Ultra Trail du Mont-Blanc

Karrera. Sébastien Chaigneau monte quant à lui le col à son rythme, surpris plus tard de revenir dans la descente et faire la jonction, sans l’avoir recher- ché, avec le groupe de six coureurs en tête de course. Au lieu stratégique de la base de vie de , dans le beau Centre Sportif de Dolonne, trois Espagnols et un Français se présentent ensemble : Karrera, Jornet, Heras et Chaigneau. Heras repart au bout de 1 ou 2mn, avec Jornet et Karrera à quelques mètres, suivis de près par Chaigneau. Derrière eux, les choses sont fixées : les seuls à avoir essayé de suivre le rythme de ce quatuor sont épuisés : François D’Haene et Jean-Yves Rey d’abord, Mike Wolfe semblant hébété, Pascal Giguet, plus loin, grimaçant... Aucun de ceux-là ne terminera, comme encore plus tard Vincent Delebarre ou Scott Jurek, qui décidément ne réussira jamais à prouver ici qu’il peut être le leader que l’on croyait lors de sa première participation. Les autres Américains, si pugnaces la veille du départ, comme Dakota Jones, sont à la dérive, déjà distancés par la première femme, Elisabeth Hawker, qui fait une impression extraordinaire aux spectateurs. Kilian Jornet comme à l’entraînement A partir de Courmayeur, le quatuor de tête se fait et se défait sans se disloquer vraiment jusqu’à . Au cœur de ce quatuor, trois coureurs font le maximum, et un quatrième semble préserver son talent, attendant même à plusieurs reprises tel ou tel de ses com- pagnons d’échappée. Kilian Jornet est à la parade, léger et gracile, griffant le sol comme un marathonien d’élite, délaissant désormais le lourd et contraignant équipement cintré du trailer pour se vêtir d’un simple short et d’un débardeur aéré, avec des chaussures si légères, portées sans chaussettes, qu’il pourrait ainsi courir un 1 500m sur un stade avec sans aucun handicap ! Heras est le premier à lâcher prise, arrêté par un ménisque récalcitrant qui ne veut plus supporter tant de chocs. La décision ultime se fera dans l’inédite montée de Martigny où Kilian Jornet produisait son accélération. Seul Iker Karrera, dont c’était la première appari- tion sur un tracé aussi long, résistait. Sébastien Chaigneau, magnifique tout au long de cette Sidéral ! longue journée, maintenait l’écart autour des 6-7mn. L’édition 2010 avait laissé comme un goût d’inachevé dans Et Kilian attend encore Karrera ! Après avoir testé ses deux challengers du jour, Kilian est serein et laisse revenir sur lui son la bouche. Gestion de la course par l’organisation, course compatriote. A 8km de l’arrivée, il est temps pour lui de s’engager. Et en si peu de distance, reportée avec beaucoup d’absents au second départ… On il repoussera son second à près de 9mn, soit plus de 1mn par kilomètre prise à son suivant immédiat ! Et dans la liesse inégalée du centre ville de , qui tout entier vibre pour attendait avec impatience le millésime 2011 pour faire le ne météo capricieuse qui noircit le ciel et blanchit les cimes, des parcours l’UTMB, le jeune Espagnol triomphe sereinement sur la place de l’Amitié : il en termine en point sur la légende. Et la course a dépassé tout ce que l’on de repli déployés en cours d’épreuve, des leaders jouant entre eux comme 20h36mn, devant le Basque Karrera, en 20h45mn, si fatigué qu’il en semble malheureux, sur une course de demi-fond jusqu’à l’ultime demi-heure : l’édition 2011 contrastant avec la joie profonde de Sébastien Chaigneau qui les suit en 20h55mn. Sébastien pouvait imaginer ! Une organisation efficace et responsable, de l’UTMB® aura été exceptionnelle. L’organisation, grâce à un travail tape dans les mains des spectateurs, embrasse son épouse et son petit dernier, plaisante un niveau de course exceptionnel, un suspense permanent, d’équipe formidable avec les prévisionnistes de Météo France, a offert un au micro du sympathique et fougueux animateur, Ludovic, dont la voix devient le symbole de Unuméro de haute voltige en anticipant merveilleusement les aléas climatiques pour l’UTMB, au même titre que le timbre de Daniel Mangeas est synonyme de Tour de France. et un Sébastien Chaigneau qui a fait vibrer le coeur des Cha- que tout se passe dans les meilleures conditions de sécurité. Pour que les milliers moniards. Ce fut, ce dernier week-end d’août, la plus belle de coureurs s’expriment au mieux et que les centaines de bénévoles se régalent ! course d’ultra trail de tous les temps ! 2 300 concurrents se sont élancés dans les rues de Chamonix sous une forte pluie Texte de Serge Moro. Photos d’Isabelle Guillot, Yves Mainguy et The North Face® Ultra-Trail du Mont-Blanc®-Franck Oddoux et Pascal Tournaire Emmitouflés pour affronter la pluie, le froid, le vent et les chutes de neige annoncées sur les points hauts du parcours, tous les coureurs s’étaient mis au diapason de la météo pour vivre au mieux cette première nuit de course. Comme a l’accoutumée, le départ fut rapide. Le fougueux Pascal Giguet, coutumier du fait, animait le début de course, passant en tête à St Gervais, sans alarmer les favoris qui restaient à distance raisonnable. On comptait à St Gervais 24 coureurs en moins de 10mn, malgré l’allure initiale rapide. Les observateurs avertis prévoyaient des dégâts au petit matin : ils avaient raison ! Dépassé les Contamines, au km 31, brisant le signe indien du lieu d’arrêt de course de l’an dernier, les concurrents entraient au cœur du vrai terrain montagneux avec la montée vers le Col de la Croix du Bonhomme, qui constituait le premier juge de paix du parcours. Sous une fine couche de neige, les favoris s’affirment L’Américain Mike Wolfe, Kilian Jornet et le solide Hongrois Nemeth Csaba sont les premiers à passer au sommet, suivis de près par les Espagnols Miguel Heras et Iker

43 20-21 Ultra Trail du Mont-Blanc La CCC® : mieux qu’un banc d’essai de l’UTMB ! Sébastien Chaigneau, lui, est bien convaincu de l’aisance de Jornet Ils sont partis en trois vagues espacées de 10mn, vendredi 26 août entre 10h et 10h20. Un peu plus « Il faut juste qu’il ait les deux jambes dans le plâtre, qu’il se déplace en fauteuil roulant. Et de 10h plus tard, Manu Gault prenait sa revanche sur son immense déception des Championnats du encore, ce n’est pas certain. Blague à part, je n’essaie pas de le battre. Il est beaucoup trop Monde de Trail de juillet dernier. Et 2h après lui, la bondissante et souriante Virginie Govignon signait la fort. Il y a deux ans, j’ai réussi à l’accrocher 800 mètres ; cette année un peu plus… C’est plus belle victoire de sa jeune carrière. déjà une belle performance. En plus de grandes capacités physiques, je pense que sa plus grande arme, c’est sa connaissance de la montagne. Il ne fait qu’un avec elle. » Et du côté Peu avant le coup de feu sur la place centrale de Courmayeur, l’organisation avait prévenu chacun des concurrents par SMS que le début de parcours serait « écourté » pour des raisons de sécurité, de d’Iker Karrera ? « Je n’y pense même pas. D’abord parce qu’il est plus jeune tout en étant violents orages étant prévus au niveau du Grand Col Ferret. La stratégie de la direction de course était plus expérimenté, mais surtout parce que le plus important pour moi est de faire partie de donc de faire passer au plus vite le peloton à ce stade du parcours. Pour rendre cela possible, il a fallu la même équipe et de pouvoir progresser au contact de l’un et de l’autre. » Après les trois renoncer à la rude et raide ascension de la Tête de la Tronche, en dirigeant directement le peloton vers premiers, les autres concurrents en terminent très loin, la plupart harassés, mais des Bertone. D’autres modifications étaient prévues en fin de parcours, les coureurs reliaient Champex pépites dans les yeux. Car l’UTMB ne se donne qu’à ceux qu’ils le veulent vraiment au fond à Chamonix en évitant Bovine, Catogne et la Tête aux Vents exposés aux orages. Soit quand même un de tout leur être. Demandez donc à Lizzy Hawker ! Ce petit bout de femme, volontaire et si parcours total annoncé de 93km et 5 100m+. rarement souriante, a bien cru ne jamais rejoindre Chamonix cette année. Julien Jorro fait un baroud d’honneur Les « benjamins » du peloton avaient envie d’en découdre. Parmi eux, Julien Jorro, mais aussi Mickael Pasero et le tenant du titre Xavier Thévenard, très vite hors du coup. Dès la première montée vers le refuge Bertone, avalé en un peu moins de 45mn, seul Julien Jorro faisait encore cavalier seul, semblant dépenser beaucoup plus d’énergie que ses poursuivants immédiats, dont Manu Gault et le Canadien Kilian Jornet devient l’unique triple vainqueur Adam Campbell, qui restaient à distance respectable jusqu’à Champex, à près de 6mn, avant d’imposer en remportant la plus formidable des éditions leur leadership sur la compétition en profitant de l’effondrement du leader éphémère. A Trient, Gault montrait sa forme du jour en mettant plus de 15mn d’écart entre lui et Campbell. Le Grec Kalofyris, A l’arrivée, Kilian est détendu, le visage reposé, comme de retour d’un simple footing. e e Malgré cela, il a l’élégance de rendre hommage à son second : « L’avenir lui appartient. déjà 3 l’an dernier, très prudent en première partie de course, remontait encore en 3 position, mais à 30mn. Un écart qui allait rester quasi le même jusqu’à l’arrivée, où la pluie commençait à tomber sans Cette victoire a vraiment été très rude à obtenir », poursuit le Catalan. « Parce que j’ai interruption. eu des adversaires très coriaces. Iker et Seb étaient aussi très forts aujourd’hui. Au vu de la météo incertaine, j’ai surtout voulu rester le plus longtemps possible avec eux. Une belle revanche pour Manu Gault ! Je n’ai pas forcément cherché la victoire à tout prix, j’avais déjà gagné deux fois ici. J’ai Ce coureur attachant et passionné avait beaucoup misé sur les Mondiaux de juillet dernier en Irlande, surtout voulu prendre du plaisir en restant avec trois bons amis, avec qui je m’entraîne mais était passé à côté en ayant mal géré l’avant course, privilégiant trop le repos et la charge glucidique, souvent. Ce n’était que du plaisir de partager cette longue journée avec eux. On a profité lui qui préfère les approches dynamiques. « On ne peut jamais dire au départ d’une telle course qu’on va ensemble des magnifiques images que la montagne nous a délivrées tout au long de la la gagner, mais ce qui était sûr, c’est que j’étais vraiment motivé pour bien faire ». Chez les filles, Cathy journée, avec notamment un lever de soleil inoubliable sur le Col de La Seigne enneigé. Dubois, très motivée, prenait les choses en main avec vigueur dans le premier tiers du parcours, mais Virginie Govignon revenait vite sur elle, parachevant une sacrée belle saison 2011 déjà bien remplie, en Nous avons connu durant cette édition toutes les saisons : pluie au départ, neige, l’emportant après 12h47mn d’effort. « J’en avais vraiment ras le bol dans la dernière heure de course », brouillard, très froid au lever du jour puis très chaud en Suisse », ajoute Kilian Jornet. dira Virginie sur la ligne. « J’ai tout fait au mental, en priant pour que les nanas derrière ne reviennent pas. m’a dit au 80e km : tu ne lâches pas. Mais je n’ai pas une tronche à lâcher, même si c’était trop dur. Je n’en pleure même pas, parce que je ne réalise pas... J’ai pensé à une amie qui avait 10h de chimio aujourd’hui. Nous, on s’abîme un peu la santé sur ce genre de course, alors que d’autres se battent pour la conserver. C’est un peu débile, mais c’est aussi une sorte d’hommage pour tous ceux qui n’ont pas la chance d’avoir la santé », dira Virginie. Derrière elle, la Britannique Claire Price, quasi inconnue sur le circuit français, s’empare de la 2e place devant la tenace Cathy Dubois, qui monte avec courage sur le podium.

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L’UTMB reporté de 5 heures Dès le début de soirée, la perturbation n’a pas épargné le massif du Mont-Blanc. Températures en chute libre, dépressions orageuses et chutes de neige ont contraint les organisateurs à décaler de 5h le départ de la 9e édition de l’UTMB®, le vendredi 26 août, à 23h30. Ce changement horaire impliquait aussi une modification du tracé sur la fin du parcours. En effet, afin d’éviter une arrivée trop tardive des derniers coureurs dimanche, la terrible ascension à la Tête au Vent et la descente piégeuse de La Flégère ont été supprimées, au profit du parcours originel, celui de 2003, passant par le petit balcon sud en fond de vallée, moins attractif mais beaucoup plus facile pour les coureurs, et rassurant pour les organisateurs.

Dans la matinée du samedi, un très gros orage sur Bovine ravage le poste de ravitaillement L’organisation n’est pas parvenue à le rétablir dans des conditions de sécurité acceptables, de façon à ce que tout soit prêt Emmanuel Gault, vainqueur de la CCC. avant le passage des coureurs. Elle a donc pris la décision de faire passer l’UTMB® par le parcours de repli de Martigny, le même qui avait été utilisé la veille pour la CCC® (pendant la tempête). Le parcours 2011 de l’UTMB® fera donc 170km et 9 700m+, la distance entre Champex et Trient via Martigny représentant 5,6km et 690m+ supplémentaires. Ces conditions météo subies par la tête de course, mais aussi par l’ensemble des participants, ont fait de cette édition une des plus difficiles. Le comité de course, en collaboration avec Yan Giezendanner, météorologue à Météo France, a réussi à s’adapter aux aléas climatiques grâce à des prévisions fiables et une bonne anticipation, indispensables pour la prise rapide des bonnes décisions. La foule en liesse à l’arrivée du vainqueur. Lizzy Hawker, vainqueure de l’UTMB. Ces changements ont permis d’assurer des conditions optimales de Lizzy Hawker démontre ce qu’une femme peut faire sécurité pour tous, coureurs, accompagnants, bénévoles et organisateurs Quelle surprise que de voir arriver après une nuit de course en haute-montagne la petite anglaise à Les chiffres de l’édition 2011 La Directrice de l’organisation, Catherine Poletti, conclut : « Nous travaillons depuis des mois pour être prêts à adapter nos Courmayeur dans le top 20 masculin, dans le même temps que des Delebarre, Jurek, Guillon... En tête UTMB® courses à la montagne et non le contraire. Après 2010, nous avons pris la décision, pas toujours bien comprise, d’un matériel depuis le départ, trois fois victorieuse de l’UTMB, elle s’est arrêtée longtemps à La Fouly en Suisse, 3 pays - 170km et 9 700m+ obligatoire plus important, mais pour cette édition, les concurrents qui ont passé la ligne avec leurs gants et leur bonnet, nous après la descente du Col Ferret. Victime d’une blessure à la hanche qui l’a beaucoup faite souffrir, elle en semi-autonomie avec 46h maxi ont très largement remerciés, et c’est notre plus belle récompense. » s’est interrogée sur poursuivre ou non... Mais la Britannique a trouvé au fond d’elle-même des res- Nombre d’inscrits : 2 554 sources incroyables pour courir les 70 derniers kilomètres du parcours à l’énergie et au mental. A Nombre de partants : 2 369 dont femmes : 186 0h30, Lizzy Hawker s’offrait, au bout de la douleur et de l’effort, un 4e titre historique sur l’UTMB® e ® (7,85 % des partants) et une 13 place au scratch ! « L’UTMB est une course spéciale pour moi. C’est là que j’ai découvert Nombre d’abandons total : 1208 (50,99 %) la course en montagne en 2005. Au fil des éditions, j’ai appris que sur ce genre d’épreuve, tu ne sais ® jamais ce que la montagne, ni ton corps et ta tête non plus. Il faut savoir se préparer à ça, à donner CCC 3 pays - 98km et 5 600m+ tout ce qu’on a pour arriver au bout. C’est ce que j’ai fait cette année, où j’ai été en grande difficulté à Virginie Govignon, vainqueure de la CCC. cause de ma hanche douloureuse. J’ai rassemblé toutes mes forces pour pouvoir finir, avec mon cou- en semi-autonomie avec 26h maxi rage et ma passion pour la montagne », confie Lizzy Hawker. Derrière elle, l’Espagnole Néré Martinez, Nombre d’inscrits : 2 124 seconde, termine à près de 3h. Longtemps 3e, la championne du monde Maud Gobert a complètement Nombre de partants : 1 906 dont femmes : 262 craqué sur la fin de parcours, pour terminer finalement 5e, devancée par l’Américaine Darcy Africa, 3e, (13,75 % des partants) et la Suissesse Denise Zimmermann, 4e. Nombre d’abandons total : 316 (16,58 %)

Les trois premiers de l’UTMB. Résultats TDS® - 110km – 7100m+ 1 Franck BUSSIÈRE 15h51mn37s 2 Lionel TRIVEL 16h12mn32s Comme un goût de bouchon 3 Sébastien TALOTTI 16h20mn54s La CCC® s’est ébrouée en trois vagues espacées de 10mn vers le 1F Jolanda LINSCHOOTEN 20h57mn32s sentier se hissant à Bertone, puis filant à flanc de montagne vers CCC® - 93km - 5100m+ Bonatti, sur un étroit sentier assez plane, alternant courtes montées 1 Emmanuel GAULT 10h10mn25s et redescentes. Les plus rapides des deuxième et troisième vagues, 2 Adam CAMPBELL 10h29mn33s 3 Nikolaos KALOFYRIS 10h50mn17s cherchant à se faufiler entre les plus lents des vagues précédentes, 1F Virginie GOVIGNON 12h47mn11s ont alors beaucoup de mal à prendre leur allure, pris dans la file indienne UTMB® - 170km - 9700m+ sans fin qui s’étirait sur plusieurs kilomètres. Le plus souvent avec 1 Kilian JORNET BURGADA 20h36mn43s courtoisie, parfois avec quelques heurts... Heureusement, la montée 2 Iker KARRERA ARANBURU 20h45mn30s vers le Grand Col Ferret se chargea d’offrir à chacun un peu de champ 3 Sébastien CHAIGNEAU 20h55mn41s libre. Killian serein, attend ses poursuivants 1F Elisabeth HAWKER 25h02mn00s à l’arrivée.

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