Genève: non à la privatisation rampante du musée d’art et d’histoire à la sauCe Gandur! PAGE 3

JAA / PP / JOURNAL, 1211 GENÈVE 13

SUCCESSEUR DE LA «VOIX OUVRIÈRE» FONDÉE EN 1944 • WWW.GAUCHEBDO.CH N° 6 • 5 FÉVRIER 2016 • CHF 3.-

la Chaux-de-Fonds: le popiste Jean- la droite joue la usa: Bernie sanders, le pierre veya ne se représentera pas surrenchère à Calais socialiste que personne au Conseil communal page 3 page 5 n’attendait page 6 t’es riche ou tu vas ailleurs... IL FAUT LE DIRE... VAUD• La fin de la pénurie et des logements à prix abordables, c’est pour quand? Le point sur la politique du logement dans le canton de Vaud, à quelques semaines des élections municipales. Criminaliser les

n studio de 21m2 pour 1’370 différences dès Ufrancs, un 3 pièces au nombre l’école primaire de mètres carrés non précisé pour 1’900 francs, un 4 pièces pour La commune soleuroise d’Egerkingen fait 2’700 francs... Ce sont quelques-unes à nouveau parler d’elle: les autorités ont des annonces de location d’apparte- décidé que les élèves de l’école primaire ments à Lausanne que l’on trouvait n’auraient plus le droit de s’exprimer dans sur le portail «Homegate» au début de cette semaine. Dans la capitale une autre langue que l’allemand ou le vaudoise ou sur l’arc lémanique plus dialecte, et ce dans tout le périmètre de généralement, qui n’a jamais été l’école, y compris la cour de récréation. confronté à l’amère expérience de la recherche d’un appartement à loyer En cas de non-respect de cette nouvelle abordable? Alors que les élections règle, ils seront punis et leurs parents municipales approchent, le sujet – qui amendés jusqu’à 550 francs. Trois niveaux n’a rien de nouveau - est l’un des de sanction sont prévus. Un rappel à l’or- enjeux pour la prochaine législature. dre oral pour commencer, puis écrit, et Mais qu’est ce que les communes peu- enfin, en cas d’insubordinations linguis- vent faire et que font-elles? tiques répétées, dix heures de colle sous forme de cours d’allemand aux frais des vers la colocation, la campagne ou... parents. les campings! Dans le canton de Vaud, le taux de Selon la présidente de l’exécutif de la logements vacants est de 0,67% et ville, la PLR Johanna Bartholdi, certains atteint même 0,2% en Ville de Lau- élèves suisses se sentent «exclus» quand sanne, soit bien en dessous des 1,5% considérés comme acceptables. «Il y a d’autres parlent dans une autre langue des files jusque sur les trottoirs pour Dans le canton de Vaud, le taux de logements vacants est de 0,67% et atteint les 0,2% en Ville de Lausanne, soit bien en dessous des 1,5% considérés acceptables. Flickr que l’allemand, ce qui donnerait lieu à aller visiter les appartements, c’est inac- des «tensions» entre élèves suisses et ceptable! Il y a tellement plus de ment l’ASLOCA et les partis de «Construire ou payer, c’est simple!» la question laissée au bon vouloir étrangers. demande que d’offre que les proprié- gauche. C’est l’option retenue par la Mais si Lausanne se montre proac- des communes taires ont la possibilité d’offrir leurs ville de Lausanne, qui, depuis plu- tive et pourrait même faire mieux, Mais voilà. La proposition – et en Dans le Blick, Mme Bartholdi précise que appartements à des prix surfaits», s’in- sieurs années a mis en place une poli- ce n’est de loin pas le cas de toutes particulier le droit d’expropria- «les élèves qui posent problème ne sont surge Cesar Montalto, avocat et prési- tique volontariste de construction de les communes. «Certaines préfèrent tion – a provoqué un tollé à droite pas seulement ceux issus de l’immigra- dent de l’ASLOCA-Vaud, qui rappelle logements. «Lausanne fait bien mieux construire luxueux pour attirer les et dans les milieux immobiliers. En tion, mais aussi certains enfants suisses». que cette situation de pénurie, loin que le reste du canton, avec l’avantage riches contribuables plutôt que de a résulté la présentation par le En revanche, elle a pris soin de concevoir d’être récente, remonte à la fin des qu’elle était déjà propriétaire de pas voir des personnes modestes emmé- Conseil d’Etat du fameux «paquet une punition qui ne touchera que les années 70. Selon lui, si la situation n’a mal de terrains. Elle mène en outre nager sur leur territoire», com- logement», discuté au Grand enfants étrangers, ou éventuellement pas évolué, c’est en raison de la force du une politique d’acquisition de terrains mente Cesar Montalto. En gros, on Conseil ces derniers mois, qui com- d’autres régions de Suisse non ger- lobby immobilier dans un canton tradi- positive», commente David Payot, préfère avoir des riches habitants porte un contre-projet à l’initiative manophones. Pour eux, les cours d’alle- tionnellement à majorité de droite, un candidat du POP à la Municipalité. que des pauvres. Mais alors où iront de l’ASLOCA, moins contraignant lobby qui ne semble pas vraiment pré- Celui-ci salue par exemple la réalisa- les pauvres? C’est pour pousser les mais qualifié d’acceptable par l’or- mand seront désormais synonymes de occupé par la nécessité de faire en sorte tion de 1’000 logements aux Plaines- pouvoirs publics à tenir compte de ganisation, ainsi qu’un projet de loi, punition, ce qui n’aura probablement pas que «toute personne puisse disposer du-Loup dans le cadre de «Métamor- la nécessité de logement de ces la LPPL, qui ferait perdre des pour effet de les motiver à s’améliorer d’un logement approprié à des condi- phose», un projet qu’il qualifie de populations que l’ASLOCA déposait acquis considérables aux locataires. dans cette langue. tions supportables», comme le men- «densification intelligente». Il en 2011 son initiative «Stop à la Un compromis boiteux qui n’a pas tionne la Constitution vaudoise. «On conteste toutefois la politique des pénurie de logements» (voir nos convenu à l’ASLOCA, ni d’ailleurs à Des tensions, il y en a dans toutes les observe un double phénomène: soit les «trois tiers» pratiquée par la ville de éditions du 7 octobre et du 21 la gauche radicale et à une partie de écoles. En général, la meilleure manière propriétaires n’entretiennent pas leur Lausanne, qui consiste à construire novembre 2015), proposant que les la droite. Après des mois de travail, de les résoudre est d’instaurer un dia- parc locatif, car ils veulent faire rentrer un tiers de logements subventionnés, communes investissent chaque le Grand Conseil renvoyait ainsi logue entre les élèves, les enseignants et les loyers sans avoir de frais, et celui-ci un tiers à loyers contrôlés et de laisser année un certain montant (20 l’ensemble du projet au Conseil les parents. Seulement voilà: à Egerkin- demeure vétuste, soit ils empruntent en un tiers au marché libre ou à la PPE. francs par habitant dans un premier d’Etat début janvier. gen, les autorités sont en train de faire de profitant des taux actuels très bas pour Une forme de compromis avec la temps) pour construire des loge- «La situation est telle que l’on ne bringues entre gamins un conflit entre rénover et relouer plus cher», constate droite, qui, elle, veut limiter le ments à loyers modérés, avec la peut plus attendre en se contentant Suisses et étrangers. l’avocat. Conséquence, les personnes contrôle des loyers (quitte à ce qu’ils possibilité, si elles ne souhaitent pas du bon vouloir des communes pour modestes doivent se replier sur des augmentent encore!) pour attirer les construire elles-mêmes, de reverser faire face à la crise du logement», Parler une langue différente devient un solutions comme la colocation, l’émi- investissements et les contribuables cette somme dans un «pot com- s’alarme le président de l’ASLOCA, motif de punition, quelque chose de con- gration vers la campagne, Moudon ou riches, et les revenus fiscaux corres- mun» destiné à être investis dans la défendant son initiative. Pourtant, le Chablais, avec l’apparition de cités- pondants. «Nous faisons confiance au construction de logements abor- il faudra bien attendre encore. Pour traire aux règles. Bienvenue dans la dortoirs, voire même le camping! privé pour construire des logements dables. «Construire ou payer, c’est le l’heure, c’est toujours sur ce bon Suisse du 21ème siècle, où l’on peut qui attirent les contribuables riches, principe simple de notre initiative», vouloir que le sort des locataires appliquer sans complexe la logique de «les privés se chargeront pas besoin que la ville le fasse égale- résume Cesar Montalto. Celle-ci modeste repose. Un élément à criminalisation des étrangers de l’UDC à de construire pour les riches» ment en laissant un tiers au marché demande en outre que les terrains prendre en compte au moment de de jeunes enfants! Pour contrer la tendance, l’Etat, soit le libre», rétorque David Payot, dont le nécessaires à la réalisation de loge- glisser un bulletin dans les urnes le canton et les communes, doivent parti demande que les pouvoirs ments à loyer modéré puissent être 28 février prochain. n Amanda Ioset prendre l’initiative de construire des publics ne construisent que du loge- acquis, à certaines conditions, par et Yassin Zine logements à loyers abordables, esti- ment à loyer modéré. voie d’expropriation. Juliette Müller 2 • NATIONAL N° 6 • 5 FÉVRIER 2016 un sarrasin à l’assaut de Gland VAUD• Dans la région nyonnaise, autrefois bastion de la gauche radicale, un seul candidat du POP se présente aux communales du 28 février. Rencontre avec Larry Sarrasin 28 ans, vice-président du POP-Vaud et candidat au Conseil communal de Gland avec la liste PS-Verts-POP.

ans le district de Nyon, les élec- conseillers communaux, se définit Dtions communales auront un comme un groupement citoyen sans petit goût amer pour le POP, étiquette, mais il est clairement de puisqu’il n’y aura qu’un seul candidat droite. Le syndic Gerald Cretegny est à Gland. Cette région qui a longtemps PDC. Il y a constamment des attaques été un terreau fertile pour le parti frontales du PLR sur tout ce qui touche ouvrier et populaire connaît une aux impôts, ce qui fait capoter de nom- passe difficile. A Nyon, suite au retrait breux projets. Je regrette, par exemple, de Claude Dupertuis, aucun candidat que la création d’une piscine couverte, à l’exécutif et au législatif ne se pré- soutenue par la gauche, ait été plom- sente. Difficile à imaginer, alors qu’il bée par un référendum lancé par le fut un temps où la commune comp- PLR, qui trouvait le projet trop coû- tait plusieurs municipaux popistes, teux. Le but du PS, des Verts et du comme le médecin Armand Forel POP sera de stopper le PLR et la majo- entre autres. rité de droite. Enfin, si la troisième réforme de l’imposition des entreprises Pourquoi vous représenter au Conseil (RIE3) passe, la commune perdra communal de Gland? environ un million de francs, ce qui LARRY SARRASIN Gland est en pleine sera tout bénef’ pour la droite, qui mutation et pour moi il y a clairement pourra effectuer des coupes budgétaires la volonté d’amener des idées du POP dans le social ou l’éducation. dans ma commune. Comme inciter à la construction de logements à loyers Qu’avez-vous réalisé en tant que conseiller abordables et de coopératives ou déve- communal? lopper plus la mobilité douce et les Depuis mon entrée en cours de législa- transports publics. Il y a aussi un grand ture fin 2013, j’ai participé à une com- projet pour le réaménagement de la mission où nous nous sommes active- gare de Gland et la place qui l’entoure, ment penchés sur le problème du «litte- pour permettre d’avoir un vrai centre. ring» (déchets sur la voie publique, Un marché hebdomadaire vient même ndlr.), notamment sur la plage et les de se créer. En ce qui concerne le loge- espaces verts de Gland. Sinon je pré- ment, sur la région de la Côte, il y a pare un postulat pour que Gland se clairement un abus de la part des régies déclare zone hors TISA, comme et des propriétaires relativement aux d’autres villes l’ont déjà fait. Mais dans prix des loyers. Des loyers très élevés ne les petites villes comme la mienne, les Larry Sarrasin en pleine distribution de tracts dans un bistrot de Nyon. LS peuvent pas se justifier par le simple débats sont plus techniques que poli- fait que nous sommes sur la Côte et que tiques. région va disparaître. C’est faux! inconnus seuls sur une liste, ça n’aurait sans oublier l’objectif plus proche des nous avons «vue» sur le lac! Certes, il n’y aura plus de membres à servi à rien! Il faut aussi se l’avouer, élections cantonales de 2017. Je vais Claude Dupertuis, municipal à Nyon, ne se l’exécutif et au législatif de Nyon, mais nous n’avons pas les moyens financiers quitter prochainement la vice-prési- Le climat politique à Gland est-il propice à la représente pas, et il n’y a aucun candidat la volonté de notre section est de se qu’ont d’autres partis et la classe popu- dence du POP Vaud pour en partie, gauche? popiste au conseil communal et municipal reconstruire, de trouver des nouveaux laire que nous défendons est souvent me consacrer plus à la politique régio- La droite est majoritaire au Conseil dans cette v ille. N’est-ce pas un peu frustrant membres et d’être plus régulièrement abstentionniste et déçue du système nale et promouvoir nos idées dans le communal (UDC 7, PLR 17) et le plus pour une ancienne ville popiste? sur des stands. On a cherché des candi- politique. Mais j’ai bon espoir pour que secteur nyonnais. n grand groupe représenté, qui se Oui c’est frustrant! Depuis des mois, les dats, mais nous ne voulions pas propo- dans cinq ans on revienne avec une Propos recueillis par nomme «gens de Gland» et compte 28 médias déclarent que le POP dans la ser cinq candidats popistes quasiment liste POP dans le chef-lieu du district, Christophe Grand Compassion et indignation d’un croyant engagé HOMMAGE • Dans sa fidélité à ce qu’il croyait, le pasteur Jan de Haas, actif à Lausanne puis à Moudon, a été une interpellation constante dans l’Eglise.

tre avec les autres là où ils sont, qu’ils y répondent. Il s’engageait, lui. E résume le ministère de celui que Au nom d’une foi qu’il ne voulait certains membres de la commis- pas imposer, mais qu’il offrait sans sion de consécration, jadis, ont eu de craindre qu’on la refuse. Donner, la peine à accepter: il était de cette partager, écouter. D’abord écouter, le génération de «soixante-huitards» qui soir, sur les escaliers de l’église Saint- osaient les remises en question. Et, Laurent de Lausanne où les paumés pensez donc, il venait pieds nus dans de la ville attendaient Godot. des sandales, sans cravate, à ses exa- Et puis, il a passé la main, tra- mens! Je n’oublierai jamais la vaillé pour l’Entraide protestante, remarque désobligeante du conseiller avant de reprendre une paroisse, d’Etat alors ministre de l’école et des celle de Moudon, dont l’église dès cultes, quand il a vu Jan de Haas arri- lors sera ouverte tout à ver à la Cathédrale de Lausanne pour tous: il se soucie des migrants, crée le culte de consécration avec une robe des contacts, ouvre une épicerie du pastorale qui n’avait pas les mètres cœur, bref vit dans une paroisse ce superflus et le patron conforme à une même partage engagé avec les certaine tradition! Après la cérémonie autres quels qu’ils soient. Sans suivait, toujours selon la tradition jamais juger, seulement reconnaître (intouchable en bien d’autres points en chacun cette part d’humain, ce IMPRESSUM encore parce qu’«on avait toujours visage dans lequel se rencontre ce à fait comme ça»), un repas qu’on qua- quoi il croit: l’amour christique. Il Société d’édition de Gauchebdo Rédaction Publicité lifiera de fort distingué et sans doute savait goûter la vie, la nature, la case postale 190, 1211 Genève 8 25, rue du Vieux-Billard, 1205 Genève tarifs et informations sur www.gauchebdo.ch/pub Helena de Freitas, présidente [email protected] [email protected] | 022 320 63 35 plutôt coûteux à l’Hôtel de la Paix. Jan beauté, la lumière. Il était de ces Joël Depommier, rédacteur en chef [email protected] de Haas demanda la parole. Il posa êtres qu’on est heureux d’avoir Administration Impression Juliette Müller, secrétaire de rédaction jmr@gauchebdo. ch simplement la question: si Jésus connu, qu’on soit croyant ou non, Jean-Pierre Kohler [email protected] Pressor, 6, route de Courroux, 2800 Delémont Alexandre Smirnov, correcteur [email protected] venait, que penserait-il! de ceux qui, parce qu’ils existent, Abonnements Stéphane Montavon, dessinateur [email protected] Maquette Jan de Haas posait les vraies ques- laissent briller une espérance. n [email protected] | www.gauchebdo.ch/abo CP 168, 1211 Genève 13 | 079 686 79 37 | CCP 12-9325-6 Solidaridad Graphisme, 1204 Genève tions et n’attendait pas des autres Myriam Tétaz-Gramegna N° 6 • 5 FÉVRIER 2016 NATIONAL • 3 non à une privatisation rampante! GENÈVE• Ensemble à Gauche appelle à rejeter la convention public-privé à la base du projet de rénovation du Musée d’art et d’histoire. Le plus important financement privé proviendra du milliardaire Jean-Claude Gandur. En échange, le mécène pourra exposer deux de ses collections. e 28 février, les électeurs de la Ville opposés au projet de rénovation par Lde Genève devront se prononcer référendum. La coalition de la gauche sur un crédit de 131 millions de de la gauche dénonce une privatisation francs destinés à la rénovation du rampante du musée. «En donnant à la Musée d’art et d’histoire (MAH). Sur ce Fondation Gandur un droit de décision montant, 67 millions doivent être sur les choix culturels du MAH, la Ville retranchés de la facture publique, car amorce une privatisation de l’institu- financés par des investisseurs privés. Le tion. Cette mainmise d’un privé sur un plus important don (40 millions) pro- bien public est inacceptable!», explique viendra du négociant en matières pre- EàG qui ne veut pas de ce «chèque en mières et amateur d’art, Jean-Claude blanc irresponsable». La coalition consi- Gandur, via sa Fondation Gandur pour dère même que la convention est illé- l’art (FGA). En échange, le mécène fran- gale, car tout bail de plus de 12 ans doit çais, qui n’a pas hésité à attaquer Le passer devant le conseil municipal. Plus Courrier suite à des articles sur sa per- globalement, les opposants considèrent sonne et sa fortune, bénéficiera d’un que le projet de rénovation est trop cher. droit d’exposition de deux de ses collec- «Le Conseil municipal a voté un projet tions, l’une d’antiquités, l’autre de toiles quatorze fois plus cher que prévu lors de abstraites des années 1950-1960, pour l’appel d’offres initial de 1998 – du 99 ans, mais aussi d’un espace de stoc- jamais vu: 140 millions, si on inclut les 7 kage de 350m2 et de bureaux. De plus, la millions déjà dépensés en études», vitu- surveillance et les charges d’assurance pèrent les opposants qui dénoncent des des œuvres seront aux frais de la Ville. coûts «qui ont explosé jusqu’à la déme- Le projet de rénovation du MAH est devisé à 131 millions. La FGA demeure aussi libre de retirer sure», en rappelant qu’en 2007 le projet ses œuvres du musée à sa guise. Pour était encore devisé à 80 millions. dront envahir et dénaturer son style taire pour eux, du fait de la dégrada- (3’400 m2), de même que dans la butte finir, le nom de la FGA devra aussi figu- beaux-arts d’origine: tout cela pour tion du bâtiment et de la vétusté de de l’Observatoire (10’500 m2) avec des rer sur tous les supports de communi- un monument centenaire défiguré aboutir à un restaurant panoramique ses installations techniques. Pour ce gains très supérieurs aux quelque cation du MAH. Pour les défenseurs du patrimoine, le enchâssé dans les toitures surélevées. faire, ils proposent de reprendre cer- 1’200 m2 mis dans la cour par le projet Si la droite, le PS et le maire de projet de rénovation dessiné par le Ce projet défigure un monument plus taines propositions de rénovation évo- «Nouvel», assurent les référendaires , Genève, Sami Kanaan, se sont abon- fameux architecte parisien, Jean Nou- que centenaire, classé sur le plan can- quées en 1998, notamment la création qui estiment qu’il est temps de lancer damment félicités de ce partenariat vel, fait aussi problème. Ils s’opposent à tonal et d’importance nationale», pré- d’une verrière sur la cour intérieure «un programme muséal conçu pour public-privé, tel n’est pas le cas des la suppression de la cour intérieure de cisent-ils dans leur argumentaire. ou le creusement d’un niveau sous sa l’ensemble de la population et pour les opposants qui regroupent Ensemble à l’édifice telle qu’imaginée. «Le portique Les opposants au nouveau projet surface. «L’extension des surfaces d’ex- visiteurs désireux de découvrir Gauche (EàG), les Verts, les milieux du MAH va disparaître sous un pla- ne sont pourtant pas opposés à une position est aussi possible dans l’an- Genève, son art et son histoire ». n patrimoniaux et l’UDC, qui se sont teau d’accueil, trois mezzanines vien- rénovation du MAH qui reste priori- cienne école des beaux-arts voisine Joel Depommier

Jean-pierre veya ne se représentera pas une précarité galopante NEUCHÂTEL • Le popiste quittera le Conseil communal de La Chaux-de-Fonds en juin. NEUCHÂTEL • Le député loclois Cédric Dupraz a e popiste Jean-Pierre Veya, élu à l’exécutif de la Ville de La Chaux- interpellé le Conseil d’Etat sur la situation des plus Lde-Fonds en 2006 et réélu par la précaires dans le canton. suite sans problème, a décidé de ne pas se représenter en juin prochain. Sa déci- e député Cédric Dupraz, très en tés sociales en général. Il constate tout sion repose sur différentes analyses et il Lverve, s’est adressé au Conseil d’abord que «la fortune et le nombre de mûrit sa décision depuis le début de d’Etat à propos du marché du tra- millionnaires n’ont cessé de croître ces 2015. Elle n’est donc pas directement vail et des conditions faites aux deman- dernières années dans le canton de liée à la difficile situation financière de la deurs d’emploi. «Durant les années 70, Neuchâtel. Ainsi, entre 2008 et 2013, ville ni aux affaires qui ont secoué cette les personnes bénéficiaient d’un contrat leur fortune a augmenté de 1,2 milliard autorité (Affaires Legrix et Monnard) de travail avant même de se retrouver de francs, soit près de 20%». A l’opposé durant la dernière période administra- sur le marché de l’emploi. Durant les et sur la même période, «la fortune des tive, même si ces événements ont égale- années 80 et 90, les personnes devaient citoyens et citoyennes des classes ment pesé dans sa décision, a-t-il expli- parfois envoyer plusieurs centaines de moyenne et inférieure a stagné voire qué en conférence de presse. Jean-Pierre dossiers de candidature pour décrocher régressé et (…) le marché du travail s’est Veya a communiqué aux médias son Jean-Pierre Veya a été élu en 2006. Ici, sur un stand de son parti. POP-NE un emploi. Durant les années 2000, les détérioré ces derniers mois avec près de choix en compagnie de quelques-uns de personnes doivent parfois envoyer une 7’100 demandeurs d’emploi (décembre ses camarades de la section du POP, ment mis en veilleuse à la suite de la député et enseignant, grand défenseur centaine de dossiers de candidature 2015)», a-t-il ensuite relevé. Théo Bregnard, Karim Boukhris et dégradation des finances de la ville. de l’hôpital du Haut et engagé pour pour espérer pouvoir décrocher un En parallèle, les personnes qui n’ont Gianfranco Maule. améliorer la vie des habitants de la stage non formateur mal ou non payé», pas droit à l’assurance chômage ou qui une liste de cinq personnes région, Sarah Blum, conseillère générale a-t-il résumé. Et d’énumérer la dégrada- arrivent en fin de droit sont des projets en suspens pour lui succéder et enseignante, qui fut une brillante pré- tion des conditions faites aux chômeurs, contraintes «de liquider leur fortune Durant ces dix années de responsabilité Sur le plan plus personnel, on notait sidente du législatif durant l’affaire en soulignant les aberrations régulière- jusqu’à concurrence de 4’000 francs communale, Jean-Pierre Veya, en chez le futur ancien conseiller commu- Legrix, ce qui ne fut pas une sinécure, et ment constatées. «Sur la base des infor- (8’000 francs pour un couple) pour charge de la culture, des sports et de la nal un sens de la modestie, de l’authen- Karim Boukhris, actuellement président mations de la presse locale, ces dernières bénéficier d’un soutien de l’aide jeunesse, a su organiser ses services avec ticité et de l’engagement honnête du groupe popiste du Conseil général, années, un docteur en chimie semble sociale, soutien qui, en termes réels, un sens aigu du travail en équipe. La nourri par le but de servir les habitants syndicaliste et collaborateur scientifique avoir été rémunéré 2’500 francs par n’a cessé de diminuer ces 15 dernières démocratie participative a marqué son de la ville. Il a conduit ses relations avec au Musée d’histoire. Deux autres candi- mois, un architecte 2’000 francs, une années», a encore souligné le député. style pour les différents projets qu’il a son parti avec un grand respect des dats pressentis les rejoindront. Ainsi, le collaboratrice dans la vente 10 francs de Pour remédier à ces situations pré- conduit, qui sont aussi en partie l’œuvre débats et des positions des militants. Il POP pourra présenter aux électrices et l’heure. Une entreprise de polissage a caires, Cédric Dupraz propose de rele- de la population, grâce aux sondages n’a jamais utilisé sa position pour faire électeurs une liste de cinq personnes de délibérément exploité des travailleurs ver le montant de 4’000 francs. Une qu’il a institué. Par exemple, la réussite pression. Doté d’un grand sens de la valeur capables d’assumer les charges pour 2’000 francs par mois. La dérégu- modification qui, selon lui, «permet- de la politique culturelle communale est collégialité, il prenait grand soin d’ex- communales, quoi qu’il arrive. lation du marché du travail et l’utilisa- trait de favoriser une sortie de l’aide à mettre à son actif, un secteur difficile à pliquer son avis et les positions du Que fera Jean-Pierre Veya après le tion abusive de stages ou d’emplois pré- sociale en limitant le risque d’enlise- conduire étant donné les grandes sensi- Conseil communal sans jamais en faire mois de juin? Il ne le sait pas encore. caires ne sont plus tolérables». Face à ment et d’atténuer l’augmentation des bilités de ce milieu. Les projets de une question de pouvoir. Il cherchera un emploi comme n’im- cette situation, Cédric Dupraz demandé disp arités sociales cantonales». Centre aquatique pour remplacer l’ac- C’est avec une grande compréhen- porte quel autre salarié car le POP n’a au Conseil d’Etat de donner de plus Et de questionner le Conseil d’Etat tuelle piscine communale vieillissante et sion que ses camarades ont accueilli sa pas de Conseil d’administration à amples informations sur l’évolution de la pour savoir s’il envisage d’autres de Zoo-Musée, prévoyant la conver- décision car ils savent que Jean-Pierre offrir à ses élus, même brillants! Les situation et sur les mesures prises et / ou mesures pour diminuer cet accroisse- gence entre l’actuel parc animalier du Veya restera engagé pour défendre les popistes sont fiers du parcours de leur envisagées pour contrôler et sanction- ment des inégalités sociales telles que, Bois du Petit-Château et le Musée intérêts des plus humbles de la société. Conseiller communal, cuisinier de ner ces abus. par exemple, «une participation sup- d’Histoire naturelle, qui étaient proches Son départ permettra le renouvellement profession, qui a su assumer les res- plémentaire des grandes fortunes à de la réalisation car ils avaient reçu l’ap- des personnalités politiques du POP. La ponsabilités de son mandat de relever le minimum de fortune à l’effort du canton». Le gouvernement probation du Conseil général (législa- liste des candidats à l’exécutif n’est pas manière constructive durant dix ans. l’aide sociale répondra à cette interpellation à une tif), ont également été mis en branle par encore complète, mais elle compte trois Merci Jean-Pierre! n Le Loclois a ensuite interpellé l’exécutif prochaine session du Grand Conseil. n ses services, même s’ils sont actuelle- popistes de qualité: Théo Bregnard, Alain Bringolf à propos de l’accroissement des inégali- Alain Bringolf 4 • NATIONAL N° 6 • 5 FÉVRIER 2016 imprimerie, la fin d’une époque dorée PRESSE • En Suisse romande, on ne compte plus que quelques imprimeries indépendantes, la plupart des grands quotidiens étant imprimés par le puissant groupe Tamedia, souvent loin du lieu de production du journal. Retour sur les étapes d’une hécatombe.

l’automne 2015, sans crier quotidien vaudois (aujour- A gare, l’imprimerie SRO-Kun- d’hui imprimé à Bussigny, au centre dig, à Versoix (GE), a définiti- d’impression de Tamedia). vement arrêté ses machines, un beau jeudi à midi pile. Trente travailleurs hécatombe entre neuchâtel, Bienne ont été licenciés avec effet immédiat. et Fribourg Les affaires étaient moroses et, cerise La même histoire (ou plutôt la fin sur le gâteau, la ville de Genève avait d’une histoire) se répète ailleurs. Les récemment choisi d’externaliser la quotidiens locaux ne s’impriment production de son magazine Vivre à plus que rarement sur place. A Genève à Berne (vivre à Genève, Bienne, le Journal du Jura est mais imprimer à Berne...). En taille, imprimé à l’imprimerie bernoise de SRO-Kundig était la deuxième Tamedia depuis fin 2012. Victime: les imprimerie genevoise. Et l’établisse- imprimeries Gassmann, fondées en ment existait fièrement depuis 1832, 1780, avec un propriétaire – toujours aux mains de la famille Kundig entre dénommé Gassmann - de la 7ème 1892 et 1989, avec une transmission génération. A Neuchâtel, la victime de père en fils assurée sur 4 généra- est la Société neuchâteloise de presse tions. Dans les années 70, André (SNP), éditrice de l’Express et l’Impar- Kündig, communément appelé tial et héritière du premier quotidien «maître imprimeur» ou «grand francophone au monde: la Feuille maître» symbolisait d’ailleurs à mer- d’Avis (de Neuchâtel) fondée en 1738! veille ce capitalisme familial. Depuis 2015, les titres neuchâtelois Ironie du sort, l’imprimerie venait sont aussi imprimés à Bussigny, chez d’emménager dans des locaux fraîche- Tamedia. ment rénovés, dotés de machines A Fribourg, les Sœurs de St-Paul flambant neuves, dans l’ancienne imprimaient La Liberté depuis 1873. papeterie de Versoix. Cette dernière A l’époque, la Congrégation s’était avait d’ailleurs elle-même fermé ses d’ailleurs donnée pour mission de portes au tournant des années 2000, poursuivre sa quête de vérité et de elle aussi victime des délocalisations. justice au travers des médias et de Et ce quartier besogneux, irrigué par l’imprimé («Nous appelons l’Esprit Un typographe en pleine action une machine d’impression Heidelberg. Flickr la rivière la Versoix, ne méritait déjà Saint sur les professionnels et les usa- plus ses toponymes on ne peut plus gers de la Presse»). Mais la moyenne Tamedia, en situation désormais qua- Le Journal du Jura (Bienne) il y a 3 Quotidien Jurassien (imprimées chez industriels, avec ses évocateurs che- d’âge des cinquante Sœurs de St-Paul siment monopolistique sur le marché ans. Mais, heureusement quelques Pressor, à Delémont). A noter que le mins de la Papeterie, de la Chocolate- est maintenant de 80 ans! Et ces cin- helvétique. résistants se cachent aux extrémités journal Gauchebdo, dans lesquelles rie et de la Scie, sans oublier de bien quante vaillantes Sœurs (avec majus- de la Romandie: ces lignes sont publiées, imprime lui nommés canal des Usiniers et rue de cule) furent soutenues par une péti- de quoi perdre son latin, (imprimé à Satigny-Genève), Le Nou- aussi chez Pressor. n l’Industri e. tion, signée par plus de 11’000 Fri- son français, ...ou sa croix! velliste (Sion) et Le Démocrate et le Giuliano Broggini bourgeois, toutefois sans résultat. Depuis leur naissance, les quotidiens Fin des imprimeries-réunies Depuis 2015, La Liberté est elle aussi romands vivaient dans une osmose à lausanne imprimée chez Tamedia, à Berne. organique entre une ville, une rédac- l’imprimerie a marqué l’histoire Si l’imprimerie genevoise se porte tion, une imprimerie et un lectorat. mal, l’imprimerie vaudoise, elle, ne se la suisse alémanique délocalise aussi Mais aujourd’hui, ce qui était toujours du quartier de plainpalais porte guère mieux. Début juillet Simultanément, la Suisse allemande apparu comme une évidence géogra- 2015, on annonçait ainsi la fermeture est aussi atteinte par la fièvre de la phique ne l’est plus. Les journaux Les métiers de l’impression avaient déjà Pour le quotidien communiste la Voix de la grosse imprimerie de Renens concentration, et ce même en son peuvent désormais s’écrire (les jour- connu une grosse saignée avec l’irruption ouvrière, les soucis étaient d’un autre ordre, dite «IRL plus» (ex-Imprimeries cœur économique, que ce soit à Bâle, nalistes) et se lire (les lecteurs) dans de l’informatique et du numérique. Aujour- plus politique et financier. A peine terminée Réunies Lausanne). Déjà fortement Zürich, Winterthur, St-Gall. La Basler une ville donnée mais s’imprimer d’hui, nouvelle hécatombe dans la plupart en 1940, l’imprimerie dut ainsi garder menacée de faillite en 2012, l’impri- Zeitung n’est déjà plus imprimée à ailleurs. Exemple: la ville de Berne (à des villes. Le métier légendaire d’impri- portes closes pendant 4 ans, sur ordre du merie de l’Ouest lausannois avait Bâle depuis avril 2013 (délocalisation laquelle on ne peut nier son caractère meur viendrait-il à disparaître? Pourtant, Conseil fédéral. Entre 1944 et 1967, le jour- pourtant redémarré ses activités à Zürich). A Schlieren-Zürich, l’im- germanique et protestant) imprime pendant longtemps, les imprimeurs et nal fut imprimé sur une vénérable rotative grâce à la lutte des travailleurs, mais primerie de la légendaire NZZ a maintenant la presse quotidienne de «typos» étaient considérés comme une de 1915, avant d’être remplacée par une aussi au fort soutien des pouvoirs fermé en juin 2015 (125 licencie- la Fribourg francophone et catho- aristocratie ouvrière. Ils étaient bien payés, machine est-allemande. Sans oublier une publics, notamment une étonnante ments). Fermeture aussi pour l’impri- lique. De quoi y perdre son latin, ou mieux que tous les autres ouvriers. Et ils mouvementée nuit de 1956, où l’imprime- alliance politique entre la syndique merie Ziegler de Winterthur (73 son français, ou sa croix. popiste de Renens Marianne Hugue- licenciements), et la plus grosse Les faits sont implacables. Depuis étaient lettrés avant la lettre. Mais aussi rie fut assaillie par des manifestants en nin et le conseiller d’Etat libéral Phi- imprimerie de St-Gall. mai 2015, l’Express de Neuchâtel et très syndicalisés - ils organisèrent la pre- colère, suite aux sanglants événements de lippe Leuba. Mais le miracle n’aura Mais c’est peut-être tout du pareil L’Impartial de la La Chaux-de-Fonds mière grève de France, à Lyon en 1529 - et Hongrie. Il y a quelques années, la Coopéra- finalement pas duré plus de trois ans. au même. Qu’il s’agisse de Lausanne sont imprimés à Lausanne. Alors que très politisés - le bataillon des Typographes tive d’Imprimerie du Pré-Jérôme, familière- Fin d’une histoire plus que centenaire ou Berne (ou même de Zürich, Bâle La Liberté de Fribourg vient de s’en érigeait en 1870 les barricades de la Com- ment appelée Coopi, ferma définitivement pour une légendaire imprimerie qui ou St-Gall), le nouvel imprimeur est aller à Berne (janvier 2015), suivant mune de Paris. et fut remplacée par une école de danse, produisait, entre autres, le grand toujours le même: il s’agit du groupe une tendance déjà amorcée par dénommée l’Imprimerie. Autour du Café de la Presse Traditionnellement, rédaction et imprime- Le tournant des années 90 rie ne faisaient qu’un. Les journalistes et En plein cœur de quartiers habités, dans les typographes travaillaient dans le même les années 80, quatre imprimeries tra- bâtiment. A Genève, quartier de Plainpa- vaillaient ainsi pour quatre journaux. lais, c’était notamment le cas autour du Changement d’ambiance dans les années bien nommé Café de la Presse. Quatre quo- 90 avec la disparition de trois quotidiens. tidiens genevois étaient ainsi pensés, écrits Fini les effluves d’imprimerie au coin de et fabriqués sur place, dans les quatre certaines rues de Plainpalais, ou encore les imprimeries respectives de La Tribune de rumeurs nocturnes des rotatives. Les typos Genève, du Journal de Genève, de La Suisse de la Tribune de Genève (derniers survi- et de la Voix Ouvrière (ancêtre de Gau- vants) allaient ensuite être exilés en ban- chebdo). lieue genevoise, à l’orée du Bois-des-Frères (Châtelaine-Vernier), entre voies ferrées et Toutefois, la vie des imprimeries gene- citernes. Toutefois, l’imprimerie industrielle voises n’était pas toujours tranquille. A la du Bois-des-Frères allait vite fermer et les Tribune de Genève, en 1990, les typo- activités être définitivement transférées graphes firent grève pendant quatre jours, dans la banlieue lausannoise. non pour demander une augmentation de salaire, mais pour revendiquer la réintégra- Survivant à l’hécatombe, relevons la seule tion de leur leader syndical, licencié par la et notoire exception genevoise : Le Courrier, direction. Et les rédacteurs ne purent accé- qui est encore imprimé localement, chez der au bâtiment qu’acrobatiquement par Atar, dans la zone industrielle de Satigny. les toits, le rez-de-chaussée étant aux mains des grévistes. GBi N° 6 • 5 FÉVRIER 2016 INTERNATIONAL • 5 la droite joue la surrenchère à Calais FRANCE • Depuis des mois, droite et extrême droite surfent sur la détresse des réfugiés de la «jungle» de Calais. Au-delà de l’exploitation politique de cette situation, les collusions entre forces de police et groupuscules identitaires semblent monnaie courante.

Calais, sur la place où trône la A statue de Charles de Gaulle, le tag «Nik la France», réalisé par «deux hommes en noir» lors de la manifestation de soutien aux mi- grants, samedi 23 janvier, a complète- ment disparu. Mais la trace qu’il a laissée dans les esprits est loin d’être effacée. Quelques minutes après la publication sur les réseaux sociaux de ce geste pictural de mauvais goût, mais également de l’action coup de poing de quelques dizaines de réfu- giés et militants No Borders, grimpés symboliquement sur un ferry anglais, Marine Le Pen s’était enflammée sur Twitter, inaugurant le déchaînement de la droite. Natacha Bouchart, la maire (LR) de Calais, évoque alors une situation «intolérable», due à «des pseudo-défenseurs des migrants (qui) ont essentiellement pour voca- tion de perturber la vie économique». De fait, la vague - toute relative - de solidarité envers les réfugiés, qui s’était manifestée à l’autom ne dernier, est bien loin. Fini les larmes de croco- dile. Désormais, le sort des migrants de Calais fait l’objet de toute l’atten- tion de la droite et de l’extrême droite, bien décidées à surexploiter, électora- lement parlant, cette situation drama- tique. Avec un mode opératoire sans complexe: sévérité extrême et coups de menton à l’encontre des exilés qui fuient la misère; complaisance per- manente face aux débordements xénophobes qui se manifestent depuis des mois. Un deux poids, deux mesures plus qu’inquiétant.

Calaisien excédé ou skinhead La «Jungle», présentée comme le plus grand bidonville d’Europe, subit fréquemment des attaques de la part de l’extrême droite et de la police. Flickr néonazi? Ce même samedi 23 janvier, la réac- Difficile, par ailleurs, de croire à la instrumentaliser la détresse sociale. à feu ou Flash-Ball. Dans l’une de leurs même ceux qui passent pour une tion d’un jeune «Calaisien excédé», naïveté des forces de police et de la «Dans le bassin minier, le Front natio- réalisations, on voit distinctement seule journée. Ces deux personnes ne menaçant les manifestants avec un préfecture qui ont justifié la sortie de la nal placarde des affiches rouges où il leurs membres jeter des pierres sur des figurent pas sur nos listings.» Elle fusil de chasse lors du passage du cor- famill e Rougemont, fusil au poing, écrit en jaune: ‘‘Le service public, c’est hommes rassemblés à l’entrée de «la dénonce le climat délétère et la mau- tège devant son domicile, n’a pas sus- comme un geste d’agacement. En Marine’’», raconte Claudine. jungle» et des CRS, quasiment côte à vaise foi employée à dessein par la cité de condamnation particulière de 2010, ce prétendu «Calaisien excédé» L’extrême droite gagne du terrain côte, tirer des gaz lacrymogènes dans droite, l’extrême droite et leurs sou- ces mêmes responsables politiques. avait été placé en garde à vue pour vio- tous azimuts, même au sein des forces la même direction… Sur la page Face- tiens. «Qui sont réellement les com- L’homme et son père vociférant lences avec arme lors d’une agression de police et de gendarmerie. Sur la book du groupuscule d’extrême droite, merçants qui se plaignent de la situa- auraient fait face à quelques jets de de migrants. Mineur, à l’époque, il Côte d’Opale, ces dernières sont la après Noël, des personnes se présen- tion? lâche-t-elle. Allez voir dans les bouts de bois et d’un pneu de vélo. avait été relaxé. Le sera-t-il de nou- seule réponse de l’État aux drames tant comme CRS remercient même les supermarchés et les boucheries halal. «Seul contre tous», commente alors le veau, alors que la justice vient de humanitaires vécus par les réfugiés Calaisiens en colère pour leurs petits Les 6’000 réfugiés entassés ici frontiste Gilbert Collard, rejoint, découvrir qu’il détenait illégalement le sous le regard inquiet d’une popula- cadeaux. En milieu de semaine der- consomment aussi. Tous les béné- deux jours plus tard, par le chef de fusil de chasse qu’il a brandi le 23 jan- tion de plus en plus précarisée. Une nière, les bulldozers étaient à l’ouvrage voles qui arrivent d’Angleterre, de file des «Républicains», Nicolas Sar- vier? Gaël Rougemont fera en tout cas, enquête menée avant le premier tour autour de «la jungle». Ils creusent, pro- Belgique, d’Allemagne ou de France, kozy. cette fois, l’objet de poursuites. Il aura des élections régionales indique que tégés par des policiers suréquipés, le une centaine par jour, dorment dans Et pourtant. Le jeune au crâne rasé à ses côtés l’inénarrable avocat Gilbert 51,1% des policiers et des militaires «no man’s land» – comme l’appell e la les hôtels, vont dans les bars et les res- devenu égérie du désarroi de la popu- Collard, qui a proposé de le défendre, avaient l’intention de voter pour le préfète – qui encerclera bientôt le plus taurants le soir…» Plus tôt, chez lui, lation calaisienne est en réalité un «gratuitement» bien entendu. FN. À Calais, cette collusion entre grand bidonville d’Europe. Georges, de l’association Salam, ne skinhead néonazi nommé Gaël Rou- Les bénévoles qui viennent en aide police et extrême droite va bien plus tient pas un autre discours. «Beau- gemont. Sur la Toile, circulent de aux habitants de «la jungle» ont régu- loin que les urnes. «Beaucoup de gens ont intérêt à ce coup de gens ici ont intérêt à ce que la nombreuses photos où on le voit en lièrement affaire à ces groupuscules. que la situation ne change pas» situation ne change pas. Politique- compagnie de membres du groupe de «On a rendu les véhicules de l’associa- les bulldoze rs à l’ouvrage autour de «Hier, un des réfugiés était très mal, ment, mais aussi économiquement. rock néonazi Northern Impact, de tion complètement anonymes parce la «jungle» raconte Maya, une bénévole de l’Au- Les réfugiés et les logiq ues sécuri- Vincent Vauclin, le leader du grou- qu’on nous casse régulièrement les Depuis plusieurs mois, un groupus- berge des migrants. Il m’a expliqué taires créent de l’activité…». Aux puscule Dissidence française, ou vitres et on nous crève les pneus», cule, nommé Calaisiens en colère et qu’il avait été tabassé par des hommes abords de la rue Salvador-Allende, encore de Kevin Reche, l’animateur expl ique Georges, un militant com- composé de nombreux membres du en civil mais appareillés avec du une quinzaine de bus de la gendar- du mouvement d’extrême droite Sau- muniste qui habite un appartement Front national, dont l’ex-chargé de matériel de police: gants, matraques, merie mobile, remplis d’hommes, vons Calais. Le même qui arbore fiè- sur les quais du vieux port. Lui est communication à la mairie de Beau- bombes lacrymogènes…» Pour cette manœuvrent pour entrer et sortir des rement sur les réseaux sociaux une engagé dans Salam, l’association qui caire, Damien Rieu, publie régulière- militante, attablée dans une des parkings devant les hôtels alignés le croix gammée tatouée sur son torse. vient en aide aux exilés depuis une ment des vidéos de leurs actions sur baraques de bois et de bâches, les évé- long de la route. Sur la place où Gaël aime à magner la matraque au quinzaine d’années. «Calais est aban- Internet. «Lors de nos rondes (...) nous nements autour de la manifestation marche sans bouger un général de sein du SEP, le service d’ordre du Parti donné, ce n’est pas la faute à ceux qui informons les CRS des mouvements du 23 janvier ont de quoi laisser per- Gaulle en pierre grise, la gérante d’un de la France du Nord-Pas-de-Calais, fuient la guerre ou la pauvreté, afin qu’il n’y ait pas d’accident sur l’au- plexe. Les deux individus interpellés restaurant s’attable avant la fermeture et se rend régulièrement à Lyon pour explique-t-il. Ce sont les industriels toroute où nous dispersons les groupes pour avoir «facilité» l’accès des exilés de son établissement et s’adresse à un prêter main-forte aux Identitaires de qui délocalisent et vident des bassins de migrants», explique tranquillement au ferry ont déclaré être des béné- collègue: «Il faut que je prépare la fac- la Traboule et au GUD local. Ce entiers du port de Calais.» L’homme et l’un de ses membres sur Facebook. Sur voles de son association. «On enre- ture des gendarmes d’hier soir. Ils groupuscule qui considère judaïsme son épouse, Claudine, sont régulière- certaines images, on assiste à des dis- gistre tous ceux qui viennent nous vont bientôt passer la chercher. n et islam comme de la «gangrène» ment témoins des méthodes persions par jets de pierres. Sur prêter main-forte, explique-t-elle. On Emilien Urbach dont il faudrait «libérer la France». employées par l’extrême droite pour d’autres, il s’agit de menaces avec arme en a 50 à 100 par jour. On enregistre Paru dans l’Humanité 6 • INTERNATIONAL N° 6 • 5 FÉVRIER 2016 LA CHRONIQUE FÉMINISTE Bernie sanders, le socialiste que la démission de Christiane taubira personne n’attendait si haut Bien sûr, on la sentait venir. Il devenait trop flagrant que Christiane Taubira, garde des Sceaux du gouvernement Hollande depuis 2012, était en désaccord avec la politique menée. Trop de dissensions s’étaient avérées ces derniers mois. Le projet de déchéance de national- ÉTATS-UNIS • Le sénateur du Vermont, candidat atypique à l’investiture ité a été la goutte qui fait déborder le vase. Avant cela, on lui mettait des bâtons dans les démocrate à la présidentielle, a fait sensation en arrivant presque ex aequo avec roues pour la réforme de la justice des mineurs, la suppression de la Cour de justice de la République (juridiction spéciale pour les membres du gouvernement), le statut pénal du Hillary Clinton lors de la primaire de l’Iowa. chef de l’Etat, pourtant promis par le candidat Hollande. ui aurait parié un cent sur les chances de Bernie Sanders de A son actif, la réforme la plus emblématique est l’instauration du mariage pour tous, votée Q remporter la primaire de l’Iowa en avril 2013, malgré les hurlements des cathos extrémistes et les manifestations de rue quand il a décidé, en avril 2015, de d’une droite «bien-pensante». La plus importante est la réforme pénale adoptée en été participer en indépendant à la course 2014, qui supprime les peines plancher instaurées pendant le quinquennat Sarkozy, créant à la présidentielle, côté démocrate? une nouvelle peine sans emprisonnement, avec un suivi renforcé de la personne pour Sans doute pas lui-même qui décla- prévenir la récidive en favorisant son insertion au sein de la société. Ces réformes furent rait, lundi soir, à l’issue du scrutin: « Il semées d’embûches et il fallut la volonté farouche, la force de conviction de cette femme y a neuf mois, quand nous sommes née en 1952 à Cayenne, en Guyane, dans une famille éclatée de onze enfants élevés par la venus dans ce bel État, nous n’avions mère, le père de Christiane les ayant abandonnés. Elle a fait des études en sciences pas de structure politique, pas d’ar- gent, pas de reconnaissance…» Et économiques, sociologie, ethnologie afro-américaine, agroalimentaire, et devint professeur pourtant, le sénateur du Vermont est de sciences économiques en 1978. Elle s’est beaucoup engagée pour la Guyane, dont elle la véritable sensation de la consulta- fut députée de 1993 à 2002. Elle est à l’origine de la loi qui reconnaît l’esclavage comme tion qui inaugure la saison des pri- crime contre l’humanité. On a beaucoup dit que lors de l’élection présidentielle de 2002, ses maires au sein des deux grands partis 2,32% de voix auraient coûté à Lionel Jospin sa présence au second tour. C’est oublier que états-uniens. Il s’en est fallu de Chevènement avait recueilli 5,33% des voix, qui ont dramatiquement manqué aux 16,18 quelques voix – voire de tirages au de Jospin (Chirac était à 19,88 et Le Pen à 16,86). Les 2,32 de Taubira n’auraient donc pas sort dans des assemblées d’électeurs suffi. (caucus) où existait une égalité par- faite entre les deux candidats – pour qu’il ne l’emporte sur la grandissime Sa nomination comme garde des Sceaux, le 16 mai 2012, crée la surprise. Elle fait partie des favorite, Hillary Clinton. Il est vrai 19 femmes et 18 hommes qui constituent le premier gouvernement de Jean-Marc Ayrault. que le candidat socialiste avait déjà Sanders marque sa distance avec l’élite du parti démocrate, dont Hillary Clinton est une figure symbole. DR C’est indéniablement un poids lourd, une femme pleine d’énergie, courageuse, qui vise l’ef- réussi à créer la surprise en rassem- ficacité, ne se répand pas dans les médias mais réserve son verbe, qu’elle a aisé et magis- blant des foules et en obtenant des plus lourdement pour accéder à l’uni- paraissent pas faits non plus. Donald tral, à l’Assemblée nationale, où elle défend inlassablement les valeurs de la gauche et de sondages de plus en plus favorables. versité). Parfaitement atypique, le can- Trump, le milliardaire d’extrême l’humanisme. Je l’ai entendue avec délectation, le 21 février 2015, à l’émission «On n’est pas didat Sanders prétend mettre à contri- droite qui caracolait en tête des son- couché» de Laurent Ruquier, sur France 2, à partir de 23h15, qui invite chaque fois un politi- sanders, la constance en politique bution Wall Street pour organiser une dages, a trébuché en arrivant seule- cien-ne. Ce fut un moment de grâce et d’intelligence mené par une femme digne, convain- Le « phénomène Sanders », tel que le véritable redistribution des richesses ment en seconde position (24% des cue, portée par sa foi en la justice, l’humain, le respect de chacun-e. décrit désormais la presse états- «au profit des 99 %» de la société voix). Il est distancé de quatre points unienne, exprime une révolte face à civile. Pour financer sa campagne, le par Ted Cruz, qui a mené toutefois un spectaculaire creusement des sénateur du Vermont sait qu’il ne peut campagne sur les mêmes thèmes que Dès sa prise de fonction, parce qu’elle est de couleur et qu’elle mettait au point la loi du inégalités qui s’est poursuivi durant la compter que sur sa popularité et le lui, fondant sa différence sur une pos- mariage pour tous, elle fut la cible d’éructations raciste et, bien entendu, sexistes. Notam- période Obama. En effet, si le chô- désir de promouvoir les idées qu’il ture de missionnaire évangéliste très ment par l’hebdomadaire d’extrême droite, Minute, qui publia en Une la photo de Christiane mage officiel a reculé, le taux d’activité développe. Il s’appuie sur les dons, de appréciée par les conservateurs Taubira avec la légende: «Maligne comme un singe, Taubira retrouve la banane.» Le rédac- – soit la part de la population en âge «petites sommes qui font les grands locaux. Il n’est pas sûr que ce candidat teur en chef sera condamné à trois mois de prison avec sursis et à 10’000 € d’amende. Une de travailler ayant un emploi effectif – fleuves», dit-il, versés par ses suppor- intégriste religieux constitue le plus élue FN de l’Essonne, sur Facebook, l’a invitée à repartir à Cayenne, vu qu’elle a toujours n’a pas cessé de diminuer. Et les ters, pour financer une campagne très grand danger pour Trump. Par détesté la France. L’ancien curé de la paroisse de Saint-Nicolas du Chardonnet à Paris a été salaires subissent une érosion conti- coûteuse. Même si lui ne donne pas contre, Marco Rubio, qui le talonne poursuivi pour avoir lancé «Y’a bon Banania, y’a pas bon Taubira», lors d’une manifestation. nue. La précarisation touche ou dans le matraquage débridé des spots (23% des voix) et fait mieux que Il a été relaxé. Une conseillère municipale a publié sur Facebook une photo de la garde des menace ainsi une part importante des télévisés, à l’instar de sa concurrente prévu, pourrait constituer une Sceaux et d’un orang-outan. Anne-Sophie Leclère, ex-tête de liste du FN, pour avoir com- travailleurs et des classes moyennes. démocrate ou des candidats républi- menace beaucoup plus sérieuse. Le paré Christiane Taubira à un singe, avec photo-montage à l’appui, a été condamnée à 9 mois Fidèle à ses idées progressistes depuis cains dans la course parallèle à la Mai- sénateur de Floride bénéficie, en effet, de prison ferme et à 5 ans d’inéligibilité. Le FN, qui écopa de 30’000 € d’amende, l’a exclue. toujours, le sénateur du Vermont (74 son-Blanche. Selon le centre pour l’in- du soutien de la direction du parti ans) incarne l’honnêteté et la tégrité publique (CPI), quelque 837 républicain, en mal de désigner un Avant d’être élue sur une liste UMP à La Grande-Motte, Lina Delnott avait partagé sur Face- constance en politique. Des valeurs millions de dollars auraient d’ores et postulant à la fonction suprême book une attaque raciste contre la garde des Sceaux, mais le maire veut néanmoins la con- qui ont pu résonner avec l’aspiration déjà été versés aux différents candi- moins extrémiste. Même si Rubio, fils server à la mairie. Lors de la manifestation contre le mariage pour tous, des parents remet- des électeurs démocrates à changer dats des primaires par le biais d’orga- d’immigré cubain, s’est installé dans la taient des bananes à leurs enfants pour qu’ils crient «Une banane pour la guenon»! Je n’ar- enfin la donne politique dans le pays. nismes collecteurs géants baptisés course à l’investiture en tenant un rivais pas à croire à un pareil degré de bêtise. L’indépendant Sanders marque sa dis- «super PACs». Les records de credo très conservateur. Il a annoncé tance avec l’élite «si facilement corrup- dépenses électorales des précédents ainsi qu’il s’opposera it de toutes ses Comment résiste-t-on à un tel déversement d’ordures? Les politicien-ne-s doivent avoir une tible» du parti démocrate, dont Hil- scrutins (environ 1 milliard de dol- forces à la ratification par le Congrès peau d’éléphant. Faut-il croire à ce qu’on fait pour supporter l’insupportable! Rama Yade, lary Clinton est une figure symbole. Il lars) sont assurés d’être pulvérisés. du processus de normalisation Yasmina Benguigui, pour ne citer qu’elles, ont également essuyé de vilains propos racistes. veut augmenter le salaire minimum, engagé avec Cuba et, à tout le moins, rubio, le credo très conservateur n Selon elles, le racisme n’est pas monté en puissance mais il est devenu visible. On assiste à taxer les hauts revenus, rendre les uni- à la levée de l’embargo commercial. versités accessibles à tous (quand les Côté républicain, malgré cette ava- Bruno Odent une banalisation de la xénophobie, qu’on peut vérifier autour des stades. Mais on ne m’en- étudiants doivent s’endetter de plus en lanche de «money», les jeux ne Paru dans l’Humanité lèvera pas de la tête qu’en ce qui concerne Christiane Taubira, les injures racistes étaient doublées d’un sentiment sexiste. Une femme, de couleur, qui s’occupe de la justice des Français, quelle transgression!

Les commentateurs l’ont dit et répété: la garde des Sceaux était l’ultime caution de gauche. «Je quitte le gouvernement sur un désaccord politique majeur», a-t-elle expliqué. Elle est remplacée par un homme, Jean-Jacques Urvoas, proche de Valls. C’est la 11e ministre à avoir quitté le gouvernement. Que reste-t-il aujourd’hui des idéaux qui furent, il y a une éternité, représentés par François Hollande? Son bilan fait peine. Depuis 2012, on compte 650’000 chômeurs supplémentaires, 13,7% de la population vivent en dessous du seuil de pauvreté, dont 1 enfant sur 5, près de 4 millions de personnes sont mal logées, le revenu médian a baissé et pour la première fois depuis 1969, l’espérance de vie recule en France. On a même vu des employés de Goodyear prendre 9 mois de prison pour avoir défendu leur emploi. Mais ce gouvernement s’apprête à pénaliser les chômeurs, à faciliter les licenciements, à opérer de nouvelles coupes dans les services publics. Peu à peu, insidieusement, Hollande a basculé à droite.

Aujourd’hui, on cherche vainement les valeurs de gauche et les ministres qui osent encore les défendre. Christiane Taubira fait partie des personnes courageuses et sincères qui ne renient pas leurs valeurs en devenant ministre. Une espèce en voie de disparition?

Huguette Junod

http://videos.lexpress.fr/actualite/societe/video-une-de-minute-sur-taubira-l-enquete-sera-longue_1299256.html N° 6 • 5 FÉVRIER 2016 CULTURE • 7 Quand la suisse réfléchissait à sa politique d’expositions LIVRE • Un ouvrage pointu sur les expositions commerciales suisses, dans le pays et à l’étranger, qui véhiculent non seulement des concepts économiques, commerciaux ou esthétiques, mais aussi idéologiques.

e livre est une thèse universitaire, 1896. En 1908 est créé l’Office central Le Corbusier et ses disciples de Mos- Cavec les rites - 1618 notes, biblio- suisse pour les expositions: sa mission cou», en invoquant les valeurs graphie exhaustive - et le langage est d’agir comme un ambassadeur des anciennes de la «race helvétique». S’il (utilisation inlassable du mot «para- intérêts économiques suisses à l’étranger. faut retenir un nom dans cette période digme» très à la mode) que ce genre Mais la Première Guerre mondiale de l’entre-deux-guerres, c’est celui de académique comporte. Passons sur ces signifie l’interruption des grandes expo- Hans Hofmann (1897-1957), figure aspects formels pour souligner son réel sitions internationales. majeure du Neues Bauen, qui sera l’ar- intérêt, surtout après les polémiques chitecte en chef de l’Exposition natio- qu’a suscitées le pavillon suisse à l’Expo- aux origines du Comptoir suisse nale de Zurich en 1939, la fameuse sition universelle de Milan, du fait de Tout ce domaine des expositions est Landi. son contenu discutable et de son insi- habité par des débats de caractère éco- gnifiance architecturale! L’ouvrage, nomique et esthétique, qui prennent en un «petit etat neutre» face interdisciplinaire, tient de l’histoire éco- Suisse une tournure souvent violente. à la montée des totalitarismes nomique, commerciale, architecturale et On assiste à une lutte identitaire (à cer- Vers le milieu des années 1930 s’affirme esthétique. Nous laisserons ici de côté tains égards réactionnaire) des un «style suisse» d’exposition, qui a pour les aspects organisationnels (commis- Romands contre «l’influence alle- vocation d’exprimer les valeurs démo- sions, lois fédérales, réglementations, mande». Quant au Conseil fédéral, il cratiques du «petit Etat neutre», face à la etc.) qui présentent sans doute moins veut encourager les arts appliqués montée des totalitarismes. Ceux-ci, par d’intérêt pour nos lecteurs. Le livre est suisses contre l’Überfremdung écono- exemple, se font face agressivement à original aussi parce qu’il intègre la poli- mique. Pendant la guerre naît donc le l’Exposition universelle de Paris en tique d’expositions dans les grands projet d’une foire nationale. Il y en aura 1937, avec leurs vastes bâtiments sur- cycles économiques de croissance et de deux! La Foire suisse d’échantillons à montés de statues qui contrastent avec crises. Bâle naît en 1917. Contre-offensive le pavillon suisse tout d’acier et de verre, romande, le Comptoir suisse ouvre ses ouvert à la lumière. Comme l’écrit le «style chalet», une suisse portes en 1920 à Lausanne. Il gardera Claire-Lise Debluë, celui-ci veut «repré- pastorale et agreste idéalisée jusqu’à nos jours ses rituels: journées senter graphiquement les idées de tolé- Rompant avec les foires traditionnelles cantonales et officielles, lieux de sociabi- rance, de liberté et de démocratie sup- telles qu’elles existaient depuis le lité tels que buvettes et restaurants. Une posées animer l’ «esprit suisse» tout en Moyen-Age, les expositions internatio- curiosité: en 1925, il se mue en Foire préservant l’unité spirituelle de la nales accompagnent, depuis le début du coloniale avec Village africain et souks nation». On retrouvera cette idée à la 19e siècle, le développement écono- tunisiens… Landi, dont par exemple le plan asymé- mique et industriel de l’ère capitaliste trique du Höhenweg, sur pilotis et en libre-échangiste. La première a lieu à «Cosmopolite genre le Corbusier et ses bois, est un contrepoint à l’architecture Londres en 1857. Parallèlement, on voit disciples de moscou» monumentale et géométrique du type l’émergence des Expositions nationales. Dans les années 1920, le débat architec- Esposizione Universale di Roma Leur but à toutes deux est d’abord com- tural et esthétique resurgit: régionalisme (E.U.R.) qui aurait dû se tenir en 1942. mercial: montrer objets et échantillons et Village suisse ou architecture On le voit par ces deux derniers exem- pour vendre et exporter. Mais aussi, la moderne, fonctionnelle, telle qu’elle est ples: les expositions universelles ou recherche d’un «style national» s’im- prônée par le Bauhaus ou Le Corbusier? nationales véhiculent non seulement pose. Pour notre pays, il s’agit de donner Parallèlement, on assiste à une rationa- des concepts économiques, commer- une image architecturale de «l’identité lisation de l’action publicitaire, répon- ciaux ou esthétiques, mais aussi idéolo- suisse». C’est d’abord le «style chalet» dant aux études «techno psycholo- Le restaurant du pavillon suisse à l'Exposition universelle de Paris 1937. Au fond, on distingue les statues giques. C’est à nos yeux l’un des aspects qui prévaut, et avec lui la consécration giques» nées aux Etats-Unis, qui s’inter- prolétariennes du pavillon soviétique. les plus intéressants de cet ouvrage. n de l’architecture régionaliste. Il a pour rogent sur le comportement des visi- Pierre Jeanneret mission de «représenter la vie pastorale teurs. Il se crée notamment des affiches mais répondre à des principes d’effica- d’arrière-garde de milieux conserva- et agreste», bien sûr idéalisée. On voit d’une étonnante modernité, dont cer- cité et de lisibilité s’adressant à un public teurs. Gonzague de Reynold ou le très Claire-Lise Debluë, Exposer pour exporter. Culture visuelle et expansion commerciale en donc s’ériger des «Villages suisses» dans taines font penser aux œuvres de Fer- pressé, avec un matériel standardisé. Le catholique Alexandre Cingria, proche Suisse (1908-1939), Neuchâtel: Editions les Expositions internationales et natio- nand Léger ou Raoul Dufy. Quant à «marketing» moderne est en train de des milieux frontistes, vitupèrent contre Alphil – Presses unive rsitaires suisses, 2015, nales, notamment celle de Genève en l’étalage et aux stands, ils doivent désor- naître …non sans susciter des réactions «l’art international et cosmopolite genre 523 p.

AGENDA CULTUREL ET MILITANT

pour une régularisation maintenant! Journée de réflexion sur la régularisation des sans-papiers Samedi 6 février 2016 de 12h30 à 18h, Eglise française Le Cap, Predigergasse 3, Berne Conférences et débats organisés par des associations de défense des personnes concernées. Crise du logement. la politique menée par l’etat est-elle efficace? Lundi 8 février 2016 à 20h à l’Université ouvrière de Genève, Place des Grottes 3, Genève Débat public entre des représentants du Collectif d'associations de quartiers et d'habitant-e-s et Antonio Hodgers, magistrat en charge du logement. Cette rencontre portera sur deux points essentiels de la politique cantonale du logement: l'aménagement et la construction de logements sur le site de la caserne des Vernets, thème présenté par l'Associations d'habitant-e-s de la Jonction, et la problématique des surélévations et changements d'affectation et plus lar- gement du non-respect de la loi sur les démolitions et transformations d'immeubles d'habitation (LDTR) aux Pâquis, thème qui sera présenté par Survap. Organisation: AHJ - Association des habitant-e-s de la Jonction. initiative udC de «mise en œuvre». le renvoi automatique des étrangers criminels, contraire ou non aux droits fondamentaux? Lundi 8 février 2016 à 20h15 au centre socioculturel Pôle Sud (salle AIDA), Rue Jean-Jacques Mercier 3, Lausanne Débat contradictoire, Intervenant-e-s : Pierre Conscience (solidaritéS), candidat à la Municipalité et Claude-Alain Voiblet (UDC), Député, candidat à la Muni- cipalité. Modération : Laura Drompt, journaliste (Le Courrier) «le désinvestissement, qui est concerné ? Quels résultats potentiels pour le climat?» Jeudi11 février 2016 à 18h30 au restaurant de la Fumisterie, Rue des Noirettes 21, Carouge Café Climat de l’association Noé21. Avec Stève Honsberger, SIG et Christian Buenzod, Noé21.

Retrouvez l’agenda militant sur www.gauchebdo.ch/evenements Pour annoncer des activités: [email protected] N° 6 • 5 FÉVRIER 2016 CULTURE • 8

sida et sens de la vie LA CHRONIQUE JEAN-MARIE MEILLAND Ces sentiments qui mènent le monde

dans les années 80 Les sentiments mènent certainement le monde. Car ils restent la réalité de base, le terreau vivant, dans lequel s’enracinent, évoluent et s’achèvent les multiples activités humaines. Ce LITTÉRATURE • Dans «Le Patient zéro», Baptiste Naito narre le quotidien d’un sont des sentiments qui motivent à agir, des sentiments qui soutiennent l’action en train de jeune steward de Swissair qui découvre être porteur de cette nouvelle maladie s’accomplir, et des sentiments enfin qui naissent de l’action effectuée. dont on commence à parler, le SIDA. Le grand Spinoza, dans l’Ethique, explique comment notre tendance à persévérer dans l’être ’action se situe au début des années s’exprime constamment à travers différents sentiments positifs et négatifs. quatre-vingt, quand l’esprit de libé- L Que nous ayons conscience d’une augmentation, d’un perfectionnement de notre être, nous ralisme social et sexuel qui a éclos avec les communautés hippies éprouvons de la joie. Que nous ayons conscience d’une diminution, d’un affaiblissement de de Haight–Ashbury souffle encore. Per- notre être, nous éprouvons de la tristesse. Que notre joie soit accompagnée de l’idée d’une sonnage aussi cynique qu’attachant, cause extérieure la produisant, c’est l’amour qui apparaît, que notre tristesse soit accompa- notre Steward mène sa petite vie de gnée de l’idée d’une cause extérieure, c’est la haine qui naît. Il est bien d’autres sentiments jouisseur, il vole de ville en ville sans étudiés par des philosophes, comme Descartes ou Hobbes, et par des moralistes, comme trop sembler se fatiguer dans son bou- Vauvenargues1. La colère par exemple est une réponse au mal qui nous est fait, et la peur et lot, donne des notes aux femmes qu’il l’inquiétude résulten t de la perception de menaces plus ou moins précises. séduit en grand nombre, soigne sa garde-robe et descend bière sur bière Il est naturel et nécessaire que la conscience positive de l’amélioration de notre être engen- avec ses potes. L’insouciance qui a carac- dre la joie (par exemple quand est reconnue la qualité de notre travail ou l’effort qu’on a térisé cette époque (votre serviteur, trop jeune pour l’avoir connue, ne pouvant consenti). Il est aussi naturel et inévitable que la conscience négative d’une diminution de s’en tenir qu’aux témoignages) est bien notre être provoque la tristesse (quand par exemple on se trouve condamné à vivre dans un rendue par Naito, avec le souci du détail environnement bruyant et pollué). Il est impossible que s’éveille autre chose que l’amour qu’on lui connaît et qu’il avait déjà mani- (ou l’amitié, ou la sympathie, ou la bienveillance) quand notre joie est causée par autrui festé dans son premier roman, Baby- (quand par exemple quelqu’un nous vient en aide dans un moment difficile). Comme il est lone: les trente glorieuses ne sont pas impossible que s’éveille autre chose que la haine (ou l’hostilité, ou la colère) quand notre loin, le progrès technologique s’accé- tristesse vient d’autrui (quand par exemple il nous traite comme un objet, nous frappe ou lère (symbolisé par ce fameux ordina- nous insulte). On ne peut non plus bannir la peur quand on perçoit que quelque chose ou teur qu’utilise le héros pour la première quelqu’un menace le maintien de notre être (on a peur par exemple des puissants qui peu- fois), et avec lui la promesse d’un avenir vent nous violenter ou nous priver de travail). radieux, la prestigieuse compagnie Swissair, véritable fleuron national, Les sentiments sont ressentis comme ils sont ressentis. Comme Platon l’écrit faisant parler poursuit un développement que rien ne semble pouvoir arrêter… Protagoras: «Il n’est pas possible d’avoir… d’autres impressions que celles que l’on éprouve, 2 On retrouve dans ce roman la et celles-ci sont toujours vraies» . Il est inutile de vouloir que les sentiments ne soient pas plume particulière de Baptiste Naito, un Baptiste Naito est né à Genève en 1982. Il a fait des études de lettres à l’Université de Lausanne. Yves Laplace ressentis ou soient ressentis autrement. Mais on doit distinguer les sentiments proportion- style simple et très oral, sans réelle prise nés, qui ont une cause réelle et sont adaptés à la situation, et ceux qui sont disproportion- de risque ni innovation stylistique, que insouciance arrive une catastrophe qui respecter les autres), même si cette fin nés, résultant d’une cause imaginaire et inadaptés à la situation, entre autres par leur l’auteur met au service de la fluidité du punit les hommes. Faut-il y voir, confère une profondeur supplémentaire exagération (on doit ainsi distinguer la joie légitime née de l’obtention d’un emploi récit: c’est propre et efficace – quasi- comme le suggère le titre de son pre- au roman. souhaité, de la joie malsaine résultant de l’échec de ceux qu’on juge faussement être des ment suisse-allemand – les presque mier roman, une référence explicite à la Je me sers un verre d’eau. Finalement, ennemis). Par rapport à la peur on distinguera la peur justifiée qu’un terroriste présent dans quatre-cent pages du récit sont rapide- Bible? A travers ses romans, Baptiste je ne deviendrai pas acteur. Je ne ferai pas le quartier puisse venir nous tuer, et celle infondée qui désigne toutes les personnes ment tournées, l’intérêt est présent jus- Naito propose-t-il des réinterprétations d’études et peu de gens se souviendront de étrangères comme potentiellement criminelles. Il existe aussi une quantité de sentiments qu’aux dernières lignes. A partir d’une contemporaines de certains mythes du moi. Je ne deviendrai pas célèbre, mais ça trompeurs ou dévoyés issus de l’inconscient, que la psychanalyse se propose de clarifier. histoire dans laquelle, finalement, il ne livre sacré? Avec Le Patient zéro, Bap- ne me touche pas vraiment. Je me serai se passe pas grand-chose, l’auteur par- tiste Naito livre un conte moral, cet bien amusé. J’aurai d’avantage profité de Si les sentiments sont historiquement et socialement situés (l’aristocratie accordait un grand vient à susciter et maintenir l’intérêt du aspect étant particulièrement visible la vie que la plupart des gens. J’aurai plus lecteur par la justesse dans la construc- dans le dernier quart de l’ouvrage. fait en trente ans que les autres en prix aux sentiments liés à l’honneur et la classe ouvrière met spécialement l’accent sur le tion psychologie de son héros, avec ses Malade, le héros se transforme physi- soixante ou septante ans. Je ne me serai sentiment de solidarité), il semble bien qu’il faille affirmer un patrimoine de sentiments forces et ses fêlures, par les dialogues quement et à cette déchéance physique jamais ennuyé. J’aurai fait tout ce dont fondamentaux communs à toutes les époques et à tous les lieux, comme des constantes de souvent teintés d’une bonne couche correspond une transformation morale, j’aurai eu envie. Je ne changerais pas ma la vie humaine. d’ironie, par ses descriptions précises cette fois-ci vers le mieux. A mesure vie contre celle d’un autre. des lieux, des gens et des ambiances. qu’il prend conscience de sa situation, le Avec Le Patient zéro, Baptiste Naito La politique ne peut donc passer par-dessus les sentiments des individus pour qui et par qui héros se questionne sur le «vrai» sens de signe un roman très réussi, dans la elle est mise en œuvre. Du point de vue d’une philosophie du bonheur, la politique doit tra- un héros qui se questionne sur les la vie, les valeurs, sur son rapport aux lignée de Babylone. Il propose une vailler à développer le plus possible les conditions pour que soit éprouvé un maximum de valeurs et son rapport aux autres autres, sur le mal qu’il a pu faire autour réflexion sur le sens de la vie et les sentiments positifs liés à l’augmentation de l’être: joie, amour, espoir, confiance. Elle aura Reste la question de la morale de l’his- de lui; il finira même par se réconcilier conditions du bonheur qui, sans éviter aussi à cœur que soient réduits les sentiments négatifs de tristesse, de haine et de peur. Pro- toire: qu’a voulu nous dire Baptiste plus ou moins avec un père dis- quelques facilités, ne peut que toucher le curer un travail épanouissant, un salaire satisfaisant, un environnement agréable, donner à Naito? Le Patient zéro est construit sur tant… On peut regretter ici ce qui s’ap- lecteur. n tous l’occasion de participer aux décisions dans la cité comme dans l’entreprise, voilà une une structure dramatique classique: parente à un happy-end un peu facile et Julien Sansonnens politique productrice de joie. Pour la peur toujours présente dans un monde chaotique et après une période de jouissance convenu (le héros qui découvre, dans Baptiste Naito, Le Patient zéro, Editions de (notamment sexuelle) et d’excessive l’adversité, l’importance d’aimer et de l’Aire, 2015, 396 pp. inégal où règnent les déséquilibres facteurs de frustrations, de conflits et de guerres, la poli- tique doit chercher à en supprimer les causes, au lieu de la faire croître en exagérant ou en en fabriquant des causes dans l’intérêt des démagogues nationalistes. Tant que demeurent des causes réelles de peur (chômage, précarité, réchauffement climatique, terrorisme), la politique doit gérer la peur de manière proportionnée, désignant quelles sont les vraies Fragments du paradis, menaces (d’abord le système capitaliste néolibéral et son insatiable avidité, et sa logique de système avant les personnes qui n’en sont que des rouages souvent involontaires).

un film complice et optimiste On ne peut donc fonder l’action sur une «raison» objective indépendante des senti- ments, exigeant que les hommes ne ressentent pas ce qu’ils ressentent (comme lorsque CINÉMA • Stéphane Goël donne la parole à des personnes âgées qui parlent de de bonnes âmes disent à ceux qui craignent de perdre leur emploi à cause de l’ouver- ture des frontières qu’ils n’ont pas à avoir peur, et que s’ils ont peur c’est parce qu’ils sont leur vie, de leur mort et de leur paradis. A voir dans les salles actuellement. obtus et un peu fascistes). Les citoyens comme les dirigeants, suivant les circonstances, l y a le réalisateur Stéphane Goël, donne la parole à des personnes âgées, les cas, en une beauté retrouvée, en un sont tour à tour joyeux, tristes, hostiles, craintifs ou r assurés. Ils recherchent sans cesse qui gravit la montagne avec son qui parlent de leur vie, de leur mort et repas végétarien, en un long orgasme, ce qui les épanouit et fuient ce qui leur nuit, réagissant en fonction de ce qu’ils croient I leur être utile ou nuisible. L’important est de diminuer au maximum les occasions père en discutant. Il y a une dou- de leur paradis. Mis côte à côte, ces ou dans un enterrement politique. zaine d’interviews, avec des personnes témoignages assument leur subjecti- Les popistes pourront reconnaître, d’éprouver des sentiments négatifs, et, quand on ne peut les éviter, de faire que les sen- confrontées à la perspective de leur vité, et questionnent le spectateur parmi les témoignages, ceux de timents négatifs proviennent de causes réelles (pour la peur par exemple de la rapac- mort. Il y a des extraits de films de autant qu’ils lui apportent des Robert Dreyfuss et Pierre Payot. J’ai eu ité sans limites des affairistes) et non de préjugés sans fondement grossis par la propa- famille aux couleurs passées. Le tout réponses. Loin des paradis perdus ou le plaisir d’accompagner le second à gande (pour la peur par exemple des mythes xénophobes et racistes). se mélange en touches drôles ou à venir, les protagonistes parlent de l’avant-première au Capitole. Une émouvantes, pour un film qui parle de leur parcours, de la perspective de leur occasion de partager avec le réalisa- Que 2016 nous apporte donc à toutes et à tous de nombreuses occasions d’expéri- l’au-delà et du monde présent. mort, et de la vie qui de toute façon teur et son père un moment à l’image menter la joie! continuera – selon certains, leur vie de leur film: complice et optimiste, au- des témoignages de robert dreyfuss personnelle dans l’au-delà, selon delà de toutes les différences de Jean-Marie Meilland et pierre payot d’autres la vie terrestre d’une commu- convictions. n Le paradis n’est-il pas un sujet un peu nauté humaine. Le paradis devient David Payot risqué? On peut craindre les élans une occasion de révéler une vision de 1) On peut citer de Descartes Les passions de l’âme, et de Vauvenargues, Introduction à la connaissance de l’esprit humain, Fragments du Paradis de Stéphane Goel. tous deux dans GF. missionnaires ou métaphysiques, les la vie, touchante, drôle, et toujours un Documentaire, 85’. Dans les salles de cinéma 2) Théétète, dans Théétète-Parménide, trad. E. Chambry, Garnier Frères, 1967, GF. querelles théologiques. Le réalisateur peu naïve. L’au-delà se décline, selon actuellement.