Profils Perdus Sur Fond D'histoire
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PROFILS PERDUS SUR FOND D'HISTOIRE DU MEME AUTEUR POÉSIES Le Livre du Dauphin (1 vol.); Lendemain des Amours (1 vol.); Poèmes des Deux Magots (1 vol.); L'Amour songé (1 vol.). ROMANS L'Eveil du Cœur( 1 vol.); A l'ombre des grandes ailes (1 vol.); La Saison Florentine (1 vol.); Les Caprices du Maître (1 vol.); La Femme crucifiée (1 vol.) ; Jeunesse et Plaisirs de M. de Sorgues (1 vol.); Les Vertus patriciennes (1 vol.); Le Monstre et l'Enchantement (1 vol.); Bombes pralinées (1 vol.); Seconde vie du Marquis de Sade (1 vol.); Le Spectre de Lord Allan (1 vol.); Les Buveuses de Phosphore (1 vol.); Hamlet aux deux Ophélies (1 vol.); La Gloire et la Femme (1 vol.); Le Déclin du Prestige (1 vol.); La Messe des Oiseaux (1 vol.); Une Femme singulière (1 vol.); Vendanges charnelles (1 vol.); L'Amour et le Souvenir (1 vol.); La Vache à Colas (1 vol.); Les Seins de Madame Breuilly (1 vol.); Les Plaisirs de l'Enfer (1 vol.); Le Bien et le Mal (1 vol.); Le Mystère et l'Illusion (1 vol.); Le Nombre d'Or (1 vol.); La Reine de l'Amour (1 vol.); Les Sources du Désir (1 vol.); La Guirlande des Masques (1 vol.); L'Amour s'amuse (1 vol.); Le Bracelet volé (1 vol.). RECUEILS DE NOUVELLES Ecrits sur le Ciel et sur la Terre (1 vol.) ; L'Adultère de Jocaste (1 vol.). MÉMOIRES Les Tablettes d'Alcibiade (1 vol.) ; L'Automne des feuilles de vigne (1 vol.); Le Sang des Pharisiens (1 vol.); Mémoires fermés (1 vol.); Catherine et ses amis (1 vol.); Willy, Colette et moi (1 vol.); L'Amour à l'échelle de l'Asie (1 vol.). ESSAIS L'Heure à double visage (1 vol.); La Saulsaye de Maurice Scève (1 plaq.); Les Contes de Perrault (1 vol.); Solange Schaal et son œuvre (1 vol.); Solange Schaal et le statuaire moderne (1 vol.); Toulouse-Lautrec et notre cœur (1 vol.); Gagneuses (1 vol.), illustré par Ch. Picart-le-Doux. Le Pêcheur à la ligne et les poissons (1 vol.), illustré par Paul-François Morvan; La Cuisine sentimentale (1 vol.), illus- tré par Paul-François Morvan. SYLVAIN BONMARIAGE PROFILS PERDUS SUR FOND D'HISTOIRE AUBANEL © 1966 by Sylvain Bonmariage and Aubanel I LES GRANDS SOIRS DE L'OPERA Nous ne réécrirons pas ici les Mémoires de l'Opéra. L'ouvrage a été fait, et fort bien fait, par le comte Charles de Boigne, et ne nécessite aucune rectification. Monumentalement, depuis 1671, l'Opéra a vécu de ses déménagements. Il fut, à l'origine, au Jeu de Paume de la Bouteille et, un an plus tard, au Jeu de Paume de Bel-Air; douze mois plus loin, en la première salle du Palais-Royal (de 1673 à 1763). Ce temps révolu, l'Opéra flamba. En 1764, on le réinstalla dans la salle aux machines des Tuileries. En 1770, il revint dans la seconde salle du Palais-Royal où il demeura jus- qu'en 1781. Après un nouvel incendie, il passa dans la salle des Menus Plaisirs et, la même année, s'abrita dans la salle de la Porte Saint-Martin jusqu'en 1794, date à laquelle on le vit au Théâtre National. En 1820, il fit une escale de huit mois à la salle Favart, pour passer rue Le Peletier de 1821 à 1873. Là, troisième incendie, pour n'en pas perdre l'habi- tude. Enfin, dernière installation, en 1874, salle Ven- tadour, avant de se fixer, l'année d'après, dans les locaux actuels. L'empereur, en 1862, avait accepté les plans de Charles Garnier, architecte, dessinateur, poète hu- moristique, joyeux bohème, jusqu'au jour où le destin de son fils l'attrista. Garnier avait plus de goût en peinture et en sta- tuaire qu'en architecture. Il construisit son horrible bâtiment, baptisé le « Colombarium de la rue du Four » en vrai prévoyant du style qui s'épanouit sous Félix Faure et Dufayel. Paris, à proprement parler, n'était pas doté d'un Opéra (au sens italien du mot) mais d'une Acadé- mie Nationale de Musique et de Danse. Un théâtre d'opéra vaut-il par la seule compé- tence de sa direction ? Il vaut surtout par la com- préhension dont cette direction fait preuve de ce que désire le public. Napoléon III, démocrate, souhaitait « élever un temple à la musique de l'Europe entière, mis au service des distractions du peuple de Paris ». La définition est du baron Haussmann. L'impératrice, elle, musicienne, mais avant tout mondaine, voulait « que la salle fût la plus vaste d'Europe et que ses spectacles attirassent l'élite, plus éclatante encore que les auditeurs de l'Opéra de Vienne ». Garnier, qui était musicien du genre montmar- trois, semble s'être particulièrement inspiré du second terme des désirs de l'impératrice et avoir conçu une énorme bâtisse destinée à l'exhibition des élégances féminines, aux charmes des danseu- ses et au snobisme de la critique qui parle de la musique sans beaucoup la connaître... Si l'on veut, le dialogue des amateurs. La salle immense fut conçue pour que, de n'im- porte quelle place que l'on y occupât, on pût, d'une lorgnette subtile, repérer la présence des autres. Le foyer de la danse est une salle spectaculaire et nue où les messieurs aux portefeuilles matelassés peuvent converser en toute sécurité discrète avec les danseuses du corps de ballet. Le foyer de l'Opéra est une sorte de café où les fumeurs prennent place aux tables, sans consom- mer, et édictent des oracles musicaux aussitôt répé- tés par d'autres, passant par le foyer pour se rendre dans les loges. Le public habituel de l'Opéra ne compte pas. Seul compte le public des soirées d'abonnement. Le parterre n'est peuplé que d'habits noirs. Jamais une dame n'y prendrait place. Les loges des abon- nées ne sont que des avant-salons, comme en Italie, et, dans ces salons, les dames reçoivent. La location de ces loges pour les soirs d'abon- nement coûtait des prix insensés. Ma mère s'en tirait par deux fauteuils au premier rang du balcon. On venait y saluer les dames. Ni conversations pro- longées, ni « visites ». Ravies d'y être vues, les dames du balcon riva- lisaient en compétence musicale. J'ai le souvenir de l'une d'elles qui s'y montrait avec son frère et qui proclamait volontiers : « Il n'y a que deux pari- siens qui connaissent la musique : mon frère et moi. » Cette dame chantait volontiers dans les mai- sons amies, par exemple chez la comtesse de Tré- dern. Elle s'appelait la vicomtesse de Guerne et sa pâleur effrayait. Son frère était le comte Pierre de Ségur-Lamoignon. Assise, M de Guerne déployait sur ses genoux la partition de l'Opéra représenté. Ma chère maman, jouant du face à main, admirait cette façon de suivre la musique et le chant, de s'abstraire de toute la matérialité du spectacle. La matérialité ? Je ne songeais qu'à cela, et mes seize ou dix-sept ans, tout fiers d'un premier frac, la lorgnette collée aux yeux, ne perdaient pas un détail de la matérialité des danseuses au cours de leur évolution. A part quoi, la pièce était jouée dans la salle. Deux événements : la robe de la princesse Amédée de Broglie (elle en arborait, en créait une nouvelle, à chaque soirée d'abonnement) et la constellation des diamants de M Wattel-Dehaynin. Plus les loges se rapprochaient du fond, à droite du spectateur, plus elles étaient mélomanes. La reine de cet important parti de mélomanes était la comtesse Henri Greffulhe. Elle s'habillait presque uniquement de blanc, se noyait dans un tulle nei- geux, ce qui mettait en valeur ses étranges yeux noirs. Parfois, toujours en retard, venait prendre place à côté d'elle la comtesse Mathieu de Noailles, illustre dans le sport lyrique. Derrière ces dames, un bon petit vieux bien propre, M. Cohn, organiste en l'église de la Madeleine, plus connu sous le nom de Saint-Saëns. Le livre d'or des salons, encore le Gotha, s'égrenait dans les grâces ou les prestances des deux sexes... Cessons d'énumérer. Au mitan du paysage, dès le premier entracte, un beau vieillard, la barbe soyeuse et blanche, fouillait la salle de sa lorgnette comme Napoléon un champ de bataille. C'était le doyen des abonnés de l'Opéra, le comte de Pontevès. Son inspection durant, il notait les visites à faire et surtout, dans les loges, il remarquait les jeunes filles qui, à l'Académie Nationale de Mu- sique, apparaissaient pour la première fois. A l'acte suivant, il se précipitait pour les saluer : « Made- moiselle (ou ma chère enfant), je suis l'ami de votre oncle un tel (ou de votre père, etc...) et je vous félicite. Mes hommages vont aux débutantes. » A l'une de mes jeunes amies, il parlait de « première communion avec la grande musique » (sic). A l'Opéra, tout spectacle est permis, la musique empêche de comprendre les paroles. On comprend désormais ce qu'était la salle. Une exhibition de joyaux, de faste, d'élégances où riva- lisaient les supports de la Société française : la noblesse de race, celle de la fortune, celle de l'esprit. De l'esprit, dis-je ? Mais que venaient donc faire là les gens d'esprit, détachés des fastes d'ici-bas ? Il ne s'agissait pour eux que de produire leur petit effet, que de laisser tomber un mot drôle que d'au- tres ramassaient et de repartir au cercle ou ailleurs.