Discographie Jean Cabourg

Précisons d’entrée de jeu que de - tours. Le Mario nasal et étroit de française du siècle, Ninon Vallin, en vant la pléthore d’enregistrements Pauli davantage, alors qu’Angelotti est l’héroïne. À notre connaissance disponibles sur le marché ou sus - et le Sacristain paraissent dignes. Le la grande artiste n’inscrira jamais ce ceptibles de l’être demain il nous a malaise vient des effets surannés rôle à son répertoire, sans doute paru judicieux de présenter séparé - dont s’accompagne l’irruption de la parce qu’il excédait ses moyens na - ment les versions réalisées en stu - prima donna . Les voyelles plates turels de soprano lyrique, mais cha - dio et celles, innombrables et cha- sont d’époque, comme le parti pris cun sait qu’elle pouvait tout chanter que jour plus nombreuses, que pro - de réalisme, plat lui aussi, qui con- et souvent mieux que quiconque. pose le marché du live auquel le CD duit à contrefaire la jeune écervelée Entourée de Di Mazzei, habitué de offre un support idéal, à charge embarrassée de son chapeau à Cavaradossi à l’Opéra-Comique et du pour le lecteur de faire la part de ce plumes et de son bouquet, à travers grand Endrèze, belcantiste raffiné qui, dans ces dernières, relève de la force minauderies et miaulements conquis par Scarpia, elle purifie le curiosité documentaire ou de la vé - exaspérants. Une oreille avertie no - rôle de tout expressionnisme en l’ir - rité artistique d’interprétations ma - tera toutefois la liberté du re gistre radiant de son timbre haut et clair. jeures. aigu, sa lumière, sa projection, ga - Un disque atypique mais très atta - rantes d’une suite plus convain- chant. cante. Au deuxième acte, en effet, si les graves ouverts demeurent laids, I. VERSIONS STUDIO on se laisse prendre par la vitalité de 1938 : Maria Caniglia cette voix aux Ut conquérants. Dans Il faudra attendre l’immédiat Née avec le siècle, alors que le un réel climat de Grand-Guignol en - avant-guerre pour rencontrer une disque acoustique se substitue au core souligné par les voix caricatu - intégrale de grand relief, celle réali - cylindre, figurera dès 1919 rales des troisièmes couteaux, cette sée à pour Beniamino Gigli. parmi les premières intégrales enre - fem me à présent bouleversée est un En dépit des artifices sonores du gistrées en Italie avec une distribu - véritable incendie. Sa prière alterne procédé Cedar utilisé par EMI pour tion complète. La créatrice de Floria, vi laines voyelles ( «La mia pre ghie ra ») le report en CD de cette série Gigli, Hariclea Darclée, frôle alors la et saine hauteur d’émission. Le vé- il est possible de faire un point ob - soixantaine et il ne semble pas que risme sans vergogne de ces scènes jectif sur cette version aussi célèbre les studios aient trouvé dans la gé - lui doit beaucoup comme au Scarpia que discutée. nération qui lui succède une canta - incisif de Granforte, le bien nommé, Si le ténor en demeure l’atout ma - trice capable d’égaler ses mérites dont Sabajno, lecteur cursif, retient jeur, il faut reconnaître à Caniglia, éminents. Remondini, Bartolomasi : surtout le profil de sbire, capable au symbole du vérisme années trente, des noms que l’Histoire n’a pas rete - demeurant de phrasés enveloppants. des qualités qui feront bien défaut à nus. La première édition notable de - Très réticent au début on finit donc nombre de celles qui lui succéde - vra attendre encore dix ans, et l’en - par entrer d ans le jeu de ce vérisme ront. Une franchise vocale d’abord, registrement électrique. C’est celle, trépidant aux allures de film expres - un aigu solide, un grave à l’avenant, toujours confiée en 1929 à l’excel - sionniste. un mordant, un italien éloquent. Le lent Sabajno, et dont la vedette est La version Molajoli de 1930 est vibrato serré indispose moins qu’en l’une des artistes chéries de Puccini, beaucoup moins excitante. Bianca d’autres circonstances, moins que la pétulante Carmen Melis. Alors Scacciati inaugure la série des vé - certaines duretés (pendant la scène que depuis les années vingt se ristes crues et vulgaires avec une de la torture par exemple) inhé - confirme l’inexorable déclin des voix qui paraît vieille même si rentes au réalisme d’une interpréta - grands sopranos dramatiques, cette vaillante. Son amant, doté d’un joli tion par ailleurs sans complexes belle artiste, bien que résolument timbre, paraît un peu coincé. Le particuliers. L’époque n’est pas à la « moderne », peut prétendre assurer Scarpia de Molinari campe solide - recherche psychologique mais cela la transition entre la vieille école, ment son personnage tandis qu’en vaut pour l’ensemble de la distribu - dont elle a recueilli les leçons auprès Angelotti Salvatore Baccaloni ne tion et pour la direction générique de Reszké et de Cotogni, son maître, peut se retenir de chanter « buffo ». de De Fabritiis, à la tête d’un or - et la nouvelle, celle de Puccini et de Le chef achève de ruiner l’entrepri- chestre moyen aux glissandi révéla - véristes comme Giordano, qu’elle se par sa direction d’un flou total. teurs eux aussi. Cette Floria mani - défendra avec zèle. feste sa jalousie comme au boule - vard et sa détresse de manière 1932 : Ninon Vallin stéréotypée. Elle possède néan- 1929 : Carmen Melis La France qui avait accueilli La moins l’exacte dimension vocale du Il faut avoir présentes à l’esprit Tosca dès 1903 (et donc du vivant de rôle, sans maquillage de prise de les données précédentes pour répri - Sardou) grâce à André Messager, et son, et s’il arrive que ses Ut sonnent mer un mouvement de recul devant vu dès lors s’y succéder les Eames, un peu bas, l’ensemble de sa presta - ce que nous livrent les premières Farrar, Garden ou Kousnetzoff, ne tion ne manque pas de chien. C’est faces de cette intégrale. Le chef n’y pourra s’offrir, hormis de pré - la sobriété qui étonne chez Gigli. est pour rien, dont la direction ner - cieuses cires d’airs séparés, que ce Son émission haute et claire ne s’en - veuse, contrastée, bien articulée, disque d’extraits de 1932 réalisé chez combre que du minimum de san - assume au mieux les aléas du 78 Odéon. La plus grande chanteuse glots, dans « Recondita armonia »,

110 L’Avant-Scène Opéra déjà, mais surtout à la fin d’ « E luce - chestre de la RAI turinoise aura van le stelle ». La demi-teinte, cares - paru aussi pompier (ah, ces trom - sante, évite le falsetto comme l’excès pettes quand Angelotti surgit de - de suavité. Seul le « Vittoria ! vant Mario !). Adriana Guerrini fait Vit toria !» peut décevoir, plus large de sa Floria une harengère, la voix que percutant, mais dans l’ensemble puissante mais vieille, commune, ce Mario présente le meilleur profil inapte à la nuance ( « Non la sospiri de Gigli, ce qui n’est pas peu dire. Ar - la nostra casetta » ou « le voci delle mando Borgioli, sonore rien que so - cose » ! !). Poggi n’a à lui offrir que nore, manque d’un brin d’ima- son aigu couronnant un médium gination et ne doit sa présence qu’à pauvre et instable, prosaïque au la noirceur de son ti mbre. Vocale es - possible. Silveri déçoit par une sentiellement, cette Tosca n’épuise égale pauvreté d’imagination et de pas le sujet tout en témoignant du couleurs. meilleur d’une époque et de la pé - Dans ce contexte, on mesure rennité d’un grand ténor. En la ré - mieux les mérites d’une Tebaldi, écoutant on est sensible à tout ce quels que soient ceux, immenses, de qui lui fait défaut mais en écoutant Callas, révélés entre-temps à celles qui suivront on la regrettera Mexico ( cf . Intégrales live ) et bien - plus d’une fois. tôt consacrés au studio. Le sachant, la même firme disco - graphique ne tentera une nouvelle édition que quinze ans plus tard, 1952 : avec , précédée de peu En un temps où l’on cultive le cri, par Tebaldi et deux ou trois chan - l’élève de Carmen Melis, dotée du teuses de l’arrière-garde vériste. Les plus beau timbre de soprano lirico années cinquante, cruciales entre qui soit, remet en valeur le son pur, toutes, vont offrir le meilleur et le la transparence des piani , la caresse pire. du phrasé. Avec de tels atouts elle exprime certes mieux le versant li - rico-sentimental du personnage que Renata Tebaldi (Tosca). D.R. 1951 sa furia dramatique, d’autant que À Vienne en 1951, Argeo Quadri l’aigu de sa tessiture a toujours été dilue la partition de Puccini et ses un peu tendu et bas. La direction chanteurs dans un sirop sonore d’Erede n’est pas de nature à lui émollient. Sa Floria Tosca possède inspirer davantage une interpré- la couleur et le volume idéaux en tation personnelle. Il faudra de ce née suivante un portrait devenu lé - même temps qu’une absence de point de vue attendre le live londo - gendaire. pertinence dramatique encore ag - nien de 1955 avec Molinari Pradelli gravée par cette direction atone. et celui de 1956 avec Mitropoulos. Est-ce pour compenser celle-ci Mais à l’intérieur de ces limites la le - 1953 : Maria Callas qu’elle marque si lourdement les çon de chant est souvent admirable, D’une héroïne qu’elle prétendait temps forts de ses phrases ? Le té - la femme réussit à émouvoir, la ne pas aimer, Callas aura fait un nor Scattolini pousse la note com- prière du deuxième acte demeure mythe. me le baryton Colombo que nous anthologique. En 1959, la chanteuse De 1950 à 1964 nous disposons, retrouverons en meilleure compa - aura quelque peu perdu de sa sou - grâce aux enregistrements pirates ou gnie en 1957, avec Magda Olivero. plesse, ses aigus se seront indurés live , d’instantanés successifs, té - Un certain chant vériste, celui de la et le studio ne lui permettra encore moins de son incessant approfondis- dernière vague, est en train de mou - qu’une vérité théâtrale toute rela - sement musical et dramatique du rir. Ce n’est pas l’enregistrement flo - tive. Qui veut prendre la mesure de rôle. L’enregistrement officiel de rentin de cette même année 1951, cette grande chanteuse devra recher - 1953 réunit quant à lui les éléments celui d’Emidio Tieri, qui pourrait le cher les documents live de ses pres - d’une version de référence. La chan - ranimer. La Petrova crie faux entre tations plutôt que la récidive en teuse maintient à l’époque un équi - les bras d’un ténor inconsistant et studio. Des partenaires de 1952 on libre rare (et fragile) entre la voix, ignorant de la mesure face aux im - retiendra l’élégant Campora, un peu encore très intègre, et le jeu, affiné précations d’un baryton convenu, court lui aussi, alors que Mascherini depuis les débuts volcaniques de Campolonghi. déçoit par son conformisme. Del Mexico. Elle affronte des partenaires Monaco et London ne feront pas à sa mesure, quelles que soient mieux en 1959. leurs limites propres. La direction 1952 : Adriana Guerrini La Tosca de Tebaldi fut (et reste) souveraine de Vittorio de Sabata, en En 1952, Molinari-Pradelli n’est néanmoins éclipsée par celle de Ma - révélant les richesses d’une parti - guère plus heureux. Rarement l’or - ria Callas dont EMI proposait l’an - tion jusqu’alors occultées par la

L’Avant-Scène Opéra 111 Discographie routine ou les aléas du 78 tours, multiplie les péchés vocaux, ou - trait, la voix mixte, préservent Ma - transcende ce plateau d’exception vrant, poussant, dilatant ses ac - rio de tout vérisme, sinon de tout et le fait entrer dans l’Histoire de cents expressifs à l’excès. Mais on port de voix à l’italienne ( « Recondi- l’opéra enregistré. Le maestro italien ne discute pas le génie et celui de ta armonia »). Quelques serrages, vit dans cette partition depuis tou - Callas jetant à la figure de Scarpia quelques duretés dans l’aigu forte jours, hier avec le trio Pacetti-Gigli- son fameux « Quanto ?» demeure (des « Vittoria !»très vilains) comme Danise ( 1932), à présent inimitable. Indiscutablement une souvent chez ce pur lirico . Satisfac - pour Callas ou Tebaldi cette même grande démonstration de théâtre tion en revanche de retrouver à par - année 1953, toujours à La Scala. La lyrique enregistré. tir du célèbre « Tre sbirri… una car - narration orchestrale épouse le La meilleure façon d’apprécier la rozza » un grand Warren, dont l’en - rythme du drame avec un naturel nouveauté de cette interprétation trée particulièrement ratée avait parfait, pondérée dans ses tempi , at - est de la rapporter à celle d’une laissé craindre un instant une mé - tentive aux effluves de lyrisme autre grande, il est vrai sur le dé - forme. C’est dans le velouté du le - comme aux détails des bois ou à la clin, mais auréolée d’une très belle gato , dans la variété des couleurs, flatterie des cordes, aux sursauts carrière et bien entourée : Zinka Mi - des intonations, la subtilité des insi - enflammés des cuivres, laissant lanov. nuations caressantes, dans la lubri - place au pittoresque sans s’y attar - cité luciférienne de son Scarpia que der (le Sacristain, la pompe du cet immense artiste hélas à son au - Te 1956 : Zinka Milanov Deum , le lever du jour sur Rome), tomne impose sa classe et son auto - toujours tendue, active, avec par- À l’offensive italienne RCA répond, rité. Lui seul suffirait à valider cette dessus tout un sens de la continuité trois ans plus tard, en alignant une intégrale, reflet par ailleurs de splen - et de l’unité dramatique sans égal équipe de vétérans du Met, alors deurs passées un rien désuètes. dans les versions précédentes et même que Callas fait ses débuts dans la plupart de celles qui sui - dans ce théâtre sous la baguette de 1956, 57, 59, 60… vront. En résumé, la Tosca de Sa - Mitropoulos. Son directeur, Rudolf bata s’impose au plan musical avec Bing, estimait quelque temps plus L’orée des années soixante n’offre l’évidence des grandes réussites. De tôt que Tebaldi était, en Europe, la rien de comparable aux splendeurs, Callas on a tout dit : l’acuité d’une « seule voix capable de rivaliser absolues ou relatives, des versions diction dont on ne perd pas une avec Zinka ». Le même Bing recon- Sabata ou Leinsdorf. À la RAI de consonne et qui dans le recitativo naîtra par la suite n’avoir jamais vu Turin en 1956, Arturo Basile, de confère au texte un relief saisissant, (sinon entendu) une Tosca aussi moindre pointure, ne pouvait uni - inouï, la variété des colorations, la stupéfiante que Maria Callas. fier le trio Frazzoni-Tagliavini-Guelfi. raucité des graves, l’audace des ai - L’intégrale de 1956, réalisée trop Elle, vériste par le métal de la voix gus, la faculté de traduire les étapes tard pour rendre une exacte justice et par le Grand-Guignol de l’expres- successives de l’amour, de la jalou - aux moyens somptueux de la canta - sion, ténor et baryton offrant le sie, de l’angoisse et pour finir du trice yougoslave (au Met depuis contraste involontaire d’un « gi- désespoir. Le tout par des moyens 1937 !) souligne d’autant plus les li - glisme » en fin de course et d’une uniquement vocaux, sans redon - mites de sa composition dramati- complaisance sonore sans style et dance théâtrale. La vérité sans vé - que et vocale. Certes le foyer du mé - sans esprit. risme. Le théâtre a pourtant investi dium demeure chaleureux, ombré Mieux inspirée et d’une autre te - le studio et gouverne toute cette in - de belles résonances graves, la nue, la direction de Serafin en 1957 tégrale au rythme haletant. Le Scar - fougue également, entraînant à cette ne peut transcender une Antonietta pia de Gobbi doit lui aussi à la force étape de sa carrière une certaine in - Stella non sans talent mais privée des mots l’essentiel de son pouvoir. stabilité et quelques raideurs dans d’étincelle et flanquée de Gianni On a parfois mieux chanté ce rôle, le haut de la tessiture. Manquent Poggi. Taddei confirmera bientôt, rares sont ceux qui y ont imprimé néanmoins les jeux de nuances et grâce notamment à Karajan, qu’il une telle marque. de couleurs qui en animant ce chant est l’un des Scarpia majeurs de ce La légende qui entoure cette in - lui ôteraient sa monotonie et son temps, mais ne peut à lui seul oubliable Tosca ne doit cependant hiératisme. Cette Floria à présent (même épaulé par l’irremplaçable pas endormir notre sens critique le courte de souffle (la prière et ses Piero de Palma) donner du lustre à plus élémentaire. Parodiant le phrases écourtées) et d’aigu ne dis - cette édition. Dom Juan de Molière, disons que pose pas de la variété d’accents qui Le couple Tebaldi-Del Monaco de l’amour que nous avons pour cette seule fait vivre le duo du premier 1959 ne méritant aucun détour par - belle ne nous oblige pas à faire in - acte, même si par la suite ses res - ticulier, la diva ayant fait mieux hier justice aux autres. Nous rencontre - sources d’authentique soprano dra - avec Mitropoulos en live , on prendra rons des Floria plus sensuelles, matique sont accordées aux scènes le temps de rechercher la version DG plus naturellement sentimentales, pathétiques des actes II et III. Erich de 1960, hélas en allemand, moins allumant le désir de Scarpia avec un Leinsdorf et le pâle orchestre de pour la Floria, impétueuse mais in - minimum de dialectique verbale Rome peignent eux aussi en pleine stable, de Stefania Woytowicz que mais un érotisme plus immédiat. De pâte, sans souci particulier du des - pour le fier Sándor Kónya. Dommage même doit-on reconnaître que sin, plutôt mécaniquement (écouter que ce dernier, capable d’une inef - Gobbi comprend et joue mieux l’accompagnement du premier duo, fable pureté de trait et de couleur, Scarpia qu’il ne le chante, sans ces- impersonnel comme un mouvement se laisse aller ici à quelques italia- se obligé de tirer son aigu et, par - d’horlogerie). Davantage de lumière nismes aussi contrefaits qu’inutiles. tant, son baron sicilien vers la seule dans le chant de Bjoerling dont la L’Opéra de qui, en 1960, ins - brutalité. Di Stefano quant à lui, hauteur d’émission, la pureté de crit Tosca à son répertoire, pour la

112 L’Avant-Scène Opéra première fois officiellement, (la reti - et au son Decca, la luxu - rant ainsi à la Salle Favart), ne trou- riance vénéneuse d’une or - ve à déléguer dans les studios que chestration d’où s’exhalent Jane Rhodes, manifestement hors les parfums délétères de propos, quand une Christiane d’une Rome dont Tosca se Castelli aurait pu sauver la face. On trouve être l’égérie sen - le regrettera pour Albert Lance, suelle et la victime. À Sar - Cavaradossi aux côtés de Callas et dou succède D’Annunzio. surtout de Tebaldi et dont la correc - En 1980 Karajan poussera tion vocale et le timbre valaient cette logique jusqu’à la bien ceux de certains hurleurs complaisance mais pour transalpins, moins pour Bacquier l’heure sa lecture mérite que l’on rencontrera ailleurs. Dans l’admiration. Cursive ce ciel plutôt gris, la première Tosca quand il le faut, volup - de Karajan va alors faire sensation. tueuse quand le drame y invite, poétique devant l’aube romaine, tour à tour 1962 : Leontyne Price lyrique et urgente. Une version majeure assurément La présence de Leon - quels qu’en soient les travers et les tyne Price s’accorde mer - limites. Depuis de Sabata jamais la veilleusement avec ce parti partition n’avait été à pareille fête. pris. On la sait ardente, Le chef latin, par nature et du fait voix de velours et tempéra - des moyens techniques de l’époque ment incandescent. Dès comme de la tradition théâtrale de ses « Mario ! Mario ! » on La Scala, avait surtout extrait le sent cette femme impé - meilleur de la narration dramatique tueuse prête à tous les éga - puccinienne et tracé d’une plume rements comme à tous les acérée les portraits de ses héros, défis. On notera certes sa stupéfiants de vérité et de pathé- manière féline de glisser tique. Karajan, qui à l’époque s’at - sur les figures rythmiques, tache encore à la dimension théâ - que Callas dessinait au laser, Maria Callas (Tosca) et trale des opéras qu’il dirige, privilé - comme ses «t»à l’américaine ou ses gie, lui, grâce aux cordes de Vienne inflexions à la Carmen Jones. On Tito Gobbi (Scarpia). Roger Pic. sera déçu par un «Vissi d’arte » où se lisent ses limites de tessiture, d’in - tonation (ici un peu haute), au gré dans les moments dramatiques d’un rubato peu compatible avec la n’ôte rien à l’excellence de sa pres - rapidité du tempo . De même, son tation. Excellent comme toujours le médium capiteux occulte-t-il les Spoletta de Piero de Palma, carica- mots de son duel avec Scarpia à tural comme à son habitude l’inévi - l’acte II, le son primant constam - table Corena, sonores Angelotti et ment sur l’incisivité du discours. Sciarrone. Comment résister cependant à son Une version qui, pour n’être ni abandon du dernier acte, à la pro - homogène ni vraiment idiomatique, jection de ses phrases finales ? dispense indiscutablement des plai - La fougue ne fait pas défaut à Di sirs enivrants. Stefano, on le savait, on le vérifie. Qu’il braille à présent comme le pre - mier vitrier sicilien venu est tout 1964 : Maria Callas aussi vrai et affligeant. De bout en La seconde Tosca officielle de Cal - bout son Mario est une offense à las, sa dernière intégrale d’opéra, Puccini et à l’art du chant. Mieux enregistrée en décembre 1964 et vaut alors l’oublier et reconnaître à donc entre les représentations de Giuseppe Taddei de rares qualités : Londres et celles de Paris puis du timbre ferme et idéal placement de Met ( cf. Discographie live ) souffre la voix, italien exemplaire, art de la de ce voisinage dans la mesure où le nuance, de la mezza voce , phrasé studio cette fois se révèle dramati - enveloppant ou vindicatif, son quement réducteur et vocalement Scarpia se classe parmi les meil- accusateur. leurs. Que ce baryton foncièrement L’approfondissement psychologi- lyrique dilate un peu trop son mé - que du personnage s’accompagne dium pour se donner de l’ampleur en effet de problèmes vocaux désor - mais criants. L’aigu se débat avec un vibrato lent incontrôlable, les re - gistres ne trouvent plus leur équi - Leontyne Price (Tosca). RCA/BMG. L’Avant-Scène Opéra 113 Discographie

Birgit Nilsson (Tosca). Scavullo. libre, l’émission s’ouvre dangereu - sement, ce qui était effleuré hier sent aujourd’hui l’effort ( « le voci delle cose »). L’artiste continue de fasciner, même si la direction de Georges Prêtre, bonne en soi quoi- que peu structurée, ne lui offre pas les échos saisissants naguère obte - nus par de Sabata. Si l’on ne connaissait de la chanteuse que cette Tosca, elle ne ferait notre bon - heur que par sa seule intelligence mais ce n’est heureusement pas le cas. Dommage pour Bergonzi, im - peccable comme à l’habitude, s’abandon nant au beau son, dans le souvenir de Gigli, facilité d’aigu en moins, parfait chanteur sinon amou - reux bouleversant. Aucun regret pour Gobbi qui saura mieux mas - quer son déclin au Met en 1965 et dont le studio surexpose cette fois la pauvreté vocale.

1966 : Birgit Nilsson Cela étant, ni la richesse vocale ni le simple art du chant ne font à eux seuls une Tosca réussie. La version Maazel de 1966 en apportera bien - tôt la démonstration. Birgit Nilsson est une grande voix, Corelli aussi, et Fischer-Dieskau un grand artiste. Leur Tosca , bien mise en perspec - tive par Maazel, ne fonctionne pour - tant pas bien. gré (ou à cause de) l’intelligence de Mario, face au rigide et sonore Le premier acte est hors de portée sa composition, semble caricaturer Mazurok, Scarpia au gant de fer. La de la cantatrice wagnérienne. C’est les grands barytons italiens à tra - version de 1975 retient davantage peu dire que la ligne puccinienne, vers ce qui n’est qu’une parodie in - l’attention. La Floria de Bieschu dis - ici fort déliée et mouvante, la met volontaire. pose d’irrésistibles attraits. Jeune en difficulté, elle lui échappe com - Un plateau mal équilibré et qui et libre d’émission, tout à la fois plètement et plus d’une note avec pour cela se défait. Restent les plus sensuelle et déliée, mutine au pre - elle. Les deux actes suivants sollici - beaux « Vittoria ! Vittoria !»de l’his - mier acte, ardente par la suite, cette tant davantage métal et puissance toire du disque. cantatrice plus préoccupée de son lui conviennent mieux sans que que de jeu (et en langue russe cette pour autant elle parvienne à capti - fois) en remontre à plus d’une. Son ver. Son ardeur demeure glaciale, Trois fois au Bolchoï Mario en reste interdit, sans ré - ses émois distants. Une demi-Tosca Pendant ce temps, Tosca fait les flexes, tandis que Mazurok continue donc, malgré d’étonnants moyens. beaux jours du Bolchoï auquel nous de sévir. Corelli, en excellente condition vo - ne devons pas moins de trois inté - Ces trois Tosca russes seront bien cale, a rarement été aussi sobre au grales de l’opéra de Puccini. sûr éclipsées par la version enregis - studio, aussi vigilant quant à ses tra - Dans celles de 1964 et 1968, gra - trée dans les studios de la DG par le vers habituels, au point qu’il en pa - vées par Melodiya, on note chez couple vedette Rostropovitch / raît comme détaché, victime du Tamara Milaschkina l’ampleur des Vichnevskaïa en 1975. froid venu du Nord. On se rassure moyens, la noirceur des graves, la en pensant à sa prodigieuse presta - vaillance, un réel souci de nuancer tion new-yorkaise de 1965. Ces deux son chant lequel, même en italien, 1975 : Galina Vichnevskaïa géants laminent littéralement le conserve néanmoins quelque chose À tous égards une Tosca déroutan- Scarpia de Fischer-Dieskau, ce qui d’exotique. te et en fin de compte inac ceptable. est dramatiquement fâcheux. Obligé En 1968, le ténor Atlantov ouvre La Vichnevskaïa se dépense énor- de pousser la note, ce dernier, mal - ses sons et muscle abusivement son mément pour mériter les éloges qui

114 L’Avant-Scène Opéra sont régulièrement décernés à son daires. Ramey en Angelotti, Ann tempérament dramatique. Son mé - Murray en pâtre, l’opulence règne ! tal, l’éclat de son timbre ne peuvent Les lauriers décernés à Colin toutefois rendre sourd à ses écarts Davis nous semblent néanmoins im - de justesse, au vibrato qui les entre - mérités. Nous gêneront toujours tient ou aux ports de voix descen - chez lui les effets de ralenti ou de dants et phrasés hasardeux qui lui soulignement qui, en se dispersant, tiennent lieu de ligne de chant. brisent la continuité du discours Quant à l’exaspération du cri vé - (déjà Prêtre…) sans compter qu’ils riste, à la gesticulation grandilo - multiplient les pléonasmes. Ainsi de quente, la scène de la torture en l’entrée de Mario à l’acte I, d’une em - offre un p énible étalage. La démesu- phase inutile, ou des alanguisse - re russe n’excuse pas tout ! Littérale - ments de son duo avec Floria comme ment sidéré par sa diva, Rostropo - des absences de l’orchestre à cer - vitch paraît sous hypnose et l’excel - tains moments forts du drame (à lent Orchestre National sous sédatif. l’acte II après le tonnerre de Ma - La lenteur désespérante du premier rengo). Seul le troisième acte, en ses duo, une fois notée l’excellence du plages de langueur amoureuse, bé - quatuor à cordes, dissuaderait d’al - néficie de ce climat musical qui se ler plus avant. Dans ce contexte voudrait sensuel et n’est le plus sou - insolite, le Scarpia belcantiste de Ma - vent que mièvre et affecté. Trop de nug uerra brouille encore les cartes. Massenet dans ce Puccini. Appliqué à soigner le phrasé et les Galina Vichnevskaïa (Tosca). Et la Caballé ? On se doute que son sinuosités de son chant, ce dernier W. Klotz. penchant naturel pour la langueur en oublie de lui communiquer la vocale trouve en Davis un complice force maligne de l’odieux baron, campe à l’époque un personnage rêvé. À preuve, d’entrée de jeu, une l’édulcorant au point de le rendre in - d’artiste amoureux transi plus à phrase comme le délicieux « Lo dici signifiant. Bonisolli, invité par le chef l’aise dans l’abandon lyrique que male… non la sospiri la nostra ca - à adoucir les contours de son chant, dans les convulsions politico-pas - setta », abusivement lent, sophisti - en particulier dans ses deux arias, sionnelles où son aigu laryngé con- qué, piqué malheureusement d’ai - obéit à sa façon, qui n’est pas du naît quelques problèmes de serrage. gus assassins. L’anti-vérisme touche meilleur goût. L’ensemble tient du Le cuivre du timbre, la vérité de l’ar - ici aux limites de l’absurde. La jeu - détournement de chef-d’œuvre, pé - tiste, son charme et sa vaillance font nesse du personnage s’encombre tri de bons sentiments sans doute de lui l’un des meilleurs défenseurs d’inutiles préciosités, alors que le mais néanmoins aberrant. du rôle, ce que consacrera le film de timbre, superbe, ne demande qu’à 1976 avec Kabaivanska, avant l’opé - s’épanouir quand il ne se déchire ration médiatique de 1992 ( Disco - pas dans des Ut en force. On préfé - 1973 : Leontyne Price cf. graphie live ). Scarpia est, déjà, rera la maturité de la femme morale - Deux ans avant cette intégrale Milnes qui laissera très partagé. ment torturée ou soudainement im - atypique, Leontyne Price se mesure Ses intentions sont le plus souvent placable et meurtrière du deuxième à elle-même, dirigée cette fois par excellentes, du moins quand il cesse acte, ses graves insoupçonnés et vé - Zubin Mehta. La chanteuse améri - de jouer les matamores en forçant héments, ou bien encore le psycho - caine n’offre plus au plan vocal que une voix naturellement lyrique ou en drame du Château Saint-Ange où la caricature de sa Tosca de 1962. Le usant d’inflexions outrées, mais la cette grande lyrique trouve de timbre est définitivement voilé dans voix demeure grise, la mezza voce beaux accents dramatiques. Entre- le médium, comme aphone, et s’il détimbrée, le personnage informel. temps le « Vissi d’arte » se sera tenu demeure profus au-dessus du Sol La direction de Zubin Mehta, en très près du concert, non exempt de aigu, l’impression gé nérale est celle phase avec ses chanteurs, soigne duretés si par ailleurs transparent d’une émission basse, aggravant les la couleur plus que le dessin, les vo - et liquide. Une grande chanteuse, défauts de prononciation et tirant, lumes plus que les contours, avec une belle Tosca, sinon une grande surtout au premier acte, le person - une plénitude orchestrale remar- Tosca… Carreras, alors à son zé - nage vers le style New Orleans . Hier quable. Une Tosca de bonne facture, nith, campe un Mario adolescent, la sensualité du son palliait l’indiffé - n’était le malaise engendré par aux moyens naturels généreux, et rence aux mots. À présent l’actrice Leontyne Price. s’il n’évite ni le serrage ni la tension cherche dans les effets de quoi faire d’une émission crue et peu atten - oublier l’usure de la voix mais n’est tive au « passage », son peintre liber - pas Callas qui veut et la composi - taire et amoureux sonne juste. tion tend là encore vers l’exotisme, 1976 : Montserrat Caballé L’émission ouverte et accrochée au quand ce n’est vers une certaine vul - À en croire la presse de l’époque, mezzo forte permanent lui confère garité ( « Quanto ?»). Qui peut croire la réalisation Philips de 1976, dont un mordant supérieur à celui de un instant que cette femme soit une la vedette est Montserrat Caballé, Domingo, l’homme engagé l’empor - cantatrice romaine ? Son Mario est se hissait à des sommets rarement tant chez lui sur le peintre rêveur Domingo, omniprésent dans la dis - atteints depuis Callas I. Le jugement jusque dans le « O dolci mani » du cographie de Tosca . L’emploi lui est vaut d’être reconsidéré. L’affiche est troisième acte, le mieux réussi de presque congénital et flatte sa tessi - plus qu’alléchante et ce jusque dans cette intégrale d’ailleurs. Ingvar ture de ténor lyrique central. Il le moindre des rôles dits secon - Wixell compte autant de détrac -

L’Avant-Scène Opéra 115 Discographie teurs que de soutiens. À son actif, la recherche d’un Scarpia cauteleux, sournois, froid calculateur, qui tranche avec la brutalité sommaire de beaucoup de ses pairs au théâtre comme au disque. La limite réside dans la pauvreté du matériau vocal, particuliè rement à nu au moment du Te Deum , comme dans sa frigidité au deuxième acte alors que le sang devrait lui bouillir. Le tout vous fait une Tosca à la re - cherche de sa cohérence où les ta - lents se croisent sans vraiment se rencontrer.

1978 : Mirella Freni Chef de moindre renommée, Nicola Rescigno conduit deux ans plus tard la contre-offensive Decca avec le prestigieux concours de Pavarotti et Mirella Freni. À l’évi - dence on a recherché ici le brillant. Prise de son et direction d’or - chestre annoncent la couleur dès les premières mesures, avant même l’entrée du vétéran Italo Tajo, Sa - cristain bien croqué. Pas de surprise quant au Mario de Pavarotti. Se ca - lant d’emblée sur son timbre, sûr de la projection de ses aigus, généreux en ports de voix, le ténor domine de très haut l’orchestre flou qui lui sert de toile de fond. Le personnage ti - rera tout au long du drame sa farou- Montserrat Caballé (Tosca). Opéra de Nice. che énergie de cette facilité d’émis - sion qui fait taire toute réticence. Oui «E lucevan le stelle » flirte avec le assurément en perversité, celle du mixte. Ces trois artistes (flanqués détimbrage, oui la mezza voce de «O quinquagénaire devant la chair fraî- d’un Spoletta sénéchalisant et du dolci mani » manque de soutien, che. Manque alors la dimension al - médiocre Angelotti de Van Allan) mais quelle fulgurance dans le La légorique de la diva hier écervelée font-ils croire au drame de Sardou- dièse de « Vittoria !», quelle lumière. et à présent fortifiée par la haine. Puccini ? Un chef de haut rang le Tant de facilité dispense sans doute Floria n’appartient pas à la famille leur aurait permis. Contentons-nous d’apporter à son personnage la des « petites femmes pucciniennes » ici de frissons épidermiques en at - touche de sensibilité ou de sfumato mais bien à celle des héroïnes tragi- tendant Sinopoli. qui en humaniserait l’enveloppe so - ques et cela Freni ne peut le traduire . nore. Un Mario à entendre plus qu’à Le médium lui fait défaut, une cer - réentendre. Privée des attentions taine sauvagerie dans la colère aussi. 1980 : Katia Ricciarelli prévenantes de Karajan, Freni a-t-elle Il n’empêche que la chanteuse as - Karajan, lui, remet l’ouvrage sur raison de se mesurer, déjà, au rôle sume son rôle de bout en bout, jus - le métier en 1980, hélas sans Freni. de Floria Tosca ? qu’aux splendides accents de son Avec les années, le culte du beau Un métier sans faille et une voix à suicide, avec une constante inté - son a fini par remplacer chez le chef toute épreuve autorisent à le croire. grité musicale et vocale. Celle de autrichien tout engagement théâ - La jeunesse fruitée du timbre con- Sherrill Milnes semble plus problé - tral. Si l’on voit bien quel profit sa stitue même au premier acte un matique. Carrément faux à son en - peinture d’une Rome décadente, atout indiscutable. « Non la sospiri trée, roulant des épaules faute d’en luxuriante et luxurieuse, peut reti - la nostra casetta » a rarement sonné imposer naturellement, d’une in - rer de cet abandon à la jouissance aussi juste. Cette jeune cantatrice signe vulgarité dans les ports de orchestrale, la gêne vient de ce que est d’abord femme, la jalousie qui voix descendants de son Te Deum , celle-ci n’est plus contrebalancée lui fait monter le rouge aux joues le baryton américain se rachète à par la présence ravageuse d’une n’est pas feinte et Mario ne sait pas l’acte II par le phrasé enveloppant Price. Katia Ricciarelli se dissout ce qu’il perd à jouer avec les nerfs qu’il déploie autour de sa proie fé - dans les effluves symphoniques de d’une créature si spontanée. On minine, même si ce dernier s’ac - la partition et son person nage avec comprend que Scarpia en soit tout compagne des habituels blanchi - elle. Une Tosca sans Tosca, la chan - affriolé et le deuxième acte y gagne ments qui lui tiennent lieu de voix teuse se réfugiant dans une émis -

116 L’Avant-Scène Opéra sion flottante, sans articulation ni d’une version dominée par le Scar - recourir aux effets triviaux, de nuan - pulsation rythmique, lisse et émol - pia de Raimondi. cer les coloris. Sa « galanteria » ex - liente, incertaine dans le médium, L’année suivante James Levine et primée à fleur de lèvres en est d’au - déchirée dans l’aigu, complètement Renata Scotto jouent leur carte sur tant plus insidieuse. C’est plutôt la égarée, ne se reprenant (miracle ka - un registre beaucoup plus exacerbé. carrure et l’expansion du discours rajanesque) que dans de fugaces qui font défaut, ainsi que la sou - moments de lyrisme pur ( plesse reptilienne qu’avait si bien « Ed io ve - 1981 : Renata Scotto nivo a lui tutta dogliosa »). Il ne reste - assimilée Raimondi. Seigneur dé - rait plus qu’à goûter pour elle-même Le chef américain prend, lui, la voyé certes mais trop enfermé dans la beauté orchestrale d’un opéra partition à bras-le-corps. Théâtre ses mots, trop corseté dans un haut drapé dans les étoffes les plus d’abord : dès les premières mesures médium aux intonations parfois riches si Ruggero Raimondi ne le ton est donné, la cravache entre douteuses. Décidément cette inté - créait, la surprise en dessinant un en jeu, le mouvement se prouve en grale mêle sans cesse l’or et le vil Scarpia captivant. Visiblement Kara - marchant et Levine fonce. Tension plomb. Du moins est-elle animée jan organise son acte II autour du du discours, cordes acérées, clarté d’une vie, d’un rythme, que l’on se baron sicilien en le débarrassant de et définition de tous les pupitres, prend vite à regretter en écoutant tout stéréotype vocal ou dramati- souci constant de multiplier les ef - celle aseptisée par Solti en 1984. que. Très en voix, le baryton-basse fets, de faire rutiler l’orchestration joue les grands seigneurs pervers, puccinienne. L’invention le dispute multipliant les éclairages, les colo - à une certaine complaisance dans 1984 : Kiri Te Kanawa rations, usant diaboliquement de sa les ralentis ou l’étalage des cuivres L’objectivité de Solti aurait pu voix mixte et d’effets de semi-par - mais on se laisse prendre au début nous valoir une Tosca débarrassée lando , en séducteur auquel il arrive par cette lecture décapante, quitte à de toute redondance, de tout ex - de se piquer à son propre jeu mesurer bientôt la vanité de cette pressionnisme facile et néanmoins (« Tosca divina »). Sa férocité infiltre exubérance, de ces ruptures de cli - urgente, ardente, acérée. Les pre - les mots sans hypertrophie sonore, mat très cinématographiques. Avec mières minutes de l’opéra satisfont le phrasé impeccablement maîtrisé Renata Scotto on pensait tenir une cette attente. La narration cursive conférant à ce scélérat l’élégance de Tosca vocalement blessée (1981, et néanmoins attentive aux détails celui qui peut se laisser aller à la c’est déjà tard…) mais transcen - instrumentaux ménage de justes concupiscence sans faillir à son rang dant ses limites comme naguère bouffées de lyrisme, les accents (« Alla cantata ancor… Ella verrà »). avec Maazel dans Madame Butterfly . sont mis en valeur, l’orchestre se Enveloppé par un orchestre com - Hélas, ces dernières oblitèrent trop déploie généreusement. La scène de plice d’une richesse inouïe, Rai - gravement à présent un chant con- l’ Angelus , gâtée par Malas dans la mondi trouve là l’un de ses rôles traint de convoquer toutes les ficel- tradition Corena, laisse cependant majeurs et son portrait d’épicurien les du vérisme ordinaire pour s’im - deviner ce qui adviendra par la cynique ( « Ha più forte sapore ») ré - poser. La véhémence des premières suite, à savoir une fâcheuse alter - introduit le théâtre dans cette Tosca scènes, les aigus pointés, la charge, nance de brillance désincarnée et symphonique. Ôtez Karajan et Rai - donnent péniblement le change. La d’alanguissements coupables. L’air mondi reviendra à ses tics d’acteur- scène de la torture, à l’acte II, ar - d’entrée de Mario comme le duo qui chanteur devant les caméras com - rache à l’héroïne les mêmes cris qu’à suit ennuient, le Te Deum est com- plaisantes de la télévision en 1992. son amant, lesquels concourent au me pétrifié tandis que le vacarme Carreras demeure le jeune pre - climat de Grand-Guignol entretenu entourant la scène de la torture se mier fringant rencontré chez Davis, par Levine. L’artiste conserve d’in - superpose au drame sans l’investir qualités et défauts s’équilibrent au déniables qualités de style et sa de l’intérieur. Le lever du jour du mieux et la mansuétude dont l’or - prière en témoigne par l’intelligence troisième acte est pareillement figé chestre sait faire preuve à son en - de la ligne et la conduite du souffle et sans frémissement. Il faut dire droit l’incite à nuancer un peu son sans que l’impression de malaise que le plateau ici réuni n’a rien de mezzo forte permanent. De même le suscitée par les efforts de la chan - transcendant. À froideur, froideur et chef observe-t-il un ralenti bien - teuse pour gagner la partie se dis - demie avec la Floria Tosca de Dame veillant après le La # de « Vittoria !» sipe. Le trait de génie d’une Callas Kiri Te Kanawa. Cette amoureuse pour lui permettre de retomber sur confrontée aux mêmes problèmes languide au timbre comme voilé par le grave de sa phrase, pierre de était d’immortaliser cer tains temps un écran cotonneux s’adonne dans touche de tout ténor dans cette forts du texte par la seule pugnacité le premier duo à l’érotisme le plus scène. Faisant suite au plus somp - de son jeu. Le « Quanto ?»de Scotto soft , décoratif, relevé d’une pointe tueux des levers du jour romains de ne trouve même plus ce ressort. d’accent, sans l’ombre d’un métal, la discographie, le lamento du ténor Des innombrables Mario gravés d’une griffe, d’un sursaut. Devant un paraîtra avare de timbre, alternant par Domingo, le présent est un des Solti atone la diva dialogue molle - sons blancs et laryngés, comme pa - meilleurs. La voix sonne haut et ment avec un Aragall décidément raîtra artificielle la voix mixte d’ «O clair, l’aigu est plus libre nonobstant bridé au-dessus du La, à la justesse dolci mani ». Karajan irritera, sa pri- les duretés du deuxième acte ; la douteuse, qui traîne ses sons ma donna aussi mais on ne saurait conjonction d’une tessiture moyenne comme elle son ennui. Déjà insuffi - ignorer les charmes capiteux de son et d’un engagement naturel toujours sant dans La Bohème , ce couple ne orchestre ainsi que la fusion à la - sympathique fait le reste. Bruson peut assumer le poids vocal et dra - quelle il atteint dans ses meilleurs n’est pas naturellement de plain- matique de l’opéra. Aux « Vittoria ! moments entre voix et instruments pied avec Scarpia. À son actif, le Vittoria !»scabreux du ténor répond et les beautés purement sonores souci de chanter, de phraser, sans le flou artistique de la prière, au

L’Avant-Scène Opéra 117 Discographie blanchiment de « O dolci mani » Karajan mais plutôt un parti pris de l’onctuosité de la petite femme puc - dramatisation intrinsèquement 1992 : Malfitano cinienne égarée dans le sentimen- musicale. La démonstration ne va On se reportera, pour cette ver - talisme. Ni les mots ni les élans ne pas sans quelque redondance, sans sion, à l’analyse pertinente de Chris - sont à la hauteur du mythe Tosca. ralentis emphatiques ou accents ar - tophe Capacci dans le chapitre vi - Le pire on le doit cependant à Leo tificiels, mais on est pris par la den - déographique. Le disque ne fait que Nucci en Scarpia. D’emblée vulgaire, sité du discours et le climat oppres - souligner l’absurdité d’une réalisa - à jamais dépourvu de classe et bru - sant qu’il fait peser sur le drame. Il tion médiatique née d’un mariage, talisant ses trois voix pour faire dra - aurait fallu ici un Scarpia d’une hélas trop fréquent aujourd’hui, matique, ce baryton vilain aux vel - autre envergure que celle du très entre l’incompétence et l’esbroufe. léités de phrasé vite anéanties dans décevant Samuel Ramey. Le belcan - le cri se range parmi les plus mau - tiste se trouve en effet totalement vais de la discographie. démuni devant ce type de vocalité. 1993 : Carol Vaness La version Solti n’y occupe qu’une Ni le timbre, opaque et mono - On se gardera des superlatifs qui place secondaire. chrome, ni la tessiture, trop tendue ont accueilli cet enregistrement à pour lui, ni le jeu des inflexions et tous égards frustrant. Muti s’y mon- des accents, indispensable dans ce tre cursif, linéaire et, malgré cer - 1988 – 1990 répertoire, ne sont ce qu’ils de - tains effets douteux de ralentis ex - Très secondaires aussi les ver - vraient. Reste une ligne de chant im - pressifs, confirme son peu d’affini - sions de Tilson-Thomas de 1988 et peccablement ennuyeuse, qui ja - tés avec la mouvance vériste. Ses de Rahbari en 1990. mais n’accroche l’attention et dont cuivres ont beau claironner, ses tim - Qu’une voix lourde et mal dégros - aucun mot ne passe la rampe. Une bales envahir jusqu’au lever du jour sie soit hors-jeu dans Tosca , on le erreur manifeste. La deuxième est de l’acte III, on cherche en vain la ri - sait, Eva Marton le confirme. Cette d’avoir tenté l’impossible avec chesse harmonique d’un Karajan, Turandot de plein air laisse absolu - Freni, douze ans après sa première voire d’un Sinopoli, l’équilibre d’un ment indifférent dans un emploi tentative. Le rôle, déjà hors de sa de Sabata. Seulement des effets de dont elle ignore toute complexité portée à l’époque et qu’elle ne réus - contrastes brutaux et d’inutiles vocale et psychologique. Carreras sissait à assumer qu’en jouant de sa complaisances. À quoi bon pré - mérite d’être entendu ailleurs et jeunesse et de sa technique, la dé - tendre nous servir du live , pour ra - Juan Pons de ne pas l’être du tout. passe cruellement. Aujourd’hui le bouter des fragments de concerts Quant à l’intégrale Miricioiu / médium, insuffisant hier, est devenu captés à près d’un an de distance ? Rahbari, lourdement dirigée, elle ne atone et le parlando représente sa En plus des bruits de la salle on bé - flatte pas le joli talent du soprano, seule planche de salut dans les mo - néficie d’étranges décalages. intelligente au demeurant et mar - ments dramatiques, une fois placés Quant au plateau, oblitéré par la quée par Callas mais laminée par le quelques Ut encore glorieux. Même balourdise vocale de Giacomini et rôle. Lamberti y ténorise, pas très le premier acte où son soprano li - l’inadéquation de Zancanaro à un juste, et le diligent Carroli, bon rico faisait mouche est à présent la - personnage dont tout lui échappe, il chanteur, s’y montre bien léger. borieux. Ce qui dans son interpréta - ne vaudrait que par la présence de tion pourrait passer pour ardeur fa - Carol Vaness si cette dernière par- rouche et pathétique n’est, le plus venait à nous convaincre. Belle mo - 1992 : Mirella Freni souvent, que la traduction d’un ef - zartienne, dotée de solides moyens, Dans la veine de sa fort ou de l’impossibilité de chanter d’aigus conquérants et d’un timbre Lescaut , Sinopoli privilégie dans piano . Seul le génie d’une Callas bien frappé, celle-ci échoue triste - cette intégrale somptueusement en - pouvait faire croire que ces con- ment à caractériser son personnage. registrée la logique proprement mu - traintes étaient un effet de l’art. Sar - Ni les mots, ni les couleurs, ni les sicale de l’opéra, au détriment cette dou s’y retrouve peut-être, Puccini nuances autres que le forte / mezzo fois de sa dimension vocale. En non. Pour Domingo, c’est un Mario forte ne sont au rendez-vous. compositeur rompu à l’écriture du de trop. Même remontée dans le Cherchons Floria désespérément… XX e siècle, il structure sa direction à nez, la voix est décolorée et les La partir des lignes de force harmo - dièse et Si sont à présent rien moins 1997 : Miriam Gauci niques et rythmiques de la parti - que faciles. Celui de « Vittoria !»frise tion, jouant magnifiquement des au - même la caricature. Seuls un métier Les gentils moyens lyriques de daces de celle-ci, du poids de ses consommé et le souvenir d’un cette jeune artiste trop tôt exposée accords, de ses silences, de la luxu - timbre d’or rappellent quel Cavara - aux périls de la carrière internatio - riance de son orchestration, aidé en dossi-né il aura su être depuis trente nale viennent se briser sur les cela par un éblouissant Philharmo - ans. Bilan très contrasté : l’opéra ne écueils d’un rôle surdimensionné. nia. Au cœur de cette lave musicale, saurait se jouer entièrement dans la L’instabilité s’installe déjà, qui com - la figure emblématique de Scarpia, fosse. Il perd beaucoup, également, promet la fermeté des élans comme ces trois accords assénés d’entrée à se jouer sans visibilité, dans l’at - la souplesse du phrasé sostenuto . de jeu et dont les récurrences et fi - mosphère conditionnée d’un studio. Floria s’essouffle quelque peu. Moins gures dérivées infusent l’opéra tout Seuls quelques talents parviennent il est vrai qu’un Aragall à bout de entier. C’est le sens des lenteurs ob - à donner chair et nerfs à ce mélo timbre et de justesse. Devant un servées au final de l’acte I ou dans qui, sans l’aiguillon du génie, oscille Scarpia réduit au parlando par la le postlude commentant la mort du entre le sirop vocal pour public lenteur que lui impose, comme à ses monstre à l’acte II. Rien ici de l’hé - gourmand de morceaux choisis et le victimes, la direction émolliente de donisme complaisant du second Grand- Guignol expressionniste. Rahbari.

118 L’Avant-Scène Opéra de méconnaître une Crespin, une 1997 : Jane Eaglen Zeani, une Rysanek, ou de passer à 1941-1950 Version anecdotique que celle-ci, côté du tandem Tebaldi /Mitropou los. Mieux audible le live du Met 1941 en langue anglaise, confiée à une Le live enrichit considérablement dirigé par l’éminent Panizza : le vé - cantatrice généreusement hors notre panorama discographique. risme extraverti, mélange déton - de propos, dans un rôle qui met à nant d’italianisme et de réalisme à nu un aigu problématique et une l’américaine. La belle Grace Moore, flagrante incapacité à plier sa ligne 1932 : Claudia Muzio qui doit une bonne part de sa célé - aux inflexions pucciniennes. De la divine Claudia Muzio il nous brité au septième art, fait preuve reste donc cet acte I miraculeuse- d’un abattage de grande comé - ment capté à San Francisco en 1932 dienne dans son face-à-face avec le Les premières conclusions et diffusé naguère par quelques édi - célèbre baryton Alexander Sved. On Les bonnes versions ne man - teurs pirates. Le son en est épou- ne fait guère ici dans la dentelle. Le quent pas. Les grandes se comptent vantable et seule une inaltérable soprano phrase court, sacrifie le dé - sur les doigts d’une main. passion pour la chanteuse justifie tail à l’élan mais sa projection De Fabritiis 1938 comme monu - l’acharnement avec lequel on s’ef - comme ses accents vindicatifs sont ment d’époque, daté et cependant force de la reconnaître au travers d’une battante. Du drame au premier riche d’enseignements. De Sabata d’un brouillage permanent. On de - degré mais une flamme indiscu - en 1953, pour la pertinence du chef, vine alors la présence, la ferveur table. Jeune et capable de subtils al - pour Callas, pour le jeu de Gobbi, d’une artiste entre toutes sensible légements de son timbre de bronze, pour l’état de grâce de l’ensemble. et palpitante, son profil de vériste Sved campe le plus souvent un Karajan 1962, pour la volupté or - noble, de charmeuse-née. On devi- Scarpia de série, surtout à l’acte I, chestrale et les frissons provoqués ne… et l’on rêve aux représenta - mais le chanteur en impose. Jagel par la jeune Price sous l’œil gour - tions de Londres 1914 et New York force parfois le trait, au diapason mand de l’excellent Taddei. Et puis 1917 avec Caruso et Scotti ou à d’une soirée survoltée, fouettée par Milanov-Bjoerling-Warren, pour un celles, milanaises, de 1927 sous la le bouillant Panizza. salut au Met, Caballé pour Caballé. baguette de Toscanini, face à Pertile Dans le même registre on recher - Le reste vaut par certaines présences et Stabile. chera le live de Mexico 1946 où le remarquables : Carmen Melis, Gran - même Sved jette son dévolu sur forte, Bergonzi, Corelli, Domingo bien sûr, Scotto tout de même. Pour Tebaldi nous renverrons au live , le - Claudia Muzio (Tosca). C. Mishkin. quel présente souvent les mêmes, au naturel, et comble quelques la - cunes impardonnables du marché officiel. De ce dernier on aurait pu attendre qu’il commémorât digne - ment le centenaire de l’œuvre alors que le siècle s’apprête à tirer sa ré - vérence…

II. VERSIONS LIVE

Plus d’un amateur n’hésitera pas à sacrifier le confort d’écoute et le rendu orchestral garantis par le stu - dio ou à ignorer tel ou tel chef pres - tigieux, pour le plaisir d’entendre sur le vif quelques-unes des divas les plus enivrantes du siècle. Depuis le live mythique de Claudia Muzio en 1932, elles ont toutes fasciné les pirates de l’enregistrement grâce auxquels s’est constitué un extraor - dinaire musée vivant de Tosca . Maria Callas y tient bien sûr la ve - dette avec près de dix portraits en pied de Floria mais il serait injuste de ne pas mettre à l’honneur la gran- de Magda Olivero, inoubliable chan - teuse, bouleversante actrice, qui trouve en Raina Kabaivanska une héritière ; comme il serait fâcheux

L’Avant-Scène Opéra 119 Discographie r e t n s I o a a a a t r n s y y y y A i g e i i i i n o s s V c s v s n a a a d d d d a m o d p p i e / a a i p t o i i o c c c c y o o o o n i a t r r l l I I I I I I I L l l l l d l s G c A A x i i c c c i c a t m t i n l g s e e e e e a G e e e G G e G G G i O C e e e C h h h d M M M M M M M e h e o D P E E D E D D E C E V R M C W E R C D T P E M D N M M R D P D D D S D C É i l l i i i t a a a a a a a a a t a i i o t n u t i n a r h n s a n t n s m o m m m m m m m t c k r i r r l i n l l l l l l l a c a t i u i o n a s a a i l i g i u v z e z u a a a a a a a a i t é l c t z n e s e i t d s o g a t z z r r r i o d P n P P P P P P P n l n d e l c l e o n n c a e a u a o e e m é n r o a e e i l e r a e c e e e e e e e e a o d g C S G E K r d r M P Z M n M D B L V o E k V P D D D D D D D D E i ...... u e . . . . n . . l . p . o ...... W P A N G P P P R E N M A V W P A A P A A D P S F P P M M H G S i i l i i l h y i i i h i h e c t y t t h i i n n c r r t t t n c l l a i k i a a a a a a i c g c o a a i o e c o o a k i s e s o i a s n n n n n z e i i i n i i e e c i t s r t c a a v a r l h v r z e e e e e b r r i m e t l l s r c m m r d p d i c d i o e r r r r r o o s o a a i o a a r u a a j j i e o e e a r a a o a e e t u v r n l o o o o o h e L a a r G M L T C T T M r B G M D M V D B C c S P M S D P C C C C C . T T a ...... a . . . . . a ...... G L G M U F F F G A A F B A K C C A A G D R P A N P S I F G I E A S i z i n i t o e e i n e e n o n v a a n l c n l l s t d c i a a e i i i c c h e i c o i a a t l o t i e l i i t n y l k l t l u a n y n r u n e e l e o i i n l t s t i i o n n a a i k i r o l m r r e A h e n b n l a B e a i z n o n o c o b e b o a n f a k l n n / r g l i i a p a r m s e i z z v r r r r a r r n n c m e l n s t i o o o e a o a a n a z a r a a o o e e e e e e a a a s i a h m o a z c g F B S K C A S H Z P Z C T G V D r a M M M B M R E M C z C K c G n ...... i . r . . i . . . a ...... H E F F G C S D L S L G G A A D J R S B S P J D C J Y C R A G I A u a k i a s h r i e g i r i o n i i s e n i e r r D t i d d r o - o a o o k k i u e r r l l r r n e n i n g h i i b g n o o i n n i a o e o e l o y i s s i c o e i i r r o e e h u o a i f u i l i o f e r n n m r n e e e l o p h l a c d u u b b d d q c c i r i i s s n g g n s v i m r e m i F l o e s c e n n r z z r r c c i n c i n b b d d d a l a u r m r l l a m n v o p s o / x a r a a a i i u r a a o o a r a l a u a a o i o o i i o a a u e a r o i n a M r P T L T B G Z F R B B G B R M n Y M W N a M M C R C M M G G C S S e P . W e ...... l ...... a . . c ...... K A G T A E G G T E A L G K G S P Z P S R G I D S R M Y H S Y L S R J V G S i o h c e i i i o o c a z i i i s n i a t s i i n u n n t n g o s o o o d n r z v s s s l i r t i i i e l a a l l u n a g g g g o n o a a a l o l n o f f r m e l i o i v d l n a o o n t l r r r i i n d a n n n l l e a d e e a r o p r o i b t i i i i a M a l a s e i r a l i t t e e e g g n y c i n g t a i a l g e a c p l g l e l z r r r v e y S S g g m a h r r a n a m m n a m m m l v t n r c a a u a g r r r l e t N g r i i i j o r i a ’ o e o a u a r a c t ó a o a o o o a c a o o j a a a a n D d v S G P D C D P G L A S L G B R A O P n o A K P D D D D T B C B C C C . u ...... n a . . . . r . . . . a ...... S B G G A G M G A C J A P A F N E G B P P G J M P F F V P G F G L J G J D C a ï i a a a s a z e i n n k a l i i c i o s l n w i u i i i k i k t a m i e v n a i i é n i v n n g a h h n w a l r l s o o n s e i i a i n r l d d o s s o l i o c c i t a v g i i o r l l o e s o i c n d a i z a a t i s i a a n u c n o A t s s c r t e s e l a a i f o l l e n n ' i t d c n z t h n c e l l l n l l b a l K r h y a a e r u s c c l r e e b b l l n r a o o l l a a l a c i i c i t e o e a a a a a i a c a r r i i g o u i i i e e e r a a t a r c r c e c h e s a C C C F C F G M F V m M M S G T R s T T S V S N M M P P B Z W D M M e P R ...... E ...... e . . . i . . . o ...... M S R L V R A M Z C B M J A R G T M C S F C M L R K N V T G B K B M M J E T o i t d e a a a s ) e i i i c . e . r u . r e n n n r a i r n f r . t s e e e a o o o e a v a o s a r i n l e e n t r l c a h e s a h e o m m a e l l m m m l m a F l e i m m u i r a ( e e h r r i r s d o o i o p v i i l i n p g o o r e h B s a a a i a h r t n R R a R h h o e a p n r d P R R h h h h e a P e o e n n l l l N r p p e e e é a o l l a r G s i i i i i l l e P t a a m d i r n ï ï ï l p m d d a a i i r r l K s e r e c o t n B H h h h l l e i r o o o o e e l i i n n u u l e a O n a a a n d d o P P P a c r a n n o o h h h n n c c e r r r i o o i a a a a T T e e i i a h a h s e a C h l i i l l l l l c c c l l l i c n n e e r r l é é é I I c l v l l w t w t w i i i r d r d i r r a a a a C C e e é o C r C p p p e e a a e e A A o o o o a e a i i a h h h a h c c c . c . . t l . g S O S B P S R S V S S R S S B V F O C B N B N N R P N O P P S B P N B R O é t n i i i s l l s h l l a c e e t n m d d i n n s o i a a l v a a i o j j r r a f h t o a v u i o i a a r P P t i h i T - - i o p l r r r c i i o - t n o l i v a o r i r s l n o a a n r r r s o b g e n n r n n o n a b d e e a e r a e i e j j j a a a i a e e r r l o a s p K K t l r e t t o l s d f a l z y i i b i i i n c n a i a a n n b t a i F t d i s s t t o t s i r r l i i h a a S h a n s m v s n n h e l l z l l b ê b a h i r e e e r c o o u v i e n e r e e o a u e a a a r r o r o t a e i o i a o o a a a e v e e e R E R T V D S v R v P S S S Q E B L R S D T M M P T L S M R M M r D S L . . . . M M . i ...... - . . . C C L O A E F A V E A T F H M H G E L M Z M A C C N H J G M A G Z R A D D a c s s e 9 0 9 0 8 1 1 2 2 3 6 6 7 9 0 0 2 4 4 6 8 3 5 5 6 7 8 0 1 4 8 0 2 2 3 7 7 t 1 2 2 3 3 5 5 5 5 5 5 5 5 5 6 6 6 6 6 6 6 7 7 7 7 7 7 8 8 8 8 9 9 9 9 o 9 9 a 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 T D 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1

120 L’Avant-Scène Opéra . a s s v u m r c s i o m e d s o r o n e s o i i a é o t t R a g a r e d l m m m m m m m o r c z t n t n M i A g c h a a a a a / a a é e e E n e e e a v n r r r r r r r r n e i e p n d e i R C o . l a i M e m s m d d a d d d d d o r e e d / t d C C u i d P a i t v é o v s o o o a c e o o o o o o p o e a a a b d t o r i b v q R R t t t n l l l l l l i l S S O E E E E I v n o l d i c t n c l y k g c i S e o n O u e a o e e y e e y e e y e r R R R u u R A D e l D o O O i r r e o A l r r d k J o R e t r o E G S C M M H G M M H G R O M P A D M G F p F H H V R L G G N A M M M É M U U E L C H M D s s a a i i l l i m m o l o i l e l l i a a e a n d o k a a n t n t s s s t i P P a t n i i i n P P t a s o l l l u r o l e a r a s e a e l l e e e k e e a n e o r l j i A b C D s V V V D o e c D D F a r a . . o . . . . . i e r i r p . . . P E N R M D A P P A W A C A S T P A i i i r i n n i i r o a i i t i l t t r o o t e t o z n t r t t c n l l a l e i r a t a e i n n l n u a a t e o o a a k o g e a e r i k n i i a t t e i t e h h s t n a c c e z l i h b t n e r r n k e t i r r h g c o s î c r c c t r r o z r o s n a a o i a e a d c u A o a z j i t t e n a i o ’ a a a a r l b r l o i n e c T z L B a P S e r P M M n r d D d c F P B B C P y F C B . a . u . T e o a . l . . e a a . . . a a ...... L M D S F M D B J I W G M E E A A C M P V F G B S S G L S i a r n a a t t t t c e a d i i o i c i i i o o o o r r l i c t i n y y d i u h a u u u u a t n i o n o u h k t t r r y n i g c i q c y t t c v v v v z t o a e b e s o l r r a a e i a n l i c r r r r c a r z c r i o r o r e g d n a v v a e a f a a a a a e a a a e u l l c s m o e a h o o L g d s B L S Z M Z S F F G H H H H D A A M P M C P . n . . . . o . . m . . . . . u ...... A A G F A R N D J N G E C A G S B C C J G L L A M S C i h g i s h t n k r c i r n l l l l i a o f c e i i i i a i i l l i n n e t i i e r i i l n y n a l n e e e e z t n l r n e o s o e o i r i s i o e v f e e i i i i i i i i i u i e o l l f f e a f e e e a l n r t t s a N N N N d e e c l l p a d l l b a d d d b b b b b b b b q r t s r t d t r z t i ö a b d k r o c c c c e n e e e e n n r n l r n c t d d b b b b b b b b u e a o l o r m m e O p h a a a a b e o o a x x a H a i a u u ' a r o o r e a a o r i i o o o o o o o o v i i r e a u r o c r . Z D l T T L P G P B F G G B C P D S W F M M M M T W a M G G G G G G G G C S F D G M . . W W G ...... o ...... c ...... A P G R C A P R R C C I A T G A M S H J N G I T T T C A W P T T G T G C S L G T A F G J L i e i h i g v i i o o o o i i i s n c i i n o o s d i i d n n n n t g o s i o o o o s n n z i s n r d t e i l i i n l n n a a a a n t g g g g g e n o r r r a l n a m f f f f a o i n o i i i i n o v v a u o e o o n r i n n e n e n n e l l l l l i p a i d e e e e r o i i i o a i i i i i a a f n r l l l l o c o r m a w e l t t t t g k k k g i i i g c i a a p g c l m n n n m o r e e e e n l l r z u p s t g i r e S e l S S S S i g i r c c c r r s a m m m m m v a l r r r r r r e o o o i g g b a u o i i o g i i n i i n o a r o a a e u i i i o a u u u o a e o o o o e a i o o o o j e a a a F a R B v G R A H D D O R A D D P B B M C T C T C K T M F P d D D D D D C P T C L C C T J C K B ...... a ...... D M G V E F G D P F R J H F G J G P L G G G R P N R F P E P A G F R R C J F G C J C F D F H R n a a a j a a i n k k k k t r s s s s s e n n n n n k i V k k k a a a a i i i i i v e o - o o o o n n a n r n n n n e e e i i v v r r r v r v r i s d d d d d r e e r s s s s s s s o e z i i i i l w e e e i o o l l l l l o o n n n i r r e p r e e e e p l e e i a a a a a a a t t n t c a a a a e t s c a a a a a u l l l l l l l i a a a s s v d v v v v n o o a o z r s s l l l l l l l l b d a r i s n c i i i i b b b b r n s s s o b b b b b l l e e a l l r r i l l l l a v o o o u a a a a a a a u e a a i a r i i i a a r a a r e e e e e e o y y y a r t e c a r O C C O C O O C C C C O C R B M M K M K v M K K C s T T C K N K T T T S G P M M R R R G Z C C ...... a . . . . . o ...... C L M M D R R M M R L J M E L R M R V V R M M B G M M L M R R R C G G G E F R H M L Z R D M T a e i n e v e o s n n n n i i o o e e e e m m s l o n n n n n n n n n n n n n n c c r d d d d r o e a a a a a a a a a a a a a a a s s r r r r a r a t t t t t t t t t t t t t t i i m r R n i . i i i i i i i i i i i i i i s e a a a a e i h v l l l l l l l l l l l l l l l c c a é n l n l r e i A n G G G a G i i t r o o o o o o o o o o o o o o n n d p a e d h r l s s r o t t t t b h e a a e p p p p p p p p p p p p p p o o i s l e e l O P u e e r r e e o a n n n n P o c c B n o o o o o o o o o o o o o o e e o n n O t i i r F F a a a l s T M e e e i e h r r r r r r r r r r r n r r r a y o a l l l c i m m s n n i t t t t t t t t t t x x t t t t C é I I c p w v v e v v r r d O k r r r f n a a n a e e e e e e e e e e e e e e e e e e r r p a e Y m é o o A o a u a S A o i i a a a o a c c a c o S N P C O V P C M N M S S R T V M M C P S M S B S M M N A V B O R M M M R M M M R C M M M g é t n i i i i l l l s l l l ) e I e e d n d d e s s s n t a a a s o o o i r r r a c i i o l l l i j i t P a P P n n i t u u u i o - i a - ( o i t i i i e e r r r i a o o o i i i r s r r r i a a e z z g r a l l o a n o n z i a b l p p p k r i n l z z a l l a a a e e z z a i r e n a i s z l r i r r o p o a n n K c o o l r r o o o t z z l e e d o o l n n n i a a z a a a i i e z n w i i i i e l o u t e t t l s e i r r r F i n i i r r g l r c t r l i a h l l l i v v z l l v v v r m l n t t t s n e r d e d a h l ê ê n n n b i e f c C c o o u i i i e e r e u a a C d e e e v i a d e o e r a o o a r r i f o i c e o a a u . l l l o e n . a D M v C A P P M E S M B O M P M M G G M V B S A Q G B F B K r L M P P T B r M C C M C M C F S . i ...... e ...... D G E E L C U G F C F V D D E A G K G D V O A H C K C A G F F G G D Z F G R I F J G A B G D – a c s s e 2 1 4 4 6 0 2 2 3 5 5 5 7 7 7 8 9 9 9 0 1 1 2 2 2 4 4 5 5 5 5 7 7 8 9 9 9 2 4 5 5 6 6 9 3 4 t o 3 4 4 4 4 5 5 5 5 5 5 5 5 5 5 5 5 5 5 6 6 6 6 6 6 6 6 6 6 6 6 6 6 6 6 6 6 7 7 7 7 7 7 7 8 8 a 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 9 T D 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1

L’Avant-Scène Opéra 121 Discographie

Stella Roman, l’étoile roumaine du beau son. Elle joint néanmoins à ce la première et dernière fois à la scè- Met, sous les yeux du suave Taglia - capital naturel une science des ne dans Tosca . Qu’importent alors vini. La même année, toujours au colo rations qui la fera comparer la médiocrité de l’enregistrement, Met, le médiocre Sodero a remplacé aussitôt à Rosa Ponselle. Vocale l’omniprésence du souffleur, l’anar - Panizza, la belle Grace peine à dire avant tout, la Floria que nous laisse chie de l’orchestre, cette soirée de - son texte, devant un Tibbett des entendre le document live de cette meure entre toutes mémorable. La mauvais soirs et un Peerce égal à soirée joue à la fois de la facilité de chanteuse y affiche une égale inté - lui-même. Seul Baccaloni, savou - son émission et des subtilités héri - grité vocale mise au service d’une reux Sacristain, pimente la soirée. tées de la grande Elvira de Hidalgo. expression plus fouillée. Le grave Les mots n’ont pas encore acquis le est davantage sollicité, la projection poids d’émotion et de pathétique de l’aigu encore plus péremptoire, 1944 : Hildegarde Ranczak qu’on leur connaîtra plus tard, cette mais surtout la phrase a gagné en La version en allemand captée en cantatrice romaine jalouse et pas - relief, le duel avec Scarpia en acuité 1943 à la Radio de Berlin, avec sionnée songe d’abord à chanter. dramatique. Un Scarpia ordinaire - Ranczak et Helge Roswaenge vaut Malgré la friture de l’enregistre- ment vériste au demeurant, s’achar - surtout pour le ténor, peu idioma - ment (envahissante au deuxième nant sur le sémillant Di Stefano dont tique mais étonnant de vaillance et acte) certaines finesses tranchent le sex-appeal vocal se rit des brouil- de luminosité. pourtant sur le prosaïsme du vé - lages de la prise de son et qui bisse À Mexico l’année suivante ( cf. Sé - risme ordinaire. La « casetta » et « le à son tour le lamento de l’acte III. lect ions live ) l’intérêt se déplace voci delle cose » de la scène d’entrée Une étape essentielle fait ensuite vers le Cavaradossi de Gigli, jeune s’émancipent déjà, effleurés plus défaut : celle du Met où Callas, amin - homme de cinquante-sept ans qui que soulignés, ce que même une cie et svelte, est appelée fin éclipse la quasi-totalité de ses cadets Muzio n’osait pas. «Ma falle gli occhi octobre 1956 par un Rudolf Bing re - par la facilité, la luminosité du neri » est la pureté même. La parole pentant. Elle y sera Tosca sous la ba - timbre et le délié du chant. La dramatique ne demande qu’à s’affir - guette de son compatriote Mitro - vaillante Elisabetta Barbato passe - mer encore ( « Voglio un salvacondot- poulos en novembre puis deux ans rait presque inaperçue. Le ténor seul to » ou « È morto !»), les cris et les plus tard, en février-mars 1958, face aurait pu éclipser en 1950 à Mexico soupirs du final demeurent stéréo - à Tucker et London. Les réticences la n ouvelle étoile du Palacio de las typés mais la véhémence ( « È l’Atta - américaines devant celle qui osait se Bellas Artes, une certaine Callas. vanti !») et l’imploration ( « Vissi d’ar- mesurer aux intouchables Milanov te ») s’équilibrent au mieux, comme ou Tebaldi expliquent sans doute les registres d’une voix alors intègre l’absence de documents live de ces Les Tosca de Callas, et puissante, souverainement proje - soirées pourtant mémorables. Il ne de 1950 à 1965 tée. Mieux que l’ébauche d’un per - nous reste que la fin de ce deuxième D’un rôle qu’elle a toujours pré - sonnage, son meilleur profil vocal et acte télévisé par CBS le 25 novembre tendu ne pas aimer mais qui l’aura tous les ferments dramatiques 1956, sauvée par le disque publié na - accompagnée du premier au dernier d’une incomparable composition. guère par Voce. Aux prises avec un jour de sa carrière, Maria Callas a Manquent, hélas, un orchestre di- Scarpia d’envergure, le Canadien réussi à faire un mythe de sorte gne de ce nom et un ténor moins George London, Callas laisse devi - qu’à de rares exceptions près (l’émi - gourd et vulgaire ( « Vittoria !», archi- ner de quelle manièr e le rôle est dé - nent Rodolfo Celletti notamment) la faux) que le trompetant Filippeschi, sormais sien, comment elle sait critique a fini par identifier Floria à d’ailleurs ovationné et qui bisse son mettre ses pas dans ceux de la Maria, au point de ne plus imaginer lamento . On notera la remarquable grande Sarah Bernhardt. Les périls l’une sans l’autre. Les multiples prestation du baryton Robert vocaux auront beau s’amonceler, la échos sonores de ses représenta - Weede, un peu léger certes mais voix perdre de son étoffe et fluctuer, tions à travers le monde permettent clair, timbré et ductile, sarcastique, cette Floria Tosca demandera à être de juger de l’impact dramatique doucereux et mieux capté que ses jugée sur son génie théâtral. Ce qui d’une interprétation sans cesse partenaires. revient à dire aussi et surtout sur mûrie depuis les débuts athéniens L’année suivante, en 1951 à Rio de son chant puisque chez elle c’est de 1941-1942, et qui mieux encore Janeiro, Callas éprouve plus de diffi - tout un, davantage que sur l’état de que dans la fameuse intégrale de cultés à faire admettre sa moder - son organe. Sabata de 1953 prend tout son sens nité… et son physique alors impo - Le concert, somme toute assez à la scène. sant. Le disque sélection de la soi - anecdotique, du Palais Garnier le Après Norma et , avant Leo - rée dirigée par Antonino Votto 19 décembre 1958 ne permet pas nora du Trovatore , Mexico découvre témoigne pourtant de sa bonne vraiment d’en juger. En témoignera avec enthousiasme la Tosca de sa condition vocale et de l’étonnante le live de Londres 1964 avec, pour la nouvelle star , le 8 juin 1950. Pour facilité de son contre-Ut. L’explica - première fois en face d’elle sur conquérir un public avide d’exploits tion est à chercher dans une que - scène, le Scarpia de Tito Gobbi. vocaux et de points d’orgue la chan - relle ouverte avec la Tebaldi qui Alors que ce dernier se bat contre teuse a dû faire étalage de son cette fois lui ravit tout simplement sa voix et trouve le génie de mettre contre-Ré dans l’opéra de Bellini la place. cet effort au compte d’une interpré- avant d’éblouir avec ses contre-Mi Le 1 er juillet 1952, pour la clôture tation saisissante du chef de la po - bémol dans Verdi. C’est dire que la de sa troisième et dernière saison à lice, Callas joue des faiblesses de la jeune Callas dispose alors d’une Mexico, la plus réussie, Callas est af - sienne pour faire de l’ardente canta - santé vocale propre à lui assurer le frontée au Scarpia de Campolonghi trice romaine de ses débuts une soutien des amateurs d’aigu et de et surtout au jeune Di Stefano, pour écorchée vive inconséquente, toute

122 L’Avant-Scène Opéra de nerfs et d’œillades, soutenant à Scala, marquée d’une certaine rou - fleur de lèvres un fil de voix fragile, Leonie Rysanek de 1953 à 1977 tine dont pâtissent les monstres les inscrivant le phrasé souverain de Les admirateurs de la grande plus sacrés. son « Vissi d’arte » dans l’urgence de Leonie Rysanek, à supposer qu’ils L’enregistrement de 1969 bénéfi - la narration dramatique, ce dont la apprécient l’opéra puccinien, se - cie d’un meilleur entourage, du télévision britannique témoignera ront déçus par les Tosca live de la moins sur le papier, avec Tucker et par sa retransmission de l’acte II. chanteuse autrichienne, de 1953 MacNeil, le premier en fin de car - De même les live de New York et et 1964. La première, en allemand, rière, le second ne pouvant compter Paris 1965 révèlent-ils cette dernière remonte aux jeunes années d’une que sur son métier. La Rysanek y af - mue artistique. Celui du Met, pau - carrière promise au rayonnement fiche encore une belle santé vocale vrement capté et gravé un demi-ton que l’on sait. La voix sonne juvénile, et un tempérament d’exception. Sur trop haut, laisse apprécier la fougue homogène, suffisamment flexible, le le profil vocal de sa Floria nos ré - des scènes les plus fortes et les dé - premier acte en témoigne, qui mé - serves demeurent néanmoins. En chirements de l’héroïne mais vaut nage de subtils déliés. Les raucités 1977 avec Lamberti et Diaz c’est surtout par l’étourdissante perfor - de la langue sont sans doute res - bien l’érosion des moyens stricte - mance d’un Corelli au zénith, Gobbi ponsables de l’impression de faux- ment vocaux qui est seule respon - y apparaissant plus en règle qu’à sens dramatique d’un chant plus gé - sable du rendez-vous manqué avec Londres grâce à un timbre « re - néreux que pertinent. Hopf et une héroïne qui en somme ne parle monté » dans le masque. Paris trahit Metternich n’incitent guère à entre - guère à cette incomparable artiste. davantage les limites ultimes de la pr endre le voyage, le ténor surtout chanteuse. Si celle-ci retrouve une dont les sanglots stéréotypés, « pour manière d’état de grâce vocal et une faire italien », touchent au grotesque. Renata Tebaldi de 1955 à 1964 meilleure stabilité de l’aigu, c’est au Le seul jugement équitable ne Mieux que le studio qui fige et prix d’une moindre articulation de peut concerner que la version en durcit les traits, le disque live , en la phrase, comme tenue en lisière langue originale de 1964, époque de mettant en perspective le jeu autant pour assurer le contrôle du souffle. la première maturité de cette belle que le chant de Tebaldi, rend justice Callas devrait-elle se résoudre à re - artiste. Le son en est lointain, la vi - à celle qui plus de cent soixante fois porter sur ses attitudes et ses mi - tesse de rotation fluctuante et la di - durant sa carrière a levé son poi- miques théâtrales les subtilités que rection d’orchestre invertébrée. gnard sur l’odieux Scarpia. Si l’on sa voix désormais refuse de Sont-ce ces handicaps qui condi - veut bien dépasser les a priori et les traduire ? C’est le constat qu’impose tionnent nos impressions ? Cette inutiles parallèles avec Callas pour le live capté à Londres le 5 juillet Floria de format vocal imposant ne accueillir les cinq documents live 1965. Le fil de voix ici menace de se paraît pas toujours en phase avec qui prolongent heureusement les casser. De fait, une carrière se brise. l’articulation musicale de la phrase, deux intégrales officielles de la Callas fait ce soir-là ses adieux défi - encombrée d’inutiles surcharges ex - chanteuse, on y rencontrera l’une nitifs, par-delà Floria, à la scène. Le pressives. Les aigus sont régulière - des Floria Tosca les plus marquan- disque live aura largement contri - ment trop hauts, une relative insta - tes de ce demi-siècle. Disons d’em - bué au mythe. bilité menace le médium et ce au dé - blée les points faibles de cette élève triment d’une étoffe luxueuse aux de Carmen Melis : un engagement moirures sensuelles dont les plis dramatique au premier degré, 1952 : Dorothy Kirsten sont trop loin du corps pour dégager quelque raideur dans le canto spinto , Pour renouer le fil de la chrono- une silhouette théâtrale convain - une tendance à chanter bas dans le logie signalons le document Kirsten cante. Rysanek chante et joue Tosca registre aigu, une vocalité sans com - du Met 1952. Actrice fêtée par le ci - sans se défaire de ses incarnations plexe intellectuel. On ajoutera que néma, la belle Dorothy ne manque straussiennes ou wagnériennes, elle le profil foncièrement lyrique de pas de chien et campe une Floria n’est pas Tosca. Elle a beau hurler cette voix sans aspérités n’offre pas fine guêpe aux traits acérés, empor - son « Assassino !» comme une vé - au chant dramatique tous les tée par l’ébriété rythmique que lui riste bon teint, on n’y croit pas vrai - contrastes de registres où puiser impose la direction débridée de ment, sans doute faute d’une pré - son éloquence. Qu’un chef vienne, Cleva. Un tantinet hystérique, la sence physique, essentielle chez pourtant, et la porte au-delà d’elle- star conserve jusqu’aux scènes elle. Pas davantage à son « Vissi même et cette chanteuse idéale - ultimes une fraîcheur juvénile qui d’arte » où le pathos cherche à pal - ment formée au style de la jeune laisse perplexe quant à sa compré - lier le manque d’acuité des mots. Il école, voire au vérisme, supplante hension du drame et de ses tour - faut dire que le Scarpia tonitruant la plupart de ses rivales. Sans rani - nants psychologiques. Délicat et très de Bacquier, (sur lequel il nous sera mer les querelles new-yorkaises des jeune premier gominé, Tagliavini donné de revenir), criant ce qu’il ne années soixante, il faut reconnaître sonne un peu léger face à cette diva peut chanter, dans une conception que la soirée de 1955 où la Tebaldi incandescente, tandis que Schöffler expressionniste de son personnage, affronte Tucker et Warren face à écrase au contraire Scarpia de son n’incite pas à raffiner. Le ténor Labo Dimitri Mitropoulos demeure l’une autorité wagnérienne. La même participe d’ailleurs à cette suren- des plus excitantes de la discogra - Kirsten récidive cinq ans plus tard chère de décibels. Quels que soient phie, plus encore que les très belles pour la série d’enregistrements du par ailleurs les immenses mérites représentations londoniennes de la Club Met, guidée cette fois par de la Rysanek, cette soirée s’inscrit même année rehaussées par la pré - Mitropoulos, en compagnie de Ba - dans les derniers mois du premier sence de Tagliavini et de Tito Gobbi. rioni et Guarrera. Une Tosca qui ne règne viennois de Karajan, aux anti - Mitropoulos fait oublier le correct peut laisser indifférent. podes des coproductions avec la Molinari-Pradelli de Covent Garden

L’Avant-Scène Opéra 123 Discographie par son sens inné du discours musi - bourreau et délivre un « Vissi d’arte » cal, de ses ruptures, de son articula - de rêve. La tension se maintiendra Magda Olivero de 1957 à 1979 tion au service de la scène. Non jusqu’à la fin, à peine oblitérée par Pour s’être identifiée trente an - sans quelque complaisance envers quelques aigus trop bas, mais percu - nées durant à l’ Adrienne Lecouvreur un plateau soucieux de se faire va - tante autant que rayonnante de ly - de Cilea, ouvrage discuté sinon dis - loir et auquel on accorde tous les risme. Le grand baryton américain cutable, magnifié par ses dons fabu - ralentis expressifs, tous les rubati , déploie autour d’elle toutes les sé - leux de chanteuse-comédienne, avec toutefois un savant contrôle ductions de sa mezza voce véné - Magda Olivero tient une place à part des silences et des effets. La voix de neuse, faisant oublier une fatigue dans ce que l’on nomme générale - Tebaldi conserve en ces années un sensible par la diversité de ses colo - ment et souvent à tort, le chant vé - émail, une couleur, une luminosité rations et l’allégement de son dis - riste. Sa filiation serait plutôt celle admirables. De la caresse langou - cours ( « È vin di Spagna », exem - qui du Verdi de Traviata à la Manon reuse aux coups de griffe de la jalou - plaire). Un Richard Tucker en état de Lescaut puccinienne en passant par sie, son héroïne dispose au premier grâce contribue à hisser cette Tosca le Mefistofele de Boito se nourrit de acte d’une palette de couleurs et vers les sommets. Au Met comme à mythes modernes, affranchis du d’accents très riche. Clair, concen - Londres Tebaldi soulève un enthou - code de l’opéra romantique mais lui tré et maître de son émission, siasme parfois maladroit mais justi - empruntant sinon son vocabulaire Tucker fait oublier un timbre ingrat fié, que n’appellent pas au même de - du moins les raffinements d’une grâce à l’égalité de son chant, tour à gré les documents Scala 1958 (avec technique vocale précieuse à tous tour projeté ou lyrique, de sorte Di Stefano et Gobbi) ou Tokyo 1961 les sens du mot, pour les mettre au que le duo de l’acte I (sottement in - (tardif et platement dirigé) ni l’ul - service d’une vérité dramatique im - terrompu par les bravos du public time écho du Met 1964, banalisé par médiate. Ce « vérisme » noble, étran - le plus inculte qui soit) se maintient Cleva et des partenaires usés. ger au naturalisme vulgaire et que au plus haut. Cela étant, les années cinquante l’on pourrait, sans idée péjorative, Au deuxième acte, dans les serres ont vu le retour à la scène d’une qualifier de romantique-décadent, la d’un Warren égal à ce que le studio protagoniste de haut vol dont la Olivero l’incarne génialement d ans nous en révélait en 1956, cette Flo - Floria Tosca bouleverse tous nos ju - Tosca . Quand une Callas transcende ria extravertie et véhémente, ita- gements : l’incomparable Magda Oli - le drame de Sardou en convoquant lianissime, s’affirme farouchement, vero. toute son expérience belcantiste et souffre et émeut, tient tête à son néo-classique pour composer une hé -

Tosca – sélections studio

Date Direction Orchestre Tosca Cavaradossi Scarpia Édition 1932 G. Cloez non précisé N. Vallin E. Di Mazzei A. Endrèze Odéon 1953 A. Guarnieri L. Malagrida C. Franzini A. Salsedo Philips 1953 A. Wolff Paris O. C. S. Sarroca J. Luccioni E. Blanc Decca 1954 Miklos S.O. hongrois Matyas Simandy Radnai Qualiton 1959 B. Klobucar Berlin Opéra L. Della Casa R. Schock J. Metternich EMI 1960 G. Prêtre Paris Opéra R. Crespin P. Finel R. Bianco EMI 1961 J. Etcheverry non précisé I. Jaumillot T. Poncet Philips 1961 B. Amati S. Sarroca G. Botiaux A. Legros Vega 1964 Bauer-Throssel G. Schreyer W. Kmentt E. Wächter Ariola 1966 L. Maazel S. Cecilia Rome A. Silja J. King D. Fischer-Dieskau Decca

Tosca – sélections live

Date Direction Orchestre Tosca Cavaradossi Scarpia Édition 1932 G. Merola San Francisco C. Muzio D. Borgioli E. Gandolfi EJS 1943 Steinkopf (en all.) - Berlin Radio H. Ranczak H. Roswaenge Hann Acanta 1946 Mexico E. Barbato B. Gigli EJS 1951 A. Votto Rio M. Callas G. Poggi P. Silveri Voce 1956 D. Mitropoulos Metropolitan M. Callas G. London Voce 1958 G. Sébastian Paris Opéra M. Callas A. Lance T. Gobbi Foyer 1963 Philadelphie B. Nilsson F. Tagliavini Melodram 1964 F. Cleva Metropolitan R. Tebaldi G. Di Stefano G. Quilico 1965 F. Cleva Metropolitan R. Crespin S. Kónya Melodram 1968 Holland Fest. M. Olivero Lega MDP 1977 N. Santi L. Rysanek G. Lamberti R. Diaz 198? J. López-Cobos C. Neblett L. Pavarotti C. MacNeil UORC

124 L’Avant-Scène Opéra roïne, la chanteuse s’identifie avec la lière de Magda Olivero est bien femme puccinienne, respira nt avec connue : pas particulièrement belle, 1955 : Leyla Gencer cette musique où elle se coule natu - affectée parfois d’un vibrato rapide Autre étoile de première gran - rellement, protégée de toute trivia - très sensible, souvent réduite à un deur snobée par les studios, Leyla lité par la suprême qualité de son filet ténu. Mais quelle force dans ce Gencer s’égare, à ses débuts, dans chant. L’une joue en somme Tosca filet souverainement posé sur un les emplois pucciniens auxquels ne telle qu’elle devrait être tandis que souffle intarissable, ductile à l’infini, la destinent ni le timbre ni une pro - l’autre vit Tosca telle qu’elle est. Le épousant tous les degrés d’intensité jection encore bien timide. Une discours c alla ssien est plus percu - du ppp au forte à travers une incom - prise de son très ingrate n’arrange tant. Le chant d’Olivero plus insi - parable messa di voce , quelle palette pas les choses mais laisse entendre nuant. de coloris, fondée sur un jeu de re - en Scarpia un Taddei de belle allure En tout état de cause le live du gistres équilibré, savamment dont le studio confirmera en 1962 31 octobre 1957 au Teatro dell’Arte de contrasté ! Parfois fondu dans le les mérites éminents. Le live de Milan est de ceux qui dominent la phrasé musical, le mot a beau ne pas Naples ne peut être recommandé discographie. D’autres suivront, par - se détacher avec autant de relief que qu’aux fans de la cantatrice turque. fois plus bouleversants encore par chez Callas, l’éloquence de cette l’ascendant de la chanteuse sur son voix si malléable et sensible va di - public, mais celui-ci en donne le rectement au cœur. Déliée et vif-ar - 1959 : Eleanor Steber meilleur portrait vocal, avec un son gent au premier acte, très présente Éclatant retour au Met avec l’ad - très confortable et un entourage si - et aérienne dans la cantate de mirable Tosca d’Eleanor Steber, or - non exceptionnel du moins fort ac - l’acte II, elle détaille son « Vissi gueil du chant américain et l’une d’arte » sur un fil de voix violonis - des valeurs les plus constantes de tique, avant de trouver les couleurs la scène new-yorkaise. Cette mozar- les plus farouches (et les Ut les plus tienne éclectique et généreuse, ca - fulgurants) pour se défaire des pable d’élans irrésistibles en dépit griffes de Scarpia. Le dernier acte al - d’un timbre dont la franchise n’est terne enfin lyrisme apaisé et pathé - pas exempte de froideur. Équili - tique poignant. Du très grand art. brant au mieux le timbre et la sou - L’orchestre de la RAI turinoise plesse, la retenue et l’engagement sonne plutôt bien dans le document dramatique, cette Fiordiligi de rêve de 1960 et Olivero y demeure égale à se coule dans la parole puccinienne elle-même. Reproches mutins ( «Innan- avec un naturel confondant. Le trio zi la Madonna. No, Mario mio »), piani qu’elle forme avec London et Ber - aériens ( «le voci delle cose »), véhé - gonzi privilégie par ailleurs le beau mence contrôlée ( «È l’At tavanti !»), ca - chant, la mezza voce , les colora - resses vocales ( «Ma falle gli occhi tions, dans l’esprit d’un Puccini neri ») : le premier acte semble plus « jeune école » affranchi des brutali - accompli encore. Misciano désole tés du vérisme. Un chef plus inspiré en revanche par son apathie, ses aurait pu hisser cette soirée au ni - tics véristes, quant à Fioravanti il veau de l’excellence. Elle demeure est évident dès le départ qu’un pour le moins indispensable. homme aussi inconsistant ne vien - dra pas à bout d’une maîtresse- femme comme celle-là. 1961-1962 : Floriana Cavalli Le document capté à Faenza en Si l’Opéra de Rome croule sous mars 1972, d’une qualité sonore rare, les bravi ce soir de 1961 où Floriana offre un témoignage sidérant du gé - Cavalli, connue à travers sa Margue - nie interprétatif de cette grande rite de Boito, incarne Floria, c’est dame bientôt prête à conquérir le moins pour elle, instable de ligne et public américain. La grande matu - métallique de timbre, que pour un rité de la chanteuse rejette é videm - Di Stefano plus sicilien que jamais, ment dans l’ombre un orchestre moyen hurlant comme un vitrier mais cajo - Magda Olivero (Tosca). Foto Reale. et des partenaires de routine. leur, enjôleur et convaincu, à l’ima- Le 3 avril 1975 l’artiste, née en ge du souffleur bien encombrant. 1920, débute au Met, dans ce même En 1962, la même Cavalli terrasse ceptable. Fernandi manque de rôle. King et Wixell importent peu, le très professionnel Protti pour rayonnement mais, à quelques Si ai - la jeunesse de la Olivero suffi sant à l’amour d’un Ouzounov massif, un gus problématiques et quelques déchaîner un public souvent excessif soir ordinaire de l’Opéra de Vienne. écarts de justesse près, il campe un mais qui cette fois encore s’enflamme Karajan est au pupitre mais pour Mario sobre, bien chantant, haut et avec raison. La rencontre de 1979 une fois ce sera le studio qui servira clair d’émission. Colombo possède avec Pavarotti relève au contraire de de référence pour ce millésime. une bonne voix homogène et souple, la chronique médiat ique plus que de un timbre nourri, et ses intentions la critique objective. sont souvent justes, lui évitant le vé - 1962 : Price au Met risme facile vers lequel il tend par - La version que le chef grave cette fois. La couleur de voix si particu - année-là pour Decca avec Leontyne

L’Avant-Scène Opéra 125 Discographie

Price offre en effet le meilleur de qu’à New York, elle décline au pre - lutte avec un Scarpia mugissant et l’un comme de l’autre. À preuve, le mier acte toutes les facettes de son sommaire. Le « Vissi d’arte » offre pu - live du Met capté le 7 avril 1962, le - héroïne, avec moins de diversité et reté de son et radiance de l’aigu mais quel se ressent cruellement de l’ab - de versatilité que ses rivales d’école on note ici encore un flottement sence d’un chef d’envergure. Plus italienne, mais une extension et une rythmique qui relève moins du ru - libre à la scène qu’au studio, mais li - plénitude sonores sans réel équiva - bato que d’une conduite vocale in - vrée à elle-même faute d’une direc - lent dans la discographie. L’affronte - certaine. Incomparables les contre- tion musicale cohérente, la chan - ment du deuxième acte avec Taddei Ut javelots mais souvent douteuse teuse vit toutefois intensément face se nourrit d’une égale impétuosité la justesse du médium, dans les à un Corelli débridé (avec tout ce vocale, le tranchant des mots le cé - scènes de tension dramatique. que cela signifie, même si on est dant ici encore à la projection du D’une certaine manière le malaise loin des excès de Parme 1967) peu timbre. Du moins jusqu’à ce haut ici ressenti s’apparente à celui concerné par son personnage et frô - médium qui fut toujours le talon qu’entretenait Galina Vichnevskaïa, lant l’incident dans son fameux di - d’Achille de cette voix épique et dont autre Tosca ardente et indocile au minuendo du troisième acte. les duretés affleurent dans le très diapason, tempérament en moins. Karajan-Price-Corelli : on peut en - beau «Vissi d’arte ». En 68, la généro - Reste l’inusable Plácido Domingo, core rêver en pensant au Trovatore sité du trait confinera à une certaine soucieux de plaire à son public, lui de cette même année 1962. lourdeur, la lenteur du geste à une accordant d’ostensibles points relative atonie dramatique. On ima - d’orgue mais en difficulté sur son gine pourtant qu’à la scène l’impact premier Si et arrachant littéralement 1962-1968 : Régine Crespin et la présence de l’artiste se conju - sa «Vittoria !» avant de jouer la carte La parution sous label Ornamenti guaient de manière optimale. Il en des sanglots à l’acte III. Le Met nous de la soirée captée à Buenos Aires va de même pour Bacquier, souve - a habitués à mieux le ténor aussi. et mettant aux prises la plus grande rain à la scène et le plus souvent ré - Tosca française de l’époque, assuré - duit à un chant brutal au disque, ce ment l’une des toutes premières au à quoi échappe Taddei. Dans les 1969 : Gré Brouwenstijn monde, renouvelle très sensible - deux documents dont nous dispo - Autre déception avec cette Tosca ment notre appréciation fondée jus - sons, Gianni Raimondi n’offre quant hollandaise dirigée assez som- qu’alors sur la seule retransmission à lui qu’une réplique mordante mais mairement par Benzi et dont le seul américaine de 1968. plutôt frustre, surtout au Met, où il mérite est de rappeler les éminen- Grande voix, tempérament ar - ne cesse de détonner vilainement et tes qualités musicales et vocales dent, autoritaire autant que cajo - de surexposer ses incertitudes de d’une chanteuse dont les débuts en leur, Crespin dispose de tous les mesures. À Mehta et ses complai - Floria remontaient à 1946 à l’orée atouts de la rageuse Tosca. Mieux sances on préférera Cillario et ses d’une carrière qui devait prendre fin, langueurs. Notre Crespin est celle deux ans après la captation de ce de 1966, faute d’un live de 1964 du live , avec Léonore de Fidelio , le rôle tandem qu’elle formait au Palais de sa vie. Cette belle artiste, par Garnier avec Corelli. ailleurs fort prisée dans l’opéra wagnérien, se tire mieux d’affaire que la rigide Nilsson. Une intuition 1969 : Birgit Nilsson musicale très sûre l’incline à couler Plus ingrate encore l’intégrale de le chant puccinien dans le moule ly - 1969 qui met à nu l’inadéquation de rique post-verdien, plutôt que de l’impérieuse Birgit Nilsson au rôle cultiver un expressionnisme hors de Tosca. Ce que le studio avait de propos autant qu’étranger à sa réussi à maquiller se trahit impi - nature. Cette Tosca caresse plus toyablement à la scène, ce que mon - souvent qu’elle ne griffe, module sa traient déjà les extraits de Philadel - phrase amoureusement, sans cher - phie 1963 malgré une plus grande cher à outrepasser ses limites ou à jeunesse de timbre. Dotée de surjouer. Il s’en faut de beaucoup moyens phénoménaux qu’elle par - que son Mario soit à la hauteur d’un venait à discipliner à peu près dans enjeu aussi manifestement musical. Macbeth , la chanteuse wagnérienne Ermanno Mauro gâche la soirée, est réduite aux pires expédients plus encore que le Scarpia roturier dans le premier duo. La ligne est de Jan Derksen. Une intégrale dont raide, le rythme bancal, l’intonation on pourrait avantageusement n’ex - souvent douteuse, ainsi que le goût. traire que les passages dévolus à une Certes la suite la trouve plus à l’aise, protagoniste en soi très attachante. péremptoire dans l’aigu, toujours aussi cinglant, d’une résistance à toute épreuve, irréductible dans sa 1975 : Virginia Zeani Le cas de Virginia Zeani, captée l’année de ses cinquante ans à Barcelone en compagnie du désor - mais inévitable Domingo, est très Régine Crespin (Tosca). D.R. différent. Éclectique par nature, la Zeani, excellente comédienne dans d’arte » ciselé en ses moindres dé - les emplois les plus divers, a tou - tails ? La personnalité de Kabai - jours su faire de sa voix le vecteur vanska rend la question inutile : sa essentiel de son art. Voix timbrée, présence, vocale et théâtrale, s’im - métal incisif, tempérament incen - pose avant toute analyse de ce qui diaire, école de chant de haut vol, constitue le vrai paradoxe de l’art : l’artiste peut tout se permettre, y comment rendre le faux plus vrai compris l’extraversion la plus inso - que le vrai. Reste le choix des par - lente : son chant captive et touche. tenaires. À l’écran Sherrill Milnes Lirico de nature, son soprano spinto imposait un Scarpia sadique et frin - joint à une intelligence peu com - gant. Au disque, il chante à contre- mune de la parole théâtrale a su emploi, sa nature de baryton ly - faire des miracles. Sa Floria Tosca rique lui imposant d’étranges méritait mieux que le pirate de 1975 contorsions dans les rôles de mé - (devenu rare) où se lisent les bles - chant. Son irruption à l’acte I sonne sures du temps en dépit d’une faux à tous les points de vue, sa gamme encore étonnante de cou - mezza voce opaque n’arrangeant leurs et d’accents. pas les choses. À jouer les vilains il en oublie de phraser, comme il sait le faire, son « Ha più forte sapore », 1976 et 1983 : emporté comme le reste dans l’au - Raina Kabaivanska toritarisme. De bonnes intentions Le parallèle avec Magda Olivero toutefois et le souci de décliner les est inévitable. Une vidéo de cette visages successifs de son vil per- dernière l’aurait encore facilité, sonnage sont à porter à son crédit. d’autant que la cantatrice bulgare Domingo soigne son chant bien da - aura bénéficié de ce privilège à deux vantage qu’hier au Met et affirme reprises, en compagnie de Domingo une fois encore sa maîtrise du rôle. (1976) et de Pavarotti (1990). Nous Avec ou sans l’image cette Tosca disposons en outre de quatre por - fort bien dirigée par Bartoletti, at - Raina Kabaivanska (Tosca). traits live de la seule diva capable tentif, nuancé, équilibré, mérite de A. Zeininger. de s’inscrire dans la constellation figurer parmi les meilleures. des plus grandes. On tousse beaucoup ce soir de Disons d’emblée que celui de 1976 à Parme qui voit Bruson coiffer 1976, tiré de la bande-son d’un film pour la première fois la perruque du de Gianfranco di Bosio et celui baron Scarpia. Mal soutenue par un capté la même année à Parma pour orchestre médiocre, enlacée par un meilleure forme. Très supérieure à les débuts en Scarpia de Renato Carreras toujours à la limite de ses celle qu’elle trahit en 1983, en com - Bruson, valent par leur vérité théâ - moyens et uniformément forte , la pagnie de petites pointures vocales. trale, alors que l’intégrité vocale, Kabaivanska ne s’impose pas d’em - sensiblement meilleure en 1974, pa - blée. À preuve cette instable « non Le choix live ? raît relativement compromise en la sospiri la nostra casetta » et le rin - 1983. Chaque fois il convient de forzando sur le Si bémol de « le voci Si la vidéo est appelée à supplan - souligner l’excellence d’une tech - delle cose ». Le ton, les mots, l’élo - ter le disque live , il reste qu’avec nique fondée sur le contrôle du quence sont bien là, mais la voix ses moyens le plus sou vent rudi - souffle et de la messa di voce , le tarde à s’échauffer et ne trouvera mentaires, le disque que l’on nom - mélange des registres, la diversité son étiage qu’à partir du sublime mait hier encore « pirate » ou le té - des couleurs, l’utilisation des dis - « ed io venivo a lui tutta dogliosa ». moignage radiophonique nous pro - parités du timbre et de ses ru- Entre-temps le baryton aura fait son posent de Tosca la plupart des gosités , le soin (callassien ?) ap - entrée, magistrale et sans inutile re - interprètes inégalées du rôle et porté à chaque syllabe. Et par-des - dondance, et affirmé une autorité, quelques-uns de leurs partenaires sus tout un impact dramatique et une caractérisation et une intégrité les plus éminents, dans le feu même pathétique qui doit tout à cette vocale – sinon morale ! – qu’on ne de l’action théâtrale. Avec les trésors technique suprême, alors que l’or - retrouvera pas toujours, para- du 78 tours ils constituent l’indispen- gane vocal en lui-même n’est pas doxalement, dans ses emplois ulté - sable complément d’une disco- d’un véritable soprano dramatique. rieurs. Un « Vissi d’arte » de sa farou- graphie « officielle » déjà profuse. À un moindre degré que sa Butter - che proie, impuissante à fléchir sa S’il fallait faire un choix, nous fly la Floria Tosca de la chanteuse détermination, si bien posé, pour - retiendrions plus particulièrement, italo-bulgare paraîtra à certains so - tant, sur le souffle et tendu vers un outre le florilège Callas, la Olivero phistiquée à l’excès, artificieuse, aigu radieux et divinement filé : ce de 1957 et la Tebaldi de 1955. quand celle de Magda Olivero em - deuxième acte est un grand moment. Sans oublier Raina Kabaivanska ni pruntait plus naturellement le che - Il fait pâlir le document milanais Régine Crespin. Eleanor Steber et min du vérisme noble. Qu’importe, de 1974, lesté d’un orchestre certes Bergonzi constituent un must . si l’artifice émeut et si la parole sait mieux policé mais trop présent et toucher. Exercice de style ou d’un Scarpia de routine. La belle confession déchirante ce « Vissi Raina était pourtant ici dans une

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