UNIVERSITE D’ANTANANARIVO (MADAGASCAR) FACULTE DES LETTRES ET SCIENCES HUMAINES

DEPARTEMENT : GEOGRAPHIE

THESE DE DOCTORAT soutenue publiquement le 17 novembre 2011 par SOIFFAOUIDDINE Sidi

Jury

Président : Josette RANDRIANARISON Professeur titulaire de Géographie, Université d’Antananarivo Directeur : Josélyne RAMAMONJISOA Professeur titulaire de Géographie, Université d’Antananarivo Rapporteur interne : Simone RATSIVALAKA Professeur de Géographie, Université d’Antananarivo Rapporteur externe : Pascal DANTHU Directeur de Recherches, CIRAD

TOME 1

SOMMAIRE

INTRODUCTION GENERALE ...... 1

PREMIERE PARTIE

LES TRAITS GENERAUX DE L’ENVIRONNEMENTNATUREL A ...... 16

CHAPITRE PREMIER:UN ENVIRONNEMENT PHYSIQUE SURTOUT TROPICAL ...... 18

CHAPITRE II:UN MILIEU BIOLOGIQUE RICHE MAIS INSUFFISAMMENT CONNU ...... 41

DEUXIEME PARTIE

UNE POPULATION CARACTERISTIQUE D’UN PAYS SOUS DEVELOPPE…………………………………………………………………………………………………………………………………………… 68

CHAPITRE III: …CHAPITRE III. UNE POPULATION AUX ORIGINES ENCORE OBSCURES, A FORTE CROISSANCE DEMOGRAPHIQUE ET A STRUCTURES COMPLEXES------70

CHAPITRE IV:UNE POPULATION MOBILE ETINEGALEMENT REPARTIE DANS L’ESPACE. …………………………………………………………………………………………………………...…. 97

TROISIEME PARTIE

UNE PRESSION DEMOGRAPHIQUE DE PLUS EN PLUS FORTE POUR DES RESSOURCES NATURELLES LIMITEES ...... 123

CHAPITRE V :UNE BIODIVERSITE MENACEE ...... 125

CHAPITRE VI:DES RESSOURCES EN EAU QUI DIMINUENT DEVANT DES BESOINS GRANDISSANTS ...... ……….144

CHAPITRE VII:UN ESPACE DE PLUS EN PLUS INSUFFISANT ET DEGRADE …………………. 166

QUATRIEME PARTIE

QUATRIEME PARTIE : DES MESURES ENCORE TIMIDES PAR RAPPORT AUX BESOINS ET QUI NECESSITENT UN RENFORCEMENT ……………………………..191

CHAPITRE VIII...... DES ACTIONS EN COURS------193

CHAPITRE IX. PRESENTATION DES ACTIONS POSSIBLES ------214

CONCLUSION GENERALE ------244 BIBLIOGRAPHIE ------255 ANNEXES ------272 TABLE DES MATIERES------303

I

REMERCIEMENTS

C’est avec plaisir que j’exprime ma profonde gratitude et mes remerciements les plus sincères à Madame le Professeur JOSELYNE RAMAMONJISOA du Département GEOGRAPHIE de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de l’UNIVERSITE d’ANTANANARIVO à Madagascar, Encadreur scientifique de ce travail, pour avoir aimablement accepté de m’encadrer dans les recherches relatives à cette thèse. Toujours disponible, elle n’a ménagé aucun effort pour m’aider à réduire les lacunes de cette étude, par ses inestimables conseils.

AUX MEMBRES DU JURY

Madame Josette RANDRIANARISON , Professeur titulaire de géographie, à l’Université d’Antananarivo qui a accepté de présider le Jury de cette thèse,

Madame Simone RATSIVALAKA, Professeur de géographie, à l’Université d’Antananarivo qui accepté d’en être le Rapporteur interne,

Monsieur Pascal DANTHU , Directeur de recherche, CIRAD qui a accepté d’en être le Rapporteur externe,

Je suis très honoré que vous ayez accepté d’être les membres du Jury de cette thèse et d’y consacrer une partie de votre précieux temps.

Je vous remercie de votre disponibilité, vos encouragements, votre soutien et votre gentillesse. Trouvez ici l’assurance de mes respectueuses reconnaissances !.

A Monsieur AINOUDDINE Sidi , Maitre de Conférences à l’Université des Comores et Directeur Général du Centre National de Documentation et de Recherches Scientifiques des Comores pour votre disponibilité permanente, vos conseils, votre soutien et votre gentillesse. Je vous remercie pour avoir éveillé en moi l’intérêt de la Recherche, et d’avoir accepté de m’accueillir dans l’institution que vous dirigez (CNDRS) dans le cadre de cette thèse.

Je n’oublie pas toute l'équipe sympathique du CNDRS qui a aussi montré une franche collaboration durant toutes mes recherches. Ma gratitude va également à tous ceux dont le militantisme pour la protection del’Environnement a conduit à concevoir et à mettre en œuvrede nombreux projets qui opèrent à Anjouan dans le domaine de l’Environnement et qui nous ont permis d’avoir des documents précieux dans ce domaine,

Je pense en particulier à :

II

- Madame Sitti Mohamed du projet ECDD (Engagement Communautaire pour le Développement Durable) ; - Monsieur Mohamed Moutwin de l’ONG Action Comores - Monsieur Anlaouiddine du Projet PNDHD du FEM, Il ne m’est pas possible d’oublier les Enseignants qui m’ont initié aux problématiques environnementales de notre région et de notre pays et je citerai entre autres : - Monsieur Patrick POINT, Professeur, à l’Université Montesquieu Bordeaux IV de France, - Monsieur Minoson RAKOTOMALALA, Professeur, à l’Université d’Antananarivo, - Monsieur Sylvere RAKOTOFIRINGA, Professeur, à l’Université d’Antananarivo, - Monsieur ANDRIATSARAFARA F. R, Maître de conférences à l’Université d’Antananarivo. Mes remerciements s’adressent également à:

- Madame SITTI NOURIA Vous avez accepté la tache difficile d’assumer la responsabilité d’une vraie mère, au sens propre du terme au sein de notre maison. Vous avez pris en charge et financé la quasi- totalité de mes études jusqu’alors et j’ose espérer que cette thèse vous servira de récompense.

- Madame BIBI AMINA Je tiens à vous remercier pour le grand service que vous m’avez rendu et votre soutien sans faille. Je suis profondément touché par votre gentillesse, votre sympathie et votre disponibilité malgré votre activité professionnelle. J’en suis très reconnaissant. Que vous en soyez vivement remerciée !

- Lieutenant Colonel AHAMED Sidi Mes reconnaissances sont grandes pour les aides multiformes que vous m’ avez apportées à l’occasion de mes recherches. - Mes collègues Géographes de l’Université des Comores en général et du Site Universitaire de Patsy en particulier

III

Je pense particulièrement à Monsieur Ahamadi Abdallah MOIRAB et à Monsieur Abdou Houmadi qui ont accepté de lire de nombreux passages de ce travail et de me faire part de leurs impressions - Messieurs Abdallah SIDI, Bousri SIDI, Amiriddine SIDI et ELFAZARD Houmadi pour leurs encouragements ; - Monsieur ELFAKIR Houmadi pour la précieuse assistance qu’il m’a apportée dans la mise en forme de cette thèse - A tous les miens ! Que tous ceux dont je n’ai pas mentionné les noms plus haut et qui ont contribué à la mise à jour de ce travail veuillent bien m’excuser, une énumération individuelle étant trop volumineuse. Qu’ils soient rassurés qu’ils n’ont pas peu de mérite à l’aboutissement de ce travail !

IV

A feu mes parents SIDI SAIDALI et RAHAMATOU IBRAHIM .

A mes enfants et leurs mères

V

RESUME

Le Monde connaît une explosion démographique qui conduirait à une catastrophe environnementale si la tendance n’est pas inversée. Cette inquiétude n’est certes pas partagée par tous mais la pression exercée sur les ressources naturelles s’avère déjà excessive. Cette situation se retrouve aux Comores en général et en particulier dans l’une de leurs quatre îles, Anjouan, qui connaît une explosion démographique suivie d’une dégradation de l’Environnement naturel. Si toutes les îles de l’archipel sont menacées de surpeuplement, le cas d’Anjouan reste le plus préoccupant. Sur cette île de 424 km², très montagneuse, sans ressources du sous-sol et dont la densité dépasse maintenant 600 habitants par km², plus de 80 % des habitants ont toujours compté sur les activités agricoles et les ressources naturelles pour leur survie. Devant cette marée humaine, aucune mesure n’a pu sauver l’environnement naturel et maintenant même le sommet le plus haut de l’île est mis en culture. C’est cette pression de population sur l’ensemble du milieu extrêmement limité d’une petite île qui a abattu les forêts, épuisé le sol, accéléré l’érosion, asséché les cours d’eau, dégradé la zone côtière et réduit considérablement les rendements des paysans. La disparition des caractéristiques naturelles qui avaient fait de cette la perle des Comores, fait aujourd’hui que de plus en plus nombreux sont les anjouanais qui émigrent vers une autre île de l’archipel ou vers d’autres pays. Les efforts déployés jusqu’ici pour remédier à cette situation semblent avoir été entravés par la connaissance imparfaite des rapports entre les différentes composantes de l’Environnement de cette île et l’augmentation rapide de la population. Cela montre la nécessité et l’urgence de solutions avec de nouvelles approches. Anjouan court au devant de graves problèmes environnementaux et à tarder davantage, on risque de déboucher sur une crise inimaginable. La protection de l’environnement et la réduction des naissances ne sont pas seulement un devoir, c’est aussi une exigence, une condition sine qua non de la survie de la population de l’île d’Anjouan et de ses générations futures. Mots clés : Démographie surpeuplement, biodiversité, eau, sol, dégradation, Anjouan

VI

Abstract:

The word knows a demographic explosion which would drive to an environmental disaster if the tendency is not inverted. This anxiety is not certainly shared by all but the pressure exercised on natural resources turns out already excessive. This situation meets in the generally and in particular in one of their four islands, Anjouan, who knows a demographic explosion followed by a degradation of the natural Environment. If all the islands of the archipelago are threatened with overpopulation, the case of Anjouan remains the most worrisome. On this 424 km island ², very mountainous, without resources of the basement and the density of which exceed now 600 inhabitants by km ², more than 80 % of the inhabitants always counted on the agricultural activities and the natural resources for their survival. In front of this great flood of people, no measure was able to save the natural environment and now even the highest summit of the island is put in culture. It is this pressure of population on the whole environment (middle) extremely limited of the small island which has brings down forests, exhausted the ground, accelerated (boosted) the erosion, dried up streams, degraded the coastal zone and reduces considerably the returns on the farmers. The disappearance of the natural characteristics which had made of this pearl of the Comoros made today that more and more numerous are the anjouanais which emigrate towards another island of the archipelago or towards other countries. The efforts deployed up to here to remedy this situation seem to have been hindered by the imperfect knowledge of reports between the various constituents of the Environment of this island and the fast increase of the population. It shows the necessity and the urgency of solutions with new approaches. Anjouan court in front of grave environmental problems and to delay more, we risk to result in an inconceivable crisis. The environmental protection and the reduction in births are not only a duty, but it is also a requirement, an indispensable condition of the survival of the population of the island of Anjouan and his future generations.

Keywords : demography, overpopulation, biodiversity, water, ground, degradation, Anjouan

VII

TABLE DES CROQUIS

Croquis 1 : Précipitations et températures moyennes à Anjouan ……………….…..31

Croquis 2 : Les précipitations de quelques régions d’Anjouan en mm ………..…….33

Croquis 3 : Evaluation de la population d’Anjouan ……………………………..……..74

Croquis 4 : Taux de fécondité aux Comores ……………………………………….….75

Croquis 5 : Evaluation du taux de mortalité infantile %0 aux Comores …………....78

Croquis 6 : Pyramide des âges de la population d’Anjouan ………………….……...81

Croquis 7 : Evolution de la pauvreté aux Comores ……………………….…………..82

Croquis 8 : Les principaux emplois aux Comores …………………………….………86

Croquis 9 : Evolution des besoins en eau dans la région de ………...147

Croquis 10 : Evolution des besoins eau par habitant dans la région de Mutsamudu …………………………………………………………………..………………………..…147

Croquis 11 : Evolution des besoins en eau dans la région de …………...150

Croquis 12 : Evolution des besoins en eau par habitant dans la région de Domoni…………………………………………………………………..…………………150

Croquis 13 : Evolution des besoins en eau dans la région d’ ………….……152

Croquis 14 : Evolution des besoins en eau par habitant dans la région d’Ouani …………………………………………………………………………………...………….152

Croquis 15 : Evolution des températures aux Comores pour les 30 dernières années ……………………………………………………………………….……………...187.

VIII

TABLE DES CARTES

Carte 1 : Les quatre iles de l archipel des Comores ………...……………………2

Carte 2 : Le relief de l’ile d’Anjouan …………………………………………..22 Carte 3 Les Comores dans le Sud ouest de l océan indien …………..………28

Carte 4 .Les grands centres d action météorologique …………………………..30

Carte 5 : Végétation et isohyetes à Anjouan ……………………………………...34

Carte 6 : Les rivières à Anjouan …………………………………………………..36

Carte 7 : Evolution de la superficie forestière à Anjouan ……………………….54

Carte 8 : Les origines des Premiers Comoriens …………………………………70

Carte 9 : Répartition spatiale de la population à Anjouan par localités ……….99

Carte 10 : Répartition spatiale de la population à Anjouan ……………………100

Carte 11 : Localités de plus de 5 000 habitants en 1980 à Anjouan …………101

Carte 12 : Localités de plus de 5 000 habitants en 1991 à Anjouan …………102

Carte 13 : Les migrations inter iles aux Comores ……………………………...106

Carte 14 : Les conflits fonciers dans le Sud de l’ile d’Anjouan ……………….118

Carte 15 : Les cours d’eau à Anjouan en 1925 ………………………………...146

Carte 16 : La région de Mutsamudu ……………………………………………..149

Carte 17 : La région d’Ouani ……………………………………………………..154

Carte 18 : La région de Sima ……………………………………………………..156

Carte 19 : Evolution du nombre de rivières permanentes à Anjouan ………..157

IX

TABLE DES TABLEAUX

Tableau 1 : Effectifs et répartition de la population en 2003 …………………………..6

Tableau 2 . : La dégradation des sols aux Comores ……………………………………8

Tableau 3 : Les températures de quelques régions d’Anjouan ……………..………..31

Tableau 4 : Les surfaces forestières par type et par ile, 1974(En hectare) ….53 Tableau 5 :Evaluation de la superficie forestière naturelle à Anjouan………... .53 Tableau 6 : Population et taux d’accroissement 1980, 1991 et 2003 …………..73 Tableau 7 : Evaluation de la population des Comores ………………………………..74

Tableau 8 : Taux brut de natalité pour mille aux Comores …………………….75 Tableau 9 : Nombre moyen d’enfants par femme aux Comores …………………….76

Tableau 10 : Niveau d’instruction des femmes âgés de 6 ans et + en % selon le Milieu de résidence pour l’ensemble du pays ……………………………………………………...76

Tableau 11 : Niveau d’instruction des hommes âgés de 6 ans et + en % et selon le milieu de résidence pour l’ensemble du pays (RFIC) …………………………………………...76

Tableau 12 : Niveau d’instruction des couples en % aux Comores …………………...76

Tableau 13 : Taux de mortalité infantile pour mille aux Comores ………..……………78

Tableau 14 : Progression de l’accroissement naturel (pour 100 habitants) …………..79

Tableau 15 : Infrastructure de santé aux Comores en 1972 …………………………...79

Tableau 16 : Espérance de vie à la naissance par sexe et par île ……………………..79

Tableau 17 : Evaluation du taux de moyen d’accroissement de la population (% 0) Comorienne. ……………………………………………………………………………….….80

Tableau 18 : Evaluation de la structure par âge (%) aux Comores ……………………80

Tableau 19 : Population active et % par âge des actifs occupés dans le secteur primaire à Anjouan………………………………………………………………………………………...85

Tableau 20 : Evaluation du nombre d’habitants au Km² Cultivable ………………..…...97

Tableau 21 : Matrice des courants migratoires nets entre les îles « Migration durée de vie » ……………………………………………………………………………………………105

X

Tableau 22 : Taux de croissance démographique annuel moyen à Nyumakelé …………………………………………………………………………………………………..113

Tableau 23 : Naissances et décès à Nyumakélé …………………………………………114

Tableau 24 :Mouvements migratoires à Nyumakelé ……………… ……………….……120

Tableau 25 : Matrice d’évaluation des impacts de la déforestation à Anjouan ..………134

Tableau 26 : Evolution des besoins en eau dans la région de Sima ……………155 Tableau 27 : Evolution des besoins en eau dans la région de Sima ……….…...155 Tableau 28 :Répartition des ménages par mode d’approvisionnement en eau à Anjouan (en %) ……………………………………………………………………………….….…..159

Tableau 29: Approvisionnement en eau à boire en % des ménages selon le milieu de Résidence aux Comores………………………………..…………………….…………159

XI

TABLE DES PHOTOGRAPHIES

Photo 1 : Une montagne de la partie centrale de l’Ile d’Anjouan ……………………….21

Photo 2 : Le cirque de BambaoMtrouni au centre de l’ile d’Anjouan ……………….…23

Photo 3 : Chute d’eau dans la partie Sud Ouest de l’Ile d’Anjouan …………………...37

Photo 4 : La rivière Tratringa ………………………………………………………………38

Photo 5 : Le lac Dzialandzé ………………………………………………………………..39

Photo 6 : Marécage dans la zone de Pomoni ……………………………………………40

Photo 7 : La roussette de Livingstone …………………………………………………….43

Photo 8 : La roussette commune des Comores …………………………………………44

Photo 9:Eugenia comorensis ………………………………………………………….…..46

Photo 10: Ocoteacomorensis, (Lauraceae) ……………………………………………..46

Photo 11: Kaya comorensis ………………………………………………………..….…47

Photo 12: Tambourissacomorensis …………………………………………..……….…47

Photo 13: Nuxiapseudopentata ……………………………………….……..…………...48

Photo 14 : Weinmaniacomorensis ……………………………………………..…………48

Photo 15: La mangrove de ……………………………………………..……….56

Photo 16 : Le lac Dzialaoutsounga ……………………………………………..………..57

Photo 17 : Plage de sable noir relativement conservée dans la région de Sima à Anjouan ……………………………………………………………………………………………..….59

Photo 18 : Plage de sable blanc relativement conservée dans la région de Sima à Anjouan ……………………………………………………………………….….….…….…60

Photo 19 : Herbiers à Pomoni ……………………………………………….………..…..63

Photo 20 : Case en végétal à Anjouan …………………………………………….126 Photo 21 : Coupe d’arbres dans la région de Nyumakélé …………..…………128 Photo 22 : Paysages occupés par l’agriculture dans la région de ………………………………………………………………………………………………166 Photo 23 : Culture sur brulis dans la région de Dzialandzé ………………………167

XII

Photo 24 : Espace habité au détriment de foret dans la région de Bazimini ...... 170 Photo 25 : Eboulement de terrain au niveau de la pente du Ntringui ………..…176 Photo 26 : Extraction de sable dans la région de Mutsamudu ……………...…...186 Photo 27 : Extraction de sable dans la région de Sima ………………………………..186

Photo 28 : Mur pour lutter contre les vagues dans la région de Bimbini …………....…212

Photo 29 : Mur pour lutter contre les vagues dans la région de Mirontsy ………..…...212

Photo 30 : Aménagement de la zone du lac Dzialandzé ………………………….…....229

Photo 31 : Aménagement de la zone du lac Dzialandzé …………………………..….…230

Photo 32 : Reboisement dans la partie Nord Est de l’ile d’Anjouan ……………..……..232

Photo 33 : Sensibilisation sur les méthodes contraceptives à Anjouan ……………...235

TABLE DES ENCADRES

Encadré 1 : Définition de la foret selon la FAO ……………………..….…….51

Encadré 2 : Notion de pauvreté aux Comores ………………………………...83

Encadré 3 : La vie d’un pêcheur anjouanais …………………………….……135

Encadré 4 : La pénurie d’eau à Anjouan, le cas de Ouani…………………...160

Encadré 5 : La vie d’un agriculteur anjouanais ……...... 168

Encadré 6 : La vie d’une personne qui extrait le sable marin ……………….172

Encadré 7 : Concavité du profil qui signale le déficit en sable……………….184

XIII

LISTE DES ABREVIATIONS

CADER : Centre d’Appui au Développement Rural

CARE : ONG Américaine dont les activités aux Comores sont financées par l’aide bilatérale américaine (USAID)

CEFADER : Centre Fédéral d’Appui au Développement Rural

CNDRS : Centre National de Documentation et de Recherche Scientifique

COI : Commission de l’Océan Indien

DGE : Direction Générale de l’Environnement

EDSC : Enquête Démographique et de Santé aux Comores

ENES : Ecole Nationale d’Enseignement Supérieur

FAO : Food and Agriculture Organisation (Organisation des Nations pour l’Alimentation et l’Agriculture)

FED : Fonds Européen de Développement

FNUAP : Fond des Nations Unies pour l’Allégement de la Pauvreté

IRAT : Institut de Recherche en Agronomie Tropicale (France)

PAE : Plan d’Action Environnemental

PAM : Programme Alimentaire Mondial

PLARM : Projet COI sur « l’étude des caractéristiques et des Composantes des Plantes Aromatiques et Médicinales »

PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement

PRE -COI : Programme Régional Environnement de la Commission de l’Océan Indien

RFIC : République Fédérale Islamique des Comores (Anjouan, Mohéli, Grande Comores)

UE : Union Européenne

UICN : Union Mondiale pour la Conservation de la Nature

UNICEF : Fonds des Nations Unies pour l’Enfance

XIV

INTRODUCTION GENERALE

1

Carte 1 : Les quatre iles de l archipel des Comores Source ; Atlas des ressources côtières, 2002 Aujourd’hui, tous les constats sont convergents et sans appel : Il se profile à l’horizon de ce troisième millénaire, une crise dans les relations entre l'homme et les ressources naturelles, une crise qui fait partie des principaux défis à relever et qui semble pour le moins faire l’unanimité sur la scène internationale. L’action humaine en est largement à l’origine. En raison des progrès des technologies et de ses choix, l’Homme se trouve en effet en situation d’exercer une influence croissante sur la nature. Certains de ces choix sont susceptibles de fragiliser gravement la qualité de l’environnement et donc, à terme, la qualité de la vie. Or cette dégradation de nos relations avec la nature n’est ni inéluctable, ni totalement irréversible. Dans ce contexte, la méconnaissance, l’absence de précaution ou l’inaction ne sont plus acceptables. Nous savons désormais que, depuis le milieu du XX ème , se chevauchent deux phases de transition démographique: elles s'achèvent dans les pays du Nord, elles sont en cours dans les pays du Sud. Dans ces derniers, la phase d’accroissement rapide liée à la baisse du taux de mortalité paraît achevée dans l’ensemble mais la diversité demeure dans l’évolution de la fécondité. La question démographique semblerait donc réglée sur le long terme puisque la théorie de la transition postule un retour à l’équilibre avec une population stationnaire et les calculs de l’ONU prévoient dans son hypothèse moyenne de taux de fécondité à 2,1, un effectif stabilisé aux alentours de 9 à 10

2 milliards d’individus vers 2150. La transition démographique a cependant deux manifestations qui s’enchaînent et qui ont des incidences sur l’activité économique et l’équilibre des sociétés : ° La première et la plus connue, c’est l’accro issement de la population issu de l’anticipation du recul de la mortalité par rapport à celui de la natalité. ° La seconde est plus insidieuse, c’est le vi eillissement. Si les évolutions démographiques paraissent aujourd’hui opposer deux groupes de pays à savoir les pays post-transitionnels du «Nord» et les pays en transition du « Sud », l’avenir démographique de la plupart des nations demeure la stabilisation et le vieillissement démographique. Si la croissance démographique a pu être identifiée comme une cause du sous développement dans une logique malthusienne, il semble aussi que le sous développement soit en grande partie responsable de la croissance démographique. Les interactions complexes entre les deux phénomènes montrent que si la croissance démographique du Sud n’est pas le «fléau» responsable de la pauvreté, elle pèse sur la croissance économique de la plupart des Pays En voie de Développement parce que cette croissance n’est pas suffisante. L'Afrique subsaharienne est toujours dans la phase d'explosion démographique : des taux annuels de croissance de 2,3 % en moyenne, des taux de natalité estimés en 2008 à 36 pour mille et des taux de mortalité de 13,2 pour mille. Pour cette partie du monde, la mutation du statut des femmes peut être la clé des évolutions. Il s’agit pour ces femmes d’échapper à un statut social inférieur, qui les réduit au rôle de reproductrice, sans aucune possibilité d’exercer leur libre-choix dans ce domaine comme dans les autres. Or les retards dans le développement de l'éducation et le maintien d'idéologies peu favorables à son émancipation limitent ces transformations. On ne doit jamais oublier que la fécondité renvoie à des comportements dont la rationalité ne doit pas être sous estimée. Si Jean Bodin pouvait au XVIème siècle affirmer qu’«il n’y a de force et de richesses que d’hommes », ce n’est aujourd’hui vrai que sous la condition de réaliser l’«investissement démographique» (Alfred Sauvy) nécessaire. Un développement pérenne ne peut être qu’endogène ce qui signifie qu’il faut, dans un pays, produire plus qu’on ne consomme de façon à dégager une épargne c’est.-à-dire. Une capacité d’investissement. Comment y arriver lorsque la croissance démographique excède durablement la croissance économique ? Il apparaît donc que les effets de la démographie dépendent de la vitesse de cette croissance et de la position des pays par rapport au seuil de pauvreté.

L'équilibre population/ressources est précaire dans certaines régions et renvoie au thème du verrou malthusien. L’Afrique Sub-saharienne, seule région

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où la population va presque doubler d’ici un quart de siècle, est aussi la seule région où la croissance démographique est plus rapide que la croissance de la production agricole. La croissance démographique impose des charges très lourdes aux économies les plus pauvres. La jeunesse des populations augmente le rapport inactifs/actifs .Avant de disposer des «bras», il faut nourrir les bouches comme le note Paul Bairoch dans « Le tiers monde dans l’impasse », en «réponse» à l’optimisme de Mao qui voyait, dans chaque nouveau-né, deux bras pour travailler. La croissance démographique, avec la croissance économique, est un élément essentiel des problèmes d'environnement. Dans les pays du Sud, l’explosion démographique entraîne immédiatement déforestation et surexploitation des eaux, des sols, des forêts.

UN SUJET QUI PREOCCUPE LE MONDE ENTIER

Un ralentissement de la croissance démographique associé à la réduction de la taille des familles peut contribuer, dans les pays les moins développés, à réduire la pauvreté et permettre d’atteindre plus facilement les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Aujourd’hui, la croissance démographique rapide, provoquée par un taux de fécondité élevé et durable, est associée à des taux de pauvreté plus élevés, de faibles taux d’éducation primaire et des taux de mortalité infantile et maternelle qui restent élevés. Les forts taux de croissance démographique dans les pays les moins avancés constituent donc un obstacle pour la réalisation des OMD, estime la Division de la population du Département des affaires économiques et sociales de l'ONU. Le rapport précise que les pays les moins avancés, dont la plupart sont situés en Afrique subsaharienne, sont en retard dans la réalisation de l’objectif de réduction de la fécondité. Ils connaissent de ce fait une forte croissance démographique depuis les années 1960. Dans ces pays, le taux de fécondité est toujours élevé, malgré une légère baisse au cours des 10 dernières années, il est passé de 5,7 à 4,6 enfants par femme. Dans les autres pays en développement, ce taux, qui était tombé à 3,1 enfants par femme entre 1990 et 1995, est aujourd’hui à 2,5. À cause du taux élevé de fécondité, la population des pays les moins avancés continue à augmenter à un rythme de 2,4% par an, ce qui représente le double de la croissance démographique du reste du monde en développement où le taux est de 1,2% par an. Une famille plus petite peut, en effet, économiser davantage et investir plus dans l’éducation et la santé de chaque enfant. Une planification familiale peut améliorer la santé des mères et les chances de survie des jeunes enfants. En

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outre, une croissance modérée de la tranche de population constituée par les enfants peut permettre aux gouvernements de dépenser davantage par enfant dans les secteurs de l’éducation et de la santé. Si la population mondiale devait vieillir au cours des prochaines années, celle des pays où le taux de fécondité est élevé restera jeune. Entre 2010 et 2050, la population de 31 pays, dont la plupart figurent parmi les moins avancés, va doubler. La Commission de la population a été créée par le Conseil économique et social en 1946 et rebaptisée « Commission de la population et du développement » en 1994. Elle a pour mandat de suivre et d’évaluer la mise en œuvre, aux niveaux national, régional et international, du Programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le développement (CIPD), qui s’est tenue au Caire en 1994. L’Assemblée générale de l'ONU, dans sa résolution relative à la déclaration du millénaire, estime que certaines valeurs fondamentales doivent sous-tendre les relations internationales au XXIe siècle et dans le texte qui en est sorti, on peut lire cet extrait: • Le respect de la nature. Il convient de faire preuve de prudence dans la gestion de toutesles espèces vivantes et de toutes les ressources naturelles, conformément aux préceptes du développement durable. C’est à cette condition que les richesses incommensurables que la nature nous offre pourront être préservées et léguées à nos descendants. Les modes de production et de consommation qui ne sont pas viables à l’heure actuelle doivent être modifiés, dans l’intérêt de notre bien-être futur et dans celui de nos descendants. L’Assemblée décide également de répondre aux besoins particuliers des petits États insulaires en développement en appliquant, rapidement et intégralement le Programme d’action de la Barbade et les conclusions de la vingt-deuxième session extraordinaire de l’Assemblée générale. • Protéger notre environnement commun. Nous ne devons épargner aucun effort pour éviter à l’ensemble de l’humanité, et surtout à nos enfants et petits-enfants, d’avoir à vivre sur une planète irrémédiablement dégradée par les activités humaines et dont les ressources ne peuvent plus répondre à leurs besoins. Nous réaffirmons notre soutien aux principes du développement durable énoncés dans Action 21, qui ont été adoptés lors de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement. Nous décidons, par conséquent, d’adopter dans toutes nos actions ayant trait à l’environnement une nouvelle éthique de conservation et de sauvegarde, et convenons de commencer par prendre les mesures suivantes: • Ne ménager aucun effort pour que le Protocole de Kyoto entre en vigueur et commencer à appliquer les réductions prescrites des émissions des gaz à effet de serre. • Intensifier notre action commune pour la gestion, la préservation et le développement durable de tous les types de forêt. • Insister sur l’application intégrale de la Convention sur la diversité biologique

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et de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification dans les pays gravement touchés par la sécheresse et/ou la désertification, en particulier en Afrique. • Mettre fin à l’exploitation irrationnelle des ressources en eau, en formulant des stratégies de gestion de l’eau aux niveaux régional, national et local, permettant notamment d’assurer aussi bien un accès équitable qu’un approvisionnement adéquat. • Intensifier la coopération en vue de réduire le nombre et les effets des catastrophes naturelles et des catastrophes dues à l’homme. Toutes ces dispositions ne nous empêchent pas de nous poser les questions suivantes : Comment nourrir tout le monde, sachant que les pays pauvres ont déjà du mal à faire face aux besoins de leurs populations ? Comment assurer un développement qui n’entraîne pas à terme l’épuisement complet des ressources naturelles, la destruction de l’environnement ? Comment faire face à des structures de population différentes ?

UN SUJET QUI PREOCCUPE LES COMORES

Le tableau qui suit met en évidence la pression démographique galopante qui prévaut dans l’ensemble du pays. À Ndzouani, ces densités atteignent déjà un seuil critique comme dans la région de Nyumakelé où elles dépassent les 1 000 habitants au kilomètre carré cultivable. En 2011, ces densités pourraient atteindre 133, 679, et 316 hab. /km² respectivement pour Mwali, Ndzouani et Ngazidja. Cela signifie que les gros problèmes de protection de l’environnement vont s’aggraver si le pays ne prend pas dès maintenant les mesures appropriées pour y faire face. Région Effectifs Urbain Rural Superficie Densités Densités Superficie agricole totales agricoles Nombre % (Km2) (Km2) des îles des îles Effectifs % Effectifs %

35 751 6,2 290 276 123 130 19 581 54,8 16 170 45,2 Mwali Ndzuani 243 732 42,3 424 406 575 600 69 811 28,6 173 921 71,4 Ngazidja 296 177 51,4 1147 1066 258 278 71 473 24,1 224 704 75,9 575 660 100 1861 1748 309 329 160 865 27,9 414 795 72,1 Comores

Tableau 1 : Effectifs et répartition de la population de l’Union des Comores en 2003 Source : RGPH03

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Le taux d'accroissement annuel moyen est de 2,1 % entraînant un doublement projeté de la population en 33 ans. Les projections du recensement général de la population de 2003 donnent une population de 648 287 habitants en 2008 et 715 761 en 2013 répartis inégalement entre les îles. Une autre caractéristique de la population comorienne est son extrême jeunesse (53 % de la population a moins de 20 ans). De plus, l’âge moyen de la population est de 24,1 ans. Toutefois, cet âge moyen varie peu entre le milieu urbain et le milieu rural (24,6 et 23,9 ans). Par rapport au RGPH de 1991, l’âge moyen s’est élevé pratiquement en 2003 de 3 points. Une telle structure par âge ne va pas sans poser d’énormes défis au pays, surtout dans la prise en charge de la jeunesse en matière d’éducation, de santé, de nutrition, de formation professionnelle, d’emploi, de loisirs, etc.… Le rapport de dépendance , autrement dit les enfants de moins de 15 ans et les vieillards de plus de 64 ans rapportés à la population de 15-64 ans, est de 198,5 % actuellement contre 99% au recensement de 1991 avec une différence notoire entre le milieu urbain 169,3 % et le milieu rural 210,6 % contre respectivement 84% et 106% en 1991. Ces chiffres restent très élevés si l’on tient compte du taux brut d’activité de la population comorienne mesuré à 25,3 % à travers le RGPH 03. Le taux brut de natalité et le taux global de fécondité sont mesurés respectivement à 35,6 pour mille et 150,8 pour mille. L’indice synthétique de fécondité pour le pays est de 5,3 enfants par femme. Cette fécondité reste toujours plus importante en milieu rural avec 5,6 enfants par femme qu’en milieu urbain avec 4,5 enfants par femme. Par rapport à l’EDSC de 1996, ces variables sociodémographiques ont augmenté de façon significative. Elles étaient estimées à 34 pour mille et 161 pour mille respectivement. Quant à l’indice synthétique de fécondité pour le pays, il était de 5,1 enfants par femme et était plus élevé en milieu rural qu’en milieu urbain. L’enfant comorien reste encore soumis à des risques de mortalité élevés. Les données indiquent que la mortalité infantile, malgré leur tendance à la baisse, demeure importante. En 2003, elle est estimée à 79,3 pour mille, alors qu’en 1991 elle était à 86,2 pour mille et 1980 à 121,7 pour mille. L’Union des Comores s’est dotée d’une stratégie de croissance et de réduction de la pauvreté (SCRP) en 2003. Le document, issu d’un long processus participatif, a été validé par l’ensemble des institutions publiques, de la société civile et des opérateurs économiques. Dans sa version initiale, la SCRP a reçu un accueil très positif de la part des partenaires au développement, notamment des institutions de BrettonWoods et de l’Union Européenne. La SCRP constitue aujourd’hui le document de référence en matière de développement socio-économique des Comores. La croissance démographique forte‚ l’insécurité foncière qui limite l’investissement et la conservation‚ la mise en culture sur brûlis de terres

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marginales et la réduction‚ voire la disparition des périodes de jachères‚ notamment à Ndzouani‚ conduisent à une dégradation accélérée des ressources naturelles (sols‚ forêts et ressources hydriques) selon ce document. Le diagnostic de l’environnement aux Comores révèle l’existence d’une diversité biologique riche et variée. Il révèle aussi que dans de nombreux cas, les habitats et les espèces associées sont détériorées ou en voie de l’être par l’effet combiné d’actions naturelles et anthropiques. Le caractère insulaire et l’origine volcanique du pays lui confèrent un potentiel d’un grand intérêt du point de vue biodiversité de la faune et de la flore et un caractère paysager varié à valoriser au point de vue touristique. Toutefois, un grand nombre d’espèces endémiques et spécifiques aux Comores sont menacées de disparition si aucune mesure de protection n’est prise rapidement. De la même façon, un grand nombre de sites et de paysages à vocation de réserve ou de tourisme sont voués à disparaître dans un proche avenir. Les problèmes environnementaux sont multiples et complexes : ils touchent aussi bien l’exploitation anarchique des ressources naturelles que les problèmes liés à la surpopulation dans les villes et agglomérations. Les Comores disposent d’un grand potentiel à valoriser qui peut contribuer à la réduction de la pauvreté. Cependant, ce potentiel est fragile car menacé par les impacts négatifs des modes de mise en valeur et d’exploitation du milieu. L’estimation de la superficie des forêts naturelles et son évolution au cours des dernières années montrent une régression spectaculaire des espaces forestiers naturels. Il n’existe plus de forêts naturelles intactes. De 1950 à 1995, la superficie totale de forêts est passée de 31 000 ha à 8 100 ha. La faune et la flore des Comores estimée assez riches et comportant des éléments d’importance mondiale sont également en voie de disparition. Les sols sont fragiles et leur répartition est étroitement liée à l’origine volcanique et aux techniques de mise en valeur. La dégradation des terres constitue une préoccupation majeure. Elle affecte en moyenne 57,5 % des surfaces en culture (65 335 ha).

Ile Superficie/ha % de dégradation Ngazidja 33 120 50 % Mwali 8 125 52 % Ndzouani 24 200 65 % Total 65 335 57,5 %

Tableau 2. : La dégradation des sols aux Comores Source : DSCRP ,2009

Le milieu côtier et marin présente une grande diversité dans sa morphologie (côtes basses, falaises, îlots, platiers) et dans sa nature (laves, plages de sable noir ou blanc, galets, blocs, récifs coralliens). Les variétés rencontrées

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(mangroves, récifs coralliens, plages, herbiers, sous-marines) lui confèrent une grande richesse biologique et un potentiel à valoriser du point de vue touristique. On reconnaît aujourd’hui que la dégradation des ressources naturelles et de l’environnement apparaît de plus en plus comme un facteur limitant le développement futur des Comores‚ tant sur le plan du secteur agroalimentaire que du point de vue du secteur éco touristique. D’où la nécessité de parvenir à une gestion durable et rationnelle des ressources naturelles, à la mise en œuvre et au renforcement de politiques sectorielles sur l’aménagement du territoire, sur le système foncier, sur l’eau, sur l’assainissement et sur la gestion des déchets. Le document de stratégie de croissance et de réduction de la pauvreté (DSCRP) présente la vision partagée par tous les comoriens et comoriennes des priorités de développement du pays pour les prochaines années. Cette vision traduit non seulement les aspirations des populations, mais elle prend également en compte la situation socio- économique actuelle et les perspectives macroéconomiques des trois prochaines années, les résultats des études quantitative et qualitative sur les conditions de vie des ménages, la pauvreté et les inégalités, et la revue des performances, des atouts et des contraintes des principaux secteurs sociaux et économiques des Comores. Partant de ce diagnostic exhaustif, sept (7) axes stratégiques et trente-cinq (35) programmes prioritaires ont été identifiés et ont fait objet de plusieurs ateliers de discussions et de validation aux niveaux des îles et de l’Union. Aux Comores, la conservation des ressources et la régénération de l’environnement naturel sont une condition critique à l’atteinte des objectifs dans les secteurs de la santé, de l’agriculture, de la pêche, de l’énergie et du tourisme. Six (6) programmes prioritaires ont été identifiés et retenus dans le cadre de cet axe stratégique. Il s’agit de : Programme 1: Préservation des ressources naturelles et développement d’activités économiques reliées à la valorisation de la richesse de la faune et de la flore. Programme 2 : Maintien d'un sol fertile, restauration des sols et gestion durable des ressources forestières.

Programme 3 : Mise en place d'un mécanisme de financement durable de l'environnement Programme 4: Mise en place d’une politique de gestion intégrée des zones côtières.

Programme 5: Assainissement des zones urbaines Programme 6: Accroissement de l’accès à l’eau potable et gestion durable de la ressource.

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UN SUJET QUI PREOCCUPE PARTICULIEREMENT L’ILE D’ANJOUAN

L’archipel des Comores, pont entre l’Afrique, Madagascar et le Proche Orient, comprend quatre îles qui sont du Nord – ouest au sud est, la Grande Comores, Mohéli, Anjouan et Mayotte. Les trois premières font l’Union des Comores, la quatrième, Mayotte, a préféré, à l’issu d’un référendum au cours duquel les autres ont choisi l’indépendance en 1975, se maintenir sous administration française. La République des Comores couvre une superficie de 1862 km2 abritant selon les estimations de 2003 une population de 632948 habitants soit une densité moyenne de 340 habitants au km2. Quoique très élevée, cette densité cache des réalités car les îles ne sont pas peuplées de la même manière.

Si toutes les îles Comores sont très peuplées, le cas d’Anjouan reste le plus préoccupant : sur cette île montagneuse de 424 km2, la population est passée de 12000 habitants en 1870 à 83229 en 1968, 143034 en 1980, 188953 en 1991, et autour de 250000 habitants aujourd’hui. Sur cette île démunie, semble t-il, de ressources du sous sol, la grande majorité des habitants ont toujours compté sur les activités agricoles et les ressources naturelles pour leur survie. La rareté des plaines et l’inexistence de moyens de fertilisation et d’intensification du secteur agricole ont fait que la tentation a toujours été très grande pour les paysans de prendre d’assaut les pentes raides, en général couvertes de forêts, pour essayer l’y faire pousser quelques cultures vivrières. Une exploitation anarchique a dû céder définitivement la place à une agriculture extensive, itinérante sur brûlis et maintenant sans jachère sur la majorité des terres. De telles pratiques n’ont pas manqué de porter atteinte à notre environnement en abattant les forêts, en épuisant les sols, en accélérant l’érosion et en asséchant les cours d’eau, ce qui considérablement réduit les rendements agricoles et aggravé la pauvreté dans ce pays moins avancé où l’industrie est quasi inexistante. Les Comores font partie des petits États insulaires en développement. On sait que ces Etats continuent à se heurter à de graves problèmes pour parvenir à un développement durable reconnaît l'ONU. Certains de ces problèmes sont anciens, d’autres plus récents. Les petits États insulaires sont particulièrement vulnérables à la menace d'élévation du niveau de la mer du fait que leur population est concentrée dans les régions côtières. Ils sont extrêmement vulnérables aux tempêtes ainsi qu'aux répercussions du phénomène El Niño et d'autres catastrophes naturelles. Au niveau côtier et marin, les problèmes communément rencontrés par les États insulaires sont les suivants : érosion des plages, souvent due à l'exploitation du sable et du corail; et recul du littoral, dégradation de l'habitat et pollution marine, comme conséquences du développement. Les sols étant d'une superficie très limitée, il faut concilier

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durablement différentes exigences concurrentes. L'accroissement de la population et la déforestation due à l'abattage d'arbres ou la conversion de terres boisées en terres arables et l'érosion des sols qui en résultent sont des aspects essentiels à prendre en considération. Les régimes fonciers traditionnels rendent cette gestion difficile. La diversité biologique, souvent caractérisée par des espèces uniques, est menacée par l'accroissement de la population et par le développement. C'est pourquoi l'Organisation des Nations Unies a organisé, en 1994 à la Barbade, la Conférence mondiale sur le développement durable des petits Etats insulaires en développement. Plus de 100 pays assistant à cette rencontre ont adopté un plan d'action destiné à aider les Etats insulaires et leurs donateurs à recentrer leur action.

QUESTION PRINCIPALE ET HYPOTHESES A VERIFIER

Quels liens peut-on donc établir entre la croissance démographique et la dégradation de l’environnement naturel à Anjouan ? Telle est la question principale à laquelle nous voulons répondre dans cette thèse.

A l’heure où se multiplient les interrogations quant au poids effectif du facteur démographique sur la croissance des richesses et le devenir des sociétés, l’examen des relations entre population et ressources conduit à vérifier les hypothèses suivantes:

1) Peut-on accabler la seule croissance démographique comme facteur de dégradation de l’Environnement à Anjouan? 2) L’impact anthropique sur l’environnement ne doit-il pas prendre en compte d’autres variables comme la technologie, les modèles de consommation, les politiques publiques, la culture, la répartition des terres et des richesses, les modes d’organisation, la pauvreté, le manque d’éducation ? 3) La croissance démographique, n’est-elle pas aussi mère de l’innovation ou encore un aiguillon qui force l’adoption d’un nouveau système agraire pour permettre de nourrir la population ? 4) N’y a-t-il donc pas d’influence réciproque de ces deux facteurs : croissance démographique et dégradation de l’environnement naturel ?

La croissance démographique est présentée comme une des premières causes de la dégradation de l’environnement. L’homme est au centre de la dégradation de l’environnement en tant que auteur et victime. Cette idée est affirmée aussi bien dans les politiques d’environnement que dans les politiques de population. La problématique de l’environnement se présente alors de manière aigue en

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termes de déséquilibres entre les ressources naturelles d’une part et d’autre part les besoins accrus de la population en croissance rapide et à la recherche d’une amélioration générale de leur condition de vie. Face à ce discours malthusien qui se situe à un niveau macro, des études de terrain montrent que le lien univoque et que la démographie n’explique pas à elle seule l’état de dégradation ou de préservation d’un environnement. Il existe une diversité d’interactions entre les variables démographiques et environnementales. Dans les relations entre population et environnement, il faut donc prendre en compte la complexité. Lorsque l’environnement se dégrade, la charge de travail s’accroît, et les parents chercheront à avoir plus d’enfants pour les raisons suivantes : - il est possible que, dans ces conditions, il y ait moins d’enfants à survivre jusqu’à l’âge adulte ; - les adultes, surtout les femmes, chercheront sans doute à se faire aider par leurs enfants pour les taches de collecte dans l’environnement immédiat afin de pouvoir consacrer plus de temps à des travaux lus intensifs ou qui peuvent être d’un certain rapport ; - l’élevage se développera au détriment des cultures, et une partie plus importante du travail pourra être confiée aux enfants. La pauvreté écologique, c’est l’insuffisance en quantité et en qualité des ressources naturelles nécessaires au fonctionnement d’une économie basée sur la biomasse. Le temps nécessaire à la collecte de l’eau, du combustible et du fourrage constitue un bon indicateur du niveau de pauvreté écologique. Lorsque les femmes ont une charge de travail très lourde, la scolarité de la fillette sera, au mieux très brève.

PRESENTATION DE LA DEMARCHE ET DU PLAN

Pour réaliser ce travail, nous avons eu recours aussi bien à des sources écrites et orales qu’à des observations de terrain :

 Les sources écrites Le manque ou l’insuffisance de documents portant sur les Comores en général et sur Anjouan en particulier est l’une des difficultés majeures que rencontre le chercheur qui veut écrire sur cet archipel. Ces dernières années, quelques changements sont intervenus positivement dans ce domaine car de plus en plus, des étudiants comoriens à l’étranger axent leurs mémoires et thèses à l’étude du pays et de plus la direction générale de l’environnement et le Centre National de Documentation et de Recherche Scientifique (CNDRS) possèdent des bibliothèques sur lesquelles on peut compter pour faire avancer des recherches aussi multidisciplinaires que les nôtres. Les travaux de mémoires et mini mémoires réalisés par les étudiants du département du Tourisme, du département de l’Environnement et du département

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de Géographie du Site Universitaire de Patsy (la Composante de l’Université des Comores à Anjouan) ne sont pas à négliger. Nous n’avons pas perdu de vue les travaux de la Direction Nationale de la Population, des services du Ministère du plan, des bailleurs de fonds, des organismes internationaux (PNUD, UNICEF, OMS ...) et des organismes non gouvernementaux opérant dans l’île et dans le pays.

 Les sources orales

La nature intégrée des problèmes de l’environnement nous a conduits à une approche multidisciplaire. L’une des méthodes qui nous a semblé utile pour ce travail est la MARP (Méthode accélérée de recherche participative) qui est un processus intensif, itératif et rapide d’apprentissage orienté vers la connaissance des situations rurales. Cette méthode de recherche participative nous a permis d’analyser les informations au fur et à mesure de manière à renforcer notre compréhension du problème que nous étudions. Nous avons appris à ne pas nous fier exclusivement à notre interprétation personnelle des phénomènes à étudier et à tenir compte constamment du savoir accumulé par les communautés dans lesquelles nous avons réalisé l’étude. Autant que possible, nous avons donc considéré les personnes enquêtées comme acteurs dans le processus de la recherche et non comme objet d’étude. Nous avons évité de favoriser des zones au détriment d’autres. Nous avons parcouru pratiquement toutes les zones forestières de l’Ile et les localités qui les entourent. Pour nous rendre compte des réalités de l’ile, nous avons mené nos observations en deux temps : - De mai à septembre 2010, ce qui correspond à une partie de la saison sèche et fraiche, - De novembre 2010 à Avril 2011, ce qui correspond à une partie de la saison humide et chaude. En effet, il nous a semblé important de tenir compte des manifestations saisonnières de certains problèmes étudiés comme c’est le cas de l’eau. Les localités côtières nous ont aussi intéressé car elles ont une responsabilité importante dans la gestion des ressources de la zone côtière et reçoivent souvent les conséquences de la dégradation de l’environnement issue de la partie intérieure ou plutôt des « hauts » de l’Ile. Ici, aussi, les deux saisons sont considérées. Pour collecter ces informations diverses auprès de personnes diverses, nous avons en recours à divers outils (cf. Annexes 1 et 2) dont les plus efficaces sont : - Les interviews semi-structurées - Les diagrammes - Les transects - La classification préférentielle - Les photos

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Dans les différentes localités, le choix des personnes rencontrées, avec lesquelles nous avons passé plus de temps pour parler des divers sujets relatifs à cette thèse, a été conseillé par des techniciens des divers projets intervenant dans diverses régions de l’ile, d’après leur connaissance de la population locale. Ces techniciens ont su nous orienter vers des personnes intéressantes et intéressées par les activités qui concernent aussi bien l’environnement que la population de l’ile, ce qui nous a permis d’avoir de nombreux entretiens fructueux. Compte tenu du nombre élevé des villes et villages dans lesquels nous avons cherché des informations (une trentaine de villages et villes), nous avons estimé qu’un échantillon de 15 à 30 personnes enquêtées par localité pouvait nous permettre de comprendre les réalités de l’ile dans les domaines de l’Environnement et de la population. Nous avons essayé de rencontrer, dans ces localités, la plus grande diversité de personnes (cf. Annexe 3) issues de catégories socioprofessionnelles variées et notamment. - Des Agriculteurs Des Eleveurs - Des Exploitants du bois - Des Exploitants de produits forestiers autres que le bois - Des Pêcheurs - Des Vendeurs de sable marins - De membres de multiples organisations non gouvernementales, - Des élus, et notamment les Maires, - Des spécialistes des diverses disciplines impliquées dans l’environnement, la forêt, l’eau, les sols, l’agriculture, la population. Nous nous sommes également intéressés au genre en cherchant à connaitre les avis des femmes car dans la plupart des localités de l’Ile, les femmes constituent un groupe d’enjeu très important parce qu’elles sont souvent responsables de nombreuses activités rurales d’utilisation des ressources naturelles. Elles collectent les plantes sauvages, certains produits des forets et des mers pour en faire divers usages : alimentaire, médicinal, de construction, d’outils de confection, ou simplement, en extraire des revenus. Que ce soit en tant qu’utilisatrices ou en tant que gestionnaire des ressources naturelles, les femmes ont une connaissance étendue de leur environnement.

 Les observations de terrain

Il s’agit des multiples déplacements que nous avons faits à travers toute l’île d’Anjouan pour constater la situation relative à la population et à l’environnement. Nous nous sommes intéressés entre autres à l’observation de certains comportements des habitants pour mieux comprendre leurs actions. Il s’est agi pour nous d’observer et d’enregistrer comment les individus exercent un

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comportement donné, avec quelle fréquence, sa durée et ce qui se passe une fois qu’ils ont fini d’exercer un comportement donné. C’est ainsi que nous avons accompagné des habitants dans leurs activités quotidiennes comme l’agriculture, l’extraction du sable, la coupe du bois de la forêt et l’élevage. Ici aussi comme pour les sources orales, les deux saisons climatiques de l’ile ont été considérées étant donné que certains problèmes ne se posent pas de la même manière durant l’année. Même si nous avons parcouru toute l’ile, nous n’avons pas accordé la même importance à toutes ses localités : sur les hauts de l’ile, nous avons passé plus de temps dans les localités qui bordent les reliques forestières et il s’agit de , BandraniVouani, , Chandra, Tsembehou et . Quant à la zone côtière, nous avons eu une attention particulière à ce qui se passe dans les grandes villes comme Ouani, Mirontsy, Mutsamudu, Sima, Moya, . Domoni et Bambao-Mtsanga. Le sujet de thèse et la démarche étant ainsi précisés, nous nous proposons de diviser ce travail en quatre parties : • La première partie présentera les traits généraux de l’environnement à Anjouan. Il s’agit de parler aussi bien de l’environnement physique et biologique que de l’environnement socio-économique de notre zone d’étude. • La deuxième partie sera axée à la Géographie de la Population de l’Ile d’ Anjouan. • Dans notre troisième partie, nous chercherons à identifier et à analyser les impacts environnementaux réels de la forte croissance démographique à Anjouan. • Dans notre quatrième et dernière partie, après avoir identifié les actions en cours pour la protection de l’environnement et pour la réduction de la croissance démographique, nous proposerons quelques solutions complémentaires destinées à contribuer à la réduction de la gravité de la situation environnementale et démographique de l’île d’Anjouan.

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PREMIERE PARTIE LES TRAITS GENERAUX DE L’ENVIRONNEMENT NATUREL A ANJOUAN

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Cette étude des caractéristiques générales de l’environnement naturel de l’île d’Anjouan revêt une grande importance en ce sens qu’elle nous permet non seulement de prendre connaissance avec notre zone d’étude mais aussi et surtout de savoir les composantes les plus pertinentes de ce milieu. La description du milieu physique et du milieu biologique de cette île est donc nécessaire car c’est sur ces milieux que se font sentir les impacts de la forte croissance démographique qui nous intéressent dans cette étude.

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CHAPITRE PREMIER:

UN ENVIRONNEMENT PHYSIQUE SURTOUT TROPICAL

Il s’agit d’examiner les aspects géomorphologique, climatique et hydrographique de l’île d’Anjouan. Cet examen nous permettra de nous rendre compte que nous sommes en présence d’une île dont les caractéristiques physiques sont surtout tropicales.

I. UNE ILE D’ORIGINE VOLCANIQUE ET TRES MONTAGNEUSE

I 1. / UNE ILE D’ORIGINE VOLCANIQUE Les Comores se sont créées à la suite de la formation du fossé d’effondrement (rift) qui a séparé Madagascar de l’Afrique, il ya 65 M ans (fin Secondaire). L’archipel est issu d’un plateau sous-marin volcanique. Ces îles résultent d’une poussée de magma intervenue il ya 15 M ans (Miocène, fin Tertiaire). La première île émergeante fut Mayotte. Quelques millions d’années plus tard, Anjouan et Mohéli émergeaient. Et enfin, il y a un à deux millions d’années émerge Ngazidja. La datation des roches au potassium-Argon fournit pour Mayotte 3,4 à 3,6 millions d’années et 1,42 millions d’années : pour Anjouan : 1,52 millions et 390.000 ans ; Grande Comores : 10.000 ans. Mohéli, est portée par le même socle que Mayotte. Tout l’archipel est supporté par la migration vers le nord-ouest d’une source de magma se déplaçant à une vitesse uniforme. Mohéli serait contemporaine d’Anjouan. L’archipel est donc bien plus récent que les Mascareignes (7,8 M ans) et est peu différent de la Réunion (0,3 à 2 M ans). L’émersion des Comores ne date donc que des dernières phases du Pliocène. Des inclusions gréseuses montreraient qu’il y a sous ces îles des dépôts pré-pliocènes.

Les différentes sources s’intéressant à l’origine de l’île s’accordent donc pour attribuer sa naissance à la succession de trois phases d’activité volcanique récentes à l’échelle géologique des temps (Vérin P, Battistini R, 1984) :  Une première phase remonterait au tertiaire. Son paroxysme aurait donné naissance à un volcan en bouclier de grande taille (plus de 1600 m au dessus du niveau de la mer), dont les constructions ont presque complètement disparu. L’érosion de ces premières constructions aurait donné les grandes dépressions de l’intérieur de l’île.  Une deuxième phase de construction volcanique aurait eu aussi son paroxysme au tertiaire (pliocène). Les formes construites par cette phase

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I .2/ DES SOLS VARIES

Tous les sols comoriens sont issus de roches-mères volcaniques, coulées de lave ou projections pyroclastiques. Les conditions pédogénétiques ont permis la formation de types de sols plus ou moins distincts selon le matériau originel (coulée, projections), et le degré d’altération de la roches-mères, fonction de son âge et du climat (intensité des pluies et alternances ou non d’une saison sèche). On trouve donc une large gamme de sols allant de l’andosol très peu épais sur coulée de lave scoriacée à l’andosol profond d’altitude sur projection volcanique. On rencontre aussi des sols plus évolués, à caractère andique moins marqué, en voie d’argilification ou de ferrallitisation. A cause de l’âge des matériaux d’origine, une distinction importante existe entre les sols de la Grande-Comore et ceux d’Anjouan. En effet, les sols de la Grande-Comore sont issus d’un volcanisme jeune (quaternaire) et on y observe surtout des lithosols (coulées de lave), ainsi que des andosols plus ou moins profonds ou évolués selon le climat. Néanmoins, il y a aussi au sud de l’île quelques sols argileux plus évolués (sols brunifiés, sols ferralitiques, sols fersiallitiques, ou sols vertiques) sur des matériaux. Au contraire, à Anjouan, les matériaux volcaniques plus anciens prédominent (Tertiaire et quaternaire inferieure et moyen). On y observe donc une prédominance de sols argileux profonds (ferralitiques, fersiallitiques, brunifiés).les formes d’érosions profonde, notamment en cirque, y sont très développer, ce qui explique que la couverture- sol y est très instable, surtout sur les fortes pentes. Cependant, à Anjouan, il y a aussi eu des manifestations volcaniques récentes (quaternaire supérieur), qui ont recouvert une part importante des anciens sols ; ceci explique la présence fréquente, en surface, d’andosols (à l’est, au centre et au nord-ouest de l’île). Ces sols sont particulièrement sensibles à l’érosion. Trois grands types de sols sont courants à Anjouan : - Andosols, - Sols bruns, eutrophes ou andiques, - Sols argileux ferralitiques.

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I 2 .1/ DES ANDOSOLS Ils sont formés sur productions volcaniques récentes, aussi bien sur coulées de lave que sur projections volcaniques où ils sont généralement plus profonds. Ils se caractérisent par : - Un horizon supérieur très riche en matière organique, très foncé, presque noir et d’épaisseur variable ; ceci confère une bonne structure à cet horizon qui participe de façon essentielle à la nutrition minérale des plantes. En effet, des observations ont pu montrer que les racines se concentrent dans cet horizon et exploitent mal l’horizon inferieur. D’autres ont mis en évidence une corrélation entre le rendement et l’épaisseur de cet horizon. - Les andosols possèdent une particularité vis-à-vis de l’eau : la densité apparente est très faible (<0,9) d’où une porosité élevée permettant la rétention d’une grande quantité d’eau (jusqu’à deux fois le poids des produits minéraux), et une réserve utile appréciable.

I 2 .2/ DES SOLS BRUNS Les sols bruns sont la forme classique de sol évolué que l'on rencontre sous forêt feuillue habituellement en zone tempérée. Ils apparaissent suite au processus pédogénétique de brunification qui intervient en pédogénèse lorsque le milieu est bien drainé et non calcaire, libérant en quantité suffisante des argiles et des oxydes de fer. La fertilité de ces sols est d’autant plus restreinte qu’ils sont soumis à l’érosion et qu’ils présentent une faible teneur en matière organique. Ces sols sont localisés sur formations volcaniques anciennes, dans de nombreuses zones d’Anjouan notamment.

I 2 .3/ DES SOLS ARGILEUX Ils se forment par lessivage des bases et de la silice ; il s’ensuit une diminution de la teneur en allophanes alors que celle des hydroxydes augmente. Leur fertilité est souvent réduite du fait de la faible profondeur résiduelle de l’horizon humifère sur sol argileux compact, surtout à Anjouan à cause de l’importance de l’érosion superficielle des sols cultivés.

I .3 UNE ILE MONTAGNEUSE Aux Comores en général et à Anjouan en particulier, on distingue trois sortes d’unités morpho pédologiques : -Des unités morpho pédologiques du modelé de dissection ; -Des unités morpho pédologiques du volcanisme ; -Des unités morpho pédologiques des modelés d’accumulations détritiques.

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Photo 1: Une montagne de la partie centrale de l’Ile d’Anjouan Source : Photo personnelle, Juillet 2010

L’île d'Anjouan a un relief très accidenté et qui s'articule sur trois axes principaux qui sont les trois crêtes montagneuses de l'île. Ces trois crêtes se rejoignent au mont Ntringui, point culminant de l'île à 1595 m d'altitude. Les fortes pentes du relief entraînent une érosion importante qui est à l'origine de la formation de nombreuses ravines et vallées par le ruissellement des eaux de surface. Les hautes terres centrales de l'île sont composées de quatre blocs principaux montagneux :  Le bloc Nord-ouest (2,650 ha) comprend le plus haut sommet de l'île (Ntringui, 1595 m, juste au-dessus de la capitale de l'île, Mutsamudu), et le cratère-lac Dzialandzé, et est lié au bloc du sud par une crête (930 m d'altitude près de Dzialandzé).  Le bloc Sud (3.350 ha) inclus le sommet Trindrini (1474 m), la Forêt de Moya, les crêtes de Hamjantro et Hasiaka, et le cratère Dzialaoutsounga.  Le bloc de l'Est (350 ha), qui est le sommet et les crêtes associés de la montagne d'Habakari (1,242 m). Il est relié au Trindrini par une arête vive le Ngani (868 m).  Le bloc Nord-est (500 ha), qui est le sommet et les crêtes associés de la montagne Djadjana (1089 m) relié au Ntringui par le col de Patsy (700 m).

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Carte 2 : Le relief de l’ile d’Anjouan Source : Vérin et Battistini, 1984

Les principaux éléments de ce relief sont les suivants :

I .3.1/ DES UNITES MORPHOPEDOLOGIQUES DU MODELE DE DISSECTION Aux Comores, chaque forme de modelé constitue généralement une unité morpho pédologique qui peut être : - Un amphithéâtre, - Un cirque, - Un modelé de crêtes ou de croupes,

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- Un modelé de planèzes.

 Les cirques Les cirques d’Anjouan (J. TRICART 1972) résultent de l’élargissement en alvéoles de la partie amont d’un système de vallées rayonnantes ayant disséqué le bouclier volcanique ancien.

Photo 2 : Le cirque de BambaoMtrouni au centre de l’ile d’Anjouan Source : Photo personnelle, Juillet 2010

Ce système de vallées aurait été induit par le jeu préexistant d’un système de fissures également radiales qui aurait affecté ces boucliers, ce qui expliquerait l’importance et la facilité avec lesquelles ces vallées se seraient incisées dans la masse des coulées de lave. Ces formes de dissection, aux contours évoquant ceux d’un « as de cœur » sont selon Tricart , très voisines de celles la Réunion (CNRS – IGN 1975) dont l’origine est due en fait à un effondrement (caldeira). Ainsi, les grandes dépressions de Tsembehou et Patsy à Anjouan rappellent les « cirques » de Cilaos et de Salazie, et les parois subverticales qui les entourent, les célèbres « remparts » réunionnais. Comme à la Réunion, un volcanisme récent dominé par du matériel explosif a rempli le fond de ces cirques, après avoir emprunté le système de fissure précité, jalonnant de cônes la périphérie de ces cirques ; certains de ces matériaux volcaniques ont été évacués hors des cirques par leurs exutoires, tels les coulées de lave et l’hydro volcanisme (Ex : vallée de la Tratringa).

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L’ensemble de ces formes d’origine volcanique à été ensuite repris par la morphogenèse et plus particulièrement le ravinement qui a incisé plus ou moins profondément le fond de celles –ci : le « canyon » de la Tratringa est entaillé dans un matériel hétérogène de brèches volcaniques, d’hydro volcanisme, de coulée de lave, de projections de lapilli- « pouzzolane », etc.. Les parois latérales des cirques ont reculé entrainant la formation de talus et cônes d’éboulis à leurs pieds. De tels cirques n’existent qu’à Anjouan : Tsembehou, Patsy, Koni-Djodjo. Localement à Anjouan, on trouve une deuxième forme de dépression aux contours rappelant ceux des « cirques », mais ne présentant pas un évidement aussi total. On a plutôt un ensemble complexe de compartiments délimités par des interfluves avec sommets acérés (crêtes) à disposition convergents délimités par des interfluves avec sommets acérés (crêtes) à disposition convergente et à têtes de vallées à parois subverticales. On serait en présence d’une génération plus récente de « cirques » dont l’évidement n’est que partiel. Ex : « cirques » de Lingoni.

 Les modelés de planèzes, croupes et crêtes Les cirques constituent des formes de dissection « en creux » d’ampleur importante se situant à l’échelle kilométrique. Entre celles – ci et aussi en des situations excentriques par rapport à elles - pointent des îles par exemple - existent des modelés d’interfluves divers, variant, avec l’importance de la dénivelée et de l’incision, liées toutes deux à celle de la résistance des matériaux : - modelés de planèzes, - modelés de croupes, - modelés de crêtes. Ces interfluves ont été façonnés uniquement sur volcanisme tertiaire et avant la période de ferrallitisation de ce volcanisme (Ed. LATRILLE 1977) ; la morphogenèse quaternaire a été plus superficielle lors des périodes d’érosion et de variation du niveau marin, « rectifiant » certains versants, décapant la partie superficielle des sols ferralitiques et une partie des altérités sous -jacentes qui, mises à nu, constituent un milieu favorable à la brunification. A Anjouan, il subsiste des planèzes très nettes entre Sima et Boungouéni et plus longues mais plus disséquées dans la pointe de . Le modelé de crête affecte les points hauts de l’île, en particulier du volcanisme tertiaire moyen, tels les Massifs du Mont Ntringui.  Les « padza » Aux Comores, les « padza » sont des zones de ravinement généralisé (« bad- lands ») du modelé de dissection du volcanisme tertiaire ferrallitisé, qui concerne d’importantes surfaces au point de constituer un véritable type de paysage, tels ceux de Jimilimé à Anjouan.

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I .3.2/ DES UNITES MORPHOPEDOLOGIQUES DU VOLCANISME Au niveau du volcanisme récent de notre pays, la caractérisation des unités morpho pédologiques est aisée car la jeunesse de la mise en place des constructions et la perméabilité de leurs matériaux limitent l’action de la morpho dynamique au point que ces constructions conservent toute leur fraicheur. Ici, nous avons : • Des coulées de lave scoriacées avec un exemple de référence qui est celui de la Vigie dans la région d’Ouani ; • Des cônes volcaniques, • Des nappes de matériel pyroclastique constituées des mêmes matériaux que ceux des cônes précédents c’est-à-dire lapilli-bulleux, cendres, tuf, mais jamais des scories de projection.

I .3.3/ DES UNITES MORPHOPEDOLOGIQUES DU MODELE D’ACCUMULATION DETRITIQUE

 Les plaines fluviatiles Appelées aussi plaines alluviales intérieures, elles résultent de l’accumulation d’alluvions fines de roches pourries d’altérites ferralitiques en amont d’un barrage naturel constitué par un seuil rocheux verrouillant une vallée. Elles sont rares à Anjouan où l’exemple caractéristique est celle de Patsy.  Les plaines littorales Les plaines littorales constituent une forme la plus caractéristique du paysage sur volcanisme tertiaire. Elles résultent d’un remblaiement des points bas au quaternaire par des produits issus essentiellement de la roche pourrie des altérites ferralitiques mis en mouvement par la morphogenèse lors des périodes érosives quaternaires (décapages et ravinements généralisés). Ces remblaiements ont été plus ou moins favorisés par l’affaissement des îles, et seraient de grands glacis d’épandage, du moins leur sommet qui serait pré flandrien, ce qui explique la jeunesse des sols : bruns peu évolués. Généralement bien drainés grâce à une pente suffisante et des cours d’eau incisés, ces plaines peuvent se terminer en aval, surtout celles barrées par une mangrove, par une zone de transition avec cette dernière, mal drainée à sols hydro morphes. Ici on distingue :

- Les plaines littorales proprement dites Elles se situent à l’aval de la presque-totalité des grands talwegs de modelé de dissection du volcanisme tertiaire.

- Les zones de transition plaine – mangrove

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Dans le cas des plaines littorales – et aussi de certains cônes de déjection littoraux – se terminant par une mangrove, le passage à la mangrove se fait le plus souvent par une zone de transition à pente quasi nulle et à incision du lit très faible. Elle est donc de ce fait mal drainée. Anjouan se présente donc comme un ensemble triangulaire extrêmement escarpé. A partir d’une plaine littorale étroite et par endroit inexistante, des pentes raides s’élèvent jusqu’aux lignes de crêtes. Trois lignes de crêtes principales structurent cette île et convergent en son centre au Mont Ntringui qui s’élève jusqu’à 1595 m d’altitude et qui est son point culminant. La partie centrale correspondant au vieux volcan bouclier est profondément entaillée par de grands cirques. Nous avons donc un relief accidenté riche en pentes raides. Le contact de l’île avec la mer se fait par deux sortes de côtes : - des côtes rocheuses élevées avec des falaises, surtout à l’extrémité des trois presqu’îles de notre zone d’étude ; - des côtes basses ou peu élevées, correspondant aux débouchés des cirques et des vallées. Alors que ses côtes s’étendent sur 141 km, l’île n’a que 14 plages d’une longueur totale de 6,5 km. Ce sont pour la plupart des plages de sable noir avec par endroit du sable blanc. Signalons enfin l’existence de récifs frangeants qui se sont développés surtout au niveau des côtes des trois extrémités de l’île. Par endroit, ces récifs tendent à décoller du rivage, formant un petit lagon ce qui prouve un début de phénomène de subsidence de l’île.

II. UN ENVIRONNEMENT CLIMATIQUE TROPICAL

L’archipel des Comores comprend quatre principales îles (Grande Comores ou Ngazidja, Anjouan ou Ndzouani, Mohéli ou Mwali et Mayotte ou Maoré) qui s’étendent à l’entrée Nord du Canal de Mozambique et plus précisément entre 11° 22 et 13° 5 de latitude Sud et entre 43° 12 et 45° 9 de longitude Est. L’île d’Anjouan qui nous préoccupe ici se situe entre 44° 10 et 44°35 de longitude Est et entre 12° et 12° 25 de latitude Sud. Cette l ocalisation géographique détermine un climat tropical chaud et humide. Le climat général des Comores est de type tropical humide insulaire, atténué par l’altitude sur les hauteurs. Il comprend deux saisons : -Une SAISON CHAUDE ET PLUVIEUSE , d’Octobre à Mars qui correspond à l’été austral ;

-Une SAISON FRAICHE ET SECHE , d’Avril à Septembre qui correspond à l’hiver austral.

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Ce climat se caractérise par :

II .1 DES VENTS D’ORIGINE VARIEE Il s’agit de deux régimes de vents qui sont la mousson (qui souffle du Nord Ouest au Sud Est en saison des pluies) et l’Alizé (qui souffle du Sud Est au Nord Ouest en saison sèche). Durant la saison chaude et pluvieuse , souffle un vent du Nord : l’air qui parvient sur l’archipel des Comores après avoir traversé l’Equateur est chaud et humide et souffle parfois avec violence. C’est la Mousson localement connue sous le nom de« KASHKAZI ». Cette période de mousson dure généralement d’octobre à Mars et comporte deux phases successives d’orientation : - Une Phase de secteur NE à N correspond à l’établissement de la mousson d’octobre à mi- Janvier : c’est le « MGNOMBENI » en Grande Comores. Durant cette période, la mousson (et donc les pluies) s’installe progressivement, mais l’alizé SSE se manifeste encore plus ou moins, surtout en Octobre et Novembre, tout en régressant jusqu’à disparaitre vers la fin du mois de Décembre. - Une phase de secteur N W plus exactement NNW à W correspondant à la pleine mousson, de janvier à Mars. C’est le véritable « Kashkazi » en Grande Comores à qui l’on doit la forte houle en cette saison. Le « Kashkazi » s’établit déjà partiellement en Décembre où il interfère avec le « MGNOMBENI » assez nettement. Le passage du « KASHKAZI » au « KOUSSI » se fait par contre de façon brutale, du moins à l’échelle du mois : il n’ya pas d’interférence importante entre les deux. Durant la saison sèche et fraiche , c’est un vent de secteur Sud Est qui intéresse l’archipel. Il provient des régions tempérées de l’hémisphère Sud. C’est l’Alizé connu localement sous le nom de « KOUSSI ». La Période de l’alizé dure d’Avril à Septembre et comporte également deux phases successives d’orientation : - Une phase de secteur S plus exactement SSW qui souffle d’Avril à juillet .L’alizé arrive humide sur les Comores car il provient de la cellule des hautes pressions situées au SE de Madagascar en passant plus ou moins par le Canal de Mozambique, donc en conservant son humidité. C’est le vent « KOUSSI » en Grande Comores qui prolonge les pluies sur les versants des îles qui lui sont directement exposés. Il est particulièrement puissant en Mai - Juin, époque où les « calmes » disparaissent rapidement. Son installation en Avril est assez faible car il ya alors une forte proportion de « Calmes » qui fait suite à ceux de février à Mars. Il se prolonge de plus en plus faiblement jusqu’ en septembre – Octobre.

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Carte 3. Les Comores dans le Sud ouest de l océan indien Source : Atlas des ressources côtières des Comores, 2002

- Une phase de secteur S à SE qui va de juillet à Septembre et se prolonge plus ou moins jusqu’en Novembre, voire Décembre, interférant avec la mousson en cours d’établissement. Elle commence faiblement dès Avril. Ce vent, dénommé localement « Matoulaï » a finalement une direction assez proche de celle du « Koussi » ; mais comme en témoigne la pluviométrie correspondante, il est sec parce que son orientation doit suffire à le faire passer sur Madagascar au dessus de laquelle il perd son humidité. C’est le cœur de la saison sèche : Les minima moyens mensuels des précipitations se trouvent en Août - Septembre. La rencontre entre ces différentes masses d’air se traduit par une zone de convergence intertropicale (ZCIT) qui s’accompagne de pluies d’orage et de rafales de vent.

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Des perturbations, tourbillons violents, appelés suivant leur intensité, « dépressions tropicales » ou « cyclones », se forment à environ 500 km au sud de cette ZCIT puis se déplacent vers l’Ouest ou le Sud ouest. Certaines de ces perturbations passent près des Comores mais ne les intéressent directement que rarement. A ces deux régimes de vent, s’ajoutent les brises de terre et les brises de mer : Chaque île est soumise au régime local « Brise de terre - Brise de mer » qui attenue relativement les vents régionaux. La brise de terre est particulièrement prononcée sur les versants du « Ntringui » du fait de l’importance de la dénivelée .Elle contribue nettement à la chute des minima thermiques.

Puisque nous parlons de vents, nous devons préciser aussi que les Comores connaissent les cyclones qui ont lieu en saison chaude. Ce sont des masses nuageuses d’air mobile, fortement giratoire, accompagnées de vents et de pluies très violentes. Trois types de cyclone viennent traverser les Comores de façon épisodique. Chaque type dépend du site de formation du cyclone qui est soit au voisinage de l’archipel, soit au nord de Madagascar ou à l’Est de la Grande Ile. Lors d’un cyclone les vents peuvent atteindre 85 nœuds (155 km/h), comme ce fut le cas en 1983. Dans tous les cas la puissance de l’impact d’un cyclone décroît dans l’archipel d’est en ouest donc de Ndzouani vers Ngazidja. Des houles de 20 m peuvent y être associées. Les Comores ont connu plusieurs perturbations de type cyclonique dont le plus important, celui de décembre 1950 a laissé de nombreuses traces sur l’archipel dans les mémoires. .

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Carte 4 : Les grands centres d action météorologique Source : Vérin et Battistini, 1984

II .2 DES TEMPERATURES QUI DEPENDENT SURTOUT DE L’ALTITUDE MAIS PARTOUT ELEVEES De la lecture du tableau 3, on retient qu’à basse altitude sur la côte , les maxima moyens mensuels restent inférieurs à 32° C et les minima moyens mensuels supérieurs à 16°C, l’amplitude thermique mensuelle variant entre 5 et 11°C selon les mois . En altitude vers 700 m , les maxima moyens mensuels ne dépassent pas 26, 1° C et les minima mensuels descendent jusqu'à 16°C . Les maxima absolus restent inférieurs à 36°C, et l es minima absolus supérieurs à 10°C environ jusqu’à 16°C. Malgré un contraste saisonnier faible, il est quand même possible de distinguer deux saisons avec un faible décalage pluviométrique :

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Les maxima inversement sont en saison sèche et font couramment désigner celle –ci sous le nom de saison sèche fraîche, bien que la baisse de température soit inférieure à seulement 5°C. C’est la forte diminution des préci pitations et celle plus légère de l’humidité qui donnent cette impression. mm °C

Croquis1 : Précipitations et températures moyennes à Anjouan Source : Dorian ; 2009 Moyenne Mois J F M A M J J A S O N D annuelle Ouan i 226° 226° 226° 225° 224° 223° 223° 223° 224° 225° Altitude: 26°7 227° 25°3 5 5 3 9 3 8 3 6 5 9 12m Tsembehou alti 223° 223° 223° 223° 221° 221° 220° 220° 221° 222° 223° tude : 223° 22°3 5 7 4 6 7 1 4 5 4 5 3 491m Mrémani 222° 223° 222° 222° 221° 129° 129° 129° 220° 221° 222° altitude : 220° 21°3 720 m 4 2 9 7 6 8 3 2 8 9 5

Tableau 3 : Les températures de quelques régions d’Anjouan

Source : Latrille E et Subreville G, 1977

Les montagnes, telles que le Ntringui à Anjouan influencent fortement les températures minimales par leur brise de nuit.

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II .3 DES PRECIPITATIONS INEGALEMENT REPARTIES DANS LE TEMPS ET DANS L’ESPACE

Les précipitations se trouvent régies par le jeu de l’opposition fondamentale entre « versants au vent » exposés aux vents pluvieux, d’une part la mousson humide de secteur NW à N , d’autre part l’alizé S, et « Versants sous le vent » abrités des vents de pluies qui y deviennent des vents subsidient secs , et exposés directement aux alizés secs de secteur E à SE . L’insularité des Comores et leur modelé montagneux plus ou moins disséqué vont donc entraîner vis à vis des précipitations une multiplicité de climats locaux, plus grand qu’ avec les températures , car non seulement l’altitude joue , mais aussi et surtout l’exposition aux vents dominant selon que l’on est « au vent » ou « sous le vent ». L’exposition aux vents dominants et le relief permettent de subdiviser chaque île en un certain nombre de régions pluviométriques, plus ou moins étendues selon les dimensions de l’île : - « versants au vent », exposés à la « mousson » humide du NW - « versants au vent », exposés à l’ « alizé »humide du S - « versants au vent », exposés à l’alizé sec du SSE - Pointes balayées par les divers vents dominants - Modelés divers non communs aux quatre îles Et selon que l’on est : - A basse altitude (0 – 400m) - A moyenne altitude (400 – 800m) - En altitude (> 800 m) - Aussi allons-nous nous limiter à une présentation assez générale des grandes classes de régions pluviométriques. - Les « versants au vent » exposés à la « mousson » sont les versants directement exposés aux « Mgnombéni » et « Kashkazi ». Faisant écran à ceux –ci, ils favorisent les précipitations d’origine orographique. Du fait de l’orientation des îles, ce sont les versants N à W des reliefs : versant Mjamaoué – Mutsamudu – Ouani. Hormis les régions pluviométriques précitées rencontrées dans chaque île, il faut en noter quelques unes spécifiques propres à une île donnée : les « cirques » reçoivent plus de pluies: – Tsembehou (3227,4 mm/an à 491m).

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800

700

600

500

Ouani altitude : 12 m

Domoni altitude :20 m 400

Pomoni altitude :10 m

Tsembehou altitude : 491 m 300

200

100

0 JFMA MJJASOND

Croquis 2 : Répartition annuelle des précipitations dans quelques localités à Anjouan

Source : Latrille E et Subreville G, 1977

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Carte 5 : Végétation et isohyetes Source : Vérin et Battistini, 1984

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Il ressort de cette étude des pluies que le relief joue un rôle primordial dans leur dynamique. Un bon nombre de pluies, et pas de moindres, sont des pluies orageuses, d’origine orographique, due à l’ascendance forcée de l’air le long des reliefs. Un contraste apparait très marqué entre les versants « au vent » les versants « sous le vent », d’autant plus fort que les reliefs sont plus élevés. Les premiers ont un climat de type tropical humide pluvieux avec un total annuel supérieur à 1 500 mm, et une saison sèche inferieure à 6 mois. Les pointes des îles sont les régions les plus sèches car non seulement elles sont ouvertes directement aux alizés desséchants du SE comme les versants « sous le vent », mais elles n’offrent aucun obstacle aux vents de mousson pouvant favoriser les précipitations ; la saison sèche approche les 8 mois. Etant donné la diversité d’exposition et d’altitude sur des distances à peine kilométriques, il en résulte une infinité de climats locaux. En somme, à la lumière des relevés des stations de l’île, nous constatons qu’Anjouan a un climat tropical caractérisé par deux grandes saisons : une saison chaude et humide qui va de novembre à avril, une saison sèche et fraîche qui s’étend de mai à octobre. Néanmoins, de grandes variations locales en relation avec l’exposition aux vents dominants et l’altitude existent : les régions situées à moins de 400 m d’altitude ont un climat tropical sec, les régions situées entre 400 et 600m d’altitude ont un climat tropical humide. Les zones dont l’altitude se situe au-dessus de 600 m ont quant à elles un climat tropical humide tempéré par leur situation altitudinale.

III. DES RESSOURCES EN EAU ABONDANTES MAIS QUI DIMINUENT Comme il existe une grande diversité dans la pluviométrie à l’intérieur de chaque île et entre les îles, le problème de l’eau ne se pose pas avec la même acuité dans l’ensemble des îles. Les capacités d’infiltration et de rétention de ces eaux diffèrent en fonction des sols. Les sols de la présentent une grande perméabilité en raison des fortes fissurations des sols volcaniques, ce qui fait que l’ile n’a aucune rivière permanente. A Mohéli, les rivières partent de quelques dizaines de mètres des lignes de crêtes et creusent des vallées profondes orthogonales.

Ndzouani est caractérisée par un réseau de cours d’eau plus ou moins permanents prenant leurs sources sur les hauts plateaux. De formation tertiaire, les sols de Ndzouani sont plus hétérogènes et la perméabilité de ceux-ci est variable, ce qui a permis le développement des eaux de surface.

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Carte 6 : Les rivières à Anjouan Source : Projet ECDD, 2009

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Photo 3: Chute d’eau dans la partie Sud Ouest de l’Ile d’Anjouan Source : Photo personnelle, Juillet 2010

De nombreuses sources existent à Ndzouani, certaines sources ont un caractère permanent, d’autres tarissent en saison sèche. Des captages ont été effectués sur les plus importantes pour approvisionner les localités voisines en eau potable. Ndzouani compte une quarantaine de rivières. Les cours d’eau les plus importants sont : Tratringa, Mutsamudu, Jomani, Pomoni, Mrémani, Ajao. Leurs vallées sont étroites et profondes (présence de gorges). Leurs alluvions sont importantes et constituent un handicap aux infrastructures côtières. Les cours d’eau de Ndzouani sont coupés de chutes assez importantes dont certaines ont été aménagées. La rivière Tratringa qui prend sa source au mont N’tringi à 1595m d’altitude est le cours d’eau le plus long (12.4 km) et celui qui présente le débit le plus important (600 I/s).

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Photo 4 : La rivière Tratringa

Source : Photo personnelle, Juillet 2010

Deux lacs de cratère d’eau douce existent à Ndzouani : le lac Dzialandzé au sud- est du mont Ntringui d’une superficie de 50.000m2 et d’une profondeur supérieure à 300m et le lac DziyaLautsunga au sud de Dindri dont la superficie est de 20.000m2 et la profondeur supérieure à 200m .Leurs eaux sont bonnes grâce à la protection due à l’attraction touristique dont ils bénéficient.

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Photo 5 : Le lac Dzialandzé Source : Photo personnelle, Juillet 2010

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La principale étendue de marais de Ndzouani est celle de Pomoni sur la côte sud ouest de l’île d’une superficie de 0.2 Ha et 0.20m de profondeur. Ces eaux trouvent comme usage essentiel l’irrigation du riz.

Photo 6 : Marécage dans la zone de Pomoni Source : Photo personnelle, Juillet 2010

Anjouan est donc une île d’origine volcanique, très montagneuse aux sols variés, à climat tropical bi-saisonnier et aux ressources en eau abondantes. Qu’en est –il de son milieu biologique ? C’est la réponse à cette question qui fait l’objet du Chapitre suivant.

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CHAPITRE II.

UN MILIEU BIOLOGIQUE RICHE MAIS INSUFFISAMMENT CONNU

Cette description des composantes du milieu biologique nous permettra d’identifier aussi bien les écosystèmes que les ressources de la diversité biologique de notre zone d’étude. Il est certain que l’archipel des Comores était vide de vie au moment de sa sortie de l’océan. Toute forme de vie est donc forcément arrivée par colonisation ( ≈déplacement) à travers l’océan. Si celle-ci est souvent accidentelle, elle dépend aussi de certains facteurs comme la distance des continents et d’autres îles, la direction et la force des vents et des courants marins la superficie, l’altitude, le climat. La plupart des êtres vivants sont capables pendant une certaine phase de leur vie de se déplacer, même à longue distance, pour occuper des endroits inoccupés. Cet isolement et l’évolution qui suit en raison de l’adaptation réent l’endémisme : une distribution géographique limitée à une région précise. D’une manière générale, la biodiversité des Comores possède de nombreuses affinités avec celle de l’Afrique, de Madagascar et du Sud – Est asiatique. Louette M(1999), a considéré la faune Comorienne comme une version appauvrie de celle de Madagascar. Même si, aucun inventaire complet* n’existe à ce jour, on sait que les Comores ont des écosystèmes variés, riches en matière de diversité spécifique (espèce) et endémisme. " A l’échelle mondiale, les Comores font partie des 20 îles ou archipels caractérisés par l’endémisme spécifique remarquable de leur biodiversité " écrivent Caldecott et al (1996) cités par Bruno Paris (1999, p.1) qui ajoute que selon le WWF et l'IUCN, "les Comores constituent un centre de diversité et d'endémisme végétal hautement prioritaire dans le cadre de la biodiversité mondiale". Malgré ces affirmations, il n'existe pas encore une étude floristique et faunistique complète sur l'île d'Anjouan.

I. : UNE BIODIVERSITE IMPORTANTE MAIS INSUFFISAMMENT CONNUE Il n’existe pas encore d’inventaire complet des espèces de faune et de flore de l’île d’Anjouan. Par rapport aux autres îles du Sud – Ouest de l’océan Indien (Madagascar, Seychelles, Maurice et dépendances, Réunion), les Comores accusent un certain retard en matière d’étude de la biodiversité. Depuis le début des années 80, on recense de nombreuses études faunistiques et floristiques sur l’archipel, des études qui ont permis de faire un pas important dans la connaissance de la biodiversité du pays. Comme la quasi-totalité de ces études portent sur l’ensemble de l’archipel, elles ne facilitent pas la distinction de la flore et de la faune de chaque île.

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En 1999, Bruno Paris, dans sa tentative d’élaboration des listes des données disponibles, retient qu’Anjouan avait 11 espèces de mammifères, 64 espèces d’oiseaux et 15 espèces de reptiles. Pour les poissons, Anjouan n’a pas encore de données propres à elle. L’on sait néanmoins que les études disponibles montrent que les Comores auraient environ 820 espèces d’animaux marins dont les Dugong, les tortues et le Cœlacanthe (Latimeriaechalumnae) dont l’intérêt scientifique est aujourd’hui internationalement reconnu. En raison des nombreux microclimats, de l’altitude, de la morphologie et de la nature des sols, on observe à ANJOUAN des différences de diversité biologique selon que nous soyons en zone de montagne, sur les plateaux et plaine, dans la zone côtière et maritime. La faune de l’île d’Anjouan est relativement variée avec un taux d’endémisme élevé. Même si elle ne contient pas les éléments typiques des continents, de nombreuses affinités existent entre la faune de l’île et celle de l’Afrique et de l’Asie du Sud – Est. On peut penser à des liens de parenté dans ce domaine. A Anjouan nous pouvons distinguer trois zones biogéographiques :

I.1 : LES ZONES MONTAGNEUSES Elles sont riches en biodiversité, surtout que par rapport aux zones des bas, elles sont moins occupées par l’homme et ses activités. On y trouve : I.1.1. / SUR LE PLAN DE LA FAUNE : - Des mammifères Parmi les espèces présentes à Anjouan, nous avons : + Ptéropusseychellensiscomorensis (Roussette commune ou grande chauve souris). Cet animal de taille impressionnante, de couleur générale brun foncé, se nourrit de fruits, de feuilles, de fleurs, de pollen et de nectar. Il contribue à la pollinisation et à la dispersion des fruits de nombreuses plantes. + Ptéropuslivingstonii (Roussette de Livingstone).

Endémique d’Anjouan et de Mohéli, cette espèce possède au moins 17 dortoirs à Anjouan notamment dans les forêts montagnardes entre 500 et 1000m d’altitude. Active tant le jour que la nuit, elle se nourrit d’une large variété de fruits, fleurs et feuilles et est classée dans la catégorie des espèces en danger critique sur la liste de l’UICN des animaux menacés.

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Photo 7 : La roussette de livingstone Source : Photo personnelle, Juillet 2010

+ Roussettusobliviosus (petite Roussette des Comores) Cette espèce frugivore, de taille plus réduite, est strictement nocturne et possède ses dortoirs dans des cavernes très peu profondes, près des cours d’eau. Par rapport aux deux autres îles de l’union des Comores, Anjouan est très peu pourvue de cette espèce puisqu’on n’y recense qu’une centaine (contre 4000 à Mohéli et 13.150 à la Grande- Comore). La petite roussette évolue dans les couches assez basses de la végétation.

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Photo 8: La roussette commune des Comores Source : Photo personnelle, Juillet 2010 - Des oiseaux De nombreuses espèces d’oiseaux existent à Anjouan et parmi elles, nous citons : Des espèces endémiques à Anjouan comme Turdus bewsheri (grive d’Anjouan) Et Otuscapnodes (petit duc d’Anjouan).

Des espèces uniques pour les Comores on y trouve entre autres Collumbapolleni (Pigeon des Comores) et Alectroenassganzini (fouiningo des Comores) Des sous espèces uniques pour les Comores et Parmi elles, nous avons : Coracopsis vasa (Perroquet vasa) et Foudiaeminentissima (foudy des Comores)

D’autres espèces, non endémiques existent également ici. . Il s’agit entre autres de :

- Des reptiles. Il s’agit surtout des serpents et des lézards dont certains sont aussi endémiques comme Mabuyacomoriensis.

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- Des poissons d’eau douce . L’île est pauvre en poissons d’eau douce. On y trouve surtout Anguilla marmarata (Anguille marbrée), Gambusia affinis, Microphisbrachyurus, Eleotrisfusca, Stenogobiusgenivittatus et Sicyopteruslogocephalus. On peut dire que d’une façon générale les vertébrés de l’île d’Anjouan sont relativement bien connus. Ce n’est pas le cas des invertébrés qui constituent pourtant la grosse majorité des espèces. - Des insectes L’inventaire des insectes d’Anjouan est loin d’être complet.On y trouve cependant des insectes non ailés (Apterygotes), des odonates, des hyménoptères, des coléoptères, et des lépidoptères. - Des arachnides Ce groupe qui inclut entre autres les araignées et les scorpions mais aussi les pseudos scorpions, les opilions, les schizomides et les ascariens sont très peu étudiés à Anjouan. - Des myriapodes Ce groupe est encore moins bien connu même si on sait qu’il existe à Anjouan des chilopodes et des diplopodes.

I.1.2 / SUR LE PLAN DE LA FLORE Tout comme la faune, une étude complète sur les espèces de flore n’existe pas encore à Anjouan. On sait toutefois que sur les îles les familles présentes sont entre autres des alangiacées, amarenthacées, ampélidacées, anacardiacées, annonacées,asclepiadacées , balsaminacées , baraginacées, caeselpiniacées, caricacées , cayophyllacées, combrétacées , composées, convolvulacées, cressulacées , euphorbiacées , labiées , lauracées, liliacées,lythracées, melastomatacées , moracées , musacées , myristicacées, myrtacées , orchidées, palmiers , papilionacées , pipéracées , ptéridophytes , rubiacées rutacées , sapindacées, verbénacées , violacées , et zingibéracées . L’examen de cette flore, quoiqu’incomplet, montre qu’elle est constituée d’un cortège assez important d’espèces endémiques propres aux Comores. Ici aussi les affinités avec la flore de l’Afrique sont nombreuses mais elles le sont à un degré moindre avec celles de Madagascar, de Maurice et des Seychelles. Parmi les espèces endémiques, nous avons Eugenia comorensis (Photo 9), Ocotea comorensis (Photo 10), Kaya comorensis (Photo 11) ,Tambourissacomorensis (Photo 12 ) , Nuxiapseudopentata (Photo 13 ) et Weinmaniacomorensis (Photo 14 ) utilisées surtout pour le bois d’œuvre et qui deviennent de ce fait de plus en plus rares.

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Photo 9:Eugenia comorensis Source: Photo personnelle, janvier 2011

Photo 10 : Ocotea comorensis, (Lauraceae) Source: Photo personnelle, janvier 2011

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Photo 11 : Kaya comorensis Source: Photo personnelle, janvier 2011

Photo 12 : Tambourissacomorensis Source: Photo personnelle, janvier 2011

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Photo 13 : Nuxiapseudopentata Source: Photo personnelle, janvier 2011

Photo 14 : Weinmaniacomorensis Source: Photo personnelle, janvier 2011

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De nombreuses orchidées endémiques s’y trouvent également et parmi elles Jumelleaanjouanensis ,Jumelleacomorensis et Jumelleaphalaenophora Une bonne interprétation de la flore d’Anjouan doit nécessairement tenir compte des plantations et cultures de très nombreuses plantes introduites et qui sont à de très nombreux endroits mélangés avec la végétation naturelle. Parmi ces plantes, nous avons des essences de reboisement et des arbres fruitiers .

I.2. LES ZONES DES BAS Elles sont moins riches en biodiversité à cause surtout de leur forte anthropisation.

I.2.1/ SUR LE PLAN DE LA FAUNE On trouve entre autres : - Des mammifères comme Myotisgoudotianjouanensis (vespertilion des Comores) et Tadaridapumilus (tadaride)

- Des oiseaux , des reptiles, des poissons d’eau douce, des insectes, des arachnides, des myriapodes et des mollusques peuvent aussi être trouvés dans les zones de bas.

I. 2.2/ SUR LE PLAN DE LA FLORE Il s’agit surtout : - Des cultures vivrières et légumes

- Des cultures pour l’exploitation industrielle

I.2.3 LES ZONES COTIERES ET MARITIMES

I.2.3 .1/ SUR LE PLAN DE LA FAUNE La faune côtière et marine des Comores est riche et comporte des éléments d’importance mondiale. Toutefois ; Il existe de nombreuses lacunes dans la connaissance même de cette richesse. Les espèces associées aux récifs coralliens sont très nombreuses (poissons, crustacés, mollusques, etc …), mais elles n’ont pas fait l’objet d’étude systématique. On estime qu’il existe au niveau des Comores près de 820 espèces de poissons marins (côtiers et pélagiques) réunies. Ici, nous trouvons entre autres :

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- Des mammifères marins qui contiennent aussi de nombreuses espèces parmi lesquelles Megapteranovaengliae (le dauphin commun) et Balaenopteraedeni (Baleine à bosse) qui sont toutes protégées par la convention internationale CITES. Une mention particulière mérite d’être accordée au Dugong (Dugong), herbivore de plus en plus rare, qui vit en petits groupes le long des côtes. Cette espèce figure aussi sur les listes CITES. - Des reptiles Les Tortues sont les reptiles que nous pouvons signaler dans cette zone littorale et maritime. Quatre espèces de tortues marines fréquentent les eaux des Comores : la tortue verte Cheloniamydas, la tortue à écaille Eretmochelysimbricata, la tortue caouanne Carettacaretta et le tortu luth Dermochelyscoriacéa. La tortue verte et la tortue à écaille sont des espèces menacées qui sont les seules à nidifier sur les plages de sable des îles. - Des crustacés Au niveau des crustacés, nous avons surtout des décapodes, des amphipodes et des isopodes. Là aussi des études sont à faire. - Des mollusques Quant aux mollusques, Il existerait à Anjouan 58 espèces autochtones de mollusques permis les 136 recensées dans l’archipel des Comores. Ici il faut signaler la malacofaune terrestre, les mollusques des mangroves et les mollusques dulçaquicoles - Une espèce d’intérêt mondial Le cœlacanthe, Latimeriachalumnage, a été célébré en 1938 comme la découverte la plus extraordinaire du siècle ; ce poisson « fossile-vivant » dont les origines crossoptérygiennes remontent à environ 370 millions d’années est le prédécesseur de tous les vertébrés tétrapodes terrestres et probablement de tous les vertébrés aériens. Son aire de distribution actuelle semble être plus cosmopolite que l’on pensait (premiers spécimens trouvés le long des côtes ouest de Ngazidja, Ndzouani et de Madagascar), depuis la découverte récente de spécimens en Indonésie ; distribution qui semble similaire à celle de ses ancêtres. Par son ancienneté, la présence du cœlacanthe latimeriachalumnae dans les eaux territoriales des Comores est certes un des éléments majeurs de la biodiversité de la région.Les habitats des cœlacanthes sont constitués par des grottes sous marines profondes (entre 170 et 230 m) des eaux côtières. Les captures des cœlacanthes s’effectuent accidentellement mais les pêcheurs locaux sont encouragés par un fort intérêt de la part des institutions de recherche, de muséums internationaux et des collectionneurs privés. Le prélèvement de cœlacanthes est pratiqué d’une manière informelle et clandestine vu qu’il est interdit par la loi cadre sur l’environnement (Assemblée

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Fédérale, Juin 1994, Arrêté interministériel N° 74 – 029/ PR /MID du 12 Janvier 1974 relatif à la capture, cession et détention du cœlacanthe).

II .2.3 .2/ SUR LE PLAN DE LA FLORE Il s’agit surtout des herbiers très intéressants écologiquement car ils servent de support à de nombreux organismes comme les algues et de refuge à beaucoup d’espèces marines comme les gastéropodes, les petits crustacés et de nombreux poissons. Localisés au sein des lagons en voie de formation, les herbiers constituent la nourriture, les aires de reproduction, d’alevinage pour de nombreuses espèces marines. A Anjouan, c’est surtout sur les faces sud que se trouvent les herbiers. Il faut signaler qu’aux Comores, de nombreuses lacunes existent dans la connaissance de ces herbiers de phanérogames comme d’ailleurs dans la connaissance des espèces de faune marine sur lesquelles nous allons revenir à travers l’étude des écosystèmes.

II. DES ECOSYSTEMES VARIES Les écosystèmes naturels de l’île d’Anjouan peuvent géographiquement être repartis en deux catégories : Des écosystèmes terrestres et des écosystèmes côtiers et marins.

II .1 LES ECOSYSTEMES TERRESTRES

II .1.2/ LES FORETS

Encadré 1 ; QUELQUES DEFINITIONS RELATIVES A LA FORET SELON LA FAO

L’Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO) définit les forêts comme des terres occupant une superficie de plus de 0,5 hectare (5 000m 2) avec des arbres atteignant une hauteur supérieure à 5 mètres et un couvert forestier de plus de 10%, ou avec des arbres capables de remplir ces critères.

La définition exclut les terres dont la vocation prédominante est agricole ou urbaine.

Les forêts primaires sont des forêts formées d’espèces indigènes où aucune trace d’activité humaine n’est clairement visible et où les processus écologiques ne sont pas sensiblement perturbés.

Les forêts secondaires sont des forêts qui se sont régénérées là où des forêts primaires ont disparu sous l’effet de phénomènes naturels ou d’activités humaines telles que l’agriculture ou l’élevage. Ces forêts présentes des différences majeures en termes de structure et/ou d’espèces qui la composent par rapport aux forêts primaires. La végétation secondaire est généralement instable et représente des stades successifs.

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Les forêts naturelles modifiées sont des forêts formées d’espèces indigènes régénérées de façon naturelle, où des traces d’activités humaines sont clairement visibles.

Les forêts semi-naturelles sont des forêts comprenant des espèces indigènes, établies par plantation, semis ou régénération naturelle assistée.

Les plantations forestières sont des domaines forestiers établis artificiellement par plantation ou par semis. Les arbres appartiennent généralement à la même espèce (qu’elle soit indigène ou introduite), ont le même âge et sont espacées de manière régulière. L’objectif des plantations forestières peut être la production de bois et de produits non ligneux ( plantations de production ) ou la fourniture de services des écosystèmes ( plantations de protection ).

Le terme « autres terres boisées » désigne les terres avec des arbres d’une hauteur de plus de 5 mètres mais un couvert forestier de seulement 5 à 10%. Il désigne également les terres où le couvert conjugué d’arbres, d’arbustes et de buissons est supérieur à 10%. Il n’inclut pas les terres où l’usage agricole ou urbain prédomine

Les critères de définition des forêts se basent le plus souvent sur la notion «d'occupation du sol» ou celle «d'utilisation des terres», parfois sur la combinaison des deux. L'occupation du sol renvoie aux formes de couverture physique du sol observable par des vues aériennes ou satellitaires, et à leur structure; elle inclut la végétation, naturelle ou plantée. L'utilisation des terres, dimension complexe à traiter et plus sensible que l'occupation du sol, fait référence à la fonction et aux modes d'utilisation des terres, c'est-à-dire aux activités entreprises pour produire des biens et des services. Ainsi, une terre, dont l'occupation du sol est uniforme, peut avoir plusieurs usages. Ces deux notions, étroitement liées, peuvent donner lieu à des confusions dans les classifications, d'autant que chacune fait appel à des méthodes différentes et s'inscrit dans des problématiques spécifiques. Etant donné que la gestion de la ressource arborée ou d'un territoire s'appuie sur des informations traitant à la fois de l'occupation du sol et de l'utilisation des terres, la distinction et l'harmonisation de ces deux concepts sont nécessaires.

L'objectif de la définition influe également sur son contenu. Par exemple, les définitions biologiques sont généralement fondées sur des paramètres structuraux, tandis que les définitions légales attestent le statut juridique des terres, tout en ne renseignant pas toujours sur la végétation et la couverture du sol. Nombre de terres relevant du régime forestier sont vides d'arbres, sans pour autant changer de statut.

Pour la FAO, la définition de la forêt, ou des terres forestières, repose donc sur la structure de la formation (pourcentage du couvert arboré, hauteur des espèces ligneuses) et sa surface.

Grande Anjouan Mayotte Mohéli Archipel Type de

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Comore Forêt 5.600 1.000 2.000 4.000 12.600 Forêt dense Forêt 7.000 1.500 3.500 - 12.000 secondaire Forêt 335 450 63 32 880 artificielle

12.935 2.950 5.563 4.032 25.480 Total

Tableau 4 : Les surfaces forestières par type et par ile, 1974 (En hectare) Source : Service Forestier, Ministère de la production.

SURFACE FORESTIERE (EN ANNEE SOURCE HA) 1925 12 000 1 1949 8 260 2 1968 8 000 2 1974 2 500 2 1983 2 164 1 1993 < 1 800 2

Tableau 5 :Evaluation de la superficie forestière naturelle à Anjouan . Source : 1 – Direction Générale de l’Environnement 2 – Fay G et Morel M, 1982

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Carte 7 : Evolution de la superficie forestière à Anjouan Source : Projet ECDD, 2009

On distingue à Anjouan trois types de forets : - Des forêts de montagne Ce sont les forêts ennuagées, à haute altitude et composées d’arbres de petite taille, de fourbes et de fougères. Elle est fortement réduite (50 hectares environ) et fragmentée, n’occupant que les massifs montagneux inaccessibles du centre de l’île : mont Ntringui et les sommets avoisinants Lingoni. Les arbres, noueux, sont de mauvaise qualité pour servir de bois d’œuvre. Elles sont généralement trop humides (au-dessus de 1000 mètres d’altitude) pour les cultures vivrières, ce qui induit un rythme plus lent de défrichement pour les extensions agricoles par rapport à la forêt de basse altitude. Ces forêts assurent par leur couvert la protection des sols contre l’érosion ainsi que le captage des précipitations et la régularisation du débit des sources et des cours d’eau. Elles ont joué un rôle essentiel dans le maintien des équilibres climatique et pédologique, équilibres qui sont actuellement remis en cause par le défrichement intensif des Hauts de Ndzouani.

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- Des forêts humides Dans le passé, l’île était presque entièrement couverte de forêt humide. Elle occupe encore aujourd’hui une superficie plus importante que les autres types de forêts. La pénétration des cultures vivrières est telle qu’il reste très peu d’écosystèmes encore intacts. C’est dans cette forêt que l’on trouve les grands arbres de qualité supérieure (Takamaka et Camphrier) fréquemment et sauvagement coupés pour le bois d’œuvre et le bois de chauffe. L’activité agricole y est intense en particulier les cultures de bananiers et de taro. La forêt elle-même, surtout à proximité de villages est en réalité une forêt- bananeraie. Les bananeraies font de l’ombre au sous-bois et empêchent les repousses des plantes locales qui subissent également les dégâts dus à la divagation des animaux et aux brûlis. Ce type de forêt constitue le lieu privilégié de l’habitat naturel de presque toutes les espèces végétales et animales endémiques propres à l’île, y compris la chauve-souris géante livingstone, la mangouste lémurienne, le hérisson, le pigeon Ninga, et le perroquet comorien. Sur les 3500 hectares de forêt humide estimés, il en reste aujourd’hui près de 100 hectares ayant échappé temporairement à la dégradation. En termes de biodiversité, l’importance des écosystèmes forestiers terrestres de l’île n’est pas à démontrer : c’est en effet ici que nous trouvons la quasi totalité des espèces de flore et de faune terrestres en général et des espèces endémiques en particulier présentes dans l’île d’Anjouan : Khayacomorensis, Tambourissacomorensis, Nuxiapseudopentata, Weinmaniacomorensis, Pteropuslivingtonii, Collumbapolleni, en sont des exemples entre autres. Le Maki, seule espèce de lémuriens présente à Anjouan possède sa plus grande concentration dans ces reliques forestières du centre de l’île. Mais tout comme leur importance en diversité biologique, l’importance de ces écosystèmes dans l’équilibre naturel de l’île est évidente. C’est en effet cette partie centrale qui constitue la source d’approvisionnement de laquasi totalité des cours d’eau de l’île. Sur le plan socio- économique, il faut préciser que c’est dans ces écosystèmes forestiers que se font de nombreuses activités agricoles de nombreux villages parmi lesquels Chandra, Tsembehou , Dindri , Bazimini , Koki , Mirontsy , Pagé , , Lingoni , Pomoni , Moya. La présence de nombreuses espèces endémiques donne à ces écosystèmes une importance internationale évidente Mais tout comme leur importance en diversité biologique, l’importance de ces écosystèmes dans l’équilibre naturel de l’île est évidente. C’est en effet cette partie centrale qui constitue la source d’approvisionnement de la quasi-totalité des cours d’eau de l’île.

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- Des forêts de palétuviers

Elle est limitée à une superficie d’environ 8 hectares situés surtout sur la côte sud- ouest (Bimbini, Ile de la Selle) La mangrove se situe dans des milieux soumis aux inondations quotidiennes de la marée mais nous reviendrons sur cette présentation un peu plusloin .

Photo 15 : La mangrove de Bimbini Source: Photo personnelle, janvier 2011

II .1.2/ LES LACS ET RIVIERES Comme nous l’avons vu plus haut, Anjouan se caractérise par un réseau de cours d’eau qui prend ses sources sur les hauts plateaux. De nombreuses sources existent mais la plupart connaissent une baisse quantitative de leurs eaux sous l’effet de la déforestation. Leurs vallées sont généralement étroites et les alluvions, importants. Une biodiversité de composition assez remarquable est présente dans les rivières et surtout dans les zones proches de l’embouchure. Dans les cours supérieurs, la faune est moins riche, ce qui est normal quand on sait que de nombreux organismes dépendent en partie d’échanges avec le milieu marin et ne pénètrent pas profondément dans les rivières. Dans ces cours d’eau, on trouve entre autres des oiseaux (héron vert), des poissons (14 espèces dont l’anguille marbrée), des crabes, des crevettes, des camerons et des mollusques. C’est dans la partie centrale de l’île que nous trouvons les deux grands lacs de l’île :

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Il s’agit de Dzialandzé, principal cratère témoignant de l’origine volcanique de notre île qui a émergé à partir d’un volcanisme sous- marin. Il se situe à 901m d’altitude avec une superficie d’environ 2 hectares. La quantité d’eau varie en fonction des saisons : réduite en saison sèche, elle augmente en saison pluvieuse. Au sein du lac, se trouvent une faune et une flore dont la valeur n’est pas encore connue avec précision car non encore étudiée. A Anjouan, nombreux sont ceux qui pensent à tort que ce lac constitue la principale source d’alimentation en eau de la quasi- totalité des rivières de l’île. Il s’agit également de Dzialaoutsounga, un cratère situé à 697m d’altitude et qui se sépare de Dzialandzé par une distance d’un peu plus de 200m à vol d’oiseau

Photo 16 : Le lac Dzialaoutsounga Source : Photo personnelle, août 2010

Moins étendu que Dzialandzé, il se trouve dans un milieu circulaire aux parois bordées de petites collines constituant un espace forestier mais entamé, car tout autour, abondent des cultures surtout maraîchères. Le lac ne se remplit vraiment que pendant la saison pluvieuse.

II .1.3/ LES AUTRES ECOSYSTEMES TERRESTRES Il s’agit des savanes arbustives et herbeuses qui se trouvent surtout sur les plateaux non occupés par les forets denses, les plantations et les cultures. Elles sont brûlées durant la saison sèche et utilisées pour les pâturages. Les espèces herbacées sont constituées de rudérales annuelles et de quelques rares espèces ligneuses issues des jachères forestières ou moins résistantes au feu. Il s’agit également des fourrés arbustifs et buissonnants qui caractérisent les climats semi arides ou certains sols squelettiques. Ce type d’écosystème est surtout présent dans les zones orientales de l’île où la pluviométrie est moindre,

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autour de mille à mille cinq cent millimètre par an et où le nombre de mois secs s’étend de cinq à six.

II .2. / LES ECOSYSTEMES COTIERS ET MARINS

Il s’agit des plages, des herbiers, des mangroves et des récifs coralliens.

II .2.1/ LES PLAGES Trouver une plage à l’état naturel sur une île montagneuse et surpeuplée comme Anjouan n’est pas courant. À l’instar des autres îles de l’archipel, toutes les grandes villes et la quasi-totalité des villages d’Anjouan se trouvent dans la zone côtière. Si, pour des raisons historiques, certains hauts ou cirques ont joué un rôle de refuge, il n’en reste pas moins que la zone côtière reste fortement peuplée. Cette occupation qui trouve toute sa signification dans le fait que la zone côtière présente des conditions plus favorables à l’établissement humain, s’accompagne d’actions destructives des écosystèmes côtiers et marins. Les plages qui ont encore leur état naturel sont généralement celles qui sont difficiles d’accès aux moyens de transport (c’est le cas de certains secteurs des trois presqu’îles d’Anjouan) et celles qui se situent sur des littoraux moins peuplés.

Il existe à Anjouan deux sortes de plages : - Des plages de sable noir Elles sont liées à l’érosion de l’intérieur des terres. La rareté des plaines, la quasi- inexistence de moyens de fertilisation et d’intensification des activités agricoles a fait que la tentation a toujours été trop grande pour les paysans de prendre d’assaut les pentes raides pour essayer d’y faire pousser quelques cultures. De telles pratiques favorisent l’érosion d’autant que nous sommes dans une île dont les pentes sont fortes et abondantes et où la pluviométrie peut dépasser les 4000 mm/ an et par endroits.

Des sédiments sont donc drainés vers le milieu côtier pendant surtout les fortes pluies, alimentant ainsi les plages de sable noir ou encore d’origine volcanique. La dynamique de telles plages est liée à la fois aux pentes, aux cours d’eau et à la pluviométrie. Le milieu terrestre apporte aussi aux plages des blocs issus de l’érosion des falaises, des galets qui se placent à la partie la plus élevée des plages car jetés par les plus fortes tempêtes.

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Photo 17 : Plage de sable noir relativement conservée dans la région de Sima à Anjouan Source : Photo personnelle, Juillet 2010

- Des plages de sable blanc

C’est surtout sur les littoraux des plages des trois presqu’îles d’Anjouan que nous trouvons ces plages de sables blanc. Il n’est pas surprenant d’avoir cette localisation géographique car c’est encore au niveau de ces pointes de l’île que nous avons les récifs coralliens les plus développés. On sait que le sable blanc est originaire de la dégradation ancienne des coraux, une dégradation qui est surtout naturelle avant d’être d’origine humaine. Comme les récifs coralliens et les mangroves, les plages jouent un rôle important aussi bien sur le plan écologique (site de pante des tortues à Bimbini que sur le plan économique (vente de sable), touristique (lieu de loisirs). Ici aussi, nous avons un écosystème qui contribue à la protection du littoral contre l’avancée de la mer. En somme, un des constats que l’on peut faire quand on fait l’étude des plages de cette île repose sur l’érosion tant naturelle qu’anthropique qu’elles subissent :

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Photo 18: Plage de sable blanc relativement conservée dans la région de Sima à Anjouan Source : Photo personnelle, Juillet 2010 A la diminution naturelle des apports sédimentaires et à la recrudescence des tempêtes et cyclones tropicaux, s’ajoutent ici les mauvais usages que les Anjouanais font de leur littoral : extraction de sable, mur de protection des villages, infrastructures côtières ne font que favoriser l’érosion des plages faisant perdre à l’île sa beauté naturelle et ses possibilités de développement touristique.

II .2.2 / LES MANGROVES Les mangroves sont des forêts de zones tropicales localisées en milieu marin littoral et implantées dans des sols riches en alluvions ou dans des sols sablo-vaseux de la zone de balancement des marées en eaux saumâtres. Elles sont écologiquement importantes par leur biodiversité particulière. La richesse spécifique et la composition de cet écosystème sont régies par différents facteurs : les conditions météorologiques (pluviométrie, évapotranspiration, cyclones), l’importance et la fréquence des apports d’eau douce et des apports terrigènes, la disponibilité des nutriments, les conditions physico-chimiques des eaux (salinité…) et du sol (pédologie…), les cycles et l’amplitude des marées (fréquence des submersions marines). Comme les récifs coralliens et les herbiers, les mangroves sont des systèmes biologiques très productifs assurant un réservoir de matériel organique et un habitat propice à de nombreuses espèces faunistiques aussi bien terrestres et que d’eau douce (oiseau …) ou marines (poissons, crustacés, mollusques et divers autres invertébrés). Cet

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écosystème a une grande valeur ornithologique, botanique, hydrique et économique (pêche, recréation, tourisme). Ces formations forestières particulières sont aussi des zones tampons entre les écotones eau douce - eau de mer protégeant le littoral contre l’érosion des vagues en fixant les sédiments ; elles assument de la sorte un rôle essentiel dans la dynamique des côtes. Dans certains cas, les mangroves peuvent jouer le rôle d’un système naturel d’épuration des eaux usées entre le littoral et la mer. Les mangroves sont aussi des réservoirs de pêche (huitres, crevettes, crabes poissons) vitaux dans des économies de subsistance. Ces mangroves forment de petits massifs isolés composés principalement de Rhizophora mucronata, Bruguieragymnorhiza, Avicenniasp. , Ceriops tagal, Lumnitzeraracemosa et Sonneratia alba. S’ajoutent des espèces associées telles que Hibiscustiliaceus, Guetterdaspeciosa, pandanus sp. , des convolvulacées Ipoméapescaprae. Ces espèces se disposent selon une zonation allant des Sonnératiacées du côté marin aux Avicenniacées, des Rhizophoracées du côté terrestre. Les mangroves constituent l’habitat spécifique de nombreuses espèces de poissons comme le périophtalmuskoelrenteri, de mollusques Buccinides et Haupinites, de crustacés (crabes, crevettes), d’oiseaux comme le héron rhyzophone et de mammifères marins comme les dugongs. Les mangroves sont aussi fréquentées par de nombreuses espèces à une étape de leur cycle de vie constituant ainsi des zones de reproduction, d’alevinage et de nurseries de nombreuses espèces de poissons et d’oiseaux. Certaines espèces d’oiseaux utilisent les forêts de mangroves comme lieu de stationnement au cours de leurs parcours migratoires. Les formations de mangroves à Anjouan présentent un bon état de conservation et ne semblent pas généralement menacées par l’exploitation qui reste faible pour le bois de service, les mangroves se rencontrent sur les trois îles, avec un développement plus important à Mwali (91 ha), réduit à Ndzouani (environ 8 ha) et Ngazidja (18 ha) . Sur l’île d’Anjouan, c’est dans la presqu’île de Sima, plus précisément à Bimbini qu’on trouve des mangroves. C’est une bande de palétuviers fragmentée qui s’étend sur 7km et qui couvre 8 hectares. Elle est constituée principalement de trois espèces de palétuviers : Avicennia marina, Rhizophora mucronata et Sonneratia alba. La première et la troisième espèces sont à pneumatophores, la deuxième est à racines échasses. Les Mangroves de Bimbini sont des milieux riches en biodiversité. Au niveau de la faune, on y trouve aussi bien des animaux marins (Dugong, Dauphins, Requins, Anguilles, Huîtres, Moules, Oursins, Holothuries, Crevettes, Crabes, Langoustes,….) que des animaux terrestres (Tourterelles, Turdus Bewsheri, StreptopeliaCapicola, NectarinaSuimanga, Lézards, Gecko, Tenrec).

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Au niveau de la flore, on y trouve bien sûr des plantes halophiles (Algues rouges, Algues vertes, Algues brunes…), des plantes de plage (Ipomeaprescaprae, flacourtiaramontri), des plantes typiquement terrestres (Minusopscomorensis, Cactus, Pandanus, Raphia, Terminaliacatapa…). L’intérêt écologique de cet écosystème est incontestable étant donné qu’il est la zone de frayère de très nombreux oiseaux. Les pneumatophores ont pour rôle la respiration et l’évacuation des pollutions pouvant affecter l’arbre. La mangrove est le poumon de nombreux écosystèmes aquatiques et marins. Il constitue aussi un lieu de nidification de nombreuses espèces de poissons et autres animaux marins. Les holothuries se nourrissent des déchets organiques nettoyant ainsi l’eau de mer et atténuant la prolifération des épidémies pendant que les Mollusques mangeuses de grandes étoiles de mer réduisent les dangers qui pèsent sur les récifs. Les tortues, en broutant les herbiers marins permettent une régénération rapide des plantes marines et leurs excréments sont aussi enrichissants pour le milieu marin. La mangrove est une protection pour la localité de Bimbini contre la force des mouvements de la mer (houles et vagues) et permet à la même localité des activités touristiques et halieutiques.

II .2 .3/ LES HERBIERS La flore marine des herbiers est intéressante et aussi écologiquement importante car elle sert entre autres de support à de nombreux organismes fixés (algues, hydraires, bryozoaires, ascidies) et de refuge à beaucoup d’espèces marines tels que des gastéropodes rampant sur les feuilles, des petits crustacés et des poissons tels que des labres, scares, signussp. , capitaines Lethrinidae nagent dans les frandes. Les herbiers servent de nourriture et sont directement consommés par des espèces marines herbivores comme les dugongs, les tortues vertes, certains oursins et de rares poissons Leptoscarussp. , Signussp. Les espèces marines appartenant au groupe trophique des détritivores se nourrissent de la grande quantité de matériel détritique et de matière organique provenant des herbiers. Ainsi les détritivores participent au remaniement des sédiments, au recyclage de la matière organique et à sa redistribution au sein des autres compartiments trophiques. La production primaire produite par les phanérogames et d’autres algues épiphytes est très importante. Les herbiers constituent des aires de reproduction, d’alevinage et de nurserie pour de nombreuses espèces marines et sont donc économiquement importants en matière de ressources. Les larves de nombreuses espèces marines sont donc économiquement importantes en matière de ressources. Les larves de nombreux organismes épibenthiques ainsi qu’une faune variée d’invertébrés se fixent sur la flore épiphyte, les rhizomes et les racines des phanérogames.

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Photo 19 : Herbiers à Pomoni Source : Photo personnelle, janvier 2011 Les herbiers de phanérogames aux Comores sont localisés au sein de lagons c'est- à-dire entre la côte et la partie émergeante du récif (platier). Dans ce milieu relativement calme se déposent les sédiments issus de la destruction du récif créant des fonds de sable blanc parsemés de fragments de coraux morts.

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Des courants parallèles à la côte peuvent être assez forts selon les marées au niveau des passes et au travers du platier. Cet habitat est aussi écologiquement important comme stabilisateur de la dynamique des côtes en consolidant les sédiments et en constituant une barrière naturelle contre les tempêtes et l’érosion marine. Les espèces les plus fréquentes de phanérogames observées sur les côtes comoriennes sont : Gracilaria, Jania, Lithotamunium, Padina, Ulva, Codium, Halimeda, Holodule, Halophylla, Porolithon, Thalassia, Zostera, Syringodium, Cymodicesp. , C. Ciliat ainsi que les algues brunes Turbinaria, Sargassum. On trouve aussi dans cette zone beaucoup d’algues dont certaines sont filamenteuses (turf alguae). Les herbiers sont le milieu d’élection de bivalves fouisseurs, de nacres pinnasp. , de juvéniles de plusieurs espèces de crustacés, d’un certain nombre d’échinodemes comme des holothuries surtout des apodes sp. , des oursins Echinothrixdiadema, Echinometramathaei, Tripneustesgratilla, Toxipneustespileolus dont les pédicellaire en cornets masquent de dangereux piquants, des ophiurides Ophiocoma, Ophiotrix aux longs bras s’agitant surtout la nuit ou dans les zones de forts courants et des astérides comme Astropectensp.. Les poissons les plus communs dans les herbiers sont les balistes picassoRhineacanthusaculeatus (surtout aleviçns), des Mullidaeparupaneusbarberinus, P. bifaciatus, P. macronema fouillant le sable avec leurs brbillons, des Scaridés comme Leptoscarusvaigensis, des CarinaeHalichoeresscapularis. Les fonds sableux peuvent être marqués de « ripple-marks » témoins de la force du courant et parsemés de tumuli crées par des entéropneustes et des vers bonnélides. Toutefois de nombreuses lacunes subsistent dans la connaissance de cette richesse présente aux Comores. Les superficies occupées par les herbiers semblent très réduites sur Ngazidja (sur le littoral nord allant de Mitsamihuli à l’îlot de Ndrudé) mais apparaissent plus importantes à Ndzouani, en particulier dans la région de Bimbini jusqu’à l’îlot de la salle et à Mwali. Il est intéressant de remarquer que pour Ndzouani et Mwali, ces herbiers, comme les espaces de mangroves, se situent préférentiellement sur les faces sud des îles. Ceci est à mettre en relation avec les régimes des vents, des courants et des houles. Par ailleurs la pluviométrie peut jouer un rôle important dans la superficie occupée par ces herbiers. L’existence d’une turbidité prolongée liée aux apports terrigènes provenant de l’érosion des sols peut les endommager durablement. Dans la zone côtière d’Anjouan, on ne parle pas vraiment de lagon. Toutefois, à certains endroits, à cause de la tendance à la subsidence de l’île, un écart assez sensible se dégage entre la cote proprement dite et la zone récifale corallienne. C’est ici que nous trouvons justement les herbiers (Photo 19) de phanérogames surtout. Dans ce milieu relativement calme, se déposent les sédiments issus de la destruction du récif créant des fonds de sable blanc parsemés de fragments de coraux morts. Des courants parallèles à la cote

64 peuvent être assez forts selon les marées au niveau des passes et au travers du platier. Les herbiers contribuent à la stabilisation de la dynamique des cotes et constitue une barrière naturelle contre les tempêtes et l’érosion marine.

II. 2 .4/ LES RECIFS CORALLIENS

Les conditions physico - chimique de l’eau de mer de l’île d’Anjouan répondent bien à celles qu’exigent la vie et la croissance du corail à savoir : - Une température de l’eau de mer toujours supérieure à 18°C. - Un taux de salinité compris entre 18 et 40 pour mille. - Une eau riche en oxygène et en matières nutritives. - Une eau moyennement agitée. - Un bon éclairement de l’eau et donc une absence de forts apports de vase. - Une base solide. Les récifs coralliens sont donc modelés par une grande diversité de conditions de milieu : substrats durs (rochers, crevasses, trous) substrat meubles (sables, vases, graviers), les facteurs conditionnant les masses d’eau (les courants, les marées, les remontées d’eau froide), les conditions physico-chimiques de l’eau (la lumière, la salinité, l’oxygène, la température, le taux de sédimentation, la turbidité), la productivité de l’eau et les chaînes trophiques et les interrelations particulières élaborées parmi les espèces. Les récifs coralliens des Comores restent très mal connus et ne sont pas encore cartographiés précisément. Du point de vue morphologique ils sont principalement de type frangeant avec des variations d’extension littorale autour de chaque île (environ 60% du littoral de Ngazidja, 80% pour Ndzouani et près de 100% pour Mwali) et une extension vers le large pouvant atteindre 3000 m. La superficie totale des platiers autour des trois îles est estimée à près de 11 000 ha. Concernant le domaine floristique et faunistique de l’écosystème récifal, on observe une grande diversité parmi les espèces associées : algues, spongiaires (éponges), cnidaires comprenant scyphozoaires (méduses), hydrozoaires (hydroides), alcyonaires regroupant gorgonaires (gorgone), pennatulaires, actinaires (anémones de mer), madréporaires ou scléractiniares (coraux), anthipathaires (comme le corail noir) et cérianthaires, mollusques regroupant les gastéropodes (dont les cones, burgaux, Cypraeasp. , Cassis sp. , Murex sp. , ), nudibranches, céphalopodes (pieuvres), bivalves (huîtres, pinnasp. , Cardium sp. , bénitiers, spondyles) scaphopodes, annélides (polychètes, oligochètes), échiuriens, et sipunculiens, arthropodes regroupant les pycogonides (araignées de mer), crustacés (crevettes, crabes, langoustes, squilles) bryozoaires et brachiopodes, échinodermes avec les crinoïdes (ou comatules), les astérides (étoiles de mer), les ophiurides, les échinides (oursins) et les holothurides (concombres de mer), hémichordés (entéropneustes), chordés sont présents en

65 grande diversité avec les ascidies, les reptiles (serpents de mer et tortues), les poissoins et les mammifères marins (dugongs, dauphins, orques, baleines). Les poissons que l’on rencontre le plus souvent dans les récifs coralliens sont des murénes, des poissons Synodontidae, demoiselles Dascyllus, Pomacentrus, papillons Chaétodonsp. , cardinaux Holocentridaé, Mullidaéparupaeneusbarberinus, p. bifasciatus, p. Macronemafoullant le sable avec leurs barbillons, des petits mérous Cephalopholis, Epinephelus et des raies Dasyatiskuhlii, Hypolophussephen. Les poissons fréquentant les trous et les chenaux du platier sont en général de petite taille ou des juvéniles : Jeunes mérous Epinephelus, Cephlopholis, cardinaux Holocentridae, poissons coffres, papillons Chaetodon se nourrissant des polypes de coraux, demoiselles pomancentridaeDascyllus, Chromis se réfugiant dans les coraux branchus à la moindre alerte, labres Gomphosuscaeruleus, chirugiensAcanthuruslineatus, A. guttatus, locornesNasco, capitaines, rougets jaunes et capucins parupaenus, boules tangues Dionon. Certaines espèces de poissons sont bien camouflées et dangereuses pour les plongeurs comme des ScorpaenideRhinopiasfrondosa, des rascasses pterois et des poissons pierres Synanceiaverrucosa. Dans certaines grottes ou passages abrités au travers des récifs, on trouve des requins dormeurs Triaenodonobesus. Du point de vue morpho-biologique, les récifs coralliens des Comores sont caractérisés par : • Des colonies coralliennes massives Favia, Favites (en nid d’abeilles), portes, • Des colonies encroûtantes et foliacées Turbinaria (grandes coupes), Echinopora, Montipora, • Des colonies branchues et tabulaires Acropora (en cornes de cerf), Pocillopora (verruqueux), pavona, • Des colonies méandreuses ou des coraux cerveaux platygyra, Leptoria. Les récifs coralliens sont considérés dans le milieu océanique tropical comme étant les écosystèmes les plus productifs au monde par la grande capacité d’adaptation du mode nutritionnel d’un certain nombre d’espèces dont notamment les coraux et par le recyclage rapide et très efficace des nutriments. Par ce fait, la production des récifs coralliens constitue un atout pour la pêche artisanale qui pourvoit actuellement à un apport protéique vital pour les Comoriens vivant dans une économie de subsistance où les autres sources protéiques sont rares. En matière de gestion et de protection des récifs coralliens, il est important de savoir que l’habitat est critique pour les nombreuses espèces ayant des niches écologiques très étroites et qui n’ont qu’une faible capacité d’adaptation en cas de destruction de l’habitat. De plus, le récif corallien joue un rôle très important comme refuge, réserve trophique pour une grande variété d’animaux marins ainsi que protection naturelle des côtes dans des îles tropicales. Les phénomènes

66 naturels sont souvent accélérés par les actions anthropiques et menacent les récifs coralliens. Il est souvent difficile de déterminer la part de la nature et celle de l’homme sur un même récif sauf dans le cas d’évènements catastrophiques (éruptions volcaniques, cyclones, tsunamis). À la différence des récifs de Mayotte qui forment une véritable barrière qui entoure l’île, les récifs d’Anjouan sont de type frangeant et sont absents ou peu développés dans certaines parties côtières. Dans l’ensemble, les récifs coralliens occupent environ 80% du littoral de l’île d’Anjouan. Par endroits, ils tendent à décoller du rivage, formant un petit lagon comme c’est le cas à Bimbini, à Sima et à Moya. C’est là une preuve de l’ancienneté de l’érosion et de la subsidence de l’île. Très érodés dans la plupart des zones côtières, les récifs coralliens sont relativement conservés dans la presqu’île de Sima où comme les mangroves, ils jouent un rôle écologique, économique (pêche), touristique et de protection du littoral. Comme pour le milieu physique, le milieu biologique de l’île qui constitue notre zone d’étude est assez diversifiée, même si il n’est pas assez étudié et connu. Cette diversification se retrouve aussi bien dans les zones des hauts et des bas que dans les zones côtières et marines, et elle concerne à la fois la faune, la flore et les écosystèmes

CONCLUSION

Par son climat tropical bi-saisonnier, par ses ressources en eau, ses montagnes et ses sols diversifiés, par la multitude de ses espèces de flore et de faune comme par la multitude de ses écosystèmes, on peut dire que l’Ile d’Anjouan n’est pas aussi pauvre que certains le prétendent. Le problème repose cependant sur la conservation de ces richesses ainsi que nous le verrons dans la troisième partie de notre travail. Auparavant, nous allons présenter aussi les différentes caractéristiques de la population de cette ile pour, après, mieux saisir ses liens avec l’environnement naturel.

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DEUXIEME PARTIE

UNE POPULATION CARACTERISTIQUE D’UN

PAYS SOUS -DEVELOPPE

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Une étude de la population d’un pays comme les Comores doit tenir compte d’une grande réalité : les Comores sont un pays sous développé. Dans ce pays, on retrouve presque toutes les caractéristiques humaines du monde sous-développé : une forte croissance démographique, une population surtout jeune et féminine, plus rurale qu’urbaine, un exode rural et des migrations internes et externes intenses. Nous sommes en présence d’un pays qui se trouve dans l’incapacité de satisfaire les besoins essentiels de sa population. Ces principales caractéristiques influent sur la gestion de l’Environnement naturel qui attire particulièrement notre attention dans cette étude.

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CHAPITRE III.

UNE POPULATION AUX ORIGINES ENCORE OBSCURES, A FORTE CROISSANCE DEMOGRAPHIQUE ET A STRUCTURES COMPLEXES

La diversité d’origines de peuplement, l’explosion démographique et les structures de la population de l’île d’Anjouan font partie des caractéristiques que nous devons connaître pour mieux analyser leurs liens avec l’environnement naturel.

I. LE PEUPLEMENT DE L’ILE D’ANJOUAN : DES ORIGINES OBSCURES

Carte 8 : Les origines des Premiers Comoriens Source : Atlas des Ressources côtières des Comores, 2002

70

Il n’existe pas encore d’éclairages précieux sur les premiers temps de l’histoire des Comores, faute de recherches archéologique, anthropologique et linguistique suffisantes. L’on sait cependant que l’étude de ce passé lointain ne peut se détacher du Contexte historique général de l’océan Indien, car, par sa situation géographique, l’archipel a dû avoir des rapports avec les Pays voisins. Ces dernières années, les archéologues ont cherché à dater, à situer et à comprendre. L’archéologie est dans notre région une manière de remonter aux origines en allant dans les profondeurs où ont vécu les ancêtres. L’étude de la littérature gréco-romaine permet de comprendre que les Comores ont eu des relations précoces avec les cités marchandes de la côte Est africaine. Il est possible qu’à cette date, les Comores ont servi d’escale à beaucoup de voyageurs qui se dirigeaient vers Madagascar (des arabes, des égyptiens et même des hébreux). Mais la question qui guide les historiens de notre région est celle des origines du peuplement. Jusqu’à très récemment, les recherches conduisaient à retenir trois périodes dans le peuplement de notre pays à savoir :

I.1LA PERIODE DEMBENI OU VILLAGEOISE(IX e –XI e siècle) On situe aujourd’hui le premier peuplement des Comores aux alentours de 850 après. Jésus christ. On pense que les premiers habitants venaient de la côte orientale d’Afrique à boutre qui auraient été conduits par des arabes. Il s’agirait de bantous. Ils s’organisaient en petites communautés villageoises de quelques centaines de personnes, vivant d’une économie de subsistance (riz, agrumes, cocotiers, bananiers, pêche, moutons, chèvres . . .). Les sites majeurs de cette période couvrent des superficies de l’ordre de 5 à 6 ha. De nombreux fragments d’argile cuite ou brûlée sont trouvés à Dembeni et à Sima. A Mbashilé et Mbeni furent découverts des squelettes allongés sur le dos et dont les têtes sont orientées vers le Sud. Ce sont des squelettes d’animaux proscrits par l’islam. Ceci tend à montrer que ces premiers habitants n’étaient pas musulmans.

I.2LA PERIODE HANYUNDRU (XII e –XIV e siècle) C’est la période arabo-chirazienne. Elle se caractérise d’abord par une augmentation des importations en provenance du proche et de l’Extrême orient, par une expansion démographique et la transformation de certains villages en villes. Une civilisation commerçante et urbaine (construction de maisons en pierres) apparait (villes de Sima et Domoni). De nombreux établissements humains le long des côtes à Anjouan surtout mais rien ne prouve que ces hameaux avaient des relations avec les villages et les villes. Les mosquées les plus remarquables de cette période sont celles de Domoni et Sima, elles dateraient du XII e- X III e – XIV e siècles. La faible dimension de ces mosquées (11

71 m sur 7 m) ainsi que leur petit nombre portent à croire que l’Islam n’était pas encore une religion de masse.

I.3 LA PERIODE MODERNE(XIV e –XVIII e siècle) Cette période se caractérise d’abord par une expansion des constructions en pierres et des villes par les arabo – Chiraziens. C’est aussi au cours de cette période que se sont réalisés les premiers contacts européens aux Comores. Les Portugais sont les premiers européens à avoir pris contact avec les Comores. L’on sait qu’au 15 es, le Portugal était très célèbre par ses voyageurs qui s’aventuraient un peu partout dans le reste du Monde. Il poursuit une expansion maritime et joue un grand rôle dans les voyages de découvertes. C’est l’âge d’or du Portugal. Si au départ, les Comores servaient seulement d’escale à ces aventuriers, au 16 e s, certains d’entre eux ont même tenté d’y fonder des établissements. A l’origine de cette présence portugaise nous avons la découverte en 1492 par Vasco de Gama de la « route des Indes » dont le Portugal gardera le monopole pendant un siècle. Les Hollandais, les Anglais et les Français ne vont pas tarder à suivre les Portugais. Comme pour les Portugais au départ, les Européens qui passaient par le canal de Mozambique en direction des Indes considéraient les Comores comme seulement des escales de rafraîchissement. L’île la plus souvent préférée est Anjouan car elle offre plus de facilités alors que à Mayotte la barrière corallienne rend difficile les accès, à Mohéli le bétail n’est pas abondant et à la Grande Comore, les eaux sont saumâtres. A Mutsamudu, le mouillage des bateaux ne pose pas de difficultés, l’eau douce est disponible ainsi que le riz et les bœufs parallèlement à ces premiers contacts européens, les Comores ont commencé à connaitre les Sultanats En 1886, la France instaure un protectorat aux Comores qui deviennent colonie française en 1912 rattachée au gouvernement de Madagascar. Il existe ainsi aux Comores, une diversité d’origines des habitants. Il est utile de préciser que dans la recherche des origines du peuplement des Comores, la coopération entre l’Université des Comores et l’Université de Dar-es-Salam semble apporter des fruits : après de nombreuses fouilles archéologiques réalisées au niveau des trois iles de l’Union des Comores par des Chercheurs Comoriens et Tanzaniens, des analyses d’ossements et de végétaux ont été faites en laboratoire en Suède. Celles-ci semblent confirmer la présence d’activités humaines aux Comores durant la préhistoire .Les mêmes travaux portent à croire qu’il ya eu des traces de l’islam aux Comores dès la fin du 7 ème siècle. Ces découvertes constituent un grand pas dans la connaissance de l’histoire ancienne des Comores.

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II. UNE EXPLOSION DEMOGRAPHIQUE A ce jour les Comores ont connu quatre (4) recensements complets en termes de Recensement Général de la Population et de l’Habitat (RGPH). Le premier a été fait en 1966, le deuxième en 1980, le troisième en 1991 et le dernier en 2003. Le RGPH de 2003 fournit une nouvelle source de données pour le planning et les projets de développement du pays. Une série d’analyses basée sur le RGPH de 2003 ont été faites dans différents domaines afin d’évaluer les niveaux et les tendances qui existaient en 2003. Parmi ces analyses, nous trouvons les suivantes : fécondité (Ahmed Djoumoi, 2007a), mortalité (Ahmed Djoumoi, 2007b), migration et urbanisation (Hachim, 2007), état et structure de la population (KassimMondoha, 2007), projections démographiques (Djumoi, 2007c), activités économiques (Mohamed Salim, 2007), éducation et alphabétisation (MatainAbdoulhafourou, 2007) et état matrimonial (BastoineMsoma, 2007). La population des Comores connaît une croissance soutenue : composée de 212298 personnes en 1966, elle passe à 335150 en 1980, à 446817 en 1991 et finalement à 575660 personnes en 2003. Malgré le fait que le taux d’accroissement total pour le pays en général et pour les îles individuellement, est sujet à une baisse entre les années 1980 et 2003, ce taux reste quand même assez élevé.

Populations annuelles Taux d’accroissement (%) Iles 1980 1991 2003 1980-1991 1991-2003 Mohéli 16536 24331 35751 3,6 3,3 Anjouan 135958 188953 243732 3 2,1 Grande 182656 233533 296177 2,3 2,0 Comore Union des 335150 446817 575660 2,7 2,1 Comores

Tableau 6 : Population et taux d’accroissement 1980, 1991 et 2003 Source : RGPH de 1991 et 2003

La lecture des tableaux 6 et 7 et du croquis 3 nous permet de comprendre rapidement que les Comores connaissent depuis les années 50 une sérieuse explosion démographique. Sur la base du rythme de Croissance observé sur ce tableau, Vérin et Battistini (1984) estimaient à 26 ans le temps de doublement de la population des Comores. Le BERRE pense que cette durée n’est que de 20 ans. Si ces estimations sont justes, les Comores doivent avoir maintenant une population qui tourne autour de 800.000 habitants.

73

Grande Année Mohéli Anjouan Mayotte Total Comores 1870 35. 000 6. 000 12. 000 11. 731 64. 731 1906 57. 685 4. 414 23. 978 9. 850 95. 928 1923 73. 390 4. 965 30. 675 13. 361 122. 391 1935 65. 118 5. 968 37. 054 15. 801 123. 941 1958 90. 790 7. 164 61. 815 23. 364 183. 133 1966 118. 924 9. 545 83. 829 32. 607 244. 905 1976 165555 15. 495 18. 792 46. 484 344. 326 1980 189. 128 18. 980 148. 034 52. 035 408. 177

Tableau 7 : Evaluation de la population des Comores Source : Géographie des Comores, 1984 (Battistini et Vérin)

250000

200000

150000

ANNEE NOMBRE D’HABITANTS 100000

50000

0 1870 1906 1923 1935 1958 1968 1976 1980 1985 1991 1998

Croquis 3 : Evaluation de la population d’Anjouan Sources : Battistini et Vérin (1984), Direction Nationale des Statistiques ,Moulaert (1998)

Pour expliquer cette forte augmentation de la population, nous devons avoir recours à la forte natalité et au recul de la mortalité.

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II 1. UNE FORTE NATALITE ILE RGPH 1980 RGPH 1991 RGPH 2003 MWALI - 45 39,9 NDZOUANI - 52 40,0 NGAZIDJA - 41 32,1 ENSEMBLE 46 46 35,6 URBAIN - - 33,0 RURAL - - 36,7

Tableau 8 : Taux brut de natalité pour mille aux Comores Source : RGPH, 2003

ILE RGPH 1980 RGPH 1991 RGPH 2003 MWALI - 7,1 6,1 NDZOUANI - 8,3 6,3 NGAZIDJA - 5,9 4,5 ENSEMBLE 7,1 6,8 5,3 URBAIN - 5,4 4,5 RURAL - 7,4 5,6

Tableau 9 : Nombre moyen d’enfants par femme aux Comores Source : RGPH, 2003

Malgré une légère baisse (cf. les deux précédents tableaux et celui de la fécondité qui suit), la natalité reste élevée aux Comores. Elle se situe autour de 4,5%, ce qui la situe parmi les plus élevées de la planète. Pour expliquer cette situation, nous avons des facteurs historiques, culturels et socio-économiques. 8 7 6 5 4 T.F

3

2 ANNEE

1

0 1960 1970 1980 1990 2000 2025

Croquis 4 : Evolution du taux de fécondité aux Comores Source : ACP Statistiques, 1994

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 Des facteurs historiques : Le problème de main d’œuvre qui se posait aux colons du 19 es et du temps de la colonisation àamené l’administration à encourager une politique nataliste. Pour réaliser cette forte natalité, des allocations spéciales étaient accordées aux salariés ayant de familles nombreuses.  Des facteurs culturels

Les mariages précoces sont un phénomène courant aux Comores : en 1996, l’Enquête Démographique et de Santé aux Comores (EDSC) montrait que 9% des femmes de 15 à 19 ans ont déjà commencé leur vie féconde : 7% avaient au moins un enfant et 2% étaient enceintes pour la première fois. Etant donné que nous sommes dans un pays musulman, le mariage constitue le cadre privilégie de la procréation. Sa précocité ne peut être dissociée du niveau d’instruction de la population. Les trois tableaux qui suivent sont très parlants dans ce domaine : Aucun Primaire Secondaire Non Déclarés Urbain 45,9 30,7 22,3 1,1 Rural 64,2 28,2 6,5 1,0

Tableau 10 : Niveau d’instruction des femmes âgés de 6 ans et + en % selon le Milieu de résidence pour l’ensemble du pays. Source : EDSC, 1996

Aucun Primaire Secondaire Non Déclarés Urbain 31,9 38,2 28,1 1,7 Rural 49,4 37,9 11,5 1,2

Tableau 11 : Niveau d’instruction des hommes âgés de 6 ans et + en % et selon le milieu de résidence pour l’ensemble du pays (RFIC) Source : EDSC, 1996

Homme et femme : aucun 46,9 Femme instruite, homme non 13,8 Homme instruit, Femme non 16,8 Homme et femme instruits 22,5 Total 100,0

Tableau 12 : Niveau d’instruction des couples en % aux Comores Source : EDSC, 1996 .

Faute de scolarisation et donc de capacité de comprendre ce qui se passe ailleurs, de nombreuses personnes ignorent ou hésitent à adopter les méthodes contraceptives et ce, malgré la vaste campagne de sensibilisation menée dans le pays. Le bas niveau de scolarisation a toujours été un facteur qui retarde la promotion d’une société. L’EDSC précise que :

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• 46,9 % des couples Comoriens n’ont aucun niveau d’instruction ; • 60 % des femmes n’ont aucune idée de l’existence d’une période féconde ou ne savent pas la situer correctement ; • 44 % des femmes et 48 % des hommes en Union n’ont aucune intention d’utiliser la contraception. C’est là bien sûr des aspects qui ne sont pas de nature à conduire à une réduction de la natalité.  Des facteurs sociaux Nous sommes en présence d’un pays où il n’existe aucun système généralisé de protection sociale. Par conséquent cette fonction est assurée par la famille. Dans un pays où le taux de mortalité infantile est élevé, avoir un petit nombre d’enfants, c’est prendre le risque de se trouver totalement démuni quand survient la maladie ou la vieillesse c'est-à- dire l’incapacité de gagner soi – même sa vie. De nombreuses naissances supposent à la fois la garantie qu’un nombre suffisant d’enfants survivront pour s’occuper des parents âgés ou invalides et l’espoir qu’un des enfants pourra apporter le mieux être à la famille. Aux Comores, l’enfant est donc bel et bien considéré comme une source de richesse, une garantie pour la vieillesse. Par ailleurs, à l’instar de nombreuses sociétés du Tiers Monde, ici, la valeur d’une personne peut dépendre du nombre d’enfants qu’elle possède.

II 2. UNE MORTALITE EN RECUL

Malgré une certaine baisse, le taux de mortalité, reste comparativement élevé. Avant 1991, la mortalité n’était estimée qu’au niveau national. Pendant la période 1980- 1991, l’espérance de vie à la naissance est passée de 54 ans à 56,5 ans pour l’ensemble des deux sexes. Par ailleurs le taux brut de mortalité est passé de 15,7 pour mille à 12,5 pour mille. En 2003, les estimations ont donné une espérance de vie à la naissance de 65,5 ans dans l'ensemble du pays. En d'autres termes, aux Comores, une personne peut espérer vivre en moyenne pendant 65,5 ans à partir de la naissance. Elle est de 69,2 ans à Mohéli, 66,8 ans à Anjouan et enfin 63,6 ans à Grande Comore. Pour l'ensemble du pays, l'espérance de vie des femmes s'élève à 66,9 ans contre 64,3 ans pour les hommes. Parmi les affections courantes et responsables de la mortalité aux Comores vers l’année 1991 sont : le paludisme (qui constitue l’un des cinq premières causes de morbidité et de mortalité générale), les affections respiratoires (qui constituent 18% des consultations pédiatriques et 10% des consultations en médecine générale), les maladies de la peau (qui représente 10% des consultations en pédiatrie et 7,28% en médecine générale), les maladies diarrhéiques (qui sont la troisième cause de mortalité infantile après le paludisme et les affections respiratoires aiguës), les MST et le SIDA (le taux de prévalence du sida en 1991 était de 0,6%). Comparée à la situation de la période coloniale, on peut dire que la situation sanitaire des Comores s’est

77 considérablement améliorée (cf. tableaux qui suivent). Cette amélioration doit bien sûr être attribuée aux progrès d e l’alimentation et de l’hygiène mais aussi aux changements intervenus dans le domaine de la médecine. Jusqu’à la veille de l’Indépendance, les infrastructures de santé et l’équipement médical comme le personnel laissaient à désirer. Aujourd’hui, toutes le s grandes villes du pays sont pourvues d’hôpitaux et de médecins.

ILE RGPH 1980 RGPH 1991 RGPH 2003 Tableau 13: Taux MWALI - 94 63,2 de NDZOUANI - 82 69,5 mortalité NGAZIDJA - 90 102,9 infantile ENSEMBLE 121,7 86,2 79,3 pour mille URBAIN - 57,4 65,3 Source : RURAL - 93,7 85,3 RGPH, 2003

Année T. M.I

1960 1970 1980 1990 2000 2025 170

147

120

99

79

35

1 2 3 4 5 6

Croquis 5: Evolution du taux de mortalité infantile pour 1000 aux Comores Source : ACP, statistiques.1994

78

Taux brut de natalité Taux brut de TAN mortalité 1958 4,57 3,34 2,23 1966 4,46 1,90 2,56 1980 4,50 1,70 2,80

Tableau 14 : Progression de l’accroissement naturel (pour 100 habitants) Source : Vérin et Battistini. 1984 Grande Anjouan Mayotte Mohéli Total Comores Hôpital 1 1 1 - 3 Hôpital rural 2 1 1 1 5 Centre Médical 1 1 - - 2 Maternité rurale 2 - - - 2 Poste Médical rural 5 20 10 10 10 0 Lit d’hôpital 296 150 120 46 612

Tableau 15 : Infrastructure de santé aux Comores en 1972 Source : Banque Mondiale, 1974

Ces dernières années, le Gouvernement a entrepris l’ouverture de nombreuses pharmacies autonomes (PNAC) qui mettent en vente des médicaments de bases à des prix accessibles pour une grande partie de la population. L’équipement à évolué, le personnel médical a numériquement augmenté. Ces progrès ne doivent pas nous faire oublier que les problèmes de santé sont encore énormes dans l’archipel.

II 3. UN TAUX D’ACCROISSEMENT NATUREL ELEVE Le résultat du recul de la mortalité et du maintien à un niveau élevé de la fécondité est l’augmentation rapide de la population sur un territoire assez petit. Depuis 1960, le taux moyen d’accroissement naturel de la population Comorienne n’a cessé d’augmenter passant de 1,4 % en 2,8 % en l’an 2000. Ce taux de croissance place les Comores parmi les pays qui ont les plus fortes croissances démographiques du Monde. Espérance de vie à la naissance ILES Masculin Féminin Ensemble Ecart MWALI 56.4 57.8 57.1 1.4 NDZUWANI 54.1 58.1 56.2 4.0 NGAZIDJA 56.8 57.3 57.3 0.5 PAYS 55.6 57.3 56.5 1.7

Tableau 16 : Espérance de vie à la naissance par sexe et par île / Source : RGPH, 2003

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L’espérance de vie était estimée par le FNUAP en 2000 à 57,4 pour les hommes et à 60,2 ans pour les femmes.

Année 1960 1970 1980 1990 2000 2025

T. M.A % 1,4 1,8 2,1 2,2 2,8 2,3

Tableau 17 : Evaluation du taux de moyen d’accroissement de la population (%) Comorienne. / Source : ACP, statistiques de base 1994 .

III. STUCTURES DE LA POPULATION ANJOUANAISE: UNE POPULATION SURTOUT JEUNE, FEMININE, VIVANT DU SECTEUR PRIMAIRE ET TRADITIONNELLEMENT HIERARCHISEE

III1. UNE POPULATION SURTOUT JEUNE ET FEMININE Tous les RGPH montrent que la population du pays est encore jeune. En 1991, la structure par âge indiquait une forte proportion d’enfants âgés de moins de 15 ans (45,6%) pour l’ensemble des Comores. Pour cette même année, dans l’île d’Anjouan, cette proportion représentait presque la moitié de la population (50,5%). De 1991 à 2003, même si au niveau national la population jeune augmente (de 45,6% à 46,1%) on constate une très légère baisse de la proportion de la population âgée de moins de 15 ans au niveau de Grande Comore (de 41,4% à 41,2%). Par contre il y a des augmentations en termes de la population jeune sur Anjouan (de 50,5% à 51,5%) et Mohéli (de 47,4% à 49,4%). En 1991, 45 % de la population Comorienne avait moins de 15 ans, 49 % avait entre 15 et 64 ans et seulement 6 % avait dépassé l’âge de 65 ans selon le recensement effectué la même année.En 1996, l’EDSC donne les chiffres suivants :

54 % de la population à moins de 15 ans 50 % de la population entre 15 et 64 ans 5 % de la population plus de 65 ans. Deux ans auparavant, A C P statistiques donnait les chiffres du tableau suivant : Année 0 – 14 ans 15 – 64 ans Plus de 65 ans 1960 44,2 52,6 3,3 1970 46,0 51,5 2,5 1980 48,0 49,3 2,6 1990 48,2 49,4 2,4 2000 48,3 49,4 2,3 2025 39,4 57,8 2,8

Tableau 18 : Evaluation de la structure par âge (%) aux Comores Source : ACP, statistiques 1994 .

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Croquis 6 : Pyramide des âges de la population d’Anjouan Source : RGPH, 2003

Malgré les quelques différences qui existent entre elles, toutes ces données ont une tendance commune : la population Comorienne est surtout jeune et donc sa pyramide est caractéristique de celle des pays du Tiers Monde c’est – à – dire à large base. Quant à la répartition par sexe, il faut dire que plus de 50 % de la population Comorienne est féminine. Alors qu’en 1980 la population féminine en âge de procréer (15 – 45 ans) était de 21,3 % de la population féminine totale, en 1991 elle représente 45,3 % de cette population des femmes.

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III 2. UNE POPULATION QUI VIT SURTOUT DU SECTEUR PRIMAIRE Malgré le caractère parcellaire des données des tableaux suivants, il n y aucun doute qu’une large majorité de la population active Comorienne vit du secteur primaire. Il ne peut en être autrement dans un pays dont l’industrie est embryonnaire, l’agriculture traditionnelle et le tertiaire peu développé. Depuis quelques années, le secteur quaternaire (Banques, Informatique . . .) fait une entrée timide aux Comores mais qui mérite une attention dans la répartition des activités de la population.

Evolution de la Pauvreté de 1995 à 2004 70 ,9

ani; 60 uw 60 dz N Mwali; 5 5,9 50 8,4 3 7,8 3 5,3 ani; 3 ; ali 40 a ; uw w dz M % N Ngazidja; 34,2 Nga zidj 30

20

10

0 1995 2004 Année

Croquis 7 : Evolution de la pauvreté aux Comores Source : RGPH 2003

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Encadré 2 ; Notion de pauvreté et situation globale aux Comores La pauvreté détermine la proportion des personnes qui vivent en dessous d’un revenu minimal acceptable permettant de mener une vie décente. Ce revenu minimal, connu sous le sigle de Seuil de Pauvreté était, selon le PNUD, de 285 144 FC par tête et par an pour l’ensemble de l’Union des Comores en 2004, avec des différences sensibles entre les iles, soit 285 144 FC pour la Grande-Comore, 217 287 FC pour Anjouan et 274 725 FC pour Mohéli. Les indicateurs de pauvreté sont généralement calculés à l’occasion des enquêtes sur le Budget et Consommation des Ménages. Aux Comores, il y a eu deux enquêtes de ce type, l’une en 1995 et l’autre en 2004. Selon les résultats de la dernière enquête, la pauvreté a baissé aux Comores au cours de la dernière décennie, passant de 47,3% des ménages en 1995 à 36,9% en 2004. Les résultats de ces deux enquêtes réalisés sur une intervalle de 11ans font ressortir en premier lieu une situation plus favorable des ménages dont le Chef est une femme comparativement à ceux dont le chef est un homme. En 1995, les ménages gérés par les femmes enregistraient un taux de pauvreté de 42,1% contre 49% pour ceux dont le chef est un homme. Cette tendance, confirmée par les résultats de 2004, montre que les ménages ayant des femmes comme chef ont un taux de Pauvreté de 30,4% contre 38,9% pour ceux gérés par les hommes. La pauvreté peut aussi être mesurée en partie à partir de l’IDH. Le développement n’est pas seulement l’accumulation de richesses et de revenus ; il est aussi le reflet des possibilités offertes aux hommes et aux femmes d’améliorer leurs conditions de vie et de satisfaire leurs besoins essentiels. La notion de pauvreté monétaire et de revenu par tête d’habitant s’avèrent insuffisantes pour mesurer le bien être d’un individu. La notion de développement humain traduit alors les possibilités offertes à chaque individu de pouvoir : Vivre longtemps et en bonne santé, Acquérir un savoir faire, Disposer de ressources nécessaires pour jouir d’un niveau de vie convenable. Le Développement humain est mesuré par l’Indice du Développement Humain (IDH) qui est un indice synthétique calculé à l’aide de trois autres indices qui sont: l’Indice de l’espérance de vie à la naissance, l’indice du niveau d’instruction, qui comprend le taux

83 d’alphabétisation des adultes et le taux brut de scolarisation combiné (primaire, secondaire et supérieur)

,l’Indice du PIB par habitant exprimé en dollars de parité de pouvoir d’achat (PPA) de manière à annuler le différentiel d’inflation entre les Etats-Unis et le pays considéré. Etabli de cette manière, l’IDH permet de comparer les niveaux de développement de tous les pays du monde. Ce qui permet de classer les Pays en trois catégories selon le niveau atteint par l’IDH. Les pays à niveau de développement humain élevé ont un IDH supérieur à 0.80. Les pays à niveau de développement moyen ont un IDH compris entre 0.50 et 0.80. Et les pays à niveau de développement faible disposent d’un IDH inférieur à 0.50.Le niveau du développement humain aux Comores tel que calculé annuellement par les Nations Unies a évolué positivement ces dernières années. Si l’on s’en tient aux données publiées, les Comores sont passées d’un indice d’IDH de 0.480 à 0.540, de 1980 à aujourd’hui. Les Comores sont passées ainsi du Groupe de Pays à niveau de développement faible au groupe de Pays à niveau de Développement moyen. Le Pays est classé au 132 ième rang mondial en 2003 sur 175 Pays ; en 1992, il était classé 139 ième . La progression continue de l’IDH aux Comores est le fruit des efforts soutenus et conjugués pour l’amélioration des conditions de vie de la population, et surtout des progrès enregistrées ces dernières années en matière d’éducation, de santé, et de réduction de l’incidence de la pauvreté. Le dernier rapport d’évaluation des objectifs du millénaire a qualifié d’encourageant les progrès réalisés par le Pays par rapport aux Objectifs du Millénaire pour le Développement, notamment en matière de réduction de la pauvreté d’ici à 2015, d’éducation primaire pour tous et de réduction de la mortalité des enfants de moins de 5 ans.L’évolution de l’IDH aux Comores montre une forte croissance de deux de ses principales composantes, durant ces dernières années, à savoir, le Taux Brut de Scolarisation Combiné (+20%) et le PIB réel en PPA (+22%). C’est ce qui explique le gain obtenu dans le classement mondial des Comores qui passent du 137 ième au 132 ième rang mondial entre 1998 et 2003.

D’autre part, la pauvreté humaine mesure les carences ou les manques observables dans les trois dimensions fondamentales du développement humain : la survie ou la probabilité de décéder à un âge relativement précoce (avant 40 ans), l’instruction en

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fonction du taux d’analphabétisme ,les conditions de vie décente, évaluées en pourcentage de la population privée d’accès à un point d’eau aménagé et le pourcentage de la population de moins de 5 ans souffrant d’une insuffisance pondérale.Suivant ces critères, l’indice de pauvreté humaine (IPH) est passé de 33% en 1998 à 31,2% en 2003. Ainsi la pauvreté humaine est en dessous de la pauvreté monétaire (36,9%) ; ceci signifie que les progrès réalisés dans l’amélioration des conditions sociales (Education, Santé, eau…) sont plus importants que ceux obtenus en termes de revenu Les Comores ont un revenu par habitant de l’ordre de 500$ par an. Le différentiel de niveau de vie entre les Comores et les Etats-Unis d’Amérique explique le montant relativement élevé du revenu par tête d’habitant exprimé en termes de Parité de Pouvoir d’Achat (1714 $ en 2003). Le revenu par tête d’habitant selon le sexe révèle une disparité des revenus en faveur des hommes qui ne s’explique pas forcément par des revenus élevés par tête d’homme mais plutôt par un effectif moins important de femmes ayant un emploi et un revenu. En effet, selon le recensement de 2003, 25% seulement des femmes étaient actives contre 46% d’hommes. Et seulement 15% d’entre elles avaient un emploi contre 37% des hommes. Il ne faut pas perdre de vue que la plupart des femmes comoriennes bénéficient en plus de leur revenu de travail, de l’assistance et/ou des transferts de fonds et biens de la part des oncles, frères et autres parents ; selon l’enquête budget consommation de 2004, les transferts de fonds en faveur de femmes étaient supérieurs à ceux destinés aux homme.

Préfecture Population Active Population % de la section 1 aire Domoni 10.260 54,2 Nyumakelé 13.492 77,1 Mutsamudu 22.059 44,4 Sima 9.105 68,9

Tableau 19 : Population active et % par âge des actifs occupés dans le secteur primaire à Anjouan. Source : RGHP, 1991.

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Les Trois Premiers emplois des Comoriens suivant le sexe

49% 50% 43% 40%

30% 21% 19% 20% 17% Hommes 8% Femmes 10%

0% Agriculteurs Artisans et Personnel de ouvriers service, vendeurs

Croquis 8 : Les principaux emplois aux Comores Source : RGPH 2003

Le secteur agricole emploie 80 % de la population active et fournit 41 % du produit International Brut.Si les conditions climatiques et pédologiques des Comores sont favorables aux activités agricoles, le principal obstacle repose sur l’exiguïté et le caractère montagneux de l’archipel. Il existe aux Comores au moins trois types de zones de cultures correspondant à trois systèmes de culture :

- Le système agro forestier

C’est en haute altitude que se trouvent des cultures vivrières (banane surtout) sous forêts naturelles et /ou des arbres fruitiers plantés le long des champs dans un système agrosylvopastoral.

- La monoculture de rente Ce système correspond aux zones basses (entre 200 et 500 m d’altitude) où les précipitations sont inférieures à 2000 mn. 4 principales cultures sont concernées ici : 86

Le Girofle (80 % de la production assurée par l’Indonésie) qui obéit à un cycle végétatif de 4 à 5 ans, L’ylang ylang dont les Comores sont le plus grand producteur mondial, La vanille dont les Comores sont le 2 e producteur mondial (derrière Madagascar) Le cocotier (le coprah) dont la production recule sensiblement. Très souvent, ces cultures de rente sont associées à des cultures vivrières avec un couvert arboré clair ou dense. - Les Cultures vivrières : Une large partie de la production vivrière des Comores est formée de produits qui ne sont pas échangeables sur le marché international : banane, tubercule, fruits, légumes. Le riz et le maïs qui constituent les seules céréales cultivées aux Comores ne suffisent même pas à la population locale et ont une production qui recule à cause des conditions pédologiques et orographiques du pays, peu favorables. Les plantes à tubercules (manioc, patate douce, taro, igname . . .) connaissent quelques améliorations avec l’introduction et la diffusion de variétés en provenance d’Afrique du Sud. La banane (le produit de l’agriculture locale le plus consommé) existe en grandes variété (17 variétés au moins) et sa plantation constitue souvent la phase préliminaire de la colonisation et de la destruction de la forêt. Les légumineuses à grain (Ambrevade, arachides, ambérique, voheme ) sont très répandues. La production fruitière (arbre à pain, manguier, goyavier, papayer, jaquier, corossolier, ananas, litchis, . . .) ne fait pas l’objet de soins et se présente souvent sous forme de cueillette. Dans toutes les Îles, le système arboré domine. Les agriculteurs diversifient les cultures pour protéger leurs productions contre les catastrophes naturelles et les vols et pour s’assurer des récoltes en permanence. L’agriculture Comorienne est avant tout une agriculture de subsistance malgré l’importance des cultures de rente. L’entretien du sol est fait au bâton et au couteau fouisseur. L’utilisation des fertilisants est rare sauf dans le maraîchage. La jachère est en voie de disparition. Malgré le très grand rôle social qu’il joue (Fêtes/mariages, revenus, fertilité du sol), l’élevage est, aux Comores, une activité secondaire de l’agriculture. Largement déficitaire (trop d’importations) il est secondaire à la fois par rapport à la production économique totale et par rapport où la production du secteur primaire. Cette activité peut se subdiviser en deux grandes catégories : • Un élevage traditionnel Il s’agit des ruminants (bœuf, mouton, chèvre, . . .) dont l’élevage se fait de trois manières : piquet mobile (le plus utilisé), piquet fixe et divagation (absent à

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Anjouan) Il s’agit aussi des volailles qui sont en divagation dans les villages et qui ne reçoivent aucun complément d’aliment. • Un élevage moderne avicole Cette aviculture (volailles) moderne intéresse des éleveurs autour des centres urbains. Le principal facteur qui limite le développement de l’élevage est l’insuffisance de l’alimentation : les ressources fourragères sont limitées car elles entrent en concurrence défavorable avec l’agriculture. L’agriculture apporte à l’élevage l’alimentation provenant de l’exploitation des haies vives et des résidus de récolte et des cultures de protection de sol ; l’élevage apporte à l’agriculture, dans certaines régions comme dans le Nyumakélé, l’amélioration de la fertilité du sol par le fumier. C’est une population qui vit également de pêche surtout artisanale. Il n’existe pas encore de pêche semi-industrielle, ni industrielle aux Comores. La professionnalisation de ce secteur est un phénomène relativement récent aux Comores et avant 1979, on dénombrait seulement quelques pêcheurs dont la pêche était la seule activité. Le reste était constitué de pêcheurs occasionnels pratiquant donc d’autres activités. En 1980, des contacts avec le Japon ont permis l’importation des moteurs, ce qui a permis un début de développement de la pêche artisanale. Même s’il ya encore un nombre très élevé d’embarcations traditionnelles, les embarcations motorisées connaissent une expansion rapide. Dans le but de réduire l’utilisation du bois et d’étendre le champ d’action des pêcheurs, des engins motorisés en fibre de verres sont introduits par divers projets dont la coopération japonaise et le FED. Leurs dimensions peuvent atteindre plus de 9 m de longueur et plus de 1 m 20 de largeur. Les moteurs utilisés vont de 5 à 80 CV. L’équipage va d’une à six personnes. On rencontre aux Comores, une grande variété de techniques dans le domaine de la pêche : • Collecte à la main ou dans des carrés de tissu (Chiromani) • Pêche à la dynamite • Utilisation de poison végétal (Téphrosia ou « uruva ») • Pêche de nuit aux lampes à pétrole (Pétromax) • Pêche à la nasse (« Dema ») • Pêche à filet • Pêche par piégeage en bassin de rétention (« Nyalyo ») • Pêche à la traîne • Pêche à la ligne de fond La motorisation des embarcations et l’installation des DCP ont augmenté de façon significative les prises.

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Malgré ces progrès, la pêche n’est pas encore considérée par les Comoriens comme une grande activité et les pêcheurs sont considérés comme une couche sociale marginale. S’il faudrait donner un aperçu des autres secteurs de l’économie, on dirait que nous sommes en présence d’un secteur industriel embryonnaire(un secteur industriel très faible qui ne contribue au Produit Intérieur Brut qu’a hauteur de 12% et qui est limité à l’agro .alimentaire (distillation d’essences de plantes à parfum, production de boissons, etc.) et au secteur du bâtiment qui progresse de façon sensible, facilité par la présence sur place de ressources en matériaux de construction qui comprennent les coraux, les sables, les graviers et galets, les pouzzolanes, les basaltes, les argiles, les bois et les végétaux. Il faut ajouter à cette liste, les productions artisanales (broderie, Poterie, bijouterie, menuiserie, vannerie, etc.). Nous sommes en présence aussi d’untourisme faiblement développé(Le pays connait un sérieux retard malgré des atouts considérables. Le tourisme ne représente que 2,2 % du Produit Intérieur Brut Comorien alors qu’aux Seychelles, il atteint plus de 17,8 % du Produit Intérieur Brut.

III 3. UNE SOCIETE TRADITIONNELLEMENT HIERARCHISEE : La société de Ndzouani est constituée de groupes organisés et hiérarchisés dont la connaissance est nécessaire si l’on veut trouver des solutions durables aux problèmes que nous étudions dans ce travail. Dans ce domaine précis, nous ne pouvons pas nous passer des nombreuses études menées par Sophie Blanchy, des études sur lesquelles nous nous sommes largement basés pour mieux comprendre la hiérarchie des groupes sociaux d’Anjouan. Il faut pour cela encore une fois revenir en arrière dans le temps, à l’époque de l’arrivée de diverses populations, prestigieuses ou humiliées, dont les habitants actuels sont les descendants. Après une période anté-islamique où régnaient les chefs Beja (avant le X III° siècle), il y eut des arrivées de populations dites chiraziennes ou plus globalement persanes (époque des chefs fani aux prénoms musulmans) et vers le XV° siècle, une deuxième vague importante a concerné des populations dites arabes qui instaurèrent le sultanat (sultanat unique à Anjouan alors qu’à la Grande Comore il y en a eu finalement sept). L’islam qu’importaient ces arrivants se répandait très lentement dans certaines couches de la population, et restait la religion de la classe supérieure. Ces populations sémitiques de l’Asie du sud – ouest (péninsule arabique, Irak, provinces iraniennes du Golfe persique) s’étaient largement métissées avec les bantous de la côte orientale d’Afrique, musulmane, aire de la civilisation swahilie avant d’arriver aux Comores. Dans ces vagues migratoires, les derniers arrivés sont toujours considérés comme étant plus arabes. Ils épousent les filles de chefs, ils règnent, auréolés du

89 prestige dû à leur origine et à leur religion, et ils réforment l’Islam local toujours relâché en apportant toujours plus d’orthodoxie. Ces « purs » apportent aux « tièdes » trouvés sur place les idées des cités d’Afrique de l’Est, grands foyers réligieux de l’Islam : la population reconnaît naturellement la domination intellectuelle, religieuse et politique, que leur imposent les derniers arrivés ; « et comme dans l’Islam tout est lié, que la vie matérielle est subordonnée à la vie religieuse, la domination est aussi juridique (imposition du droit musulman, des règles concernant la famille, les terres), militaire (qui découle du politique) et économique (un croyant ne saurait avoir une situation économique inférieure à un païen) ». Ces structures ont persisté jusqu’à nos jours : l’autorité des cheiks des confréries, des imams des mosquées, des fundi des écoles coraniques est sans conteste et respectueusement admise ; il ya à Anjouan une classe noble constituée des plus anciennes familles où règne une certaine endogamie de classe ; les cités sont divisées en quartiers où les nobles et les demi-nobles ont un plan défini, fréquentent de préférence telle ou telle mosquée ; les terres de cultures de l’ouest d’Anjouan que les sociétés coloniales ne se sont pas appropriées dans la première moitié du siècle sont inégalement partagées à l’avantage des citadins nobles ; les ministres du culte, les maîtres des écoles traditionnelles, sont de préférence d’extraction noble ou alliés à des familles nobles. A Ndzouani le lignage paternel (Kabila) est le plus important et sert d’axe pour la transmission du statut social, contrairement à Ngazidja (et même à Mwali) où le lignage maternel a la prééminence. Ici nous trouvons :  L’ordre supérieur . Ainsi, l’ensemble des lignages nobles d’origine « arabe » (Kabila) forme la classe kabaila. Au départ les nobles parlaient arabe et avaient des serviteurs africains, qu’ils logeaient hors des murs de la ville : les choses étaient tranchées. Ils habitaient dans de vastes demeures au cœur de la ville de pierres, et avaient des terres. Ils se mariaient entre eux, et portaient le nom de princes. Ils étaient plus ou moins riches, il y avait des différences internes. Cet ordre de la noblesse était le plus élevé puisqu’il avait le contrôle politique, militaire, économique et culturel-religieux. Les titres réligieux ne dépendent certes pas de la noblesse, mais de l’instruction. Mais à cause de l’effet cumulatif énoncé plus haut, les nobles ont la plupart du temps détenu les fonctions de scheik (notable réligieux). Leur pouvoir politique et économique s’appuyait bien sûr sur la possession de terres, dans une économie non ou très peu monétarisée. L’instauration à la fin du XIX° siècle de l’économie de plantation et la prise des terres par les « domaines » ont porté un coup à cet ancien ordre : les nobles sont devenus fonctionnaires (grâce à leur niveau culturel) ou paysans.

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Malgré tous les grands changements du XX° siècle, actuellement encore, le fait d’être noble, parce qu’il favorise l’accumulation des différents capitaux, favorise l’accès aux postes politiques et administratifs (légitimité de leur position).

 L’ordre inférieur . Il est constitué au départ par les serviteurs, dits à tort « esclaves » car dans le fonctionnement des relations sociales, ils n’avaient pas un statut aussi ingrat. Ceux qui ont été introduits au XIX° siècle et qui travaillaient dans les maisons comme domestiques ou sur les terres comme ouvriers agricoles étaient désignés par le nom de leur ethnie présumée : les Makwa, ou par le terme signifiant employé, serviteur, esclaves si l’on veut : Mrumwa. Il n’y a plus actuellement d’esclaves ou de serviteurs dont les activités appartiennent complètement à un maître. Certaines pratiques sociales peuvent s’en rapprocher, moins dans un esprit d’asservissement que pour utiliser une main d’œuvre bon marché, nourrie et logée, voire éduquée : dans des maisons nobles ou en tous cas citadines, il arrive que l’on prenne des enfants de la brousse, qui sont élevés à la maison, nourris et envoyés à l’école, et qui en contrepartie sont corvéables, à la discrétion des habitants de la maison. Pour ces enfants, qui, de toutes les façons, auraient accompli un grand nombre de tâches dans leur famille et leur village, il peut s’agir d’une promotion, dans la mesure où on les scolarise. Ceci se fait aussi à Ngazidja. C’est un constat qu’une hiérarchie sociale tranchée existe entre les familles nobles urbaines et les familles pauvres paysannes : une telle pratique conforte cet ordre social mais entretient aussi les relations personnelles, de style familial, de dépendance et de prise en charge, entre les uns et les autres.  L’ordre intermédiaire. A Anjouan, il concerne ceux qui ne sont pas nobles, et qui ne sont pas esclaves. On appelle Wamatsaha, les paysans libres, qu’ils soient ou non petits propriétaires. Ils sont supposés être les premiers occupants de l’île, ceux que les arrivants « arabes » ont trouvés et convertis à l’Islam. L’islam les a touchés progressivement, leurs enfants n’ont été scolarisés à l’école coranique que très lentement. Un grand nombre de pratiques magico-réligieuses de style animiste sont encore en vigueur parmi eux, notamment des fêtes agraires pour le renouveau annuel et le prochain ensemencement de la terre. C’est dans ces anciennes familles de gens libres (mais pauvres) des plateaux d’Anjouan qu’on peut trouver des lignages de Walimu, devins guérisseurs, connus et respectés pour leur savoir.

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Un début de changement arrive au début du vingtième siècle. Le protectorat fut déclaré en 1887 et en 1912 l’île d’Anjouan fut annexée à la France. La moitié des terres cultivables furent aussitôt occupées par des colons et des sociétés de plantation. Les nouveaux circuits commerciaux européens firent péricliter le commerce par boutre avec l’Inde et l’Afrique. Les nobles lettrés furent réduits à des rôles subalternes dans les bureaux administratifs. Les anciens propriétaires devinrent souvent employés dans les sociétés de plantation. Il n’y eut que les propriétaires de l’ouest, intact, qui restèrent les maîtres de leurs terres en droit coranique. Les Wamatsaha et Makwa des hauts, vivant dans des villages situés sur les nouveaux domaines, furent contraints d’y travailler. La société noble des villes, dépossédée, se replia sur la religion, intouchée. Les demi-nobles, certains Wamatsaha, les groupes de pêcheurs, les artisans des cités connurent alors une certaine promotion due à la monétarisation de l’économie et à l’abolition de l’ordre ancien et de ses rapports de dépendance interpersonnels. Ce phénomène de monétarisation fut par contre très défavorable aux anciens riches, dont les revenus en nature ne leur permettaient pas d’acquérir les nouveaux produits importés accessibles grâce à l’argent : à partir de ce moment là, leur train de vie baissa. Pour avoir de l’argent, ils réalisèrent leur capital en vendant aux Wamatsaha des morceaux de leurs terres : ce transfert du capital foncier est une deuxième étape importante dans cette période de bouleversement en profondeur de l’ancienne société. Ils étaient poussés par la nécessité de continuer à donner de grandes fêtes prestigieuses, qui anciennement marquaient et confortaient leur rang, et qui étaient précisément possibles grâce à leur pourvoir politico-économique. On constate alors l’émergence d’une classe moyenne, composée des Wamatsaha qui plantent des cultures « riches », cultures de rente rémunératrices, des commerçants, favorisés par la circulation de l’argent, ainsi que les artisans ; des fonctionnaires et des employés non nobles, qui perçoivent un salaire. Aujourd‘hui, on peut dire que la société anjouanaise se présente de la manière suivante : La structure sociale des villes et de certains gros villages est caractérisée par l’apparition de la classe des nouveaux riches, qui sont désignés par le terme kabaila (noble), au sens de « classe supérieure », comme un constat de fait, non légitimé par une haute naissance. Ces nouveaux kabaila doivent leur position à l’argent et à une carrière publique qui les mène dans l’administration, parfois dans la politique. Les nobles de naissance subsistent, leur groupe social est situé spatialement dans les anciens quartiers de pierres des vieilles villes : à

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Mutsamudu, ce sont les quartiers de Hamumbu et Mjihari (partie haute, la partie basse étant le quartier traditionnel des pêcheurs, classe inférieure). Si beaucoup de ces nobles se sont appauvris, on l’a vu, au cours de l’histoire récente, les liens familiaux les attachent toujours à quelque parent plus florissant. Celui– ci, pour ne pas non plus ternir le prestige de la famille, du lignage, se doit de les aider en les employant dans ses affaires. Si un grand mariage est prévu chez des membres d’une branche pauvre de la famille noble, ils reçoivent l’aide des parents plus aisés. L’honneur, comme la honte, est familial. Ces branches pauvres ne répugnent plus, à l’heure qu’il est, à accepter pour leur fille un conjoint d’une famille roturière mais riche, ce qui permet au jeune couple et aux parents d’améliorer leur condition économique. Par opposition, les Wamatsaha, ancien groupe libre rural, sont déconsidérés par les gens des villes comme un groupe paysan donc frustre et rustre, « ceux qui se promènent avec un régime de bananes sur l’épaule ». Le fait est que, pressés par les nécessités de la survie quotidienne, nombre de paysans pauvres ne peuvent s’adonner aux finesses de la vie urbaine (qui existent dans la vie traditionnelle aussi bien que moderne). Ils sont moins scolarisés (en quantité et en qualité et niveaux), et ont un niveau de vie bas à cause du manque de terres caractéristique d’Anjouan. Dans les faubourgs des villes se forment donc des quartiers d’immigrés ruraux venus tenter leur chance sur un marché du travail qui leur semble plus diversifié. Dans les villages, les « riches »sont ceux qui, possédant des terres, sont aussi employés et perçoivent un salaire. Employant eux-mêmes des paysans sans terres à cultiver leurs champs, ils disposent de leur nourriture et d’argent supplémentaire pour d’autres investissements, notamment les constructions de maisons pour les filles à marier, qu’ils peuvent alors réaliser en dur. Les constructions sont aux Comores les véritables signes extérieurs de richesse, l’indice par lequel on évalue la fortune non d’un individu, mais d’une famille, car l’entreprise d’une telle action est toujours familiale. Les employés agricoles sont rémunérés ou bien reçoivent une partie des fruits des champs. Actuellement les nouvelles valeurs sont le titre et le statut économique. On voit le rôle important de l’éducation qui est une clé soit pour accéder à un poste salarie, soit pour faire prospérer une affaire commerciale privée, familiale. On entend dire actuellement que, en trois générations, ces groupes sociaux se sont définitivement imbriqués les uns dans les autres ; on trouve un très grand nombre d’individus aux origines mixtes, variées, dont ils peuvent ou non se réclamer. Ces assertions, en partie vraies pour un bloc central de la population, démontrent surtout une volonté de se référer désormais aux valeurs nouvelles, école, argent et de délaisser l’ordre arbitraire et injuste imposé par la naissance et les anciens rapports de force.

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Il est vrai que beaucoup d’hommes des lignées nobles ont eu des enfants de femmes de la brousse (enfants laissés en brousse chez leur mère) et de femmes d’origine servile (mais, tout noir que l’on est en ce cas, on appartient au Kabila de son père). Kabaila, mungwana et matsaha ont désormais un sens moins strict. Kabaila désigne la «super classe », la bourgeoisie commerçante et intellectuelle (salariés, cadres administratifs et politiques), une classe qui, on l’a dit, a quand même beaucoup recruté, mais pas entièrement, chez les nobles de naissance. Mungwana a pris un sens plus moral : c’est « l’honnête homme », le terme évoque la dignité du citoyen qui remplit ses devoirs sociaux et réligieux, et se fait estimer des autres. Matsaha évoque par contre la rusticité de la vie rurale. Le mot Matsaha évoque le dénuement de la vie à la campagne dans les régions pauvres comme le Nyumakelé. Les enfants de ces régions déshéritées ont plus de chances de s’en sortir s’ils viennent vivre en ville. C’est pourquoi enfin, dans les trois îles également, l’homme qui a plusieurs épouses, une en ville et une en brousse par exemple, prend parfois ses enfants de brousse pour les mettre en ville chez la première épouse, afin de leur fournir un environnement socio- culturel plus propice à leur épanouissement. La brousse n’est pas un milieu stimulant. Ainsi à Anjouan, les gens du Nyumakelé viennent en ville à Domoni, ou Mutsamudu, pour trouver à manger et envoyer de l’argent à leur famille ; ils tombent aussi dans les pièges de la ville avec l’attrait des plaisirs faciles tels que la vidéo à 100 francs, qui diffuse des images et des informations souvent négatives (sexe, violence) à ces populations qui devraient au contraire être touchées par l’alphabétisation et la formation. Il faut en effet faire une place spéciale à la description d ’un nouveau groupe social ayant son rôle dans la dynamique de la société et de l’économie comorienne : ce sont les Comoriens qui ont fui la ville de Majunga où ils étaient installés, au moment des émeutes de 1977, qui ont coûté la vie à plusieurs de leurs concitoyens.

LE CAS DES SABENA ET DES ZANATANY

Le recensement de 1980, parlant de la répartition de la population selon le lieu de naissance et de résidence, notait les mouvements de populations inter-îles et entre l’archipel et Madagascar : 4,7% des habitants comoriens recensés à Ngazidja viennent de Madagascar (2,8% des habitants recensés à Anjouan et 2,6 % de ceux recensés à Mohéli). Les principaux motifs de migration sont ; les regroupements familiaux, la migration de retour des rescapés de Majunga, et la recherche d’un emploi. Ces rescapés constituent 29,2% des migrants. Qui sont les Sabena ? Des « refugiés », portant le nom de compagnie d’aviation belge, la Sabena, qui avait été appelée en urgence pour les évacuer.

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Les Sabena ne sont pas les seuls Comoriens à avoir vécu à Madagascar. D’autres l’ont fait avant eux, certains y sont encore (Majunga ,Ampanjaka, Nosy Be, Diego Suarez). Ces Comoriens entreprenants, qui sont partis avec leurs familles en profitant d’une conjoncture socio-économique particulière, sont parfois revenus au pays. Ce sont les « Zanatany », surnom malgache donné à tort aux comoriens car zanatany veut dire « enfant du pays » et désigne donc en principe les Malgaches eux-mêmes. En fait, les mouvements de population entre les Comores et Madagascar sont anciens, et se sont faits dans des conditions assez diverses (relations commerciales anciennes, puis guerres et razzias malgaches à la fin du XVIII° siècle-début XIX°). Dans les années 1880 les Comores devinrent successivement un protectorat puis en 1912 une colonie : rattachées à Madagascar, les îles furent prises dans le grand ensemble « Madagascar et dépendances ». Devenues une circonscription de la grande île, elles s’enfoncèrent dans un profond sommeil, se tournant vers la religion. C’est à Madagascar que de nombreuses structures de scolarisation et de formation furent mises en place par les autorités coloniales. On note chez les zanatany la particularité d’être bien mieux formés que les gens restés au pays. Les zanatany ont bénéficié à Madagascar des écoles de formation, école normale, écoles techniques, à une époque (1950-1970) où l’ensemble colonial de l’ouest de l’océan indien pouvait encore porter le nom de « Madagascar et dépendances ». Ce n’était plus vrai en fait dans la structure juridico-politique, aussi bien des Comores (TOM en 1946 avec Conseil Général et Assemblée territoriale), que de Madagascar (indépendante en 1960), mais c’était le résultat encore tangible de la situation ancienne. Les structures de formation aux Comores sont très récentes et encore très incomplètes. Les Zanatany, (familles comoriennes qui étaient installées à Diego Suarez et furent rapatriées chez elles par l’armée française quand celle-ci retira ses installations de Diégo), sont rentrés aux Comores dans des conditions normales, quand ils le voulaient, avec leurs biens meubles et leur fortune personnelle. Les Sabena sont rentrés en situation d’urgence, rescapés d’un massacre impressionnant, abandonnant sur place tout ce qu’ils possédaient. Accueillis dans un premier temps par leurs concitoyens dans toutes les maisons qui avaient de la place et qui furent pratiquement réquisitionnées, et partageant la vie de leurs hôtes obligés, ils ont ensuite regagné peu à peu leurs villes ou villages d’origine dans les îles. Ils devaient recommencer leur vie à zéro, et ont fait preuve, indéniablement, de beaucoup de courage et d’ingéniosité, tout en inquiétant les Comoriens stables qui ressentent leur présence et leurs entreprises comme une sorte d’intrusion, de bouleversement. Les femmes Sabena vendent (elles installent de petites cabanes au bord des grandes rues de la ville, elles vendent à la sauvette), elles font toutes sortes de métiers (personnel de maison) que les autres femmes comoriennes n’avaient

95 jamais osé faire. Aux Comores, pour une femme, seul le travail aux champs ou à la maison est traditionnellement reconnu.

Au terme de ce chapitre, s’il ya une caractéristique de la population de l’île d’Anjouan que nous ne devons pas perdre de vue, c’est d’abord sa croissance démographique rapide, la domination des jeunes, du secteur primaire et des traditions.

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CHAPITRE IV.

UNE POPULATION MOBILE ET INEGALEMENT REPARTIE DANS L’ESPACE

Très inégalement repartie dans l’espace, entre les villes et les villages, comme entre la zone côtière et les « hauts », la population de l’Ile d’Anjouan est mobile. Cette mobilité s’effectue aussi bien à l’intérieur de l’Ile, entre les Iles qu’entre le pays et l’étranger.

I. UNE INEGALE REPARTITION SPATIALE DE LA POPULATION

Aussi bien entre les îles qu’à l’intérieur de chaque île, il existe une inégale répartition de la population

I 1. ENTRE LES ILES

La densité du pays est exprimée en termes de l’effectif total de la population par rapport à la superficie de l’ensemble des îles. La densité de la population a augmenté entre 1980 à 2003. L’île avec la densité la plus élevée est Anjouan ; de 320,7 habitants au km 2 en 1980, la densité de la population est passée à 445,6 au km en 1991 ; en 2003 elle était 574,8 habitants au km 2. Si l’on considère la superficie des terres agricoles à la place de la superficie totale des îles, la densité de la population est encore plus élevée. Il est clair que cette situation fera pression sur le planning pour l’aménagement du territoire. Superficie Superficiea Densitéstotales des îles Densitésagricol 2 gricole es des îles totale (Km ) 2 (2003) (Km de 2003) 1980 1991 2003

Mohéli 290 276 57,0 83,9 123,3 129,5

Anjouan 424 406 320,7 445,6 574,8 600,3 Grande Comore 1147 1066 159,2 203,6 258,2 277,8 Comores 1861 1748 180,1 240,1 309,3 329,3

Tableau 20 : Evaluation nombre d’habitants au Km² Cultivable Source : FNUAP Comores, 2009. Tous les recensements effectués aux Comores confirment que la Grande Comore est l’île qui possède le plus d’habitants. Suivent ensuite Anjouan, Mayotte et enfin Mohéli. Avoir plus d’habitants ne signifie cependant pas être surpeuplé. Les densités de population varient sensiblement entre les îles :

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En 1976, la BIRD estimait qu’Anjouan avait une densité de 285 habitants au Km², Grande Comores 143, Mayotte 123 et Mohéli 59 . En 1991, on avait respectivement 446 (Anjouan), 228 (G C) et 115 (Mohéli) dans tous les cas, Anjouan est de loin l’île la plus densément peuplée. La densité de la population a augmenté entre 1980 à 2003. L’île avec la densité la plus élevée est Anjouan ; de 320,7 habitants au km 2 en 1980, la densité de la population est passée à 445,6 au km en 1991 ; en 2003 elle était 574,8 habitants au km 2. Il est clair que cette situation fera pression sur le planning pour l’aménagement du territoire.

I 2. ENTRE LES VILLES ET LES VILLAGES

Les Comores font partie des pays faiblement urbanisés du continent. Moins d’un tiers (27,9%) de la population vit dans les villes - un taux proche de la moyenne des pays du Sahel, mais faible par rapport aux pays de l’océan indien. Dans l’ensemble la population urbaine a fortement augmenté, elle est passée de 128 533 en 1991 à 160 862 en 2003 soit un accroissement durant cette période de plus de 25,1% ou un taux d’urbanisation annuel de 1,9%. Mohéli a la plus forte proportion de population urbaine avec plus de 54,8% alors que Grande Comore est l’île la plus rurale avec 24,1% de la population vivant en milieu urbain. Anjouan demeure aussi faiblement urbanisée avec une proportion de la population urbaine de 28,6%. Depuis 1980, on considère comme ville aux Comores, toute localité dont la population est supérieure ou égale à 5.000 habitants. En 1991, est considérée comme localité urbaine, toute localité pourvue d’au moins trois des équipements suivants : hôpital, bureau de poste, téléphone, électricité et eau moins 40% de la population active n’est pas dans le secteur primaire. La lecture des cartes qui suivent nous permet de mieux comprendre cette inégale répartition de la population entre les villes et les villages mais aussi dans l’espace d’une façon générale.

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Carte 9 : Répartition spatiale de la population à Anjouan par localités Source : Carte établie à partir des données du RGPH, 2003

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Carte 10 : Répartition spatiale de la population à Anjouan Source : Carte établie à partir des données du RGPH, 2003

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Carte 11: Localités de plus de 5 000 habitants en 1980 à Anjouan Source : Carte établie à partir des données du RGPH ,1980

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Carte 12: Localités de plus de 5 000 habitants en 1991 à Anjouan

Source : Carte établie à partir des données du RGPH ,1991

La pression démographique sur les terres arables, le bas niveau de développement économique et la pénurie conséquente d’opportunité d’emploi en milieu rural (exception faite des paysans agriculteurs) sont des motifs substantiels de migration des zones rurales vers les zones urbaines et entre les îles particulièrement de Ndzouani vers les autres îles. Le taux d’urbanisation est de ce fait élevé et enregistre une progression effective. L’absence de plan d’aménagement du territoire et de schéma d’aménagement urbain actualisé, le non respect des avis du Service de l’Urbanisme par la Commission chargée de l’attribution des permis de construire (législation portant sur le code de l’urbanisme et de l’habitat adoptée en 1987),

102 l’impossibilité de contrôler sur le terrain les constructions illégales (faute de moyens et de personnel qualifié) sont autant d’éléments qui concourent à la croissance anarchique des villes. Les conséquences sont : la spéculation foncière, l’occupation des terres marginales et écologiquement fragiles, la destruction de ressources naturelles, la population par la non – gestion de déchets solides et liquides, les problèmes de santé, la misère, la déscolarisation, Ainsi, la couverture végétale et la disponibilité en terres agricoles ont sensiblement diminué, réduisant de surcroît les superficies agricoles dans un pays majoritairement rural. Il n’existe que peu d’éléments pour évaluer quantitativement l’impact lié de cette urbanisation anarchique. Les investissements publics ne profitent généralement pas à la population pauvre des villes. Les difficultés de trouver des emplois, d’accéder aux services sociaux tels que l’enseignement et les soins sanitaires s’accompagnent d’un taux de natalité élevé (faute de contraception) et une mortalité infantile élevée parmi la population pauvre des villes. Dans les bidonvilles de certains secteurs urbains (où vit plus de 1/3 de la population), la plupart des habitants sont sans travail et vivent de « débrouillardise », sans emploi fixe, dans des cabanes de fortune construites à partir de bois de récupération. A l’instar des autres pays sous développés, aux Comores, la majorité des habitants vivent en milieu rural mais l’urbanisation progresse à un rythme très rapide. La pression démographique sur les terres arables, le faible niveau de développement économique et la pénurie d’emploi en milieu rural expliquent l’intensité des migrations aussi bien entre les îles (à partir d’Anjouan surtout) qu’entre les villages et les villes (exode rural).

II. UNE POPULATION MOBILE

II1. DES MIGRATIONS INTERNATIONALES L’émigration des comoriens vers l’île de Mayotte et vers la France s’est fortement accrue ces dernières années alors que l’immigration internationale a relativement diminué. Au cours du RGHP de 1980, la proportion des immigrants de la population totale résidente était de 4,5%, elle est passée à 3,1% en 1991 et à 2,4% en 2003. Selon le RGPH de 2003, les trois pays qui sont les principaux fournisseurs des immigrants des Comores sont Madagascar, l’île comorienne de Mayotte et la France. Ces trois pays ont fourni un effectif de 12569 immigrants soit un peu plus de 92,7% des immigrants qui sont entrés aux Comores. De ce chiffre, 73,9% des immigrants venaient de Madagascar, 13,0% de Mayotte et 5,8% de la France. C’est la Grande Comore qui reste jusqu’à présent l’île la plus attirante des

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Comores pour les immigrants. Il est à noter que la plupart des immigrants internationaux sont des ‘comoriens’ nés à Madagascar. En ce qui concerne l’émigration, la Grande Comore continue à être la principale île fournisseur d’émigrants des Comores, suivie par Anjouan. En 2003, la Grande Comore a fourni un effectif de 16 711 émigrants, soit 57,8% de l’ensemble d’émigrants comoriens, tandis qu’Anjouan a fourni un effectif d’émigrants de 11 585 soit une proportion de 40,0% de l’ensemble des émigrants comoriens. Mayotte accueille plus de la moitié des émigrants comoriens, soit 15 319 individus. C’est la destination favorite des émigrants d’Anjouan à hauteur de 85,7%. Aussi, un peu plus de la moitié des émigrants de Mohéli se dirigent vers l’île de Mayotte. Les principales raisons pouvant expliquer la forte émigration des Comoriens sont : la recherche d’emploi (44,1%), les études/formation (26,6%), la famille/mariage (17,8%) et la santé (7,1%). Les raisons de l’émigration semblent se différencier au niveau des îles, par exemple, 47,1% des émigrants d’Anjouan et 42,8% de Grande Comore ont quitté le pays pour la recherche d’emploi contre 24,1% pour Mohéli – la grande majorité des migrants de Mohéli sont partis pour des raisons de formation et d’études (36,6%). Avant l’indépendance, l’émigration compensait largement les effets de la croissance démographique. Jusqu’en 1980, le service des migrations estimait à présde 100000 le nombre de comoriens qui vivent hors de l’archipel, à Madagascar, en France et en Afrique orientale. Mais en 1977, on enregistrait déjà certaines migrations de retour en provenance de Madagascar .17000 Comoriens étaient rapatriés après les massacres perpétrés par des Malgaches à Majunga. A présent les seules sources dont on dispose pour étudier les migrations au Comores sont les recensements de 1980, 1991 et 2003. Le recensement de 1980 a révélé que l’émigration des Comores vers l’étranger devient de plus en plus faible .On assiste de plus en plus à des migrations de retour des Comoriens vers le pays natal : 29 ,2% des migrations ont fui Madagascar en 1977 lors des massacres de Majunga. D’après le service d’immigration, les entrées étaient un peu plus supérieures aux sorties jusqu’en 1982 .A partir de cette année, il y a un peu plus de sorties que d’entrées .Les migrations intra et inter-îles sont importantes, en grande partie vers Mwali. Lors du recensement de 1991, des questions ont été posées pour saisir les migrations inter-îles et internationales. Sur le plan national, au cours des cinq dernières années, le solde migratoire se traduit en termes d’émigration nette à 3262.Il y a plus de sorties que d’entrées .les hommes (2327) se déplacent plus que les femmes (935) vers l’étranger .Ce sont surtout les Comoriens de 20 à 40 ans qui migrent .Les raisons de ces déplacements sont entre autres la recherche d’un emploi et les études etc. Toutefois ces migrations paraissent faibles, et cela

104 fait penser à une sous-estimation des sorties compte tenu de la manière utilisée pour les appréhender Lors du recensement, on a demandé au chef de ménage s’il y eut des personnes qui ont quitté le ménage pour l’étranger à partir du 15 septembre 1980. Cette date n’a connu aucun événement particulier aux Comores. Il est difficile de se rappeler exactement toutes les sorties qui ont eu lieu dans le ménage, étant donné que la composition même du ménage peut avoir subi plusieurs changements (mariage, divorce, décès, migrations de certains à l’intérieur même des Comores etc.). L’immigration est saisie à travers le lieu de résidence antérieure. En somme, il y a lieu de constater que les migrations internationales qui étaient très intenses dans le temps, deviennent de plus en plus faibles. Les Comoriens se déplacent un peu plus entre les îles qu’à l’extérieur.

II 2. DES MIGRATIONS INTER –ILES

La migration inter-îles couvre les déplacements des migrants entre les trois îles (Mohéli, Anjouan, et Grande Comore). Le nombre des migrants inter- îles est le résultat d’un flux massif de sortants d’Anjouan vers les deux autres îles. Sur un effectif total de 17149 sortants, plus de 74% proviennent de l’île d’Anjouan. Même si cette proportion des sortants d’Anjouan reste encore très élevée, il est important de noter la diminution enregistrée entre le RGPH de 1991 et celui de 2003. Les soldes migratoires inter-îles sont résumés dans le tableau ci-dessous.

A l'intérieur du pays, ce sont probablement les facteurs suivants qui jouent un rôle stimulant ou dissuasif de la migration : la distance entre les régions et les moyens de communications et de transports qui existent. Les données disponibles montrent que les migrations intra et inter-îles sont très importantes.

Lieu de résidence au moment du Recensement Ile de naissance Grande Tableau 21 Mohéli Anjouan Comore Ensemble : Matrice Mohéli - -3 988 1 055 -2 933 des Anjouan 3 988 - 829 4 817 courants Grande Comore -1 055 -829 - -1 884 migratoires nets entre Solde Migratoire 2 933 -4 817 1 884 0 les îles « Migration durée de vie » Source : Hachim, 2007

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Carte 13 : Les migrations inter iles aux Comores

Source : Carte établie à partir des données du RGPH de 2003

L’émigration notamment d’hommes d’âges actifs et qualifiés vers d’autres pays d’Afrique Orientale a été forte, bien qu’elle semble avoir baissé ces derniers temps avec l’entrée en vigueur des lois plus strictes sur l’immigration dans les pays traditionnels d’accueil. Il est estimé que plus de 40 000 comoriens vivent en France (surtout Marseille) et environ 100 000 personnes à l’étranger. Dans le cadre de cette étude, nous souhaitons étudier un cas, celui qui concerne Mayotte qui est sous administration française et qui intéresse particulièrement les Anjouanais. Etant cadre, nous ne pouvons pas considérer cette ile comme non appartenant à l’Union des Comores même si elle reste encore sous administration française.

II 2.1. POURQUOI MAYOTTE INTERESSE LES ANJOUANAIS ? Par sa situation géographique, Mayotte est un carrefour de civilisations et de brassages des populations. La société mahoraise est qualifiée de «microcosme de l’Océan Indien occidental».

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Une approche archéologique a daté les premières populations au 9ème siècle. Jusqu’au 13ème siècle, le commerce se développe avec les autres îles du canal de Mozambique. La civilisation Swahili et l’islam venu de Perse et de la péninsule arabique, influencent profondément Mayotte. Les premiers européens, à la recherche de nouvelles routes vers l’Inde, découvriront, vers le 15ème siècle, l’archipel qui leur servira de point de ravitaillement et, plus tardivement, de “ dépôt à esclaves ”. Mayotte devient un territoire français en 1841 contre une somme dérisoire, le sultan malgache régnant alors sur l’île recherchant une puissance protectrice et la France, ayant perdu l’île de France (Maurice), un abri maritime sûr. Lors de l’abolition de l’esclavage, les seigneurs anjouanais et grand comoriens retournent dans leurs îles contribuant à associer à la France l’image de liberté. Le développement de plantations entraîne une grande vague d’immigration. En 1886, les trois îles de l’archipel des Comores sont placées sous l’autorité du gouverneur de Mayotte. L’ensemble comorien obtient en 1946 le statut de TOM. Lors de la consultation des populations des Comores sur l’indépendance en 1974, Mayotte refuse l’indépendance à 63,8 %. A nouveau en 1976, quand les Comores proclameront leur indépendance, Mayotte se prononcera à une écrasante majorité pour le maintien de l’île au sein de la République Française. L’île est érigée en collectivité territoriale à statut particulier jusqu’en 2001 où, suite à un nouveau référendum, Mayotte devient une collectivité départementale française18 avec transfert progressif du pouvoir exécutif vers le président du Conseil Général et des dispositions en faveur du développement économique, social et sanitaire. La République des Comores, constituée des trois autres îles de l’archipel, se caractérise par une instabilité politique (plus de vingt coups d’état en 25 ans) qui ruinera son économie.

Mayotte : un Solde migratoire toujours positif

La population mahoraise est issue d’un métissage entre les populations d’origine bantoue et les différentes vagues d’immigration, principalement malgache. Parmi les minorités présentes sur l’île, la communauté indienne occupe une place importante, particulièrement dans le secteur du commerce. Depuis les vingt dernières années, les arrivées sur le territoire ont plus que doublé (passant d’une moyenne annuelle de 2 000 personnes entre 1985 et 1991 à plus de 4 300 entre 1997 et 2002) mais les départs ont augmenté plus rapidement encore. • L’immigration L’accession à l’indépendance d’une partie de l’archipel n’a pas interrompu les mouvements traditionnels de population entre ses îles. Cette immigration a longtemps répondu aux besoins de travail saisonnier et d’échanges commerciaux et culturels, mais elle se développe à présent que les différences économiques se creusent entre les îles.

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En 1995, un visa d’entrée est imposé pour tout déplacement vers Mayotte, ce qui contribue à augmenter l’immigration clandestine en fixant sur l’île les comoriens qui, auparavant, circulaient librement entre les îles de l’archipel (et en provoquant des arrivées clandestines en bateaux de fortune quand, auparavant, ces transports avaient lieu librement au sus de tous). La main d’œuvre qui en résulte est bon marché, et favorise le maintien et le développement de pans entiers de l’économie mahoraise (pêche, agriculture, bâtiment, services à domicile). Les immigrés comoriens s’installent, fondent leur famille, scolarisent leur enfants. L’attractivité de Mayotte est importante en termes d’emploi, de situation sanitaire et de scolarisation. De surcroît, entre 1997 et 2001, les habitants des Comores, particulièrement ceux d’Anjouan, ont souffert d’une crise politique et institutionnelle sans précédent et d’une épidémie de choléra. Mayotte enregistre aussi, dans une moindre proportion, un mouvement de réfugiés en provenance de l’Afrique et notamment de la région des grands lacs. • L’émigration Alors que les départs compensaient un quart des arrivées entre 1985 et 1991, ils en compensent plus des quatre cinquièmes entre 1997 et 2002. Selon le vice rectorat de Mayotte, il y avait à peine 3 500 élèves et étudiants boursiers hors de Mayotte en 2002. Les départs de Mayotte concernent donc une autre population que les élèves et les étudiants, sans doute à l’image de la population mahoraise recensée en 1999 à La Réunion. Elle comptait beaucoup de jeunes et des femmes, avec un faible niveau scolaire et très peu de diplômes. Presque 86 % des actifs étaient au chômage. Loin de l’entraide qui a cours à Mayotte entre membres de la même famille, ces Mahorais de La Réunion vivent principalement des aides sociales. • Les conséquences des flux migratoires La première conséquence de ces flux migratoires est la stagnation de la population française à Mayotte. Celle-ci est passée de 103 000 individus en 1997 à 105 000 en 2002. Au recensement de 2002 les étrangers (réguliers et irréguliers) sont ainsi au nombre de 55 000 (dont 52 000 comoriens) soit le tiers de la population totale. Cette situation exceptionnelle où le tiers de la population est « étrangère », majoritairement en situation irrégulière est à l’origine de tensions dans l’île. La commission des lois a mis en place une mission parlementaire sur la question de l’immigration clandestine. Ce rapport fait un état des lieux de la situation et souligne le climat xénophobe dans lequel vivent, à Mayotte, les comoriens et à la Réunion, les Mahorais. Les politiques récentes de reconduites à la frontière avec objectifs chiffrés ont fait de Mayotte le territoire français record – et de loin - pour le nombre d’expulsions. Les méthodes policières de lutte contre l’immigration clandestine volontiers qualifiée de « fléau » ont renforcé ce climat.

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• Contexte économique Ces quinze dernières années les conditions de vie sur l’île de Mayotte se sont considérablement améliorées : électrification, desserte en eau, routes bitumées, maisons en dur, antennes paraboliques, téléphonie, augmentation des salaires mais aussi amélioration dans le domaine de la santé et de l’éducation… L’économie mahoraise est en période de transition avec un mode de fonctionnement à la fois traditionnel et moderne. Le mode traditionnel est encore basé sur l’agriculture de subsistance. Une grande partie de la population (60 % des ménages) vivent d’activités autour de la pêche, l’agriculture ou le petit commerce. Les principales cultures vivrières sont la banane et le manioc. Les deux principales cultures d’exportation sont la vanille et surtout l’ylang-ylang, mais leurs productions tendent à décliner. Bien que Mayotte ne soit pas encore une destination privilégiée, le tourisme commence à se développer. Il constitue l’un des secteurs essentiels de développement en termes d’emplois, bien qu’il reste lié à la capacité de l’aéroport et à la réduction des coûts de transport aérien dans cette zone géographique. L’économie demeure cependant très dépendante de la métropole : la croissance du pouvoir d’achat de la population est due en grande partie aux transferts d’argent public. Les exportations, limitées aux cultures de rente, couvrent seulement 1,9% de la valeur des importations. • Contexte social À la fois française et comorienne, la société traditionnelle de Mayotte, en mutation rapide, est l’objet de changements sociaux fondamentaux : affaiblissement des structures familiales, rupture entre les modes de vie d’une génération à l’autre, urbanisation massive avec l’exode rural des Mahorais et l’afflux urbain des immigrés en situation irrégulière. Avec un taux de chômage avoisinant les 26%, une quasi-absence d’indemnités de chômage, l’absence de certains minima sociaux (RMI, API,…) et un SMIG horaire dont le montant est fixé (depuis juillet 2007) à 69% du montant métropolitain, une proportion importante de la population vit dans des conditions précaires. • L’emploi En 2003, le nombre d’emplois s’élevait à 26300, la population active étant évaluée à 44 558 personnes. Le taux de chômage a été estimé à 25,4% en 2005 (en baisse sur les dernières années). Le secteur public est le premier employeur de l’île ; il cumule à lui seul 60% du total des emplois.

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II2.2. POURQUOI QUITTER ANJOUAN ?

En 2001, la République des Comores devient l’Union des Comores. Cette nouvelle entité fédérale est composée d’îles autonomes. Elle revendique l’appartenance de Mayotte au sein de l’Union. Etendue sur 1 833 km2, peuplée de 575 660 habitants, l’Union des Comores est un des pays les plus pauvres du monde. Son indice de développement humain (2003) est de 0,547 au 132èmè rang sur 175 pays. La situation économique est caractérisée par un secteur agricole peu productif (40% du PNB) et un secteur tertiaire hypertrophié (50% du PNB). Au total, 150 000 comoriens vivent hors du pays dont 60 à 100 000 en France, la majorité ayant conservé la nationalité française (à l’accession à l’indépendance en 1975, les Comoriens de France avaient deux ans pour choisir leur nationalité et, la grande majorité a choisi la nationalité française). Selon le recensement de Mayotte en 1991, 12 359 personnes nées aux Comores et vivaient à Mayotte, 77 % avec la nationalité comorienne. Les liens avec le pays d’origine sont excessivement étroits et nécessaires pour les Comores au point que, dans le contexte actuel de développement, « les Comores ne sont pas viables sans leur diaspora ». Les études portant sur le système de soins des Comores ont conclu à des structures sanitaires sous équipées et sous fréquentées. La crise politique (les retards de paiements des salariés entraînent une paralysie du système public) et la paupérisation entraîne le développement de stratégie de débrouille. Les formations sanitaires de Mayotte constituent une ressource potentielle et exploitée.

II 2.3. UN PARCOURS ADMINISTRATIF ET LEGAL COMPLEXE

Le déterminant fondamental qui différencie l’utilisation des services de soins à Mayotte est le statut légal des habitants . En effet, les personnes qui n’ont aucun document régularisé n’ont pas accès à la Sécurité sociale. Elles ne peuvent prétendre à aucun droit (en particulier ne peuvent exercer aucun emploi déclaré) et peuvent être reconduites à n’importe quel moment à Anjouan (quelle que soit leur île d’origine). Il en est de même pour les enfants nés à Mayotte de parents étrangers qui ont accès à l’école mais ne peuvent prétendre à aucun document de régularisation avant l’âge de 18 ans, ni leurs parents à aucune allocation ou assurance maladie pour ces enfants Il devra s’y rendre à 13 ans avec un parent ou seul à partir de 18 ans. Si l’enfant est né à l’étranger comme ses parents, il peut déposer une demande de titre de séjour pour liens personnels et familiaux. Si ses parents ne sont pas en situation régulière, il doit justifier de 10 ans de présence en continue (carnet de santé, certificat de scolarité, par exemple), en présentant le passeport du pays

110 d’origine et son certificat de naissance authentifié. Beaucoup de jeunes de 18 ans se voient opposés un refus de séjour. Concernant les liens familiaux, la situation est particulièrement complexe car nombre de familles sont constituées d’un parent français et d’un autre sans papier régulier. Ils sont généralement mariés sous une forme qui n’est pas reconnue comme légale : le mariage chez le cadi. Le mariage civil quant à lui, s’il est choisi, implique un examen des dossiers par le Procureur de la République et de pouvoir justifier de 4 années de vie commune. Le PACS n’est pas applicable à Mayotte. Lorsque le père est français et qu’il a reconnu son enfant, il peut prétendre à la demande d’accès à la Sécurité sociale pour son enfant, ce qui semble ne pas être fait systématiquement (dans nos entretiens certaines familles ne l’avaient pas fait). Pour ces personnes en situation irrégulière, différentes situations en lien avec la santé peuvent donner (en théorie du moins) la possibilité de séjourner sur l’île . Une personne en possession d’un certificat médical, peut le présenter afin de ne pas être reconduite à Anjouan, même si légalement ce n’est qu’une tolérance ; et /ou demander un titre de séjour pour raison familiale et de santé (Autorisation provisoire de séjour APS d’une durée de 6 mois à 1 an). La DASS examine le dossier suite à ce certificat médical réalisé par un médecin hospitalier, donne un avis qui est soumis ensuite à la préfecture pour la décision finale. Avec un tel titre de séjour pour raison personnelle et de santé (APS), une personne peut rester sur le territoire durant 6 mois renouvelable (sans autorisation de le quitter, ni autorisation d’exercer une activité professionnelle, ni autorisation de demander un titre d’identité républicain pour ses enfants Elle peut ensuite demander une carte de séjour d’un an à la fin de la validité de l’APS. Après un renouvellement de 6 mois, si la maladie est encore confirmée, les malades peuvent aussi bénéficier d’une carte de séjour d’un an renouvelable après examen du dossier. Une personne en possession d’un titre de séjour peut rester sur le territoire durant une année et demander le renouvellement de la carte chaque année, exercer une activité professionnelle si aucun français n’est qualifié ou n’a accepté d’exercer cette activité et si ce titre de séjour est spécifié « LPF » (Liens personnels et familiaux : un enfant majeur venu chez ses parents en situation régulière, peut, après examen de son dossier bénéficier éventuellement d’une carte de séjour pour liens personnels et familiaux) ou « carte salariée ». Elle peut demander une carte de résident au bout de 5 ans (qui n’est en aucun cas donnée systématiquement). Elle peut, enfin, bénéficier de la Sécurité sociale durant la durée de validité de sa carte de séjour. Une personne en possession d’une carte de résident peut rester sur le territoire durant 10 ans et demander son renouvellement, réaliser une activité professionnelle si aucun mahorais n’est qualifié ou n’a accepté d’exercer cette activité, bénéficier d’un « titre d’identité républicain » pour leur enfant avant 18

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ans, et bénéficier de la Sécurité sociale durant la durée de validité de la carte de séjour

II 3. DES MIGRATIONS INTRA-ILES

Pour illustrer ce type de migrations, nous allons étudier un cas, celui de Nyumakelé en général (et de la zone de Mramani en particulier) qui est la région la plus pauvre de l’ile.

II 3.1 POURQUOI QUITTER NYUMAKELE ?

A cette question, nous pouvons répondre que c’est parce qu’il s’agit d’une zone de forte natalité et très pauvre. Cet exode rural concerne essentiellement la région de Nyumakélé située dans le sud de l’île. Si toutes les régions de l’île sont menacées de surpeuplement, le cas du sud d’Anjouan reste le plus inquiétant. Ici, se concentre le tiers de la population d’Anjouan dans 25 villages. La densité dépasse les 1000 hab. / km². Par sa position géographique et son relief, le sud est la région la plus sèche de l’île. Elle est également la plus exposée aux cyclones dévastateurs. Ces conditions naturelles auxquelles s’ajoutent les impacts négatifs de la déforestation font de Nyumakélé une zone dont les activités agricoles et pastorales n’apportent presque rien. Les famines cycliques y sont courantes. Tout ceci contraint les gens de la partie sud de l'île à abandonner leur milieu, soit pour quelques temps, soit pour une durée indéterminée. Leur direction préférée est le nord où se trouvent les villes d’Ouani et Mutsamudu.

II 3.1.1/ UNE REGION A FORTE CROISSANCE DEMOGRAPHIQUE

Cette forte natalité que nous pouvons constater à partir des tableaux qui suivent est le résultat de plusieurs facteurs : - Socioculturels Comme dans la plupart des pays appartenant à la civilisation bantoue où l’enfant est désigné par le même nom commun de « Mwana », aux Comores l’enfant est à la fois un don de Dieu et le fruit du mariage. La procréation est la fonction principale de la sexualité et le mariage en constitue le moyen. La stérilité est donc vécue comme une tare et explique en partie les répudiations et la polygamie.

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Taux de croissance Effectif de la population démographique annuel moyen Localités RGPH RGPH Mise à 1980 1991 jour 1980- 1991 1991-1998

Chaouéni 499 674 868 2.77 3.7 Daji 1159 1664 2159 3.34 3.80 Ngamboimro 1183 1477 1866 2.04 3.42 Hadda 4487 6171 6562 2.94 0.89 Antsahé 572 734 1016 2.29 4.72 Bandrakouni 1621 1828 2816 1.1 5.28 M’rémani 2954 3501 5218 1.56 5.9 Mramani 2841 3188 4192 1.05 4.36 Ongojou 4163 6487 7282 4.11 2.65 1161 2628 3226 7.71 2.29 Total 20640 28352 35605 2.93 3.33

Tableau 22 : Taux de croissance démographique annuel moyen à Nyumakélé Source : District de santé de M’rémani

Dans la société , l’enfant est perçu comme un bien de la communauté. Celle-ci lui doit protection, éducation et affection. Dans la famille , l’enfant est donc source d’honneur et de prospérité. Il constitue également un investissement : Les filles, par la perspective du mariage ; les garçons, parce qu’ils sont le soutien financier de la famille. Objet d’une grande affection et de beaucoup d’attention, l’enfant mobilise toute la famille au sens large. La tradition veut qu’un « enfant n’appartienne pas à ses seuls géniteurs ». Chacun doit y veiller. Aux Comores, comme dans toutes les communautés musulmanes, la conception hors mariage est fermement condamnée par la société et les coupables sont considérées comme des femmes de petite vertu. S’il s’agit d’une jeune fille, son père et sa mère passent pour des parents indignes et sont couverts d’opprobre. La honte qui s’ensuit amène parfois certains parents à renier leur fille et à la chasser de la maison. Dans ce contexte, une jeune fille enceinte s’efforce, par tous les moyens d’interrompre la grossesse avant que cela ne se sache, y compris de ses propres parents. Il faut souligner ici que, afin d’éviter l’opprobre qui les guettent, certains parents qui découvrent l’état de leur fille les aident en sous main à se faire avorter.

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Localité Naissances enregistrés Décès enregistrés Différences observées Commu Etat Formation Commu Etat civil (1) nauté(2) civil (3) sanitaire nauté(5) (6) Naissance Décès (4) (7)=(2) - (8)=(2) (9)=5) - 3) -4) 6) Antsahi 13 6 0 11 7 3 1 Chaouéni 14 6 2 0 8 2 0 Ngnam- boimro 15 14 3 2 1 2 2 Mramani 41 12 3 16 14 9 8 2 Adda 111 42 5 22 69 106 22 Bandra- kouni 66 17 5 4 9 61 4 Dagi 23 34 3 6 11 20 6 M’rémani 59 28 13 13 1 46 13 Ongojou 79 50 30 9 29 49 9 Magnas- sini 56 21 2 8 35 54 8 Total 472 230 66 91 14 247 411 77 Tableau 23 : Naissances et décès à Nyumakélé Source : Observatoires de Collectes des Données de Population, Développement, Genre et Santé de la Production (O.C.D.P.D.G.S.R.) ; Direction de la Population et du Développement.

Même si les mœurs ont quelque peu évolué en la circonstance et que l’enfant illégitime n’est plus un « mwanaharamu » (enfant illégitime) demeure toujours, par essence, suspect et indexé dans la société comorienne. On lui attribue tous les défauts imaginables et on considère qu’il ne peut être qu’un individu exécrable, sans foi ni loi, et donc non fréquentable ; à tel point que cette expression fait partie des injures suprêmes pour un Comorien. Traiter quelqu’un de « mwanaharamu » ici, c’est lui marquer un mépris absolu et jeter l’anathème sur sa personne, ses parents, voire sa famille élargie et par conséquent, chacun évite d’avoir dans sa famille un enfant illégitime. Dans ce contexte, le simple fait de concevoir un enfant illégitime jette déjà l’opprobre dans la famille concerné. L’islam interdit strictement tout rapport sexuel hors mariage et des châtiments corporels sévères sont prévus pour punir les coupables. De même, emboîtant le pas à la charia, le Code Pénal Comorien prévoit des peines substantielles contre tout individu convaincu de fornication. Ainsi, tout rapport sexuel hors mariage est clandestin et est supposé, à priori, inexistant. Or une grossesse a le tort de révéler au grand jour et de façon irréfutable l’existence de cette relation coupable et donc de choquer la morale publique. L’envoi des filles à l’école était jusque dans les années 90 contesté dans les zones rurales. Seuls donc les parents qui avaient l’idée d’envoyer leurs enfants à

114 l’école, les enregistraient à leur naissance. Les filles sont donc les victimes d’une culture dépassée. Cet état de fait a une autre conséquence qui est le mariage précoce chez les filles, qui continuent à faire jusqu’à 11enfants et plus, avec un minimum de 6 enfants. Certes, cela relève de la tradition, qu’ « Une fille à l’école ça n’aboutit à rien ». Des interprétations coraniques de la part de certains croyants, ont aussi longtemps contribué à encourager cette politique nataliste. Ainsi, faire beaucoup d’enfants, c’est agrandir numériquement les adeptes du prophète Mahomet ; pour que ceux-ci l’emportent sur les infidèles ; qui doivent être inférieur numériquement. Ce qui est un acte de Jihad. On constate encore que la majorité des couples est composée de parents non ou pas suffisamment instruits. Par conséquent, ils accueillent mal les méthodes de contraception ou de planification familiale que les agents de la santé vulgarisent sans relâche. L’enfant est une source de richesse. C’est une forme d’assurance maladie pour les parents. Le mobile essentiel qui pousse les parents à avoir un nombre élevé d’enfants, c’est qu’ils songent toujours à la période de vulnérabilité, de vieillesse ou de mort. A ce sujet, plusieurs familles enquêtées nous ont témoigné que les enfants, c’est pour avoir des funérailles dignes de ce nom. Même si à première vue, cette expression semble être lancée à titre de blague ; mais au fond, c’est un motif qui travaille les gens à faire des enfants à la douzaine. En effet, lors des manifestations coutumières (Maoulid, Mariage), les parents éprouvent un sentiment de fierté lorsqu’ils voient leurs enfants affairés au bon déroulement et à la réussite de la dite manifestation. D’autre part, les femmes dont les maris pratiquent la polygamie se lancent un défi en nombre d’enfants. Ce qui fait que certaines femmes se donnent comme objectif à atteindre, avoir un enfant chaque année. Les paramètres qui expliquent ce boom démographique sont nombreux du côté social. On peut parler des foyers conjugaux des enfants de moins de 18 ans qui s’amplifient chaque jour dans les villages des zones rurales. Il ne se passe pas deux mois au plus tard, sans que des grossesses illégales et indésirables ne surprennent les familles. Sur ce, les facteurs sociaux s’associent à la forme de juridiction locale pour contribuer à exploser les naissances. - Economiques Pour beaucoup de ruraux, bien loin de constituer une charge, l’enfant est perçu comme un bien économique. Ceci est d’autant plus vrai, qu’au cours de nos enquêtes au sujet du foncier, des parents nous ont confié que la plus grande richesse d’une famille, ce sont les garçons.

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Par ailleurs, dans toutes les régions rurales, comme nous l’avons constaté, les dépenses liées aux enfants sont moins élevées que dans les régions urbaines. Dans notre zone d’étude on rencontre des enfants d’une famille qui, à eux seuls, constituent une véritable école coranique. Ceci s’éclaircit surtout, lorsque ces enfants sortent pour aller cultiver un champ. Là, leurs parents s’enorgueillissent d’avoir une main d’œuvre indépendante et complète. En réalité, c’est une incitation non négligeable au désir d’avoir des enfants, surtout dans des régions qui connaissent les disettes et les famines chroniques. En tout cas, pendant la période couveuse, c'est-à-dire, à la suite d’une naissance ; le père fait tout son possible pour que la famille arrive à manger au minimum trois fois par jour ; et cela durant quarante jours. De là, l’expression de ces femmes : c’est dure d’accoucher, mais après tout est là. - Historiques Le besoin de main d’œuvre qui se présentait aux colons du 19ème siècle et du temps de la colonisation, a amené l’administration coloniale à encourager l’accélération des naissances. Sur ce, des allocations spéciales ont été accordées aux salariés de familles nombreuses. La majorité de la population de la région a été imprégnée de cet aspect historique des enfants. Ce qui fait qu’aujourd’hui, il y a des familles qui continuent à faire des enfants en attendant patiemment qu’un jour les choses changeront. Notons qu’ici, il y a des gens très convaincus que la France s’intéresse à Anjouan, et par conséquent, elle viendra faire ici, ce qu’elle a fait de Mayotte. La proximité de la région de Nyumakelé avec l’île sœur de Mayotte fait qu’ici ; on n’écoute, on ne regarde que ce qui se passe à Mayotte. Bref, les effets historiques de la colonisation ont joué sur la mentalité de la dite population, et continuent encore à faire son chemin. Pendant ce temps, on assiste à UN RECUL DE LA MORTALITE C’est une évidence même si l’Etat civil de notre commune ne reçoit pas des déclarations de décès ; les enquêtes communautaires sont à mesure de nous fournir des renseignements la dessus. Aujourd’hui, la région possède le district de santé de M’rémani. On y rencontre une pharmacie à l’intérieur. Mais d’autres pharmacies privées existent aussi. On dénombre trois pharmacies qui permettent à la population d’accéder facilement aux médicaments de base. On y rencontre des techniciens de la santé qui sont à la disposition des habitants. Mieux, on trouve des médecins permanents, originaires de la région. A chaque fin de semaine, un agent de la santé circule dans les localités pour concrétiser la campagne de vaccination. Il administre aux bébés et aux enfants du BCG ou Bacille Calminte Guérin, du DTC ou Diphtérie Tétanos Coqueluche, du vaccin contre la rougeole, la poliomyélite, l’hépatite B…

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Si les mères guettent cette occasion pour ne pas la rater ; c’est qu’elles font des efforts pour lutter contre la mortalité infantile. On peut dire que c’est l’une desrares découvertes scientifiques qui soit comprise et embrassée par les habitants de la région. Nous sommes donc dans une région à forte croissance démographique . La quasi-totalité de cette population travaille dans le secteur primaire. Ici, le secteur primaire se caractérise par la pratique de l’agriculture, de l’élevage basé sur la pratique de la vache au piquet fixe. Le besoin en terre s’accroit dangereusement, et crée des conflits tout en accentuant la misère. Même si on commence à envoyer massivement les enfants à l’école, notons que le combat contre la pauvreté est loin d’être gagné.

II 3.1.2/ UNE REGION DONT LES CONDITIONS DE VIE DE LA POPULATION SONT DIFFICILES Jules Moquet, un colon installé dans la zone au temps de la colonisation va réussir en 1900 à acheter en pleine priorité, plusieurs milliers d’hectares dans la région de Nioumakelé à raison de 2000 Francs. Suite à la demande pressante des terres de la part de la population en pleine expansion démographique ; l’administration du protectorat projette de concéder aux indigènes sans terres, quelques hectares de terrains attribués à leurs villages sous forme de réserve en 1910. De cette distribution des terres, naîtra une difficulté et non la moindre. En effet, la dernière distribution n’a pas respecté les anciens droits fonciers des villageois. Sur ce, un village A se trouve octroyer des réserves qui appartenaient auparavant à un village B et vice versa. C’est l’une des explications sur les conflits incessants entre les villages depuis lors. Le rythme soutenu de la croissance démographique de la région alimente la prétention des terres agricoles, d’habitation ; mais aussi pour le besoin de la communauté. Ainsi, les problèmes nés de la distribution des terres et la croissance démographique sans frein aggravent le statut quo conflictuel du foncier dans une île exigüe comme Anjouan. Le cas de notre zone d’étude a empiré par l’importance numérique des villages de proximité.

Ainsi, nous répertorions :

- Des conflits inter-villageois : Ils sont dus à la procédure de distribution des réserves. Dans les localités M’rémani-Bandrakouni, comme on peut le voir à travers la précédente carte, la situation qui se présente est la suivante :

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Carte 14 : Les conflits fonciers dans le Sud de l’ile d’Anjouan Source : Enquêtes personnelles, juillet 2011

La ville de M’rémani a eu la mal chance d’être strictement délimitée au Nord par la rivière « Mrompingou », une grande vallée englobe Mro’ntsantsa, Mrompingou et ouyouni . Cette vallée empêche l’avancée de la population dans la partie Nord est. La poussée de la population de M’rémani se fait vers la direction Est ouest, et peu vers le Sud est. D’où le même finage pour les deux localités (M’rémani et Bandrakouni). Ce finage va alors s’étendre jusqu'au voisinage des habitations de Nkangani, un autre village de proximité. En somme, le territoire de la commune de M’rémani est inégalement partagé entre les deux sites qui manifestent implicitement leur mécontentement sur les activités exercées sur les terroirs culturels.

- Des conflits interfamiliaux : Jadis, lorsque les familles n’étaient pas nombreuses ; le besoin de terre était moins élevé. Les relations inter - familiales étaient très bonnes. Il existait une solidarité et une forte cohésion sociale entre les villageois.

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A cause de cette harmonie, il y a eu des alliances entre les villageois. Des alliances qui vont aboutir à des emprunts de terrains, soit à des fins agricoles, soit pour construire des logements. Cette situation aura persisté très longtemps. Mais, à partir du taux d’accroissement naturel grandissant, les prêteurs revendiquent le retour de leurs propriétés. Ce qui ne va pas se faire sans heurts, d’autant plus que des gens longtemps installés se croient avoir acquis des droits sur les dites propriétés. Le cas de Bandracouni est très explicite à ce sujet. Ici, la plupart des parcelles qui étaient empruntées sont vivifiées et restent objets de litiges aujourd’hui. On constate donc dans la région, un véritable système de vivification qui se confronte contre le droit de propriété. Ce qui engendre une réelle dépossession foncière qui crée à son tour, des conflits permanents. - Des conflits entre membres d’une même famille : Ces genres de difficultés naissent de la distribution des parcelles d’héritage. L’une des difficultés majeures repose sur le fait que des fois, les terrains à partager ne se localisent pas sur le même endroit. Un parent qui possède par exemple quatre petits terrains dans différents endroits aura toutes les peines du monde à les repartir entre ses enfants ; lorsque ces derniers ont leur préférence sur un seul et même terrain, sous prétexte que c’est le meilleur ou encore qu’il se localise près des zones habitables. On rencontre d’autres difficultés entre les membres d’une même famille, en ce qui concerne la délimitation des parcelles. Chacun revendiquant quelques mètres de plus entre les limites des parcelles. Ce qui peut déboucher sur une véritable guerre familiale. - Des conflits à l’intérieur de la communauté : Dans la région, on peut rencontrer des situations conflictuelles entre des particuliers et la communauté. En effet, des particuliers peuvent revendiquer des terrains communautaires, soit disant appartenant jadis à leurs familles par exemple. Ainsi, on peut dire que la croissance démographique, est génératrice dans la commune de M’rémani, de multiples conflits entre les familles, entre les localités, entre la communauté et les particuliers ; du fait qu’elle alimente de plus en plus les besoins en terres de cette population. Face à cette situation, une seule solution est souvent envisagée et mise en œuvre par les jeunes : quitter la zone, soit pour les centres urbains de l’Ile et notamment OUANI, DOMONI, et MUTSAMUDU, soit pour d’autres iles du pays.

Plus ruraux qu’urbains, les Anjouanais sont pratiquement les seuls Comoriens qui animent les migrations inter-îles des Comores. A la Grande Comore comme à Mohéli et à Mayotte, on trouve une forte communauté anjouanaise alors qu’à Anjouan la présence de Grands Comoriens, de Mohéliens

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et de Mahorais n’est pas remarquable. Cette présence massive des Anjouanais dans les autres Iles de l’archipel des Comores n’est pas le fruit du hasard ainsi que nous le verrons dans les autres parties de cette étude.

Le tableau qui suit nous donne des précisions sur ce sujet.

Mouvements naturels Mouvements migratoires Variation de Localité Naissance Décès Solde Entrées Sorties Solde la (1) (2) (3) naturel (5) (6) migratoire population (4)=(2)-(3) (7)=(5)-(6) (8)=(4) + (7) Antsahé 13 11 2 0 71 -71 -66 Chaouéni 14 0 14 0 13 -13 1 Ngam-boimro 15 2 13 0 65 -65 -52 Mramani 41 16 25 0 26 -26 -1 Hadda 111 22 89 3 95 -95 -3 Bandra-kouni 66 4 62 0 18 -18 44 Daji 23 5 17 0 16 -16 1 M’rémani 59 13 46 0 63 -63 -17 Ongojou 79 9 70 16 81 -65 5 Magnas-sini 56 8 48 14 95 -81 -33 Total 477 91 386 33 543 -510 -124 Tableau 24 :Mouvements migratoires à Nyumakélé Source : Observatoire de Collecte des Données de Population, Développement, Genre et Santé de la Reproduction. District de Santé 2001.

CONCLUSION Face à cette forte croissance démographique, le gouvernement des Comores a invité l’UNPFA à élaborer un document de projections démographiques qui permettrait d’envisager les impacts socio-démographiques et environnementaux pour la prise en compte de la croissance rapide de la population aux Comores, afin de fournir les informations nécessaires pour la planification des programmes nationaux dans un contexte de fragilité économique. Pour ces projections démographiques, la population de base de 2003 a été utilisée pour développer trois variantes : basse, moyenne et élevée, basée sur des hypothèses correspondantes de fécondité, de mortalité et de migration. Pour les projections démographiques des îles, seule la variante moyenne a été utilisée parce qu’elle est considérée comme étant la plus vraisemblable . Le résultat des projections démographiques montre que la population augmentera de 575660 en 2003 à 744959 en 2013 pour atteindre 1.098.306 en 2028. Les projections pour 2028 sont 1.029.203 pour la variante basse et 1.225.262 pour la variante élevée. Mohéli continuera à connaître les taux les plus élevés de croissance démographiques - de 3,3% en 2003, le taux ne baissera que légèrement pour passer à 3,08% en 2013 pour atteindre 2,48% en 2028. Entre 2003 et 2013, il y a

120 une augmentation dans la croissance démographique de Grande Comore et Anjouan mais cette tendance change à la baisse après 2013, néanmoins le taux de croissance reste un peu plus élevé que celui de 2003 : de 2,0% en 2003, le taux de croissance pour Grande Comore sera, d’après les projections, de 2.41% en 2028. Pour Anjouan, le taux passe de 2,12% en 2003 à 2,45% en 2028. Au niveau de l’Union des Comores, la croissance annuelle démographique est donc au-dessus de 2,0% : de 2,35% en 2003, elle grimpe à 2,67% en 2018 pour finir à 2,31% en 2028. A ce rythme, le temps de doublement de la population de l’Union des Comores est de 30 ans à partir de 2003. Dans les rapports de masculinité on retrouve les facteurs suivants : une espérance de vie plus longue pour les femmes et le maintien des tendances actuelles dans la migration pour les deux sexes. Les changements de la structure des âges de la population des Comores ont des conséquences profondes et importantes. A cause de la fécondité élevée, la population des Comores continuera à être une population jeune jusqu’en 2028 et après. Il est à noter que la structure des âges de la population indique essentiellement que la population comorienne va continuer à croître de façon considérable pendant encore plusieurs décennies. Les populations urbaines et rurales vont augmenter entre 2003 et 2028, mais la population rurale restera plus nombreuse. La croissance rapide de la population aux Comores va produire une augmentation de la densité de la population. Il ne fait aucun doute que la croissance continue de la population fera pression dans les milieux ruraux et urbains. Satisfaire aux besoins d’une population qui croît rapidement et répondre aux changements dans les modes de vie et dans les habitudes de consommation poseront des problèmes de taille surtout en ce qui concerne la préservation de l’environnement. La croissance de la main-d’œuvre peut générer un climat favorable pour la création de nombres de nouveau emplois mais l’augmentation globale dans le nombre d’emplois requis par l’économie du pays, sous-entend qu’une proportion moindre de la population pourra trouver un emploi productif. Alors que l’accroissement de la main-d’œuvre n’est en elle-même pas une chose indésirable, il est clair qu’une telle situation peut exacerber les problèmes qui existent déjà concernant le chômage et la pauvreté. Une croissance plus lente de la population crée le potentiel d’accélérer le rythme de croissance économique collectif. Malgré le fait que la croissance assez rapide de la population aux Comores ne permet pas des gains considérables au niveau des revenus par tête, le résultat des projections montre que le PIB par tête augmenterait plus rapidement en cas d’une baisse dans le niveau de fécondité. L’augmentation dans le nombre de personnes en âge d’aller à l’école pour le primaire et le secondaire suggère un plus grand nombre d’élèves inscrits, d’enseignants, d’écoles aussi bien que des niveaux plus élevés de dépenses pour

121 faire fonctionner le système scolaire. On peut s’attendre par exemple, à ce que les dépenses pour l’éducation primaire passent de 2.185.986.560 francs comorien en 2003 à 2.888.601.600 francs comorien en 2013 et à 5.666.981.888 francs comorien en 2028, en supposant que la monnaie du pays reste stable sur cette période de temps. Les indicateurs pour le secteur de la santé montrent qu’il sera nécessaire de prévoir considérablement plus de ressources afin de desservir les besoins d’une population grandissante. Il est projeté que les dépenses liées à la santé augmenteront de 1.802.621.696 francs comoriens en 2003 à 2.965.543.680 francs comoriens en 2028 en supposant toujours que la monnaie du pays ne change pas de valeur.

Même s’il existe encore dans le pays des terres qui pourraient être utilisées pour l’agriculture, la pression faite par la population grandissante aura pour conséquences une diminution des terres disponibles pour l’agriculture et moins de revenus provenant de l’agriculture. La tendance continue d’un niveau de croissance élevée de la population aux Comores restera une question importante à considérer dans les années à venir. Les effectifs de la population à l’avenir, la structure des âges, la distribution rurale et urbaine de la population, la densité de la population, la main-d’œuvre, etc., sont tous des facteurs qui affectent d’une façon ou d’une autre le développement du pays et ils constituent à la fois des défis aussi bien que des opportunités. Comment l’explosion démographique actuelle se traduit-elle au niveau des composantes naturelles de l’environnement de cette ile ? C’est la réponse à cette question qui va nous préoccuper dans la troisième partie de ce travail.

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