de cette activité, la communauté a voulu placer dans la “Maison du cadran solaire”, exemple original et rare d’architecture alpine, le « Museo dei Pelassiers », ce musée à travers les outils, les images et la projection d’un documentaire parle de ce métier qui porta les habitants de Elva à travers le monde. Marchands d’anchois, c’est un autre métier de l’émigration, typique de la vallée.Ces derniers partaient de la Valle Maira pour acheter les anchois qu’ils revendaient en tournant avec un charreton. Le Musée « Seles » de leur est dédié. La misoun d’en bot ( la maison d’autrefois ) de Borgata Chialvetta à Acceglio (Infos:tél.+39.0171 99017),le « Museo della Canapa » (Musée du Chanvre) de Inferiore (via Nazionale 22) et L’escolo de mountanho (L’école de montagne) de Borgata Paschero à Stroppo (Infos: tél. +39.0171.999220 – 999112) sont d’autres musées sur la vie de jadis. Plus en aval, dans sa maison de Dronero, Luigi Mallé, d’origine de la petite ville et directeur des musées civiques de Turin, laissa en héritage à la commune,des meubles,bibelots,livres,disques et photographies.Inauguré en juin 1995, le musée (www.marcovaldo.it) renferme une collection d’art antique et contemporain avec des oeuvres de grands maîtres qui reflètent le goût hétérogène de Mallé:on passe des peintures et des dessins d’auteurs piémontais du XVIII ème siècle, à des sujets religieux de goût arcadien, à des paysages et des portraits de flamands - œuvres achetées par Mallé au marché d’antiquaires - jusqu’aux cadres des peintres abstraits contempo- rains : Lucio Fontana, Umberto Mastroianni, Adriano Parisot.

26 27 Dans le village de Matteo Olivero

Dans son célèbre autoportrait, Matteo Olivero se montre avec un foulard rouge au cou, l’oeil attentif, un chapeau noir, la barbe longue et fuselée. Né à Acceglio, en 1879, dans le hameau de Pra Rotondo, il a été au temps moderne le plus célèbre peintre des vallées occitanes. Olivero est rappelé non seulement comme “peintre des neiges” ou “tragique interprète de ses montagnes”, comme l’appelèrent les critiques d’art aux expositions de Grenoble, Rome, à la Biennale de Venise et aux expositions de Paris, mais aussi pour avoir su peindre les idées originales et les ferments tumultueux de la peinture à cheval du XX ème siècle. Son oeuvre est présente dans des collections et des musées. Nombreux de ses cadres sont conservés à la Mairie de Saluzzo, et prochainement ils seront exposés dans un musée qui lui sera dédié. Ici dans la Valle Maira on peut admirer les lieux qui l’ont inspiré. Mais dans ses peintures on trouve d’autres vues de la montagne occitane des vallées Pô,Grana et Varaita.Pour lui les cours d’eau,le soleil et la neige , les matinées et les cimes furent une source d’inspiration. En 1902, en Suisse, Olivero rencontra Segantini, à qui il est uni non seulement à cause de l’amour pour le monde alpin, mais surtout pour la capacité d’affronter la peinture à travers la décomposition des couleurs dans leurs éléments. Pris par la passion pour le divisionnisme, Matteo Olivero entretint,à partir de 1903,une riche correspondance avec Giuseppe Pellizza da Volpedo, auteur du célèbre “Quarto Stato”. Resté orphelin de père encore enfant, sa mère Lucia Rosano resta pour l’artiste le seul point de référence. Elle le suivit dans ses nombreux déplacements, de Turin (1896) à Saluzzo (1906), à Calcinere (1923-26). Un des sujets les plus célèbres d’Olivero fut justement le cadre grandiose “L’attesa” (l’attente) qui immortalise l’allure majestueuse lente et le geste fatigué de sa mère.Quand elle mourut, le peintre lui aussi décida de mettre fin à ses jours. Manger d’oc

La richesse du paysage de l’histoire et de l’art de la vallée favorise le tourisme d’excursion et culturel (Infos: www.percorsioccitani.it) qui connaît grand succès aussi bien dans les pays de langue allemande,avec l’afflux de touristes d’Allemagne,de Suisse et d’Autriche,que dans les régions italiennes voisines. Cela a favorisé le retour dans la vallée de forces jeunes :aussi bien les enfants et les petits-enfants des montagnards émigrés dans les années soixante,que des jeunes originaires de la ville qui sont venus habiter dans la Val Maira en choisissant un style de vie moins animé que celui de la ville. L’inversion de tendance a fait que les jeunes des vallées, qui pensaient émigrer pour chercher fortune à la ville, décidèrent de rester. Ainsi, de nouveaux métiers agricoles,artisanaux et touristiques se sont développés.Souvent les nouveaux arrivés ont fait « leur » la langue occitane, en donnant vie à des initiatives culturelles, des expositions, des musées, des itinéraires, des concerts. Les restaurants excellents, les bed&breakfast et les entreprises agro-touristiques sont nombreux. Ils sont nés à la suite de cette ondée de néo-ruralisme qui a vu croître les entreprises jeunes :zootechniques et fromagères,spécialisées en fromages bovins et caprins de qualité (à Elva,Podio di San Damiano Macra, di Villar San Costanzo), fours artisanaux (à Roccabruna, Villar San Costanzo, Dronero, San Damiano Macra), productions de saveurs traditionnelles (à San Damiano Macra), infusions d’herbes alpines, comme genépi et achillée Herbarota (à San Damiano Macra). Puis encore des vins biologiques parmi lesquels ressortent le Nebbiolo de Dronero et d’autres vins, cultivés pour l’instant hors de la vallée sur les collines du Saluzzese, qui ont sauvé de l’extinction les antiques vignobles de la moyenne Val Maira.Parmi les nombreuses suggestions gastronomiques, lo comaut (crème de courge), macarons e trifolas (macaronis et pommes de terre avec champignons), los fesqueiròls (plat de pâtes assaisonnées d’oignon et petit salé, petits pois et fromage), los panets (chaussons aux pommes), la torta dels Techs de Dronero. Quelques restaurants proposent des menus occitans complets certains jours de la semaine. On peut trouver les adresses et les numéros des restaurants,des exploitations agricoles et des b&b ainsi que les informations sur les produits à la Comunità Montana (Communauté de Montagne) - www.vallemaira.cn.it ou à l’office de tourisme de Dronero - [email protected] - tél. +39.0171.917080 - fax +39.0171. 909784.

28 29 Un “espace”tout occitan

Espaci Occitan est né à Dronero (via Val Maira, 19) dans une caserne transformée en centre culturel moderne (tél. et fax +39.0171.904075). Créé à partir d’une initiative de la communauté de montagne Val Maira, il a l’ambition de relier les territoires occitans d’Italie avec le grand “espace ”de langue et de culture d’oc des Alpes aux Pyrénées, à l’Atlantique, à la Méditerranée, et il se propose comme premier pôle culturel consacré au monde occitan en Italie. Sa réalisation, rendue possible grâce aussi à la reconnaissance de la minorité linguistique occitane par l’État italien avec la loi 482 de 1999, a représenté un tournant historique. Avec Espaci Occitan, en effet, pour la première fois les administrations du territoire se sont chargées de la tutelle et de la promotion de la langue et de la culture occitane,thèmes jusqu’alors aux soins de l’associationnisme privé. Aujourd’hui Espaci Occitan est une Association d’Administrations publiques du territoire occitan alpin (Infos: www.espaci-occitan.org). Il comprend un Institut d’Études, un Musée Sonore de la Langue (Sòn de lenga), un guichet linguistique et une Boutique des Produits Occitans. Le Musée Sonore de la Langue Occitane, réalisé sous forme multimédiale avec des suggestions dynamiques adaptées à tous les âges, veut conduire le visiteur à travers la géographie, l’histoire, la civilisation d’Occitanie. Littérature, musique, histoire, vie matérielle, folklore et organisation sociale du territoire sont illustrés par des bornes audio vidéo qui accompagnent dans un voyage interactif et virtuel dans le monde occitan. On peut choisir la langue de navigation entre l’italien, l’occitan, l’anglais et le français. La médiathèque d’Espaci Occitan recueille les textes sur la littérature occitane et le matériel multimédial sur et en langue occitane. Des films et des documentaires, cd rom, audiocassettes et cd musicaux sont disponibles pour la consultation dans les locaux prédisposés à cet effet et subdivisés par aires thématiques. L’Institut d’Études Occitanes est constamment implémenté quantita- tivement et qualitativement avec de nouvelles offres de services, des activités qui s’adressent à un public hétérogène, la divulgation grâce à internet. L’espace, ouvert à l’échange et à la confrontation avec les autres minorités italiennes et européennes, est aussi prédisposé pour les congrès, les projections publiques, les expositions et les présentations de livres et d’initiatives culturelles. Il est équipé d’un Guichet Linguistique, on line, et il propose en outre des cours d’alphabétisation à différents niveaux, dispensés par des leçons on line,jusqu’à l’obtention de la capacité de s’exprimer en langue d’oc.Dans la « Bottega » on peut trouver les produits des vallées,des œuvres des éditeurs locaux, de l’artisanat ainsi que des informations touristiques. Espaci Occitan se place sur un territoire qui valorise les propres caractéristiques linguistiques et culturelles. Aujourd’hui, le site www.percorsioccitani.it propose un circuit à travers la Valle Maira . Dans le village de Roccabruna, la commune a dédié les rues et les places à des personnages de la civilisation occitane avec des enseignes bilingues italien /oc.Ainsi on trouve les régions d’Occitanie,la Provence,le Dauphiné, la Gascogne, les artistes du XVème siècle glorieux, comme le peintre Hans Clemer et les sculpteurs Zabreri, des personnages éclectiques comme Giacomo Inaudi de Roccabruna,calculateur mental de renommée mondiale cité dans l’Encyclopédie française Larousse,le Nobel Frédéric Mistral chantre de la Provence, l’idéologue humaniste François Fontan et les troubadours médiévaux les plus célèbres, parmi lesquels Arnaud Daniel, Peire Vidal, Marcabrun et la Contessa de Dia. Poésie et prose ont toujours trouvé dans la population de la Val Maira un terrain fertile,où cultiver des récits et des rimes.Certains,parmi les écrivains les plus importants du renouveau occitan en Italie, advenu dans les années 60 du siècle dernier, sont originaires de cette vallée. Leurs oeuvres publiées par des éditeurs locaux, se trouvent dans les librairies, et dans les bibliothèques et sont disponibles à l’Espaci Occitan.Le thème récurrent est la nostalgie d’un passé populeux et florissant opposé au présent des villages souvent abandonnés. Parmi les noms à ne pas oublier on trouve Pietro Ponzo de Preit, Pietro Antonio Bruna Rosso (Tòni d’ l’Aura) auteur de brèves poésies et du “Piccolo Dizionario del Dialetto Occitano di Elva” (Petit dictionnaire du dialecte occitan de Elva), Piero Raina (Pietro d’Seze). Dans le coeur de ce poète il y a la montagne symbole et archétype:en bas le monde à bout de souffle,pollué,sombre des hommes seuls dans la foule;en haut le monde sain, pur, lumineux d’une solitude sereine car en contact avec la mémoire et le transcendant.Pour Raina,la montagne meurt quand l’homme l’abandonne. Sa poésie “Cadranno le case dei villaggi”est célèbre:

30 31 Toumbaren i casei di vilage Sla mountagno abandounà Un al bot senzo tapage I casei dle noste ruà Bouch d’erbo biancho,rousier sarvage Enfoungaren le bianque rei Ai pe da c’les muraie Esquiapa da l’auro e dal soulei … Troup d’sarvan la sero Saiaren dai bosq tenebrous Per viroundar sle quintaine silenziouse A escoutar le vous misteriouse Que dousse ancaro dapé i lindal Desert di meisoun Countaren le storie di minà. …

Les maisons rustiques des villages tomberont Sur la montagne abandonnée Une à la fois sans bruit. Les maisons de nos hameaux Bouquets d’absinthe, rosiers sauvages Plongeront les blanches racines Aux pieds de ces murs Fendus par le vent et le soleil … Des groupes de gnomes le soir Sortiront des bois ténébreux Pour rôder dans les petites rues silencieuses À écouter les voix mystérieuses Qui suaves encore, sur les seuils Déserts des maisons, Raconteront les fables des petits enfants. … Valle Grana

De toutes les vallées,la Valle Grana est la plus proche de Cuneo.Elle est encore caractérisée par une vie agricole fervente, à l’entrée de cette petite vallée se trouve , à la tête Castelmagno, avec ses 13 hameaux et avec un des sanctuaires les plus célèbres des Alpes Occidentales. On peut admirer des paysages splendides de bois épais de châtaigniers, de hêtres et de conifères, qui en altitude laissent la place aux pâturages avec de rares exemplaires de flore protégée qui ont rendu célèbre le fromage Castelmagno. Caraglio est un centre économique important au fond de la vallée. Il s’agit d’un site romain, aujourd’hui siège d’initiatives culturelles et berceau de la nouvelle musique occitane de Lou Dalfin “exportée”en Italie et en Europe. Les initiatives pour la promotion de la culture occitane qui se déroulent toutes les années dans les communes de et de Castelmagno sont significatives. Dans les villages de la vallée, on peut admirer des exemples de l’architecture alpine qui s’est conservée dans le temps,visiter le Musée Ethnographique de Sancto Lucìo de Coumboscuro et à Castelmagno dans le hameau Chiappi le Muzeou dal travai d’isi (Musée du travail local) et dans le hameau Colletto le Pichot Muzeou, aménagé dans une étable. Outre les témoignages historiques et artistiques d’origine romane et gothique, on peut voir dans les fresques des chapelles et des églises paroissiales le mécénat des marquis de Saluzzo, qui ont dominé dans cette région pendant des siècles.

32 33 Fromage Castelmagno

Ce fromage particulier “à pâte persillé ” est original pour son arome et sa délicatesse, qui lui sont conférés par l’alimentation du bétail. Les vaches se nourrissent de la flore riche,des herbes aromatiques particulières,et des foins parfumés. Ce fromage a une origine très ancienne: en effet, on le mentionnait déjà en 1277 comme tribut aux Marquis de Saluzzo en échange de l’usufruit de leurs pâturages. Aujourd’hui,le Castelmagno est le symbole d’une économie de montagne qui exploite au mieux les particularités du lieu. Le projet de l’écomusée “Terra del Castelmagno” (Terre du Castelmagno) s’est développé avec l’objectif de maintenir les liens entre l’homme et le territoire et une mémoire indispensable pour les nouvelles générations. Le projet veut protéger le procédé de production du Castelmagno en illustrant ses retombées sur l’économie et sur les habitudes de la vie locale. Le projet de l’écomusée prévoit aussi le rétablissement des sentiers qui mènent aux hameaux d’altitude et la visite à l’intérieur d’une fromagerie où on travaille le fromage. Dans le programme interviennent en synergie quatre points fondamentaux : le fromage Castel- magno, l’architecture alpine, le travail, le paysage.

Le sanctuaire de Castelmagno Sanctuaire de Castelmagno

Castelmagno prend le nom d’un Château de forme carrée, avec quatre grandes tours aux angles dont il reste peu de traces dans le hameau Colletto. Le lieu avait déjà subi une occupation romaine pour sa position stratégique,en effet,on trouve encore les vestiges d’un ‘“arula“(petit autel) dédié à Mars. Le village abrite un sanctuaire dédié à San Magno, à 1760 mètres d’altitude,étape d’un itinéraire religieux qui,partant de Sant’Anna di Vinadio, se développe à travers les vallées Maira et Varaita (sanctuaires Valmala et Becetto) et rejoint, dans la haute Valle Pô, le Sanctuaire de San Chiaffredo. San Magno est retenu comme martyr de la Légion Thébaine. Dans la période d’évangélisation initiale de ces terres, qui s’est réalisée en grande partie dans la première moitié du troisième siècle,l’empereur Massimiano Erculeo rappela d’Égypte 6666 soldats, pour freiner le Christianisme dans les Gaules.Toutefois,la Légion entière,en grande partie d’origine Thébaine, s’était entre-temps convertie à la foi chrétienne. Ainsi les soldats se refusèrent de persécuter les frères dans la foi, et comme représailles, ils furent exterminés. On trouve leurs traces à l’ombre des clochers et des niches votives de tout l’arc alpin, ainsi que dans les noms des habitants de la vallée : Costanzo, Chiaffredo, Vittore, Magno, Dalmazzo, Maurizio, Felice, Alessandro,Clemente,Vitale,Ottavio,Damiano,Defendente,Isidoro,Mauro, Pancrazio. La dévotion populaire des habitants de la vallée pour San Magno,considéré comme le protecteur des troupeaux et des pâturages alpins, s’est consolidée depuis des temps immémoriaux.Pour la fête du Saint patron,le 19 août, depuis le XVIII ème siècle se déroule une procession en haute altitude: la statue du Saint – en costume de guerrier - est conduite au sanctuaire par une dizaine de membres de la Baio, avec des costumes à queue et des bicornes, ornés de cocardes et de rubans en soie de différentes couleurs (es livrees) liés aux hallebardes.À la différence d’autres baias ou abadie des vallées, qui conservent un caractère populaire et parfois païens avec des références aux saisons comme le réveil du printemps, ce cortège garde un caractère christianisé (Infos: [email protected]). Le Sanctuaire de San Magno, tel qu’on le voit aujourd’hui, fut édifié entre

34 35 1704 et 1716,mais il conserve des documentes artistiques précédents d’un intérêt remarquable. Outre la chapelle peinte à fresques par Pietro da Saluzzo,on peut visiter la “Cappella Vecchia”(vieille chapelle) du sanctuaire, où on peut voir les fresques de Giovanni Botoneri de qui date de 1514. Les fresques occupent 17 subdivisions qui racontent l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem, sa condamnation et la passion. À Castelmagno se trouve le Centre Occitan de Culture “D. Dalmastro”, une association qui depuis plus de trente ans s’occupe de la tutelle et de la valorisation de la langue occitane.Le Centre publie aussi un périodique,La vous de Chastelmanh. (la voix de Castelmagno)

Dans les dix dernières années, des laboratoires artisanaux sont aussi apparus,ils sont spécialisés dans la sculpture du bois et dans la production de biscuits artisanaux. La montagne autour de Castelmagno parle encore de la dépopulation qui la frappa après la guerre. Certains des villages et des hameaux sont la destination des excursions pour les amants de l’architecture alpine, car ils ont gardé intact l’aspect des réalités des habitats du siècle dernier. Parmi ceux-ci, les plus remarquables sont l’antique village de Narbona et les bourgades de Valliera, Battuira et Campofei. Ces sites de montagne conservent d’imposantes colonnes circulaires et des souches de cheminées caractéristiques dont les bouches des fumées sont décorées avec des pierres mises en éventail. En suivant les sentiers tracés, les amateurs de l’altitude pourront monter aux monts Tibert et Tempesta, d’où on peut observer les jours de ciel limpide, le paysage grandiose de l’arc alpin et de la plaine piémontaise. À peu de distance “Lou Pertus d’la Patarasa”,du nom d’une fée gracieuse qui, dit-on habitait dans les cavernes, c’est une grotte avec des formations de cristaux de calcite et de glace éternelle. Cela nous rappelle qu’autrefois tout était extrait de la nature. Novè

La culture occitane porte une attention particulière au chant de noël. Les cérémonies et les représentations populaires liées à cette fête ont une double connotation :de fête religieuse,mais aussi de fête païenne du solstice d’hiver, qui préannonçait la renaissance de la nature. La culture occitane toujours très attentive au monde naturel, a conservé dans sa tradition un riche répertoire de Novè (les Noëls) qui étaient chantés dans ces occasions, où le peuple participait en première personne et non en tant que spectateur. Les Novè, inspirés aux textes des Écritures Sacrées, ont fait référence aussi aux récits apocryphes et ils se sont enrichis au cours du temps avec des dévelop- pements originaux:des éléments de vie quotidienne,des situations comiques, des personnages contemporains… Aujourd’hui encore, pendant la période de Noël, ils sont exécutés dans les églises des vallées. Les plus célèbres sont les Novè de Nòsta Dama dei Dòms d’Avignon et les Novè de Sabòli, écrits par Micolau Sabòli (1614-1675) au XVIIème siècle. Digne de remarque les expériences originales de deux groupes, L’Escabòt (Infos: tél. +39.0171.986142), qui s’est formé en 1999 avec neufs chantres des vallées Stura et Grana et La Cevitou (Infos: www.lacevitou.it - tél. +39.0171.988103), le chœur polyphonique le plus ancien des vallées occitanes, qui repropose des morceaux qui proviennent du riche filon de la tradition populaire occitane, descendante directe de l’inspiration des troubadours.

Sancto Lucio de Coumboscuro - Roumiage Fêtes à Coumboscuro

On va à Sancto Lucìo di Coumboscuro comme en pèlerinage. Au début des années soixante, dans ce hameau de Monterosso Grana le réveil, qui ici se définit « provenzale », a fait ses premiers pas grâce à la passion de Sergio Arneodo, enseignant, poète, auteur de théâtre et divulgateur charismatique. Comme le poète Tòni Baudrier et le penseur François Fontan dans la Valle Varaita, Arneodo a enflammé les vallées, en révélant que le patois qu’on parlait était né de la langue des troubadours et de la lyrique de Frédéric Mistral. Le périodique « Coumboscuro » remonte à ces années-là, ainsi que la naissance d’un laboratoire de sculpture du bois. Coumboscuro a donné naissance à une génération de poètes, qui ont grandi dans l’admiration de la poésie provençale. Une des réalisations les plus importantes du mouvement de pensée qui s’est créé à Coumboscuro est l’école où,encore aujourd’hui,l’enseignement est en langue d’oc.Ainsi,parmi les élèves, naissent de nouveaux petits poètes :

Nuèch Nuit Soufîo l’auro enrabià: Le vent souffle enragé i-arbou soun tuchi coujà, Les arbres sont tous pliés, i fuéie vòlen desperà. les feuilles volent désespérées. En chan japo aval, Un chien aboie là bas, elouégn envers lou bial. au loin, vers le torrent. Tout es quiét, Tout est silencieux, la luno espouncho sal sarét. la lune sort sur le col. S’èstegnen i quiar ent’i ruà les lumières s’éteignent dans les bourgades e mi istou souléto a pensar… et moi je reste seul à penser….

A Coumboscuro se déroulent des manifestations culturelles parmi lesquelles le Festenal, rencontre de musiques et traditions européennes, expositions et rencontres sur les langues minoritaires. Le second dimanche de Juillet se tient une procession religieuse originale dédiée à la Sainte Vierge. Pour la connaissance de la culture matérielle des vallées occitanes, la visite au Musée Ethnographique est particulièrement formative (Infos : www.coumboscuro.org - tél. +39.0171.98707), avec des sections dédiées aux travaux agricoles, au chanvre, au lait, au cycle du pain, à l’artisanat (tissage, menuisier, tonnelier, aiguiseur, sculpteur, dentelle), aux transports, à l’ameublement traditionnel, à l’habillement et aux passe-temps. Il faut rappeler dans la partie la plus ancienne de San Pietro de Monterosso Grana, un musée suggestif en plein air, qui est donc toujours visitable et qui repropose des scènes domestiques et des anciens métiers. Les personnages appelés babaciu en dialecte, sont grandeur nature.

Sur les traces de Pietro

La vallée conserve de nombreuses oeuvres de Pietro da Saluzzo que les documents disent né dans la famille des . Il est l’auteur des fresques de la chapelle de San Magno,dans le sanctuaire de Castelmagno,peintes entre 1475 et 1480,et de celles de la chapelle des Saints Bernardo et Mauro à Vierge sur le trône, San Bernardo da Mentone , Jean Baptiste, les Évangélistes, les Docteurs de l’église et une Annonciation, ainsi que de celles de la chapelle de San Sebastiano à Monterosso. Peintre sensible aux douceurs courtoises, Pietro da Saluzzo n’exprime pas de drames mais il s’abandonne à l’élégance des linges drapés, au ton calme et détendu des scènes, aux gestes contrôlés de ses personnages. Ce fut, à son époque, un artiste recherché par les commettants du Marquisat et des terres voisines. Il tint boutique et il eut de nombreux élèves. Il travailla pour les églises et les confraternités.En peinture il reçut les influences lombardes,mais il refusa la leçon de Jaquerio qui dans le Marquisat avait produit des oeuvres de grande valeur,comme les fresques du « Salone Baronale » dans le Château de la Manta. Pour ceux qui veulent suivre un itinéraire parmi ses oeuvres, outre celles décrites dans la Valle Grana,on signale le cycle déjà cité de la chapelle de San Giorgio à Villar San Costanzo dans la Val Maira, la chapelle de San Ponzio à Castellar dans la Val Bronda, l’Annonciation à San Bernardo de Ostana dans la Valle Pô, le Passage de la Vierge à Santa Maria in Nives à , l’Annonciation à San Giovanni Battista à , le cycle dans la chapelle de la SS. à , les fresques dans l’antique église paroissiale des Saints Filippo et Giacomo à , les peintures de la chapelle de Sant’Anna et de San Giovanni à Piasco dans la Valle Varaita, la Santa Cecilia dans la chapelle de Santa Maria della Spina à Revello, la fresque détachée de San Nicola da Tolentino exposée au Musée Civique de Casa Cavassa à Saluzzo.

38 39 Caraglio: soie, musique et art

Débouché naturel des vallées vers la plaine agricole, Caraglio est, avec ,la seule petite ville des vallées occitanes de la province de Cuneo à montrer des traces de fondation romaine. Dans le hameau San Lorenzo on a retrouvé les bases d’un édifice thermal, des terres cuites, des épigraphes et des pièces de monnaie. L’installation urbaine et l’architecture de la petite ville conservent les traces des différentes époques, du Moyen-Âge roman gothique (les ruines du château de 1128 perché sur la colline, l’édifice de l’Antico Municipio, la demeure de via Brofferio, le clocher de l’église des Saints Pietro et Paolo, l’église de San Giovanni Battista) au baroque (église de Santa Maria Assunta, église des Cappuccini),au XIXème siècle avec les demeures aristocratiques,les fontaines et les monuments. En 1198, la révolte des habitants de Caraglio contre le marquis de Saluzzo concourut à la fondation de Cuneo sur le plateau compris entre les torrents Gesso et Stura. Sa richesse passée dériva en grande partie du fait que Caraglio est un croisement au centre d’une région agricole fertile et du fait de son développement protoindustriel avec cinq filatures et moulinages pour la production de la soie. Récemment Caraglio est devenue le siège d’activités culturelles à l’avant- garde dans le Piémont sud occidental,organisées et gérées par l’association culturelle Marcovaldo.Le calendrier de l’association est riche d’expositions internationales d’art contemporain, d’expositions photographiques, de manifestations historiques et littéraires et de congrès thématiques. Les manifestations se tiennent toutes à l’intérieur du suggestif Couvent «Convento dei Cappuccini » et dans le « Filatoio Rosso », édifice du XVIIème siècle récupéré et restauré,un des plus originaux des vallées occitanes,avec des tours angulaires cylindriques,deux cours internes et des décorations en stuc et en terre cuite (www.marcovaldo.it - tél. +39.0171.610258). Le Filatoio, bâti par l’industriel de la soie Giò Gerolamo Galleani, fut en même temps usine et demeure raffinée, témoin d’une époque à laquelle dans les campagnes de Caraglio la soie donnait du travail à plus de six cents personnes. La vivacité culturelle actuelle semble reproposer le souvenir du grand ferment d’idées qu’il y avait au XVIème siècle, quand la Réforme protestante se répandit dans la basse Val Grana et la population de Caraglio y adhéra en masse, favorisée par les Seigneurs du lieu , les Solaro di Villanova, dont les membres les plus influents s’étaient convertis à la foi vaudoise. C’est à Caraglio que vit le musicien le plus célèbre de l’Occitanie italienne: Sergio Berardo, joueur de vielle, d’accordéon diatonique, de fifre,de cornemuse et de différents instruments électriques, leader du groupe Lou Dalfin, en français “le dauphin”. Berardo, artiste charismatique, a su réinventer la tradition, l’ouvrir aux mélanges de musiques et de styles en créant un genre nouveau,un langage musical engageant, dans lequel cohabitent les sons contemporains et archaïques,les rythmes de discothèque,les mélodies millénaires et les échos des chansons d’auteur. Les instruments sont restés en partie ceux de la tradition occitane alpine: vielle, accordéon diatonique, cornemuse, violon, guimbarde,flûte, clarinette.D’autres,comme le fifre,le galobet,les tambours de Provence, se sont ajoutés en puisant dans le patrimoine d’outre-alpes, mélangés aux instruments modernes électriques du rock contemporain. On dit de Berardo qu’il empoigne la vielle comme Jimmy Hendrix empoignait la guitare électrique. Sa notoriété va bien au-delà des vallées occitanes et les passionnés qui suivent ses concerts (des milliers de jeunes) et qui écoutent les cd de Lou Dalfin (Infos:www.loudalfin.it) découvrent une culture musicale antique interprétée avec des sonorités et des langages actuels. Berardo a élargi les horizons de la musique occitane qui risquaient de rester enfermés à l’intérieur des espaces établis par la tradition et par le folk revival, en la rendant dans ce sens moderne populaire. Aux concerts il a ajouté l’activité didactique et de nombreux musiciens ont grandi à son école. Sur sa trace sont nés les groupes : Lou Seriol de la Valle Stura, Lhi Jari de la Val Vermenagna , Gai Saber de Peveragno,les Fuines de la Val Maira,Chare Moulà et Aire d’Oustano de la Val Pô.On distingue aussi dans ce panorama d’autres groupes musicaux comme les Trobairitz d’òc,A fil de ciel,Senhal,Troubaires de Coumboscuro,et beaucoup d’accordéonistes,de violonistes,de clarinettistes et de chanteurs populaires sont actifs. La rencontre et l’échange d’expérience avec les musiciens de l’Occitanie est devenue une habitude dans la fête annuelle de Lou Dalfin à Castelmagno. À cette occasion comme à de nombreuses autres l’exécution chorale de l’hymne Se Chanta, l’unique chanson d’amour, et non de guerre, qui est devenu l’hymne d’un peuple, est chanté aux quatre coins de l’Occitanie de la Val Grana à la lointaine Gascogne.

40 41 Se chanta Denant de ma fenestra i a un aucelon Tota la nuech chanta,chanta sa chançon

Se chanta,que chante Chanta pas per iu Chanta per m’amiga Qu’es luenh de iu

Aquela montanhas que tant autas son M’empachon de veire mieis amors ont son

Autas,ben son autas,mas s’abaissarèn E mas amoretas vers iu tornarèm

Baissatz-vos montanhas,planas levatz-vos Perqué pòsque veire mieis amors ont son

Trad. Devant ma fenêtre il y a un petit oiseau / Toute la nuit il chante, il chante sa chanson / S’il chante, qu’il chante, / Il ne chante pas pour moi / Il chante pour ma mie / Qui est loin de moi / Ces montagnes qui sont si hautes / M’empêchent de voir où sont mes amours / Hautes, elles sont bien hautes, mais elles s’abaisseront / Et mes amourettes retourneront vers moi / Abaissez-vous montagnes, élevez-vous plaines / Afin que je puisse voir où sont mes amours

Caraglio - Filatoio Rosso (la filature) Valle Stura

C’est une des plus longues et des plus suggestives vallées occitanes,ancienne voie romaine vers la Provence et la zone de Nice à travers le Col de Larche (1996 m) et le Col de la Lombarde (2351 m). Lorsque les Romains ont conquis ces territoires, ils ont tenu compte des affinités ethniques entre les populations des deux côtés du versant : ainsi la Valle Stura,avec les vallées voisines Gesso et Vermenagna,ont été réunies à la Provence, qui pour son niveau de civilisation a été la province romaine par antonomase. Des indices sur les toponymes, Piano Quarto à et Piano Quinto à , bornes, inscriptions à Mars, à Diane et aux divinités protectrices des chariots et des routes marquent le tracé de la route romaine vers la Provence. La langue occitane est encore largement répandue sur tout le territoire jusqu’aux portes de Borgo San Dalmazzo. Dans les villages d’altitude, la langue d’oc parlée fait partie des parlers occitans les plus archaïques et les mieux conservées de toute l’Occitanie alpine. La vallée possède des paysages rudes et anguleux, avec de magnifiques vallons latéraux (Arma, Bagni, Lombarda, Neraissa, Ferriere), d’imposantes oeuvres militaires comme le Forte Sabaudo construit au XIX ème siècle à Vinadio et de sévères clochers romans à ,àVinadio,àSambuco et à . Pour son caractère stratégique de voie de passage,elle a souvent été disputée et elle a vu passer de nombreuses armées. Dans la vallée se trouvent même des constructions originales de troncs à blockbau à San Bernolfo (Bagni di Vinadio), avec les toits en paille dans le vallon de Neraissa et avec les toits à bardeaux à Ferriere.

42 43 Musées d’altitude

Aujourd’hui la renommée de la Valle Stura est aussi liée à la brebis sambucana, au caractéristique profil camus, son élevage a été revitalisé depuis quelques années.Il s’agit d’un ovin autochtone,apprécié avant tout pour sa viande,son fromage et même pour sa laine. L‘élevage des moutons transhumant était une des activités les plus fréquentes. C’est ce qu’on raconte avec beaucoup d’autres histoires dans le parcours muséal Na draio per vioure (une route pour vivre) agencé par l’Écomusée de l’Élevage des moutons de Pontebernardo de Pietraporzio qui valorise le patrimoine culturel, naturaliste environnemental (Infos : tél. +39.0171.955555 - www.vallestura.cn.it). a réalisé dans les locaux de l’ex-école primaire le Centre de Documentation de Vallée. La structure, active depuis 1988, a le but de documenter le patrimoine historique et culturel de la vallée et de valoriser les initiatives locales.Le centre abrite une exposition permanente des coutumes et des objets traditionnels des « Abbadie » de la Valle Stura ,avec une référence particulière à celles de Festiona et de Sambuco,exemples significatifs de baio « christianisée ». C’est aussi le point d’accueil des visiteurs et il possède un espace de vente de livres, publications et matériels divers.

Pietraporzio - hameau de Pontebernardo, siège de l’écomusée de l’élevage du mouton Vinadio en mouvement

Grâce à la récupération effectuée par la Regione Piemonte, à Vinadio on peut visiter le Fort de Carlo Alberto, chef d’oeuvre d’ingénierie et de technique, un des exemples les plus significatifs de l’architecture militaire des Alpes occidentales. La construction, commencée en 1834, engagea jusqu’à 4000 personnes et elle s’est conclue quatorze ans après.À l’intérieur trois niveaux de cheminement abritent l’exposition interactive « Montagne en mouvement » organisée avec un sens aigu du spectaculaire.Il s’agit d’une série de «parcours multimédiaux à travers les Alpes méridionales. Une invitation à relire le passé pour réfléchir sur le présent et explorer le futur des vallées alpines ». La montagne, donc, vue non pas comme frontière et péri- phérie,mais plutôt comme charnière, noeud d’échange. À travers quarante écran-situations, plus de soixante programmes vidéo et quatorze pupitres interactifs, il nous apparaît l’image d’une montagne dyna- mique et flexible,où l’homme a su co- njuguer l‘adaptation à l’environ- nement avec la créativité (Infos : Fort de Vinadio - tél.+39.0171.959151 - www.fortedivinadio.it). La traditionnelle Foire de la Toussaint se tient à Vinadio le dernier dimanche d’octobre.Jusqu’aux années 80 du siècle dernier la foire tournait autour de la vente des pommes de terre (bòdis en occitan),des bovins et des ovins.Ensuite l’exposition du Mouton Sambucano, s’est affirmée, et elle est complétée par des concerts,des expositions et des spectacles qui valorisent les traditions du monde pastoral,ainsi que la dégustation des gros agneaux Sambucano selon les différentes recettes de la tradition (Infos : Comunità Montana Valle Stura - tél. +39.0171.955555). Dans le bourg de Bagni on peut effectuer des soins dans les thermes qui utilisent de l’eau riche en soufre, qui jaillit à 55° et qui est utilisée pour des bains, des aérosols, des inhalations. On peut aussi faire des massages, des bains de boues et des physiothérapies (Infos : tél. +39.0171.959395 - www.termedivinadio.com).

44 45 Frontières de beurre

… je n’avais pas encore seize ans,je suis parti pour la France,à pied à travers le Col de Ciriegia ; avec d’autres [personnes [ nous avons marché jusqu’à Saint Laurent du Var au-delà de Nice,et de là nous sommes allés à Saint Raphaël,à l’aventure…

… à douze ans je suis allé la première fois à Barcelonnette. De mon village il partait un chariot avec les enfants dessus… il nous menait jusqu’à Pianche. Ensuite de Pianche à Barcelonnette nous allions à pied.À Barcelonnette,au mois d’avril, chaque jeudi, il y avait le marché des enfants… Ensuite j’ai commencé à aller du côté de Grasse…

Ce sont deux témoignages de la Valle Stura d’antan, tirés du livre « le Monde des Vaincus » de l’écrivain Nuto Revelli. L’émigration saisonnière menait à Marseille, à Toulon, dans la Crau, en Camargue, Nice, Arles, Aix, Nîmes et Avignon,rarement elle prenait la direction contraire vers la plaine du Pô.Jadis c’était normal de voyager à travers les montagnes.Les enfants étaient amenés aux foires pour être « loués » comme bergers. Les migrants qui sur la côte de la Provence faisaient danser les marmottes et demandaient un peu d’argent en échange de ce petit cirque étaient une particularité de la Valle Stura. Les frontières étaient de beurre. Pour ceux qui connaissaient les passages sur les montagnes aller en France servait à survivre dans un pays qui était familier et où on parlait la même langue.

La connaissance des cols favorisait la contrebande. Ils portaient du riz et du tabac,ils prenaient du sel qui coûtait peu et qui se revendait quinze vingt fois plus cher dans les vallées. La Comunità Montana Valle Stura a dédié à la contrebande un musée à Ferriere, à 1900 m d’altitude. Il se trouve dans une maison restructurée qui s’appelle la mishoun de couòntrabando (la Maison de la Contrebande - Infos: tél. +39.0171.96715) et il reprend les allers-venues de cette pratique de frontière,pour illustrer la vie dans la bourgade,avec un film qui recueille les témoignages des personnes qui ont effectué cette activité certainement illégale mais utile à la survie en altitude. Mémoire des Alpes en guerre

Les traces de la seconde guerre mondiale sur les Alpes - guerre contre la France, Résistance et persécutions raciales - sont un réseau écomuséal transfrontalier (www.memoriadellealpi.net). Dans la province de Cuneo se déploient plus de quarante « Sentiers de la Liberté »,qui relient des lieux et des itinéraires significatifs pour en récupérer la mémoire historique.Il y a des centres d’informations à Cuneo, à Borgo San Dalmazzo, à Boves, à Dronero, à Roccabruna et à Sambuco, , avec des espaces,des initiatives et du matériel pour revivre,avec l’esprit et le coeur,les pensées,les projets,les choix,les sentiments et les émotions des protagonistes de ces années- là.Il est rappelé par exemple qu’en 1940 le territoire de la Valle Stura fut occupé par de nombreuses divisions alpines et d’infanterie, de canons et divisions de chemises noires auxquelles Mussolini avait confié la tâche de percer les lignes françaises.La France,déjà vaincue par les Allemands, considéra l’attaque italienne « un coup de poignard dans le dos ». Un Mémorial à côté de la gare de chemin de fer de Borgo San Dalmazzo rappelle les Juifs de toute Europe arrivés à pied de la Vallée de la Vésubie. Beaucoup furent accueillis par la population mais quelques centaines furent capturés et envoyés dans des trains dans les camps de concentration allemands. Dans les jours qui suivirent le 8 septembre 1943,sur les montagnes occitanes on organisa les premiers groupes de résistance. Un groupe d’antifascistes, guidé par Duccio Galimberti, Dino Giacosa, Dante Livio Blanc, se réunit à Madonna del Colletto, entre les vallées Stura et Gesso, en formant la « Banda Italia Libera ». L’emplacement de Madonna del Colletto étant difficile à défendre, la bande se déplaça à la bourgade Paralup, au sommet du vallon de entre les vallées Stura et Grana,aujourd’hui intéressée par le projet de conservation architecturale présenté par la Fondation intitulée à l’écrivain partisan Nuto Revelli.CN 12 P1) camminare nella storia

46 47 Les merveilles de Pedona

Les origines romaines de Borgo San Dalmazzo sont une énigme fascinante. On se demande encore où était exactement située Pedona aux « blanches tours », municipium déjà au premier siècle après J.C. et siège d’un statio doganale qui conserva pendant longtemps une considérable importance puisque position de contrôle sur les voies vers la Ligurie et vers la France, mais elle n’échappa pas à la décadence et aux incursions sarrasines du X- XIème siècle, comme on lit dans le « Planctus super Pedonam » (Pleur pour Pedona). Parmi les objets archéologiques retrouvés, une épigraphe, qui atteste l’existence des stations de la Quadragesima Galliarum, une nécropole du IIème et IIIème siècle près de l’actuelle abbaye et des noyaux de tombes romaines dans d’autres points de la ville. D’intérêt particulier, le relief funéraire de deux époux (moitié du Ier siècle après J.C.) conservé dans le Musée Civique de Cuneo et la stèle Victorina de fin marbre blanc, dédiée à une femme, mais curieusement décorée avec un bouclier et des flèches. Nous trouvons témoignage des liaisons avec la mer, aussi dans un autel dédié à Neptune par les piscatores, conservé à Mondovì dans le séminaire épiscopal. La première mention de l’abbaye de San Dalmazzo est contenue dans un diplôme de 902 dans lequel Ludovico III de Provence la posa aux dépendances de l’évêque Eilulfo d’Asti. Tout aussi incertaines sont les origines de San Dalmazzo ou de Dalmazio, saint patron de la ville. Quelqu’un l’a indiqué comme évangélisateur de l’ancienne Pedona. Selon une ancienne version, le saint, soldat de la Légion Thébaine, subit le martyre par les sacerdoces d’Apollon. L’église de l’abbaye de San Dalmazzo conserve une vaste crypte avec des décorations prisées en stuc et marbres et des chapiteaux du haut Moyen-Âge. Dans la Chapelle des Anjou se trouvent des fresques des frères Biasacci de Busca et de Giovanni Baleison de Demonte (Info : www.sandalmazzo.com et en particulier le Musée de l’Abbaye - www.sandalmazzo.com/museo/index.htm).

Les premiers jours de décembre se tient la traditionnelle Fiera Fredda (Foire Froide), instituée par Emanuele Filiberto dans le lointain 1569. Elle s’appelle ainsi parce qu’elle représente la dernière occasion de fête avant l’hiver. L’exposition est devenue très renommée pour la dégustation et la vente de l’escargot blanc, Helix Pomatia Alpina, aux chairs blanches appréciées des gourmets qui a son habitat naturel dans les vallées alpines voisines. Aujourd’hui l’escargot est élevé et il est cuisiné selon différentes recettes plus ou moins traditionnelles.

Parcours littéraires et légendes

Une des plus importants écrivains italiens du XIX ème siècle, Lalla Romano, naquit à Demonte en 1906, dans une famille sensible aux arts et aux sciences. Pendant les années universitaires à Turin elle connut et fréquenta des écrivains et des intellectuels du calibre de Vincenzo Monti, Cesare Pavese, Mario Soldati, Franco Antonicelli, Arnaldo Momigliano. Parmi ses romans, « la pénombre que nous avons traversée » (1964) est inspiré de son enfance dans la Valle Stura. Les années passées à Demonte apparaissent aussi dans un livre particulier, « Lecture d’une image », que

Ferriere, siège de la Maison de la contrebande l’écrivain dédia à son père Roberto et il est constitué de photographies prises entre 1904 et 1914 et gravées sur des plaques en noir et blanc. Mais Lalla Romano (disparue à Milan en 2001) fut aussi appréciée comme peintre,elle fréquenta l’école turinoise Felice Casorati et exposa ses oeuvres dans des expositions collectives et personnelles. En souvenir de ceci, Demonte lui a dédié un espace,situé dans le Palazzo Borelli du XVIIème siècle, demeure parmi les plus prestigieuses, érigée par les vicomtes Bolleris, seigneurs de la vallée depuis le temps de Jeanne d’Anjou (1376). L’« Espace Lalla Romano » comprend une exposition permanente qui docu- mente des paysages, atmosphères, formes et couleurs des lieux qui ont exercé une influence décisive sur la formation de la sensibilité artistique de Lalla Romano, à partir de ses cadres et des dessins juvéniles, lieux qui transparaissent aussi dans ses livres. À côté de l’exposition, une bibliothèque, un laboratoire didactique pour promouvoir la connaissance et la conscience de l’œuvre littéraire de Lalla Romano en impliquant les écoles et les enseignants, à partir de celles locales pour élargir le champ de vision à la région transfrontalière. Donc un centre d’ études sur le paysage qui a fonction de laboratoire permanent et multidisciplinaire pour enquêter sur le rapport entre les différentes expressions artistiques, la littérature, la poésie, la peinture, la photographie et le paysage (Infos : tél. +39.0171.618260 - [email protected]). Le poète en langue oc de la Valle Stura, Giuseppe Rosso, Bep Rous dal Jouve, un des meilleurs du XXème siècle occitan a une histoire différente.Né à Borgo San Dalmazzo d’une famille de bergers originaire de la moyenne vallée, il eut mode pendant son enfance et sa jeunesse de suivre les troupeaux de famille dans les itinéraires de transhumance de la Valle Stura à la Valle Pô. Cela lui valut une grande expérience de la civilisation montagnarde qu’il sut sublimer dans les vers de sa poésie. Éducateur et homme d’études éclectique, Bep Rous dal Jouve publia aussi des études de toponymie, d’architecture, d’histoire, d’art religieux, de peinture, des traditions locales et folklore. Orateur persuasif,critique d’art apprécié,musicologue et choriste,passionné de photographie, il fut aussi sculpteur sur bois et poète en piémontais. Son oeuvre poétique recueille des vers en occitan particulièrement riche soit comme vocabulaire soit comme expression de ses émotions. Malheureu- sement sa production ne fut jamais systématiquement recueillie ni publiée, quoiqu’elle mérite d’être retrouvée pour mieux comprendre le genius loci de la vallée.Ces quelques lignes veulent être un hommage à un écrivain de la montagne occitane avec le souhait que les gens des vallées et ceux qui viennent d’ailleurs veuillent redécouvrir son oeuvre.

Abou la chamiso bioncho

N’ai mec pus uno, de chamizo bioncho, e ren la sortou per calar en villo. Mi me la vestou per anar amount entourn se làrguen i cavial di suco trempà de sàouvo chardo énte l’erbasso, adéou despoutentà di questaniha que mouéren quiet dins lou darrìe bouòsc.

Avec la chemise blanche Je n’en ai plus qu’une, de chemises blanches, et je ne la porte pas pour descendre en ville. Je la mets pour aller là-haut, là où s élargissent les troupeaux des souches trempés de lymphe rougeâtre au milieu de la mauvaise herbe adieu désespéré des châtaigniers qui meurent silencieux dans le dernier bois.

Littérature et poésie en oc se nourrissent de mythes et de légendes.Un des textes poétiques traditionnels les plus suggestifs de la Valle Stura décrit le passage de la Reine Jeanne d’Anjou,qui se dirigeait à Naples :« Nòstra Rèina Jana,tuchi corrion au siu passatge,tuchi venion à des lhi faire omatge.Tu vis la rèina de nòstra montanha et tot le monde qu’aicì l’acompanha ! » (Notre Reine Jeanne,tous accouraient à son passage,tous venaient lui rendre hommage. Vive la reine de notre montagne et tout le monde qui ici l’accompagne). Les chroniques qui décrivent la figure de la reine de Naples et dame de Provence, la dépeignent comme une femme de grand charme, cependant dissolue et cruelle.Jeanne eut quatre maris et de nombreux amants et,elle fut accusée d’homicide, et mourut étranglée en 1382. Ici dans la vallée,par contre,elle est rappelée comme dame bénévole et une

50 51 petite esplanade à pic sur le gorges des Barricate, barrière de roche entre Bersezio et Pontebernardo, est encore aujourd’hui rappelée comme le « jardin de la Reine Jeanne ».Une légende de la basse Vallée fait exception, la Rèina Jana redevient cet être endiablé transmis par les chroniques du Moyen-Âge. Ici, on raconte que la belle Jeanne, en voyage de Naples vers la Provence, s’établit sur un mont au climat particulièrement salubre et près d’une source fraîche.Mais peu après vint une terrible peste, interprétée par les habitants du lieu comme punition divine pour la présence de la pécheresse.Le peuple pria donc Jeanne de s’en aller :la reine consentit,mais en échange elle prétendit une paire de chaussures adaptées à ses pieds. Ainsi on découvrit qu’elle avait des « pieds de poule », c’est-à-dire que la Rèina Jana était une sorcière.

Relax aux Thermes de Vinadio - hameau de Bagni Valle Gesso

Le Parc Naturel Alpi Marittime,d’environ 29.000 hectares autour du massif de l’,est le plus grand parc du Piémont.Il confine avec le Parc National français du Mercantour, avec lequel il est jumelé depuis 1987. Ainsi, 100.000 hectares de précieux territoire alpin ont été protégés et en 1993,ils ont obtenu le Diplôme européen des espaces protégés. Le Parc a comme note distinctive la proximité de la mer, bien que de nombreux sommets avec quelques glaciers dépassent trois mille mètres.Dans le Parc, on a classé environ 1.900 espèces de plantes supérieures avec de nombreux et précieux endémismes, dont vingt-six de type exclusif. La faune est riche, avec le bouquetin en premier plan, des chamois, des mouflons provenant du Mercantour, loups, aigles, gypaètes et faucons pèlerins. Les Centres de Visite de la Valle Gesso se trouvent à Entracque et à Terme di Valdieri. Parmi les phénomènes karstiques de la zone on trouve les grottes de ,caractérisées par la source de la Dragonera,avec un siphon exploré jusqu’à -35 mètres, et les grottes « del Bandito », exploitées même pour l’extraction de l’or jusqu’à la fin du XIXème siècle,mais célèbres surtout pour la découverte des os de l’ours des cavernes (Ursus spelaeus), une espèce de trois mètres de haut et du poids d’une tonne environ, qui s’est éteint il y a 15.000 ans. Dans le tronçon plus en aval de la gorge du Rio Bedale on peut aussi observer une profonde incision qui forme un canyon avec de hauts murs rocheux.

52 53 L’ours et le seigle

L’ours se retrouve aussi comme personnage principal dans l’ancien carnaval alpin de Valdieri.Un ours de paille de seigle enchaîné est mené dans les rues du centre historique par un dompteur. L’ours tente d’attaquer les femmes et lorsqu’il réussit à se libérer il en choisit une pour une danse.Enfin il s’enfuit loin des gens et, remplacé par un pantin de seigle, il est brûlé. Au cortège participent aussi les bruyants « peroulier », « fra » qui déclament « epistule » amusantes et les sympathiques « magnin ». Le thème du seigle est central pour l’Écomusée du Seigle, qui se trouve dans l’ancien hameau de Sant’Anna de Valdieri : il permet de découvrir les habitudes,des curiosités sur la vie quotidienne et les travaux des gens d’antan. Le projet muséal a récupéré quelques maisons et les toits en seigle dans les hameaux de Tetti Bartola et Tetti Bariau.Le Centre de documentation propose des parcours ethnographiques, comme le sentier culture « Lou Viol du Tàit », excursions, laboratoires sur la culture locale et sur le thème du seigle (Infos : Commune de Valdieri - tél. +39.0171.97109).

Pian del Valasco Mémoires royales à Valdieri et Entracque

L’aire du Parco delle Marittime est un lieu d’une beauté sauvage.En 1855 les Savoie vinrent en visite dans la Valle Gesso et Vittorio Emanuele II resta tellement fasciné que les communes de Valdieri et d’Entracque, conscientes des avantages que la présence royale auraient portés,cédèrent au futur roi d’Italie une part de leurs terrains comme réserve pour l’utilisation privée de la chasse et de la pêche. Vittorio Emanuele II choisit la Valle Gesso comme demeure estivale et entre le Roi « Galant homme » et la population s’établit un rapport privilégié. Le roi engagea une nombreuse main-d’oeuvre locale :des gardes,des porteurs et des batteurs, qui pendant les chasses poussaient les troupeaux de chamois sous le tir du fusil royal,et une multitude de serviteurs,de cuisiniers et de garçons employés dans les hôtels particuliers de chasse,dans lesquels le Roi accueillait des monarques de la moitié de l’ Europe avec leurs cours, amis et amants. En souvenir des escapades amoureuses du Roi Galant homme il reste, à Terme di Valdieri, l’original chalet de « Bela Rosin » décoré avec des bois ciselés et fioritures en style suisse, que Vittorio Emanuele II fit construire

Thermes de Valdieri - Chalet de la Belle “Rosin” pour recevoir la jeune femme du peuple Maria Rosa Vercellana, ensuite anoblie avec le titre de Contessa di Mirafiori. Pour favoriser la fréquentation des thermes voisins,où jaillissent des eaux à 25-29 degrés,on édifia de nombreux hôtels et Vittorio Emanuele II inaugura lui même en 1857 le grandiose Hôtel Royal. Une demeure royale de chasse s’élève à Sant’Anna di Valdieri, une autre à San Giacomo di Entracque. De là partent les différents sentiers qui mènent jusqu’ au Pian del Rasur, avec la possibilité de rencontrer des chamois et des marmottes et jouir du spectacle des glaciers du Monte Gelas. Parmi les lieux les plus suggestifs il y a le Pian del Valasco, vaste plateau entouré de sommets à 1760 mètres, traversé par un torrent qui forme deux très belles chutes,où Vittorio Emanuele II fit ériger une des plus importantes et caractéristiques maisons de chasse : un château solitaire quadrangulaire muni de tours de garde. Avec une plaque commémorative de 1882, le Club Alpin Italien rappelle Vittorio Emanuele II qui « les hauts soins du règne, ici dans les dômes des Alpes Maritimes, dans le divertissement d’alpestres chasses tous les années reposait ». Les successeurs Umberto I et Vittorio Emanuele III se verront confirmés les droits sur la réserve, ainsi, pendant plus de 80 ans, la Réserve Royale eut le mérite de conserver, bien qu’à des fins cynégétiques, la faune sauvage, en la protégeant du braconnage et en introduisant en 1920-22 les bouquetins portés du Grand Paradis.Une fois la monarchie disparue,de l’ex réserve naîtra beaucoup plus tard l’actuel Parco delle Alpi Marittime (Infos : www.chambradoc.it/cmgv/progettocmgv2004.page). Pour une connaissance plus approfondie des opportunités offertes par l’aire protégée et par la Valle Gesso en général on peut visiter un des centres d’accueil que le Parc a réalisé dans les points d’accès d’Entracque et Terme di Valdieri (Infos : Centre Visite Entracque - tél. +39.0171.978616; Terme di Valdieri - tél. +39.0171.97208 - www.parcoalpimarittime.it). Dans les Thermes, on a ouvert le Jardin Botanique Valderia, du nom de la violette « valderia » endémique de ce territoire. Le jardin recueille plus de 450 espèces des milieux naturels de la zone : roches silices et calcaires, prairie, tourbière, grève du fleuve, pâturage, arbustes. La nécropole de Valdieri, ouverte à la visite, et les incisions rupestres du lac del Vei del Bouc témoignent de la présence de populations préhistoriques. La Vallée fut connue des Romains pour ses sources thermales et, au Moyen-Âge, elle fut parcourue par les caravanes du sel qui arrivaient de la Provence. Les fresques de la Madonna del Gerbetto à Andonno et de la chapelle de San Giovanni à Valdieri sont du Moyen-Âge. Le marbre « bardiglio » gris extrait près de San Lorenzo fut employé en époque baroque dans les paroissiales de Valdieri et d’Entracque.Dans ce village, le Musée d’Art Sacré expose des objets liturgiques et des cadres d’école du Caravaggio. Villages et hameaux ont maintenu en partie l’aspect d’antan et on peut observer des traces d’anciennes couvertures de toit en paille ; les alpages sont caractéristiques avec les clôtures en pierre, appelés « parc », le « casot » en pierre qui a le rôle d’habitation du berger et la « truna » avec couverture en terrain végétal où on conserve les fromages. Le tout prend le nom de « gias » du latin « iacere » (gésir) et reflète un style de vie rustique. Toutefois la Val Gesso n’est pas seulement mémoires royales,nature,histoire et culture matérielle. La spectaculaire installation hydro-électrique d’Entracque, entrée en fonction en 1982, est la plus grande d’Italie. Elle s’articule en deux chutes distinctes : Chiotas-Piastra et Rovina Piastra. Sa construction, commencée en octobre 1969, a demandé treize millions d’heures de travail et un complexe chantier comprenant trente-cinq entreprises de construction et électromécaniques, une partie en altitude pour la réalisation des barrages du Chiotas (130 mètres de hauteur) et du Colle Laura,une partie pour la réalisation des constructions extérieures,une partie en tunnel pour les canaux de dérivation et des conduites forcées. Au cours des années la mastodonte muraille du barrage de la Piastra est devenue un amusant et insolite site d’escalade pour les passionnés de la grimpe. Pour satisfaire la curiosité des visiteurs, sur la route pour San Giacomo d’Entracque il a été créé le Centre Informations « Luigi Einaudi », où se trouve une maquette des installations placées en haute montagne et on peut visiter avec un petit train la centrale dans la caverne avec les gigantesques conduites et les turbines (Infos : Centro “Luigi Einaudi” - tél. +39.0171.978811 - fax +39.0171.078811).

56 57 Sur les traces des loups et des gypaètes

Le Parco delle Marittime, qui en 1993 a obtenu le Diplôme Européen des Espaces Protégés est riche en chamois et bouquetins. Il abrite en outre deux animaux rares, le loup et le gypaète dont on avait perdu les traces jusqu’à il y a quelques années. Le loup est retourné en remontant à étapes l’Apennin et c’est justement dans la Valle Gesso, vers la frontière avec le Parc Français du Mercantour, que les marques de sa présence sont particulièrement nombreuses.Son arrivée a créé préoccupation chez les bergers qui maintenant doivent défendre les troupeaux des attaques de l’animal de proie. A Entracque au Centre du Parco delle Alpi Marittime, les chercheurs étudient le comportement des nouveaux arrivés. Après avoir compté les exemplaires de la Valle Vermenagna à la Valle Varaita,ils suivent en hiver leurs traces sur la neige,en été “ils hululent”dans les combes et sur les cimes en imitant le rappel du loup ou en diffusant des hululements enregistrés.Les loups répondent aux chercheurs et de cette façon on peut évaluer leur nombre (Infos : www.regione.piemonte.it/parchi/lupo/progetto/monitor.htm).

Voir un gypaète en vol est émouvant. Ce rapace a une ample envergure et accomplit des trajets très longs en volant des Alpes Maritimes aux Alpes Cottiennes et en survolant le mer de la Corse. Le Parc fréquenté par des troupeaux fournit une alimentation abondante à ces nettoyeurs d’altitude,capables d’avaler les os entiers (même le fémur d’un chamois) et de les digérer avec des sucs gastriques très puissants. Les gypaètes ne gaspillent rien,ils se nourrissent d’os et de tendons d’animaux morts, ils n’ont donc pas de rivaux alimentaires. Ils sont intelligents : au printemps avancé ils volent de façon ponctuelle au dessous des restes d’éboulis et d’avalanches, en espérant trouver des animaux morts.Quand les os sont trop grands, pour les casser ils s’élèvent en vol et d’une hauteur de cinquante mètres ils les lancent sur les rochers. Sur les Maritimes le repeuplement des gypaètes a commencé en 1993 :depuis lors, les repérages sont continus et toutes les signalisations sont recueillies dans une banque de données.Les rapaces libérés sont « marqués » et on peut les reconnaître grâce aux plumes de leurs ailes, rémiges et rectrices plus claires. Un gypaète des Maritimes a été vu dans le ciel de Hollande et après environ trois mois il a été observé en Haute Savoie. Le Parlate, théâtre d’oc

À Entracque, tous les cinq ans on peut assister à la représentation de “le Parlate“ (la dernière s’est tenue en 2005). Cette réévocation de la Passion et la Mort de Jésus est faite revivre par des acteurs et des personnages locaux sur une scène dans la Confraternità di Santa Croce.Toute la représentation, de la prière dans le Jardin de Getzemani jusqu’à la Sépulture ,est récitée en langue occitane locale. La coutume remonte au Moyen- Âge et elle se tient pendant la semaine sainte,mais c’est la journée du vendredi saint qui revêt une suggestion par- ticulière, quand arrivent les personnages: al Timbajer (le héraut) qui depuis le petit matin traverse les hameaux en annonçant le programme, al Capi- tani (le capitaine),qui le Dimanche des rameaux a été investi de la charge de la part du curé prieur.Al Capitani avec al Tenenti (le Lieutenant) présente les personnages au maire et demande l’autorisation au déroulement de “le Parlate”.Après avoir reçu l’autorisa- tion devant la confraternité de Santa Croce, ils représentent la Passion et la Mort de Jésus,alors la célébration continue avec une procession ac- compagnée de chants du Miserere et du Stabat Mater le long des rues du village, illuminées avec des flam- beaux et des torches. L’Urne Sacrée avec le corps du Christ, est accompa- gnée par i Trëzë Cavajer (les treize Cavaliers) en frac et tricornes avec un drapeau décoré d’une croix d’argent sur fond noir, qui représente les treize cantons, guidés par “al trezë“, leur commandant. La procession se conclut avec la déposition du Christ dans l’Église Paroissiale où est rassemblée toute la population. Le Parlate,nées d’une forte motivation religieuse, représentent un moment de foi, d’histoire et de tradition, qui demande beaucoup d’engagement de la part de la communauté du petit village, placé aux pieds des falaises calcaires suggestives et d’âpres montagnes (Infos: www.chambradoc.it/cmgv/progettocmgv2004.page).

58 59 Gastronomie de vallée

Les recettes des vallées sont liées aux produits et aux cultures typiques : les gnocchi d’épinards,le riz au lait avec des pommes de terre,poireaux et courge, les truites avec les cèpes frais, les oignons farcis de blettes et de saucisse, la tarte de brousse.Dans ces préparations il ne manque pas la pomme de terre, ressource primaire dans l’alimentation des Alpes occitanes. En réalité la pomme de terre arriva sur ces montagnes assez tard, vers la fin du XVIIIème siècle. Son nom en occitan connaît différentes variantes : il y a qui l’appelle trufa, qui tartifla, qui trifola et d’autres bòdi dans les vallées Gesso et Stura. Terre, altitude, eau et climat font des pommes de terre de montagne un produit très apprécié.Dans la cuisine traditionnelle des Vallées on les trouve : frites, à la poêle, bouillies avec la peau pour en garder la saveur, écrasées en purée et comme ingrédient essentiel pour différents types de gnocchi, raviolas, calhetas, donderets, tondirets, avec le riz et avec l’aioli, et même dans certaines tourtes. Certains outils traditionnels pour la culture de la pomme de terre sont encore largement employés : la pioche à deux pointes, le magau, importé sur les montagnes occitanes de la Provence,et l’originale picha ou bichard qui a une pointe seulement.Toutefois une rapide mécanisation de la production est en train de se répandre. Parmi les recettes traditionnelles, et au goût particulier, on trouve aussi los talharins de Roascha, les « taglierini » à la mode de Roaschia, des pâtes préparées à la main. La sauce préparée avec six cent grammes d’oignons coupés en tranches et rissolés dans 80 grammes de beurre et quatre cuillères d’huile d’olive avec deux cent grammes de petit salé coupé en cubes.Lorsque tout est bien doré,on ajoute deux verres de vin rouge et on fait cuire pendant huit autres minutes. Dans cette sauce on fait sauter les « taglierini » précédemment bouillis. Histoire de bergers migrants

Les histoires d’émigration sont « la grande aventure » des Vallées occitanes. « … Je n’avais pas seize ans, quand je suis parti pour la France, à pied par le Col de Ciriegia. Avec d’autres nous avons marché jusqu’à Saint Laurent du Var, au-delà de Nice, et de là nous sommes allés à Saint Raphaël, à l’aventure… » :c’est un témoignage recueilli par Nuto Revelli dans son livre « le Monde des Vaincus ». L’émigration saisonnière portait loin, sur la mer de Marseille à Toulon, dans la Crau, en Camargue, sur la côte de Nice, à Arles, Aix, Nîmes, Avignon et jusqu’à Paris. Les bergers de Roaschia allaient dans la direction opposée,vers la Plaine du Pô, ils suivaient le cours du fleuve Pô. Hommes, femmes et enfants se déplaçaient de la Valle Gesso avec des centaines de moutons, suivis d’un chariot avec les ustensiles de ménage, pour une vie spartiate… le jour : marcher, la nuit : sous les étoiles. « Ils volaient » l’herbe des pâturages le

Parc naturel “ Alpi Marittime ”- Lac Valscura Inférieur long des berges et des bras morts du fleuve, donc ils eurent le surnom de « gratta »,qui en dialecte veut dire maraudeur.Ils retournaient au printemps, en portant dans la Vallée natale objets, usages, chansons et le bon vin des collines d’Asti. Dans l’interview filmée en 1996, conservée dans les archives de l’Ousitanio Vivo Film (Infos : Via Marconi - 12020 Venasca - tél. +39.0175.567606 - [email protected]),Lorenzo Giraudo dit Lencho d’Charùa de Roaschia, raconte son histoire : « Nous descendions avec la troupeau, environ 180 moutons, et nous allions à pied à Fiorenzuola d’Arda dans la province de Parme, mon père, ma mère et la famille. Nous partions en automne, fin septembre, avec le chariot. Nous passions par Cuneo, Bra, Alba, Asti, Alessandria,Tortona,Voghera,ensuite à Casteggio et à Stradella,où l’on fait les accordéons, jusqu’à Castel San Giovanni, Piacenza et San Giorgio Piacentino ». « I gratta » étaient des nomades dans un monde de sédentaires.Cela imposait quelque circonspection et pour ne pas se faire comprendre les bergers de Roaschia ont inventé un argot : la bartolina et lo bartolòt c’était la brebis et l’agneau, la bëjja la tomme, la femme la tubera, la fille la marmalha. Les femmes participaient à cette vie très dure : « Jour après jour aux intempéries, pluie et neige. Le chariot était notre maison, les femmes dormaient sur le caisson,les hommes sous le chariot,couchés sur une peau de mouton ».

Parc naturel “Alpi Marittime”- Parc naturel “Alpi Marittime”- ex-route militaire pour le “Colletto le Monte Matto di Valasco” Val Vermenagna

Au Moyen-Âge, la Vallée a été une importante voie de transition pour les caravanes du sel et les communications du Piémont à la Ligurie occidentale et à la zone de Nice. La Val Vermenagna est certainement la vallée des bals et des chants.En été,les fêtes patronales et champêtres se succèdent, elles sont vécues avec une forte participation populaire. À et à Vernante en particulier les jeunes font preuve d’un grand attachement aux danses traditionnelles occitanes. La danse figurée au son de l’accordéon et de la clarinette,tout comme le chant ont développé des formes typiquement locales,avec un style mélodieux qui tend vers les tons hauts et un pas de danse très rapide,presque impossible à imiter. Aujourd’hui la Vallée est la seule de la province de Cuneo qui soit parcourue par une route et par une ligne de chemin de fer internationales, qui relient Turin et Cuneo à Nice. , au sommet de la vallée, est considéré comme le plus grand centre de ski des Alpes sud occidentales. Les premières pistes apparurent en 1907.En 1936,on commença à construire les remontées mécaniques et les premiers hôtels. Dans la période de l’après- guerre,ses neiges devinrent la destination préférée des skieurs et des touristes qui provenaient de la zone de Cuneo,de la Ligurie et de la zone de Nice (Infos: www.limonepiemonte.it). Malgré le développement touristique intense et les nombreuses construc- tions, le village conserve une identité communautaire remarquable et un dialecte d’oc avec certaines caractéristiques phonétiques curieuses. La Baija, est une tradition typiquement occitane, célébrée en été par une procession religieuse suivie de danses et de musiques. Le tunnel routier de Tende, creusé en 1883 pour le trafic des diligences postales, mesure 3,3 km et il figura parmi les premiers dans les Alpes. Sa

62 63 présence favorise l’ouverture vers la zone de Nice et la Provence. Un réseau routier si développé explique aussi,en partie,la présence dans la basse vallée d’industries d’extraction qui garantissent de nombreux postes de travail, en limitant le phénomène de l’émigration.

Les Forts de Tende

À la fin du XIXème siècle l’Italie construisit sur le col de Tende (1850 m d’altitude), entre les vallées Vermenagna et , un système de forts reliés entre eux par des routes militaires, aujourd’hui transformés en parcours d’excursion de grande valeur environnementale. Le fort « Forte Colle Alto », construit de 1888 à 1891, fut le pivot de ce déploiement contre la France. Jamais aucun coup de feu ne fut tiré des Forts de Tende : à la declaration de la première guerre mondiale leur artillerie fut démantelée et utilisée sur le front autrichien.En 1947,quand la haute vallée Roya passa à la France,les Forts de Tende changèrent aussi de propriétaire.

Randonnée en VTT aux Forts de Tende Ubi stabant cathari

Ad Rocavion, et est locus apud Cuneum, ubi stabant cathari qui venerant de Francia ad habitandum... écrivait au XIIIème siècle l’inquisiteur Anselmo d’Alessandria. L’arrivée des premiers hérétiques cathares du Languedoc à remontait à 1165. Ils avaient traversé, comme de nombreux fugitifs, le Col de Tende. Roccavione était placée à la convergence de plusieurs routes,avec un château du XIème siècle dont il reste peu de ruines.Partant de là,les cathares prêchèrent au Piémont, en Lombardie,Toscane et Vénétie. De nombreux personnages y transitèrent: troubadours, nobles et chevaliers, dont certains défenseurs du rocher de Montségur, où se consomma le massacre des cathares, épisode militaire de l’histoire de l’Occitanie. En juin à Roccavione revivent, à la lumière des torches, les fondements de la religion cathare, les rites, le drame de la persécution, le sacrifice final, avec musiques et scènes de vie quotidienne du bas Moyen-Âge. Une centaine de personnes en costumes d’époque reparcourent les événements décrits dans le Tractatus de heretici de l’inquisiteur Anselmo.

La découverte à Roccavione (Bec Berciassa à 962 m d’altitude) d’un site de l’Âge du fer confirme que la Val Vermenagna est une des plus antiques voies de passage à travers les Alpes. Le Col de Tende fut traversé aussi à des fins commerciales. Les métiers liés à la circulation et aux transports ont trouvé leur protecteur en la personne de Saint Éloi. Aujourd’hui encore à Limone Piemonte se répète la traditionnelle Baija ‘d sant Aloi, protecteur des charretiers, forgerons, maréchaux-ferrants, selliers. On la fête le dernier dimanche d’août: l’Abbà, personnage qui conduit la Baija en soutenant l’enseigne du saint patron,et ses confrères défilent vêtus d’un costume riche façon napoléon,en enfourchant des montures ornées de noeuds,panaches, colliers de grelots, menées par d’élégants muletiers qui empoignent une lance surmontée de rubans et de fleurs. Arrivés à l’église paroissiale de 1363, la plus antique de la Val Vermenagna avec sa façade en pierre et portail à cintre aigu, l’investiture du nouvel Abbà se déroule. Le cortège se répète deux fois dans la journée,accompagné de corenta e balet, danses traditionnelles communes dans toute l’aire occitane, et par le retentissement de la poudre de détonation des pétards.

64 65 Pinocchio à Vernante

À 6 kilomètres seulement de Limone Piemonte se trouve Vernante, qui conserve une centaine de fresques murales consacrées à Pinocchio. Dans les années 20 Margherita Martini native de Vernante prit service à Turin dans la maison de Attilio Mussino,célèbre illustrateur de Pinocchio.Après avoir perdu son fils et sa femme, le peintre se retira à Vernante et il y passa les dernières années de sa vie. En 1989, Bruno Carlet et Meo Cavallera eurent l’idée de peindre à fresques les murs des maisons avec l’histoire de Pinocchio. Une vision suggestive de la célèbre histoire s’est ainsi créée le long du village. À l’entrée nord, on a dressé un monument à Pinocchio, oeuvre des artisans locaux (Infos : www.comune.vernante.cn.it). Désormais rares, les “vernantins”,ces cou- teaux en acier trempé, avec le manche en corne bovine et la fermeture particulière à clou,sont la fierté de l’artisanat de Vernante. Il en existe des droits et des courbés pour les travaux agricoles. Une partie du territoire est incluse dans la Riserva Naturale del Bosco e dei Laghi (Réserve naturelle du Bois et des Lacs) de Palanfrè, comprise dans le « Parco delle Alpi Marittime ». L’aire protégée se trouve dans la partie haute de la Val Grande, au-dessus du centre habité de Palanfrè,où les prairies apparaissent entourées de roches calcaires blanches.Même si elle n’est pas très vaste,(1070 hectares environ),la réserve présente une variété de microclimats qui explique l’énorme richesse faunistique,d’oiseaux comme de mammifères, parmi lesquels les chamois, les marmottes, les martres et les blaireaux. Le petit hameau de Palanfrè, avec en amont des maisons son bois de hêtres protégé dès le XVIIIème siècle, a conservé la physionomie d’un hameau traditionnel.Les maisons ont été restaurées en respectant l’architecture alpine de ces lieux.Le parc « Parco delle Alpi Marittime », qui s’étend jusqu’ici,a ouvert un petit Centre d’Informations à Vernante aussi, il propose le Sentiero Natura (sentier nature), une promenade dans le bois de hêtres, avec de nombreux exemplaires antiques et tordus. Le génie de Nòto et Jòrs

Le genius loci de la Vallée trouve sa représentation dans le “Museo della Fisarmonica, della Musica e dell’Arte Popolare” (Musée de l’Accordéon, de la Musique et de l’Art Populaire) de Robilante avec les accordéons diatoniques (semitons) et l’établi de travail de Giuseppe Vallauri (né à Robilante en 1896, mort en 1984), connu sous le nom de Nòto Sonador. Joueur d’accordéon, excellent interprète de corenta e balèt, Vallauri fut aussi réparateur d’accordéons. L’histoire du folklore occitan le compte parmi les plus grands témoins du patrimoine musical de danse populaire. C’est à Nòto Sonador qu’est dédiée la Festa della Fisarmonica (Fête de l’Accordéon) organisée en mai. Outre les costumes d’époque et les nombreuses photos, les reproductions des oeuvres du sculpteur paysan Giorgio Bertaina, Jòrs de Snive (né en 1902, mort en 1976), qui vécut sur la montagne de Robilante aux Piagge, enrichissent le musée. Jòrs sculptait le bois avec un couteau, dans un style qui semble émerger des temps de l’art roman. Ce sont des sculptures inspirées à son monde : des animaux domestiques et sauvages, des vaches en pâture, des joueurs d’accordéon et de clarinette, l’auberge, les mariés qui dansent. Jòrs de Snive fit aussi des dizaines de bâtons de promenade, ornés de scènes de vie,de vrais récits sculptés à 360 ° sur toute la longueur du bâton.Certaines sculptures qui représentent le bras sévère de la loi : des carabiniers à cheval qui traînent des hommes enchaînés, peut-être des montagnards pris avec le sac de la contrebande, sont d’un intérêt remarquable. L’histoire de la contrebande dans les villages à la frontière avec la France est une histoire vraie. On portait du riz et du tabac et on prenait du sel qui de l’autre côté coûtait peu. On faisait aussi la contrebande d’accordéons, en revenant avec de la laine, des vaches et des moutons. Quand il n’y avait ni gendarmes ni police des douanes en embuscade, les frontières étaient inexistantes pour qui connaissaient les passages sur les montagnes! La visite du musée est agréablement accompagnée de morceaux tradition- nels interprétés à l’accordéon et de musiques de fond, de sons naturels, qui plongent presque le visiteur au milieu des sentiers et des hameaux de cette vallée que, pour les habitudes de ses habitants, certains veulent la plus “marseillaise” des Vallées Occitanes (Infos : Musée - tél. +39.0171.78101 - fax +39.0171.789103 - www.chambradoc.it/cmgv/progettocmgv2004.page).

66 67 Paille poésie paroles

Le genius loci de la Vallée se voit aussi dans la construction des maisons: certains hameaux de Robilante (Tetti Rescasso, Snive et Merciandun) et de Vernante (Tetto Serre et Val Grande di Palanfré) conservent la coutume des toits en paille de seigle, répandue aussi dans les vallées voisines Gesso et Stura. À Robilante avec des chevrons caractéristiques en bois de châtaignier recourbé, que l’on retrouve identiques seulement en Angleterre et en Allemagne. Genius loci est la langue d’oc. Limone P.te, son passé de centre agricole, l’actualité du tourisme qui a pesé sur son ordre urbanistique sont,avec la patrie occitane,le noyau inspirateur de la poésie en Oc de Giacomo Bellone, Dzacolin Bortela:

… … Lè turna dzurn: Il fait de nouveau jour : gi ommi is disvaggiu, les hommes se réveillent, i s’sparu acol, ils se tirent dessus i fan piurar li framme… ils font pleurer les femmes… lè turna dzurn: il fait de nouveau jour: li framme i gi an la smans les femmes ont avec elles la semence cügiüya ‘nt la nöts, recueillie dans la nuit, pur bröjar d’autri ommi… pour faire germer d’autres hommes…

Dès les années 70, recueillir le propre dialecte occitan dans un dictionnaire a été le grand mérite de certains chercheurs spontanés. Aujourd’hui, l’occitan entre Robilante et Roccavione,est illustré dans un dictionnaire de treize mille termes (Infos: www.chambradoc.it/CatalogoGenerale.page), réalisé avec passion par les chercheurs locaux Lorenzo Artusio, Piermarco Audisio, Gianni Giraudo,Eliano Macario.Un travail qui a duré environ vingt ans.Le résultat fait dire aux auteurs que le dialecte des deux villages a “gardé une excellente diction occitane et qu’il présente des correspondances intéressantes avec Boves, Peveragno et Roccasparvera. L’influence du piémontais est déjà forte, mais on y perçoit les racines occitanes,qui confèrent une identité linguistique appréciable à ceux qui l’utilisent communément ”. Vallées aux pieds de la Bisalta

La Bisalta, ou Besimauda, surplombe la ville de Cuneo. Elle a deux cimes, une de 2231 m, l’autre légèrement plus basse.À ses pieds se dressent les villes de Boves, Peveragno, Chiusa Pesio. De la Bisalta descendent les torrents Colla et Josina. Le dialecte local montre des influences du piémontais, accentuées dans les dernières années par l’abandon des hameaux de montagne.Les fondements lexicaux du vocabulaire rural demeurent toutefois occitans,comme l’univers des légendes, parsemé de personnages mythiques - u magu (le magicien),u dràà (le dragon ),le mäsque (les sorcières),u servägn (l’homme sauvage),le fäie (les fées) – qui se retrouvent sur tout le territoire alpin de langue d’oc. La carte des sentiers “Intorno alla Bisalta” (Autour de la Bisalta) décrit les itinéraires à pied, à cheval, et en V.T.T tracés sur le territoire (Infos : Comunità Montana - tél.+39.0171.339957 - [email protected];Parco Naturale Alta Valle Pesio e Tanaro – tél.+39.0171.734021 - www.parks.it/parchi.cuneesi).

Au XIXème siècle Chiusa Pesio, Peveragno et Boves furent des centres d’activités industrielles:filatures,laboratoires de céramique,filatures de laine, briqueteries, tanneries et industries pour l’extraction du tannin. Le « Museo della Regia Fabbrica dei Cristalli e della Ceramica » ( Musée de la Royale Usine des Cristaux et de la Céramique),dans l’antique Palazzo Comunale de Chiusa Pesio,a l’objectif de faire connaître le rôle exercé par ces protoindustries dans le développement du village. Aujourd’hui les trois petites villes sont culturellement actives, avec des associations engagées dans la redécouverte des traditions locales,les activités sociales et l’histoire (Infos :Scuola di Pace di Boves - www.scuoladipace.it), les initiatives cinématographiques (Infos : Associazione Ipotesi Cinema Piemonte - tél. +39.0171.735341).

68 69 Stations botaniques

La partie la plus haute de la commune de Chiusa Pesio,vers le massif calcaire du Marguareis, est comprise dans le Parco Naturale Alta Valle Pesio e Tanaro territoire intéressant pour le nombre d’espèces végétales et pour la présence du loup. La route carrossable finit au Pian delle Gorre (1032 m), aménagé en Centre Visite. De là on monte au Refuge Garelli, 900 m plus haut. Sur une hauteur proche,il y a la station botanique consacrée aux savants :Clarence Bicknell et Émile Burnat. La station abrite une zone humide, avec des exemplaires de Drosera et Pinguicola, plantes carnivores fascinantes des Alpes, qui “mangent” des insectes pour assumer des substances azotées. Après une demi-heure de marche on rejoint une deuxième station botanique, placée à côté d’un petit lac sous l’imposante muraille du Marguareis (2651 m d’altitude). Une belle orchidée pousse là, il s’agit du Sabot de Vénus (Cypripedium calceolus), adoptée comme symbole du Parc.

La Chartreuse de Pesio La chartreuse dans les bois

Dans la commune de Chiusa Pesio se trouve la Chartreuse fondée en 1173, quand les seigneurs de donnèrent les terrains de la haute vallée à l’ordre des Chartreux.Les moines y conservèrent de nombreuses œuvres d’art, si bien que déjà au XVIème siècle, un agrandissement devint nécessaire. La galerie, qui frappe encore aujourd’hui pour sa majesté, et l’escalier monumental furent réalisés au XVIIème siècle. Les moines décidèrent l’édification de quelques granges pour la culture des terrains environnants. En 1802 le gouvernement de Napoléon supprima la chartreuse et ses trésors furent disséminés.L’édifice fonctionna au XIX ème siècle comme établissement hydrothérapeutique, jusqu’à sa fermeture en 1915. C’est seulement à partir de 1934 qu’ont commencé les travaux de restructuration qui ont reporté à la splendeur cet admirable édifice,lieu de méditation et de pèlerinage,recueilli au milieu des châtaigniers (Infos: www.certosadipesio.org).

Le Museo della Castagna (musée de la châtaigne) à Boves est dédié au châtaignier qui a eu un rôle très important dans la survie de la population de ces zones. Inauguré en 2000, il occupe une partie de la ferme Martinengo Marquet. Le musée est né dans le cadre d’un projet international de mise en valeur de ce fruit. À l’intérieur on trouve une collection d’outils pour la culture de la châtaigne et de l’agriculture traditionnelle.Le musée propose aussi des parcours pour permettre de se rapprocher aux modes de travail d’autrefois (Infos : Cascina Marquet - Via Roncaia, 24 - Boves, tél. +39.335.6777905). Les différentes espèces de champignons qu’on trouve dans les bois aux pieds de la Bisalta ont une importance remarquable dans la gastronomie.C’est à eux qu’est consacré le « Museo del Fungo e di Scienze Naturali » (musée du Champignon et de Sciences Naturelles) de Boves, réalisé grâce au docteur Mario Strani.Dans les huit salles qui le composent sont recueillis plus de mille exemplaires de champignons en plâtre ou résine pour montrer les 250 espèces qui se trouvent dans la zone,fossiles,minéraux,animaux empaillés,coquillages et une précieuse collection de plus de 130 espèces de papillons de la zone de Cuneo et quelques inventions entre le XIXème et le XXème siècle. Le Musée dispose aussi de témoignages sur les carrières et les briqueteries de la province de Cuneo et une maquette du territoire (Infos : Commune de Boves - tél. +39. 0171.391834 - fax +39.0171.391856 - www.musei.provincia.cuneo.it).

70 71 Collection photographique au Parc

Au siège du Parco Naturale Alta Valle Pesio e Tanaro de Chiusa Pesio est aménagée une exposition permanente dédiée à un grand maître de la photographie contemporaine, Michele Pellegrino, natif de ce village. Le parcours s’articule en huit sections avec trois cent photographies en noir et blanc;“Luoghi dell’Acqua”(Lieux de l’Eau),“Incanti Ordinari”(Enchantements Ordinaires),“Visages de la Contemplation”(Vie monastique),“Alta Langa,Scene di Matrimonio” (Scènes de Mariage),“Alpi Liguri, Marittime e Cozie” (Alpes Ligures, Maritimes et Cottiennes), “Monte Bianco”(Mont Blanc) et “Tracce nel Tempo”(Traces dans le temps). La signification de la collection est avant tout artistique et documentaire. Michele Pellegrino s’est consacré à la photographie tout d’abord comme autodidacte,en réussissant à saisir les regards des hommes et la beauté parfois tragique des Vallées,avant le grand dépeuplement qui dans les années 60 vida villages et ha- meaux.En 1972,Michele Pellegrino publia son premier livre de photo- graphies,“Gente di Provincia”, suivi de “Profondo Nord” sur le thème de l’exode des montagnes. Parmi les oeuvres les plus récentes, à partir des années 90:“Le Montagne della Memoria”( Les Montagnes de la Mémoire), “Il Tempo della Montagna”(Le Temps de la Montagne),“Il Silenzio Magico della Montagna”(Le Silence Magique de la Montagne),“Una Traccia nel Tempo” (Une Trace dans le Temps) et en 2002 “Elva, un paese occitano”(Elva, un village occitan) . Son attention a été aussi capturée par une fleur,un caillou,l’eau des ruisseaux parce que dit-il “ l’important est de voir non pas de façon froide, mécanique, mais avec l’âme ”.Ses portraits sont presque une étude psychologique des habitants des vallées, dont il a partagé la vie et la misère. Ces derniers nous parlent de joies, de mélancolies de dignité et de pauvreté d’une population prostrée,“un monde de vaincus ” comme écrivit Nuto Revelli, un territoire marginal qui, peu à la fois, vers la fin des années 60, redécouvrit son identité (Infos : Parco Naturale Alta Valle Pesio e Tanaro - tél. +39.0171.734990 - www.vallepesio.it; www.chambradoc.it/cmgv/progettocmgv2004.page). Hommes illustres de Peveragno

Les rues,les places et les monuments de Peveragno rappellent ses hommes illustres. Parmi eux, Pietro Toselli, héros des guerres coloniales, et l’écrivain Vittorio Bersezio. Né en 1856,Toselli mourut en Éthiopie dans la célèbre bataille de l’Amba Alagi de 1895. Avec lui tombèrent dix-huit officiers et environ deux mille soldats. Intrépide, il répondit à ses officiers qui le sollicitaient de se mettre à l’abri, en s’asseyant à attendre l’attaque des troupes adversaires. Cette motivation lui valut la médaille d’or :“Se trouvant face à 20-25 mille ennemis, il combattit inlassablement pendant plus de six heures et avec l’héroïque sacrifice de sa vie et de presque tout son détachement, il causa à l’ennemi des pertes énormes qui contribuèrent efficacement à retarder l’avancée “.

Le nom de Vittorio Bersezio brille dans les lettres piémontaises. Il fut journaliste, écrivain et député. Né en 1828, mort en 1900, il combattit dans la première guerre d’indépendance. En 1865 il fonda la Gazzetta Piemontese qui deviendra le quotidien “La Stampa”. Il écrivit une quarantaine de romans. L’Encyclopédie Treccani le définit comme l’auteur “tantôt d’aventures enche- vêtrées et ténébreuses, tantôt de simple intrigue sentimentale”.Parmi ses comédies dialectales ressort “Le miserie d’monsú Travet”de 1863,histoire d’un fidèle employé de l’État qui se rebelle quand sa dignité est mise en doute.

La vie d’un troisième personnage de la tradition locale plonge dans la légende. Charles de Gontaut, duc de Biron en Dordogne (1562-1602), localement appelé Birùn, est le personnage tragique d’une vieille chanson représentée à Peveragno les jours de Carnaval. Celle-ci fut probablement importée par les habitants de Peveragno qui se rendaient à Lyon et à Marseille pour le marché des cocons. Birùn,maréchal de France,fut un homme beau et valeureux.Durant les guerres gallo hispaniques il gagna l’amitié du roi. Plus tard, accusé de félonie, il fut exécuté. La ballade, récitée et chantée par la Compagnia del Birùn, association de Peveragno, raconte qu’il refusa la grâce vu que « unda a i è pa‘d faiansa a i è pa‘d pardun » (où il n’y pas de fautes, il n’y a pas de pardon). Au bourreau qui le bandait avant de l’exécuter il lui intima de ne pas le toucher si ce n’est avec l’épée (Infos : www.compagniadelbirun.it).

72 73 Musique nouvelle avec les Gai Saber

C’est un groupe de musiciens occitans de Peveragno. Ils donnent des concerts aux quatre coins de l’Occitanie. Ils ont des fans en Italie et en Europe. Les revues spécialisées parlent d’eux. Faire de la musique pour eux ne fait certainement pas abstraction de leur appartenance: la langue d’oc est utilisée dans les chansons; leur protectionnisme toutefois s’arrête là.Les musiciens du Gai Saber retiennent que la tradition laissée à elle-même et reproposée fidèlement résulte stérile, elle ne produit plus rien, pour cela ils s’ingénient à la trahir sans jamais l’offenser. Occitania que t’en vas est le titre de la chanson guide du Cd La fàbrica occitana de 2007, dans laquelle ils narrent les rêves de leur peuple, un pople mesquiat e bastard,hymne aux habitants de cette partie de monde que l’histoire a rendue superposition métisse de ligures, celtes et romains, wisigoths, arabes et juifs, d’italiens et de français… Un peuple qui dans le mélange,et malgré les persécutions et l’ostracisme des états nationaux,a su conserver l’identité de la langue. Dans le groupe cohabitent les instruments de la tradition occitane (accordéon à semitons, fifre, vielle, chabreta, harpe, tamborin et galobet) et sounds contemporains avec batterie, guitare électrique et éléments électroniques. Le répertoire mélange des thèmes traditionnels et des invectives sociales, lyriques des troubadours et des airs de danse, chansonnettes et mélodies sacrées, dans un kaléidoscope de rythmes méditerranéens, street-dance, drum’n’bass et suggestion latine. Grâce aux Gai Saber et à des dizaines d’autres groupes musicaux aujourd’hui actifs dans les vallées occitanes la musique est devenue un élément important d’agrégation, de créativité, et de propagation de la langue et de la culture d’oc. Aujourd’hui les groupes musicaux comptent parmi les meilleurs ambassadeurs de l’Occitanie dans le monde (Infos : Associazione Culturale Gai Saber - via del Gavotto, 6 - 12026 Peveragno - www.gaisaber.it - [email protected]). Vallées du kyè

La zone comprend les communes de Roccaforte Mondovì avec Prea,Rastello et Baracco, Villanova Mondovì dans ses contreforts de montagne, les deux Frabose, Sottana et Soprana, avec Miroglio dans la Val Maudagna et le hameau de Fontane dans la Val Corsaglia. Cette zone à l’orographie plutôt articulée a vu de petits sites stables déjà dès le Néolithique , attestés par la découverte de lames polies en pierre verte. Le nom dérive de “kyé” qui indique “moi”,peut-être dérivant du latin quid + ego et proche des formes occitanes “ieu” ou “iu”.Le dépeuplement des hameaux a eu une influence sur la conservation de la langue,étudiée pour la première fois à la fin des années soixante et conservée par des associations comme “Artusin“ de Roccaforte et Villanova Mondovì et “E Kyè“ de Fontane. Cette dernière société s’est occupée de la publication d’une grammaire du kyé et constitue un centre de documentation ethnique et linguistique important. Pour conserver les traditions, il y aussi l’engagement à organiser les crèches vivantes, qui montrent les métiers alpins d’autrefois. La tradition artisane est très active, orientée vers le travail du bois, de la céramique, du fer forgé et au “filet“. La réapparition dans les champs les plus hauts du sarrasin, ingrédient fondamental pour la polenta typique est un symptôme du retour à la montagne. Ces vallées, et certaines localités comme , sont connues depuis des années pour un tourisme d’été et d’hiver intense, provenant surtout de la Ligurie. Les grottes de Bossea dans la Val Corsaglia, destinées à devenir, avec l’Eco Museo del Marmo de Frabosa Soprana (Écomusée du Marbre), un des points fondamentaux d’une offre touristique inédite basée sur la géologie du territoire, sont une autre occasion de visite.

74 75 Itinéraire partisan

Sur projet de l’Istituto Storico della Resistenza de Cuneo (Institut Historique de la Résistance),cet itinéraire relie les localités,les édifices,les chapelles et les cols qui de septembre à avril 1945 furent le théâtre de la lutte partisane. Il touche les localités qui abritèrent les détachements partisans. On y trouve évoqués le repli des hommes du Capitaine Cosa au printemps 1944 de la Val Pesio, le massacre de Pellone au-dessus de Miroglio, les premiers affrontements contre l’ennemi du groupe d’Enrico Martini Mauri en décembre 1943 dans la Val Maudagna. On reparcourt les lieux des bandes autonomes “Rinnovamento”(renouveau) dans les vallées Ellero et Corsaglia: Prea, centre des opérations de la Brigade « Brigata Valle Ellero » en été 1944, et Rastello, siège du commandement de la III Divisione Alpi (Division Alpes). On arrive à Baracco, base opérative de la Missione Alleata (Mission alliée), puis à Fontane, refuge en février 1944 de la bande d’Ignazio Vian.Dans la Commune de Villanova Mondovì on peut visiter le Sanctuaire de Santa Lucia où les rebelles trouvèrent asile et qui abrita la typographie clandestine du journal “Rinascita d’Italia”(Renaissance d’Italie).

Roccaforte Mondovì - église paroissiale de San Maurizio Montagnes trouées et métiers d’antan

Les phénomènes karstiques, grottes et abysses créent, dans le groupe montagneux formé de la Cima delle Saline, du Mondolé, du Mongioie et du Pizzo d’Ormea, une aire spéléologique, qui, avec le complexe proche du Marguereis, est parmi les plus importantes d’Europe avec des centaines de kilomètres de galeries déjà explorées. De ce sous-sol émergent les eaux de l’Ellero, du Maudagna et du Corsaglia. Dans le cadre de ce domaine ,il existe aussi des grottes touristiques,ouvertes au public comme telles et non réservées seulement au cercle étroit des spécialistes. La grotte des Dossi, à Villanova Mondovì, montre une succession de couloirs et de salles avec des concrétions multicolores et des nuances colorées. Des traces de coups de griffes de l’ours des cavernes sont visibles dans la grotte du Caudano dans la Val Maudagna. Là en hiver, les températures différentes entre l’extérieur et l’intérieur créent des stalactites et des colonnes de glace avec un jeu de couleurs et de reflets très particuliers. Une particularité de cette grotte est la petite crèche hypogée qui y est préparée à Noël. Mais la reine des grottes des vallées du Kyé est sans nul doute Bossea dans la Val Corsaglia, dans la commune de Frabosa Soprana, ouverte au public depuis 1874. C’est la seule grotte vive et en plein développement dans le panorama du tourisme spéléologique italien, très riche en eau,avec un fleuve éternel et les restes de l’ours des cavernes.Bossea est le siège de recherches scientifiques au niveau international. Une visite dans la période de Noël dans ces vallées plus retirées permet de découvrir des crèches intéressantes comme celle de Prea,qui prend vie dans les petites rues médiévales recueillies autour de l’église paroissiale,et celle de Pianvignale. Toutes deux sont une occasion pour redécouvrir les vieux métiers.Voilà de nouveau les outils du früciau, le berger chargé du travail du lait,les ciarbunè,c’est à dire les charbonniers,les muletiers avec le fuet (fouet), qui transportaient le charbon dans la vallée et les sculpteurs du bois,les füsere (fuseaux) et les vindu (rouets) pour filer le chanvre, les pîrò de cuivre (chaudrons) pour faire la lessive avec la cendre, le cumandin et le sapin,outils du bûcheron pour traîner les troncs.

76 77 L’art de Giovanni Mazzucco

Parmi les témoignages de la peinture médiévale, on trouve les fresques de Giovanni Mazzucco, protagoniste de la deuxième moitié du XV ème siècle dans le Monregalese. Sa biographie est incertaine. En 1475 il envoie son fils Domenico apprenti chez le peintre Roux à Aix-en-Provence,épisode qui fait allusion aux rapports mêmes artistiques entre cette aire des vallées occitanes méridionales et la Provence. En tant que peintre, Mazzucco est intervenu à plusieurs reprises sur des chantiers dominicains, signe de son rapport étroit avec le commanditaire de cet ordre monastique.Son langage pictural clairement expressionniste est caractérisé par les physionomies débonnaires et innocentes. À Roccaforte Mondovì dans la Pieve di San Maurizio, une Madonna del Latte de 1486 lui a été attribuée. Il a peint d’amusantes scènes de vie agreste en marge des thèmes religieux dans le Cascinale dei Frati dans les fermes Bertini et dans la chapelle de l’ex couvent des Dominicains de Peveragno de 1487, où on peut encore lire la signature “Mazuchi”. D’autres oeuvres qui lui ont été sûrement attribuées, correspondant à la phase mûre de sa peinture se trouvent dans une aire qui s’élargit aux vallées environnantes et à la proche plaine: le cycle de l’oratoire du S. Sepolcro di de 1481, la Madonna entre les saints Pietro et Antonio Abate dans la chapelle de S. Pietro à Roncaglia à de 1485, le cycle du S. Bernardo de de 1488.En 1491 il sigle les épisodes de la vie de la Madonna dans le sanctuaire du Brichetto à Morozzo, très suggestifs pour leur gracieuse ingénuité de vague inspiration de Giotto. La Madonna dans le Sanctuaire du Pasco à Villanova Mondovì, la Vergine col Bambino de la Madonna di , les fresques de la Madonna della Neve à Pian della Gatta,celles de la nef et de la contre façade de S.Fiorenzo de Bastia Mondovì et enfin la Crocifissione dans l’antique sacristie de l’église paroissiale de sont en revanche reconnues comme des œuvres de jeunesse de Mazzucco. Civilisation et goûts de l’alpage

Pour arrêter la mémoire d’autrefois, dans le terres de Kyè, différents musées qui forment un réseau entre eux ont été créés: le Musée Ethnographique « Cesare Vinaj », né en 1981 et situé dans la localité Fontane-Serra à Frabosa Soprana,il est dédié au premier chercheur linguistique dans la Val Corsaglia. Les thèmes illustrés sont variés:la meule de charbonnière,le chanvre,la culture de la châtaigne,la fenaison,le bois,la cuisine,avec la possibilité d’approfondir chaque argument dans les nombreuses publications monographiques éditées par le musée même. Le Musée de la Montagne,de Miroglio de offre un regard sur la vie quotidienne d’antan, le dur labeur dans les champs et dans les bois. L’interaction entre l’homme et les animaux est soulignée, l’habilité manuelle artisanale du sabotier,et le pressoir à huile de noix,les systèmes de pesage et les outils pour le travail du chanvre sont présentés. Dans la proche Val Casotto, dans la localité Serra de , le « Museo degli Usi e Costumi della Gente di Montagna » (Musée des Usages et Coutumes des Habitants de Montagne) se trouve dans un ex-couvent du XVIIème siècle, dont il conserve les sols en pierre et les plafonds à caissons. On peut y voir une cuisine d’antan, une salle de classe et le procédé de travail du chanvre et du lin (Infos:http://musei.provincia.cuneo.it/).Sur le territoire d’Ormea il faut signaler le « Museo Etnografico Alta Val Tanaro » (Musée Ethnographique), fidèle reconstruction des cadres de vie et de travail paysan. Dans ces vallées,le châtaignier a nourri des générations de montagnards et a constitué la base alimentaire des populations rurales. Il a réchauffé les hameaux, il a fourni le tanin pour les usages industriels et le feuillage pour le bétail. Les châtaignes ont représenté une alternative possible aux céréales, comme aliment en prévalence populaire,vu qu’on pouvait facilement les trouver.Plus tard la haute valeur alimentaire leur a valu le nom de “ pain des pauvres”parce qu’elles portaient aux populations les moins aisées l’énergie et les protéines. Les châtaignes étaient rôties ou bouillies dans l’eau ou le lait, consommées avec du lait ou du vin comme soupe, moulues elles servaient à préparer la polenta,la purée,les fougasses,les soupes.Elles constituent encore aujourd’hui un article important de production agricole et elles ont obtenu la marque IGP. De nombreuses foires et événements d’automne sont liés en particulier à la châtaigne blanche, dont on tirait la farine pour de nombreuses recettes.

78 79 Un élément caractéristique de la vie des habitants des vallées ne pouvait pas manquer dans un espace approprié: l’Ecomuseo del Castagno, (Écomusée du Châtaignier) est développé sur trois sites: , Fontane di Frabosa Soprana,Serra di Pamparato.À Monastero di Vasco le siège est dans la Crusà,édifice religieux désacralisé et récemment restructuré.Dans l’espace en face on peut admirer certaines variétés de châtaigniers et certaines espèces du sous-bois comme les groseilles, les myrtilles et les mûres. À Serra di Pamparato la présentation est centrée sur l’extraction et l’utilisation du tannin et sur les vieilles usines,premier exemple d’industrialisation des vallées alpines. Elle se trouve dans le Museo degli Usi e Costumi della Gente di Montagna (Musée des Usages et Coutumes des Habitants de montagne). Enfin à Fontane un sentier dans le bois de châtaigniers mène vers Case Ubbè, où l’on peut voir les séchoirs typiques pour les châtaignes,observer le rapport homme environnement dans les murets à sec,dans les terrassements,dans les architectures alpines. Les fromages d’alpage connus pour leurs parfums et leurs goûts particuliers sont presque synonymes de montagne. Dans les vallées du Kyè, par antique habitude, vers la fin de septembre, les bergers descendaient des hauts pâturages en portant les grandes formes de Raschera,pour les vendre durant les foires et les marchés. Le Raschera d’Alpeggio provient du lait des vaches qui paissent à plus de 900 mètres d’altitude.C’est un fromage mi-gras,affiné pour un minimum de 30 jours.Son parfum et son arôme se caractérisent pour leur affinage dans les “selle”, locaux directement aménagés dans la terre pour l’affinage.Au cours du temps,les fêtes du Raschera et des fromages d’alpage qui se tiennent à Frabosa Soprana et à Ormea en août et septembre, se sont affirmées. L’autre produit qui, avec la pomme de terre, a marqué la vie de ces terres est le sarrasin, introduit à l’époque des incursions des sarrasins de la fin du premier millénaire. Il se sème au printemps et se récolte à la fin de l’été, pour cette raison il arrive à maturation même au-dessus de mille mètres d’altitude. On obtient du blé sarrasin, ou furmentin, une farine qui trouve sa meilleure utilisation dans la polenta. En automne à Pamparato se tient la Fiera del Grano Saraceno (Foire du sarrasin),alors que les foires de la polenta sarrasine se tiennent à ,à Ormea chef-lieu et dans le hameau Barchi où la polenta est préparée selon la recette traditionnelle à base de patates,farine de blé sarrasin et froment, lait avec crème, poireaux et champignons secs. Brigasco

Quand en 1947 l’Italie et la France signèrent le Traité de Paix, le Brigasco, d’abord étendu sur les deux versants des montagnes, fut partagé entre les deux états le long de la crête :dans la vallée de la Roya,Tende devint français, comme Briga chef-lieu qui prit le nom de La Brigue. À l’Italie restèrent les hameaux de Piaggia, Upega et Carnino qui forment la Commune de , dans la province de Cuneo, alors que le bourg de Realdo fut agrégé à la commune de Triora, dans la Province d’Imperia. Le Saccarello (2200 m) est la montagne mère de ces terres âpres et sauvages avec le très beau bois des Navettes,vaste tapis de mélèzes et de sapins blancs étendu sur les pentes des monts Bertrand et Missun,au-dessus du village de Upega à l’entrée du Val Tanaro. Le parler local ressent des influences provençales et ligures. Les paroles de la terre, de la famille, de l’élevage, qui historiquement fut l’activité la plus répandue, sont sûrement occitanes. Les populations brigasques se rencontraient avec celles de la zone de Nice durant les pèlerinages au sanctuaire de Laghet,à La Turbie,et à la Vergine del Fontano (Notre Dame des Fontaines), légèrement au-dessus de La Brigue, qui est appelée la Chapelle Sixtine des Alpes pour les fresques de Giovanni Canavesio di Pinerolo, exécutées en 1492. À côté de Canavesio, on peut admirer les fresques de Giovanni Baleison de la Valle Stura,en souvenir d’une époque où les peintres escaladaient les montagnes en portant leurs couleurs et leurs pinceaux dans les besaces.

80 81 Un sanctuaire du néolithique

Les quarante mille incisions rupestres, du Mont Bego (2872 m), fréquenté déjà à la préhistoire sont la grande merveille de ces lieux. Elles furent découvertes à partir de 1897 par le botaniste et archéologue anglais Clarence Bicknell (1842-1918).On trouve des dessins de figures à cornes,de charrues, de poignards, de roues solaires, des cartes, des animaux et des figures anthropomorphes.Celui qui désirerait en savoir davantage sur cette grandiose zone d’art rupestre, doit visiter les moulages exposés au Musée Civique de Cuneo et au Musée des Merveilles de Tende. Sur les pentes du Bego, dans la localité Casterino (hameau de Tende), Bicknell construisit un chalet laboratoire, que l’on peut visiter seulement à l’extérieur. Bicknell y montait pour ses recherches. Les conforts étaient réduits au minimum, l’hospitalité franciscaine, la vie réglée par la lumière du soleil.Clarence y décora personnellement les pièces,il peignit des motifs de fleurs, figures de l’art rupestre et des parchemins avec des sentences en esperanto.

Briga Alta - hameau de Upega - Madonna della Neve Forêts et villages archaïques

Le Bois des Navettes,parcouru par une route militaire qui mène à Tende dans la Vallée de la Roya et à Limone dans la Val Vermenagna, doit probablement son nom aux imposants mélèzes utilisés pour la construction des bateaux. De nombreux sentiers remontent les crêtes d’où on peut jouir de la vue des Alpes Ligures et Maritimes et de la mer. Aujourd’hui le Bois des Navettes est qualifié de SIC (Site d’intérêt communautaire) pour les caractéristiques environnementales, mais déjà dans la “Statistique des provinces de Savone, d’Oneille, d’Acqui”,de la période napoléonienne, on calcula qu’il contenait 300.200 mélèzes et 23.700 sapins. Le territoire du haut bassin du Tanaro conserve des exemples intéressants de culture matérielle: villages étendus le long des courbes de niveau, construits en pierre, parfois avec une disposition groupée ou, comme dans le cas de Viozene, hauts et à plusieurs étages avec plusieurs files de balcons sur les façades. Rarement, par exemple à Carnino, les toits sont encore couverts de paille de seigle, comme la majeure partie des maisons de jadis.Pendant des siècles l’activité prévalente fut l’élevage du mouton brigasque; en hiver les troupeaux migraient vers la Ligurie, souvent jusqu’aux pays côtiers. Ici on trouve des toponymes qui font allusion aux routes du sel et de l’huile, Passo et Cima delle Saline (Col et Cime des Salines), Pian dell’Olio (Plan de l’Huile) … Deux cadrans solaires sont conservés à Viozene, l’un peint sur la “maison du prêtre”, l’autre sur la façade de l’Église de San Bartolomeo. Il y a une légende qui concerne Pian Ballaur (2603 m),entre Upega et Carnino, dans laquelle la tradition veut que les sorcières se donnaient rendez-vous. Une jeune bergère, ne voyant pas son père retourner du pâturage, décida d’aller au-devant de lui. Mais elle fut enlevée par les sorcières qui la conduisirent à Pian Ballaur pour participer à un bal démoniaque. Plusieurs jours après la jeune bergère fut retrouvée dans un fenil, avec les pieds verts pour avoir dansé longtemps sur l’herbe.

82 83 Paradis des spéléologues et des botanistes

Vers ouest, à cheval entre l’Italie et la France, le regard court sur la crête de la Rocca dell’Abisso (2755 m) à l’imposante muraille calcaire du Marguareis (2651 m). Dans cette zone les Alpes Ligures sont composées de fortes couches de roches (calcaires et dolomies) qui, étant soluble à l’action de l’eau, ont permis le développement d’immenses réseaux de conduits souterrains. On connaît plusieurs systèmes karstiques: celui du Marguareis, des Carsene avec la source du Pis del Pesio, de la Mirauda, des Masche, du Mongioie, avec plusieurs cavités parmi les plus importantes d’Italie,comme le système de Piaggiabella avec 13 entrées et environ 40 kilomètres de dévelop- pement.Il s’agit en général de grottes avec développement vertical dans la première moitié et donc accessibles uniquement aux spéléologues experts qui font base à la Capanna Morgantini, refuge à 2219 m d’altitude. Les grandioses signes extérieurs des phénomènes karstiques sont en revanche facilement visibles: dolines, champs sillonnés, puits, sources résurgentes. Parmi les spectacles les plus suggestifs on doit signaler les Vene del Tanaro. En partant de Viozene, en passant par Carnino Inferiore, le long du sentier naturaliste on monte à la Colla di Carnino (1597 m) et on continue jusqu’à la source résurgente karstique, surplombée d’un robuste pont tibétain. Dans ces vallées peu éloignées de la mer, mais plongées dans un paysage typiquement de montagne, le botaniste Clarence Bicknell découvrit une flore rare,parmi laquelle ,Rhaponticum scariosum bicnelli qui le rappelle dans son nom, un composite géant, de plus d’un mètre et demi de hauteur, avec de gros capitules semblables aux inflorescences de l’artichaut. Il pousse dans quatre localités au monde, toutes sur les Alpes Ligures : sur le versant sud du mont Fronti, sur le mont Toraggio, aux Salse di Mendatica, au nord de Monesi et dans le vallon de Carnino. Dans ses carnets, Bicknell retraça la Saxifraga florulenta qui doit accumuler pendant 15-20 ans les substances nécessaires à sa floraison, après cela, la reproduction garantie, elle meurt. On lui doit aussi la première découverte en Italie du Sempervivum calcareum, espèce endémique des Alpes sud-occidentales que l’on peut observer à côté de la Capanna Morgantini. Sur les éboulis de roches calcaires pousse la Berardia subacaulis, espèce ancienne qui remonte à l’époque de la formation des Alpes. Adresses utiles

Pour de plus amples informations sur le territoire,les destinations historiques et d’art,les zones protégées, les excursions,la gastronomie,l’hospitalité et pour recevoir du matériel illustratif :

A.T.L.(Azienda Turistica Locale) del Cuneese - Valli Alpine e Città d’Arte Via Vittorio Amedeo II, 8 A - 12100 Cuneo - tél. +39.0171.690217 - fax +39.0171.602773 www.cuneoholiday.com - www.autunnocongusto.com - [email protected]

GAL “Terre Occitane” - Valli Po,Varaita, Maira, Grana, Stura Via Cappuccini, 29 - 12023 Caraglio (Cn) - tél. +39.0171.610325 - fax +39.0171.817981 www.tradizioneterreoccitane.com - [email protected]

Comunità Montana Valli Po, Bronda e Infernotto Via Santa Croce, 4 - 12034 Paesana - tél. +39.0175.94273 - fax +39.0175.987082 Office de Tourisme : tél. +39.0175.94273 - www.vallipo.cn.it - [email protected]

Comunità Montana Valle Varaita Piazza Marconi, 5 - 12020 Frassino - tél. +39.0175.970611 - fax +39.0175.970650 www.vallevaraita.cn.it - [email protected]

Comunità Montana Valle Maira Via Torretta, 9 - 12029 San Damiano Macra - tél. +39.0171.900061 - fax +39.0171.900161 www.vallemaira.cn.it - [email protected] Office de Tourisme :Dronero - tél.+39.0171.917080 - fax +39.0171.909784 - [email protected]

Comunità Montana Valle Grana Via San Paolo, 3 - 12023 Caraglio - tél. +39.0171.619492 - fax +39.0171.618290 www.vallegrana.it - [email protected]

Comunità Montana Valle Stura di Demonte Via Divisione Cuneense, 5 - 12014 Demonte - tél. +39.0171.955555 - fax +39.0171.955055 www.vallestura.cn.it - [email protected]

Comunità Montana Valli Gesso e Vermenagna Piazza Regina Margherita, 27 - 12017 Robilante - tél. +39.0171.78240 - fax +39.0171.78604 www.cmgvp.org - [email protected]

Comunità Montana Bisalta Via Madonna dei Boschi, 76 - 12016 Peveragno - tél. +39.0171.339957 - fax +39.0171.338229 [email protected]

Comunità Montana Valli Monregalesi Via Mondovì Piazza, 1/d - 12080 - tél. +39.0174.563307 - fax +39.0174.569465 www.vallimonregalesi.it - [email protected]

Comunità Montana Valli Mongia Cevetta e Langa Cebana Via Case Rosse, 1 - Reg. San Bernardino - 12073 Ceva - tél. +39.0174.705600 - fax +39.0174.705645 www.vallinrete.org - [email protected]

Comunità Montana Alta Val Tanaro Via del Santuario, 2 - 12075 Garessio - tél. +39.0174.806721 - fax +39.0174.803714 www.cmaltavaltanaro.it - [email protected]

84 85 Pour des informations sur la culture occitane, la langue et la littérature, les traditions populaires, le cinéma,les livres et les revues :

Espaci Occitan - Via Val Maira, 19 - 12025 Dronero - tél. +39.0171.904075/904158 www.espaci-occitan.org - [email protected]

Chambra d’òc - Strada Arnaud Daniel,18 - 12020 Roccabruna - tél.+39.0171.918971 - +39.328.3129801 www.chambradoc.it - [email protected]

Coumboscuro Centre Prouvençal Sancto Lucìo de Coumboscuro - 12020 Monterosso Grana - tél. et fax +39.0171.98707 www.coumboscuro.org - [email protected]

Associazione Lou Soulestrelh - Via Roma, 27 - 12020 Sampeyre

Associazione Culturale La Cevitou - Frazione San Pietro, 89 - 12020 Monterosso Grana tél. et fax +39.0171.988102 - www.lacevitou.it

Site Internet des Vallées occitanes du Piémont : www.ghironda.com

Pour des informations sur les sites et les lieux de la culture occitane,les musées,les expositions d’art, les manifestations culturelles,les fêtes :

Associazione Marcovaldo - Via Cappuccini, 29 - 12023 Caraglio tél. +39.0171.618260 - fax +39.0171.610735 - www.marcovaldo.it - [email protected]

Provincia di Cuneo (Conseil Général) - Site thématique des musées :http://musei.provincia.cuneo.it

Laboratorio Ecomusei - Via Nizza, 18 - 10125 Torino - tél. +39.011.4323845 www.ecomusei.net - [email protected]

Atlante delle Feste del Piemonte ( Atlas des Fêtes du Piémont) : www.atlantefestepiemonte.it

Pour informations sur les parcs et les réserves naturelles :

Parco Naturale Alpi Marittime - Piazza Regina Elena, 30 – 12010 Valdieri - tél. +39.0171.97397 www.parcoalpimarittime.it - [email protected]

Ente di Gestione dei Parchi e delle Riserve Naturali Cuneesi Via S. Anna, 34 - 12013 Chiusa Pesio - tél. +39.0171.734021 www.parks.it/parchi.cuneesi - [email protected]

Parco del Po Cuneese - Via Griselda, 8 - 12037 Saluzzo - tél. +39.0175.46505 www.parcodelpocn.it - [email protected]

Parco Fluviale Gesso e Stura - Piazza Torino, 1 - 12100 Cuneo - tél. +39.0171.444501 www.parcofluviale.cuneo.it - [email protected]

Site des parcs, des réserves et des aires protégées italiennes : www.parks.it

Sites de la Région Piémont sur les parcs, les aires protégées et revue Piemonte Parchi : www.regione.piemonte.it/parchi - www.piemonteparchiweb.it

Une grande partie des communes citées dans le Guide dispose d’un site Internet avec des parcours thématiques INFOS

A.T.L.Azienda Turistica Locale del Cuneese Via Vittorio Amedeo II, 8 A - 12100 Cuneo Tél. +39.0171.690217 - fax +39.0171.602773 [email protected] - www.cuneoholiday.com - www.autunnocongusto.com

INFORMATIONS ET RÉSERVATIONS HÔTELIÈRES CONITOURS – CUNEO TÉL. +39.0171.698749 - FAX +39.0171.435728 - [email protected] CONSORZIO ALTA VAL TANARO TURISMO - GARESSIO TÉL. +39.347.9156791 – FAX +39.0174.81981 – [email protected] CONSORZIO TURISTICO ALPI DEL MARE - VICOFORTE M.VÌ TÉL. +39.0174.569016 - FAX +39.0174.565928 - [email protected] IN TERRE DI GRANDA - CUNEO TÉL. +39.0171.67575 – FAX +39.0171.649728 - [email protected] TERRE DI EMOZIONI - MONDOVÍ / FRABOSA SOTTANA TÉL./FAX +39.0174.44343 - [email protected] TURGRANDA/ BLUPIEMONTE - CUNEO TÉL. +39.0171.697668 - FAX +39.0171.699224 - [email protected] V.A.L. BED & BREAKFAST - CUNEO TÉL. +39.0171.437220 - +39.347.7730489 - [email protected]