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PRÉ LIMINAIRES.

ILe •teiiuiI .. IinasIon roniithie juisqiiauii (ap.(Iens.

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La ligne qui marque aujourdhui le contour extérieur des deux départements de la Maenne et de la . nous peut servir assez bien à figurer létendue (le lancienne province du Maine, du moins au Nord et à lOuest. Il suffit, pour en dessiner la carte exacte, de remonter la frontière méri- dionale de ces deux départements, au-dessus de Craon, de Chàleau-Gontier et de La Flèche qui appartenaient àlAnou, et de reprendre au département de Loir et Cher, Montoire et Mondou Heau. Lorigine de cette circonscription territoriale est fort an- cienne; pour en découvrir les premières traces, il faut se reporter à une époque antérieure même à la fondation de la monarchie franque. Lorsque César vint, à la tête de ses légions, installer la domination romaine dans les Gaules, il trouva ce pays habité par trois peuplades, qui sétaient réunies en confédération sous le nom dAulerques. Toutes trois étaient groupées autour dune cité: les Cénomans, près (le Subdinnum (); les Arviens, près de Vagoritum (Sauhres) ; Is Diablintes, près rie Neoduniim (,Iutrlains)

Docuniert

I I I I I! I 11111 I II 0000005611133 j - 1-- Comme toutes les autres confédérations de la Gaule, les Aulerques vivaient isolément; aucun lien ne les rattachait à une volonté unique et centrale; aussi, quand ic jour du péril arriva, ils ne purent opposer de résistance efficace au flot de linvasion, et subirent le joug de létranger. César, qui voulait faire oublier aux Gaulois leur défaite, adoucit pour eux les amertumes de lhumiliation en respectant leur autonomie. Sous Auguste, qui, le premier, donna une organisation politique à la Gaule, les Aulerques furent compris dans la province appelée Lyonnaise, dont le gouverneur résidait à Lyon, et se transformèrent peu it peu au contact des colonies romaines qui venaient chaque jour simplanter an milieu deux. Chaque cité avait un sénat municipal (curia) délibérant sur ses intérêts, et des décurions chargés tantôt dadministrer ses revenus, tantôt de rendre justice aux citoyens dans les causes de simple police municipale. Tous ces magistrats étaient choisis parmi les indigènes possédant 25 arpents de terre. Un agent du fisc impérial percevait un impôt foncier dans la proportion dun vingtième (lu revenu, et une contri- bution personnelle sur les citoyens libres. Les historiens saccordent à reconnail re que ladministration :romaine, pendant les deux premiers siècles, loin dêtre défa- vorable à la prospérité (le la Gaule, développa au contraire chez elle, le goùt du commerce et de lindustrie (I) et accrut notablement le bien-être des habitants. Nous nen voulons dautre preuve que les débris dhabitations qui ont été mis au jour par des fouilles récentes à Jublains (); les moindres vestiges de cet âge portent lempreinte du luxe et du confor- table, tout y révèle la richesse et la splendeur. Au 1110 siècle, la Gaule commence à ressentir le contre-coup des maux qui minent sourdement la société romaine. Le sceptre du protecteur devint la verge du tyran. Aussi long-

(1) Cadurci, Caleti, Bituriges, ultimique horninum existiinati Morini, imo vero universm Gallioe vela texunt. Plinius major. - Hist. nat. L. XtX, C. Il ( Voir la notice de M. Barbe, sur Jublains. Le Mans 1865. temps que les légions gardèrent intactes leurs conquêtes, les Empereurs prélevèrent sur leurs sujets de quoi satisfaire les prodigalités insensées de leurs débauches, et rassasier lavidité des préfets du prétoire et des gouerneurs, sans trot) pressurer les populations. Mais lorsque lEmpire fut amoindri par les invasions des barbares, les exigences du fisc devinrent écrasantes. Pour combler les vides du trésor, ils imaginèrent de créer de nouvelles provinces en subdivisant les anciennes, et leur imposèrent les tributs quils avaient perdus. Lexpédient était sûr mais désastreux. Des quatre provinces qui existaient en Gaule sous Auguste ils en firent jusqu à dix-sept. Les Aulerques furent compris successivement dans la 2 Lyonnaise, dont le centre était à , et dans la 3e Lyonnaise ayant pour cher- lieu lours. Alors une lutte sen- gagea entre les agents du fisc, les collecteurs et les contribua- bles, lutte qui aboutit à la ruine des vainqueurs et des vaincus. « Partagés sans cesse entre la crainte de voir leurs moissons ravagées par les incursions des barbares et celle dêtre « dépouillés du produit de leurs récoltes par les exactions du « lise, les habitants des campagnes préféraient vendre leur u liberté aux monastères qui jouissaient dexemptions. La « classe moyenne des curiales nétait pas plus heureuse, car « chacun de ses membres était tenu de remplir la charge de « collecteur, or comme ils étaient responsables sur leurs « biens de lacquittement total des tributs et que les contri- « [mables étaient insolvables ou très rares, il sensuivait que e le fardeau de limpôt (I) retombait tout entier sur eux.... « Ruinée par cette oppression la classe des curiales ne tarda « pas à disparaître, les uns se firent brigands, les autres tom- « bèrent dans les classes inférieures et grossirent tes rangs « des esclaves. » Cest en vain que les populations auraient essayé de secouer leur joug, un réseau de fer les enveloppait. Home avait remis dans les mains des rouverneurs des villes des pouvoirs considérables. Le même homme était interprète do droit et dépositaire de la force, accusateur public, juge et exécuteur dans les causes pénales, commentateur du droit

1) Pour se faire une juste idée de cette époque lamentable, il tant lire le très-remarquable tableau quen a tracé Iv. Albert de Broglie. -- LEglise et lEmpire romain au iv" siècle. -- - dans les causes civiles, juge et partie dans les causes politiques. Les derniers Empereurs pourtant sémurent des plaintes que soulevait partout cette omnipotence, et permirent aux villes un délire protecteur (defensor civitatis) pour défendre leurs intérêts contre loppression. Les réclamations de ce magistrat allaient directement au préfet du prétoire, sans passer par la filière (les autorités provinciales, privilége qui lui donna une grande prépondérance dans les affaires. Dans presque toutes les villes qui, comme Snbdinnum (Le Mans), avaient Llfl siège épiscopal, les fonctions (le defensor ewitatis étaient confiées à lévêque, autant par déférence pour son mérite, (lue par considération pour sou caractère. Comme il exerçait un grand prestige moral, il lemporta peu à peu en influence sur le gouverneur, et se trouva même bientôt en possession (le certaines prérogatives de la puissance publique. Au lieu de recourir à la juridiction du gouverneur, souvent suspect de servilité, les fidèles préférèrent soumettre leurs contestations à laudience épiscopale, où le juge tàcliait toujours de terminer les procès à lamiable. Cette magistrature sétait si bien im- plantée dans les moeurs, que vers la fin de lEmpire, Arcadius voulut la régulariser, et déclara que désormais les sentences rendues par les évêques auraient le même effet légal et obli- gatoire que les sentences (les tribunaux civils. Une fois sanctionnée, la juridiction épiscopale ne fit (lue sétendre, et elle arriva insensiblement à connaître des délits qui touchaient de près ou de loin aux personnes ecclésiastiques et de ceux dont les églises étaient le théàtre. Cest là sans aucun doute lorigine du pouvoir judiciaire que les évêques nont cessé dexercer dans les villes de leur résidence pendant tout le cours du moyen âge. Malgré les remaniements successifs qui avaient bouleversé la Gaule sous ladministration romaine, les Diablintes, les Arviens et les Cénomans sétaient maintenus ensemble sans se morceler, ni se fondre avec leurs voisins. Sans compter les liens de la tradition, lévêque des Cénomans, en traçant autour djeux les limites de sa juridiction spirituelle,spirituelle, navait pas peu contribué à conserver cette unité. Les Mérovingiens firent du diocèse une circonscription adminiative,str et y préposèrent nu comte qui ne tarda pas à - 7 -- lériger en petit royaume. Il y rendait la justice, levait des guerriers, battait monnaie, en un mot exercait tous les droits de la souveraineté. Quand il siégeait à son tribunal, il était environné de sept rachimbourgs élus par le peuple et avec son concours, lesquels lui tenaient lieu de conseil. Lappel de ses sentences ressortissait au plaid du palais. Dans lacité des Cénomans, son autorité se trouvait réduite à celte dun chef militaire, car le régime municipal y fonctionnait encore comme sous les Romains. Un acte de Cliildebert I, ainsi que les testaments de saint Bertram et (I) saint Hadouin ne laissent aucun doute à cet égard; la curie publique, le défenseur de ta cité, le curateur, le principal, les prudhommes (boni hommes), les registres publics y sont expressément nommés. De pins, lévêque, par droit dancienneté et par ses lumières, y conservait le premier rang. Le rôle darbitre quil était alors fréquemment appelé à remplir dans les querelles dintérêt qui divisaient les vainqueurs et les vaincus avait singulièrement accru limportance de sa dignité; il présidait au guvernemetnt temporel et spirituel, et battait monnaie (2) comme un souverain. Lorsquen 66i Clotaire 111 octnoa aux Cénomans la faculté délire leur comte, il conféra nième à lévêque te droit de veiller à ladministration générale du pas. Lacte de concession portait que ce chef ne pourrait entrer en fonctions avant davoir été soumis à lélection des abbés, des prêtres, des habitants, et â celle de lèvégue. (3) Sons les Carlovingiens, le Maine (nous pouvons maintenant nous servir de ce nom) perdit un instant son indépendance, et fut placé, comme toutes les autres provinces (le lEmpire, sous la surveillance des envoyés royaux (missi dominici) qui visitaient quatre fois par an lespagi, senquéraient des plaintes, réformaient tes abus, désignaient les scafjji (lui devaient rendre la justice et recevoir les réclamations relatives aux

(1) Cauvii,. -- Histoire de la municipalité du Mans, page 69 et suiv. () Ilucher, monnaies du Maine. (3) Ada epise. cnuoni. S. Iterarius, - Haluii wiseellanca, t. lii. impôts. Les juges au lieu dêtre, comme autrefois, des jurés ou rachiinbourgs prononçant sur le sort de leurs pairs, devin- rent des magistrats royaux. Une hiérarchie de tribunaux fut établie, dont le -l e, degré commençait au centenier juge de simple police, et dont le dernier finissait au comte et aux mssi chargés de juger les affaires capitales. LEmpereur sétait réservé un certain nombre de cas tels que les causes des ecclé- siastiques et celles des grands, il ne refusait même pas den- tendre les causes des autres sujets, mais il ne voulait être juge quen dernier ressort. Néanmoins les appels à la barre impé- riale furent nombreux, car un capitulaire de 810 nous apprend que le palais était troublé par les cris des plaideurs. Outre le mauvais état des voies de communication, et la vaste étendue de lEmpire, beaucoup dobstacles sopposèrent à laffermissement de loeuvre entreprise par . Malgré tous ses efforts pour rallier les provinces autour de son sceptre, elles manifestèrent la même tendance à lisolement que sous les Mérovingiens. Le comte du Maine, à lexemple des autres seigneurs, se rendit indépendant et se fit prètel serment de fidélité par tous les hommes de son obéissance. Au milieu dune société livrée à lanarchie et sans cesse exposée aux invasions étran- gères,. les guerriers éprouvaient le besoin de former une fédération compacte; tons se faisaient vassaux des hommes puissants. Charlemagne saperçut bieniM que cette association tendait à soustraire la plupart de ses sujets à son autorité, mais il nosa la détruire. Il essaya seulement datténuer le mal en dispensant les hommes libres doffrir des présents aux comtes, et en défendant aux puissants duser de violence pour acquérir les terres de leurs vassaux. Vains efforts! Un nouvel état de choses était là en germe, il devait, bon gré mal gré, se produire et se développer. - 9

CHAPITRE I.

Le Maine sous la féodalité. ConrisIun de la souve- raineté avec la propriété.— Hiérarchie des personnes et des terres.

Sous les derniers Carlovingiens, la transformation que Charlemagne sétait efforcé de ralentir prit des accroissements prodigieux. A mesure que le pouvoir central sénervait, ]a violence sinstallait partout en maitresse, les provinces guer- royaient contre les provinces, les cités contre les cités. les habitants du Maine qui, par leur situation périlleuse, se trouvaient exposés aux convoitises des Angevins, des Bretons et des Normands, se hatèrent de pourvoir eux-mêmes à leur défense. rFS depuis le comte du Maine et le chef I) mili- taire préposé aux marches de Brctague jusquaux simples propriélaires, sérigèrent en potentats dans leurs domaines. Alors, dans toutes les parties du Haut et du Bas Maine, au milieu des campagnes, comme sur les bords de la Sarthe et de la sélevèrent dinnombrables donjons. Tout possesseur de terres, petit ou grand, voulut avoir un manoir entouré de murailles crénelées, des ponts-levis, des fossés profonds pour se protéger contre les agressions de lennemi. Les vasseaux libres et serfs qui trouvaient protection à labri de la forteresse fodalc, ne reconnurent bientôt plus que leur protecteur pour souverain. Chaque localité devint un petit état séparé, dont le défenseur exerçait tons les droits régaliens, faisait la paix et la guerre, rendait la justice, levait (les impôts, battait monnaie. Comme on vivait dans un état de guerre continuelle, chaque petit seigneur réclamait lappui dun voisin phis ricliu que lui; celui-ci, à son tour, nétant pas assez fort pour résis- ter, salliait à un plus puissant; dc telle sorte que, dans le plus Petit comté, le suzerain pouvait a% oir jusquà cinq ou six rangs

liiy Villa, fondateur de la maison de Laval. - U) - darrière -vassaux. Ainsi se forma celte immense hiérarchie quon a appelé le s ystème féodal, et dont tous les membres, à quelque degré que ce fùt, étaient liés par un serment et des obligations réciproques. Chacun chercha un refuge dans cette association et voulut savouer le vassal de quelquun, i tel point que lhomme sans aveu passait pour un vagabond. Nulle terre sans seigneur disait-on. Les biens des évêchés, des cures, et des abbay es furent soumis aux mêmes sujétions que les autres, rien néchappa à cette fédération. Le seigneur sengageait secourir son vassal dans ses dangers, à lassister dans sa détresse; mais en échange le vassal se faisait son homme-lige par lhommage de son travail et de sa vie. Ce dernier, sil était de noble race, venait lotis les ans au manoir de son seigneur lui jurer fidélité envers et contre tous et lui apportait en signe de vassalité, des gants, des éperons ou une épée. Les barons de Mayenne, de Lavai, de Beaumont et de Chàteau-du-l.oir, après avoir reçu le serment de leurs inférieurs, remplissaient le même devoir, le genou en terre et tête nue, devant ic comte du Maine qui, à son tour, allait faire hommage au roi, suzerain du duché de . Quand il était de condition humble, il se rendait aux assises que touait le soigneur devant les douves (10 castel, à lombre darbres séculaires, et, après avoir fait le dénombrement de ses terres, il pavait une redevance. En temps de paix. le vassal noble envoyait au donjon du suzerain immédiat deux hommes de sa mouvance pour faire le guet et, quand la guerre éclatait. il le suivait avec un certain nombre dhommes, armés à ses frais, pendant hO jours. Le comte lui-même, dernier anneau de la chiaiue qui rattachait le Majiic à la couronne, ne se croyait pas tenu à un plus long service envers la Royauté, encore se réservait-il le droit de reconnaitre si la guerre in)ércssait ou non la nation en général. Au milieu de ce mnor- celiemnent, le roi lirapparaissait plus comme le premier magistrat de La société, il nétait que le suzerain des fiefs composant le duché de France. li était impossible quun pareil système de gouvernement ne devint pas désastreux autant pour les intérêts généraux (hie particuliers, et ne substituât pas le règne de la force a celui de la justice. Dans toute la chaîne féodale, il ny avait

-- -. 11 pas un pouvoir assez fort ou assez respecté pour être en état dimposer la loi aux autres, de garantir les droits ou laccom- plissement des devoirs de chacun. Le seigneur sarrogeait le droit de vie et de mort sur ses gens; il en usait et abusait à sa guise sans que personne osât lui demander compte de sa conduite. Si quelquun de ses manants venait lui demander justice, sans sinquiéter de rechercher la vérité, il laissait au hasard le soin (le lui indiquer le coupable et sommait les parties de se battre en duel, de plonger leur main dans leau bouillante, ou dans un gantelet rougi au feu. Quand il lui prenait fantaisie de faire une chevauchée, il sautorisait, au nom du droit de pourvoierie, à prendre pour son usage les chevaux, voitures et denrées de ses vassaux. Quelque nom- breuse que fût sa suite, il fallait lhéberger et la traiter co- pieusement, ou sinon encourir sa colère. Tous les ans il s obligeait ses vas aux à faner le foin (I) de ses prés, à couper ses blés, à récolter ses moissons, à réparer les murs de son château. Sil mariait sa fille, armait son fils chevalier, ou tombait prisonnier, il exigeait un surcroît de. redevances. Lui plaisit-il dentretenir un colombier et une garenne au détri- ment des récoltes voisines, personne ne lui contestait ce droit. On ne pouvait moudre son grain, cuire son pain, fouler son drap et pressurer son raisin ailleurs quau tour ( e), ait et au pressoir du seigneur.

Les bourgeois dans les villes ne subissaient pas moins dexactions. Ils ne pouvaient franchir une porte ou un pont, passer dun quartier dans un autre, sans acquitter des droits de barrage, de péage ou de pontage, et ouvrir boutique sans payer un droit détalage. Pour un bnuf, une va lie, une pipe de vin ou une charge de blé qui sortait du fief, on pavait

(1) Aich. de la Sarthe. E. 57. () Ce monopole féodal, comme beaucoup dautres, sest per- pétué jusquà 1789. Vers le milieu du xvii siècle, un habitant dAvesnières intenta une action au marquis de Villaines, son seigneur, qui voulait lempêcher de bâtir un four pour cuire ses échaudés. craquelins et cimmereaux qui se vendaiciit aux assemblées. et perdit sa cause. [Cent. du Maine. l.eldaue de la \ignolle.. p. 1). I -- t denier, pour le menu bétail. I maille, pour les objets mobi- liers, 4 deniers par charrette et 2 deniers par charge de cheval. Si lon ajoute à toutes ces contributions les droits de main- morte et de contrat, on avouera que si les seigneurs proté- geaient leurs vassaux, ils ne leur rendaient pas ce service gratuitement. (1) Mais les inconvénients du s)stème féodal néclataient nulle part mieux que dans Fadministralion de la justice. On ne saurait simaginer à quel désordre le ro yaume tout entier a été condamné par suite de celte confusion du droit de jus- tice avec le droit de propriété que les seigneurs féodaux re- gardaient comme une seule et même chose. Ce quil a de plus étrange, cest que cet abus a subsisté jusquen 1789. Fief et justice sont tout un, tel était laxiome sur lequel re- posait la coutume. A chaque degré de la hiérarchie féodale, les seigneurs avaient érigé des tribunaux, et comptaient au- tant de justiciables quils avaient de vassaux. La plupart même exerçaient double juridiction une de première instance sur les hommes de leur mouvance, et une dappel sur la mou- vance des vassaux (lui leur rendaient hommage. Il était admis en principe quun sujet qui essuait un dent de justice ou se croyait niai jugé, pouvait successivement porter sa cause de- vant les seigneurs supérieurs jusquà extinction; mais on conçoit aisément que, dans la réalité, il lui aurait été difficile duser de cette faculté. Tant de justices et de juridictions enchevêtrées et enclavées les unes dans les antres par les [nutations de propriété ne pouvaient se mouvoir sans se froisser; aussi les cnnliits et les complications naissaient à chaque différend. Quelle autorité aurait été capable de déterminer le ressort et la compétence de tous ces tribunaux? La coutume avait bicn attribué la justice à san g aux puissants seigneurs , aux hauts justiciers et laissé la simple police aux petits seigneurs, muais elle na- vait rien précisé de plus. Ce serait donc tenter limpossible que de vouloir donner une nomenclature des justices établies

1) Voir les panca rtes des droits (le petite et grande coutume perçus à Lavai cl à Sabk (Ân,iiiairc de la Maveimne 1860, P. 21 .i-ch. dIndre-et-Loire. C. 248 1:1 - dans le Maine ce que nous pouvonsaftirrner avec le moins dhésitation, cest quil existait quatre grandes justices au centre des baronnies de Mayenne, de Beaumont (I), de Lavai et de Chàteau-du-Loir, auxquelles ressortissaient toutes tes sentences rendues dans les fiefs inférieurs. Le siège du Mans, étant celui du suzerain, jugeait en dernier ressrt. Outre cette juridiction supérieure, le comte du Maine avait, comme tous les vassaux dans leurs domaines, une juridiction directe sur une partie de la ville du Mans et sur les fiefs quil possédait eh et là dans le comté. Ainsi il parait certain, daprès la légende diiii sceau conservé aux archives de 1Em- pire, quil avait un officier à Bourgaouvel 2) dans la ba- ronnie de Mayenne, pour v rendre justice en son nom et y percevoir des droits féodaux. Parmi les juridictions importantes du daine, il faut encore mentionner celle de lofficialité du Mans, justice bien distincte de celle quexerçaient le chapitre et lévèque dans leurs do- maines comme seigneurs féodaux. Ce quen dit Ijeauma- iioir (3) dans son curieux recueil des coutumes du Beauvoisis, nous ferait croire que la compétence des tribunaux ecclésias- tiques était la mieux déterminée. Il leur attribue la connais- sance des accusations de sorcellerie, dhérésie, des différends qui sélèvent avant et pendant le mariage au sujet de lunion et de la parenté, des cas de séparation entre époux, des con- testations relatives aux legs pieux, des torts faits à ceux qui tiennent des biens déglise et aux veuves, de lexécution des testaments, des refus de payer la dîme, et (le tous procès pour actions personnelles entre clercs. Lappel des sentences de ------___ (1) Leblanc de la Vignolle affirme avoir Vil dans un vieux registre de la Chambre des Comptes que ces quatre baronnies existaient SOUS Philippe-Auguste. (Comment. de la Coutume du Maine. BibI. de Lavai). (2) Inventaire des sceaux, n 4531. M. De a publié. dans le bulletin de la Société archéologique de Mayenne, un petit mémoire où Ion trouvera expliquée, avec beaucoup de sagacité et dérudition, lorigine de cette petite justice, qui a existé dans le Bas-Maine jusquen 1789. 3) T. 1, P . 16. 11 - lofficialité se portait successivement devant le doyen, lévê- que, larchevêque et le pape

Louis-le-Gros entreprit de mettre un ternie à létat dinco- hérence quavait créé partout lorganisation nouvelle, en ren- dant à la Royauté le rang et le pouvoir que son titre lui assi- gnait. La féodalité étant trop forte pour être renversée, il chercha du moins à la régulariser et se fit le représentant de la justice et de lordre. Dans beaucoup de provinces, Louis- le-Gros poursuivit son but avec laide de la nouvelle bour- geoisie dont il favorisait lémancipation ; mais il ne trouvait pas le même appui dans le Maine. Lassociation communale, formée par les habitants du Matis en 1071 contre le despo- tisme de Geoffroy de Mayenne, tuteur de leur comte, avait été violemment rompue par lintervention armée de Guil- laume-le-Conquérant, et toutes les franchises municipales sétaient, évanouies. Le roi eut alors recours à un moyeu qui West pas souvent sans succès, il caressa la vanité de son non- veau vassal Foulques d, qui, par son mariage avec Eremburge, fille unique dHôlie de La Flèche, était devenu comte du Maine, en le nommant grand sénéchal de France. Ce titre lui conférait le privilège de porter la bannière rovae et de commander lavant-garde de larmée. 0u ne pouvait lattacher à la couronne par des liens Plus honorables et mieux dissimulés.

Le Maine resta peu de temps sous la domination des Plan- tag.nets. Lorsque Phitippe-Auguste le fit rentrer dans le do- maine du duché de France par la confiscation des possessions continentales de Jean-sans-lerre, il le trouva réuni avec la et lAnjou sous lautorité dun seul et même séné- chal, personnage considérable, qui était tout à la fois chargé de convoquer le han et larrière-ban, dy surveiller la justice et dy percevoir les impôts. Le roi, qui se préoccupait alors de doter la France dinstitutions équitables, ne lui laissa quune partie de ses attributions. Des officiers royaux nom- més baillis, et versés dans la science du droit, furent envoyés dans les trois provinces pour y recevoir les appels des sen- tences rendues par les seigneurs féodaux. Défense fut faite aux prévots et subalternes du sénéchal de procéder à la ré- I:) - partition (I) des aides demandées par le roi sait ,, le concours d 5 un certain nombre de bourgeois. Sous saint Louis, ladministration se signala par des progrès encore plus sensibles. Ce grand prince sappliqua à recon- quérir les prérogatives usurpées de lautorité ro yale, non par la force, tomme lavait tenté Louis-le-Gros, mais en procla- mant des principes nouveaux et entièrement contraires aux principes de la féodalité. La société féodale attachait la souveraineté à la propriété territoriale, et en attribuait une part à chacun des seigneurs placés aux divers de grés de sa hiérarchie. La royauté, an contraire, revendiquait la souveraineté absolue au nom dun droit abstrait, fondé uniquement sur la loi et la religion. Pour fairepénétrer plus avant ces principes dans les moeurs et les accréditer dans lopinion publique, saint Louis invoqua le secours des légistes et du droit romain (2), qui proclame que Dieu a soumis les lois même à lempereur, qui est la loi vi- vante. e Ce qui plaît à faire au roi doit être tenu pour loi, « dit le bailli IJeaumnanoir (3). Vrai est, ajoute-t-il, que le « roi est souverain par dessus tous, et a de son droit la garde générale de son roaume, par quoi il peut faire tels éta- e blissetnents comme il lui plait pour le commun profit, et ce « quil établit doit être tenu. li nya nul si grand au-dessous « de lui qui ne puisse être trait en sa cour pour defaute de « droit, ou pour faux jugement (4). » Afin datteindre le but quil se proposait, saint Louis avait besoin dinstruments dociles. Il remplaça lancien conseil de barons établi près du trône, par une cour de justice composée de légistes auxquels il communiquait ses vues politiques. Cest parmi eux seulement quil choisissait les baillis chargés de représenter son autorité dans les provinces. Comme le

(1) Ordoun. des rois tic ("rance, t. 1, p, 18. (2) Imperatori et ipsas loges Deus subjecit, legeni auinmatarji ounmn niittens hominibtis. Novelloe 105, cap. 11. (3) Cout, du BeaiLvoisis, t. 11, p. 57. (4) Ibid p, 22. - i ii droit de juger contenait alors les droits de la souveraineté réelle, ces officiers eurent pour mission surtout de ressaisir cette prérogative. La tâche leur fut dautant plus facile à rem- plir, que lopinion publique, fa!iguée du régime oppressif et arbitraire de la féodalité, appelait de tous ses vœux une autre forme de gouvernement. Au nom même du principe fondamental de la féodalité, i plaçait le roi au sommet de la hiérarchie,e l bailli pro- Sinait que toute justice était tenue en fief et arrière-fief de la couronne et se faisait déférer les appels (le tous les inécon- tents. Dès que le prononcé dun jugement était tin peu différé, (U que le plus léger doute se produisait sut léquité dune sentence, il attirait la cause à son tribunal sous prétexte de déni de justice ou de faux jugement, ou bien il sefforçait, à la première apparition dun procès, de soulever un conflit entre deux seigneurs voisins, et, au nom de son droit dinter- vention, il sen attribuait la connaissance. Mais saint Louis trouva un moyen encore plus efficace détendre le ressort de ses tribunaux en multipliant le nombre des crimes que lon appelait cas ro), aux. Tout homme coupable de meurtre, de rapt, dhomicide, de trahison, de sacrilége, de fauxmon- nayage, de rébellion contre les officiers du roi et de troubles publics, fut déclaré justiciable, non des seigneurs, mais du roi. A laide de ces dénominations vagues et à dessein peu précises, la justice royale pouvait encore étendre son ressort dans une foule de cas. Ce nest pas à lire quaucun de ces délits ne lui échappait; le pays, confié à la surveillance des baillis, était trop vaste pour que tout arrivàt jusquà eux. Est t b I, le petit seigneur de Cherneré connaissait (I) de tous les cas denlèvement et de meurtre sous les yeux même de son suzerain Guy de Lavai, qui lui avait reconnu ce droit. Dans le Maine, le bailli ne joignait aux fonctions judiciaires que celle de receveur des aides (2) royales; la charge de chef du ban et de larrière-ban

(I, Factum de 1782 contre M. de La R,)cllelarnhert. (2) Cest du moins ce que nous pouvons conjecturer des rares documents qui nous sont par\n11s; saint Louis naurait jamais confié au sénéchal héréditaire des trois provinces les fonctions debailli, puisquepour ce prince cet offlciertevait être amovible. 1; des chevaliers appartenait au sénéchal héréditaire de lAnjou et de la Touraine maintenu par Philippe-Auguste, Néan- moins ses attributions étaient encore assez importantes pour le convertir en despote, si ses inclinations l y avaient porté. Pour prévenir ce danger, saint Louis ne voulut pas quil ju- get en dernier ressort ; on pouvait toujours interjeter appel de ses sentences au parlement de Pari,. Il le renouvelait tous les trois anis et lui détendait dacquérir des propriétés, de se marier ou de marier ses enfants dans le pays quil adnininis- trait, et lobligeait à rendre ses comptes devant Son Parlement ou devant les enquesteurs ro yaux qui parcouraient les pro- vinces. Après lexpiration de sa charge, le bailli restait 50 jours dans la province, afin de répondre aux accusations por- tées contre lui. Lorsque le roi lui envo yait lordre de lever un impôt, son rôle se bornait à celui du trésorier général la répartition et la perception se faisaient (l) par des députés élus à cet effet dans chaque ville. Par ces sages lois, lautorité roale maintenait les provinces dans sa dépendance, sans leur faire craindre loppression dont la féodalité les avait accablées. Nais pourquoi faut-ilque saint Louis lui-même se soit écarté do la ligne de conduite quil venait dadopter. Pen- dant que, dune main, il abaissait le ré gime féodal, (le lautre, il le reconstituait au profit de sa famille. l.a malheureuse lia- hilude quont eue nos rois de doter leurs (ils ou leurs proches dapanages a perpétuellement entretenu 1e désordre et lanar- chie dans le royaume. En le Naine, que Philippe-u- guste sétait empressé de replacer sous sa tutelle, que saint Louis avait rapproché du trône an moyen de magistrats do- ciles, fut donné avec la Tout-aine et lAnjou au prince Charles, roi de Castille, en apanage, cest-à-dire en propriété. Le prince apanagiste devenait possesseur des redevances féo- dales dues au roi, du droit de lever des impôts, de rassembler les vassaux sous sa bannière, (le nommer des baillis pour rendre la justice en son nom, enfin de toutes les prérogatives de la souveraineté. Cela nernpécliait pas le roi de demeurer souverain, de sorte quen réalité le Naine obéissait à deux maîtres. La province fournissait des hommes et des subsides,

(l) Ordonnances des rois de Franco, t. I, p. 291. 9 18 ion-enleitient pour les guerres entreprises par CharlesdAn- jou au sud de lItalie, mais encore pour les expéditions com- mandées par le roi. Pendant les années qui sécoulèrent de 127() à 1328, au- cun changement important ne vint modifier ladministration. de Philippe Valois , qui était devenu comte du Maine par son père, acheta des seigneurs de Craon, pour la somme de 1,.;00 livres, la charge de sénéchal héréditaire que cette famille. exerçait au Maille, en Anjou et en Touraine, afin de la con- fier à un officier de son choix. Il enleva au bailli du Mans la juridiction des eaux et forêts pour en investir un maître spé- cial des eaux et forêts, magistrat supérieur dont les attribu- tions consistaient à juger en dernier ressort les appels des sentences prononcées par les verdiers et les gruvers, à rece- voir deux fois par an les comptes de leur gestion, à affermer les étangs et vendre les coupes de bois. Lemaitre, pour lap- pel (le ses sentences, relevait de linquisiteur général siégeant à la table de marbre, et pour les finances, de la cour des comptes. Cette administration nouvelle, qui semblait dabord navoir été créée que pour le domaine royal, tendit à sein- parer de la police des forêts et des cours deau dans les sei- gneuries, et bientôt on la vit percevoir, sous le nom de tiers et danger, un impôt assez considérable sur chaque vente d bois. Sous le roi Jean, le Maine fut de nouveau confondu avec lAnjou pour former un apanage au profit de Louis jer, et il ne revint à la couronne quà la fin du règne de Charles Vil. Pendant cette période de temps qui coïncide précisément avec lépoque la plus triste et la plus douloureuse (le notre histoire, ladministration sest surtout évertuée à trouver des expé- dients pour grossir ses revenus et régulariser la perception de tous les impôts. La , tour à tour établie et suppri- mée sous Philippe-le-Bel et ses successeurs, devint impôt per- manent SOUS Charles V. Nous insisterons surtout sur celui- là, parce que le Maine a étélune des provinces qui eu ont le plus souffert et quil a été la plus vexatoire de toutes les inventions fiscales de lancien régime. Par lordonnance de 366, lEtat se rendit entrepositaire de tout le sel qui se trou- vait dans le royaume ; il força tous les marchands et reven- - - deurs de déposer leurs marchandises dans ses greniers, nen laissa aux particuliers quune provision pour quatre ans et fit défense de vendre désormais du sel sans quil eût passé par les greniers royaux. Comme ce commerce exigeait beaucoup davances, chaque grenier nétait approvisionné que par un petit nombre de marchands qui se concertaient entreux et tenaient toujours le prix de cette denrée à un taux supérieur à sa valeur réelle. Pour remédier à ces manoeuvres dont le peuple était la première victime, on décida que le prix du sel serait réglé par le grenetier, et de plus, que quand un mar- chand offrirait son sel à un prix inférieur au courant, il au- rait la préférence sur ses concurrents. Le droit de manuten- tion perçu par lEtat sélevait déjà au XFVO siècle à / livres tournois par muid. Le roi Jean, qui prévoyait bien que ce monopole donne- rait lieu à de fréquentes violations de la loi, surtout dans les contrées voisines des pays de franc salé, ([)comme Je Maine, avait investi les grenetiers du droit de punir les faux-sauniers ou contrebandiers. Charles V ne voulut pas leur laisser de juridiction et attribua la connaissance (les délits de faux-sau- nage aux juges ordinaires; mais Charles VI déclara en 1388 que les grenetiers et contrôleurs pourraient, Comme autres gens de justice, appréhender et punir de corps et de biens ceux qui colpoiteraient du sel non gabellé. Quoique les au- tres taxes imposées sur les personnes et les denrées fussent mieux acceptées, elles soulevaient néanmoins de nombreuses contestations. Charles V établit dans le Maine (sans doute au Mans) un tribunal composé (le juges quon nommait élus à cause des rapports qui existaient entre leurs fonctions et celles des commissaires élus par les états généraux de 1356 , mais en réalité ces magistrats étaient nominés et rétribués par le roi. Ils connaissaient de toutes les causes civiles et criminelles qui survenaient à propos de la perception de la gabelle, des aides et des tailles, baillaient ces impôts à ferme et en sur- veillaient lassiette. Les appels de leurs jugements se portaient devant les généraux des aides à Paris. Telle est lorigine des juridictions financières qui nont cessé de fonctionner dans lancien régime, sous le nom délections.

J La Itrotagne nétait pas soumise à la gabelle. --

CHAPITRE H.

Réunion ilu Mliie à In couronne. Øéiiiernhrenient de la pros j ure. - Renalbance du régime nLIItuiclpal (lnn le ilaut-Maine. - (ita(loii dun ¼Iée ro iii u dune éleetion ù I,gnnl.

Lunité qui régnait depuis plusieurs siècles dans lorgani- sation féodale et dans k gouvernement du Naine expire dans le cours du %ve siècle. Pour récompenser les seigneurs de Lavai des services signalés quils avaient rendus à la cou- ronne dans la guerre de Cent ans, le roi Charles VII voulut le jour même de son sacre, 17 juillet 1149, ériger la baronnie de Lavai en comté. (t) Charles du Mainc qui, pal cette fa- veur, se voyait frustré des droits de suzeraineté et de justice sur une partie de sou comté, protesta en deniant au roi le pouvoir de faire cette érection. Le parlement de Poitiers, craignant dune part damoindrir lautorité royale et dc lan- tre de mécontenter le pr!nce Charles, prit un terme moyen il confirma aux seigneurs de Lavai la jouissance du titre et des honneurs attachés aux comtés, mais il maintint les droits (le suzeraineté du comté du Maine sur le comté de Laval. Loin de couper court à toute difficulté, cette situation ainbi- gtiL lit naitre entre les deux seigneurs de nombreuses contes- tations, qui ne sapaisèrent quà la mort du prince Charles, en 1482. Louis Xi, à défaut dhéritiers, étant dceiiu comte du Maine, sempressa dachever la complète distraction du comté de Lavai, telle que lavait désirée Charles VII. Ses lettres-pa- tentes portent que, désormais, le comté de Lavai cessera de prêter foi et hommage aux comtes du Maine et quil relèvera

(1 ) Titres dii comté-pairie de Lavai. Anniiaire dc la Mayenne 188. - - nuement et directement de la couronne. Afin (le donner a la nouvelle scigneurie létendue que son litre comportait, le roi sépara les châtellenies de Juvigné et (le Saint-Oun, qui mouvaient en foi et hommage lige de la châtellenie dErnée membre de la baronnie de Mavenne, et les adjoignit au comté de Lavai. Lhommage et le ressort étant inséparables selon la cou- tume du Mairie, ces concessions en entraînaient dautres plus importantes. Les seigneurs de Lavai ne pouvaient relever. pour llionimage, dc la couronne, et, pour la justice, de la séné- chaussée du Mans ; lusage et les convenances sopposaient. Il est donc dit dans les mômes lettres , que le comte de Lavai connajtra seul par son sénéchal ou par les juges subalternes de ses châtellenies l), à lexclusion de toua autres juges, (les causes de tous ses vassaux et arrière-vassaux, et que les appels des sentences du sénéchal de Lavai seront dévolus sans moyen (intermédiaire; au parlement de Paris. - Bien plus, Louis M, afin dopérer sans délai cette distraction, dé- clara que toutes les causes de la seigneurie de Lavai peu- dardes devant le juge du Mans ou ès grands jours () du Maine, seraient renvoyées immédiatement devant le parlement de Paris. Mais les vassaux du comté de Laval tenaient encore par deux côtés à la ville du Mans; ils navaient ni siège délus, ni juge royal pourstatuer sur leurs réclamations en matière dimpôt et pour conn;dtre des cas réservés. Pour rendre la séparation parfaite, Louis Xl, en avril 1482, établit à Lavai un siège royal, (3) dont la compétence embrassait les causes concernant le domaine du roi ; les réceptions dofficiers nantis de lettres-patentes; les instances et complaintes posses- soires (le bénéfices; les procès (les personnes munies de lettres

(1) 11 en avait 12 : la Gravelle, Montjean, Cossé, Montsûrs, Meslay, Courbeveille, Olivet., Saint-Ouin, .Iuvigné, Montigné, Vaiges. (2 Assises extraordinaires présidées par des envoyés du roi. 3 Ce tribunal se composait dun président, dun juge. dun lieritenan dun avocat et dun prieureur. de com;nistimus et ceux des églises pourvues de lettres de garde gardienne; la création des foires et marchés; les in- fractions et la sauvegarde des ordonnances royales; les af- franchissements; les contestations relatives à la convocation du ban et de larrière-ban des chevaliers; la poursuite des crimes de lèse-majesté divine et royate; les procès des offi- ciers et sergents royaux, et ceux des ecclésiastiques pour causes réelles. La même année, fut créée à Laval (I) une élection, afin, disent les lettres détablissement « de relever le peuple de la u seigneurie de Lavai des vexations et travaux daller plai- « doyer et poursuivre leurs matières et procès touchant les « tailles et les aides devant les csleus ordonnés en lélection « du Mans. n Louis XI mit le comble à toutes ces préroga- tives en conférant à Guy de Lavai et à toute sa postérité le droit de nommer ) tous les officiers royaux, de justice ou de finance établis dans létendue de sa seigneurie. On se Iromperait étrangement si on cro yait que linstalla- tion de ces sièges royaux au milieu des grands fiefs a porté la moindre atteinte à lorganisation féodale. La royauté, du moins avant Louis XI V, na jamais cherché à substituer com- plètement son autorité à celle des seigneurs; elle a toujours gouverné de concert avec eux. Le comté de Lavai était aussi compacte quau xne siècle. Tandis que le roi prélevait des subsides pour son compte et jugeait les crimes attentant à lordre public, le comte de Lavai, par le ministère de ses sé- néchaux, rendait la justice et percevait des droits féodaux dans toutes les terres de sa mouvance directe. Près de lui, à Laval,

(1) Le ressort de ce siège nétait pas plus étendu que le comté-pairie et comprenait 65 paroisses. Le siège du Man embrassait le reste de la province. (2) Charles VIII confirma ces priviléges et amoindrit encore considérablement le ressort de la sénéchaussée du Naine. En donnant la baronnie de Chateau-du-Loir à Jean-Jacques Tri- vulce, lieutenant-général de ses armées, et en réunissant celles de Mondoubleau et de Saint-Calais au comté de Vendôme, il décida que toutes ces seigneuries relèveraient de la couronne ut du parlement de Paris, comme le comté de Lavai. se trouvait une chambre-de comptes (t) chargée de vérifier les recettes et dépenses des receveurs de ses domaines, un grand sénéchal pour juger les appels interjetés des sentences des châtellenies du comté, enfin, un maître des eaux et forêts qui veillait à la garde des bois et des cours deau. Il avait si bien conscience de son pouvoir, queu 17O il contesta au roi Charles IX () le droit dériger la châtellenie dArgentré et dé- cerna lui-même les lettres de création. Au Mans et dans tout le pays qui formait la mouvance di- recte du comté, la réunion de la province à la couronne na- vait rien modifié. - Officiers royaux et féodaux se cou- doyaient. - Par le testament du prince Charles, Louis XI devint, non-seulement suzerain du Maine, mais encore héri- tier des droits féodaux, et il se garda bien de les éteindre. Pendant que le receveur de lélection recueillait le montant des aides et des tailles, le sénéchal prélevait les redevances seigneuriales dues par les vassaux. La justice féodale des an- ciens comtes seule fut réunie î la justice royale (lu Mans, et ces deux ne formèrent plus quune seule et mèrne juridiction, qui fut exercée pat un juge et des lieutenants jusquà la lin de la monarchie sous le nom de sénéchaussée royale. Le sé- néchal perdit ses attributions judiciaires et financières (3) dont il jouissait au xIlI c siècle, mais il garda ses fonctions de chef du ban et de larrière-ban, et resta chargé de veiller à lexé- cution des ordonnances royales dans le ilaut-Maine. Le Mans eut aussi sa part dans les largesses le Louis XI. Pendant la guerre de Cent ans, elle sétait exposée à de cruelles calamités par sa fidélité au roi Charles VIII, et depuis elle avait aidé généreusement la couronne à reconquérir la ville dAlencon révoltée. Pour la dédommager de tant de sa- critices, Louis XI lui offrit la récompense qui na cessé dêtre en usage sous lancien régime, il lui donna des privilèges.

(1) Registre de 141, série E. Areh. de la Mayenne. (2) Le Blanc de la Vignolle, - Comment, de la coutume du Maine. (3) Nous verrons cependant par la suite quil remplissait la charge de répartiteur extraordinaire des subsides de guerre. - Depuis le malheureux effort qu elle avait tenté au xi , siècle pour se rendre indépendante, aucun prince ne lui avait offert lémancipation, et elle paraissait ny plus aspirer. Louis XI eu février 1491, lui octro ya des lettres-patentes qui léri- geaie::t en municipalité ruais il eut bien soin daccompagner la concession dun préambule powiren a et dachever cri di- sant « axons de notre propre mouvement, grâce spéciale, • pleine puissance et autorité, donnons et octro y ons aux « bourgeois et habitants du Mans les priviléges, franchises, prérogatives, libertés, prééminences, droits et choses qui suivent. » Cette emphase nétait quune tactique destinée à dissimuler les restrictions sensibles quil se proposait dap- porter à lancien régime municipal. Quon en juge. Les ha- bitants auront le droit délire parmi eux un maire, Si pans et six conseillers perpétuels. Tous les trois ans le maire sera réélu, mais il ne quittera pas le corps de ville ; il deviendra pair et son successeur ne pourra jamais étre choisi que parmi les pairs. Quand un pair mourra, la généralité des habitants désignera le conseiller qui devra lui succéder et noniurera un conseiller. Tous( es officiers municipaux seront exempts des embarras de tutelle et tic curatelle, du logement des gens de guerre, de ha collecte de limpôt et antres charges publiques. Ils jouiront de la noblesse héréditaire et des privilèges y at- tachés, à la condition quils nexerceront pas de profession mé- canique et quils posséderont 100 livres tournois de rente en héritage dans le Maine. Il va sans dire que cette dernière clause fermait lentrée du corps de ville à la plus grande par- tie des habitants et érigeait la municipalité en oligarchie. Lo- pinion publique nétait pas libre denvoyer tel député qui lui plaisait au corps de ville; lorsque messieurs les privilégiés sentaient le besoin de délibérer sur une matière importante, ils Convoquaient eux-mêmes ceux quils désiraient sadjoindre et nétaient inème pas tenus (lappeler les officiers du roi, si leur nombre ne dépassait pas 24. Ces derniers nassistaient de rigueur quaux assemblées générales pour les élections. Au corps de ville appartenait aussi le droit de désigner tous les trois ans un habitant pour faire recette des derniers com- muns et douïr ses comptes en présence dun officier royal, de surveiller les métiers non constitués en jurandes et de coin- naitre des causes civiles cotre marchands à propos de mai- cliaiidises rit briquées ou tendues dans la ville et les IIul)ourg du Mans. Le roi ne réservait à son juge ordinaire que lappel de leurs sentences. Lesprit vrai qui a toujours animé le gouvernement de Louis Xi se trahit et saccuse parfaitement dans celte consti- tution. II y a loin de ce régime municipal écourté, concen- tré sur la tête de quelques habitants inamovibles, au carac- tère démocratique des communes du NIue siècle. On dit coin- munément ltle Louis XIII détestait la noblesse, on peut aussi bien dire quil naffectionnait guère le peuple. Cest le roi bourgeois par excellence. Il semble quil manifeste là autant de haine pour les droits politiques du peuple que pour ceux de la noblesse. Dun côté, en prodiguant aux notables des ti- tres de noblesse à profusion, il enlevait aux privilèges tout eue prestige, et (le lautre il humiliait le peuple. puisquil lui refusait le droit denvo y er des délégués au conseil (le ville.

Louis XI no sétait pas non l;ttls désarmé complètement à légard de la municipalité dont il vantait tant les franchises, ml avait eu soin de déclarer que le sénéchal et le juge ordi- naire du Maine étaient les défenseurs nés des privilèges con- férés à la ville. Cétait se réserver adroitement le droit din- tervenir. Suivant sa politique ambiguë, il donnait dun côté et reprenait de lautre. tl exempta les Manceaux (lu droit de franc-fief, du han et de larrière-ban, niais il mit les répara- tions des clôtures et fortifications de la ville à leur charge, et tes autrnu à prélever (les droits de barrage et pavage sur tous charretiers entrant en ville, pour subvenir à lentretien des rues et avenues. il se garda bien de les dispenser des droits dc petite et grande coutume quil percevait comme successeur des comtes du Maine. Louis XI se serait reproché (lavoir tari cette source de revenus ; il sétait exécuté avec trop de bonne grâce pour ne pas exiger un salaire. Si lon consulte la pancarte (I) du tarif de ces droits tels quils se perceraient encore au xVIe siècle, on voit quils étaient assez étendus et réglés dune façon bizarre. Nous na-

t) Cauvin. Mumiiuiipatite du Maine, P 4i. 26 ons pas, dans notre langue moderne, aucun mot qui puisse donner une idée exacte (le cet impôt appelé petite et grande coutume. Le vin, que les habitants du Mans allaient ache- ter au dehors pour consommer chez eux, nétait pas soumis aux droits, mais les drapiers qui allaient vendre le jeudi à Valon devaient 2 deniers à leur retour. Tous ceux qui tra- versaient la ville portant de la marchandise à cheval, en char- rette ou à dos, payaient une taxe. Les denrées et les pro- duits de lindustrie étaient frappés non-seulement les jours de marché mais en temps ordinaire. Certains artisans pavaient une somme fixe par ait : ainsi les ferronniers donnaient l deniers ceux qui vendaieït une huche, une clef ou une ser- rure devaient 8 deniers et lacheteur !. Ces quelques exem- ples suffisent pour montrer larbitraire qui présidait à la levée de ces taxes féodales.

Les habitants du Mans navaient pas perdu tout sentiment de leurs droits. Cette charte de priviléges octroyait trop aux uns, pas assez aux autres ; ils sentaient bien quelle les livrait entièrement à la merci du corps de ville, aussi firent-ils tous leurs efforts pour en différer lexécution. En 1483. Louis XI, voyant que les Manceaux ne sempressaient pas de jouir de leurs franchises, dépêcha un conseiller du parlement pour senquérir des causes dc ce retard. Les habitants, réunis en graud nombre devant le commissaire départi, demandèrent quil plût au roi de retrancher aux officiers municipaux la noblesse (1) héréditaire, et de ne leur laisser que lanoblisse- ment personnel, de faire défense au corps de ville dimposer aucune contribution aux habitants sans avoir obtenu lassen- tiinent de lassemblée générale, à moins quil nait commis- sion spéciale du roi, de contraindre le receveur des deniers communs à rendre ses comptes tous les trois ails, à lexpira- tion de sa charge, devant le corps de ville, le sénéchal, le juge ordinaire et le procureur du roi, enfin de leur permettre de vendre en détail du vin de tout cru sans prendre congé, en laissant seulement aux maire, pairs et conseillers le soin

(1) Ce privilége multipliait en effet les exempts dimpôt et accroissait les charges du peuple. - de régler le tarif. Louis XI, au moment où la requête lui ar- riva, était en proie aux anxiétés de la maladie, son esprit troublé par la crainte ne sut pas refuser, et la ville y gagna ce surcroît de priviléges. Malgré ces dernières concessions, les Manceaux ne regar- daient pas encore leurs intérêts privés en sécurité sous la di- rection de magistrats inamovibles, et partant irresponsables devant lopinion publique. Aussi, dès les premières années du règne de Charles VIII, ils sollicitèrent la révision de leur charte privilégiée. Cédant à leurs instances, ce prince con- sentit à modifier la constitution de la municipalité, mais il eut soin de tenir le corps de ville sous sa dépendance en le pri- vant duit chef, En septembre 1488, il octroya des lettres de confimation au Mans pour les privilèges que lui avait con- Cédés Louis XI, où il déclara que désormais les affaires muni- cipales seraient gouvernées par quatre échevins, un procu- reur, un receveur, un clerc de ville et deux sergents. Chacun de ces officiers devait être réélu tous les deux ans par lassemblée générale, à lexception des échevins quon renouvellerait deux par deux, de façon quil y eut toujours deux anciens échevins et deux nouveaux. (1) Le clergé dont Louis XI navait pas parlé devait avoir deux places réservées dans le conseil de ville, une pour le député de lévêque et une pour le député du chapitre, lesquels se- raient renouvelés aussi tous les deux ans. Il nest pas plus question dans cette charte de réformation que dans la pre- mière des députés des marchands. Charles VIII, comme son père, laisse au corps de ville le droit de sadjoindre les ha- bitants quil jugera à propos dappeler, pourvu que la réu- nion ne dépasse pas 2.11 personnes. Il se contente de lui 1m-

( 1) Le mémoire adressé à lintendant de en 1764 sur létat de la municipalité nous apprend que, de toute ancienneté, les députés ecclésiastiques, ceux du présidial et autres compa- gnies siégeaient à droite du maire; quà la gauche se plaçaient les officiers municipaux et les syndics des seize paroisses de la ville. Le procureur de lhôtel proposait le sujet de lassem- blée, le président faisait opiner suivant lordre de chacun, le procureur du roi concluait sur la pluralité des voix, la sienne décidait en cas de partage davis. Le président prononçait. (Arch. din die-et -Loire. C. 329.) poser lobli gation de convoquer au moins une assemblée par année et dy appeler les officiers royaux. Contrairement à lusage suivi par les seigneurs féodaux, il consent à déférer au COFS (le ville le soin de réglementer la police et de pour- voir au lion état de la navigation sur la Sarthe et llluisne, à la condition seulement quil se concertera avec le sénéchal avant de donner aucun ordre. CliarlesVllT, en apparence, se montrait prodigue de con- cessions; il paraissait lécher la bride, en réalité, il rie laissait rien échapper. En supprimant la charge de maire, il en aI- Irilivait lus fonctions & son sénéchal et gardait ainsi la haute main dans ladministration municipale. Comme la municipa - lité ne polirait se passer dun chef, le lieutenant général de la sénéchaussée, de gardien des privilèges, devint, parla force des choses, le maire de la ville, tant et si bien que trois déli- bérations (le lhôtel sanctionnèrent sa prise de possession en 1567, Ih7, IÏ89. Il est vrai que, vers la fin du xvi siècle et dans le courant du xviie les Manceaux tentèrent plusieurs fois dc sémanciper, mais toujours les arrêts du Parlement, de concert avec les lettres-patentes des rois. sopposèrent à leurs prétentions, et pendant deux siècles ils ioslèreut sous la tu- telle des lieutenants de la sénéchaussée (1). Lintelligent compilateur des documents relatifs à lhjstoir, du Mans assure que Louis Xi dota aussi la Ferté-Bernard dun hôtel de ville. ruais il na pu ., malgré ses reclmerchi, produire les lettres-patentes de création. - Cependant, le té- moignage quil a recueilli de la bouche même dun ancien percepteur de la commune, (111i atteste les avoir vues, peut bien tenir lieu de document authentique. Ce qui est certain, cest que sous Henri 1V la Ferlé était gouvernée par cinq échevins. Le fait nous est indiqué par nue inscription lapi- daire, qui se voit encore aujourdhui sur une pierre de les- calier de la mairie. Le règne de Louis XII est lun de ceux qui ont laissé li plus de traces dans lhistoire judiciaire du Maine. Par son

I (ruviri Mlliii,i:irI tir \laiie. -

ordonnance de l[uis, tous les baillis et sénéchaux (lui £1- taient pas gradués eu droit turent obligés de remettre lexer- cice de leur charge à ries lieutenants pourvus de grades. Les assises, appelées grands jours, qui se tenaient auparavant à de longs intervalles, sassemblèrent chaque année an 1an4 sous la présidence de commissaires choisis par le parlement, pour faire droit aux plaintes de tons les justiciables. Cela ne suffisait pas, il fallait porter lordre et la lumière dans le chaos des us et coutumes qui servaient de loi, dans chaque localité, et donner à chaque province ait une législa- tion uniforme. De 1h03 à 1513, des commissaires spéciaux parcoururent les diverses justices du M-due, consultant les assemblées lo- cales, recueillant les traditions et les avis de chaque contrée, et, en 1515, ils publièrent la coutume du Maine sous une forme définitive, qui ne laissait plus de place à larbitraire des juges. Ce recueil, loin denlever aux seigneurs leurs prérogatives, les consacre. Il reconnafl trois degrés de justices féodales. Au bas justicier appartiennent les actions civiles pé- titoires ou possessoires coric.erriaiil les immeubles de mince importance, les larcins, le bornage des terres, les investitures détournées, les recels de vente si lamende ne dépasse pas 60 sous, les dommages causés par les bêtes, la saisie (les terres qui nacquittent pas leurs redevances, les bêtes é garées et les successions en déshérence. Il peut avoir moulin lanal à blé et à drap. Son juge ne tient le plaid que quatre fois par an. Le moyen justicier na guère plus dattributions; cepen- dant les cas dhomicide saris guet-apens, les tutelles et cu- ratelles sont de sa compétence. Le haut justicier possède la plénitude de la justice (merun imperiuw). Il réprime et punit les malfaiteurs Coupables de guet-apens, de coups et blessures, de faux-saunage et autres délits analogues, connaît des actions réelles et personnelles en matière civile; mais il ne pet tenir ses assises tine de trois mois en trois mois. Ceux qui voulaient être jugés dans lintervalle sollicitaient des lettres dabréviation du roi qui dé- férait la cause à ses juges. Celui qui a litre de chAtelain, continue la Coutume, pos- sède nu clr;teuu fortifie ivre pont-levis et tour carrée ., sur- - 30 - veille les grands chemins et connaît des délits qui s y com- mettent, établit des foires où il veut, des notaires, des péages, des poids et mesures. Il connaît des grands cas r1), comme lhomicide, le rapt, le meurtre de femme enceinte, lincendie, le sacrilège, le brigandage. De quinze jours en quinze jours il peut connaître des actions réelles et personnelles qui nexcèdent pas 60 sous. Tout seigneur, pour porter titre d baron, doit avoir trois châtelains, une ville close, une ab- baye, un prieuré et une forêt. Si lon pense que le Maine possédait () alors environ 50 châtellenies et DJ baronnies, on trouvera sans doute que les juges criminels étaient beaucoup trop multipliés. Cest que le pouvoir central navait pas encore organisé \ cette époque les compagnies de maréchaussée qui, plus tard, furent chargées de veiller à la sftrfté publique. On aurait pu souhaiter que la justice civile fût dispersée en moins de mains. Tant de justi- ciers voisins les uns des autres entraient perpétuellement en concurrence, et, au lieu de juger les débats de laurs vassaux, presque tous nétaient occupés quà poursuivre devant leurs suzerains ou le parlement une instance en règlement de juge; le deuxième volume des Ohm (3) abonde en arrêts ren- dus sur des réclamations de ce genre. Le régime administratif des greniers ii sel attira aussi par- ticulièrement lattention de Louis XII. Comme ]es grenetiers se prêtaient souvent avec complaisance à régler le prix du sel à un taux favorable aux marchands, il fut arrêté que les tré- soriers des finances seraient seuls chargés (le fixer les candi- tiens de la vente. De plus, atin de vider sans retard les que- relles fréquentes qui sélevaient à tout propos entre les mar- chands et les préposés des greniers. entre les sergents des ga- belles et les contribuables, le roi étendit les attributions des

(1) Comme la plupart de ces délits sont précisément des cas réservés par le roi, je suppose, pour concilier tout, (lue les châtelains instruisaient seulement latliirc ou la jugeaient sommairement. (2) Au xviii siècle, on comptait 2 duchés. 22 marquisats. 9 comtts. 6 vicomté s . () harnnnis. I57 châtellenies. :; ttnril tc l t uj11(,nI J la ri, J greneliers et voulut quils connussent, à charge dappel de- vant les 0néraux des aides, de tous débats, querelles, rébel- lions, injures, excès et maléfices, procédant du fait des ga- belles et (le lapprovisionnement des greniers, jusquà con- damnation et exécution corporelle. Le Maine étant un pays de grande (I) gabelle, cette réforme le touchait sensiblement. La province possédait alors dix greniers situés à Lavai, à Mayenne, au Mans, à Malicorne. à Château-du-Loir, à Mon- toire, à Mondoubleau, à Bonnétable. à Ernée, à la Ferlé- Bernard, et huit chambres (le distribution, à Ballon, à Sillé, à Loué, à Sablé, à la Gravelle, à Saint-Calais, à I3ouloire et à Lassay. Nous ne pouvons pas tout louer dans ladministration de ce prince. Sa politique [IC fut pas bien inspirée, lorsque, pour se créer des ressources, il imagina, au lieu daugmenter les im- pôts ouvertement, (2) de vendre des offices de finance et de judicature. Cet expédient, une fois mis en pratique, fut trou- vé bon par ses successeurs, et ils en firent on tel abus quil devint un des vices les pinsM odieux régime. de lancien Pour- tant, si nous en croyons . Cliérnel, (3)i /orgine, la vénalité des charges aurait produit quelques résultats heureux. s Celle « vénalité, dit-il, qui révolte tout dabord, a contribué à for- « mer ces familles parlementaires, où la science, la probité et le patriotisme étaient héréditaires. Dailleurs, les fa- « milles plébéïennes, enrichies par le commerce, purent « ainsi sélever à la magistrature, dont lélection leur aurait s peut-être interdit laccès. Claude (le Seyssel, (4) dès le « temps de Louis XII, était frappé de lascension rapide des « classes inférieures. » (1) La gabelle ne présentait pas un caractère plus uniforme que les autres impôts de lancien régime. La Fiance, sous ce rapport, était divisée en pays exempts, pa ys rédimés, pays de salines, pays de petite gabelle, pays de grande gabelle. (2) La vente des offices était un impôt déguisé, car les ac- quéreurs se dédommageaient du paiement de leurs charges en prélevant des droits de greffe et autres sur tous leurs justi- ciables. (3) hlist. de ladministration monarchique en France. (4) Traité de la monarchie, Ir partie, Ch. 17. CHAPITRE III. le Maine sous lem gouverneurs. - JiSl-l6l$. - réa- (ions des pr.Iditiiix dia Mans de La lIche et de Chaten,u.(.OflhiCr. -- Noueaii1 dénlernbren%eflts de lit ,eneeiinussée (,m,i-attioike4 des élections de La Iliche, de Cliù(eau.du-t.oir, de la Ferté-Bernardet de Mayenhic. - Formation de la généralité de Tours.

La politique qui, le plus souvent, dirigeait nos rois dans ladministration au "-i l siècle, a surtout tendu à morceler les anciennes provinces en une multitude de fiefs relevant directement de la couronne, pour mieux les fondre dans un même royaume , où lidée de pallie dominerait les vieilles antipathies de moeurs et dintérêt. Cette tactique avait, aux veux de la royauté, un double avantage: dun côté, elle conservait le système féodal dont elle avait encore besoin pour contenir les innombraliles seigneurs qui se par- tageaient le sol, sans lui en faite craindre les envahisse- ments ; de lautre, elle lui fournissait les moyens de flatter la vanité dun plus grand nombre de vassaux. An lieu de fonctionner plus librement, ladministration ne retira de l que de nouveaux sujts dembarras. En faisant graviter tarit de blasons autour de la couronne, les rois ont été obligés, presque malgré eux, de soustraire tous ces privilégiés aux plus légitimes prétentions des juridictions provinciales, et, par- tant, multiplié les causes de conflit. Le Naine en offrira plus dun exemple. En 131, le comté de Laval tomba en minorité par le dé- cès de Gui XVI. Loccasion se présentait belle pour réinté- grer cette seigneurie dans le ressort de lancien comté du Naine; les officiers de la sénéchaussée du Mans la saisirent avec empressement. Ils essayèrent (1) de se prévaloir de lor-

1) Titres du comté-pairie de Laval. An n mi ire de la Moyenne 1851t. (knnance de François 1er, qui réunissait à la couronne toutes les terres et les domaines royaux aliénés par lui ou ses pré- décesseurs ; mais comme leurs plans nétaient pas conformes à ceux du roi, leur entreprise échoua complètement, En 133, les tuteurs de Guy XVII obtinrent confirmation des chartes de privilège quavaient accordées Charles VII et Louis XI aux comtes de Lavai. Non content de maintenir loeuvre de ses prédécesseurs, François ler voulut la consacrer par deux nouveaux démern- brements. Il réunit ep semble (130) les baronnies de Mayenne, de Sablé, de la Ferté-Bernard, et en forma une seule et même seigneurie indépendante en fiai eur de Claude de Lorraine, sous le nom de marquisat de Mayenue. Trois ans après il érigea encore en faveur de Françoise dAlençon, épouse de Charles de Bourbon, la vicomté de Beaumont en duché, et lui donna pour membres les seigneuries de Chà- tcau-Gontier, de Fresua!, de Mamers, de ainte-Suzaunc et de La Flèche. Que résultait-il de ces distractions? Cest que les marquis de Mayenne et les ducs de Beaumont ne re- levaient plus que de la couronne, pour lhommage, et (lu par- lement de Paris, pour la justice. (1) Le sénéchal du Mans, désespéré de voir le ressort de saju- ridiction se restreindre tous les jours par ces distractions suc- cessives, mit tout en oeuvre pour se maintenir dans ses an- ciennes attributions de chef du ban et de larrière-ban. En 143, le roi avant fait demander aux villes closes le paiement de la solde ile cinquante mille hommes de pied pendant quatre mois, il prit prétexte de cette réquisition pour recoin- rnencer ses entreprises contre la ville de Lavai, et linscrivit sur les rôles de cotisationpour une somme de deux mille livres. Les Lavallois, aussi fiers que leur comte de leur charte privilégiée, protestèrent contre cet acte quils considéraient comme un empiétement, et ils plaidèrent si bien leur cause

(1) Comme la baronnie de la Ferté-Bernard était trop éloi- gnée de Mayenne, son siège supélieur, le marquis obtint du roi quelle ressortirait directement au parlement il Pari . . L: Paige. Dictionnaire du Maine, L I. p. 1. - (lue le roi eiioa (ruai une déclaration expresse au juge royal de Lavai (1) avec commission spéciale de lever lui- mème ta somme de 1,800 livres sur la ville de Laval. Fran- çois ter ne sut pas résister de même aux obsessions du juge de la sénéchaussée du Mans, quand, au nom de la ri-vocation des domaines aliénés, celui-ci réclama (février 1h.3 la con- naissance des contestations relatives à la convocation du han et de larrière-ban, celle des cas roaux et des causes des exempts par appel sur tous les pais de lancien ressort. Il est vrai que, sur la demande du comte (le Laval, il révoqua cette concession lannée suivante (avril I h!i.4) et rendit au juge royal de Lavai ses attributions de I 3. Peu de temps après le sénéchal du ?daine revint à la charge ci, nia!gré les défenses du roi, comprit le comte (le Laval dans la répartition dune taxe imposée pour la solde des gens (le guerres triais le roi, sans même témoigner de mauvaise humeur, fit rédiger de nouveau un long arrêt de confirmation en faveur des privi- léges conférés aux seigneurs de Lavai. (Avril 1545). La tiève qui suivit cette déclaration tic fut pas de longue durée. Le sénéchal croant sans doute que le roi Henri Il se prononcerait autrement que son prédécesseur, renouvela ses prétentions la deuxième année de son règne à propos dune levée de subsides, et poussa même laudace jusquà envoyer U hommes clarines et 1-2 archers aux Lavallois pour les iiiti mider. La tentative neut pas plus de succès que les précé- dentes. Cependant, cest sous le règne de ce prince que la sénéchaussée du Mans a reconquis une partie de son ancienne prépondérance. Louis XI et Français I navaient pas prévu quen augmen- tant le nombre des fief-, relevant directement de la couronne, ils allaient attirer au parlement de Paris une foule innom- brable de plaideurs grands et petits. Lancien rgimne a é( lépoque de la chicane par excellence. Qui pourra lire sans

Le juge royal de Laval est devenu le cher du ban et de larrière-han dans id comte do Lwal, car ce commissions se renouvelèrent fréquemment. Vo yez Annuaire de ta Mayenne, 1858. I• 30. 3:) - étonnement que sur le territoire du Mairie, où cinq tribunaux suffisent aujourdhui pour entendre tous les différends, plus de 100 juges dappel étaient occupés à rendre la justice ? II est impossible dévaluer le nombre des juges de première instance. Linfinie variété des reJeances féodales que la coutume avait peu à peu établies donnait surtout naissance à une multitude (le procès. Lun en contestait la légitimité, lautre la quotité, celui-là la nature, celui-ci la durée. Inca- pables de discerner leurs droits au milieu de cette confusion; les seigneurs confiaient la gestion de leurs intérêts à des praticiens feudistes qui semaient partout la discorde pour vivre. Encore si les plaideurs sétaient contentés de la sentence arbitrale rendue par leur juge immédiat, nous naurions rien à déplorer, mais nos aïeux nacceptaient pas facilement la transaction ;, ils ne cessaient de poursuivre leurs instances quairès avoir épuisé tous les degrés de juridiction. Aussi nétait-il pas rare (le les entendre murmurer (I) Contre la justice qui pour une cause de mille écus en exigeait deux mille, et les faisait attendre 10 ans. Pour débarrasser la cour souveraine des affaires sans impor- tance et aussi, pour abréger la longueur des procès, fleuri H, par un édit de 1551, créa au Mans et dans plusieurs villes du royaume, des siéges judiciaires appelés présidiaux auxquels il attribua une compétence particulière. Toutes les fois que la somme en litige nexcédait pas 20 livres de capital, ou 10 livres de rente, ces tribunaux jugeaient saris appel; niais quand ils prononçaient sur une somme plus considérable, leur juge- nient nétait que provisoire ils Pouvaient aussi juger sana appel les délits que leur déféraient les prévois de maréchaus- sée, comme le brigandage sur les grau-les routes, les vols à main armée ou avec effraction, les révoltes et rassemblements en, armes, les levées de Iroups saris autorisation. Je faux monuioage, enfin tous les attentats commis par les vagabonds et les soldats eu marche. La liste (2) des officiers qui furent

(1) Journal dun bourgeois de Paris, t. I. page 263. () Nous empruntons celle-ci à lédit de création du présidi1 de Chàteau-Gontier. clic peut fort bien sappliquer au présidial du Ians. car Henri Il est lun des princes qui ont le plus créé doffices. Archives de la Maven.e. série B. reg. 1. créés à propos de "établissement des présidiaux est fort longue, cependant nous la mettrons sous les yeux du lecteur pour lui donner une idée de lappareil dont sentourait autrefois la justice. Chaque siège présidial comptait:

1 Lieutenant générall. 1 Greffier garde-sacs. 1 - - criminel. 1 Maitre-clerc civil et de la 1 Assesseur criminel. chambre du conseil. 1 Avocat du roi- 1 MaRre-clerc criminel. 1 Procureur du roi. I Greffier des affirmations de 1 Premier et ancieu président. voyage. 1 Président de premier rang. I Greffier des notifications, 1 Lieutenant criminel. J Ccentrôleur de tous les greffiers 1 Assesseur civil et criminel. et clercs. 13 Conseillers laiis. 1 Receveur des amendes. 2 - clercs. 3 - et payeurs des sages 1 Conseiller garde des sceaux. et épices des officiers. I - honoraire. 3 Controleurs desdits payeurs. 1 Avocat du roi participant aux 1 Garde du petit sceau. épices et distributions. 1 Receveur des consignations. 2 Substituts avec pouvoir de pos- I Contrôleur de ce receveur. tuler les causes dans lesquel- 1 Premier huissier audiencier. les le roi na pas intér.t. 3 huissiers audiencters. 1 Secrétaire de la chancellerie. (t Sergents royaux. Z Commissaires examinateurs. 1 - proclamateur. 2 Enquéteurs. 1 Commissaire des saisies. 2 Adjoints assistant aux compul- 20 Procureurs postulants dont soires et pouvant postuler. 2 certificateurs des criées, -2 1 leffler civil. tiers référendaires pour les 1 - criminel. taxes des dépens et 2 contrô- 1 dappeaux. leurs desdits tiers. 1 - des Présentations.

On comprend en voyant défiler cette longue série doffi- ciers, qui tous .avaient acheté leurs charges très-cher, que lhistorien de Thou ait accusé Hcnii Il davoir établi les prési- diaux pour battre monnaie. Cependant il serait injuste de croire que cette institution lui fut suggérée uniquement par une pensée fiscale, ce quon peut lui reprocher cest davoir négligé tes heureux résultats quelle était appelée à procurer.

Daprès les termes de lédit de création, le présidial du Mans devait étendre son ressort sur le duché de Beaumont, le marquisat de Mayenne, et le comté-pairie de Lavai, en un ot sur toute la province; mais lorsquil voulut user de ses droits, le duc de Beaumont (1) et le marquis de Mayenne () lui opposèrent les lettres dexemption quils avaient obtenues moyennant finance. Cest ainsi que le roi sacrifiait lintérêt général à la vanité de quelques grands seigneurs. Si les comtes de Laval (3) navaient pas été incapables de prendre en main la défense de leurs privilèges, le présidial (lu Mans serait resté avec la sénéchaussée du Maine pour tout ressort. Charles IX fut frappé des désordres qui sétaient glissés surtout dans ladministration de la justice autant par lusage immodéré des privilèges que par la vénalité des charges, et avec le concours du chancelier de lHôpital, il essaya par trois ordonnances célèbres de réformer tous les abus. Non-seu- lement le cumul des charges était interdit, mais dans chaque ville les officiers revaux furent obligés, à chaque vacance doffice, de présenter, de concert avec les principaux habitants, trois candidats parmi lesquels le roi choisissait celui quil croyait convenable. Les sénéchaux reçurent lordre de par- courir les pays de leur ressort quatre fois par an, pour assurer 1 exécution de leurs sentences. Foutes les juridictions subal- ternes, prévotés ou vicomtés, devaient être supprimées à la mort des titulaires et la justice royale concentrée dans les sénéchaussées et les présidiauK. Ou exigea, comme lavait déjà demandé Louis XII, que les juges des justices seigneu- riales subissent des examens de droit devant le présidial le plus rapproché deux, et défense fut faite aux seigneurs dexercer plus dun degré de justice sur leurs domaines. Comme de nombreuses difficultés sélevaient à la barre des présidiaux sur la nature et la valeur des choses susceptibles dêtre jugées présidialement, on régla minutieusement la compétence et la procédure de ces tribunaux. Les rois avaient distribué avec trop de profusion les lettres de committirnus qui

(1) Mémoire adressé à lintendant de Tours. Arch. dIndre- et-Loire, C. 338. (2) Guyard de la Fosse. Hist. des ducs de Mayenne. p. 123. 3) Voyez le préambule des l.tt.res-patentes de 144. An. te 1858, P. 3. conféraient à limpétrant le droit de se soustraire à ses juges naturels pour comparaître devant une juridiction spéciale, on déclara que les glands officiers de la couronne, les membres du conseil privé, les maîtres des requêtes, les princes du sang, les notaires et secrétaires royaux, les officiers des cours souveraines, les églises et les communautés pourraient seuls jouir de ce privilée. Pour le délit commun, les ecclésiastiques devaient être traduits devant les juges ordinaires. Il est à regretter que les guerres de religion qui agitèrent la France aient entravé laccomplissement de ces sages dispusitions, car elles auraient produit sans nul doute, une salutaire influence. Par la suite, dautres embarras ultérieurs et extérieurs empê- chèrent les princes de les remettre en vigueur, et les abus quelles étaient destinées à corriger ont survécu jusquà la Révolution. Vers t 567 ou crut un instant que les prétentions des officiers du Mans, sur le Bas-Maine, allaient définitivement triompher. La comtesse de Lavai étant morte ilaiis la foi pro- testante, un arrêt du parlement (décembre 1569) la déclara criminelle de lèse-majesté pour avoir embrassé la religion réformée et réunit le comté à la couronne. Le siège royal et le siège ordinaire de Lavai furent supprimés et remplacés par une senéchatissée subalterne ressortissant à celle du Mans. Mais cet état de choses dura peu. Lédit de pacification (août 1570) rendit le comté de Lavai avec ses antiques privitéges aux héritiers de Renée de Rieux. Charles IX confirma aussi la distraction du marquisat de Maenue en lérigeant en duché-pairie. li conféra même à Charles de Lorraine qui en était possesseur, le droit de nommer à tous les offices ro yaux placés dans son ressort et le pouvoir de démembrer sa sei gneurie comme il lentendrait. Peu ile temps aprês cette concession, les deux baronnies de Sablé et da la Ferté-Bernard (I) sortirent de la maison de Lorraine: celle de la Ferté devint (1599) baronnie-pairie indépendante (), et celte de Sablé marquisat (1606). Toutes

(1) On sait quelles avaient été incorporées au marquisat de Mayenne par Fmari(uis I". (2) Dictini.iiiir ltitorit 1 ii lii touteilajfl4. lij.n, 1, p. t2i. deux relevaient directement de la couronne et du parlement de Paris. Malgré la perte de ces deux membres, le duché- pairie de Mayenne nen demeura pas moins laplus imp or-- tante seigneurie du Maine; son ressort, aussi vaste que lest aujourdhui larrondissement qui lui a succédé, sétendait sur plus de 1200 terres hommagées. Henri 111 se montra dabord moins empressé que ses pédé- cesseursà défendre les prérogatives des grands fiefs. En I76 et 1577, à propos de la convocation des Etats généraux, les députés 4e Lavai furent obligés, par arrêt du conseil, de réunir leurs cahiers à ceux des députés du comté du Mairie et de figurer avec eux sur les rôles des frais de députation. Mais cmi 1579, le roi défendit au sénéchal du Maine détendre sajuridiction sur le comté de Laval pour quelque cause que ce fût, même pour cotisation, et, eu 1585, il confirma le -siège des exempts de Lavai dans la connaissance (les cas ropux. Lavènement de Henri 1V au trône modifia la plupart des juridictions du Maine. Le duché de Beaumont, que ce prince tenait du chef de son aïeule Françoise dAlençon, étant réuni au domaine de la couronne avec ses nombreuses dépendances, les siéges judiciaires de Beaumont, de Château-Contier, de la Flèehe, de lresna!, de Mamers et de Sainte-Suzanne devin- rent des baillages royaux. Il en fut de même pour le siège (le Ch&teau-ilu-Loir, car la baronnie de ce nom avait été rachetée des héritiers de Pierre de Ruban 15,000 écus. Le Maine, en 1590, se trouvait donc en possession de 8 tribunaux (I) où la justice se rendait au miomn du roi, et ce nombre est resté te jusquà la Révolution.

(1 Nous comptons parmi ces juridictions celles de Lavai, du Mans et celle de Bourgnouvel ou siégeait un juge royal depuis que Louis XI était devenu héritier des comtes du Maine. Le ressort de cette dernière ne sétendait que sur une paroisse cétait donc une fort petite enclave pour le duché-pairie de Mavenne. En revanche le juge de Bourgnouvel avait plusieurs attributions sur le duché-pairie tout entier; il paraphait, comme le juge royal de Lavai, les registres des baptêmes, mariages et sépultures des paroisses, et enregistrait les pi ovi- sios de charge des officiers royaux. La royauté nayant plus à ménager lombrageuse fierté des ducs de Beaumont, le présidial du Mans espérait que son ressort primitif allait lui être restitué. Son attente fut vaine. Henri 1V, qui voulait se procurer la douce satisfaction dem- bellir et de rehausser la ville où il avait été conçu. établit à la Flèche (1) un siège présidial, et comprit dans sou ressort toute létendue (lu duché de Beaumont, cest-à-dire, les justices de Chàleau-Gontier, de Sainte-Suzanne, de Fresnay, de Beaumont (2) et de Mamers. Les officiers de la sénéchaussée i3) du Mans nétaient pas hommes à se déconcerter, même après tant de déceptions, leurs prétentions semblaient devenir plus opiniâtres à mesure quelles rencontraient plus de résistance. Sous Henri IV et Louis XIII la seigneurie de Lavai sétant trouvée pendant longtemps entre les mains de deux comtes mineurs, ils recom- mencèrent leurs envahissements et cette fois ils parvinrent à usurper non-seulement la connaissance des cas royaux, mais souvent aussi celle des appels interjetés des sentences du siége ordinaire. Ces abus de ressort se renouvelaient dautant mieux, dit un contemporain (4). que les officiers du Mans avaient contracté des alliances à Lavai ou en étaient origi- naires, et que les juges de Lavai entretenaient des relations étroites de famille au Mans. Comme il en coûtait du reste moins cher que daller à Paris, les plaideurs préféraient souvent déférer leurs causes à celte cour Les choses suivaient tellement bien leur cours au gré de la sénéchaussée du Mainc, quen 1619.1619, lorsque Charlotte de Nassean, tutrice du duc de La Trémouille, entreprit de remettre son pupille en possession des privilèges auxquels il pouvait prétendre, il lui fallut poursuivre ses instances pendant 7 ans devant le parlement de Paris. Larrét, portant rétablissement de lancienne ion-

(1) Cauvin. Statistique de la Sarthe, p. 273, t. 1. (2) Un mémoire adressé i un intendant de Tours, en 1740, assure que tous ces sièges ressortissaient pour tous les cas au présidial de La Flèche. Arch. dIndre-et-Loire. C. 3:18. (3) Le présidial et la sénéchaussée ne formaient plus quun seul et même siège dès lorigine. (4) Annuaire de 188 de la Mayenne. Titres du comte de Lavai, p. 41. 11 - diction du juge ro!aI de Lavai. sur les causes des exempts par appel et les cas royaux, ne fut rendu que k :10 janvier 167. Lesprit denvahissement qui divisait les sièges supérieurs mettait encore plus souvent aux prises lesjustices subalternes des villes et des campagnes. Malgré tous les règlements pro- mulgués depuis 200 ans la confusion régnait non moindre quau temps de la féodalité. Comment, en effet, tracer une ligne de démarcation infranchissable au milieu de tant de juridictions enclavées (I) les unes dans les autres ou rivales? Comment empêcher la malice de susciter un conflit quand une cause mixte se présentait. Dès quun délit se commettait, le coupable était réclamé par la justice seigneuriale, par le prévôt, par le juge royal. par la sénéchaussée ou le présidial. Louis XIII reconnait lui-même , dans le préambule dun édit (2). que la multiplicité des juridictions établies dans une même ville cause tint de (lésrdres que les justiciables pour éviter la ruine, sont contraints dabandonner leurs intérêts. Ils trouvent plus avantageux de perdre leur bien que de sengager dans la poursuite des conflits de juridiction que font nailre ceux qui ont mniauvause cause. Les ressorts ne sont pas observés, dit le même prince ; les appellations des sentences rendues par le juge des exempts, même pour des eau,;, ,,.; qui nexcèdent pas 10 livres se relèvent directement au Parlement de Paris au lieu dêtre portées an Mans. Uni avocat fiscal (3) de Lavai nous apprend que la justice ordi- naire était en perpétuel conflit avec le juge roaI et que 4 arrêts du conseil dElat rendus dans le cours du xvii siècle nont pu prévenir tous les différends qui surviennent entre eux. Quand ces siéges rivaux renonçaient i une guerre ou-

(1) Pour nen citer quun exemple, la juridiction de Poligné sétendait en partie sur les paroisses de Saint-%énérand et de la Trinité de Lavai, sur Argentré, Bonchamps, Forcé, Lou- vigné et jusquà l.aichamp dans le duché-pairie de Mayenne. Les appels de ses sentences allaient au Mails. (2) Celui de la création du présidial de Château-Contier dont nous parlerons plus loin. (3) Leclerc du Flécheray. Description du comté pairie de Lavai. Annuaire de la Mayenne de 1857. -. 4 - verte. ils se faisaient mille hostilités, cherchant toutes les occasions de se mordre et de se décrier. Le peuple qui voyait et entendait tout, simaginait nêtre obligé dobéir ni aux uns ni aux autres. fi parait que le mépris dans lequel était alors tombée la justice ne provenait pas uniquement du spectacle ridicule de ces rivalités, car à Mayenne où la barre ducale exerçait seule, le peuple nobéissait quà regret aux or- donnances de police de cette juridiction. Cétait en vain que que le duc de La Trémouille selbwçait ic faire de beaux règlements en Sinspirant des édits de Sa Majesté et des avis du siège royal il ne pouvait leni imprimer ce caractère qui commande le respect. Si la justice avait été partout exercée au nom du roi, sOU prestige laurait protégée contre le mé- pris. Mais pour arriver là il fallait supprimer toutes les juri- dictions seigneuriales, et la Royauté na jamais eu le courage daccomplir cette réforme radicale. Cette regrettable tendance de lancienne monarchie, à vou- loir conserver les vieilles formes de gouvernement en es- sayant de les accorno,Ier aux nécessités du présent la con- damnée à de singulières perplexités. Sa constante préoccupa- tion était de savoir comment elle pourrait concilier lintérêt public avec le mainlien des prérogatives accordées aux seigneurs. Si le présidial du Maris avait limmense avantage doffrir aux plaideurs le moyen de terminer rapidement les procès de peu dimportance et de leiri épargner les frais duit long voy age, celte institution avait k malheur le paraître assujettir le comté de Lavai à la sénéchausée du Maine. li ne restait quun moyen de sortir de cette alternative, cétait détablir un présidial à Laval. Mais le comte qui connaissait par expérience lesprit ambitieux de ces tribunaux remontra que cette innovation portait atteinte à ses priviléges et le roi eut la faiblesse de ne pas insister. Lancien régime est là tout entier, lirait de Tocqueville, règle rigide, pratique molle. Au même moment le roi songeait à modifier les ressorts des deux présidiaux de lAnjou pour satisfaire aux réclama- tions des habitants de cette contrée et aussi pour mettre fin à la diversité des ressorts qui se partageaient Chàteau-Goutier. Par un édit du mois (I) de juillet 139, Louis Xlii créa dans

(I) Archives de la Mayenne, série B. rwg, 1. 4:1 cette dernière villeun siège présidial dont k ressort devait comprendre les sénéchaussées de Saint-Jean-Baptiste et dAzé relevant autrefois d, la chatelienie dEntrames mem- bre dépendant de la baronnie de Cli;teau-Contier, les chatel- lenies le Lonvaines et de Poligné (1), les justices de Daon et le Longiiefue, les chu1ellenies le Lnurzais, de La Boissière, (le l3ouchemeirard , de Saint-Laureut-des-Mortiers et de Saint-Denis-dAojou, les baronnies de Craon, de Potiancé et de Morticrerolles , le siège royal et le siè ge ordinaire de Lavai, les juridictions de Villiers-Charlemagne et le Cham- pague-Hornwel relevant du comté-pairie de Laval, celles enfin de Fontaine-Dauiel et de la Chapelle-Rainsoui qui ressortissaient auparavant au présidial du -Mans. Pour toute compensation , le roi ne donna an siége du Mans que les appels de la baronnie de la Ferté-Bernard dans tontes les causes présidiales. Bien que le comte de Lavai eût conservé, en dehors des cas présidiaux, on recours nu Parlement de Paris, néan- moins il ne pouvait accepter sans mot dire ta situation qui lui était faite par lédit de 1639. Cette dernière combinaison lui semblait humiliante pour ses privilèges, et si le roi lui eut permis dopter cuire celle-ci et la première, il naurait pas hésité. Le comte de Lai al protesta doue aussitôt coutre les attributions départies au présidial de Château-Gontier, et ses instances furent tellement vives quil obtint de nouveau le privilége de ressortir de nouveau eu toutes causes, au Parle- ment de Paris. Les lettres patentes qui lui furent décernées à cet effet en I644 poilaient que les chatellenies de Charnpa- goc-Unnimel, de Viliiers-Charleinagne et autres membres féodaux relevant en fief ou arrière-fier du comté pairie, ne pourraient être assignés que devant les juges des vassaux du

(1) Leclerc du Fléchera lions lit à la titi du xvii siècle que Puligué iessortjssajt au Mans. La chapelle Rainsoin, selon le nième, ressortissait par le moyen de Sainte-Suzariue au présidial de la Flèche. Faut-ilt-il supposer qu i l eta it niaI j uïoiné ou bien que de nouveaux changeimienis sont survenus? 12) Par la suite le siége du Mans eut aussi les appels du duché pairie de Mayenne dans tous tes ca présidiaux. n - comté, ou devant le siége ordinaire de Lavai, et que le Parle- En ment de Paris devrait seul recevoir leurs appels. retour le roi obligeait le comte à payer une certaine somme aux officiers du présidial de Château-Gontier, à titre de dédom- magement. Voilà donc le comté pairie de Lavai remis, après bien des vicissitudes, dans son assiette primitive de 1483; niais cet état est encore provisoire. Soit que la conscience du Roi ait éprouvé des scrupules, soit que les réclamations des plaidcur aient été trop pressantes, il est certain par un mémoire (I) envoyé à lintendant de Tours quen 1740 le siège ordinaire et le siège royal de Lavai relevaient de Châ- teau-Gontier pour les cas présidiaux. Le lecteur ne connaîtrait quimparfaitement létat des juri- dictions du Mairie au xVIe siècle si nous tic disions quelques mots des cours prévôtales. François Jer avait établi un corps darchers à cheval nommé la maréchaussée, quil faut bien se garder dassimiler à notre gendarmerie moderne. Chaque brigade obéissait aux ordres (lun prévôt qui cumulait tout à la fois les attributions du juge et celle du chef militaire Le Mairie en possédait dabord cinq résidant au Mans, à Beau- mont, à Lavai, à Mayenne, à Château-du-Loir et à la Ferté- Bernard. Quand ils prenaient en main le sceptre de la justice, ils étaient assistés dun assesseur, dun procureur du Roi, dun greffier et dun avocat. Leur mission consistait à suivre les compagnies des gens darmes qui traversaient la province, pou! réprimer les violences et déprédations quils commet- taient dans les camps ou dans les lieux de passage. Depuis longtemps le peuple des campagnes appelait cette institution de ses voeux. Au xvIe et même au xvii siècle, lintendance militaire était loin dêtre aussi bien organisée que (le nos jours, les gens darmes attendaient souvent fort longtemps le paiement de leur solde et la distribution de leurs vivres. Quarrivait-il alors? Pressés par le besoin ils sabattaient comme des oiseaux de proie sur les pays quils traversaient, rançonnaient les populations et se faisaient largement hé- berger.

(1) Arch. dIndre-et-Loire, e. 338. 2) Louis xiii en a augmenté le nombre. I.) En confirmant la création de la maréchaussée Houri Il étendit son rôle: il linvestit du droit de réprimer et juger sommairement les séditions, les sacriléges, le vagabondage, le faux monnayage et tous les délits troublant la sécurité des grands chemins. Dans les cas de sédition et de désertion les Cours prévôtales prononçaient en dernier ressort, mais avant de mettre en jugement les prévenus elles devaient faire juger leur compétence par les présidiaux. Si cette procédure prévenait les abus de la force publique, elle apportait des lenteurs regrettables dans des occasions où il aurait fallu agir sur le champ et entrainait de grandes dépenses. Ainsi quant une disette de blé ou Iaiinonce dune nouvelle surtaxe excitait une émotion populaire à Lavai, à Beaumont, à Maenne, à Château-du-Loir ou à la Ferlé (le fait nétait pas rare), pendant que la maréchaussée allait chercher une décla- ration de compétence au Maris ou à Château-Gonfler, le mal pouvait sirriter. Neût-il pas mieux valu, comme le dernan- dait plus tard lintendant Miromesnil, donner aux sièges royaux le pouvoir dappeler neuf officiers de la justice ordi- naire et de juger ensemble leur compétence? Il parait (I) que le lieutenant de maréchaussée de Mayenne ne voulant pas aller jusquau Mans déférait parfois la validation de ses poursuites au juge royal de Bourgnouvel, et quun arrêt du Conseil en 470() lui en fit la défense. Que ne supprimait-on plutôt les attributions judiciaires de ces Cours prévôlaIes, causes de tant de conflits dispendieux avec les justices seigneuriales? A ces inconvénients sen joignaient dautres aussi graves (JU j refroi- dissaient le zèle de la maréchaussée. Quand une résidence darchers manquait de trésoriers du domaine royal (Laval se trouvait dans ce cas) (I), les prévôts ne pouvaient faire de poursuites sans quil leur en coulât de leurs propres deniers deux ou trois pistoles; les sommes quils dépensaient pour Je transport des prévenus, leur nourriture, le papier timbré et les frais accessoires nétaient jamais totalement remboursés. On comprend alors aisément pourquoi les contemporains se plaignaient de voir tant de crimes impunis.

(1) S. Vast. Coutume du Maine. t. 1. p. :131. (1) Leclerc du FIéehrav. - ibid. 1(i Si mainlinant nous considérons le Naine au point de vue des linances. nous verrons que son administration a subi encore de grandes modifications dans le cours du XVI r siècle. Il «en faut pas chercher la cause ailleurs que dans la prodi- gieuse variété dimpôts qui fuient inventés pour combler les vides toujours renaissants du Trésor. On créa pour les vendre une multitude doffices, on établit le tailloii licol la solde le larmée, la taxe des clochers, ou imposa aux villes des dons forcés. oit aliéna plusieurs années du revenu de lEtat à laa:ce, on emprunta de grosses sommes et cependant il ne restait jas à lÉtat de quoi payer ses ambassadeurs (I On alla même jusquù déclarer, cii 1581, que quiconque voudrait travailler paierait un droit au roi. Tous le, marchands et arti- sans forent contraints de se constituer en Jurande et dacheter des lettres de niaiti ise pour entrer dans ta corporation (k lent métier. Les dilapidations des surintendants et des fermiers des finances, les prodigalités insensées de la cour, les guerres continuelles, la rapacité des iirtisans étaient autant de gouf- fres béants où sen g loutissaient toutes les ressources. Le seul règne qui pourrait peu-être le mieux justifier sa pénurie et ses expédients financiers est celui de Louis XIII. Onait que Richelieu avait assumé de lourdes charges. Pendant quai lextérieur il envoait des subsidesà la Suède et à lAllemagne, et entretenait cinq armées et deux flottes pour anéantir la prépondérance menaçante (le lAutriche, à lintérieur if pro- diguait des encomagements à lagriculture et à lindustrie. favorisait la marine eus creusant de nouveaux lionS, et or-a- nisait complètement lintendance militaire. Afin dimprimer plus de rapidité au recouvrement (les impôts de toute nature qui se percevaient dans les Éleci ions par les receveurs des aides. •es tailles, (les revenus casuels et de la gabelle. Frauc,ois l créa douze recettes générales. Sous Charles IX le nombre en fut porté à dix-neuf, et cha- cune delle servait de centre à une circonscription financière qui prit le nom de généralité h cause (les commissaires gêné- raux députés pour y surveiller ]a lépartition et la levée des

(li I. Lippoinano. Relations des inbasacuis vu1(.eflS t. Il . p. 4111. OnlrIl)UliOflS. Le Maine nétant pas assez étendu pou! co in- poser i lui seul une circonscription fut réuni à la Touraine et à lAnjou, et forma avec ces (feux provinces la généralité (1) de Tours. Henri III reconnut bientôt la nécessité de rempla- cer leg commissaires instables par des officiers à poste fixe et il établit à Tours un bureau des finances où siégeaient 2 tré- sorrs du domaine, 2 receveurs généraux des impôts, I garde du trésor, I greffier et un huissier. Tous les ans après avoir procédé à la répartition de la taille, tes trésoriers parcouraient les provinces de leur ressort examinant si les officiers des élections sacquittaient bien de leur mission, et ceux-Ci à leur tour se rendaient dans chaque paroisse de leur juridiction, pour senquérir des pertes de récolte, dresser la liste des habitants capables dêtre collecteurs et réformer les abus. Les Trésoriers remplissaient aussi les fonctions de grands voers. En vertu dun édit de 108 qui par réactioji coutre le régime féodal confondait la grande voieric dintérêt géné- taI avec la petite dintérêt local ils se trouvaient investis de la surintendance de tous les chemins sans distinction. Cepen- dant il est avéré quils nont usé de la plénitude de leurs attri- butions que sous le régne de Louis XIV. A ces innovations heureuses vinrent sen joindre dautres qui devaient en assurer le succès. Le Maine ne possédait que- deux élections, celle de [aval pour le comté de ce nom, et celle du Mans dont le ressort embrassait tout le reste de la province. La juridiction de cette dernière était beaucoup trop &endue pour IlUC sa surveillance pût atteindre tontes les paroisses. fleuri 1V créa deux nouveaux sié ges délection Fun en 589, à la Ferté-Bernard, lautre en Ii\95, à la Flèche (2), et feur donna une bonne partie du ressort de lélection du ilansà lest et au sud-est. Ason tour, Lonis XIII en créa deux nouvelles: une pour le sud-est de la province,

(1) Elle na pas changé pindint le xvn et le Xvii! siècle. (2) Le ressort de la Flèche, vers le nord, sé tell daitjnsquii Sainte-Suzanne il comprenait 102 paroisses : 28 dAnjou, 71 du Maine, -4$ à Château-du-Loir, en 46929, et (autre à Mayenne, en 1634, pour le Bas-Maine, de sorte quà lavènement de Louis XIV le territoire de la province se trouvait partagé en six élections. En 16i4, le siège de la Ferlé-Bernard fut supprimé au profit des élections du Mans et de Château-du- Loir, tuais les autres nont pas cessé dexister jusquen 1189.

Pendant la période de temps que nous venons de parcourir, la gabelle augmenta dans la même proportion que la taille, et malgré les modilicalions au mocri desquelles on tenta den régulariser la perception, cet impôt tien demeura pas moies odieux et vexatoire. A mesure (lue les droits de manu- tention perçus dans les greniers sélevaient, on se trouvait obligé de grossir les rangs des compagnies de gabelous chargées de réprimer le faux saunage. Le peuple du Maine na jamais pu comprendre quon lobligeât de payer le sel 14 sous la livre tandis quil se vendait 2 liards sur les limites de la Bretagne Non content davoir accaparé le monopole de cette denrée vulgaire, lElat, pour combattre efficacement la contrebande, imagina, dans les électio"s voisines des pas exempts, de faire porter le sel à domicile. Daprès les termes de lordonnance de 1517, chaque paroisse du Maine devait tous les ans lever aux greniers la quantité de sel qui lui avait été impos e par les grenetiers dans la réparition générale, et désignait ensuite des collecteurs qui distribuaient, de trois mois en trois mois, à chaque famille sa quote part, en tenant compte du nombre de ses membres et de ses ressources. Le sel provenant de ces distributions nétait destiné quà subvenir aux besoins ordinaires et sappelait, pour cette raiSGri, impôt de pot et salière. Quand on se proposait de faire une salaison extraordinaire, quand on tuait par exemple un porc, il fallait déclarer son fait an greffe du grenier et emporter la quantité de set fixée pour les grosses salaisons. Le sel dimpôt ne devait jamais servir à ce dernier usage, on ne pouvait opérer (le SOfl chef ce virement demploi, sans avoir obtenu lautorisation du commis du fermier ou des officiers du grenier. Sous prétexte de contrôler la stricte exécution de ces réglements, les employés des sintroduisaient dans les maisons à tout propos, et singéraient dans les affaires du ménage sans même épargner les nobles et les ecclésiastiques. En retour, ceux-ci se vengeaient en prêtant leur appui aux contrebandiers et en recélant leurs marchandises. 11 faut que lancien régime ait été réduit à de cruels embarras financiers pour sêtre résigné si longtemps à maintenir une forme dim- pôt dont le recouvrement était si onéreux pour lui et si tra- cassier pour les contribuables. Ladministration du Maine ne résidait pas tout entière dans les juridictions financières et judiciaires que nous venons de décrire, il nous reste à montrer par quels moyens lautorité ro yale les taisait concourir à lexécution de ses volontés. Francois Jcr, en divisant la France en tlotie gouvernements, avait compris le Maine, la Bretagne, la Touraine, lAnjou, le Berry et le dans une même circonscription, à la tête de laquelle présidait un gouverneur révocable. Les fonctions de ce représentant de lautorité royale ressemblaient en beau- coup de points à celles des anciens sénéchaux du XIIIe et du XlVe siécle. Sa surveillance sétendait tout à la fois sur la justice, la levée des impôts, le mouvement et ladministration des gens de guerre. Il prêtait aide et main-forte aux baillis et sénéchaux pour lapplication de leurs sentences, tenait le pays en sûreté, le gardait des pillards, visitait les places fortes et donnait léveil en cas dinvasion étrangère. La tentation lui vint détendre encore ses attributions, et bientôt on le vit distribuer les lettres de rémission, prononcer des jugements définitifs, et créer des foires et marchés. Vers la fin du XVIe siècle, létendue du territoire quil administrait se rétrécit sensiblement; ainsi, en U68, celui qui commandait dans le Maine navait sous ses ordres que la Touraine, lAnjou et lOrléanais, et sous Henri III le Maine possédait UU gouver- neur spécial. Mais loin de décroître dans la même proportion, lautorité des gouverneursprit au contraire des accroissements prodi- gieux à la faveur des troubles de la Ligue. A force domnipo- tence, ils étaient devenus despotes et de la pire espèce. Au lieu duser de leur puissance pour faire respecter lordre et la justice, ils protégeaient les criminels Contre la vengeance des lois quand leur impunité devait servir à leurs desseins. Au lieu de veiller aux approvisionnements réguliers de larmée. ils employaient les fonds en plaisirs. 1)e là les pillages et les - excès de la soldatesque dont sont remplis tous les mémoires du XV]c siècle. Une nouvelle féodalité sétait établie comme au temps (le Louis-le-Gros, à tel point que Henri IV fût obligé de transiger avec les gouverneurs et (le racheter les provinces de leurs mains. Sous Louis XIII ils se préparaient de nouveau à se rendre indépendants. si le bras dr fer de Richelieu ne les eût arrêtés. Le cardinal ministre naimait pas assez les résis- tances pour samuser à disputer avec ces roitelets; il lesattaqua énergiquement, témoin le supplice de Henri de Montmorency, gouverneur de , et plaça à côté deux une nouvelle magistrature qui leur enleva une à une leurs attributions. Richelieu organisa sous sa main un Conseil dEtat entière- ment, composé de membres du Tiers-litai qui, par intérêt, devaient sassocier nécessairement à sa politique, et choisit dans son sein des maîtres des requêtes quil envoya dans chaque généralité avec des pouvoirs très-étendus. Ces non- veaux missi dominici Portaient le nom dintendants de police, justice et finances, et en remplissaient complètement le rôle. Richelieu leur conférait le droit de rechercher tous les crimes impunis, denlever les coupables à leurs juges naturels et de présider des tribunaux exceptionnels statuant en dernier ressort. Même après la suppression de ces mesures de rigueur, que les circonstances imposaient, ils conservèrent le pouvoir dévoquer un grand nombre de procès civils et criminels quils renvoyaient devant le Conseil dEtat. Ce nétait là, cependant, que la moindre de leurs occupations. Ces mêmes comuhissan-es avaient encore pour mission de maintenir la discipline dans les armées, de diriger la confection de nou- velles voies de communication, de surveiller la répartition et la levée des impôts, et de prévenir enfin tontes les infractions aux ordonnances royales. On ne laissa pas même aux gouver- rieurs ce qui concernait ladministration militaire des inten- dants spéciaux furent chargés du soin dorganiser les ambu- lances, dapprovisionner et (le payer les milices. Dès 1630, linstitution de Richelieu avait supplanté celle de François let; la suite nous montrera comment Louis XIV et ses suecesseurs lont fait servir au triomphe de la monarchie absolue, CHAPITRE IV.

I. Maine sous le,. Inkiidan(s de Louls XIV. nuiliel- palités de LaaI. de IInenne. de Ueaurnon(, de Ihàteaii-du .Iolr. ulEinée. de Sablé et de IIonnlL(able.

Le système administratif, que nous nommons aujourdhui centralisation, nest pas une invention moderne issue de la Révolution; il est né le jour même où le despotisme des gou- verneurs et linsoumission des provinces ont contraint la rryauté (le concentrer dans ses mains tous les pouvoirs. Après les sanglantes humiliations que Richelieu leur avait infligées. Louis XIV était encore si peu rassuré sur la docilité des gouverneurs quil leur enleva même la libre disposition des troupes et renouvela toutes les garnisons. Comme il les savait accessibles à la flatterie, il tendit des piéges à leur vanité en leur offrant des places dhonneur à la Cour et les enchaina bientôt à son char de triomphe. Leurs lieutenants généraux pouvaient sans peine remplir les minces fonctions qui leur restaient. Persuadé alors quil aurait beau jeu eu multipliant une charge quil avait réduite à létat de sinécure, il mit en vente des offices de gouverneurs (I) héréditaires dans toutes les villes, et tira de grands profits de cet expédient. Lavai. Mayenne, le Mans, Sainte-Suzanne, Beaumont, Château-du- Loir. Sablé, la Ferté-Bernard en possédèrent. Les Etats (2) provinciaux opposaient aussi à la royauté de grandes résistances; ils se montraient indifférents souvent même hostiles aux véritables intérêts du pays. Louis `XIV nen

(1) Ils étaient les officiers supérieurs de la milice bourgeoise. (2) Le Maine possédait des Etats, mais la convocation en était si rare que leur rôle devenait insignifiant. En Bretagne, au contraire, ils jouissaient dune grande influence avant le XVII siècle. y2 - laissa subsister quun petit nombre quil eût soin de tenir dans sa dépendance en les intimidant. Ce tut malgré ces assem- blées, et presque en leur faisant violence, quil opéra tous les grands travaux qui ont illustré son règne. Les seuls hommes vraiment disposes alors à consolider lautorité royale et à la maintenir envers et contre tous, étaient les commissaires départis par Richelieu, aussi Louis XIV résolut de les insti- tuer ses représentants permanents. Il en établit un dans chaque généralité. Celui qui résidait à Tours surveillait de là le Maine, lAnjou et la Touraine et dirigeait toutes les bran- eues de lad mi uitration. Cest à lui quappartenait le soin denvoyer aux Elections les rôles généraux de leurs contribu- tions, de régler la part afférente à chaque paroisse, daccorder les décharges dimpôt, de taxer les officiers ro yaux, de donner suite aux informations prises par les trésoriers-généraux et les élus dans leurs tournées, de nommer doffice les syndics des paroisses en cas de mésintelligence, enfin de recevoir toutes les plaintes. Quand il le croyait nécessaire, il réunissait et présidait les grands jours au Mans, pour châtier les crimes impunis et les juges trop indulgents. Sa sollicitude devait sétendre encore sur lenrôlement, léquipement, la subsis- tance et le logement des troupes. Cest sous sa direction que les grands voyers levaient les plans des villes considérables de la généralité, délivraient des fixations dalignement sur le parcours des grands chemins, et vérifiaient les projets des ingénieurs; toutes les affaires, même celtes du clergé et des universités, leur passaient par les mains Tout ce qui se rap- por t à la police du roulage et des voitures publiques, à la gndera ai voirie et à la navigation d;-,s fleuves leur était déféré. Lintendant jugeait aussi (I) les contestations qui naissaient de lexécution dun arrêt du Conseil dEtat, ou de linterpré- tation dun acte administratif et tous les procès où un intérêt public se trouvait mêlé. Quelque formidable que fût le pouvoir de ce magistrat, la royauté navait rien à redouter. Par des mutations et des desti - tutions fréquentes qui lui rappelaient la fragilité de ses fonc- tiens, les ministres le maintenaient dans la subordination la

(1) A charge dappel devant le Conseil dtat. - -- plus complète. Au-dessous de lui se trouvaient placés des subalternes, nominés subdélégués, auxquels il commettait dans chaque Election linstruction des affaires en litige. Ces officiers connaissaient, sous soit des réclamations en matière dustensile et de capitation, et des causes relatives à la milice, aux droits dinspection sur les boucheries et aux droits de vente perçus par les notaires. Ce nouvel état de choses nenlevait aux siéges dElccliun aucune de leurs anciennes attributions. Ils contrôlaient les rôles des tailles et impositions accessoires que leur envoyaient tous les ans les collecteurs de chaque paroisse, et transmet- taient les états de vérification à lintendant. Dans lès demandes en modération de taxes qui nexcédaient p O livres, ils statuaient en dernier ressort; au-delà de cette somme, le recours était ouvert devant la Cour des aides. Ils connaissaient (les différends auxquels la perception des aides pouvait donner lieu, et de ceux qui sélevaient entre les collecteurs des tailles et les propriétaires pour raison des saisies et oppositions formées sur les biens meubles. Quand des cotes irrécouvra- bles venaient à mettre eu déficit le compte de la taille dune paroisse, ce sont encore les élus qui lautorisaient à répartir sur la généralité des habitants la somme nécessaire au rem- boursement des collecteurs. Ceux qui changeaient de domi- cile en donnaient avis au prône de la mcse, et se faisaient inscrire au greffe de lElectioii dans laquelle ils allaient résider. Cest 1i que senregistiaient aussi les privilèges et exemptions dimpôt accordés aux nobles et aux ecclésiastiques, les provi- sions doffices royaux, les lettres de noblesse et de vétérance, les déclarations dedéfrichement, lesacceptations des empreintes réservées par les marchands, et les noms de tous les habitants capables de remplir le rôle de collecteur. En 1681. les tréso- riers-généraux se firent attribuer les adjudications des baux concernant les deniers doctr3i, mais comme ils navaient pas de juridiction contentieuse et que les élus connaissaient des contestations provenant de ce fait, ils durent y renoncer pour éviter les conflits. Un arrêt de juin I689 décida que les adj il- dications des octrois se feraient dans chaque Election pi le trésorier de France chargé den inspecter le ressort, en pré- sence du maire et des échevins. Quant aux villes non chefs- lieux dElection, comme Beaunnont, Ernée, Etonnétable. alilé, la Ferté-Bernard , LÉlu chargé du contrôle (le ces villes procédait à ladjudication en présence du maire, des échevins et des deux habitants les plus haut cotisés. La connaissance des procès relatifs à lacquittement et aux contraventions des droits dentrée et de sortie appelés traites foraines appartenait à un tribunal spécial composé «un juge royal, dun lieutenant, dun procureur du roi, dun greffier, dun conseiller garde-scel, dun huissier-audiencier, de cinq procureurs et dun rccecur, qui siégeait à Laval. Le Maine en doit létablissement à Louis XIV qui, pour épargner aux marchands bien ou ruai saisis, la peine de recourir au siège des traites dAngers, fonda cette juridiction en 1671. Sa sur- veillance sexerçait sur le Maine et une partie de lAnjou au moyen de 3 bureaux principaux à Craoii. à Ernée et à Daon, de 9 bureaux ordinaires situés à la Croixille, Cuillé, saint- Ellier, la Gravelle. Landiv. Lavai, Slavenne, Saint-Michel- des-Bois et Pouancé, et de 9 capitaineries divisées en 3 bri- gades sédentaires et i brigades ambulantes. En établissant une ligne de douanes sur toutes les frontières de la Bretagne. le fisc se proposait dobtenir une compensation pour la perte des droits daides auxquels cette province navait pas voulu se soumettre lors de sa réunion à la France, niais en réalité il entravait le commerce et lindustrie dans le Maine. Les efforts que tenta Colbert afin de supprimer ces barrières intérieures namenèrent quune courte trêve dans la perception des droits de traite. La Bretagne, comme les autres pars dEtats, ne Jugeant les réformes du ministre quau point de vue très-étroit de son intérêt présent, reprit ses vieilles franchises. Na-t-on pas le droit de sétonner que le roi nait pas pour- suivi plus fermement lexécution des plans de Colbert quand tant dintérêts lui conseillaient de les adopter. Nous avons déjà vu. en parlant des greniers à sel, à quelle persécution le Maine se trouvait en proie à cause du voisinage de la Bretagne. Louis XIV ne sattendrit pas plus que ses prédécesseurs aux plaintes des populations écrasées sous limpôt du sel, et continua comme eux à augmenter le prix de ferme de la gabelle. Cétait pousser la province malgré elle à loubli de ses devoirs. Lavidité avec laquelle on cherchait à se procurer tin sel de contrebande rendait le métier de faux-saunier si lucratif quon abandonnait lagriculture pour s livrer. Hommes, femmes et enfants rivalisaient de zèle et faisaient assaut dhabileté dans cette lutte contre le fisc quils shabi- tuaient à regarler comme un ennemi, A la troupe de contre- bandiers de profession venaient sadjoindre ceux qui voulaient alléger leur fardeau dinipt ou échapper à la misère, et tous ensemble se formaient à la violation des lois. Quand ils ren- contraient sur leur route les archers des gabelles, ils ne craignaient pas de Leur résister à main armée. Il n y avait pas loin de ce genre de vie aléatoire au vagabondage, aussi ne tardaient-ils pas à devenir tous gens de sac et de corde. Les peines les plus sévères cependant avaient été édictées contre eux dans lordonnance de 1680. Quand on surprenait un faux-saunier eu armes on le condamnait à 500 livres damende et aux galères pour 9 ans; en cas de récidive, on le promenait dans les rues de la ville nu, la corde au cou, une torche à la main, jusquau portail dune église, et après avoir fait amende honorable à Dieu et à la justice, il montait au gibet. Ceux qui rie portaient pas darmes, mais se servaient de voitures ou de chevaux payaient, la première fois, 300 livres damende, et la deuxième parlicnt aux galères pour 9 ans. Les femmes et les filles coupables de faux-sauriage pavaient, la première fois, 100 livres damende, la deuxième, elles subissaient la flagellation, et la troisième, elles étaient con- damnées au bannissement perpétuel. Ceux qui ne pouvaient acquitter lamende ou servir dans les galères se voaient fustigés, flétris et bannis à perpétuité. On devenait complice dun faux-saunier et responsable de ses amendes. quand on labritait, le nourrissait, ou lui faisait passer leau. il en fallait moins pour intimider, et, cependant, il est constaté par les innombrables procès-verbaux de saisie (1) qui nous restent de celte époque, que la contrebande na jamais été en décroissant dans le Bas-Maine. A voir avec quelle sollicitude lEtat approvisionnait les con- tribuables cl prévenait tous leurs beSoinS, il soinhie quil leur

:1) Archives de la Maywine, série B. laissait peu de prétextes de recourir à la fraude. Lorsque la niasse de limpôt avait été réglée par le Conseil, le contrôleur des finances adressait aux intendants une commission indi- quant la quantité de sel incombant à chaque grenier. En vertu de cette commission, lintendant procédait de concert avec les élus au département de limpôt, cest-à-dire à la division de la masse de limpôt de chaque grenier entre les diverses paroisses de son ressort, et attribuait à chacune autant de mninots de sel quelle contenait de fois 14 personnes. Daprès les termes de deux arrêts, en date doctobre 1 10 et mai 1711, il parait quen dépit de cet usage consacré, le contingent se déterminait quelquefois dune façon arbitraire. De leur côté, les collecteurs ayant souci dassurer surtout leurs recou- vrements, réglaient la part de chaque famille beaucoup moins daprès le nombre de ses membres que daprès ses ressources. Leclerc du Fléchera (1), contemporain, nous dit lui-même, dans sa description du comté-pairie de Lavai, quon distribuait jusquà deux minots () de sel à des familles de 6 personnes. Dans le ressort du grenier de la Gravelle, les habitants sont tant imposés, dit le même auteur, quils vendraient plutôt du sel quils nen acliéteraient. Le mécontentement soulevé par ces exactions retombait encore sur les contribuables; le fisc se tenait à lécart et regardait ses victimes se torturer entre elles. Tous les cinq ans ou dressait létat des plus riches contribuables et létat des moins aisés, et chaque année lassemblée des habitants était obligée de choisit alternativement ses collecteurs dans ces deux classes. Sans cette contrainte, personne naurait consenti à remplir un rôle qui le condamnait à une corvée pénible et odieuse. Les collecteurs devaient lever au grenier de leur ressort la somme de sel imposée à la paroisse, par quartiers, tous les trois mois, et la distribuer dans lespace de huit jours sous peine dêtre accusés de faux-saunage. Pour les dédommager des pertes de temps, des avances et des dépen- ses quentrainait le recouvrement de la gabelle, lordon- nance de 180 les autorisait à retenir deux deniers pour

(1) Annuaire de la Mayenne, 187. 2) Le inirtot pesait 60 livres, - livre du principal, droits manuels et sous pour livre du prix du sel, cinq sous pour le transport à domicile de chaque minot, et deux sous par lieue de distance du grenier à la paroisse pour la charge dun minot. Ces distributions pério- diques navaient lieu que dans le Bas-Maine, dans le ressort des greniers de Mayenne, de Lassav, dErnée, de Lavai, de la Grivelle et de Sainte-Suzanne. quon appelait, pour Cette raison, greniers dimpôt. Dans le ressort des greniers du Haut-Maitie, qui se nommaient greniers de vente volontaire, les contribuables pouvaient lever leur masse de sel aux époques qui leur convenaient. Ce privilége ne les exemptait pas des perquisitions, car le fisc se réservait toujours le droit de vérifier si chaque maison renouvelait ses provisions. En 1685, le Trésor, cherchant à réaliser des économies, savisa de réunir aux Elections, les juridictions des greniers à sel dans toutes les villes qui possédaient ces deux tribunaux eernnie le Mans, Mayenne, Laval et Château-du-Loir, mais il saperçut bientôt quil serait plus fructueux de créer au contraire de nouveaux offices. Un édit doctobre 1694 insti- tua des siéges judiciaires près de tous les greniers et les chambres à sel, et leur attribua la connaissance des affaires tant civiles que criminelles concernant la ferme et la répar- tition de la gabelle. De nouvelles déclarations rendues en octobre 1(Y)8 et octobre 1710, pour décharger la Cour des aides des petites causes, décidèrent que les officiers des gre- niers pourraient statuer en dernier ressort sur la restitution des droits de gabelle tant en principal que dépens, jusquà un minot de sel et dix livres damende, sur les oppositions en sur- taux lorsque lopposant na été imposé quà un quart de minot et au-dessous; enfin, sur les demandes intentées entre parti- culiers pour les contraindre à prendre du sel pat extraordi- naire quand il ne sagit que dun quart de minot. On sait que le principe dominant dans la répartition des impôts sons lancien régime, consistait à épargner les plus riches de la société et à frapper les classes laborieuses. A première vue, on dirait que la gabelle y dérogeait; en réalité cette taxe était entachée du même défaut dinégalité que les autres, puisquelle simposait dans la inémne propor- tion sur tous les contribuables, quelles que lussent leur - - ressources. Sous prétexte que les habitants de la campagne pouvaient aisément se procurer du sel de contrebande, on leur faisait sans cesse des distributions excessives et cepen- dant aucune classe navait pins de droits à lindulgence. Lartisan ou le manouvrier de la ville qui parait le montant de sa portion de sel ne devait plus aucune contribution publi- que, mais il nen était pas de mènie pour lhomme des champs. Après les collecteurs du sel, venaient pour lui les receveurs des redevances seigneuriales. Tous les tenanciers dun flet, dans le Bas-Mairie, acquittaient solidairement le cens à leur seigneur féodal, et si lun deux devenait insol- vable, la coutume donnait droit aux sergents de poursuivre les autres. Arrivaient ensuite les collecteurs de la taille et des accessoires qui prélevaient sur chaque fermier une taxe dexploitation proportionnée au revenu de la terre quil culti- vait Dans lélection de Lavai (1) le chiffre de la taille sélevait au tiers du produit et lustensile (impôt mobilier) excédait la moitié de la taille. Ainsi une ferme rapportant 300 livres, dit Leclerc du Fléchera (2) payait 400 livres de taille et 5 livres dustensile. Dans lElection de Mayenne un einétai- rie affermée 300 livres ne supportait quune taxe de 40 livres. Tarit il est vrai que larbitraire na cessé de présider à las- siette de tous les impôts. (3) Les hommes dÉtat de lancien régime aimaient à se persuader que le peuple des campagnes se serait abandonné à loisiveté sils navaient pris soin de le stimuler par laccroissement des impôts; ils ne sapercevaient pas quen lui enlevant, par des taxes progressives, lespérance de recueillir le fruit de son travail, ils le rendaient indifférent à lamélioration de la terre. Quand un paysan parvenait à jouir de laisance, elle lui faisait peur, il la cachait avec soin,

(1) Une lettre datée dii milieu du xviii siècle dit encore que lélection de Lavai est relativement la plus imposée de la généralité de lours. (2) Annuaire de 1831. (3 La base qui servait à la répartition (le la capitation ne- tait pas mieux déterminée car le même auteur nous dit que les simples closiers, dans lélection de Lavai, payaient 20 livres et 2 livres dans lélection de Mayenne. -- car ses voisins avaient intérêt à désoncer le progrès de sou bien être. On levait également la taille sur les privilégiés pour les champs, les prés ou les vignes (juul exploitaient eux-méines au delé dune certaine contenance; cétait leur interdire de se livrer aux grandes entreprises agricoles. Le mode de perception quavait adopté le fisc pour cet impôt venait encore aggraver le sort des taillables. Tous les habitants solvables devaient sattendre à devenir persécuteurs de leurs compagnons dinfortune. Chaque paroisse désignait tous les anis deux ou trois dentre eux pour remplir la charge de collecteur sans avoir égard à la capacité et à lhonnêteté; en cas de résistance lintendant les nommait doffice. Quarri- vait-il ? Cest que les rôles se modifiaient tous les ans suivant les vices, les craintes ou li gnorance des collecteurs. Ceux-ci appréciaient la fortune dc chacun à leur point do vue, et comme les élus chargés dentendre les mécontents navaient aucun moeiu de démêler la vérité, leur opinion formait le plus souvent décision. Pour éviter que les paroissiens, qui se prétendaient surtaxés, nexerçassent leur ressentiment contre les collecteurs, lorsque leur tour viendrait, il avait été réglé que les collecteurs, pendant lutinée Suivant lexpiration de leur charge, seraient taxés à la mémo somme quils portaient avant leur nomination. 0e même que les curiales de lempire romain, ils étaient responsables de limpôt, sur leur corps et leurs biens, jusquà son entier acquittement. Sils ne versaient pas le total de leurs recouvrements aant le dernier jour de l année, le receveur de lélection les mettait sous les verroux. Pour toute indemnité lEtat leur allouait une remise de six deniers par livre qui ne lui coûtait rien, car ces frais figu- raient sur les rôles parmi les impositions accessoires. A mesure que les impôts augmentaient, les fonctions des collec- teurs devenaient plus pénibles et plus périlleuses, aussi pres- que tous les habitants aisés abandonnaient les campagnes pour sen délivrer. Comment se fait-il que, même en extorquant aux contri- buables des sommes énormes au moyen de la gabelle, de la taille, des aides et de la capitation, les embarras financiers ne décroissaient pas? Il faut attribuer la cause de cette pénurie dévorante non pas tant aux dépenses prodigieuses consacrées -- ht.) à encourager les arts, lindustrie, les grands travaux publics ou à soudoyer les troupes, quà linégalité de la répartition des imts.pi On ne peut douter que si les taxes multiples avaient frappé la noblesse et le clergé dans la même propor- tion que le Tiers-Etat, le fisc naurait pas été si souvent réduit aux abois. Retenu par la crainte de saliéner les deux classes les plus puissantes de la société en retranchant leurs privilè- ges, et trop fier pour demander de largent aux états provin- ciaux, Louis XIV, comme ses prédécesseurs, eût recours aux moyens détournés. A lexemple de Fleuri Il &t de Louis XIII, il chercha des ressources dans le trafic des fonctions publiques et ne se fit pas scrupule de lexploiter comme une source légitime rie revenus. On ne peut pas simaginer le nombre incroyable de charges nuisibles ou inutiles qui vinrent sagglomérer, sous ce règne, autour de la machine administrative et coin- pliquer ses mouvements. A chaque fois que le déficit mena- çait, on voyait réapparaître les cent mille offices quavait supprimés Richelieu. La même fonction était souvent rem- plie par trois personnes. Ainsi on comptait dans toutes les Elections et les greniers à sel trois receveurs:l ancien, lalter- natif et le triennal. En revanche le même officier, moyennant finances, pouvait se passer lambition doccuper quatre ou cinq places à la fois. Les règlements sur lincompatibilité des fonctions laissaient une grande liberté. Quand un abus trop flagrant ou des plaintes trop vives résultaient de la création dun office parasite, au lieu de te supprimer on proposait à un officier important den faire lacquisition en lui représen- tant que ses attributions allaient saccroître, et celui-ci, heu- reux de se débarrasser de rivaux incommodes, finissait toujours par céder. Cette manoeuvre astucieuse sappelait une réunion doffice. Nallez pas croire que le fisc sépuisait à pourvoir au salaire de tant dofficiers, il naimait pas atteint son but. Leur traitement lui coûtait fort peu. 11 leur laissait le soin (le tirer de leurs charges des émoluments convenables, et, sur ce point, aucun deux navait de reproches à se faire. Ce que le Trésor leur servait tous les ans sous le nom de gages nie dépassait pas 1intérèt du prix de la charge. Sa façon la plus 61 - habituelle de rétribuer les agents de lÉtat consistait à leur accorder des immunités dimpôt et lexemption de certaines corvées, telles que la collecte de la taille ou du sel. ii reliaus- sait ainsi leur dignité eu ]es assimilant aux privilégiés et offrait une prime séduisante aux acquéreurs. On prisait alors si haut les avantages attachés aux charges publiques que le nombre des concurrents dépassait toujours infiniment la quantité des offices mis en veule. Tous ceux qui possédaient un petit pécule, au lieu de lemployer au négoce, cherchaient à se procurer un office, et, de SOfl Côté, Louis XIV déployait toute la complaisance Possible pour les satisfaire. On a calculé que de 1693 à l709 seulement, il avait créé iius de quarante mille places toutes à la portée des moindres bour- geois. Si lon songe que les exemption3 dimpôts prodiguées à tant dofficiers retombaient sur les autres contribuables, on ne sétonnera pas que la vénalité des charges ait soulevé tant de haines. Une des conséquences les plus désastreuses de ces abus odieux, fut de réduire à néant tous les efforts quavaient tentés les rois pour rétablir lordre dans la d ministration de la justice. On chargea des commissaires de vendre, à titre dinféodation et de propriété incommutable, toutes lesjustices et les seigneuries des paroisses dépendant des prévôtés et châtellenies de lobéissance royale. Les tribunaux de tous les degrés furent encombrés de gardes conservateurs des regis- tres des contrôles des exploits et actes, de référendaires taxateurs et calculateurs de dépens, de vérificateurs et rapporteurs des défauts, de receveurs et contrôleurs des amendes, épices, sahhatines et vacations, dinspecteurs des amendes, denqutètetLus et commissaires examinateurs , de vérificateurs et certificateurs des saisies réelles, criées et sub- hastations, etc. Feignant de sintéresser au bon ordre des justices seigneu- riales, Louis XIV remontra au duc de Mayenne (1) en 1656 et an comte de Lavai en 1683, par de ponpuses lettres pa- tentes, que leurs juridictions traitant des allitires très-impor-.

lIii. d lu 1 lIvuu1e. Cuyard de la F.i. p. L7. tantes il était urgent daugmenter le nombre- de leurs offi- ciers. A Mayenne il créa . conseillers assesseurs qui avaient siège et voix délibérative à la barre ducale, et à Lavai il subs- titua à lunique juge ordinaire 3 autres magistrats quise nom- Tuaient le juge civil, le juge criminel et le juge de police. (1) li va sans dire que le roi nabandonna pas aux deux seigneurs le droit de distribuer les provisions de ces nouveaux offices, sans exiger une forte compensation pécuniaire. Louis XIV refusa de reconnaître aux ducs et comtes du Maine () le droit de police des eaux et forêts quils avaient acheté sous lienri Il. Il obligeait à demander des lettres de maintenue (toujours moyennant finances) tous ceux qui voulaient conserver leurs rnaitrises. Les églises et les abbayes ne furent pas plus épargnées. Il prétexta que la po- lice était niai faite dans les justices ecclésiastiques, quant aux aflàires des eaux et forêts, et leur imposa doffice un juge gruyer, un procureur du roi et un greffier. Une fois lancé dans cette voie, Louis XIV ne garda plus aucune retenue, il fit main basse srir tous les offices munici- paux, en augmenta le nombre et les mit en sente tous, depuis le preinierjusquau plus infime. Dans chaque ville érigée en municipalité on comptait des échevins anciens (J) alternatifs et triennaux, des trésoriers paveurs et receveurs des deniers doctroi, des greffiers, I conseiller garde-scei des ordonnances de la ville, t procureur du Roi, I substitut, des contrôleurs marqueurs et vendeurs de cuirs. des inspecteurs pour les boucheries, les huiles et les suifs, 1 contrôleur du greffe de lhôtel de ville, des conservateurs des poids et mesures, etc. Les villes de Lavai, du Mans, et de Château du Loir qui déjà

(1) I.e juge de police se faisait un revenu de 500 livres avec les amendes quil infligeait (à tort ou à raison) à ses justi- ciables. () Il y avait daims le Maine 5 maîtrises des eaux et forêts sises à Château du Loir, à Mayenne, à Lavai, à Mamers et au Mans, qui ressort issaient à la grande maîtrise de Tours. (3) Vers la fin de son régne seulement, car nous verrons lu loin quil titcnt éltii u 165( t 103 BI sous ilenri III avaient payé la faculté de disposer des finctiuu de major, de capitaine et de lieutenant de milice bourgeoise. se virent déchus de leurs droits et obligés de les racheter de nouveau afin de ne pas exposer tes charges à la convoitise dacquéreurs mal intentionnés. On se disputait avec un grand acharnement les offices municipaux, car le roi pour allécher les adjudicataires leor accordait à tous, petits et grands, des immunités fort sensibles. Aux exemptions du guet. du loge- ment des gens de guerre, de la collecte des impôts, des em- barras de tutelle et de curatelle, il ajoutait des réductions de capitation et des franchises doctroi pour lapprovisionnement de leurs maisons. Comme il était très-difficile de régler pour chacun la quantité présumée qui devait suffire à sa consom- mation, on devine aisément quels grands avantages les off- ciers pouvaient retirer de ce dernier privilége. Malgré les dénégations réitérées du conseil dEtat, il arrivait fréquem- ment (lue les domestiques et les enfants prétendaient jouir des mêmes exemptions que leurs parents et leurs maures. Qui le croirait? les droits doctroi devinrent eux-mémes une source de revenu pour lEIat. Louis XIV qui défendait aux villes, en 1648, de prolonger la perception de cet impôt au delà de neuf années, sans lettres de confirmation, fut le pre- mier à les transformer en taxes permanentes. Dans une ordon- nance de 1681 il déclara quon leverait à perpétuité au profit du roi, la première moitié de tous les Octrois perds dans le royaume. Dans le Maine on comptait 8 ou 10 villes assujetties à loctroi. Tel était le désordre qui léguait dans les finances que tous ces expédients réunis turent encore insuffisants pool ali- menter le Trésor. Quand Vauban proposa (le remplacer tous les impôts par la dime iovale ou dixième du revenu, le roi pro- lita de ce conseil pour ajouter cette nouvelle charge à toutes les autres sans en supprimer aucune. Les sages mesures qui avaient signalé ladministration de Louis XIV à son début annonçaient cependant une fin plus heureuse. Au lieu de pousser les villes à la ruine, il proté- geait leurs revenus contre le gaspillage des magistrats muni- cipaux qui souvent faisaient des voyagesd agrément et donnaient des festins aux frais de leurs administrés. Sous prétexte de poursuivre un procès en instance devant le G4 - Conseil ou le Parlement ils se rendaient à Paris et y irolon- geaient leur séjour pendant des mois entiers. La justice était peut-être aussi coupable queux. Le roi défendit aux corps de ville de percevoir aucun impôt sans sa permission, et den- voyer à Paris aucune députation sans que le maire et les échevins aient préalablement fait connaître les raisons du voyage. Suivant un mémoire rédigé en 4697 par lintendant de la généralité de Tours, il existait dans le Maine 9 villes gouver- nées par un maire et des échevins; ce sont: Le Mans, Lavai. la Ferté-Bernard, Chàteau-du-Loir, Mayenne, Beaumont, Ernée, Bonnétable et Sablé. il est probable que lorigine de ces dernières ne remonte pas au delà de lédit daot -169 qui imposa des maires royaux à toutes les villes. Quant à la municipalité de Laval, elle parait sêtre formée delle mémo sous- Charles IX. Fatigués des impôts qui pe- saient sur eux, les Lavallois profitèrent de la minorité de leur comte pour alléger leur fardeau et prendre eu main leurs affaires. ils nommèrent des échevins auxquels ils adjoignirent quelques gens de conseil et la première réunion municipale eut lieu le 1h janvier 167 (t). lassemblée se fit repré- senter la pancarte des droits de petite et de grande coutume, elfe retrancha les articles qui lui déplaisaient, et rédigea un nouveau tarif portant le taux des impôts que le comte leverait sur Lavai. Lorsque le duc de la Trémouille eut atteint sa majorité, les faits accomplis avaient pris déjà tant de consis- tance, quil jugea prudent de les ratifier.Vers i(ila munici- palité était déjà, sinon régulièrement constituée, du moins reconnue, car on voit dans un acte de cette époque que les échevins procédèrent au bail des octrois devant les officiers de lElection. Celui qui occupait la charge de maire remplissait en même temps les fonctions de juge civil près le siége ordi- naire, cest-à-dire quil dépendait entièrement du comte. Les Lavallois firent () de grandes instances devant le conseil dEtat pour obtenir un maire électif triennal; mais leurs dé-

(1) Annuaire de la Mayenne, 1860. (2) Chronique de Laval. Ledoyen (appendice.) - marches restèrent sans effet. En 4692, sans attendre que la charge de flaire fut mise à lencan, le comte se hàla de la- cheter pour la conserver à son officier. Afin de mettre un terme au désordre qui régnait dans les assemblées municipales, il fixaeu 1683, par un règlement (1), le nombre et la qualité de ceux qui auraient voix délibéra- tive. Les 4 échevins seront choisis parmi les conseillers de ville âgé s de 3i ans au moins et comptant 20 ans de résidence à LavaI sans distinction de classes, mais de telle sorte quil y ail toujours t officier, 1 avocat, et 2 bourgeois. II sera Pou rvu tous les atis au remplacement de lun deux par las- semblée particulière qui présentera 3 candidats parmi les- quels lassemblée générale cii choisira un. Le procureur syndic sera élu tous les 3 ans parmi les avocats ou les bour- geois. Il convoquera les assemblées après en avoir conféré avec le maire et les échevins, et proposera le sujet des délibé- rations. En outre, le corps de ville sera composé dun conseil où seront convoqués 4 conseillers perpétuels, le doyen de Saint-Tugal, le juge des exempts, le procureur fiscal du comté et le procureur du roi, les 4 derniers échevins sortis de charge et 22 conseillers choisis par les corporations particulières de la ville, savoir 1 député du chapitre de Saint. Tugal. 1 député de lassemblée des ecclésiastiques, t du cha- pitre de Saint-hjchel, I du corps des officiers de la justice ordinaire, I du siège royal, 1 de lElection, I du grenier à sel, le syndic des avocats, et I autre député de leur corps. I des greffiers, procureurs et notaires, I des médecins, chi- rurgiens et apothicaires, I des marchands de toile, 1 des drapiers, 3 bourgeois de la fabrique de la Trinité, 2 fabri- ciens de Saint-Vénérand, 1 fabricien dAvesnières et de Plus, 3 conseillers choisis par le maire et les échevins. Ces 22 conseillers se renouvelaient par moitié tous les deux ans, de

(1) BibI. de Lavai. Malgré sa cécité, M. Ch. Maignan ras- 5emble et coordonne sur ce sujet, comme sur quelques au- tics, des notes historiques qui sont dautant plus précieuses à consulter quo les archives municipales ne possèdent aucun document. C6 - telle sorte quils entraient pendant quatre années dans le con- seil de ville. Nous navons fait connaître que ceux qui siégeaient aux assemblées particulières. Quand il y avait assemblée générale on convoquait encore autant de personnes tous les anciens échevins et procureurs syndics, les chantres et le plus ancien chanoine de Saint-Tugal, tous les prieurs et curés de la ville et des faubourgs, le principal du collège, lancien chanoine de Saint-Michel, les chapelains desdeux hôpitaux, les deux plus anciens prêtres habitués de la Trinité et de Saint-Vénérand, tous les officiers du siége ordinaire, tous ceux du siége ro!al, le receveur du comté, les administrateurs des deux hôpitaux, les marguillers (les paroisses, les six avocats les plus anciens, et le plus ancien des médecins, des notaires et des procureurs de IElection, 4 marchands de toile, ! marchands de vin, le grand-garde des marchands merciers, et les deux plus anciens marchands texiers. Les assemblées générales de police étaient beaucoup moins nombreuses. Outre le maire et les 4 échevins, le procureur syndic, les administrateurs des hospices et 4 conseillers de ville choisis parmi les officiers du comte avaient seuls place au bureau et voix délibérative. Les avocats et procureurs fiscaux du comte proposaient les matières en litige, le juge de police rapportait les procès-verbaux et disait son avis, puis le juge président recueillait les voix des assistants et procla- mait le résultat. La présidence de toutes les assemblées appartenait de droit au juge ordinaire civil, en raison de sa qualité de maire perpétuel. Ses suppléants étaient le juge criminel, le juge de police, ou, à leur défaut, le lieutenant général, le lieutenant particulier ou le plus ancien échevin.

Bien quil nen soit pas fait mention dans ce règlement, il est à présumer que le maniement des deniers de la ville fut soumis à un contrôle l)1flS minutieux quauparavant. Sil faut en croire une lettre dun habitant de Laval. à la date de 468, le maire et les échevins tiraient un grand revenu du fermage des boues, des murailles, des fossés et des boulevards de la ville; ils levaient de plus des droits doctroi considérables sur eau et sur terre, et, malgré cela, ils faisaient encore payer - - les riverains quand on réparait le pavage des rues, et nen- tretenaient 1a5 les 1011es marinières, Le comte do Lavai ne négligeait pas non plus ses intérêts et se dédommageait sur lindustrie de la perte de ses droits féodaux. Ii enjoignit à tous tes marchands de se former en corporations, cest-à-dire de se constituer en aristocratie fermée, dans ]aqueie il se réser- vait le droit dintroduire les aspirants qui achéteraient des letires de maîtrise au greffe du siêge ordinaire. Dun autre côté, il existait un officier auquel Louis XIII avait vendu pour 66,000 livres la charge de contrôleur, niai- queur et visiteur des toiles, et qui prélevait 8 sous-par pièce de toile vendue sur le marché. Pressé jar les instances des tisserands qui voulaient se délivrer de cet impôt onéreux, le roi consentit, en 1637, à le supprimer, à la condition quils rembourseraient à lofficier le prix de sa charge. A peine les tisserands jouissaient-ils de lexemption, que le comteentreprit de rouvrir à son profit cette source de revenu et acheta du roi la permission de rétablir le tarif. Les habitants indignés sinsurgent, rédigent une protestation et chargent leur pro- cureur-sndie de former opposition devant les cours de justice compétentes. Informé de ce qui se préparait contre lui, le seigneur qui était (lun caractère modéré, les apaisa en leur proposant une transaction par laquelle il conservait Je droit de lever 4 sous par pièce de toile, mais il sengageait en échange à construire une halle. De mauvaises langues pré- tendent quà la fin dudu xVIIe siècle il navait pas encore réalisé ses promesses (1). Le comté de Lavai, (la seigneurie privilégiée sil en fût), ne possédait pas encore tout ce quil pouvait souhaiter, il lui manquait une justice consulaire. Tous les procès qui séle- saient entre marchands ne se jugeaient pas ailleurs quà Angers. La ville de Lavai se révolta plusieurs fois contre cette sujétion coûteuse et obtint même plusieurs arrêts du Parlement favorables à son émancipation; mais en juin 1670 Je Conseil dÉtat confirma aux juges dAngers leur juridiction consulaire sur les marchands de Laval. Pourtant le chroni-

(J) La halle aux toiles porte sui son fronton la date de 1731. -

(lueur E3ourjolly assure qu en 16)0 un arrêt du Conseil investit le siège ordinaire de Lavai de la justice consulaire quelle possédait au xvi siècle. A Maenne, en vertu de lettres-patentes (1) octroyées en 4656, le corps de ville se composait dun maire, de .1 éche- vins, dun procureur syndic et dun receveur des deniers dont lélection se faisait concurremment par les habitants et le seigneur du duché. Lassemblée générale présentait à CC dernier 3 candidats pour la charge de maire, l pour léche- vinage, 4 pour 1 office de receveur et 2 pour le syndicat. Mais cet état de choses fut de courte durée. Le juge général criminel de la barre ducale ayant été élu maire par le duc, pour 12 ans, comme le voulait le règlement, ne sut pas résister à la tentation de se maintenir dans sa charge. Loin de résister aux prétentions de cet officier qui était dévoué à ses intérêts, le duc de Mazarin les approuva, et lui vendit, en 466, loffice de maire perpétuel. On voit, par un acte de 1667, que les habitants de Mayenne protestèrent contre cette infraction à leurs priviléges et contestèrent au duc le droit de vendre la charge de maire. Vaines protestations! Je ne sais si les Mareunais se sont pourvus devant Le Conseil dEtat; ce qui reste vrai, cest quen 170 leur maire était encore inamo- vible. Afin déviter les conflits qui pouvaient sélever entre les officiers de la barre ducale et le corps de ville. Mazarin publia, en octobre 1658, un règlement qui fixait les attributions de ces deux juridictions. Dans toutes les afliires qui concernaient la défense, la conservation de la ville ou la police particulière, le maire et les échevins jugeaient les premiers, mais les appels tic leurs sentences allaient à La barre ducale. Au corps de ville appartenait le soin de vérifier les comptes du receveur, de procéder à ladjudication des biens patrimoniaux, dem- ployer les deniers communs, destimer les terres nécessaires à la confection des chemins ou daffermer les fossés et les remparts de la ville.

(1) Archives de la Mairie de Mayenne. -- Un nouveau règlement, publié en mars l(i7i, nous fait connaître plus eu détail ladministration de Mavcnne. II y avait deux sortes dassemblées. Lassemblée particulière, qui se tenait fous les samedis matin, réunissait seulement les officiers municipaux. Aux assemblées générales de police ou convoquait le juge, les 4 échevins, le procureur syndic, le receveur, les curés de Notre-Dame et de Saint-Martin, I avocat, I procureur de la barre ducale, un député de lElection et 1 du grenier à sel et 4 bourgeois pris dans les divers quartiers de la ville. Ces assemblées générales se tenaient six fois par an et le procureur pouvait nu demander dextraordinaires. Voici comment elles se formaient. Comme les différents métiers nétaient pas constitués en corporations (1. le capitaine de milice bourgeoise de chaque quartier réunissait les habitants et les faisait procéder à la nomination de 4 représentants qui devaient, SOUS 1)eiflC damende, assister à lourde rôle aux séances. Ces députes des quatre quartiers de Mavenne avaient la liberté de proposer toutes les mesures qui leur paraissaient utiles au bien public, à lexécution de la police et au bon ordre des finances. De même quau Mans et à Lavai, les officiers du seigneur cxci- çaient la police municipale, de concert avec le corps de ville. Ils surveillaient la qualité et le poids du pain, faisaient des visites chez les boulangers et les cabaretiers, et fixaient deux fois par an le prix du vin. Un échevin les accompagnait toujours dans leurs tournées. En dehors delà, tout ce qui se rapportait à ladministration, comme la police du pavé ou des boues, appartenait au corps de ville. Le bureau de lassistance se tenait tous les quinze jours. De plus, on convoquait six assemblées extraordinaires pour ladministration générale de lhôpital et des pauvre. auxquelles étaient appelés les curés de Saint-Martin et de Noire-Dame. le juge, le procureur ducal, 4 échevins, ( bourgeois, le rece- veur et le procureur de lhospice. Ce dernier y prenait lavis

(1) Une lettre de 1767 nous apprend quau xviii siècle il nexistait à Mayenne (lu une corporation, celle tics pirrnquier. Archives de la mairie de Moyenne.) 70 - et les ordres des assistants pour les acquisitions, les aliénations. lemploi des ressources et le changement du personnel. Les comptes se rendaient par devant le juge ou le lieutenant général de la barre, en présence du procureur fiscal. Au xvn° siècle, les paroisses des campagnes jouissaient dans le Mainedune indépendance au moins aussi grande que les villes. Par les nombreux actes dassemblée qui nous ont passé sous les yeux, nous avens pu nous assurer quelles gouvernaient presque toutes leurs affaires elles-mêmes. Les seigneurs qui, autrefois, les tenaient en tutelle, ne pFCHI]dflt plus aucune part dans ladministration. Ils ont conservé la police municipale, comme le droit de justice, à cause des profits quils en retirent ; mais en dehors de là, ils se reLran- cheni dans labstention la plus absolue. Chaque année, la meilleure et la plus saine partw des habitants (1) » se réunit, à lissue de la messe ou des vêpres, devant le portail (le léglise s en assemblée politique, » et nomme le procureur (le la fabrique, le syndic de la paroisse, ainsi que les gardes des champs, des vignes et des bois appartenant à la commu- nauté. Sil y a lieu de plaider contre une paroisse voisine, lassemblée autorise le sy ndic à faire tous les frais de procé- dure nécessaires, Cest elle qui, en matière dimpôts, ratifie linscription ou la radiation des contribuables sur les rôles. Sagit-il dentreprendre des travaux, de vendre ou échanger quelque partie des biens communaux, la décision est prise encore par les habitants. Aucune disposition légale ne déter- minait combien lassemblée devait compter dassistants pour être régulière. Lusage seul semble avoir servi de règle à cet égard, car les auteurs qui ont écrit sur ce sujet nont pu sentendre. La Poix de Fréminville (2) dit que, selon une maxime constante, le nombre 10 fait un peuple, et il ajoute pour aliéner des biens communaux, sassujettir à des banalités ou à des corvées, il faut que toute la paroisse soit assemblée, parceque chacun y est pour soi et paie de sa personne ou de son argent.

(1) Formule consacrée dans les procès-verbaux. 2) Traité généial du gouvernement des biens des commu- nautés dhabitants, page 190 et suivantes. CHAPITRE V.

Le Maine Mous leu Iflt4ndauts de LOIu1M XV et Loul1j XVI. - Exteusion CroIsn(e du pouvoir centrai. - 9obl- lité du régime municipal.

Quiconque se bornerait à consulter les almanachs de lan- cien régime pour connaitre létat de ladministration en France, au xviii0 siècle, pourrait facilement se faire illusion. Tous les anciens représentants de la ro yauté féodale sont en- core debout. La noblesse fournit des gouverneurs aux pro- vinces, elle commande les armées, dirige les flottes, forme la cour des princes; mais quon ne sy trompe pas, elle occupe les places dhonneur, la réalité du pouvoir appartient aux Intendants. « Jamais je naurais cru (I), disait Law, cc que « jai vu quand jétais contrôleur des finances. Sachez que « ce royaume de France est gouverné par 30 intendants. « Vous naez ni parlements, ni états, ni gouverneurs ; ce « sont 30 maîtres des requêtes commis aux provinces de qui « dépendent le bonheur ou le malheur de ces provinces. « leur abondance ou leur stérilité, » Cest quen effet, dans aucun temps, les forces de la centralisation nont été aussi actives quan xvm 0 siècle. Comme la royauté tendait de plus eu plus u substituer son autorité aux pouvoirs provinciaux, et à concentrer dans ses mains le maniement de tous les services administratifs ; les attributions rie ces commissaires dé- partis sétendaient progressivement Avant daboutir au Con- seil dEIat et au contrôleur général (2), presque tontes les affaires intérieures passaient par leurs mains, Min de sa- tisfaire aux exigences de ladministration centrale, qui vou- lait que rien néchappât à son contrôle, ils multiplièrent leurs agents dinformation et placèrent des subdélégués, non plus

(1 Mémoires du Marquis dArgenson. (2) Ministre universel de lintérieur. 7) eiilement dans chaque élection , mais dans chaque can- ton (I). Les règlements du Conseil dElat touchaient à tant de matières diverses que chaque jour apportait une besogne nouvelle. Pour nen citer quun exemple, un arrêt du con- seil de 1730 obligea les marchands lissiers de Lavai de ga- rantir au blanc les toiles quils vendaient, et den rapporter le prix à lacheteur, si elles venaient à ne pas blanchir. Malgré leurs réclamations, les lissiers ne purent () obtenir la révo- cation de cette mesure. Elle fut confirmée en 1756. Quand on compulse les dossiers, on voit les Intendants soc- cuper sans cesse de la longueur à donner aux étoffes, des tissus à choisir, des méthodes à suivre, des erreurs à éviter dans la fabrication. Ils envoyaient en leur nom des inspec- leurs qui imposaient des procédés aux fabricants, et leur en- joignaient de sy conformer sous peine damende. A force de réagir contre lesprit exclusif des provinces, lEtat les absorbait de plus en plus et simmisçait jusque dans les moindres détails de la vie municipale. Le procureur du Roi dans la généralité de Tours va jusquà dire, en requérant des grands xo ers, en 1768, une ordonnance de voirie pour le Mans, que le roi est propriétaire (3) des communes. En vertu de ce faux principe qui, depuis Louis XLV sétait peu à insinué dans les moeurs administratives, les intendants, de concert avec les grands voyers ré glementaient non-seulement la voirie des grands chemins sur leur parcours à travers les villes, mais encore celle de toutes les rues, sous prétexte quelles en formaient lembranchement. Ainsi (4) lintendant Savaletle, en 1756, tendit une ordonnance à la requête du maire et des échevins du Matis pour défendre de déposer

(1 Lancien regiine et la révolution. De Tocqueville p. 78. 11 est certain que Villaines-la-Juhel, Sillé-le-Guillaume et Beaumont étaient des centres de subdélégation. (2 Guittet de la Houlleiie. Chronique de Lavai, Bibi, mu- nicipale. (3) Cette doctrine avait plis sa source dans la législation féodale, mais elle ne fut professée que dans 1 temps où la féodalité mourait. De Tocqueville p. 310. Lancien régime et la itévolution. (4) Municipalité du llrins. Cauvin. p. 383-106. 73 aucuns décombres sur les places, dans les rues ou les fossés de la ville, et de rien faire qui puisse dégrader ou rétrécir les voies publiques. En 1768 une autre ordonnance, émanée du même chef, fit défense de rétablir dans la ville du Mans au- cune gouttière saillante et supprima les enseignes sus- pendues. ous passerions sous silence ces écarts de zèle sils navaient pas servi de prétexte à des abus de pouvoir beaucoup plus graves. En exerçant cette tutelle immodérée, le pouvoir central shabitua à mépriser les droits des villes et ne craignit pas de bouleverser leurs institutions avec une légèreté jus- que là sans exemple. Durant lespace de soixante ans, ladmi- nistration municipale fut sujette à des vicissitudes sans cesse renaissantes. Les charges étaient tour à tour données par commission gratuite, puis vendues, ensuite supprimées, puis rétablies, et ensuite éteintes. Malgré cette existence précaire, Saint-Calais etSillé vinrent grossir le nombre (les tnunicipa- lités du Maine. Ces modifications de régime ne sopéraient pas partout dune façon uniforme. Lorsque lédit de 1717 rendit aux villes le droit délire leurs officiers municipaux, lassemblée générale de Mayenne sempressa de remettre en vigueur les lettres patentes de 1656 et présenta trois personnes parmi lesquelles le duc choisit un maire. Au Jans, le lieutenant général de la sénéchaussée, qui avait déjà traversé sain et sauf les épreuves de 169 en achetant sa charge, demeura maire comme auparavant, en vertu de deux arrêts particuliers lun de mai 1118, lautre de septembre l72-L A Laval, le juge civil parvint aussi à se maintenir dans ses fonctioos de maire. mais non sans soulever de vives protestations. Le parti des mécontents, que les amis du maire nommaient laropaqe (1), après avoir recueilli de nombreuses cotisations, envoya deux députés à Paris pour revendiquer les droits de la ville devant le conseil dEtat et le Parlement de Paris. En attendant le résultat de leurs instances, qui neurent jamais deffet, les aréopagistes échauffaient les esprits autour deux en tenant de fréquentes assemblées au cabaret. Chaque jour ils ve-

1) Chron. de Laval. tuittet de la Uoullerie. 71 riaient y faire collation avec de nombreux compagnons et discouraient très-haut sur les avantages que procurerait à la cité un maire électif. Les uns faisaient entendre que la ville serait ornée de promenades, pourvue de fontaines; les autres, quon prodiguerait les embellissements et quon creuserait un canal de Rennes à Lavai. Craignant sans doute que la querelle ne senvenimât, le duc de la Trémouille fit enfer- mer trois des plus mutins en 1729, et apaisa les autres en déclarant que désormais son officier prendrait le titre de juge civil faisant les fonctions de maire. Il faut avouer que les La- vallois étaient bien bons de se contenter de si peu après avoir fait tant de bruit. Quelques corporations blessées davoir été exclues de lHôtel-de-ville, nourrissaient de sourdes rancunes (1); le comte de Lavai les éteignit (1730) en réformant son règlement de 4683. Voici le résumé de ces modifications: le premier échevin sera désormais pris successivement parmi les officiers des divers sièges de Lavai; le 3, non seulement parmi les bourgeois, mais parmi les notaires, les procureurs et les inar- chands, et le 4e parmi les négociants. Le procureur syndic sera choisi parmi les avocats, les bourgeois, les procureurs et les notaires. Le juge civil faisant les fonctions de maire ne pourra gérer les affaires publiques sans lassistance des échevins. Les assemblées particulières de lHôtel-de-ville, seront composées du maire, des échevins, du procureur syndic et se tiendront tous les 15 jours. Les assemblées générales auront lieu 4 fois par an, en mars, en juin, en septembre et en dé- cembre. On y convoquera le corps de ville, le doyen (lu chapitre de Saint-Tugal, i député dudit chapitre,les curés de la Trinité et de Saint-Vénérand, avec un député des prêtres de leurs paroisses, les chefs de chaque juridiction, les avocats le procureur fiscal, I député de chaque siège (celui du grenier à set et celui des traites nen faisant quun) le doyen, le syn- dic et un député des avocats, I député des médecins, I député des administrateurs de chaque hôpital, le procureur maruil- 1er de chaque paroisse, 3 notables de la Trinité, deux Jela

(1) Bibi. de Laval. Fonds Maignan. - - paroisse Sain t-Vé né rand, 3 députés des négociants, deux du corps des notaires, des procureurs et des marchands. On exa- minera là toutes les délibérations et tous les mandements éma- nant des assemblées particulières, pour y faire les observations nécessaires ou proposer des projets utiles. De plus, il y aura 4 assemblées générales de police auxquelles assisteront tous ceux qui ont été énumérés ci-dessus. Dans ces réunions or désignera des commissaires qui seront chargés de veiller à lexécution des ordonnances de police et de condamner les contrevenants jusquà 10 sous damende, pourvu quils dépo- sent les procès-verbaux dans les 24 heures. Les notaires furent choqués de se voir confondus, par lar- ticle 5, avec les marchands, et demandèrent avec jalousie à nommer autant de députés que les sièges de Lavai. Ils ro.- montrèrent que les 3 corps des notaires royaux, des procureurs et des notaires du comté avaient comme les 3 siégés de Lavai leur juridiction particulière, leurs droits et leurs intérêt9 opposés, et prétendirent en conséquence nommer 3 députés. Voyant quon faisait la sourde oreille, ils déclarèrent fière- ment qu ils prenaient leurs mesures pour sopposer à lho- mologatioii du règlement. Cette menace produisit son effet, car quelques années plus tard on les vit en possession de ce quils convoitaient. En 1733, les charges municipales., après avoir été tour à tour électives et vénales, en 472 et 1724, furent de nouveau converties en offices. Cette fois, le lieutenant de la séné- chaussée du Mans laissa échapper les fonctions do maire, mais pour peu de temps. Larrêt de 1737, qui suspendit la vente des offices, lui permit d reprendre sa place malgré lopposi- tion des titulaires. II nen jouit pas paisiblement et se vit en- core obligé plusieurs fois dabdiquer, particulièrement en 1744 et en 1750, par suite des manoeuvres du fisc. Personne ne sen étonnera si nous disons que les charges publiques tombèrent dans le discrédit le plus complet. Les changements de régime se répétaient à des intervalles si rapprochés que bientit personne nosa plus engager ses fonds dans une aussi misérable propriété. Que fit alors le roi? Il obligea les villes à acquérir tous les offices non pourvus dadjudicataires, et leur permit daugmenter le tarif des octrois pour acquitte leurs dettes. -

Vers 1765), lEtat prit à tâche de détruire les désordres qui sétaient glissés dans ladministration des municipalités, à la faveur de ces fréquents bouleversements, et prit des disposi- tions pour améliorer leur situation. Ordre fut donné aux subdélégués et à tous les sièges judiciaires et financiers da- dresser aux intendans des mémoires explicatifs sur lorgani- sation des villes de leur ressort, en proposant les réformes quils croiraient utiles. Les édits qui sortirent à la suite de cette enquête réglaient les formes des élections et des assem- blées, et soumettaient au contrôle de lintendant tons les actes de la vie municipale. A peine jouissait-on de ce nouvel état de choses, qui paraissait devoir réparer toutes les fautes du passé, que le fisc revint à ses premiers errements. En 1771, un édit remit en vente tous les offices municipaux. Sentant le besoin de justifier sa conduite, le Roi dit dans le préambule que le bien quil sétait proposé eu rendant aux villes le droit délire leurs officiers, tournait coutre leur avantage, attendu que les élections devenaient loccasion de rixes et de rivalités doù naissaient les haines, et que (les gens incapables parve- naient aux charges par lintrigue et la cabale. Il croit, ajoute-t-il, quen vendant les charges à des hommes de son choix, ils agiront sans passion, et quen devenant perpétuels ils auront le temps dacquérir les connaissances nécessaires à leurs fonctions. Ce système administratif avait été mis trop de fois à lessai pour que Louis XV pût de bonne foi se flatter den tirer dheureux résultats. Si le publie, abusé par ces rai- sons spécieuses, prit le change un moment, lexpérience ne tarda pas à lui faire ouvrit les yeux. Turgot, vers 1776, cons- tate que la plupart des villes sont considérablement endettées, partie pour les fonds quelles ont prêtés au gourerneriient, partie pour les dépenses folles faites par les officiers qui dis- posent, dit-il, de largent sans rendre de comptes, ni prendre lavis des habitants.

Les seules réformes vraiment sérieuses qui se soient opé- rées dans le cours du xviit° siècle, sont celles qui sappliquent à ladministration (le la justice. Malgré les arrêts et tes décla- rations par lesquels on avait tant de fois essayé de limiter UOC façon régulière la compétence des juges ordinaires et les officiers (le la maréchaussée, les conflits renaissaient sans cesse entre ces Jeux ordres de juridiction. Afin denlerer toute cause de rivalité, Louis XV eut lheureuse idée de retrancher à la maréchaussée ses attributions judiciaires (I) pour les transférer aux juges royaux. Les sièges de Beaumont, de Lavai. de Cliàteau-du-Loir, de Longaulna, de Fresnay, de Mamers, de Sainte-Suzanne furent investis de la connais- sance de tous les cas prévotaux qui se présenteraient dans létendue de leurs juridictions. An lieu de ressortir aux pré- sidiaux, les appels de leurs sentences allaient directement au parlement de Paris. Suivant une déclaration de 1731, quand le délit avait été commis dans une des villes que nous venons dénumérer, la poursuite et la mise en jugement du cou- pable appartenaient aux juges royaux. Partout ailleurs, les prévôts de maréchaussée informaient contre tous les délin- quants, mérite (Jans les cas ordinaires, mais leur devoir étaie davertir au plus tôt les juges compétents. Ceux-ci, à leur tour, les avertissaient dès quils saisissaient un cas prévôtal. Si la maréchaussée trouvait loccasion de constater la pre- mière un délit sur les terres dun seigneur châtelain ou haut justicier, elle avait le privilège de la prévention et procédait à linstruction de laffaire. De plus, comme les ser gents des justices seigneuriales négligeaient parfois dinformer contre les vagabonds poursépargner les frais de poursuite, Louis XV trouva tin in aénieux moyen de stimuler leur zèle. Il déclara que les frais âe procédure criminelle seraient toujours à la charge du Roi quand ils auraient les premiers appréhendé les coupables; niais que si les procureurs royaux les préve- naient, les dépenses seraient au compte des seigneurs. Dans tons les cas, le Roi prenait à sa charge les frais de transport, de renvoi et dexécution. Cependant, à côté de ces utiles modifications, on laissait encore subsister bien des usages défectueux. Suivant lor- donnance de 474, la maréchaussée devait faire juger sa compétence au présidial dans le ressort duquel la capture avait été faite, et déférer le procès au baillage dans le ressort duquel le crime sétait accompli. On devine aisément que ces

(1) lI paraît cependant que dans les casdémcute sur aux gr;ILfl. pr r?t JIILlI; ?ul t lexclusion t liuiit r ii r - - translations, souvent lointaines, noffraient que trop docca- sions aux coupables de sesquiver et détournaient les archers de leur service. Cest en 1771 seulement que les prévôts et lieutenants furent délivrés de ces voyages et autorisés à porter leurs procès au siège le plus voisin de leur résidence.

La procédure civile avait le plus grand besoin dôtre sim- plifiée, li faudrait du temps pour énumérer seulement les formalités qui assaillaient le demandeur, depuis lintroduction de la!laire jusquà la liquidation des dépens. Celui qui osait sengager dans cette filière dhuissiers, de procureurs, davo- cats, de greffiers et de taxateurs, devait sattendre à y laisser une bonne partie de son bien. Eût-il la meilleure des causes, son profit équivalait à celui des plaideurs de La Fontaine.

Mettez ce quil en coûte à plaider aujourdhui, Comptez ce quil en reste à beaucoup de faniilles, Vous verrez que Perrin tire largent à lui Et ne laisse aux plaideurs que le sac et les quilles.

Par déclaration de 1769, le roi ordonna que les causes pures personnelles, qui nexcéderaient pas la somme de 10 livres, seraient jugées par trois officiers, sommairement et en dernier ressort, sans que les parties soient tenues de se servir du ministère des procureurs, ni dobtenir de commission à la chancellerie présidiale. Soit que les parties se servissent ou non du ministère des procureurs, elles ne devaient être as- sujetties ni au droit, ni à la formalité des présentations, ni à la levée des congés et défauts.

Il restait encore une réforme à opérer, lextension des at- tributions des présidiaux. Un édit de I 774 déclara que désor- mais les juges présidiaux connaîtraient en dernier ressort de toutes les matières civiles qui nexcéderaient pas 2,000 livres de principal et 80 livres de rente, ensemble des dépens et res- titutions de fruits procédant desdits jugements, à quelque somme quils pussent monter, et de plus, par provision, à la charge de donner caution,jusquà 4,000 livres de principal et 160 livres de rente. En il777, afin dépargner aux plaideurs 1. peine de venir è Paris débattre la compétence de leur pré- sidial, le Roi rétablit les règles fixées par Fleuri III, cest-à- dire quil rendit aux présidiaux le droit de régler leur compé- tence.

Après ce que nous avons dit plus haut sur la répartition et la levée (les impôts, il ne nous reste rien à ajouter. Ladmi- nistration des finances na pas cessé pendant le cours du xvIIi8 siècle de recourir aux pratiques dont elle avait contracté lha- bitude sous les règnes précédents. Ce nest pas quon ait né- gligé de mettre fin aux abus; mais (eux qui en tiraient profit étaient si puissants, quils trouvaient toujours moyen de les rétablir. Vers 1752, le corps de ville de Lavai eut le courage de prendre linitiative dune réforme. Il représenta au roi que depuis laugmentation progressive du nombre des privi- légiés, le fardeau des impôts pesait très-lourdement sur les contribuables et, de plus, que la façon injuste et inégale dont les répartiteurs procédaient dans leurs fonctions, engendrait des haines qui se perpétuaient dans les familles de génération en génération. Pour remédier à tous ces maux, il proposa de commuer la taille et ses accessoires en droits de tarif, qui seraient perçus sur toutes les denrées et marchandises ven- dues ou fabriquées à Lavai et sur celles qui entreraient en ville. Comme ce tarif menaçait de frapper tous les habitants, même les gros exempts, le projet rencontra une vive opposi- tion, surtout dans les hautes classes et parmi les commerçants. Le roi eut la sagesse de ne pas écouter les réclamations et approuva la commutation demandée par les officiers inunici- paux. En juillet 1752, les nobles et les ecclésiastiques se voyant trompés dans leur attente, adressèrent au conseil dEtat une requête si bien appuyée dinstances et de remon- trances, quils obtinrent gain de cause En homologuant le tarif, le conseil déclara les nobles et les ecclésiastiques de Laval exempts des droits dentrée pour les denrées destinées ù leur consommation. (1) Cest ainsi que le plus souvent on dérogeait. dans la pratique, aux sages mesures qui avaient été prises pour sauvegarder les intérêts généraux. Cette affaire souleva de vives animosités à Lavai, enflamma les passions et donna naissance à des pamphelets pleins dacrimonie.

(1) Lintendant en fixait la quantité, Ou a peine à comprendre comment lEtat consentait en- core à se rendre coupable de ces actes de faiblesse sans en- trevoir quil amoncelait contre lui des orages de colère dont lexplosion allait être terrible. Cétait rendre de plus en plus difficiles les réformes que Turgot et Necker devaient bientôt tenter, mais inutilement, pour apaiser les plaintes. On peut bien dire, sans exagération, que linégalité des charges est lun des vices qui ont le plus contribué à la dis3olulion vio- lente du corps social organisé par l ancien régime.

FIN.

TABLE DES MATIÈRES.

Préliminaires ...... 3

CHAPITRE 1.

Le Maine sous la féodalité. - Confusion de la souve- aineté avec la propriété. - Hiérarchie des personnes et terres...... 9

CHAPITRE Il.

Réunion dij Maine à la couronne. - Démembrement la province. - Renaissance du régime municipal dans ilaul-Maine. - Création (lun siége royal et dune llectmomm à lavai ...... 20

CHAPITRE III.

• Le %laine sou. Les gouverneurs.—Créations mies prési- liaux du Mans, de La Flèche et de Château-Gontier. - louveaux démembrements de la sénéchaussée du Mans. - Créations des Eleetions de La Flèche, de Château-du- soir, de La Ferté-Bernard et de Mayenne. - Formation le la généralité de Tours ...... 32

CHAPITRE 1V.

Le Maine sous les intendants de Louis XIV. Mummii- ,alités de Lavai, de Mayenne, de Beaumont, de Chiliau- luLoir, dErnée. de Sablé et de Ronnétable...... 51

/ CHAPITRE V.

Le Maine SOUS les intendants de Louis XV et de louis XVI. . Extension croissante du pouvoir central. - Mobilité du régime municipal...... r"