Messiaen Fiche
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Histoire des esthétiques (crr_bordeaux) #7 Olivier Messiaen Olivier Messiaen (1908-1992) - Repères Né d’un père professeur d’anglais et d’une mère poétesse, Olivier Messiaen acquiert jeune une foi catholique prononcée. Après ses premières leçons de piano et d’harmonie, il entre au Conservatoire de Paris en 1919, à 11 ans. Il a pour professeurs Maurice Emmanuel, Marcel Dupré, Paul Dukas, Charles-Marie Widor. En l’espace de six ans, il obtient des premiers prix en harmonie, fugue, contrepoint, accompagnement au piano, histoire de la musique, orgue, improvisation à l’orgue, et enfin composition. En 1931, Olivier Messiaen prend le poste d’organiste à l’église de la Trinité, à Paris. Il improvise, compose beaucoup, expérimente ses idées musicales, inspirées par le plain-chant, les rythmes anciens et asiatiques, et les chants des oiseaux qui le fascinent – il décide même de devenir ornithologue. Il commence à enseigner en 1934, à l’Ecole Normale de Musique de Paris et à la Schola Cantorum. Il devient professeur d’harmonie au Conservatoire en 1942, après la Seconde guerre mondiale, durant laquelle il est fait prisonnier et compose son Quatuor pour la fin du temps. A cette période, il rencontre Yvonne Loriod, qui devient sa femme et l’interprète principale de ses œuvres pour piano. Progressivement, Olivier Messiaen se met à donner des cours d’analyse, d’esthétique, de rythme, au Conservatoire et à l’étranger. En 1966, sa classe d’analyse est instituée en tant que classe de composition. Elle attire des élèves du monde entier, parmi lesquels Pierre Boulez, Pierre Henry, George Benjamin, Karlheinz Stockhausen ou encore Iannis Xenakis. L’œuvre de Messiaen, aussi bien musicale que pédagogique, a été honorée par de nombreuses distinctions et manifestations (fondation, festival…). Ses écrits théoriques permettent d’aborder son esthétique, notamment Théorie de mon langage musical (1944). Style, techniques Olivier Messiaen est un des 10 compositeurs majeurs de la Musique Contemporaine : il se passionne pour le plain-chant, les rythmes de l'Inde (dits non rétrogradables) et surtout pour les chants des oiseaux dont il entreprend la notation et le classement méthodique (mais sans être ornithologue, comme certains le voudraient : ses identifications se sont révélées souvent erronées, ce qui n'a aucune importance artistique) ; son langage musical est unique (quasiment dès les débuts), cohérent et fondé sur la couleur (harmoniste), sur la modalité (au-delà de Debussy et Moussorgski), et sur la répétition de petites cellules rythmiques ; il n'a pas été concerné fortement par la Musique Sérielle (une seule œuvre, plutôt théorique, mais très intéressante : "Mode de valeurs et d'intensités", extraite des "Quatre Études de Rythme" de 1950 pour piano solo, comme écho pédagogique aux préoccupations de son élève Pierre Boulez, et selon les spécialistes, à raison au moins à l'écoute, plus modale que sérielle) ; beaucoup des œuvres de Messiaen sont longues (autour d'une heure), ce qui avec leurs répétitions ont engagé ses détracteurs à le taxer de répétitif sans créativité (copies des chants d'oiseaux, automatismes) : ses interprètes récents ont pu montré que la couleur peut éclairer de manière Histoire des esthétiques (crr_bordeaux) #7 Olivier Messiaen changeante ces pseudo-répétitions, même s'il est vrai que son inspiration débridée du temps de la "Turangalîlâ Symphonie" et du "Quatuor pour la Fin du temps" s'est assagie en s'approfondissant (ces 2 œuvres peuvent aussi être vues comme des parenthèses, dans un processus cohérent, moins révolutionnaire) ; la musique de Messiaen est celle de l'instant, de la certitude motrice, presque décousue, en tout cas dont la construction ne saute pas aux oreilles, par bouts juxtaposés, et aussi, de la célébration (aussi bien grandiloquente qu'intime)... Pièces emblématiques : "Quatuor pour La Fin du Temps" (1941, 1945, synonyme de modernité contemporaine), "Trois petites Liturgies de la Présence divine" (1945, piano et orchestre, utilisant pour la première fois les rythmes non rétrogradables), "Vingt Regards sur l'Enfant Jésus" (1944, pour piano, un monument projectif durant de 2 heures), "Turangalîlâ" Symphonie (1946-1949, pour très grand orchestre, délire carnavalesque), "Livre d'Orgue" (1951, pour orgue), "Oiseaux exotiques" (1956, pour ensemble, percutant), "Catalogue d'Oiseaux" (1958, pour piano, magnétique par répétition), "Chronochromie" (1960, pour orchestre, coloriste), "Sept Haïkaï" (1963, pour piano et petit orchestre, d'influence Japonaise), "Et Expecto Resurrectionem Mortuorum" (1964, pour bois, cuivres et percussions métalliques), "Des Canyons aux Étoiles" (1974, pour orchestre, cosmique), "Saint-François d'Assise" (1983, Oratorio, dernier chef d'œuvre), "Éclairs sur l’Au-Delà », 1991). - Symétries - Modes à transpositions limités - Rythmes non rétrogradables - Accords parallèles - Accords couleurs - Valeurs ajoutées - Chants d’oiseaux Couleurs : 1: Arborescences roses et noires, sur fond jaune et gris perle (accord 12A) 2 : Bandes rouges, grises et vert pâle (accord 2B) 3 : Arborescences rouges et roses, sur fond gris (accord 5C) 4 : Récif de corail rouge, entouré de rose, de gris, et de vert pâle (accord 10D) Rythmes non rétrogradables : Histoire des esthétiques (crr_bordeaux) #7 Olivier Messiaen Valeurs ajoutées : Pour commencer Le Merle Noir (1951), pour flûte et piano https://www.youtube.com/watch?v=pvX5rcoSVkM Le Merle noir, pièce pour flûte traversière & piano, est une commande du CNSM de Paris pour un concours de flûte, en 1951. L’édition date de 1952. C’est essentiellement la flûte qui tient le rôle du merle, notamment dans les deux cadences du premier mouvement. Olivier Messiaen écrivit cette pièce après une période de recherches sur le sérialisme, qui avait abouti aux Quatre Études de rythme (1949-1950). Il avait déjà composé plusieurs œuvres importantes: La Turangalîla Symphonie (1946-48), les Cinq Rechants (1948), le Livre d’orgue (1951)... Même si le Merle noir n’est pas une de ses œuvres majeures, elle n’en est pas moins très importante pour tout flûtiste. Sa composition respecte les principes énoncés dans Technique de mon langage musical, par notamment l’utilisation de couleurs modales. Messiaen et les oiseaux : ~ Au début des années 50, Messiaen propose d'ouvrir de manière spectaculaire la musique sur la nature. Il justifie ainsi sa réponse salvatrice : « La nature, les chants d’oiseaux ! Ce sont mes passions. Ce sont aussi mes refuges... que faire, sinon retrouver son visage oublié quelque part dans la forêt, dans les champs, dans la montagne, au fond de la mer, au milieu des oiseaux ? C’est là que réside pour moi la musique ».~~ ~~~ ~~~~~~ ~~ ~~~~~~~~~~~~~~~ ~ ~~~~ ~ ~ ~~~~~~~~~~~ ~~~~~~ ~ ~~~~ Dès l’âge de 14 ans, Messiaen transcrit ses premiers chants d’oiseaux.~ ~ ~Mais, à partir du printemps 1952, par le truchement~~~~~~~~~~ de son~~ ~~~~~éditeur, Gilbert Leduc, Messiaen prend contact avec l’ornithologue Jacques Delamain qui l’invite dans sa propriété des Charentes, « La Branderaie de Gardépée ». Là, débute son inlassable rédaction de 300 carnets de notations des chants d’oiseaux transcrits d’abord dans les provinces de France puis dans le monde au gré de voyages dont certains accomplis dans le seul but ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ d’écouter un oiseau inédit. Quant à sa méthode, Messiaen nous livre ses secrets : « Le moment favorable, dit-il, est le printemps, la saison des amours, c'est-à-dire, les mois ~~~~~ d’avril, mai et juin [...] Les meilleures heures de la journée correspondent au lever et ou coucher du soleil ». Cellule « génératrice » (mes.3) en trois groupes (merle) cellule/développement/désinence ~~~~~ ~~ ~~~~ ~~~~~ ~~~~ ~~~~~~ ~ ~~ ~ ~~~~~~~ ~~~~~ ~~~~~~ ~~ ~~~~~ ~~~~~~~~~ ~~ ~~~~~~~~~~~~~~~~~~ ~~~~~~~~ ~~~~~~~~~~~ ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ Histoire des esthétiques (crr_bordeaux) #7 Olivier Messiaen Une œuvre clé Chronochromie pour orchestre (1960) https://www.youtube.com/watch?v=VfE6GF9Wtf0 En 1960, la création de Chronochromie suscita un scandale mémorable. Deux ans plus tard, lors de son interprétation au Théâtre des Champs-Elysées, un auditeur ira même jusqu’à agresser le compositeur en coulisses. Il s’agit de l’une des œuvres les plus exigeantes et radicales de Messiaen, et, comme il le dira lui-même, du « résultat de sa dernière résurrection ». Cette Chronochromie, ou couleur du temps, se rapproche aussi de la notion de paysage sonore : on y trouve la référence à de nombreux chants d’oiseaux issus du monde entier, ainsi qu’à des torrents montagneux des Alpes. Couleurs, temps, nature, paysages, on vous en dit plus sur ce monument de la musique du XXème siècle et son rapport à l’environnement qui nous entoure. « La musique est un perpétuel dialogue entre l’espace et le temps, entre le son et la couleur, dialogue qui aboutit à une unification : le temps est un espace, le son est une couleur. […] Le musicien qui pense, voit, entend, parle au moyen de ces notions fondamentales, peut dans une certaine mesure s’approcher de l’au-delà. » Au delà de son goût pour l’ornithologie, Messiaen a également beaucoup parlé de son attrait pour le phénomène de la s y n e s t h é s i e , q u i p r o v o q u e u n e superposition des sens chez certaines personnes. Elle peut être de différente nature : là où quelqu’un associera des goûts aux mots, un autre associera des couleurs aux sons. Bien que Messiaen ne fût pas atteint de synesthésie, il a malgré tout utilisé ce phénomène de manière théorique pour parler de sa musique et pour traduire des complexes de couleurs en sons. Chronochromie repose aussi sur une autre préoccupation que Messiaen avait à l’époque : la manipulation des durées musicales. De la même façon que les oiseaux chantent dans un présent toujours renouvelé, et que les montagnes s’ancrent dans la Terre de façon inamovible, le temps musical de Chronochromie existe dans un cadre plus que dans un flux. De ce fait, la répétition et la stase deviennent plus importantes que la progression ou le développement. C’est donc au sein de cette décomposition du temps, autant scientifique que synesthésique, qu’apparaissent des ensembles de couleurs, souvent par groupes d’instruments, pour évoquer des paysages naturels vierges et figés dans le temps.