Le Chateau De Villars-Dompierre
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LE CHATEAU DE VILLARS-DOMPIERRE par Françoise VIGNIER Courtépée 1 et Baudiau 2 avaient tenté, avec les moyens dont ils disposaient, de déterminer les origines du château de Villars- Dompierre. Le résiliât de leurs travaux fut excellemment résumé par A. Guillaume en une seule phrase : «... un ancien château appartenant autrefois aux barons de La Trémouille. Par la décoration de sa façade il paraît dater du xvme siècle. 3 ». En l'absence d'archives propres à Villars, les archives de la Chambre des Comptes et les collections de la Bibliothèque Mini- cipale de Dijon permettent de nuancer et de préciser cette prudente affirmation 4. Au début du xive siècle Villars n'était qu'un élément de la seigneurie de Courcelles-Ies-Semur alors encore possédée par une famille qui en portait le nom 5. Celle-ci s'étant éteinte la seigneurie de Courcelles entra dans le domaine ducal puis fut à deux reprises donnée en garantie de dettes du duc Philippe le Hardi à Guy et Guillaume de La Trémouille qui en furent ainsi les éphémères propriétaires en 1370 6, puis de 1374 à 1378 7. Finalement en reconnaissance des services rendus, Philippe le Hardi abandonna définitivement Courcelles aux La Trémouille en 1386 8. Jean de La Trémouille, fils de Guy VI, en était propriétaire en 1443 quand sa fille naturelle, Jeanne de La Trémouille, veuve en première noces de Girard de Cussigny, seigneur de Pont-d'Aisy, contracta une seconde union avec Etienne de Gevigney, personnage d'origine très certainement franc-comtoise9. Pour doter sa fille 1. COURTÉPÉE, Description générale et particulière du duché de Bourgogne, 3e éd., 1968, t. IV, p. 130-131. 2. BAUDIAU (J.-F.), Le Morvand, Nevers, 1867, t. III, p. 340 et p. 314-315. 3. GUILLAUME (A.), La Côte-d'Or. Guide du touriste, de l'archéologue et du naturaliste, Dijon, 2e éd., p. 00. 4. Les premières recherches ont été entreprises, à l'initiative de M. et Mme André de Chassey, propriétaires du château, par le R. P. Raoul de Ghassey. 5. Cf. PERROT »K CIIAZELLE (H.), Le château de Courcelles-les-Semur, dactyl., 1972 (Arch. dép. Côte-d'Or, 1 F 620). 6. Cf. Arch. dép. Côte-d'Or, B 339. 7. Cf. Arch. dép. Côte-d'Or, B 1337 et C 2559 (copies xviuc siècle). 8. Arch. dép. Côte-d'Or, B 1337. 9. Arch. dép. Côte-d'Or, B 11713. 256 FRANÇOISE VIGNIER Jean de La Trémouille démembra la seigneurie de Courcelles en formant pour elle un domaine regroupant le village et la terre de Romanay 10 et des droits seigneuriaux à Genouilly u, Bierre et Villars-Dompierre. A Villars même, ceux-ci consistaient en « fran- chises, tierces, corvées de charrues et de bras, poules de coutume ». L'acte ne faisait aucune allusion à un château ou à une maison- forte et précisait que la justice demeurait entre les mains des seigneurs de Courcelles. Treize ans plus tard, en 1456, Jeanne, à nouveau veuve et déjà remariée à Jean Joffroy, de Gray, donc définitivement liée à la Franche-Comté, céda pour 800 écus à Quentin Ménart, archevêque de Besançon 12 tout ce que lui avait donné son père. Ce haut personnage abandonna peu de temps après ses biens à son neveu Quentin de Chappes qui dut, pour ce qu'il possédait à Romanay et Villars, se reconnaître vassal du duc en 1464 13. A cette date il n'y avait toujours pas de château à Villars ainsi que le confirment les termes de la recherche de feux de 1460 : « Villers- Dompierre où il n'a forteresse, foire ne marchié... 14 ». Des tribulations ultérieures du domaine de Romanay et Villars, dont la transmission fut de tout temps rendue complexe par l'absence d'héritiers directs, il faut seulement retenir quelques jalons, les actes eux-mêmes ayant disparu ou ne contenant pas d'informations utilisables sur la consistance des biens. En 1573 le domaine passa par mariage à Pierre Davout, époux de Marguerite de Chappes, puis revint ensuite entre les mains de Philiberte de Chappes, sœur de celle-ci et dernière descendante de la lignée, qui en fit don en 1622 à ses neveux Nicolas et Laurent Desgeorges, époux de Denise Davout15. En 1652 un accord intervenu entre les héritiers de ces deux personnages valut à ceux de Laurent Desgeorges de recevoir Romanay et Villars 16. En 1699 enfin, Villars acquit son autonomie en exécution d'un partage conclu devant le notaire Maillard, à Flavigny17, qui attribua Villars à Marie-Jacqueline Desgeorges. 10. Comm. de Saint-Germain de Modéon. 11. Gomm. de Dompierre-en-Morvan. 12. II est à l'origine de l'agrandissement, entre 1434 et 1438, du chœur de l'église de Flavigny, où il avait créé un chapitre de chanoines et où il devait se faire ériger un mausolée détruit pendant la Révolution. 13. Arch. dép. Gôte-d'Or, B 10578. 14. Arch. dép. Gôte-d'Or, B 11516, f° 16 v°. 15. Arch. dép. Côte-d'Or, B 10771 et Recueil de Peincedé, t. XXIX, p. 378- 382. 16. Arch. dép. Yonne, minutes de Thomas, notaire à Avallon. 17. Arch. dép. Côte-d'Or, B 10909 et 4 E 112/137. CHATEAU DE VIU.ARS-DOMPIIïRRE 257 17 258 FRANÇOISE VIGNIER La description du domaine, fournie à cette occasion, fut extrê- mement laconique : « La terre et la seigneurie de Velars-Dompierre consistant en la justice moyenne et basse, baptimens, terres, preys et tous autres héritages en dépendans, corvées de charrue et à bras, droict de messerie, poulies de coutume, censés, rentes, rede- bvances, tierce par tout le finage de quinze gerbes l'une... ». C'est néanmoins la seconde fois qu'apparaissent les termes de « seigneurie » et de « justice moyenne et basse », la première mention datant de 1622, sans qu'il soit possible de déterminer la part du formalisme routinier, des aspirations des propriétaires et de la réalité dans ces expressions. Mais il n'y a toujours pas de château : l'essentiel du domaine est constitué de terres, acquises par les propriétaires successifs, et de bâtiments d'exploitation. Marie-Jacqueline Desgeorges épousa François Damoiseau à qui elle laissa l'usufruit de Villars par don accordé le 3 décembre 1708 devant le notaire Larmier à Saulieu, la propriété elle-même pas- sant alors à sa sœur. Puis le fils de cette dernière, Jacques-Alphonse de Meun de La Ferté, s'en fit céder l'usufruit par François Damoi- seau le 11 juillet 1737 par acte reçu par Testot, notaire à Arnay- le-Duc et reprit le fief du roi le 12 août suivant18. Le dénombrement fourni en cette occasion est le premier texte qui apporte des préci- sions sur la consistance exacte du domaine. En effet, à l'énumération des droits (justice moyenne et basse, taille de 4 livres par habitants, tierce de quinze gerbes l'une, 3 corvées de charrue par laboureur et une corvée de moisson par habitant, une poule de coutume par habitant) succède la description suivante des bâtiments et terres : « appartient audit seigneur de Velars un domaine scis audit lieu en toute propriété et paisible possession, sans aucun contredit, consistant en deux chambres à feu et une autre petite chambre attenante, une cuisine avec un cabinet joignant, grenier dessus, couvert de tuiles, une chambre à fourg et petite écurie attenante, la cour et la porte d'entrée, une grange au bas de ladite cour sur colomne avec deux écuries aux côtés d'icelle, un jardin au derrière de ladite maison, d'une chènevière au derrière de ladite chambre à four de la continance d'un journal, une ouche derrière le jardin contenant environ un demy journal de terre à froment le tout dans un seul et même pourpris tenant d'un long à la rue à voye commune, d'autre par derrière et du bout dessous au sieur Le Mulier de Saussy, de Semur-en-Auxois et du bout dessus aux terres labourables ». 18. Arch. dép. Côte-d'Or, B 1100. Les minutes de Larmier manquent. Celles de Testot n'ont pas été déposées aux Archives départementales. CHATEAU DE VILLARS-DOMPIERRE 259 Les biens fonciers eux-mêmes comprenaient 12 soitures 1/2 de près et 98 journaux de terres à Villars même, soit une superficie totale de 38 hectares, et 6 ouvrées de vigne à Pouillenay. Il s'agit donc bien, encore à cette date, d'une grosse ferme dans laquelle les constructions destinées à l'habitat occupent une place infime. Le 24 septembre 1750 Villars changea à nouveau de mains : Jacques de Mun vendit à Gabriel-Hector de Brachet la terre qu'il avait acquise treize ans plus tôt19. La reprise du fief par le nouveau propriétaire intervint le 26 novembre suivant 20. Dès 1767 Gabriel de Brachet céda Villars à François de Chastenay en échange d'un domaine sis à Vesvres 21. Villars fut alors évalué 43 200 1., mais nulle description n'en fut donnée car François de Chastenay, qui y résidait déjà, déclara «avoir pris par lui-même une connaissance suffisante de ladite terre mouvante de la Chambre des Comptes de Dijon 2a ». Même mutisme dans l'acte par lequel François de Chastenay abandonna Villars à Marie-Claude Champion, ancien maire d'Aval- Ion, le 23 juillet 1791 23 : les terres, les bâtiments, le mobilier et les archives furent laissés à l'acquéreur pour 60 300 livres (dont 1 300 livres de mobilier) mais 3 200 livres seulement furent versées au vendeur, le reste de la somme ayant été consacré au rem- boursement des dettes qu'il avait contractées auprès de neuf créanciers. Ce n'est donc pas aux titres de transmission de la propriété, qui permettent tout au plus de suivre la lente élaboration d'un domaine que ses propriétaires voudraient bien voir paré du titre de seigneurie, qu'il faut emprunter des éléments de datation des édifices.