Octobre 2002 Histoires du Pays d’ ______

EDITORIAL

Serions-nous contagieux ? Si oui, réjouissons nous.

En effet, Histoires du Pays d’Aigre fait des émules. Après Saint- Amant de Boixe et le numéro 1 de Jadis, on entend dire que, sur le canton de Rouillac peut-être que !… (un groupe de travail serait devant la feuille blanche).

Tout ceci est très bien, « abondance de biens ne nuit pas » et prouve que la vie culturelle dans nos campagnes existe, ne de- mande qu’à éclater et s’épanouir dans une entité suffisamment im- portante pour représenter la somme de nos savoirs et non nos parti- cularités individuelles.

Bonne lecture à tous Michel PERRAIN

Ecole de filles de Fouqueure en 1936

1 Histoires du Pays d’Aigre Octobre 2002 ______

Fouqueure

ordée par la et l'Osme au Sud, adossée au plateau calcaire de la forêt B de au Nord, la commune de Fouqueure s'étend sur 1643 ha. Fouqueure compte trois villages : La Talonnière, Mallenville, La Terne et deux hameaux : Sèche- Bouc et Vergnette. Actuellement traversée par la départementale 739 d'Est en Ouest.

Fouqueure a malheureusement suivi la courbe démographique de l'ensemble de nos petites bourgades. De 1016 habitants en 1821, la population est passée, un siècle plus tard, à 634 habitants et, au dernier recensement, à 428 habitants. Toutefois il est à souligner qu'à l'avant-dernier recensement Fouqueure comptait 426 habitants.

Pendant longtemps, la vigne et le chanvre étaient les principales cultures. Cepen- dant, l'arrivée du phylloxéra bouleversa gravement les ressources des agriculteurs, les contraignant à se reconvertir. Les terres les moins fertiles furent plantées en bois ve- nant agrandir la Forêt de Tusson, les autres en céréales et pâturages. Le chanvre, lui non plus, ne résista pas à la venue du XX° siècle. Bientôt « la moghette » et la pomme de terre envahirent les terres les plus humides des marais. Puis, avec une nouvelle restructuration de l'agriculture, l'élevage disparut de nos fermes qui s'orientent davan- tage vers la culture du maïs, accentuée par l'irrigation. Les petites exploitations ont été remplacées par seulement quelques-unes plus importantes et une grande partie des terres est cultivée par des agriculteurs ne résidant pas dans la commune.

L'artisanat, relativement prospère il y a encore un demi-siècle, disparaît peu à peu. Deux maréchaux-ferrants ferraient les chevaux de la commune et des alentours et assuraient l'entretien du matériel. Leurs « boutiques », les jours de pluie, servaient de lieu de discussion aux nombreux agriculteurs et retraités. Deux épiceries, une pompe à essence, deux cafés, une boulangerie donnaient un peu d'animation dans le village. Seuls subsistent la boulangerie et un café.

Dans « Les Ganets », trois exploitants de sablière s'employaient à extraire sable et cailloux, matière première qui a servi à construire la ligne de chemin de fer pour le « Petit Mairat ». Fouqueure avait sa gare.

Si le nombre d'entreprises a décru, nous n'avons plus qu'un garage, une entreprise de maçonnerie et un transporteur, leur pérennité semble assurée, vue la jeunesse de leurs équipes. Depuis quelques Population de Fouqueure années, avec la 1016104510421055 980 948 venue de jeunes 1200 879 couples, travail- 760 774 1000 709 634 596 lant à l'extérieur, 541 800 530 490 la population 471 437 426 428 600 rajeunit, assurant ainsi le maintien 400 des deux écoles. 200 0 1821 1831 1841 1851 1861 1872 1881 1891 1901 1911 1921 1931 1946 1954 1968 1975 1982 1990 1999

Jean-Pierre ROSSIGNOL

2 Octobre 2002 Histoires du Pays d’Aigre ______

Les logis de Fouqueure

ouqueure a un passé très riche, si on fait référence aux vestiges trouvés sur son F territoire. Ses logis sont aussi des témoignages du passé. Le Palliée :

Ce domaine doit son nom à ses possesseurs. En effet, le 17 mars 1727, il est entre les mains de Pierre PAILLIER, sieur de Cessaud qui y demeure. La construction du logis est antérieure au XVIII° siècle. Il fut probablement édifié au XV° siècle à l’emplacement des constructions de l’ancienne commanderie des Templiers, devenue au XIV° siècle, une commanderie hospitalière, unie au XVIII° à celle de Villejésus. Les PAILLIER vont conserver la demeure jusqu’en 1761. A cette date, Antoinette PAIL- LIER vend le manoir à François BRIAND. En 1842, Marie-Magdeleine Justine, sa fille, hérite du manoir. Son époux, Louis-Henri de , le cède aussitôt à la commune de Fouqueure mais, quatre ans après, la municipalité refuse la vente. Le 15 mars 1847, il échoit alors à Madame DES MARETS qui l’achète à sa tante Madame de JARNAC. Par la suite, la demeure sera détenue par la famille PERIGORD-LAFAIX puis, en 1935, par Germain GABORIT, connu pour ses nombreuses études historiques sur le département de la Charente. La propriété fut achetée en viager par M. VITARD en 1952 qui la céda à M. MINIER en 1972. Ce logis possède une tour ronde d’escalier coiffée en poivrière, couverte de tuiles plates et percée de deux petites fenêtres dont une avec appui mouluré, ainsi que deux meurtrières murées. Au-dessus de la porte d’entrée figure un blason martelé, entouré d’une couronne de lauriers à quatre anneaux. Dans la cour s’élevait une fuie sur plan carré qui fut détruite en 1904. Ce logis est habité par la famille PASQUIER.

Le château de Fouqueure et le fief des Matthieu :

Selon les archives munici- pales, « ce jour’hui, 18 fri- maire, l’an II de la République, la municipalité a procédé au brûlement des titres, papiers relatifs aux droits féodaux qui ont été déposés à la com- mune par la citoyenne veuve ROBIN (La Ménarderie) à cause de son fief des Mat- thieu… » Ce fief appartenait alors à la citoyenne veuve ROBIN de la Meynarderie, qui avait deux filles. Leur parent, FAURE DE RENCUREAU avait sans doute un titre de tuteur ou de conseiller. Par mariage, la propriété passa au MONDION DES CHIRONS et, ensuite, aux DESVALLÉES, vieille famille ayant tenu une assez large place dans le Poitou vers Saint-Maixent1.

1 Saint-Maixent l’Ecole en Deux-Sèvres.

3 Histoires du Pays d’Aigre Octobre 2002 ______

Le Logis des Matthieu datait du XVIII° siècle. Il reste une tour carrée qui fut peut- être une fuie. Vers 1850, M. DESVALLÉES construisit le château de Fouqueure, bel édifice avec un grand escalier à l’arrivée, entouré d’un parc bien dessiné et enclos de murs. Après la disparition de la famille DES- VALLÉES, le château de Fouqueure ap- partint à Félix MARROT, député de l’arrondissement de Ruffec puis à Elie GAUTHIER. Il est aujourd’hui propriété de M. et Mme Adel MARDINI après avoir ap- partenu à la famille GÉLIEUX. Le Logis des Matthieu, plus ancien, avait été cédé à Georges JAUSEAU. Ac- tuellement, c’est Michel COMBAUD qui en est le propriétaire. (photo ci-contre) Tour carrée du Logis des Matthieu

Vergnette :

L’histoire de Vergnette est étroitement liée à celle de La Terne puisque dans un premier temps, s’élevait, sur ce domaine, le pavillon de chasse des LA ROCHEFOU- CAULD, seigneurs de La Terne. On ignore cependant la date d’acquisition de ces ter- res. Dans la seconde moitié du XVI° siècle, elles appartenaient à François III de LA ROCHEFOUCAULD. Cette maison possédait encore Vergnette pendant la Révolution mais lorsque Louis-Alexandre de LA ROCHEFOUCAULD-ANVILLE est assassiné en 1792, sa veuve vend la propriété. C’est alors que furent constitués deux lots : La Terne fut acquise par le baron ROGER et Vergnette et sa forêt par le baron FEUTRIER. L’aîné était évêque de Beauvais, Pair de , ministre des Affaires Ecclésiastiques sous la Restauration. Alexis, son frère, avait exercé la fonction d’auditeur au conseil d’état, nommé à ce poste en 1810 par Napoléon 1°. Puis leur succédèrent les familles GAUTIER et de CATHEU. Le domaine comprend le château et le logis. C’est à l’emplacement du château que s’élevait le pavillon de chasse qui fut remanié et agran- di dans la seconde moitié du XIX° siècle. La construction actuelle consiste en un corps de logis quadrangulaire à deux ni- veaux et un étage sous comble éclairé par des lucarnes. Le logis rectangulaire, plus important, remontant sans doute au XIX° siècle est percée de larges ouvertures en travées. Les seuls éléments décoratifs sont les petits frontons en segment rehaussant chaque lucarne. A l’Ouest du logis s’étendent les dépendances et à l’Est les bâtiments de ferme. Cette propriété fort bien entretenue est inscrite dans un charmant cadre boi- sé2, arrosé par la Charente.

Le Logis de la Talonnière :

A l’Ouest du village se dresse le château de La Talonnière qui se compose d’un vaste corps de logis avec une tourelle ronde à l’angle sud-ouest. Dès le XIV° siècle, il appartenait aux seigneurs DE BARBEZIERES. L’un deux, Charles DE BARBEZIE- RES, seigneur de La Talonnière, chanoine de la cathédrale d’Angoulême fut enterré dans l’église de Fouqueure. En 1793, le château appartenait au citoyen LABARDE.

2 La forêt de Vergnette a malheureusement beaucoup souffert de la tempête du 27 décembre 1999.

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Si on compare le cadastre Napoléon de 1831 au cadastre actuel, différentes trans- formations ont été effectuées après 1870 par Mme MACQUET.

Le Logis de Malanville :

Philippe ITHIER, premier possesseur connu apparaît dans un acte du 10 août 1682. Ce logis comprenait deux chambres sur cave avec grenier au dessus, un fournil et un colombier. Le 12 septembre 1740, Malanville est partagé en deux entre les héritiers ITHIER : Marie BRIAND, veuve en premières noces de François ITHIER, sieur de Malanville et Joseph CHARRIE, sieur de La Gruyère, époux de Marie Marguerite ITHIER. Marie BRIAND a épousé en secondes noces François JOSEAU. Leur fils Gabriel JOSEAU prit pour épouse, en 1743, Suzanne ITHIER. Leurs descendants possédaient encore le Logis de Malanville sous la Révolution. Ce logis a disparu à l’exception de quelques fragments de ce qui devait être les communs.

Le Château de La Terne : voir page suivante

Simone BERNARD

Sources : « Châteaux, Manoirs et Logis de la Charente » - Bruno SEPULCRE « Châteaux, Manoirs et Logis de la Charente » - Association Promotion Patrimoine « Inventaire Archéologique de la Frontière Angoumois-Poitou-Saintonge » Germain GABORIT Documents fournis par Mr Jacques CHARLES gendre des propriétaires actuels de La Talonnière.

Aquarelles du château de La Terne, extraites du Recueil des Châteaux de l’Angoumois (Maison de La Rochefoucauld), publié pour la première fois en décembre 1989. Reproduit avec l’aimable autorisation de M. Bruno SEPULCRE, libraire-éditeur à Paris

5 Histoires du Pays d’Aigre Octobre 2002 ______

LE CHATEAU DE LA TERNE

e château de la Terne était autrefois beaucoup plus important qu’il ne l’est actuel- L lement. On ne connaît pas la date de sa construction. Cet édifice est situé en bordure et au Sud-Est de la route N° 739, de Saint-Junien à Rochefort-sur-Mer. Construit sur un terrain de pente Sud- Nord, il domine à la fois la vallée de la Charente (qui coule à moins de cent mètres à l’Est), une prairie et un bois (qui s’étendent, la première au Nord et le second au Sud). De l’autre côté de la route, à l’Ouest, un groupe de mai- sons.

L’ensemble se compose, au Nord, d’un vaste logis, au Sud duquel s’étend une ter- rasse, surplombant la Cha- rente et sous laquelle se Le château de La Terne - Façade Ouest trouve une cave ; à l’Ouest en bordure de la route et du Nord au Sud, d’un hangar, un portail et des écuries. La terrasse est entourée par un parapet en pierre. Deux pigeonniers, l’un dans l’angle Sud-Est et un autre au Sud, à l’extrémité d’un corps du bâtiment long et bas contenant des dépendances. Le corps de bâtiment, construit en pierre calcaire locale, se compose d’un sous-sol, un rez-de-chaussée, un étage carré et des combles. Les murs sont en moellons dispo- sés en assises réglées. Les couvertures sont en tuiles creuses hormis celles des pi- geonnier qui sont en ardoises. Ces deux pigeonniers sont identiques, à ces réserves près : la face Ouest de l’un est percée d’une porte et une porte haute au même aplomb ; elle est dépourvue de bandeau.

Bref historique

Un inventaire de meubles, dressé en 1728 à la mort de François VIII de LA RO- CHEFOUCAULD indique la distribution intérieure et la richesse du mobilier du châ- teau : - au rez-de-chaussée, une chapelle, sept chambres et quatre pièces servant de cuisine, rôtisserie etc… - au premier étage, dix chambres. Le château comprenait également : - un appartement de cinq pièces, « au-dessous de la plate-forme » - et le « Trianon de Madame » dans le parc. Parmi le mobilier, d’importantes tapisseries. la distribution intérieure a été totalement remaniée.

6 Octobre 2002 Histoires du Pays d’Aigre ______

Mutations chronologiques de propriété.

Le château de La Terne appartenait à la maison de LA ROCHEFOUCAULD, mais on ne sait à quand remonte cette possession, dont on ne conserve la trace que depuis le XVI° siècle. Les seigneurs de La Terne furent successive- ment : - François III de LA ROCHEFOUCAULD, mort en 1572. - 1588 - 1650 François V de LA ROCHEFOU- CAULD (décédé en 1591) - 1613 - 1680 François VI de LA ROCHEFOU- CAULD - 1634 - 1704 François VII de LA ROCHEFOU- CAULD - 1690 - 1762 Alexandre de LA ROCHEFOU- CAULD Sa fille aînée épouse le duc de LA ROCHEFOU- Pigeonnier du château de La Terne CAULD-ANVILLE (décédé en 1746) et lui apporte La Terne. - 1743 - 1792 Louis Alexandre de LA ROCHEFOUCAULD-ANVILLE . Sa veuve vend La Terne au baron ROGER.

La maison ou famille de LA ROCHEFOUCAULD remonte au X° siècle. Sa devise :

« C’est un plaisir ».

… « Le comte de LA ROCHEFOUCAULD, seigneur d’un agréable et excellent esprit, avait demandé à un de ses amis une « grotesque » ou drollerie pour la belle galerie de La Terne. On lui donna trois files de peintures, à savoir : une danse, un bagage d’armée qui chemine, et une procession. Je voudrais en pouvoir ressouvenir de toutes les particularités, mais je vous en donnerai ce que peut ma mémoire par ci, par là ».

Pour en savoir plus, lire d’AUBIGNÉ, « Les aventures du baron DE FOENESTE » pages 291-298.

Guy BERNARD

Sources : « Les aventures du baron DE FOENESTE » Théodore d’Agrippa d’AUBIGNÉ - publié par Prosper MÉRIMÉE à Paris en 1855 page 291/298 « Bulletin SAHC » Paul de FLEURY - 5° série 1884/85 - page 186/209. « Le château de Verteuil » Marquis de AMODIO - Bulletin de la SAHC 1955 page 41/66. « Anciens châteaux, manoirs et logis de la Charente » par Charles DARAS - 2° édition -Angoulême 1968 page 164. « Monographie du château de la Rochefoucauld précédée d’une notice historique et archéologique sur l’ancienne ville de La Rochefoucauld et sur la vallée de la Tardoire » Géographie de Rochefort en 1894. « Inventaire archéologique de la frontière Angoumois, Poitou et Saintonge » Fouqueure 1954 page 42 et 43. « Inventaire JOLY »

7 Histoires du Pays d’Aigre Octobre 2002 ______

LA CULTURE DU CHANVRE a FOUQUEURE IMMORTALISée DANS LES « OPPRESSIONS » DE VOYAGE DE JACQUES PINGOT

a culture des céréales et de la vigne sur les flancs caillouteux de nos coteaux et L celle des oignons, des haricots, du chanvre et du lin dans nos fertiles marais de la vallée de l’Aume furent, pendant des décennies, les principales ressources du Pays d’Aigre. Si, d’un côté, nous connaissons, avec précision, les diverses pratiques viticoles, grâce à une étude réalisée en 1864 - 65 par Emile JOBIT, propriétaire à Tusson, de l’autre nous ne possédons que peu d’écrits, de témoignages et à ce jour aucun docu- ment iconographique sur la récolte du chanvre et du lin dans notre région aigrinoise. A l’inverse de la vigne qui continua son petit bonhomme de chemin, ces deux plantes textiles disparurent de nos marais au tout début du XX° siècle, supplantées par l’arrivée sur le marché des fibres de coton, de sisal de jute et de nylon. L’un des rares témoignages écrits que nous possédons sur la culture du chanvre dans notre canton est celui de Pierre-Charles CLUZEAUX, instituteur à Saint-Fraigne puis clerc d’huissier et clerc de notaire à Aigre vers 1850, qui composa un poème en patois angoumoisin : Les Oppressions de Voyage de Jacques PINGOT d’Aigre à Luxé. Dans ses notes rétrospectives sur Ruffec et ses environs, Alexis FAVRAUD qualifie ce poème « de véritable petit chef-d’œuvre de naïveté, de malice et d’exactitude ». CLUZEAUX voulut célébrer l’arrivée du chemin de fer dans notre contrée : « j’en conv’nons, quiau ch’mind’far…, je ne révions qu’à l’y… ». La section de la ligne Poi- tiers-Angoulême venait d’être ouverte au public le 18 juillet 1853. Dans le journal l’Observateur de Ruffec du 13 avril 1856 on peut lire : « cette bluette campagnarde, pleine d’originalité, de bons mots et de plaisanterie bouffonnes, contient sept cents vers alexandrins. Nous allons sous peu la publier en une jolie bro- chure ».

Le 18 mai 1856 dans ce même journal nous trou- vons l’insertion suivante : « à peine avions-nous annoncé la mise en vente de la brochure intitulée - Les Oppressions de Voyage de Jacques PINGOT d’Aigre à Luxé -, que la moitié des exemplaires a été enlevée… quelques exemplaires sont encore en notre possession nous nous proposons d’en faire une seconde édition ».

Dans l’Observateur du 3 août 1856 notre poète reconnaît « l’accueil bienveillant que le public a ré- servé à la première partie de son œuvre et décide de livrer à l’impression un second ouvrage dont le titre sera : Nouvelles Impressions de Voyage de Jacques PINGOT d’Aigre à Angoulême. Ce nou- veau poème que nous allons livrer au public contiendra deux milles vers ! Cette seconde partie n’est plus comme la première où PINGOT, villageois naïf quitte son hameau pour la première fois. Cette fois-ci notre héros se permet d’aborder la satire, d’effleurer l’épigramme, de fustiger le vice… »

8 Octobre 2002 Histoires du Pays d’Aigre ______

Laissons la parole à Jacques PINGOT qui dans « Oppressions de voyage d’Aigre à Luxé » nous décrit avec humour le broyage du chanvre à Fouqueure au milieu du XIX° siècle :

La Talonnière : four utilisé pour le séchage du chanvre et la cuisson du pain - Photo - D. GAUTIER

Broyage du chanvre : Mâchour prove- nant de La talonnière et conservé au Musée de Tusson - Photo - D. GAUTIER

9 Histoires du Pays d’Aigre Octobre 2002 ______

Les lecteurs en conviendront, PINGOT exagère ! Fouqueure n’était point « l’enfar », ni un « lieu détestable ». Tout en accordant la rime de ses vers, CLUZEAUX voulut insister sur l’importante production de cette plante dans une commune bordée au sud par de nombreuses chenevières et linières, importante production déjà attestée en 1779 par l’ingénieur MUSNIER dans son ouvrage sur l’Angoumois et confirmée dans la Statistique de QUENOT en 1818. En leur temps les œuvres de Pierre-Charles CLUZEAUX furent largement com- mentées dans la presse et les ouvrages d’histoire locale. Nous citerons pour mémoire : L’Observateur de Ruffec, année 1855 et suivantes - Le courrier de La Rochelle, 1859 - Notes Rétrospectives sur Ruffec et ses Environs par A. FAVRAUD, 1897 - Les Aires Morphologiques des Parlers Populaires du Nord-Ouest de l’Angoumois par A.L. TERRACHER, 1914. TERRACHER, éminent linguiste, professeur à l’université de Liverpool, mentionne dans son étude (page 56) « on n’a que fort peu publié de documents en patois an- goumoisins du XIX° siècle ». La librairie PICAT imprima entre 1856 et 1882, 5 éditions des Impressions de Voyage de Jacques PINGOT ; les premières éditions étaient considérées en 1897 comme introuvables. Par les considérations qui viennent d’être évoquées les passionné(e)s d’histoire locale comprendront toute la richesse linguistique et l’intérêt ethno- graphique des œuvres de Pierre-Charles CLUZEAUX qui fut avec BURGAUD des MA- RET de Jarnac, Marc MAR- CHADIER de Cognac, J. CONDAT dit Chapelot de Vin- delle et quelques autres, nos patoisants de la première heure. « Routoir » ou « ruissour » en bordure de Dominique GRANDJAUD La Charente à Fouqueure Photo - D. GAUTIER

La culture du chanvre à Fouqueure Témoignages recueillis en août 2002

Par l’entremise de sa fille Mme PANISSAUD, nous avons récemment rencontré à La Talonnière Mme Odette SAUVIGNON, native de ce village et âgée de 90 ans. Elle se souvient d’avoir vu dans sa jeunesse un voisin du nom de MAROT ensemencer du chanvre dans son jardin puis le broyer à l’aide d’un « mâchour ». Mme PANISSAUD nous montra deux fours qui se trouvaient à peu de distance l’un de l’autre et nous indiqua l’emplacement de deux autres. Mme SAUVIGNON nous confirma que ces fours servaient à faire sécher le chanvre quand celui-ci venait d’être roui ; son père avait coutume de raconter que le nom de ce hameau était lié à l’action de talonner (?) le chanvre. Puis nous sommes allés voir M. BABIN qui nous fit découvrir, sur un terrain lui appartenant, un ancien « routoir », maçonné et pavé, situé en bordure de la Charente au lieu dit Les Grands Essarts. De chaque côté de ce « routoir », nous avons aperçu, au fond de l’eau des vestiges de maçonnerie laissant supposer l’existence de plusieurs constructions similaires.

Dominique GRANDJAUD - Dominique GAUTIER

10 Octobre 2002 Histoires du Pays d’Aigre ______

Emile VIVIEN 1882 - 1971

… « Un ancien cimetière où le deuil et la pioche Ne seront plus troublés par les pas douloureux.

Car les os de nos vieux ont gagné l’autre fosse Que leur attribua le doigt du souvenir ; Et ce champ n’a plus rien, pas même l’avenir, Pas même l’oraison que l’Eternel exauce »…

et extrait de poème décrivant la bourgade de Fouqueure C et faisant référence au déplacement du cimetière de la place du monument aux morts vers le lieu actuel, qui eut lieu au tout début du XX° siècle est tiré du recueil « L’Allée des Tombeaux » écrit par Emile VIVIEN.

Qui était Emile VIVIEN ?…

Un homme du terroir, né le 10 juillet 1882 à Fouqueure dans le quartier appelé les « Tâches ». Fils unique, il a fréquenté l’école primaire du pays et a tout de même poursuivi ses études jusqu’au brevet élémentaire qu’il obtint en 1898. Paysan dans l’âme, il continua le travail de ses parents tout en s’adonnant à son passe-temps favo- ri : l’écriture en vers. Il a épousé en 1908 une jeune fille de 18 ans, Angèle VIVIEN (du même nom mais sans lien de parenté) qui habitait « La Grue ». Ils ont élevé trois en- fants : Marcel, Odette et Marguerite.

Aujourd’hui les petits-enfants se souviennent de ce grand-père qui, en arrivant des champs, s’enfermait dans sa chambre pour écrire. A l’heure de la sieste, grand-père était dans sa chambre… Le soir, le dimanche, Emile écrivait et écrivait encore… De très nombreux cahiers remplis d’une écriture fine et serrée en témoignent. Au temps où les labours se faisaient au pas des chevaux où, au fil de l’été, il y avait les sarclu- res, l’imagination d’Emile rythmait le travail par des poésies, qu’il fallait, au retour, mettre noir sur blanc.

« Cela n’est rien, pour vous, passants, ces paysages De guérets assombris, de pacages brûlés. Pourtant, c’est sur leur chair que j’ai glané les pages Où des bonheurs troublants aux deuils se sont mêlés » Le coin de chez nous (L’Allée des Tombeaux - 1943)

Trois recueils de poésies ont été édités : Les Heures lointaines en 1931, L’Allée des Tombeaux en 1943 et le Dernier Cantique en 1945.

De ces livres, il ne reste que peu d’exemplaires, pourtant le palmarès de l’auteur est éloquent : 1930 - 1° prix d’honneur - Constantine, 1931 - prix de la ville de Bor- deaux, 1934 - diplôme d’honneur revue de poètes Paris, 1935 - médaille hors concours de la ville de Tours, 1932 et 1933 - 1° prix d’Angoulême Société d’éducation etc… Il reçut aussi, par arrêté du 21 août 1924 la Croix de Chevalier du Mérite Agri- cole pour sa collaboration à la rubrique du journal « La petite Gironde ».

11 Histoires du Pays d’Aigre Octobre 2002 ______

Sa mort fut simple comme sa vie, à l ‘âge de 90 ans, le 9 octobre 1971. Il repose dans le cimetière de Fouqueure. Jérôme CATALA, journaliste à la Charente Libre lui a rendu hommage par ces lignes : « ce serait manquer au plus strict devoir d’amitié que de ne pas saluer la mémoire d’Emile VIVIEN qui vient de disparaître après une longue vie tout entière consacrée à sa famille et à sa terre. Paysan de vieille souche, attaché à son domaine de Fouqueure, il était doué d’une plume fort délicate et cultivait avec beaucoup d’art et de finesse la jardin des muses classiques. Homme de grand bon sens, d’une scrupuleuse honnêteté intellectuelle, d’une rare culture pour un autodi- dacte, il repose maintenant, au milieu des siens, dans le petit cimetière de Fouqueure, comme il l’a souvent souhaité ».

Simone BERNARD - Michèle NAULIN Documents fournis par Marie-Thérèse SALLET Les petits-enfants

Médaillés de Sainte-Hélène de fouqueure

Louis BERNY, né le 6/10/1781 à Fouqueure - Sergent au 33° Léger, du 21/02/1804 au 8/06/1814. François BOUYER, né le 20/09/1789 à Fouqueure - Soldat au 1° de Ligne, Vieille Garde Impériale, 3° Grenadier, du 11/051808 au 3/10/1815. Henry FAVREAU, né le 31/05/1786 à Fouqueure - Caporal au 4° d’Artillerie de Ma- rine, Corps Impérial, du 30/10/1806 au 24/12/1811. Jean GRACY, né le 12/12/1793 à Fouqueure - Soldat au 114° puis 5° de Ligne, du 28/11/1812 au 3/10/1815. Jean Jeune JEAN, né le 28/06/1790 à Fouqueure - Soldat au 86° de Ligne, Légion de la Charente (voltigeur), du 9/12/1813 au 31/12/1819. Jean PEREAUX, né le 17/04/1774 à Fouqueure - Soldat au 5° Bataillon de la Manche (voltigeur), du 10/10/1794 au 20/10/1811. Jean RAMADE, né le 17/05/1774 à Fouqueure - Soldat au 72° Demi-Brigade Légère, 7° Compagnie de Chasseurs, du 14/07/1792 au 22/12/1802. Jean TALLON, né le 27/02/1783 à Fouqueure - Soldat à la 10° Batterie Artillerie, puis 4° Batterie bis, de 1802 au 21/11/1814. Pierre VIVIEN, né le 13/12/1786 à Fouqueure - Soldat au 5° de Ligne puis 3° d’Artillerie à pied, du 22/10/1808 au 6/08/1817.

Jacques AUDOUIN

12 Octobre 2002 Histoires du Pays d’Aigre ______

La talonniere

a Talonnière est un L village qui mérite que l’on s’y arrête… D’où vient le nom ? Certains prétendent qu’il serait dû à l’établissement de tenan- ciers des chanoines de l’abbaye de Lanville, qui possédaient des terres en ces lieux et dont l’un d’eux, où le premier installé, aurait été un TALON, donnant son nom au site. L’inhumation dans l’église de Fouqueure le 24 janvier 1662 de demoi- Vue aérienne du Logis de La Talonnière selle TALON de La Talon- nière semble indiquer qu’il s’agit de la fille d’un notable3. En écoutant ses habitants, une nouvelle piste est apparue. La Talonnière viendrait des « talonniers » : les personnes qui talonnaient le chanvre dont la culture était pros- père dans les marais de l’Osme. Ce village, très ancien puisque certaines construc- tions portant des dates en témoignent : 1733, 1761 … était très peuplé. Il reste encore de nombreuses cheminées, témoins d’anciennes habitations et plusieurs fours à pain en bon état. Une fontaine servait à alimenter les hommes et les bêtes. Cette source a par la suite été aménagée et sur une pierre est gravée l’épitaphe suivant :

« OH NYMPHE DELICIEUSE, QU’INJUSTICES N’ARRÊTENT JAMAIS TON COURS. A QUOI SERVIROIS TON EAU SI TU N’AVOIS DES MALHEUREUX A DÉSALTÉRER ».

Outre le logis, une autre curiosité attire l’œil du prome- neur averti : deux ruisseaux qui se croisent sans que leurs eaux se mêlent. Si vous suivez le chemin bordant le cours d’eau qui va vers le pont de Saint-Aubin, à mi-parcours, un petit ruisseau descend du « Redour » et s’écoule per- pendiculairement à l’autre. Ce phénomène est plus visible en hiver lorsque les eaux sont hautes et la végétation moins Pierre gravée de la fontaine de La Talonnière abondante.

Simone BERNARD

3 Essais sur l’évolution de la démographie et l’origine du peuplement de Fouqueure par J. MINIER.

13 Histoires du Pays d’Aigre Octobre 2002 ______

L'EGLISE DE FOUQUEURE

ans le Pouillé historique du diocèse d'Angoulême, au volume second, publié en D 1897, l'abbé NANGLARD écrit à propos de l'église Saint-Étienne de Fouqueure « ... église dépendant de la Commanderie du même lieu, très dégradée en 1630, a été restaurée sans goût en 1680, puis en 1853 - 1854... » C'est cette même mention, plutôt choquante, que nous retrouvons aujourd'hui sur le site « Internet » concernant notre église. Les paroissiens de Fouqueure, avec l'aide de la commune, ont donc essayé de- puis plus de 50 ans de réparer l'affront qui leur est fait: « sans goût ». Relevons, tout d'abord, qu'au Xll° siècle, Fouqueure comprenait deux églises sans compter la chapelle du Prieuré de la Terne. La première4 qui était la primitive église paroissiale était construite sur la colline, un peu au-dessus du château ap- partenant aujourd'hui à la famille MARDINI. Elle était placée, pense-t-on, sous le patronage de Sainte Radegonde, belle-fille de Clovis par son mariage avec Clotaire 1°. On pense qu'elle a été détruite durant la guerre de 100 ans. II n'en reste absolu- ment rien, sinon les traces des fondations qu'on peut voir dans l'herbe de la prairie, au printemps et à l'automne ; ainsi que des tombes anciennes que le soc des char- rues découvre au moment des labours.

Radegonde était fille d'un roi de Thuringe en Allemagne ; elle fut faite prisonnière, en même temps que son jeune frère par les soldats de Clotaire. Celui-ci, conquis par sa beauté, en fit son épouse. Mais quelques années plus tard5 pour des raisons politi- ques, Clotaire fit assassiner le jeune prince, âgé seulement de 20 ans. Dès lors, Radegonde écœu- rée par ce meurtre odieux, se sé- para de son époux et décida de se consacrer à la vie religieuse. Après bien des pérégrinations, elle 6 s'arrêta à Poitiers et fit construire Eglise de Fouqueure - Photo - D. GAUTIER au début du VI° siècle, le monas- tère Sainte-Croix (et c'est remarquable) avec l'aide de Clotaire, qui malgré la sépa- ration n'avait pas cessé de l'aimer. Radegonde avait une réputation de sainteté. Beaucoup d'églises en France sont placées sous son vocable ; elle avait aussi beaucoup de biens dans notre contrée. Un champ, autrefois rattaché sans doute à la cure, porte le nom de « Chaumes de Sainte-Radegonde ».

4 Origine du peuplement dans l'ancienne paroisse de Fouqueure Page 19 (Docteur Minier) 5 Les petits Bollandistes Vie des saints, volume 8 -13 août. 6 Histoire de Sainte-Croix de Poitiers (Robert FAVREAU).

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De même, aussi, la nef latérale à droite dans l'église actuelle7 porte le nom de nef de Sainte-Radegonde, comme le rappelle le nouveau vitrail installé depuis peu, dans cette nef. L'église actuelle était la chapelle de la Commanderie des Templiers toute proche. Comme la plupart des églises de notre région, elle fut incendiée par les Huguenots entre 1562 et 1569. Il n'en est subsisté que des pans de mur, et une partie de la fa- çade qui a gardé son joli campanile du XIl° siècle.

On y voit aujourd'hui deux cloches du Xlll° siècle, achetées grâce à un heureux concours de circonstance, à l'abbé CLERFEUILLE, curé d'Ebréon, par l'abbé TES- SERON de Fouqueure en 1957. On sait, bien sûr, où elles ont été découvertes, mais qui pourrait dire d'où elles provenaient et pourquoi, les avait-on privées de leurs battants ! Elles sont aujourd'hui la propriété de la commune. On peut admirer à droite et à gauche de l'entrée de l'église les jolies colonnettes surmontées de chapiteaux finement sculptés ainsi que l'arc roman en pointes de diamant. La rosace actuelle est beaucoup plus récente, mais le haut du campanile a été assez bien conservé.

A côté de la colonnette de droite, on peut voir encore une marque de tâcheron, les pétales d'une marguerite dans un cercle.

Cette chapelle est devenue église paroissiale après les gros travaux réalisés à la fin du XVll° siècle, de 1680 à 1720.

Le clocher que l'on voit aujourd'hui a été ajouté à l'église à cette époque, ainsi que la sacristie. Une cloche y a été installée en 1718. Brisée par des sonneurs exci- tés, à l'Armistice de 1945, la cloche a été refondue, et l'inscription ancienne mainte- nue...

SAINTE VIERGE MARIE PRIES POUR NOUS. PAR LES SOINS DE MESSIRE FRANÇOIS DAVID A L'HONNEUR DE SAINT-ETIENNE PATRON DE L'EGLISE P. CHARLE ANTOINE PRte CVRE DE FOVQVEVRE 1718 DE BARBEZIERE ESCUYER LA MARRAINE DAMOI- SELLE MAGVERITE BRIAND.

Pendant très longtemps, les murs ont été recouverts de plâtre - des plâtres qui, en raison de l'humidité, se détachaient sans cesse, et qu'il fallait refaire chaque fois. C'est ainsi, qu'en 1954, un grand morceau de plâtre était tombé à droite du chœur, laissant apparaître des pierres de grande dimension, quelque chose de remarqua- ble ! Monsieur RODIER, maire, accepta que l'on décape l'ensemble du chœur. Ces pierres apparentes, (en gros appareil) ont marqué le début des grands travaux - les joints peut-être un peu trop profonds, ont pourtant mis le chœur en valeur.

L'autel en marbre, qui s'effondrait, a été remplacé par un autel en pierre, copié de l'autel d'une église de Charente-Maritime, à peu près de la même dimension que la nôtre.

En 1982, une équipe de bénévoles d'une vingtaine d'hommes, sous la direction de M. Pierre DUPIN a commencé a enlever tous les plâtres des murs et refait tous les joints - énorme et pénible travail qui a provoqué bien « des ampoules » !

7 Inventaire archéologique de la frontière Angoumois - Poitou - Saintonge (Germain GABORIT).

15 Histoires du Pays d’Aigre Octobre 2002 ______

Quelle surprise et quelle joie de découvrir alors le grand vitrail de la nef de gau- che, complètement muré lors de la construction de la sacristie en 1710, et de décou- vrir en même temps, un petit escalier en pierre dans le haut de la nef de droite. On a aussi dégagé un bénitier (peut-être une ancienne fontaine baptismale taillée dans le silex ?) aux trois-quarts dissimulé dans le mur ; Monsieur Guy DESBORDES a eu beaucoup de mal pour enlever la couche de ciment noir qui la recouvrait. II sert dé- sormais de bénitier à gauche de la porte d'entrée.

Les dames de Fouqueure ont pris, elles aussi, beaucoup de peine pour remettre l'église en état de propreté, pour teinter et pour cirer les bancs de peuplier offerts autrefois par Mademoiselle Eglantine COMBAUD. La commune a refait ensuite la voûte en berceau de la nef centrale, et les plafonds plats en brique des deux nefs latérales, en y ajoutant huit jolis lustres électriques8.

Le docteur Joseph MINIER qui demeurait alors au manoir du Palliée, après de minutieuses recherches à la bibliothèque universitaire, et à la bibliothèque de civili- sation médiévale de Poitiers a fait les dessins des vitraux de la façade et celui du fond de la nef de gauche. Voici ce qu'il a écrit : 1. Nef latérale, coté cœur à gauche 1.1. Silhouette d'un chevalier armé 1.2. En bas : Sceau des Templiers (modèle au temple de Jérusalem) 2. Baie de droite (vue de l'intérieur de l'église) 2.1. Haut : Sceau du chevalier Robert DE CRAON - 28° grand maître des Tem- pliers en 1136 (dit, le Bourguignon). Sous sa maîtrise, la règle sera repensée par Saint Bernard ; et les Templiers recevront le blanc manteau frappé de la croix pat- tée vermeil (1138) 2.2. Au centre : Croix de Jérusalem 2.3. En bas : Sceau du chevalier Jacquelin De MAILLE (1190). 3. Baie de gauche 3.1. En haut : Tour des Templiers - Rappel de leur fonction comme gardien des lieux saints. 3.2. Au centre : Croix pattée vermeil des Templiers. 3.3. En bas : Sceau du chevalier Raymond De MAREUIL (1190) ; chevalier croisé, et combattant des ordres de chevalerie.

Puis en 1991, la commune a procédé à la rénovation de la façade de l'église et à l'installation d'un joli parvis. En cette, année 2002, avec l'aide généreuse des paroissiens et de la commune, restauration de vitraux du XIX° siècle - travail réalisé par l'atelier PINTO et MOR- TEAU de Tusson : 1. A gauche : Saint-Augustin, offert par le curé BARLERIN en 1893 2. Plus haut : Saint-Dominique instaurant le Rosaire pour la protection de l'Europe chré- tienne gravement menacé par la toute puissante flotte de l'empire Ottoman vaincue lors de la victoire de Lépante, le 7 octobre (jour de la fête du Rosaire) 1571. Un chien tenant en sa gueule un tison enflammé rappelle la très grave menace qui planait sur l'Europe (Don de Monsieur Ludovic DESVALLEES 1895). 3. Au fond de l'abside : Saint-Étienne, diacre, premier martyr de la foi chrétienne, patron de l'église et de la paroisse, offert par la famille FAVREAU. 3.1 dans le médaillon du bas, portrait de L.E.P.F. (Lucile POISSON, épouse FA- VREAU). Cette dernière restauration apporte un éclat nouveau à notre église !

8 Patrimoine de Fouqueure 1945 - 1995 Emile LETURDU

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Qui pourra dire désormais que la restauration a été effectuée « sans goût » ? En terminant cet exposé, nous reprenons le début de la communication présentée par le docteur MINIER, au congrès des sociétés savantes du Centre-Ouest, le 17 septembre 1988, à Poitiers « à propos d'une église disparue » et un plan du site de Fouqueure vers le Xl° siècle. A propos d'une église disparue. Par J. MINIER

Un lieu-dit « La Chapelle », évoquait encore en 1791, le souvenir d'un édifice reli- gieux sur la colline qui domine au nord le quartier Ouest du village de Fouqueure, ré- gion d'Aigre. Quelle était son origine et comment a-t-elle été radiée du paysage ?

Dans un document du pape Alexandre III délivré à Sens en 1165, il est fait mention d'un domaine « cour » et église, situé à Focoïra, compris dans le temporel de l'abbaye Sainte-Croix ; celle-ci avait été fondée à Poitiers vers 552-557 par Radegonde épouse du franc Clotaire I°. Cette possession se trouve comme la plupart de leurs biens à la limite du comté, mais dans le diocèse d'Angoulême ; on peut cependant penser à une situation primitive de tout le temporel dans le diocèse de Poitiers qui dans cette région, avant l'an mil, aurait eu pour limite sud la plaine de la Charente à la lisière de la grande forêt.

Liste des prêtres ayant desservi la paroisse de Fouqueure

Hélie CHEVALIER - 2/11/1623 J.CLOZANGES - 1634 à 11/1652 Annet DOYAT - 01/1653 à 05/1659 Jean ADDES - 20/08/1661 à 01/1671 ? DUDOUBLE - 1671 à 1672 François DAVID - 6/05/1672 au 23/05/1715 François ITHIER - 1715 au 17/01/1720 Pierre DONNET - Transféré de Luxé en 1731 et décédé en 1749 Pierre PEYROT - 6/10/1749 à 07/1759 Jean-Baptiste VIVIEN - 6/08/1759 à 1792 Louis RIDEAU - 1799 à 1805 Alexis LEGATE - 1820 Philippe JOUSSEAUME - 1822à 1823 Dominique LUDOVICI - 01/07/1825 au 15/08/1841 Jean LALANNE - 16/11/1841 Michel BOUTINAUD - 01/07/1851 Dominique AIGUILLON-JOANNES - 02/04/1857 au 12/04/1861 Jean-Baptiste VARENNE - 1/07/1861 au 23/09/1890 Guillaume BARBARIN - 1/10/1890 à 1914 Jean-Maurice GOFFRETEAU - 1914 à 02/1944 Maurice CHASSERIAUD - 1944 à 1948 Jean DARDILLAC - 1948 Paul PRECIGOUT - 1949 à 1952 André TESSERON depuis 09/1952

17 Histoires du Pays d’Aigre Octobre 2002 ______

Un prêtre a particulièrement marqué son temps : l’abbé GOFFRETEAU. Voici ce qu’a écrit l’abbé Roger DUCOURET à son sujet dans son bulletin paroissial d’avril 1944 :

« Jean-Maurice GOFFRETEAU est arrivé à Fouqueure en 1914. La note dominante de la physionomie morale était la bonté. Elle émanait de ses yeux rieurs et droits sous les sourcils épais, de ses lèvres bonnes, de sa voix cordiale. Comme on le savait de bon conseil, on venait le consulter souvent et même de très loin. Les gens voyaient en lui un quasi médecin. En fit-il des piqûres ? En soigna-t-il des corps ! Souvent son pot au feu alla sur la table des miséreux, car il n’était pas « regardant », pas homme d’argent, il avait de vraies mains percées. On abusait même de sa bonté… Aussi c’est avec consternation que les paroissiens apprirent son décès, survenu le cinq février 1944 en revenant de porter son courrier. J.M. GOFFRETEAU est mort dans son fau- teuil, terrassé par une angine de poitrine à l’âge de 66 ans. Pendant deux jours, la foule fidèle et attristée défila autour de la couche funèbre du défunt. Ses obsèques eurent lieu le mardi huit février 1944, suivis par une assistance émue. Les anciens n’oublient pas l’abbé GOFFRETEAU ».

André TESSERON

Sources : « Pouillé historique » - abbé Jean NANGLARD

Comice agricole d’Aigre du 11/07/1912 (suite)

Participants de la commune de Fouqueure

BOUYER - Exposant canards et pigeons. Pierre BOUYER - 3° prix + médaille d’argent de la Société des Deux pour matériel d’agriculture - 4° prix + 5 francs + médaille de bronze pour abeilles vivantes - 7° prix + diplôme d’honneur pour miel, cire et bonbons. BROCA de La Talonnière - 1° prix + 20 francs pour jument de trait et sa suite -2° prix + 15 francs pour 1 pouliche de 2 ans - 4° prix + 10 francs pour 1 jument mulassière et sa suite. BRUN Aîné de La Talonnière - jury vaches parthenaises de 2 à 4 ans. CARRÉ - jury pour béliers poitevins, races diverses, brebis poitevines. Philippe COMBAUD - jury pour vins blancs 1911, vins rouges 1911, vins vieux blancs et rouges COUSSY - 3° prix + 5 francs pour familles nombreuses (8 enfants - aîné 12 ans et 2 décédés) DUPONT - 3°prix + 5 francs pour machines agricoles - habitants du canton. Valentin MARCHADIER - jury produits agricoles + betteraves et pommes de terre. PARTAUD de La Talonnière - jury pour verrats, truies et nourrains. Léopold PETIT de La Talonnière - exposant 1 génisse de 6 mois + 1 normande de 3 ans. Jean SALLET fils - jury concours de labourage + produits agricoles. SERRE - 3° prix + 2 francs pour des canards. Jean TEXIER - jury vaches toutes races. Edmond VIVIEN - jury vaches parthenaises de 2 à 4 ans. Louis VIVIEN - exposant truies mères. Philippe VIVIEN - jury bœufs de travail.

Jacques AUDOUIN

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HISTOIRE ARCHÉOLO- GIQUE DE FOUQUEURE

ouqueure est un village de 428 habi- F tants, d’une superficie de 1643 hecta- res dont 467 hectares de surface boisée (soit 28,42%). Située au bas de la vallée de l’Aume, la commune s’appuie sur les colli- nes avoisinantes, à l’est, que couronne la forêt de Tusson. A ce jour, 28 sites sont déclarés et enregistrés sur la carte ar- chéologique nationale au Service d’Archéologie de Poitiers.

Le bourg de Fouqueure vu du ciel à 300 mètres d’altitude. On entrevoit un tracé linéaire provenant probablement d’une voie romaine « secondaire » allant de Luxé (port romain sur le fleuve ) à Saint-Fraigne, via Aigre

Au Moyen Age le bourg s’appelait Ful- codrium. D’un point de vue linguistique, ce nom proviendrait d’une racine gallo-romaine Volco-duros (Volco : patronyme d’un homme d’origine gauloise et duros voulant dire forteresse). Mais il est possible d’y voir un glissement sémantique, au VI° siècle, sous la forme d’un nom d’homme d’origine germanique Folco. Quoiqu’il en soit, d’aucun voulant croire que le bourg serait d’origine Gauloise, aucun vestige concernant cette période n’a été découvert dans l’enceinte même du village, alors que le néolithique, le gallo-romain et l’époque méro- vingienne sont très bien représentés sur l’ensemble du terroir.

On sait que la commune possède un passé très ancien dont on peut voir encore des vestiges datant du néolithique (-5000 à -2800 avant J.C.) représentés par deux structures quadrangulaires fouillées en 1880 par une équipe d’archéologues dont le rapporteur fut Gustave CHAUVET. Ces constructions funéraires sont indiquées très

Un paléochemin gallo-romain menant des « Maisons Rou- ges » à « La Talonnière ». la vallée de l’Aume se trouve au second plan. Ce chemin creux, remblayé, possède un excédent d’humidité qui le met en valeur par une crois- sance plus vigoureuse des tournesols. Cette anomalie géomorphique est d’autant plus visible que le fossé se raccroche à un rideau d’arbre ondulant jusqu’à la rivière. De plus, cette trace est homothé- tique à la courbe de niveau des 60 mètres sur la carte IGN.

19 Histoires du Pays d’Aigre Octobre 2002 ______précisément sur la carte I.G.N. (1731 Ouest), au sud du bois des « Bourriges », et ont fait, en leur temps, (juillet 1998) l’objet d’une fiche d’inventaire au S.R.A. de Poitiers. Par la même occasion, lors de nos prospections pédestres, une série de tumuli iné- dits (tertres funéraires), da- tant de l’Age du Bronze, fut découverte aux alentours (- 2300 à -800 avant J.C.). Ces structures circulaires, d’une hauteur de 3 mètres pour un diamètre d’environ 20 mè- tres, constituées de pierres sèches sur des sépultures en coffre, laissent à penser que le terroir de la basse vallée de l’Aume fut depuis bien longtemps occupé par des civilisations qui se suc- cédèrent au fil des millénai- Vestige d’une ferme gauloise ceinte de fossés au sud du res. « Bois des Bourriges ». Cet édifice datant d’il y a environ 21 siècles à donné lieu à une confirmation par la découverte de tessons et de divers objets lors d’une prospection pédestre L’Age du Fer (-800 à -52 en décembre 2001. avant J.C.) est assez peu représenté, hormis des res- tes de fossés vus d’avions par Jacques DASSIÉ aux lieux-dits « La Montée à Menut » (fiche N°1551 A/O) et « La Croix Fouquet » (fiche N° 1552 A/O). La période gauloise (ou celte) est seulement évoquée avec certitude par une monnaie pictone, tribu gau- loise dont la capitale se situait sur l’oppidum (citadelle) de Poitiers ainsi que des structures fossoyées découvertes en 1998 par prospection aérienne (Les Champs de la Terne) et confirmées en décembre 2001 lors de prospections pédestres.

Les sites archéologiques gallo-romains sur le terroir de Fouqueure sont nettement plus nombreux et importants que les vestiges pré ou proto-historiques. Tout d’abord, il est impossible de ne pas évoquer la grande villa mise au jour dans le quartier de « Villar », avec ses thermes privés, décorés de magnifiques mosaïques, dont un frag- ment est visible dans la salle de délibération de la mairie et la plus grande partie au musée archéologique de la Société Archéologique et Historique de la Charente à An- goulême. Ces mosaïques, datées de la fin du IV° ou du début du V° siècle après J.C. (communément dénommé Bas-Empire), furent découvertes en 1887 et 1888 par J. MAURIN.

Dans le « Bois des Bourriges » est attestée l’existence d’un temple et de nombreu- ses superstructures gallo-romaines ayant livré de nombreux objets de bronze (glaive, cuillères, fibules, clés, stylets, etc…). Dix-neuf monnaies y furent découvertes dont quatre datables de la première moitié du II° siècle et les quinze autres de la fin du III° et du début du IV° siècle ainsi qu’un certain nombre de céramiques dont six archéolo- giquement complètes.

D’autres vestiges gallo-romains parsèment la commune. Par exemple : un aqueduc amenant l’eau de la « Font de Frêne » à la « Haute Terne » (voir Histoires du Pays d’Aigre numéro 3, octobre 2000, page 39-41). De nombreux sites ruraux ainsi qu’un atelier de potier, se traduisant dans les labours par des tuiles (tégulae, imbrice) et de

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nombreux tessons de poterie, se situant à « Sèchebout, Les Champs de Vergnettes, La Ta- lonnière » ainsi qu’à la cote 123 d’un immense champ défriché dans les années 1960, en forêt de Tusson.

Bien évidemment, l’agglomération de Fou- queure, avec ce grand nombre d’établissements ruraux et l’importance de sa villa aux mosaïques se devait d’être au contact d’une grande voie gallo- romaine et de posséder un réseau viaire d’une importance certaine. Par exemple, une voie de première im- portance al- lant d’Aulnay à Limoges via et Luxé passait à l’Est de la commune, parallèlement à l’aqueduc. De plus, l’existence d’une voie secondaire pavée, allant de Luxé à Saint-Fraigne via Fouqueure et Aigre, est attestée au sein du bourg sous 1,80 m de sédiments à l’emplacement du cimetière.

Fragments de mosaïques décou- verts à Fouqueure et représentant à peine 20 % de l’ensemble mis au jour à la fin du XIX° siècle. Cette composition, très complète et parti- culièrement remarquable, se trouve au Musée Archéologique de la so- ciété Archéologique et Historique de la Charente.

Pour achever ce bref inventaire archéologique, nous n’oublierons pas la période mérovingienne représentée par une nécropole constituée de sarcophages en pierre, située dans le clos du château de Fouqueure, le long de la D 739.

Patrick F. JOY

Sources : « Catalogue du Musée Archéologique de la Société Archéologique de la Charente » - Gustave CHAUVET - page 3 / 70, Angoulême - 1885 « Dictionnaire étymologique des noms de lieux en France » - A. DAUZAT et Ch. TOSTAING - Librairie GUENEGAUD, Paris - 1978 « Inventaire Archéologique de la frontière Angoumois-Poitou-Charente » - Germain GABORIT - Angoulême - 1954 « Site n° 687, 688, 690, Rapport Scientifique » - Patrick JOY - Direction Régionale des Affaires Culturelles - Service Régional de l’Archéologie - Poitiers - Décembre 1998 « Les Thermes Gallo-Romains de Fouqueure » - J. MAURIN - Bulletin de la Société Archéologique de la Charente - Angoulême 1898 « Carte Archéologique de la Gaule, La Charente » - Ch. VERNOU et alli - Fondation des Sciences de l’Homme - Paris 1993

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La maison a balet

Le mot balet apparaît déjà dans la langue française au XVIe siècle : « Douze den. De son balet ou il fait eschele »9. Couramment ce terme servait à désigner les greniers ou le hangar ouvert qui, le plus souvent, jouxtaient les maisons d’habitations. Mais il sert à désigner aussi un élément architectural particulier, l’auvent. Cet auvent est une pièce de charpente recouvrant un escalier extérieur en pierre. Dans l’Angoumois et le Ruffecois, on parle aussi de maison à « ganeteau »10.

Typologie des maisons à balet

Ce type de maison est une maison, dite paysanne, de type maison bloc à étage. Elle se décompose en trois niveaux : • la cave à demi-enfoncée dans le sol. Le sol est fait de terre battue. Elle servait de lieu de stockage, d’étable ou tout simplement de cave. • l’habitation desservie par un escalier en pierre. Généralement, elle ne se composait que d’une seule pièce rarement deux. On y trouvait une table, des chaises, une cheminée, quelquefois un potager, dans un coin, des lits ou des paillasses et une armoire. Le sol est généralement en plancher. • le grenier accessible par une échelle placée à l’intérieur de l’unique pièce d’habitation. Ce grenier servait à entreposer le foin, les réserves (blé, orge, fruits et légumes).

L’escalier en pierre, accolé à l’habitation, se termine par un perron supportant des poteaux qui soutiennent eux-mêmes une avancée du toit, formant auvent. Il abritait, dans un coin, un évier en pierre et des étagères. Une partie de la vie domestique se déroulait à cet endroit.

Destination des maisons

Il semble que ces maisons aient été habitées pendant la seconde moitié du XIX° siècle par des cultivateurs. Reste la question fondamentale qu’un grand nombre de personnes se pose : par qui et pourquoi ces maisons ont été construites ? Voici quel- ques éléments de réponses : • Construction pour l’élevage : Les animaux étaient parqués dans la cave qui servait alors d’écurie. Cela avait l’avantage de chauffer la pièce d’habitation. En effet, la cha- leur produite par le bétail remontait. De plus, là où la terre ou la surface disponible au

9 Dictionnaire de l’ancienne langue française et de tous ces dialectes du IX au XV siècle, par Godefroy, Paris 1880 T1 10 D. Pierre - (vétérinaire) Etat actuel de l’habitat rural charentais.

22 Octobre 2002 Histoires du Pays d’Aigre ______sol était limitée, on préférait superposer les diverses fonctions et limiter ainsi l’occupation des sols. Cette hypothèse peut s’avérer exacte pour certaines des mai- sons à balet de Charente. • Maison de tisserands : Pierre BOULANGER, dans une étude tirée de la maison rurale du Confolentais « Etnologia », mentionne : « C’étaient toujours des maisons d’artisans, quelquefois maréchaux-ferrants mais presque toujours tisserands ». La cave servait d’atelier de tissage. En effet, l’humidité ambiante perpétuelle, donnait au fil de lin ou de chanvre une plus grande souplesse donc plus facile à filer.

Amélioration de la qualité sanitaire des habitations

Il faut souligner que l’enrichissement des conditions matérielles d’une famille ne s’accompagnait pas automatiquement de l’amélioration de l’habitat. Mais on peut pen- ser que le type maison à balet est peut-être une construction issue de la volonté des habitants d’améliorer leur condition de vie. En effet, le plus souvent, le rez-de- chaussée était un lieu où l’humidité était constante. En construisant leur habitation en hauteur, ils échappaient à l’humidité et aux désagréments procurés par celle-ci.

Les matériaux utilisés

Les matériaux utilisés pour l’édification des maisons à balet sont du terroir ou/et proche du lieu d’édification. Ainsi, pour les moëllons calcaires, ils étaient tirés d’un champ qui s’improvisait alors carrière. Pour la pierre de taille qui ne servait que pour la construction des parties importantes de la maçonnerie : linteau, jambage, chaînage d’angle…elle était issue de carrière. On utilisait avec parcimonie la pierre de taille, en raison de son coût très important.

Le mortier et les enduits étaient ré- alisés avec de la terre argileuse ou des sables issus des champs proches. Pour tout ce qui était bois, on em- ployait les deux essences nobles du secteur : le chêne et le châtaignier.

Les maisons à balet sont nombreu- ses dans notre département. C’est pour lever une partie de leur « mystère » que j’ai rédigé un ouvrage sur ce sujet : « Les Maisons à Balet » - Editions Maisons Paysannes de Cha- rente. Christelle GRANET

Maison à balet à La Talonnière

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Quand le ballon de l’A.S. Aigrinoise ne tournait pas rond …

a fin du XIX° siècle, avait vu en L France, l’arrivée d’un sport nouveau, le football rugby. En Charente tout d’abord, l’ « Intrépide » du Lycée d’Angoulême tenta une première expérience vers 1893- 1894, celle-ci demeurant sans lendemain, avant de renaître en 1900. On attribua aux pensionnaires du Collège de Cognac l’origine du rugby dans la région avec en paral- lèle la naissance de l’Union Sportive Cognaçaise en 1899 . D’autres sociétés, Sport Athlétique Cognaçais, Association Sportive des Verriers, Sport Vélocipédique et Athlé- tique de Jarnac, Sport Vélocipédique d’Angoulême, virent le jour par la suite.

Le 3 Décembre 1903, dans le quotidien « LA CHARENTE », il est écrit : « La pres- que totalité des jeunes gens d’Aigre viennent de se réunir avec l’intention d’organiser un jeu de football. Ils ont donné à leur réunion le nom d’Association Sportive Aigri- noise. Le bureau est ainsi constitué : président : E RENAUDET, vice-président : L . BERNIER, trésorier : A. LAROUSSINI, secrétaire : M. DESCHAMPS Les parties de football se joueront tous les dimanches à 2 heures, dans l’ancien vélo- drome11 ».

Une des premières rencontres recensée, en 1904, relate la victoire de Jarnac 6 à 0, sur son terrain.

11 Voir Histoires du Pays d’Aigre numéro 4 page 33

24 Octobre 2002 Histoires du Pays d’Aigre ______

Le 3 Octobre 1904, il est dit dans « LA CHARENTE » : « Des règlements d’une Coupe challenge, offerte par G. CHAUVEAU, O. LACROISADE et KRONNE, et qui sera disputée sous le nom de Coupe des 3 Docteurs, ayant été acceptés par l’U.S.F.S.A, nous en extrayons les passages suivants : la coupe se disputera entre les équipes premières de football rugby des clubs de la Charente affiliés USFSA. ; elle ne deviendra la propriété d’un club que si son équipe remporte la victoire dans 3 finales ; l’organisation et la fixation des matches sont confiées à l’A.S.Aigrinoise ; le match final, quels qu’en soient les clubs y prenant part, se disputera toujours à Aigre et sera orga- nisé par l’ASA ».

Le 16 Octobre, il est mentionné que les équipes de l’U.S. Cognaçaise, du Sport Athlétique Cognaçais, du Sport Vélocipédique Jarnacais et de L’Association Sportive Aigrinoise se disputeront la Coupe pour la première édition. On retrouve une première composition d’équipe le 5 Mars 1905, à l’occasion de la venue du Stade Poitevin, champion du Centre-sud : - Arrière : MICHAUD - Trois-Quarts : DESCHAMPS, FAUDRY, MORPAIN, FAURE - Demis : COUVY, RENAUDET - Avants : GOUGAU, GEOFFRION, FLAMAND, VACHER, ARMELLA, DUBOIS, BLANCHARD, GERVAIS.

Dans les colonnes du 5 Avril, il est fait allusion au match du dimanche précédent au cours duquel l’A.S.A a battu le S.V.A Jarnac par 8 à 3 (MORPAIN, 2 essais, FLA- MAND, 1 but)

L’A.S.Aigrinoise participait également à la vie locale comme en témoigne « LA CHARENTE » : « La Société de football d’AIGRE, présidée par RENAUDET, donnera dimanche 30 Avril une grande fête dont voici le programme : à 2 heures de l’après- midi, jeux divers exécutés au vélodrome Saint-Martin avec le concours de la société de musique Sainte Cécile d’Aigre. A 8 heures, grand concert donné par la société or- phéonique La Guirlande de Mérignac. La soirée sera terminée par un brillant bal donné dans les Salons de l’Hôtel de Ville. Au cours du bal une quête sera faite au profit des pauvres. ».

25 Histoires du Pays d’Aigre Octobre 2002 ______

Toujours dans LA CHARENTE, le 30 Mars 1906, à la rubrique sport, il est fait men- tion du sport aigrinois par ces mots : « Ainsi que nous l’avons annoncé, l’équipe de football-rugby du Sport Vélocipédique d’Angoulême jouera dimanche 1° Avril son 3° match contre l’A.S.A. La partie sera fort intéressante car l’équipe aigrinoise est l’une des meilleures de notre contrée ; elle a notamment figuré dans la finale 2° série du championnat et n’a été battue que de justesse. Tout récemment, elle s’est mesurée avec l’équipe du Stade Poitevin, champion 1° série du centre-sud, qui n’a eu l’avantage que par 7 essais. Ce match sera le dernier de la saison qui, comme le précédent, sera disputé sur le terrain du S.V.A., rue de Périgueux, en face du 21° d’artillerie. Coup de pied d’envoi à 2 heures 30, prix d’entrée : 25 centimes. Composition de l’équipe d’AIGRE : - Arrière : MICHAUD - Trois-Quarts : FAURE, FLAMAND (Capitaine), VACHER, FAUDRY - Demis : BLANCHARD, LOUIS - Avants :GERVAIS, GEOFFRION, GAYOU, LEDOUX , VALTEAU, DUBOIS, BER- NIER, COUVY ».

Le compte-rendu fait état d’une large victoire d’Aigre par 25 à 0 (7 essais dont 2 transformés) devant un nombreux public, lors d’une rencontre chaudement disputée, avec de très belles passes et l’arbitrage de RENAUDET. « Dimanche 8 Août 1906,un match aura lieu à Aigre, route de Germeville, sur le terrain de l’A.S.A, entre l’A.S des Verriers de Cognac et l’A.S.Aigrinoise ». On retrouve le compte-rendu de cette journée dans le même quotidien le 12 Août : « L’équipe des Verriers s’était rendu à Aigre en courant 40 km à bicyclette malgré une route très dure et un vent debout. On s’attendait donc à les voir très inférieurs, mais ils déployèrent une telle ardeur dans le jeu que le match fut presque nul (un essai pour Cognac et un essai et un but pour Aigre) »

On relève encore en cette fin d’année, le 17 novembre, « sur le terrain de Crève- Cœur, l’A.S.A rencontre en amical l’équipe du Stade Poitevin, champion de l’Angoumois 1° série (nouvelle appellation du comité centre sud) ». Pour conclure cette année 1906, le 8 décembre, il est fait état de la réussite de l’A.S.A dans la Coupe des Trois Docteurs où, après avoir éliminé le S.V.Angoulême (une des 11 équipes enga- gées), elle s’est vue opposée à Saint-Junien en demi-finale. Cette dernière, incom- plète, ayant du faire appel à 3 Angoumoisins, a été éliminée malgré un match nul.

L’Association Sportive Aigrinoise, version rugby s’apprête à affronter la première finale de son histoire. La suite de cette histoire vous sera narrée dans un prochain numéro avec peut-être des renseignements ou documents que certains lecteurs pour- raient posséder. Si vous reconnaissez sur la photo page 24 des joueurs, pouvez-vous nous communiquer les noms. Merci.

Je tiens à remercier Bernard et Luthy PIGIER grâce à qui je suis parti sur les traces de l’A.S.A !

Didier RAVION

Sources : « Les 80 ans du S.C.Angoulême » Archives Départementales de la Charente

26 Octobre 2002 Histoires du Pays d’Aigre ______

LES SEIGNEURS DE CORGNOL Branche de Beauregard

« Famille noble, d’ancienne chevalerie, originaire de Cornouaille britannique et connue en Angoumois depuis le X° siècle ». (généalogie Christian CORGNOL). Blason : « d’or, à deux chevrons de gueules » (d’Hozier) - « d’argent, à deux chevrons de gueules » (Christian CORGNOL, archives familiales) Devise : Soy toy

’origine de la famille CORGNOL (nom écrit quelquefois CORGNIOL, COR- L GNOUL, CORGNON, CORIGNON) réside, d’une part, dans le fait que le nom patronymique (qui ne correspond à aucun nom de terre en Angoumois), était déjà fixé dans son orthographe, dès son arrivée en France, à la fin du X° siècle (Ronan COR- GNOL, 970, chevalier, seigneur de Magné, chapitre de Saint-Hilaire, 1° nommé dans la généalogie de Christian CORGNOL) et, d’autre part, dans le fait que, depuis cette période, bien que les seigneuries aient de nombreuses fois changé, au gré des allian- ces et des héritages, elles se situent toutes dans un rayon de 50 km autour de la ville d’Angoulême. La famille DE CORGNOL comptait cinq branches en Angoumois : branche de Ma- gné I, branche de Magné II, branche de Tessé, branche de Beauregard, branche de La Villedieu.

Présentement, seule la branche de Beaure- gard nous préoccupe ici au premier chef.

Origine de la lignée des seigneurs de Beau- regard - ou d’Ebréon.

Les CORGNOL, sei- gneurs de la branche de Beauregard, dérivent, par alliance, de la branche de Logis de Beauregard - Façade Est MASSOUGNES, MAS- SOUGNES, alias MASSOGNE ou MASSOIGNE (de) est une famille également très ancienne, probablement originaire de la paroisse de Massognes (Vienne). Elle est connue depuis 1450 et, comme la famille CORGNOL, a subsisté jusqu’à nos jours. Il existe plusieurs familles du nom de MASSOUGNES mais, à la différence de celles du nom de CORGNOL, on ne peut les rattacher de façon certaine.

Des MASSOUGNES (de) aux CORGNOL (de)

Bertrand de MASSOUGNES est le premier seigneur connu de Beauregard, nom- mément désigné en cette qualité au début du XVI° siècle. Il portait le titre « d’écuyer, seigneur de Beauregard » et habitait le logis du même nom, situé sur une éminence, au centre du bourg d’Ebréon (comme à notre connaissance il n’est fait mention d’aucun seigneur dans les deux autres logis nobles de notre « ancienne paroisse », à

27 Histoires du Pays d’Aigre Octobre 2002 ______cette époque (logis de Champlambaud et La font des Marais), Bertrand de MASSOU- GNES est censé avoir été le premier seigneur d’Ebréon mais ce n’est pas certain car en ce qui concerne le Logis de Champlambaud, les titres ont été détruits à la Révolu- tion. Néanmoins, ledit Bertrand s’auréole du titre de premier seigneur du lieu !

Quoiqu’il en fut, Bertrand DE MASSOUGNES maria sa fille, Françoise, vers 1530 à Pierre CORGNOL, fils puîné ? de Jean et de Simone de BARRO (5° degré). Ce ma- riage fit passer Beauregard dans la branche cadette (branche issue d’un cadet) de la maison DE CORGNOL qui, elle aussi, en prit le nom.

Chronologie des seigneurs DE BEAUREGARD

XVI° siècle

1° Bertrand DE MASSOUGNES (susdit), écuyer, seigneur de Beauregard (Ebréon - Charente) 2° Pierre DE CORGNOL (susdit), le seigneur de Beauregard (XX° gen.), partage avec ses frères (28/10/1533). De son mariage avec Françoise DE MASSOUGNES, vint Louis qui suit. 3° Louis CORGNOL (XX° gen.) - (1° du prénom), écuyer, seigneur de Beauregard fit procès à son cousin Antoine CORGNOL, écuyer, seigneur de Tessé (Charente) en 1578. Il dut se marier deux fois : • d’abord vers 1550 à Renée BOILEVE, fille de Marin, écuyer, seigneur de la Cons- tantinière et de Bertrande CORGNOL, aveu à Civray (11/04/1562), d’où : - François, mineur en 1562, qui mourut jeune. - Marguerite qui épouse Léon SAPINAUD, écuyer, seigneur de Fayolle. • ensuite (24/06/1560) à Jeanne SAPINAUD, fille de N…, écuyer, seigneur de Fayolle, d’où : - Philippe qui suit.

4° Philippe CORGNOL (XXII° gen. et 1° du prénom), écuyer, seigneur de Beauregard, capitaine d’infanterie (B/F), produisit des titres de noblesse à Angoulême (1592). Il avait épousé ? d’abord, une fille de Louis CORGNOL, écuyer, seigneur de Magné (7° degré) dont il n’eut pas de fils. Ensuite à coup sûr, il épousa Louise DU MAS (28/07/1560), fille de Martial, écuyer, seigneur de Ligné et de Gabrielle de VOLVIRE d’où, entre autres enfants, Charles qui suit.

XVII° siècle

5° Charles CORGNOL, écuyer, seigneur de Beauregard, Tessé (qu’il acquit en 1634 de son cousin Louis CORGNOL, écuyer, seigneur de Tessé et de la Chapelle), (8° degré). Capitaine de 30 carabins, il ne se présente pas au ban de la noblesse d’Angoumois (1635). Il épouse (6/02/1623) Charlotte DU ROUSSEAU, fille de Julien, écuyer, seigneur de Terrières et de Claude AUDOUIN d’où : - Philippe qui suit - Jean, écuyer, seigneur de Beauregard - Florence - Catherine - Marie - Renée

28 Octobre 2002 Histoires du Pays d’Aigre ______

6° Jean CORGNOL, écuyer, seigneur de Beauregard, capitaine au régiment d’Hocquincourt sur lequel on n’a pas d’autres renseignements (B/F)

7° Philippe CORGNOL (2° du prénom), écuyer, seigneur de Tessé, Beauregard etc… (XXIV° gen.), demeurant paroisse d’Ebréon, fut maintenu noble par l’intendant de Li- moges en 1667 et obtint un arrêt de la Cours des Aides de Paris le 10 juillet 1665 (B/F), fit ses preuves de noblesse (14/08/1665) à Beury d’AGUESSEAU, chevalier chargé de la vérification des titres de noblesse dans la généralité de Limoges, élection de Saintes (gen Ch. C.) Dans un procès, en 1671, contre Abraham GILBERT, ministre, il est dit héritier de ses frères et sœurs et curateur de sa sœur aînée Renée (Arch. Char.). Il épousa le 20/12/1647 Charlotte DE MARTIN, fille de Gabriel, écuyer, seigneur de Châteaunay et de Martiale DE VILLANDREIX d’où : - Louis qui suit, - Louise qui épouse Jean REGNAUD, écuyer, seigneur de dont les enfants étaient sous la curatelle de Philippe CORGNOL, leur aïeul, le 6/01/1682 (Archives Charente E 1011) - Renée, qui épousa (10/12/1698) son cousin François DE CORGNOL, écuyer, seigneur de la Touche, de Glanges, fils de Philippe CORGNOL et de Charlotte MARTINEAU (tige centrale XXV° gén) - Philippe, moine de l’abbaye de Nanteuil-en-Vallée, prieur de Saint-Hilaire de Voulême (1695) (B/F).

Logis de Beauregard - Façade Ouest

XVIII° siècle (avant la Révolution de 1789)

8° Louis CORGNOL (2° du prénom), chevalier, seigneur de Tessé, Beauregard (XXV° gen) Il se serait marié 2 fois. - d’un premier lit avec N… vint Louis-Jacques qui suit - d’un second lit, avec Marie CAILLOT(8/08/1701) il eut : - Madeleine, baptisée à Ruffec le 28/01/1707, - François qui sera religieux de l’abbaye de Nanteuil-en-Vallée (1750), prieur de Vieux-Ruffec (1762), - Jacques-Philippe, curé de Limalonges (1769).

29 Histoires du Pays d’Aigre Octobre 2002 ______

9° Louis-Jacques CORGNOL, chevalier, seigneur de Tessé, Couturette, Beauregard, Ebréon, Romazières, Beaupuy, Fleury et autres lieux… (XXVI° gen). Il fut nommé lé- gataire de Louise-Catherine De PONTHIEU, par testament olographe du 15 décembre 1752. Il reçut plusieurs déclarations le 28 novembre 1756 (greffe de Chef-Boutonne) et passa un bail le 3 juin 1771 comme donataire de Françoise DE PONTHIEU, dame de Beaupuy. Il avait sans doute épousé une demoiselle DE PONTHIEU (B/F), mais nous ne savons pas s’il eut des enfants (B/F) ; il épousa Françoise DE PONTHIEU, dame de Beaupuy, SP (gen Ch. C)

Conclusion : sous réserve, 9 seigneurs se sont succédés au logis de Beauregard.

Le logis de Beauregard est actuellement la propriété de M. Maurice RAGONNAUD

Guy BERNARD

Sources : « Dictionnaire Historique et Généalogique des Familles du Poitou » Beauchet-Filleau « Généalogie de la famille DE CORGNOL » dont l’auteur Christian CORGNOL nous a fait hommage Abréviations : B/F : Beauchet/Filleau - gen CH. C : généalogie Christian CORGNOL

Une famille charentaise : les « DE CORGNOL »

X° siècle

1° Ronan CORGNOL (970), chevalier, seigneur de Magné, chapitre de Saint- Hilaire qui épousa N… d’où 2° Lambert CORGNOL (997), chevalier. 3° Ithier CORGNOL (1059), chevalier.

XIV° et XV° siècle

11° Hélie CORGNOL, chevalier, seigneur de Moulin, Saint-Cybard (1310) En 1390, Jean CORGNOL transigea avec Guillaume PREVOST, écuyer, seigneur d’Aizec. Logis de Tessé 17° Lancelot CORGNOL (1491), écuyer, seigneur de Villefréart-Miserit (aveu12 le 30/11/1491) ; dans une lettre de rémission (1485) il est dit gentilhomme de toutes li- gnes et d’ancienne chevalerie (archives nationales J210, page 116). 18° François CORGNOL (1430-1488), écuyer, seigneur de Tessé, écuyer et maître d’hôtel de Joachim DE VOLVIRE, baron de Ruffec, obtint des lettres de rémission (1454) (archives nationales J191 page 112), épousa en 1450) Jeanne DE LEIGNE d’où :

12 Dans la France féodale, c'était un acte où le vassal reconnaît tenir de son seigneur, fiefs, terres ou droits divers.

30 Octobre 2002 Histoires du Pays d’Aigre ______

XVI° siècle

19° Jean CORGNOL (décédé le 26/12/1502), écuyer, seigneur de Tessé, fit hommage de ce fief à Louis DE BARBEZIERES, écuyer, seigneur de Montigné (12/11/1492), il épousa (1490) Simone DE BARROU (BARRO) 19° Renée BOILEVE épousa (1550) Louis CORGNOL, son cousin germain (XXI° gé- nération) 22° Philippe CORGNOL, écuyer, seigneur de Beauregard, produisit ses lettres de noblesses à Angoulême (1599).

XVIII° siècle

27° Louis CORGNOL (17/02/1740 - 14/04/1765), marquis, écuyer, seigneur de Ro- chebertier (1778), (Vilhonneur, La Touche). 28° Jean-Guy DE CORGNOL (21/07/1769 - 12/10/1829), marquis, chevalier de l’Ordre de Saint-Louis (29/11/1815). Il émigra dès la fin 1789, rejoignit l’armé des Prin- ces et resta hors de France pendant près de 12 ans. Il épousa le 6 janvier 1802 Marie- Jeanne-Julie LABROUSSE DE MIREBEAU (27/04/1776 - 17/11/1823), fille de Fran- çois et de Anne FAURET DE POMMEAU, d’où 13 filles dont (notamment) :

XIX° siècle

28° Marie-Rose-Octavie (1802 - 17/11/1882), célibataire qui portait le titre de marquise conformément à la coutume d’Angoumois et habitait Rochebertier. 28° Suzanne-Elisabeth (dite Léa) (1818 - 1879) qui épousa Henri MOREAU, avocat à Cognac. 30° Raymond Perrot DE CORGNOL (21/08/1843 6 21/11/1881), chevalier de la Lé- gion d’Honneur (19/09/1871), Médaille Militaire, Médaille du mérite (1863 - 1866), ca- pitaine au long cours, capitaine de la garde mobile de Dordogne. il épousa (8/06/1874) Marie-Mathilde BON, fille de Camille et de Eugénie BARDONNAUD, d’où :

XX° siècle

31° Raymond PERROT DE CORGNOL (19/04/1881 - 14/10/1928), chevalier de la Légion d’Honneur (31/05/1917), Croix de Guerre (1914 - 1918) avec palme, griève- ment blessé (8/11/1916) à Ablaincourt, il épouse Marie-Germaine CHATARD (6/11/1884 - 27/05/1980), fille d’André et de Marie-Odette BARBOT D’HAUTECLAIRE d’où : - Patrice qui suit - André (16/04/1912 - 20/07/1980), voir branche de la Villedieu. 32° Patrice PERROT DE CORGNOL, né le22/04/1910 à Angoulême, chevalier de la Légion d’Honneur (3/03/1954), Croix de Guerre 39-45. Il épousa le 18 juin 1942 Si- mone LACOUTRE, fille de Lucien (16/10/1884 - 14/03/1975), officier de la Légion d’Honneur, Croix de Guerre 14-18 et 39-45, agent de change d’où : 33° Christian PERROT DE CORGNOL, né le 2 juin 1943 à Paris.

Guy BERNARD

Sources : Généalogie Christian DE CORGNOL

31 Histoires du Pays d’Aigre Octobre 2002 ______

Fera… Fera pas la corvée ?

On l’appelait Jacquot et il était têtu…

l se nommait Jacques GERVAIS, était laboureur aux Gours (ne pas confondre avec I un autre Jacques GERVAIS, voisin et né au siècle suivant). Pourquoi ferait-il la « corvée » en ce dernier quart du XVIII° siècle ? Il était libre ! Il avait décidé qu’il ne la ferait pas. Tant pis si les huissiers et sergents royaux viennent « parler à sa personne, à son domicile » pour lui dire de se rendre à la justice dont dépend sa paroisse et sa châtellenie.

Il a tort Jacquot !

Par acte d’huissier du 18 juin 1776 le procureur fiscal des Gours l’a condamné à faire « dans les 3 jours, à partir de la signification à lui donnée par CORBINEAU, ser- gent royal, une journée de « corvée », lui et ses bœufs et le matériel aratoire néces- saire, du lever du soleil jusqu’à son coucher, pour faire les ouvrages qui lui seront commandés et de continuer pareillement à l’avenir le service des dites corvées, an- nuellement au nombre de six, aux jours qui lui seront indiqués par le seigneur ou des gens venant de sa part ; et pour avoir manqué, le condamnons à l’amende coutumière et aux dépens, que nous avons taxés et liquidés à la somme de 4 livres 13 sous 5 de- niers et ce, non compris le coût des présentes. Donné et fait en la Cour Ordinaire du comté de Fontaine-Chalendray, expédié au parquet et auditoire, par nous, Jean MER- VEILLEUX, licencié es lois, juge sénéchal civil et criminel du comté… ».

Jacquot n’a pas bougé !

Extrait du registre du greffe du Siège Royal de Niort daté du 23 décembre 1778… « Haut et puissant seigneur Guy André, Pierre LAVAL, chef du Nom et des Armes de la Maison de LAVAL, chevalier de l’Ordre Royal et Militaire de Saint-Louis, premier gentilhomme de la Chambre de Monsieur, Frère du Roy, lieutenant général des Ar- mées de sa Majesté et du Gouvernement des villes, principautés et dépendances des Provinces du Puydaux, premier baron de la Marche, seigneur de LAVAL, marquis du Puy, comte de Fontaine-Chalendray, Des Gours et de La Plaine et autres lieux… contre le dit Jacquot laboureur… nous le condamnons à donner 30 livres 10 sous… Fait en la Cour Ordinaire de la Sénéchaussée du Poitou au Siège Royal de la ville de Niort… ».

Jacquot n’a pas l’air de s’émouvoir !

27 avril 1780 : « Louis par la grâce de Dieu Roy de France et de Navarre, au 1° huissier du Parlement ou autre, faisons savoir… à Guy, André, Pierre DE LAVAL- MONTMORENCY, chef du Nom et Armes de la Maison DE LAVAL, premier baron de la Marche, lieutenant général des Armées du Roy, gouverneur de La Rochelle et pair d’Aunis, de la ville et principauté de Sedan et de Carignant, grand croix de L’Ordre de Saint-Louis et commandeur de l’ordre de Saint-Lazare, seigneur comte de Fontaine- Chalendray et autres lieux… contre le dit jacquot, appelant de la sentence du bailliage de Niort du 23 décembre 1778, faute de comparoir… le condamne en plus, à 11 livres et aux dépens… Donné au Parlement de Paris le vingt sept avril mil sept cent quatre vingt et de notre règne le sixième… ».

32 Octobre 2002 Histoires du Pays d’Aigre ______

26 juillet 1780 : « Louis par la grâce de Dieu Roy de France et de Navarre, au 1° huis- sier de notre Cour… à la supplication de messire Guy André Pierre DE LAVAL - sui- vent les titres - en conformité de l’arrêt de notre Cour du 27 avril 1780 … condamnons le dit Jacquot, paroisse des Gours, à payer au demandeur 207 livres 5 sous et 2 de- niers… Fait et passé à Paris le vingt six juillet mil sept cent quatre vingt et de notre règne le septième ».

25 août 1780 : « A la requête de haut et puissant seigneur Guy André, Pierre LA- VAL, duc de LAVAL-MONTMORENCY, chef du Nom et des Armes de la Maison de LAVAL, baron de La Marche, lieutenant général des Armées du Roy, gouverneur de La Rochelle et pair d’Aunis de la ville et principauté de Sedan et de Carignant, grand croix de L’Ordre de Saint-Louis et commandeur de l’ordre de Saint-Lazare, seigneur du duché de Laval, marquis de Lezay, de Puymorau et Gallardon, baron de La Marche et de Fontaine-Chalendray, seigneur des Gours et de La Plaine et autres lieu, demeu- rant ordinairement à Paris en son hôtel, rue neuve Notre-Dame des Champs, paroisse Saint-Sulpice, où il fait élection de domicile, je, François JACOB, huissier au siège présidial d’Angoumois demeurant au Breuil, paroisse de Chives, parlant à la personne du dit Jacquot, laboureur à bœufs, demeurant au bourg et paroisse des Gours, dans le quartier appelé « Chez Chèze » à son domicile… lui ai fait savoir le contenu des qua- tre pièces des sentences prononcées au profit du seigneur requérant, la première : en sa justice du comté de Fontaine-Chalendray le 18 juin 1776 ; le deuxième au siège royal de Niort le 23 décembre 1778 ; le troisième le 27 avril dernier ; la quatrième le 26 juillet à Paris… le tout transcrit à telle fin que Jacquot ne puisse l’ignorer ; il doit satis- faire à toutes les condamnations prononcées… » - « faire à la seigneurie et château Des Gours, non seulement une journée de cor- vée, mais encore toutes les autres journées de corvées qui sont en cours et sont, depuis les arrérages à raison de 6 par an » - « de bailler et payer à monseigneur le duc DE LAVAL… l’amende coutumière à laquelle il a été condamné et aux dépens… et d’obéir… » - « de souscrire aux sentences du 27 avril de l’an de grâce 1780 le 6° de notre rè- gne, données par le parlement au profit de Monseigneur le duc de MONTMO- RENCY-LAVAL » - suivent tous les titres. - « et du 26 juillet par ordre du Roy et… faute de comparoir… »

C’est la fable du « pot de fer contre le pot de terre» aurait dit LA FONTAINE ! Il est à remarquer la progression des faits, des titres de ceux qui rendent la justice. De la sentence d’un simple procureur local, on arrive très vite à la sentence royale… à l’insu du Roi bien entendu… Il est risible et dérisoire que le monarque condamne Jac- quot qu’il n’a jamais vu…

Jacquot s’est-il soumis ? Que nenni !

Il a raison jacquot !

La nuit du 4 août 1789 abolit les privilèges ! Jacquot n’a pas fait la corvée !…

J.M. COIRARD

Sources : Archives familiales

33 Histoires du Pays d’Aigre Octobre 2002 ______

Le lavoir de saint-fraigne (suite…)

amedi 1° mai 2002, S la commune de Saint-Fraigne inaugurait la reconstruction du lavoir du « Bourbonnaud »13. Ce nouveau lavoir a été rebâti sur les fondations retrouvées de l ‘ancien. Tout a été refait à l’identique comme, à l’intérieur, le système de pontons en bois, suspen- dus par des chaînes que l’on manœuvrait à l’aide Le lavoir de Saint-Fraigne en 2002 de treuil, afin de monter Photo : D. GAUTIER ou descendre selon le niveau de l’eau. Ainsi les lavandières étaient-elles toujours à la bonne hauteur. A cette occasion, pour Histoires du Pays d’Aigre, Janine AUDOUIN a composé un texte en patois, retraçant le dur labeur des lavandières de Saint-Fraigne. Je lui laisse donc la plume.

Là-haut, sur leur nuage, dans le grand champ d’étoiles, deux lavandières de Saint- Fraigne observent le nouveau lavoir et se souviennent.

T’en souvins-tu, Marie ? T’en souvins-tu, Marie, quand jh’allions t’au lavouèr ? Peur pousser la berouette, o tirait su l’échine ! O n’roulait pas piangh’ment d’au coûté d’la Saline ! Quèqu’ fés, fallait s’att’ler peur monter t’au lavouèr.

Marie, t’en souvins-tu quand jh’allions t’en jhornée Peur gagner nou dix sous, c’quo fallait déjhobrer Coum’chemises, camisoles et culottes de droguet Les deux bras dans l’lessi ? T’en souvins-tu, Marie ?

Marie, t’en rappeul’tu, quand jh’rincions la bughée ? Peur tordre quiélés bâlins, o fallait s’mettre à deux. L’eau pissait dans nou bots, jhe r’venions rapinghées. T’en souvins-tu, Marie, coum’nou dés étiant bieus !

Marie, t’en souvins-tu, d’Célestine, d’Nathalie Qu’l’appeuliant « queue d’peursil » ? Quand a v’niant essangher A se crêpiant l’chignon : o t’fazait rigoler Chacune v’lait s’mette à l’œil ! Tu t’en souvins, pardi !

T’en rappeul’tu étout, d’quielle chêtie t’Aglaé

13 Voir Histoires du Pays d’Aigre numéro 3 - page 38.

34 Octobre 2002 Histoires du Pays d’Aigre ______

Qui v’nait et s’en r’tornait d’son pied, aux Châteliers ? A « lavait quié messieurs » ! O l’était c’qu’a disait. A dormait dans n’in té, quielle chêtie t’Aglaé !

T’en souvins-tu, Marie, c’qu’a peuviant jhaboter Toutes quiés fames, de gh’nouillon dans leu coffre peur rincer ? Les battours s’arrêtiant. A l’érintiant l’vouesin ! J n’en seu sûre, Marie ; d’quieu tu t’en souvins bin !

Hélas, ce lavoir, comme tant d’autres, a été abandonné avec la généralisation du lave-linge, dans tous les foyers. Nous pouvons comprendre aisément, après avoir lu le texte de Janine AUDOUIN, que l’arrivée des « machines à laver » a provoqué en peu de temps l’abandon des lavoirs.

Mais ceux-ci ne méritent-ils pas que nous les réhabilitions et les conservions car ils restent les té- moins d’un passé, pas si loin de nous, mais que les nouvelles géné- rations ont du mal à appréhender ?

Janine AUDOUIN Système de pontons du lavoir de Saint-Fraigne Dominique GAUTIER Photo : D. GAUTIER

Nouvelles du Pays

Nous avons appris le décès d’Enio GEROLLINI le 12 mars 2002. Avec l’association « La Rose des Vents », il avait photographié le petit patrimoine de nos cantons et constitué, ainsi, un important fonds de documentation photographique riche de plus de 10 000 clichés.

Les 4 et 5 mai 2002, pour la 31° foire exposition du Pays d’Aigre, Histoires du Pays d’Aigre tenait, comme les années précédentes, un stand au sein de l’exposition culturelle qui, cette an- née, avait comme thème : le cuir.

Le 14 juin 2002 l’association voisine du canton de Saint-Amant de Boixe : « JADIS… le can- ton de Saint-Amant » dévoilait le numéro 1 de sa revue annuelle JADIS… le canton de Saint- Amant-de-Boixe.

Le 6 juillet 2002 au Logis de Ranville, l’association Ranville-Breuillaud.com présentait le nu- méro 1 de sa revue annuelle : Les Carnets de Ranville.

Le GRAHV (Groupement de Recherches Archéologique et Historique de ) a réali- sé ses expositions de l’été 2002 sur les thèmes de « l’Automne » et du métier de « Charron » Ces expositions sont visibles au musée de Villefagnan.

Dominique GAUTIER

35 Histoires du Pays d’Aigre Octobre 2002 ______

LES « ROUCHES » DE LA COUTURE

ourquoi ce titre me direz-vous ? Voyons d'abord le mot « rouche ». Depuis la P création de la revue « Histoires du Pays d'Aigre », on a parlé plusieurs fois de ce terme. Dans son article « Tourbières au fil de l’0sme », Jean SAUVE nous indique que les « rouches » (forme latinisée de rosca ou rosha) sont des végétaux du genre carex qui ont contribué à la formation de la tourbe. Cette appellation locale me fait penser aux « rauches » des Pays de Loire avec le roman de Maurice GENEVOIX : « Rémi des Rauches ». Mais d'après le dictionnaire Larousse, la « rauche » est le nom vul- gaire de la massette à larges feuilles. Pour ceux qui ne connaissent pas, la « rouche » du Pays d'Aigre a ses feuilles qui ressemblent à celles du gynérium, plus connu sous le nom d'herbe de la Pampa d'Argentine, qui sont moins larges mais aussi coupantes avec leurs dents de scie.

Parlons de la « Couture » maintenant. C'est la rivière, affluent de l'Osme, bien connue des irrigants du Nord-Charente, car elle fait partie du bassin versant de l'Aume-Couture. Sur les cartes topographiques, de l' I.G.N on relève : Ruisseau de la Couture et Rivière de l'Osme. (nuances !).

D'où vient donc ce nom « Couture » ? D'après le livre « Origine des Noms de Villes et Villages de Charente » de Jean-Marie CASSAGNE et Stéphane SEGUIN, « couture » est « un mot d'ancien français, du latin cultus = cultivé. Il est demeuré en usage dans la langue jusqu'à la Renaissance dans le sens de bonne terre, terre culti- vable, et s'opposait, au Moyen-Age aux « laris » (mauvaises terres, terres stériles) ». Puisque « couture » signifiait « champ cultivé » pourquoi a-t-on donné ce nom à la rivière ? Je suppose que les terrains en bordure de la vallée étaient tous cultivés alors que celle-ci ne l'était pas. J'ai relevé dans la commune de Saint-Fraigne un lieu-dit éloigné de l'eau qui s'appelle « La Couture ». Et nous en arrivons à notre titre : « Les Rouches de la Couture ». Il y -a cinquante ans environ, une grande partie de la vallée de la « Couture » était constituée de marais à « rouches ». Les centaines d'hectares de maïs que nous voyons aujourd'hui, dans la vallée de cette rivière, n'étaient autrefois que des « rouches ».

D’un point de vue géographique, « la Couture » prend sa source dans la commune des Deux-Sèvres qui porte son nom : Couture d'Argenson. Cette rivière entre presque aussitôt dans le département de la Charente après avoir reçu le ruisseau « Le Gui- dier ». Celui-ci était, autrefois, en période hivernale (quand la nappe phréatique était moins basse), issu des prairies de Fleury, Aubigné, Prémorin, Echorigné, et Guidier. Je suis passé en juin, dans ces localités où le ruisseau est à sec (on ne voit que des petits ponts). Donc la « Couture », grossie du « Guidier », entre en Charente avant la ferme de La Barre, traverse Le Gravier, et Richard. Elle reçoit ensuite son principal affluent, le Ruisseau du Gouffre des Loges qui passe à l'ancien moulin de Loraud, et que les habitants du village de Bouchet appellent « Le Canal ». Cet affluent venait, toujours autrefois de Villiers-Couture en Charente-Maritime, où il portait le nom de « Le Naudin » puis « Le Gazon ». Le Gouffre des Loges se trouve près du domaine de la Font Brisson, cher au Docteur MOUCLIER et à son ami Victor DURAND, maire de à cette époque. Suivons le cours de notre « Couture » qui passe près des- hameaux ou fermes de Saint-Eloï, La Conche, Culasson, Forgette, La Prée, Le Maine, Germeville où elle reçoit « La Rivière de Chillé », Saint-Mexant, et- entre dans Aigre. Là, à peu de distance de l'église, la « Couture » se jette dans l'Osme avant le pont du

36 Octobre 2002 Histoires du Pays d’Aigre ______

Gord. Au Moyen-Age, on désignait sous le nom de « gord » une pêcherie établie sur une rivière.

Où se situaient donc ces « rouches » de la vallée, de la « Couture » ?

Il y en avait sur quatre communes. Sur la commune Des Gours, on trouve les lieudits Marais de Cor- net, Le Broc, La Grande Gaugne, La Font Rouge, Les Ma- rais de Loraud et Les Marais de Point Folle qui sont aujourd'hui un lieu touristique. Com- mune de Saint- Fraigne, ce sont les Marais de Grolleau, la Prairie de Richard et les Grand-Marais. Sur la commune de Lup- sault on relève le Ma- rais Commun de Bou- chet et une partie des

Le marais à « rouches » Marais de Fiolle (on (le village en haut à gauche est Chillé) prononce fiaule). Com- (Photo P.F. JOY) mune d'Oradour, il y avait l'autre partie des Marais de Fiolle, le Marais du Dop, le Marais Commun, et les Marais à Rouches étaient proches de l'église et de la mairie.

Quelle était la flore et la faune de ces « rouches » ?

En plus de la « rouche », végétal dominant, les autres plantes de cette vallée sont les mêmes que celles de l'Osme ; Jean SAUVE nous en a énuméré une grande partie : roseaux, joncs, nénuphars, mousses, salicaires, typhas, scirpes, myriophylles, pota- mots, charas, iris faux-acores, reines-des-prés, etc... ainsi que les arbres : saules, aul- nes, vergnes et frênes.

Et la faune, maintenant ! Elle était peut-être encore plus riche que la flore et je vais sûrement en oublier ! « Les habitants de l'eau » seront vus plus loin au paragraphe

37 Histoires du Pays d’Aigre Octobre 2002 ______concernant la pêche. Parmi les mammifères, on voyait quelques troupeaux de vaches (l'été), des renards, des lièvres, quelques lapins, mais surtout des rats d'eau (les ra- gondins n'étaient pas encore arrivés à cette époque) ! Pour les reptiles, je n'ai vu que des couleuvres d'eau et des lézards mais je n'ai jamais entendu parler de vipères. Les oiseaux étaient en grand nombre et très variés, surtout en période hivernale avec les migrateurs : colverts, sarcelles, courlis, souchets, milouins râles d'eau. Quelques bé- casses se posaient dans les bordures de la vallée par grand froid, et de nombreuses bécassines peuplaient le marais. Les buses blanches abondaient aussi pendant-les mois d'été. Les bandes d'oiseaux les plus denses étaient celles d'étourneaux qui ve- naient, le soir, dormir dans les « rouches ».

A quoi pouvait donc servir, cette « rouche » ?

Jacques DUGUET, dans son livre « Nom des lieux des Charentes », nous dit qu'un acte en latin, daté de 1273, donne des précisions sur l'utilisation de la « rouche » des marais de l'Arnoult en Charente-Maritime et qui est désignée sous la forme « roscha ». « Les moines de la Trinité de Vendôme installés à Saint-Agnant peuvent faucher ou faire faucher la rouche dans la vallée de la rivière Arnoult, autant qu'ils en ont besoin pour couvrir leurs maisons, leur foin et le sel provenant de leurs salines ». Dans la vallée de la « Couture » beaucoup de propriétaires possédaient- une surface plus ou moins grande appelée « rouchère » qu'ils fauchaient en saison favorable. La « rouche » servait parfois de litière mais surtout pour couvrir des tas de bûches, de paille ou des bâtiments de faible importance. Les « rouches » procuraient aussi de nombreuses distractions.

Je vais donc terminer, maintenant, par quelques histoires de chasse et de pê- che liées à ces « rouches» de la vallée de la Couture, il y a plus de cinquante ans.

C'est d'abord une histoire étrange et: tragique. Le 10 décembre 1944 était le jour de la première ouverture de chasse après la Libération. Ce matin-là, il faisait froid. La Couture était en crue et les- « rouches » couvertes d'eau. Avec quelques camarades, nous chassions dans les champs de « Fiaule », une sorte de langue de terre s'avan- çant dans le marais du même nom. Nous aperçûmes alors, au milieu d'un labour, une forme humaine allongée sur le sol, les bras en croix, couverte de givre. C'était le cada- vre d'un handicapé mental que je connaissais bien. Il s'était égaré, avait erré sur plu- sieurs kilomètres et, là, entouré d'eau de trois côtés, il n'avait pas eu l'idée de faire marche arrière pour avoir la vie sauve. Une crise cardiaque avait dû le terrasser. Notre matinée de chasse fut gâchée par les démarches administratives. A quelques centai- nes de mètres du lieu de cette lugubre découverte, se trouvait une vieille grange, avec une couverture en bon état et même une cheminée ! On l'appelait « La Maisonnette à SAVATIER ». Elle servait: en quelque sorte de pavillon de chasse à trois cultivateurs chasseurs, de « Bouchet » et a un boucher également chasseur du chef-lieu de can- ton. Chacun y apportait sa part de victuailles : grillon, jambon, confit d'oie, sans oublier l'entrecôte et quelques bonnes bouteilles. Après une dure matinée de chasse, quelle convivialité ! Toujours à la pointe de ces champs de « Fiaule », un bosquet de saules permettait d'établir un affût (un poste fixe pour les connaisseurs) dans le but de dé- truire les buses. Aujourd'hui, la destruction des rapaces est interdite car ils sont deve- nus rares. Mais, aussitôt après la Dernière Guerre, ils n'étaient pas dérangés dans ces étendues de « rouches »où ils avaient proliféré.

38 Octobre 2002 Histoires du Pays d’Aigre ______

Donc, à une vingtaine de mètres de l'affût, un camarade avait placé sur un piquet, un hibou naturalisé (un grand duc) aux ailes articulées qu'il faisait manœuvrer avec une ficelle. Dès qu'une buse apercevait le hibou, même à grande distance, elle se diri- geait et fonçait sur lui en piqué. Il m'était alors facile de supprimer ce prédateur, surtout de gibier. Je me rappelle également avoir installé, avec mon frère, bien fixée par des piquets et des cordes au milieu des « rouches » couvertes d'eau, une grosse barrique avec un seul fond. Elle servait d'affût lors de grands passages de colverts et de sar- celles d'hiver. Il fallait passer très vite de la station assise sur un petit banc dans la barrique à la position debout pour tirer rapidement sur le vol d'oiseaux. A cette époque, les migrateurs étaient très nombreux. J'ai vu revenir deux chasseurs de « Bouchet » avec une bonne quinzaine de canards, suspendus à une perche portée sur l'épaule. Ils avaient réussi à les approcher suffisamment, malgré leurs chiens.

La chasse était donc une grande distraction procurée par ces « rouches ». La pê- che satisfaisait peut-être encore plus de gens. En effet, la « Couture » abondait en brochets, anguilles et truites. On prenait aussi de belles écrevisses au moyen de petits filets appelés « balances », appâtés avec de la viande. Le brochet, ou plutôt le bro- cheton, se pêchait avec un tramail, filet à petites mailles enserré entre deux autres filets à mailles plus grandes, pour que le poisson « se poche », et que l'on tendait en travers du cours d'eau avec une longue perche. L'engin le plus meurtrier était « le pa- nier ». C'était une sorte de cage en grillage, d'un demi-mètre cube environ et ouverte sur une face. Elle était maniée par deux pêcheurs, jeunes et vigoureux qui, dans l'eau jusqu'à la ceinture, coiffaient obliquement les herbes aquatiques, les battaient avec une jambe et retiraient vivement le « panier », l'ouverture vers le haut. Le poisson était prisonnier dans la cage. Bien entendu, ces engins de pêche étaient interdits. C’était du braconnage. Un jour, justement, un pêcheur du village de « Bouchet » fut poursuivi et vite rattrapé par les gendarmes à travers les cépées de « rouches » car il était chargé de son tramail et, surtout, par un gros bout de sac de brochetons. L'intervention du maire fut la bienvenue pour faire amnistier le procès-verbal. La pêche la plus amusante était celle de l'anguille, les années de grande sécheresse. Il y avait, à peu de distance de la « Maisonnette à SAVATIER », déjà citée, une fosse peu profonde, l'un des rares endroits non asséchés du marais. Cette cuvette de terrain contenait encore un peu d'eau mais, surtout, une bonne couche de vase. Il s'agissait alors de sonder cette vase avec un « salin » (foëne ou trident), ou une grande pince en bois armée de pointes, pour saisir les anguilles et les mettre dans un sac bien ficelé ! On se dépêchait ensuite de sortir de ce lieu car il fallait décoller les nombreuses sangsues collées sur les mol- lets.

Il se prenait, dans cette vallée de la « Couture », des quantités de brochets Quelle destruction ! Eh bien, non ! Quelques semaines plus tarde avec la sécheresse, les fos- sés tarissaient et des centaines de brochetons pourrissaient sur la vase.

Le meilleur lieu de pêche des « braconniers » de « Bouchet » (je cite peut-être trop souvent ce village que je connais bien) était le « Biéneu ». Je me suis souvent deman- dé ce que ce mot patois voulait dire. Peut-être pourrait-on le traduire par « Bief Neuf ». En effet, la « Couture », qui passe par le « Moulin de l'Aubier », se dirige en ligne ab- solument droite vers le confluent formé avec le « Ruisseau du Gouffre des Loges ». Ce « Bief Neuf », aurait pu être creusé par la main de l'homme. Avant la Dernière Guerre, j'ai visité le « Moulin de l’Aubier ». L'eau traversait une grande salle, barrée à l’extré- mité par une grille avec des barreaux de fer très rapprochés. Cette salle était une pê- cherie d'anguilles d'avalaison, c'est-à-dire des grosses anguilles qui descendent les

39 Histoires du Pays d’Aigre Octobre 2002 ______cours d'eau au moment des crues pour se diriger vers la Mer des Sargasses où elles se reproduisent.

Après la plante, la terre, l'eau, il manque le feu !

Effectivement, certains soirs d'été, presque chaque année, on entendait clamer dans les villages : « Les rouches brûlent » !. Si l'on se trouvait sur quelque lieu domi- nant la vallée, on apercevait un front de flammes de plusieurs centaines de mètres qui avançait lentement et dont les lueurs se voyaient ensuite très loin durant la nuit. Il n'y avait pas grand danger ni de graves conséquences mais on ne savait jamais qui avait mis le feu. Peut-être quelques « bergers corses » venaient-ils en Pays d'Aigre pour faire brûler « Les rouches de la Couture ».

Albert FAVRAUD

Sources « Noms de lieux des Charentes » - Jacques DUGUET. « Origine des Noms et Villages de Charente ». Jean-Marie CASSAGNE-Stéphane SEGUIN Cartes topographiques de l’IGN. « Histoires du Pays d'Aigre » - N°6 - Jean SAUVE Souvenirs personnels.

LE PROCES DU CHAMP-BEAUPUY (1750)

C’est en 1750 qu’eut lieu le célèbre procès intenté par les PONTHIEU-BEAUPUY et leur beau-frère, le marquis DE CORGNOL de Tessé, demeurant en son logis noble de Beauregard paroisse d’Ebréon, à Pierre VINCENT, notaire royal et contrôleur des ac- tes au bureau de Couture.

Mademoiselle DE PONTHIEU-BEAUPUY demandait la restitution d’une pièce de terre nommée le « Champ-Beaupuy » et compris dans sa dot lors de son mariage avec le marquis DE CORGNOL de Tessé.

L’affaire traîne de longues années, jusqu’en 1762. Maître VINCENT gagna devant la Cour de Justice de la châtellenie de Couture, où il avait des amis, mais perdit enfin le procès devant le juge sénéchal du Marquisat de Chef-Boutonne.

Guy BERNARD

Sources : Marcel DANIAUD - Couture-d’Argenson - 79.

Rectificatif du numéro précédent: Page 26 dans paragraphe localisation lire bazimes au lieu de bazinzes. Page 27 dans paragraphe pourquoi de tels dépôts… lire 1,2 pour mille au lieu de 12 pour mille. Page 28 dans le paragraphe sur l’évolution des tourbières lire scirpes au lieu de scipes. Page 29 dans paragraphe intérêt économique lire vestiges des fosses tourbeuses au lieu de forces tourbeuses. Page 23 : André SAVIGNON est décédé à Londres le 10 janvier 1947 et non en 1939 comme écrit.

40 Octobre 2002 Histoires du Pays d’Aigre ______

UNE FIGURE LOCALE : RENÉE DOUSSIER

près trois années de problèmes et de réticences, de A 1907 à 1910, l’école communale de filles voit le jour, à Saint-Fraigne. Auparavant, la commune louait un local, à « La Roche », chez CORNUT, pour les élèves qui ne fré- quentaient pas l’école privée.

Plusieurs institutrices se sont succédées jusqu’à la ren- trée de 1919, date à laquelle Renée DOUSSIER a été nom- mée titulaire du poste. Elle va y enseigner pendant vingt ans. Son souvenir est toujours ancré, très vivant, dans le cœur de nous toutes, ses « petites filles » comme elle nous appelait, Mme PASTOR à et nous devons lui rendre hommage. Marseille en 1950 Née à Pons, le 5 août 1894, elle était la fille d’Edouard et de Lucie LACAZE. A Saint-Fraigne, elle s’habitue très vite à la vie du village et entre- tient des rapports très amicaux avec la population. Son collègue, Louis RAFFOUX, (école de garçons) et elle donnent des cours pour adultes et reçoivent, à ce titre, de l’inspecteur d’Académie, des lettres de félicitations pour les années 22, 23 et 24.

Cette maîtresse, très stricte dans son comportement, douée d’une grande sensibi- lité pour les arts et les lettres, passionnée pour une pédagogie vivante, agréable et efficace, travaille sans relâche dans sa classe unique qui compte, en moyenne, 35 élèves, de 5 à 14 ans. En 1928, l’effectif atteint même le nombre de 48, dont 18 petits garçons de 5 à 7 ans ! Les heures de cours, pour elle, sont bien insuffisantes. Elle complète son enseignement par des promenades à bicyclette, avec les plus grandes, pour délimiter la commune, observer les cultures, les ressources naturelles, dans le but d’établir, à l’échelle, une carte coloriée par nos soins, sur laquelle chaque élève écrit le nom d’un village, de la rivière, de ses affluents et de quelques bois. Belle leçon de géographie ! Le « chef-d’œuvre » terminé est encadré et installé dans la classe, dans le panneau central. Au-dessus, une inscription peinte au pochoir, par elle-même : « Petits paysans restez dans vos champs » rappelle aux élèves le plaisir de vivre à la campagne. Tout le long des murs, de magnifiques bouquets tricolores (bleuets, mar- guerite, coquelicots), peints eux aussi au pochoir par la maîtresse, nous font trouver notre classe la plus belle du monde. Une fenêtre, presque toujours ouverte du côté cour, nous permet de respirer l’air pur.

Pour le bien-être des enfants venus des villages, chaque jour, à midi, Mlle DOUS- SIER prépare une bonne soupe (certains garçons de l’école de M. RAFFOUX viennent augmenter l’effectif). Des tables et des bancs, fournis par la commune, sont installés dans la classe, entre midi et l’heure de la reprise des cours. Janie essuie la vaisselle avec les plus grandes. « Les tours de rôle étaient affichés, chaque lundi, dit-elle. Il fallait balayer les miet- tes et ranger les tables. La soupe cuisait sur une cuisinière bleue placée près du grand poêle et contribuait, l’hiver, à nous donner de la chaleur ! » Chaque « grande » a sa tâche : Henriette, tous les soirs, prépare papier et fagot pour le feu du lendemain ; les « petites », Francine, Hélène, Thérèse et Micheline ra- massent les brindilles qui tombent à l’automne. Tous les travaux ménagers sont consi-

41 Histoires du Pays d’Aigre Octobre 2002 ______gnés dans un cahier de leçons de choses qui indique tout ce qu’une bonne ménagère doit faire pour entretenir sa maison.

… « Tous les ans, elle nettoiera sa couverture de laine et de coton »… « Mademoiselle Célestine » , comme il faut l’appeler, balaie la classe au compte de la commune mais « lève » trop de poussière, Pierrette, Louisette, Alice et quelques au- tres doivent essuyer les tables avec soin. Janine s’occupe du bureau et trempe son doigt dans l’encrier rouge, pour ressembler à l’institutrice ! Les « grandes » doivent entretenir, chacune, une petite parcelle de terrain, notamment Mauricette. Ce jardin fait l’admiration des passants, avec toujours un massif fleuri, à chaque saison. Le carré de fraises est bien appétissant !

A 8 heures 30, la classe commence. En passant devant la fenêtre de l’appartement, chacune de nous prononce à forte voix : « Bonjour mademoiselle ! ». Celle-ci sort, frappe dans ses mains et nous nous mettons en rangs, alignées le long du mur du préau : inspection des mains, dessus, des- sous, des dents, des pieds, l’été, et des che- veux, de temps en temps. En récompense, quand le temps le per- met, certaines élèves ont droit à une douche que Mlle DOUSSIER a fait installer à ses frais. Intérieur de l’école de Saint-Fraigne Dans la classe, de- bout, devant nos tables, nous répondons à l’appel et chantons : « Les Bohémiens » ou « La Marseillaise » ou « Le Chant du Départ »… Henriette et Réjane distribuent les cahiers corrigés. La jour- née commence par la leçon de morale ou d’instruction civique, selon l’actualité. En- suite, calcul, orthographe, lecture et poésie, leçon de choses. Celles qui travaillent vite aident les petits à écrire, en leur tenant la main. L’après-midi, rédaction, histoire ou géographie, sciences naturelles. Pendant nos exercices écrits, la maîtresse s’affaire auprès des petits. Le samedi, couture ou dessin et lecture de beaux textes. Nous en apprenons par cœur : « Les lettres de Madame de Sévigné » - cette robe d’or sur or, rebrodée d’or que M. DE LANGLÉE avait offerte à Mme de MONTESPAN, nous fait rêver. Plus impressionnants sont les textes de Victor HUGO : « Les Travailleurs de la Mer » - Giliath regardait la pieuvre, la pieuvre regardait Giliath. Nous récitons tous les jours un poème : RONSARD (Le bel aubespin), les fables de LA FONTAINE et, bien sûr, Victor HUGO : « Elle était pâle et pourtant rose, Petite avec de longs cheveux. Elle disait souvent « Je n’ose » Mais ne disait jamais « je veux ! »

Les leçons d’histoire sont un régal. Mlle DOUSSIER nous la fait « vivre » avec des gestes et des intonations d’actrice de théâtre : le baptême d’Henri IV dans sa carapace

42 Octobre 2002 Histoires du Pays d’Aigre ______de tortue, la gousse d’ail et le vin de Jurançon ; la mort du Duc de GUISE (il est encore plus grand mort que vivant !)… Pour rendre son enseignement encore plus vrai, elle demande à Albéric GROUX, combattant de la guerre 14-18, de venir nous décrire la vie dans les tranchées.

Juste avant la sortie des classes, pour les vacances de Noël, nous décorons un sa- pin avec du gui, du houx et des guirlandes. Nous jouons des saynètes : « la cigale et la fourmi » « le passage du Père Noël »… Puis vient la distribution de petits jouets (of- ferts par notre maîtresse), dans une grande panière d’huîtres, munie de poignées. Nous goûtons des gaufres, des oranges, des boules de chocolat apportées par mes- dames MAZERAN, QUÉRON et Lucienne VANIER. Pour terminer la soirée, Michèle et Janine, à qui Mlle DOUSSIER a appris le solfège et la musique, jouent du piano à quatre mains. Groupées en demi-cercle, derrière elles, nous chantons, ravies : « l’hymne à la mer » et « le tambourin de Rameau ». Pendant ces mêmes vacances, quand le ciel est très clair, l’institutrice emmène ses « grandes », chaudement vêtues, sur le pont de Monroy, pour observer et reconnaître la Voie Lactée, la Grande et la Petite Ourse et l’Etoile Polaire qui guide les marins. Que de rêves !

Ecole de Saint-Fraigne en 1931-32

Tous les ans, le jour de la sortie, la maîtresse nous offre un pique-nique à la Sa- line : pain frais et confiture de nos fraises. En 1937, elle nous emmène avec le car GOURDON (payé à ses frais), à Royan, découvrir la mer. Il faut surveiller étroitement les plus petites et les tenir par la main : Jacqueline, Odile…

En 1939, aux vacances de Pâques, Mlle DOUSSIER épouse Manuel PASTOR et demande sa mutation pour Marseille où elle obtient une direction à plusieurs classes.

A cette occasion, M. TALBERT, Inspecteur d’Académie, et M. SAUVADET, Ins- pecteur de l’enseignement primaire, viennent la féliciter et lui remettre les palmes aca- démiques. Son départ sème la consternation dans le village et nous toutes, ses « petites filles », nous sentons un peu orphelines. Mme PASTOR termine sa carrière à Marseille puis vient s’installer, avec son mari, à Saint-Georges-de-Didonne. Réguliè- rement, tous les deux ans, elle revient au « village », pour nous revoir. Quelle joie de la retrouver. Après avoir légué une grande partie de ses biens, à une ancienne élève, elle décède le 3 avril 1988. Elle repose, avec son mari et sa sœur, dans le cimetière de Saint-Georges.

43 Histoires du Pays d’Aigre Octobre 2002 ______

Notre école est devenue le lo- cal du club des « Roses d’Automne ». C’est toujours avec émotion que nous entrons dans la cour où nous revoyons notre maîtresse frappant dans ses mains, pour nous faire mettre en rangs.

Henriette ERNEST et les souvenirs de Janie VIAUD

L’école en 1910, année de son ouverture

A la tresse… jolie tresse

Dans la cour de l’école, tilleul et marronnier Nous donnaient leur ombrage. Nous pouvions y jouer A la puce, la tirette, la marelle, au mouchoir. Rires et cris joyeux fusaient de toutes parts.

Tout autour, plein de fleurs de toutes les couleurs Pommier du Japon, tulipes, crocus, pensées, Marguerites, œillets, iris, pois de senteur, Soucis, lilas, bleuets, un tapis de muguet !

Coccinelles, papillons butinaient sur les roses. Chaque jour, nous avions une leçon de choses Sur les chenilles, lézards et les invertébrés, Les feuilles simples, composées, les papillonnacées !

Nous pouvions observer le ciel et les nuages. Les après-midi chauds, lorsque nous étions sages, Assises sur des bancs, à l’ombre du préau, Nous lisions La Fontaine, Daudet, Victor Hugo.

Les petits écoutaient… finis les bavardages ! La maîtresse parlait, nous montrait des images Et des cartes postales de pays très lointains Qui nous faisaient rêver, jusques au lendemain.

Comme nous avons dansé dans cette cour d’école, Nous tenant par la main, rondes et farandoles Et chanté, bien souvent, entourant la maîtresse Qui nous donnait amour, sourires et gentillesse :

« A la tresse, jolie tresse ! Mon papa est cordonnier, Ma maman est demoiselle. Mon p’tit frère est polisson, Tir’le cordon ! » Janine AUDOUIN

44 Octobre 2002 Histoires du Pays d’Aigre ______

L’ECOLE D’AMBÉRAC à la fin du XIXo siècle

a loi GUIZOT, du 28 juin 1833, impose à chaque commune l’obligation d’ouvrir L une école primaire pour les garçons. Mais, à Ambérac, il s’avère qu’il y a déjà un instituteur. Depuis quand ? On ne possède aucun document à ce sujet. Où exerçait-il sa fonction ? Sans aucun doute à son domicile… Ce qui est certain, c’est que le 10 juin 1830, le Recteur de l’Académie de Bordeaux adresse au maire d’Ambérac « le Brevet de capacité du sieur Jean BOISSET, né à Cellettes, lequel devra en accuser réception et inscrire sa signature conformément à l’arrêté du 15 septembre 1821 ». Ce qui est fait le 20 juin 1830.

Un autre enseignant, Mathieu BOURDEAUX, est, un peu plus tard, également auto- risé à exercer sa fonction à Ambérac mais il semble qu’il ne l’ait pas fait (voir ci- dessous autorisation du 15 décembre 1832)

Le 7 juin 1832, le maire d’Angoulême, DE LAMBERT, président du Comité d’Instruction Primaire, avertit le maire d’Ambérac « qu’il tient à sa disposition huit exemplaires d’un alphabet à l’usage des écoles primaires et un exemplaire d’un caté- chisme historique. Arrivés dans chaque commune, ils devront être frappés du timbre municipal, et ils seront la propriété de l’école publique. L’instituteur chargé de ces li- vres les conservera avec soin ; il les distribuera selon les besoins aux enfants indi- gents, dont vous lui remettrez la liste ».

Le maire d’Ambérac ne semble pas pressé d’organiser l’enseignement primaire dans sa commune, à en juger par la lettre du Préfet en date du 3 août 1832 : « je viens vous demander pour la troisième fois le tableau sur lequel vous avez dû établir vos réponses aux séries de questions, que je vous ai adressé sur la situation de l’instruction primaire dans votre commune ».

45 Histoires du Pays d’Aigre Octobre 2002 ______

Quoi qu’il en soit, le 6 décembre 1834, le Préfet informe le maire « que le sieur BOISSET Jean, a été confirmé dans sa fonction d’instituteur dans votre commune par décision du Comité d’Arrondissement du 15 juillet dernier, et qu’il doit toucher, à partir de ce jour, son traitement fixé à 200 francs et l’indemnité de logement versée par le conseil municipal s’il n’est pas logé dans une maison communale ou dont la commune paie le loyer ».

A la suite de nombreux rappels au respect de la loi, le conseil municipal, par délibé- ration du 28 mai 1838, décide d’acquérir l’ancienne maison presbytérale appartenant au sieur GESTRAUD, pour y établir l’école primaire communale et le logement de monsieur le desservant. Il faut préciser que cette décision n’avait sans doute été prise qu’après l’information préfectorale du 5 mai 1838 : « si votre commune vote de quatre à cinq mille francs pour l’achat, elle peut espérer de 1500 à 2000 francs de subven- tion ».

L’acquisition définitive ne pouvant être faite qu’après enquête de commodo et in- commodo, le 15 septembre 1838, le Préfet nomme le Juge de Paix de Saint-Amant de Boixe commissaire enquêteur. Cette enquête avait dû être « folklorique », a en juger par l’avis du 1° octobre 1838, reproduit intégralement ci-dessous.

« L’an mil huit cent trente huit et le premier octobre, en vertu de l’arrêté de M. le Préfet de la Charente en date du quinze septembre dernier, par lequel, M. le Juge de Paix de Saint-Amant de Boixe est nommé commissaire à l’effet de faire un procès- verbal de commodo et incommodo relativement à l’acquisition de l’ancienne maison presbytérale que se propose de faire la commune d’Ambérac, appartenant actuelle- ment à M. GESTRAUD, laquelle serait destinée pour y établir l’école primaire commu- nale et le logement de M. le desservant, nous, Pierre Honoré de ROUFFIGNAC, juge suppléant de M. le Juge de Paix du canton de Saint-Amant de Boixe, empêché pour cause de maladie, et délégué par ce magistrat, assisté du sieur Jean PRESSAC, gref- fier, nous sommes transportés au chef-lieu de la commune d’Ambérac, où étant en la maison dont s’agit, où se trouve la mairie, en ce que le propriétaire est l’adjoint de la commune d’Ambérac, où étant à dix heures du matin, nous avons trouvé M. le maire, qui a déclaré avoir affiché et fait annoncer à son de caisse dans toute la commune les jours et heure de l’enquête à laquelle nous allons procéder. A l’instant se sont présentés les ci-après dénommés : les sieurs Marc BARRIT, COUSSOT Louis, PAZIOT Jean, MAURIN Jean, CLOCHARD François, POINSON- NET François, JOUBERT Pierre, BOUHIER Louis, BANLIER Jacques, MESLIER Jean, MAGNAN Jean, MAGDELAINE Jean, DENECHAUD Jean, DECHAMP Pierre, DEVEZEAUD Jacques, LAURENT François, GOYAUD Pierre, LAIDET Pierre, tous propriétaires cultivateurs demeurant tous dans les villages du Marais, des Cambouils, des Goyauds et autres villages, lesquels ont dit qu’attendu que cette maison est desti- née pour y placer l’instituteur communal et que l’endroit le plus central pour la placer serait mieux dans l’un des villages au centre de la commune, ils sont d’avis que la maison pour la placer soit prise au centre de la commune plutôt que dans le bourg. Tous ceux qui ont déclaré savoir signer l’ont fait. A l’instant se sont aussi présentés les propriétaires ci-après dénommés : MM. SAL- LET-DESGROGES, COUDRET Pierre, François RAMADE, CAILLAUD François, VERNIER Jean, SEGUIN Jacques, MARTIN Jean, LHÉRIDEAUD Pierre, VERNIER Pierre, VERNIER Louis, GASNIERE Jean, DUFOUR Pierre, GANACHAUD Jacques, GANACHAUD Pierre, CHATEAUD François, PICOT François, AUMON François,

46 Octobre 2002 Histoires du Pays d’Aigre ______

BERTHOMÉ François, PICOT Jean, LHÉRIDEAUD Jean, PICOT Pierre, PICOT Si- mon, PICOT Lalisse, BONNET Jean, SEGUIN Jean, FETIS Jean, CHOLLET Rémy, FETIS Jacques, VERNIER Joseph, PELLETON Jean-François, PLANTEVIGNE Jean, BERTHOMÉ Jean, tous les ci-dessus désignés demeurant au chef-lieu de la commune d’Ambérac, et ils déclarent que la maison appartenant actuellement à M. GESTRAUD est très convenable pour y placer l’instituteur communal, le desservant de la commune et pour la mairie, et qu’en conséquence sont unanimement d’avis que l’acquisition en soit faite, nonobstant l’opposition faite ci-dessus par les habitants des villages de la commune. Ceux qui ont déclaré savoir signé l’ont fait. Vu que l’heure est avancée et qu’il ne se présente plus personne, nous avons, avec M. le maire et M. l’adjoint visité la maison et le local dont s’agit ; elle se trouve placée près de l’église, sur une éminence au centre du bourg, sans être gênée d’aucune part, dominant la Charente et sur la prairie, le jardin placé entre la terrasse et la Charente, la maison vaste et bien bâtie est placée entre cour et jardin ; à l’entrée de la cour se trouve sur la gauche un petit verger et sur la droite de belles servitudes. Cette maison paraît très saine. Une maison destinée à l’instituteur communal placée dans l’un des villages comme le désiraient les habitants des villages ne pourrait se trouver saine, attendu que partout dans les villages l’air y est malsain, que d’ailleurs par ce moyen on s’éloignerait trop de l’église. Cette acquisition de la maison de M. GESTRAUD nous paraît convenable pour la commune d’Ambérac, en ce qu’elle est convenable pour placer l’instituteur communal, le desservant et la mairie. Fait et clos à Ambérac les jours, mois et an que dessus, à cinq heures du soir, et nous avons, avec M. DUBOSQUET, maire, M. GESTRAUD adjoint et le greffier, signé, le tout d’après lecture faite et après avoir laissé le tout à M. le maire d’Ambérac ».

A vrai dire, le conseil municipal ne « gaspille » pas les finances de la commune et le « pauvre » instituteur en subit les conséquences. Ainsi, le 29 novembre 1838 le préfet invite le conseil à rembourser la somme de 82 francs à l’instituteur qui a fait l’avance pour l’achat du mobilier de son école, à savoir : 4 tables et leurs bancs = 40 francs 1 tableau noir et son chevalet = 5,50 francs 1 poêle et ses accessoires = 20 francs 1 carte géographique (France) = 1,50 francs 1 horloge = 15 francs Total = 82 francs

Cette mise en demeure fait suite à la demande de M. BOISSET, datée du 11 no- vembre 1838 : « veuillez, je vous prie, M. le préfet, avoir la bonté d’appeler le conseil municipal à voter cette somme qui ne doit être supportée par moi, attendu qu’elle a été employée à l’achat d’objets indispensables et vraiment utiles pour l’instruction des en- fants de la commune, et que, père de famille de cinq enfants, cet argent me tirera un peu de mon état de gêne, mes fonctions d’instituteur comme étant ma seule res- source ». Malgré cela, le 29 janvier 1839, le conseil s’oppose de nouveau au rembour- sement de la somme de 82 francs. Qu’en est-il advenu ?…

L’acquisition définitive de l’ancien presbytère est enfin réalisée le 9 mai 1842 pour la somme de 4000 francs, à laquelle il faut ajouter 1037 francs pour les frais de no- taire. Une subvention de l’état de 1800 francs est accordée par le conseil royal de l’instruction publique. Bien entendu des travaux d’aménagement s’avèrent nécessaires et sont mis en adjudication. Le cahier des charges (article 8) prévoit qu’ils doivent être

47 Histoires du Pays d’Aigre Octobre 2002 ______terminés le 1° mars 1844. C’est le sieur PHELIPPEAUD, charpentier à Marcillac, qui remporte le marché pour la somme de 710 francs. Quant à l’école de filles, elle ne fut ouverte qu’à la rentrée de 1874, la première ins- titutrice étant Mme VIDAUD née DEMONDION. Ainsi, les deux classes ont fonctionné dans des locaux vétustes et aménagés tant bien que mal, jusqu’à la rentrée d’octobre 1952.

René FONTROUBADE

Sources : Archives de la mairie d’Ambérac

Extraction du sable dans les carrières de Fouqueure

e sable de L « Fouqueure » a été tiré en premier lieu à la main (pelle et pioche) dans des terrains secs (ab- sence d’eau) sur des tranchées d’environ deux mè- tres de large. On séparait la terre vé- gétale d’un côté et le sable brut de l’autre. Ce sable, passé dans des tamis, Drague en bois au « Chambons » toujours à la main, était trié : sable fin d’un côté et gros cailloux de l’autre. Ces gros cailloux étaient em- ployés comme ballast pour la voie de chemin de fer du « Petit Mairat ». Le sable inuti- lisable était remis dans les tranchées, puis celles-ci recouvertes de terre végétale. Plus tard, le sable était tiré dans l’eau, toujours à la main, mais cette fois à l’aide d’un godet fixé au bout d’un manche en bois d’environ un mètre à un mètre cinquante de long. Ce sable était stocké en tas et toujours trié avec un tamis à la main. Dans les derniers temps, ce sable était extrait de plus en plus profondément à l’aide d’excavatrices à moteur (dragues) en bois ou en fer selon l’artisan qui la construisait. Le sable de Fouqueure était vendu aux maçons de la région ainsi qu’aux particu- liers du coin. Albert BABIN

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