Approche Géoarchéologique De La Vallée De La Laigne
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APPROCHE GÉOARCHÉOLOGIQUE DE LA VALLÉE DE LA LAIGNE Christophe PETIT*, Patrice WAHLEN, Philippe BARRAL**, Laurent BERTI, Gilles BOSSUET**, Christian CAMERLYNCK***, Anne DELOR, Christophe DURLET****, Emilie GAUTHIER**, Jean-Paul GUILLAUMET*, René GOGUEY, Roger GUERIN***, Hervé RICHARD** Abstract The conclusions from the research project in the Laigne Valley show the relevance of the geoarchaeological approach conducted on two scales of investigation. The first, over the entire alluvial plain, allows general data to be collected which characterise the specific functions of each catchment basin during the Holocene period : determination of sedimentary sequences, evolution of vegetation and phases of human occupation. The second is a geoarchaeological approach on the scale of a test site: it demonstrates and dates as precisely as possible, interactions between natural events and human activities, which reveal changes to the entire catchment basin. Résumé Les conclusions issues de l’expérience menée dans la vallée de Laigne mettent en évidence la pertinence de la démarche géoarchéo- logique menée à deux échelles d’investigation. La première, conduite sur l’ensemble de la plaine alluviale, permet de recueillir les données générales qui caractérisent le fonctionnement spécifique de ce bassin-versant pendant la période holocène : détermination des séquences sédimentaires, végétales et des phases d’occupations humaines. La seconde est celle d’une démarche géoarchéologi- que menée à l’échelle d’un site-test : elle met en évidence et date de la façon la plus précise possible des interactions entre événe- ments naturels et activités anthropiques, interactions révélatrices des mutations de l’ensemble du bassin-versant. INTRODUCTION La démarche entreprise sur la vallée de la Laigne La table ronde a été l’occasion de présenter les depuis 1996 a pour objectif l’appréhension, à tra- principaux résultats de la recherche thématique vers l’évolution d’un terroir de l’Antiquité à nos mené à l’échelle de la vallée, ainsi que ceux de la jours, des interactions entre les milieux naturels et fouille géoarchéologique du site de Molesme «Sur- les activités anthropiques et, dans cette perspec- les-Creux» où il a été possible d’étudier en détail tive, la mise en œuvre d’une approche combinant la relation entre un établissement laténien, puis géologie et archéologie. En effet, dans le cadre gallo-romain, situé immédiatement en bordure de d’une recherche visant à élaborer une reconstitu- rivière, et la dynamique alluviale. Par ailleurs, la tion des paysages historiques et de leur évolution, recherche conduite sur l’occupation de la vallée une collaboration s’est instaurée entre historiens, et tout particulièrement des aménagements de la archéologues et géologues. rivière (gué, pont, moulins...) ne s’est pas limitée * Centre des Sciences de la Terre, UMR 5594 CNRS, Université de Bourgogne, 6 Boulevard Gabriel, F- 21000 Dijon - e-mail : [email protected] ** Laboratoire de Chrono-écologie, UMR 6565 CNRS, Université de Franche-Comté, UFR Sciences et Techniques, 16 route de Gray, F - 25030 Besançon Cedex. - e-mail : [email protected] - e-mail : [email protected] *** Laboratoire de Géophysique appliquée, UMR 7619 CNRS, Université de Paris VI, Tour 25, F - 75000 Paris - e-mail : [email protected] **** Centre des Sciences de la Terre, UMR 5561 CNRS, Université de Bourgogne, 6 Boulevard Gabriel, F- 21000 Dijon - e-mail : [email protected] 23 MOLESME EN VALLÉE DE LAIGNE Petit Ch. et alii - Approches géoarchéologiques de la vallée de la Laigne. aux seules époques protohistoriques et antiques, médiévales et modernes ont été synthétisés dans qui font l’objet du présent article ; les résultats issus un ouvrage paru en 1998 (Berti et alii 1998, p.12 et en partie des nombreuses sources archivistiques 75). 1. DONNÉES GÉNÉRALES Fig. 1. Le bassin versant de la Laigne. 1.1. Les caractéristiques du paysage La nature essentiellement calcaire du bassin ver- sant induit une sédimentation de la plaine alluvia- La Laigne est un affluent de rive gauche de la le principalement constituée de sédiments autoch- Seine (Fig. 1). Son bassin versant, qui avoisine les tones, de nature organique (tourbes et sols noirs 590 km2, est délimité au sud par sa résurgence de marécageux) ou carbonatée, qui résultent de la Laignes et au nord par son point de confluence avec précipitation des carbonates en solution dans l’eau le fleuve à Bar-sur-Seine. Il se structure en trois de la rivière : barres de concrétions et travertins. unités géomorphologiques : les plateaux calcaires, La présence de sédiments argileux et limoneux les versants marno-calcaires et la plaine alluviale traduit des apports détritiques mis en place par parcourue par la Laigne. Ce cours d’eau présente ruissellement le long des versants, apports redis- un débit modeste : l’apport moyen annuel est de tribués par le cours d’eau dans la plaine alluviale. l’ordre 5 à 10 m3/s, soit un débit mensuel d’étiage L’abondance du matériel détritique révèle donc compris entre 0,5 et 1 litre/seconde/km2 mesuré l’érosion des sols des plateaux et des versants à la station hydrologique de Molesme ; il trace de (Bichet et alii, 1997). nombreux petits méandres au sein d’une large val- Si les plateaux sont largement cultivés, rebords et lée sinueuse. Des zones marécageuses subsistent le versants sont partiellement boisés ; des prairies long de cette plaine alluviale, en particulier dans le et de rares cultures composent le paysage de la méandre abandonné de la Ferme de la Motte, ainsi plaine alluviale (Fig. 3). qu’au lieu dit «L’Abîme», au nord de Molesme, en bordure orientale de la plaine (Fig. 2). 25 Petit Ch. et alii - Approches géoarchéologiques de la vallée de la Laigne. 1.2. Repères historiques L’occupation humaine de ce secteur, attestée par l’archéologie, la photographie aérienne et les sour- ces documentaires, est continue au moins depuis la Protohistoire (ce volume, R. Goguey). Toutes les périodes historiques sont ici représentées sans grand hiatus chronologique et réparties sur l’en- semble du secteur. Deux cartes ont été réalisées, qui permettent de rendre compte de l’occupation de ce terroir, d’une part aux périodes préhistorique, protohistorique et gallo-romaine (Fig. 4) et d’autre part au cours des périodes altimédiévale, médiévale, moderne et contemporaine (Berti et alii, 1998, p.12 et 75). 1.2.1 Le Paléolithique Les premiers témoignages de l’occupation humaine de la vallée remontent à la Préhistoire, mais restent rares. Il y a environ 15 000 ans, des chasseurs nomades s’installent temporairement dans l’abri-sous-roche de la grotte de la Baume à Bâlot, au sud de la ville de Laignes sur les flancs de la vallée, aujourd’hui sèche, mais qui était alors active (site moustérien et magdalénien). 1.2.2 Le Néolithique Cette époque a laissé peu de traces dans le pays. Deux pôles d’occupation peuvent être cependant individualisés : - l’un au pied de la Côte du Châtillonnais avec les sites de Nicey et de Griselles ; - l’autre, de part et d’autre de la vallée, sur les pla- teaux de Molesme et de Vertault. Fig. 2. Sites d’étude sur la vallée de la Laigne. Les quelques haches polies découvertes fortui- tement près de Laignes et de Nicey attestent cependant des premiers défrichements d’une forêt qui s’est progressivement développée depuis le réchauffement climatique amorcé il y a 10 000 ans. 1.2.3 De l’âge du Bronze à la Tène moyenne À l’époque protohistorique, l’occupation de la région se fait plus dense, mais c’est surtout dans la vallée de la Seine que se concentrent les témoi- gnages archéologiques des âges du Bronze et du Fer dont la luxueuse tombe princière de Vix (vers 525 av. J.-C.). Dans la vallée de la Laigne, les indi- ces d’occupation sont en revanche beaucoup plus rares : - deux enclos circulaires ont été repérés, l’un à Marcennay et l’autre aux Riceys. Avec le mobilier Fig. 3. La vallée de la Laigne vue vers le Sud : au lithique découvert à Vertault, ils constitueraient premier plan, le méandre fossile de la Motte et, les seuls témoignages de l’âge du Bronze connus derrière, le plateau de l’oppidum de Vertillum. Le dans cette région, mais aucune occupation n’est site archéologique de Molesme se situe sur le bord attestée avec certitude au Hallstatt. droit du cliché. - le plateau de Villedieu recèle quelques tumuli. MOLESME EN VALLÉE DE LAIGNE Petit Ch. et alii - Approches géoarchéologiques de la vallée de la Laigne. Fig. 4. Carte archéologique de la vallée de la Laigne (Préhistoire – Antiquité). 27 MOLESME EN VALLÉE DE LAIGNE Petit Ch. et alii - Approches géoarchéologiques de la vallée de la Laigne. Découvert fortuitement à la fin du siècle dernier, petites villae exploitaient les terres des versants le magnifique bracelet celtique de Molesme déposé et des plateaux qui présentent des sols de qualité au Musée de Troyes, est daté de la Tène moyenne. médiocre, mais légers. Certaines de ces villae sont La carte archéologique ne montre pas d’occupation probablement à l’origine des villages médiévaux et importante avant la Tène finale, alors qu’en vallée actuels ; ainsi le village de Pouilly (Poliacum) qui a de la Seine elle s’avère dense ; il faut donc rester précédé celui de Molesme au haut Moyen Âge, est prudent quant à la transposition des données certainement issu d’une villa antique. d’une micro-région sur une autre, pourtant proche - le second s’étend le long de la Côte Chatillonnaise : et présentant de nombreuses ressemblances mor- les villae de Nicey et de Lornay ont été implantées phologiques. sur les terres les plus riches de la région. Elles se caractérisent par leur grande taille et leur aspect 1.2.4 La Tène finale luxueux qui rappellent les grandes exploitations L’occupation laténienne finale est beaucoup plus du monde méditerranéen.