Le Mouvement Samoobrona Dans La Pologne Postcommuniste
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DES DIFFICULTÉS D'ENTRER EN POLITIQUE : LE MOUVEMENT SAMOOBRONA DANS LA POLOGNE POSTCOMMUNISTE Cédric Pellen Presses de Sciences Po | Critique internationale 2013/1 - N° 58 pages 133 à 152 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université libre de Bruxelles 164.15.69.100 10/02/2014 16h10. © Presses Sciences Po ISSN 1290-7839 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-critique-internationale-2013-1-page-133.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pellen Cédric, « Des difficultés d'entrer en politique : le mouvement Samoobrona dans la Pologne postcommuniste », Critique internationale, 2013/1 N° 58, p. 133-152. DOI : 10.3917/crii.058.0133 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Presses de Sciences Po. © Presses de Sciences Po. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université libre de Bruxelles 164.15.69.100 10/02/2014 16h10. © Presses Sciences Po 1 / 1 Des difficultés Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université libre de Bruxelles 164.15.69.100 10/02/2014 16h10. © Presses Sciences Po d’entrer en politique : le mouvement Samoobrona dans la Pologne postcommuniste par Cédric Pellen les premières années de la Troisième République polonaise1 sont caractérisées par une grande instabilité gouvernementale. Entre août 1989 et juillet 1992, ce ne sont pas moins de quatre responsables politiques qui se succèdent à la tête du gouvernement2. Investi le 10 juillet 1992 avec le soutien des principaux clubs parlementaires issus de l’ancien mouvement d’opposition Solidarité, le gouvernement dirigé par Hanna Suchocka est alors perçu par les observateurs de la vie politique polonaise comme suscep- tible de mettre fin à cette valse de dirigeants et de s’imposer dans la durée. 1. La Troisième République désigne le régime mis en place en Pologne après 1989 et marque une rupture symbolique avec la période communiste. D’abord informelle, l’appellation est officialisée par la nouvelle Constitution adoptée en 1997. 2. Tadeusz Mazowiecki, devenu le 20 août 1989 le premier Premier ministre « non communiste » du « Bloc de l’Est » depuis plus de quarante ans, démissionne en décembre 1990 après son échec à l’élection présidentielle. Son successeur, Jan Krzysztof Bielecki, démissionne en décembre 1991. Le gouvernement suivant, dirigé par Jan Olszewski, est renversé par la Diète en juin 1992, six mois à peine après son investiture. Waldemar Pawlak, quant à lui, ne réussit pas à s’assurer une majorité au Parlement et se retire le 7 juillet 1992, un mois après sa nomination. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université libre de Bruxelles 164.15.69.100 10/02/2014 16h10. © Presses Sciences Po CIn°58.indb 133 28/02/13 16:52 134 — Critique internationale n°58 – janvier-mars 2013 Il n’en est finalement rien. Devant faire face à l’émergence de mobilisations protestataires contre sa politique économique, la Premier ministre perd progressivement ses soutiens, notamment au sein du syndicat historique du mouvement Solidarité, le NSZZ « S »3. Le 28 mai 1993, dix mois à peine après sa formation, le gouvernement Suchocka est à son tour renversé par la Diète. Déposée par des députés du NSZZ « S », la motion de censure est 4 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université libre de Bruxelles 164.15.69.100 10/02/2014 16h10. © Presses Sciences Po adoptée à une voix près à la suite d’un concours de circonstances inattendu . Deux jours plus tard, à la surprise de la plupart des protagonistes du champ politique, le président de la République Lech Wałęsa annonce la dissolution du Parlement. Des élections législatives, les deuxièmes entièrement concur- rentielles depuis le changement de régime en Pologne, sont programmées pour le mois de septembre 1993. Alors qu’elles paraissaient hautement improbables quelques semaines seulement auparavant, ces élections anticipées sont perçues comme une aubaine par plusieurs acteurs extraparlementaires, en particulier les dirigeants du ZZR Samoobrona5 (ci-après le Syndicat). Dans les mois qui ont suivi sa création en janvier 1992, ce syndicat agricole s’est imposé comme l’un des protagonistes centraux d’un champ de représentation de la paysannerie jusque-là dominé par l’opposition entre les organisations héritières de l’ancien régime (notamment le PSL6) et celles revendiquant leur filiation avec le mouvement d’opposi- tion Solidarité rurale. Par l’activisme et le « radicalisme » de ses membres lors des manifestations antigouvernementales, la nouvelle organisation est progressivement parvenue à pallier son manque initial de ressources et à se faire reconnaître en tant que participant incontournable à la définition et à la représentation du groupe paysan et de ses intérêts7. Fort de leur nouvelle position, les dirigeants du Syndicat affichent dès l’été 1992 leur volonté d’élargir leur champ d’intervention au-delà du seul syndicalisme agricole. Ayant dévoilé leurs ambitions politiques par la création d’un nouveau parti en juin 1992, le Przymierze Samoobrona (ci-après le Parti)8, ils annoncent 3. Niezależny Samorządny Związek Zawodowy « Solidarność » (Syndicat indépendant et autogéré « Solidarité »). 4. De l’aveu des députés à l’origine de son dépôt, la motion de censure n’avait pas pour objectif de faire tomber le gouvernement mais de lui adresser un ultimatum afin de le pousser à infléchir sa politique économique. Sur les 445 votants, 223 députés votent pour la motion de censure, 198 contre, et 24 s’abstiennent. Arrivés en retard à la session, deux députés de la coalition gouvernementale ne peuvent prendre part au vote. « Bez Rządu ? Bez Sejmu ? Bez Sensu ? » (Sans gouvernement ? Sans diète ? Sans sens ?), Gazeta Wyborcza, 29 mai 1993. 5. Związek Zawodowy Rolnictwa Samoobrona (Syndicat agricole autodéfense). 6. Polskie Stronnictwo Ludowe (Parti paysan polonais). Fondé en mai 1990, le PSL est le produit d’une union entre le parti paysan officiel du temps de la République populaire et des groupements revendiquant l’héritage du mouvement agrarien de l’entre-deux-guerres. Frédéric Zalewski, Paysannerie et politique en Pologne : trajectoire du Parti paysan polonais du communisme à l’après-communisme, 1945-2005, Paris, Michel Houdiard Éditeur, 2006. 7. Sur la genèse du mouvement Samoobrona et sa trajectoire dans le champ politique polonais « postcommuniste », voir Cédric Pellen, « Sociologie d’un groupement politique illégitime. Le mouvement Samoobrona (Autodéfense) en Pologne (1991-2010) », thèse de doctorat en science politique, Sciences Po Bordeaux, 2010. 8. Przymierze Samoobrona (Alliance autodéfense) Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université libre de Bruxelles 164.15.69.100 10/02/2014 16h10. © Presses Sciences Po CIn°58.indb 134 28/02/13 16:52 Des difficultés d’entrer en politique dans la Pologne postcommuniste — 135 dès le début du mois de juin 1993 leur intention de présenter des candidats aux élections législatives anticipées de septembre. Nous nous intéresserons ici aux modalités de l’investissement de l’arène élec- torale par ces « nouveaux venus ». Pour les néophytes extérieurs aux forces politiques établies que sont les responsables du Syndicat en 1993, participer à une élection s’apparente à une prise de rôle sous contrainte. Plus rompus Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université libre de Bruxelles 164.15.69.100 10/02/2014 16h10. © Presses Sciences Po aux manifestations paysannes qu’aux joutes électorales, ils doivent conformer leurs pratiques aux principales normes régissant la lutte pour les postes de pouvoir politique tout en s’efforçant d’élaborer une offre de représentation originale leur permettant de se distinguer. Analyser les entreprises concrètes de formalisation et de promotion d’une offre électorale des responsables du Syndicat, en les contextualisant dans la configuration particulière où elles se développent, permet de mettre au jour la dynamique de ce « double jeu » et ses effets sur la capacité de mobilisation électorale de ces entreprises. La participation à une élection comme prise de rôle L’incertitude propre aux situations de changement de régime constitue autant une opportunité qu’une contrainte pour les acteurs qui s’engagent dans la lutte pour l’obtention de postes désormais pourvus dans le cadre d’élections pluralistes9. D’un côté, l’ouverture inhabituelle du champ des possibles leur permet de mobiliser des répertoires – des pratiques, des références ou des discours – jusque-là inédits ou dévalorisés, pour promouvoir leur représen- tativité. À cet égard, la façon dont Stanisław Tymiński