L'atelier Du Canut Lyonnais
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
L’ATELIER DU CANUT LYONNAIS AU XIX° SIECLE Par Philippe DEMOULE ©2002 INTRODUCTION La soierie lyonnaise a contribué pendant plusieurs siècles à porter la renommée d’une région au-delà des océans. De très nombreux documents sont restés qui décrivent cette activité, d’un point de vue historique ou sociologique et notre ambition n’est pas d’aborder le sujet sous l’un de ces angles, d’autres, certainement plus compétents que nous ont contribué à cette mémoire collective. Nous avons voulu traiter un autre aspect de ce thème qui nous tient bien plus à cœur et que nous connaissons mieux. Nous aborderons dans cet ouvrage l’angle de la mémoire technologique. Nous avons constaté que hormis quelques ouvrages extrêmement rares en langue française comme le Traité des tissus de Falcot 1 (1844) ou l’Art du fabricant de soieries de Paulet 1 (1777), aucun ouvrage technique ne traite de l’atelier du canut lyonnais au XIX° siècle. L’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, tout comme le Paulet, pour intéressants qu’ils soient, décrivent une technologie antérieure à celle qui nous concerne, et de plus ne nous ont pas semblé aborder les choses suffisamment en profondeur. Notre volonté est de limiter le champ de nos propos mais de les développer le plus complètement possible. Le CVMT, Conservatoire des Vieux Métiers du Textile a choisi, dans le cadre de sa mission de sauvegarde de tenter de combler cette lacune en rédigeant cet ouvrage dont le contenu n’a pas été défini au hasard mais dans la perspective de contribuer à mettre à la disposition du public le plus large possible une description précise et abondamment illustrée de l’atelier du canut lyonnais et de quelques techniques de tissage de soieries. Une attention toute particulière a été portée pour tenter de faire de cet ouvrage un livre de vulgarisation accessible à tous, qui donne à voir et à comprendre plutôt qu’à apprendre et enfin qui puisse être une source documentaire pour les médias. Il nous a paru opportun, pour terminer cet ouvrage d’écrire un article sur l’histoire de la soierie lyonnaise, afin que le lecteur puisse situer la chronologie et le contexte sociologique de nos propos. 1 Ces deux ouvrages sont disponibles sur CD-ROM auprès du CVMT (site www.cvmt.com) TABLE DES MATIERES Partie I – Le métier à tisser lyonnais au XIX° siècle • Préambule • Présentation générale • Chapitre 1: Planches de métier lyonnais et photos • Chapitre 2 : Les outils du canut • Chapitre 3 : Les mécaniques Jacquard • Chapitre 4 : Quelques notions de base sur les soieries Partie II – Le veloutier de soie • Chapitre 5 : Un tissu magique, le velours de soie • Chapitre 6 : Le velours uni • Chapitre 7 : Le velours ciselé • Chapitre 8 : Le métier de velours Partie III – La grande histoire de la soierie lyonnaise • 1 - Des origines à la Révolution • 2 - A l’époque de Jacquard • 3 - De la fin du XIX° siècle à nos jours Partie IV – Le Dictionnaire de la soierie PREMIERE PARTIE Le métier à tisser lyonnais au XIX° siècle Métier Atelier du Chelu - France PREAMBULE Le métier à tisser lyonnais est un outil surprenant. Une machine étonnamment simple, voire rudimentaire. De nombreux visiteurs néophytes sont dubitatifs lorsqu’ils observent ce métier à tisser en action. Le contraste qui existe entre cette machine sommaire, amalgame de poutres de bois et de ficelles, et l’étoffe prestigieuse qu’ils voient se constituer lentement sous leurs yeux les déconcertent et ils cherchent alors à comprendre … C’est que notre cher métier lyonnais, sous son aspect rudimentaire est le fruit de l’expérience séculaire de nombreuses générations de canuts qui ont chacune cherché à améliorer avec les moyens qui étaient les leurs, l’outil qui leur permettait de faire vivre leur famille … Les moyens technologiques et financiers n’étant pas à leur portée, ils ont alors dû leur substituer les moyens de la réflexion, de l’imagination, de l’intelligence et du bon sens. Combien de tisseurs ont passé des nuits entières à inventer des stratagèmes et à les expérimenter. Mais le plus étonnant est que le fruit de toutes ces tentatives aurait logiquement dû déboucher sur une machine complexe, tentaculaire, difforme, tourmentée, une sorte de monstre hybride … Il n’en fut rien. La dernière version du métier à bras lyonnais, celui du XIX° siècle restera sommaire, dépouillé, technologiquement sobre et c’est ce qui fait sa grande valeur. Car entre cette machine sommaire et l’extraordinaire sophistication des étoffes somptueuses qu’elle tisse, on devine bien que la clef de voûte, le chaînon manquant, ce doit être le canut, et c’est bel et bien le talent et l’intelligence de cet homme, qui socialement ne fut jamais considéré autrement que comme un ouvrier en bas de l’échelle, qu’il nous faut découvrir et glorifier. Exploité, sous-payé, ignoré, maltraité, jamais reconnu, sans le canut, ces étoffes somptueuses n’auraient pas vu le jour. Il est donc temps de rendre au canut l’hommage qu’il mérite … PRESENTATION GENERALE Le métier à tisser lyonnais, en tant qu’outil n’a en fait, contrairement à ce que l’on entend souvent, que très peu évolué au cours des siècles. Quelque évolutions notables ont cependant été apportées, dont tout particulièrement deux qui sont suffisamment capitales pour avoir en quelque sorte révolutionné d’une certaine manière la production : • En 1733, l'anglais John Kay invente la première navette volante qui fut une évolution capitale au niveau de la productivité en particulier des tissus unis. • En 1804, le lyonnais Joseph Marie Jacquard (1752-1834), fils de canut, alors âgé de 38 ans, invente la mécanique qui portera son nom. En réalité il faudra attendre 1812 pour que le prototype de Jacquard, amélioré par les gareurs 2 Sckola et Breton ne devienne vraiment exploitable et puisse avoir le développement que l’on sait. Sa mécanique permettait de lever automatiquement les fils de chaîne. Jusqu'à la fin du XVIII°, le tissage des étoffes brochées se faisait encore entièrement à la main. Page suivante : Intérieur d'un canut en 1831. Gravure de Férat - Le métier lyonnais est ici un métier de velours façonné équipé d’une mécanique Jacquard, mais ne disposant pas des navettes volantes inventées par John Kay en 1733, ce qui paraît étonnant en 1831. Peut-être un oubli de l’artiste, ce qui paraît aussi étonnant car voici l’une des rares représentations très fidèles du métier à tisser lyonnais, généralement bâclées par les artistes qui n’avaient pas le souci du détail. 2 A Lyon, le gareur est le mécanicien chargé dans l’atelier de la réparation, des réglages et de la mise au point des machines textiles. Mais ce métier exigeait une somme de connaissances qui dépassait très largement les seules compétences en mécanique pure. Chapitre 1 : PLANCHES DU METIER LYONNAIS Parmi les sources iconographiques techniques existant sur le métier à tisser lyonnais, il en existent très peu qui soient exactes, fidèles et complètes. Falcot est avare en illustrations, Paulet décrit un matériel antérieur à Jacquard et nous ne voudrions pas tisser sur les métiers représentés dans les planches de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert (antérieures à Jacquard, publiées entre 1751 et 1772). Nous présentons donc des planches extrêmement précises et exactes du métier lyonnais du XIX°, qui ont été utilisées par de nombreux professeurs dans leur cours de technologie du tissage, en particulier à l’Ex-Ecole de tissage de Lyon. Métier Atelier du Chelu - France Vue entière d’un métier d’uni Bascules et supports pour cordons et cordelines Bâti d'un métier On appelle bâti la charpente de bois sur laquelle se trouve placés ou fixés tous les organes du métier. Cette charpente, dans les métiers à bras, est composée de 9 grosses pièces de bois équarries et dressées, et réunies à l'aide de tenons pris dans des mortaises et fixés avec des boulons d'assemblage. Quatre de ces parties de bois placées verticalement et mesurant généralement 1m 80 à 1m 90 sont désignées sous le nom de pieds de métier. A leur extrémité, ces 4 pieds sont reliés par 4 traverses qui fixent l'écartement des pieds à leur partie supérieure. Deux de ces traverses appelées estases relient deux par deux les pieds avant du métier et les pieds correspondant placés en arrière déterminant ainsi la longueur du métier. Cette longueur peut varier suivant l'emplacement dont on dispose et le genre de tissu que l'ont doit exécuter, en général cette longueur est comprise entre 2 m et 3 m 30, et se mesure entre les pieds de devant et de derrière. A leur extrémité les estases sont reliées par deux fortes traverses appelées clefs qui déterminent la largeur du métier. Cette largeur varie et dépend surtout de la largeur de l'étoffe à exécuter, elle doit être pour le métier d'au moins 30 cm plus grande que celle du tissu. Cette mesure étant également prise à l'intérieur des pieds. On construit des métiers mesurant depuis 1 m de large jusqu'à 3 m et plus. Les deux pieds de derrière sont reliés solidement à leur base par une traverse assemblée et boulonnée qui prend le nom de claire. Les deux pieds de devant sont renforcés à leur partie inférieure jusqu'à une hauteur d'environ 70 cm, sur cette partie repose un plateau en bois dur désigné sous le nom de banque, après lequel se fixent différents organes qui varient suivant l'organisation du métier. Sur la banque et en avant de chaque pied se trouve le caissetin, petite boite qui sert à l'ouvrier pour déposer les canettes, etc… et qui est recouvert d'ordinaire par une petite planchette.