Concurrences Revue des droits de la concurrence | Competition Law Review

Concurrence et transport

Conférence l Concurrences N° 4-2015 www.concurrences.com

Jean-François Cordet Préfet de la région Nord-Pas-de- Lille

Grégoire Marlot Directeur régulation Europe économie, SNCF Réseau,

Anne Yvrande-Billon Vice-présidente, Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF), Paris

Umberto Berkani Rapporteur général adjoint, Autorité de la concurrence, Paris

Sylvain Justier Avocat associé, Magenta, Paris

Jean-François Benevise Directeur régional, DIRECCTE du Nord-Pas-de-Calais, Lille Conférence Concurrence et transport

Lille, 16 avril 2015 Institut Pasteur

Discours d’oUverture deuxiÈme partie Jean-François Cordet Préfet de la région Nord-Pas-de-Calais Lille Enjeux et problématiques du secteur du transport Première partie au regard du droit Concurrence et de la concurrence régulation dans L’action de l’Autorité de la concurrence dans le secteur des transports le secteur ferroviaire Umberto Berkani Rapporteur général adjoint, Autorité de la concurrence, Paris La concurrence dans le transport ferroviaire : Enjeux et problématique Complémentarité et interaction du droit

Grégoire Marlot de la concurrence et du droit sectoriel Directeur régulation Europe économie, SNCF Réseau, Paris Sylvain Justier Avocat associé, Magenta, Paris Quelles perspectives d’ouverture à la concurrence du marché du transport ferroviaire en ? Anne Yvrande-Billon Discours de clÔture Jean-François Benevise Vice-présidente, Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF), Paris Directeur régional, DIRECCTE du Nord-Pas-de-Calais, Lille

Concurrences + www.concurrences.com The papers of this conference délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art. utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, d'auteur par les conventions internationalesintellectuelle du 1er juillet 1992. Toute du droit en vigueur et le Code de la propriété au titre Ce document est protégé by copyright laws and internationalNon-authorised use of this document pouvant accompagner ce document. This document is protected copyright treaties. personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’articletechniques protection L. 122 5 CPI et des mesures L. 335-2 CPI). L’utilisation constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment € 300 000 fine ( Art.Intellectuelle). Personal use this document is authorised within limits Intellectuelle DRM protection. L. 335-2 Code de la Propriété L 122-5 appear the online version of the Review

Concurrences N° 4-2015 I Conférence I Concurrence et transport I Lille, 16 avril 2015 1 Concurrence et transport

Lille, 16 avril 2015 Institut Pasteur

Abstract

L’objectif de la première intervention est de mettre en lumière les enjeux et The aim of the first presentation is to display the challenges and the problems la problématique de l’ouverture du marché ferroviaire, qui a commencé il y a plus of the opening of the railway market, which began almost twenty five years ago. de vingt-cinq ans. Derrière ce processus se trouvait le constat de l’échec de The main idea behind this process was that the public governance of the sector la gouvernance publique dans ce secteur dans la plupart des pays européens. has been a failure in most european countries. Governments were unable En effet, les gouvernements n’étaient pas en mesure d’entreprendre des initiatives to implement effective incentives to improve the quality of service for the users adaptées afin d’améliorer la qualité des services aux usagers et de faire baisser and to reduce costs. Opening the railway market up to competition is part of les coûts. L’ouverture du marché ferroviaire est une partie de la solution, the solution, but it should take place in a context of improved governance and mais elle devrait s’opérer dans le contexte d’une meilleure gouvernance et financing of the railway system. Moreover, the ways and means of opening de financement du système ferroviaire. De plus, les voies et les moyens the railway market up to competition should be carefully chosen, since an de l’ouverture à la concurrence devraient être judicieusement choisis car unadequate market organization can easily result in less efficient railway une organisation du marché inadéquate pourrait avoir pour résultat des undertakings and a lower quality of service for the users. The aim of the second entreprises ferroviaires inefficaces ainsi qu’une qualité médiocre des services presentation is to assess the state of play of the process of the railway market aux usagers. L’objectif de la seconde présentation est de faire un point sur l’état opening. The author examines the obstacles to the liberalisation of the sector d’avancement du processus d’ouverture à la concurrence du marché du transport and the possible ways to overcome them. ferroviaire, ce qui amène l’auteur à s’interroger sur les obstacles à la libéralisation de ce secteur et sur les moyens de les contourner.

Discours d’ouverture

Jean-François Cordet Préfet de la région Nord-Pas-de-Calais, Lille 3. Cette problématique de la concurrence et du trans- port est également importante, notamment dans le Nord-Pas-de-Calais, où plus de 5 % de l’emploi salarié 1. J’ai le plaisir de vous accueillir aujourd’hui à Lille à privé relève du secteur des transports. Située au centre l’occasion de ce premier colloque organisé par le Pôle C d’une zone balisée par de grandes métropoles nord-eu- de la DIRECCTE, la direction régionale des entreprises, ropéennes (Paris, Londres, Bruxelles, Amsterdam, bassin de la concurrence, de la consommation, du travail et de de la Ruhr), la région constitue naturellement un carre- l’emploi du Nord-Pas-de-Calais, intitulé “Concurrence et four logistique essentiel de l’Europe du Nord. transport”. – Son réseau routier, très dense, se structure 2. Je tiens également à vous remercier d’être venus aussi autour de deux grands corridors internatio- nombreux, en particulier celles et ceux qui ont spécia- naux, avec un premier axe nord-sud qui relie lement fait le déplacement de Bruxelles, mais aussi de la péninsule ibérique a l’Europe du Nord Paris, comme nos quatre intervenants qui ont accepté, (Benelux, nord de l’Allemagne, pays scan- avec enthousiasme, de partager leurs expériences et dinaves), et un second, est-ouest, qui relie la croiser leurs regards complémentaires sur cette problé- Grande-Bretagne à l’Europe continentale. matique passionnante. – Son littoral possède trois grands ports complé- mentaires : Boulogne (premier port de pêche Ce document est protégé au titre du droit d'auteur par les conventions internationales en vigueur et le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992. Toute utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art. utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, d'auteur par les conventions internationalesintellectuelle du 1er juillet 1992. Toute du droit en vigueur et le Code de la propriété au titre Ce document est protégé by copyright laws and internationalNon-authorised use of this document pouvant accompagner ce document. This document is protected copyright treaties. personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’articletechniques protection L. 122 5 CPI et des mesures L. 335-2 CPI). L’utilisation constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment € 300 000 fine ( Art.Intellectuelle). Personal use this document is authorised within limits Intellectuelle DRM protection. L. 335-2 Code de la Propriété L 122-5

2 Concurrences N° 4-2015 I Conférence I Concurrence et transport I Lille, 16 avril 2015 français, premier centre européen de trans- 8. Entre-temps, par une décision rendue en 1985, la Cour formation du poisson), Calais (premier port de justice de Luxembourg a constaté́ la non-application voyageurs et quatrième port marchandises du principe de libre prestation des services énoncé dans le en France, premier port roulier européen), traite de Rome, qui prévaut sur toutes autres considéra- Dunkerque (troisième port marchandises tions économiques, et a demandé́ aux États membres et français). à la Commission européenne de s’y conformer en prenant des mesures de nature à éliminer les obstacles aux trans- – Le rail relie Lille à Bruxelles (35 min), Paris ports transfrontaliers et promouvoir la liberté de circula- (1 h), Londres (1 h 20) via le tunnel sous tion des biens et des personnes. la Manche, Anvers (1 h 45) et donne accès à la Rhénanie 9. C’est ainsi que le mouvement de libéralisation du – Quant au fluvial, il est amené à conforter son secteur du transport a véritablement débuté, avec la fin développement dans le cadre du futur canal progressive des exemptions dans les secteurs suivants : Seine-Nord. aérien (1997), routier de marchandises (1998, avec la généralisation du cabotage), maritime (1999), voie navi- 4. Ce réseau dense d’infrastructures fait du Nord-Pas-de- gable (2000), routier par autocars (2003, pour les services Calais la région française la plus “exportatrice”. Selon occasionnels internationaux), et enfin ferroviaire, depuis des données de l’INSEE pour l’année 2005, 65 millions mars 2006 pour le fret et depuis 2010 pour les services de tonnes de marchandises ont été transportées du Nord- internationaux de voyageurs. Pas-de-Calais a destination des autres régions françaises ou de l’étranger, ce qui place la région devant la Haute- 10. Ce mouvement est toujours à l’œuvre puisque l’ou- Normandie et l’Île-de-France. Il convient de remar- verture à la concurrence pour le transport ferroviaire quer que ce résultat est essentiellement du au transport intérieur de voyageurs doit intervenir avant 2019, date à l’international, puisque la région du Nord-Pas-de- butoir fixée par l’Union européenne. Calais représente a elle seule plus de 14 % des marchan- dises exportées vers l’étranger par l’ensemble des régions 11. Cette libéralisation du secteur du transport est égale- françaises. ment déclinée au niveau national et fait l’objet de débats importants. Ainsi, la loi du 8 décembre 2009 relative à 5. Compte tenu de cette forte activité, le secteur du trans- l’organisation et à la régulation des transports ferro- port est un important pourvoyeur d’emplois au sein de viaires et portant diverses dispositions relatives aux trans- la région. Fin 2014, 46 000 salariés y travaillent, dont ports a prévu un calendrier spécifique pour l’ouverture à 18 000 conducteurs routiers. À ces emplois directs, il la concurrence des services franciliens de transport ferro- convient d’ajouter l’ensemble des emplois indirects, sans viaire, tout en prévoyant le maintien des monopoles de la compter les effets d’entraînement sur l’ensemble de l’éco- SNCF et de la RATP jusqu’au 31 décembre 2039. Plus nomie régionale. récemment, le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, porté par le ministre 6. Or ce secteur vital, qui a longtemps été protégé, est de l’Économie et des Finances, Emmanuel Macron, actuellement confronté à un défi de taille avec son ouver- entend poursuivre la démarche de libéralisation du ture croissante à la concurrence, qui s’est accélérée depuis secteur. Pour le transport routier par autocar, le projet de la fin des années 1990 sous l’impulsion des politiques loi prévoit la fin de l’interdiction à une société d’autocars européennes. de relier deux villes françaises en l’absence de convention avec une collectivité locale ou si la desserte ne se situe pas 7. En effet, dès la création la Communauté économique sur la route d’une liaison internationale. européenne en 1957, le principe de la libre prestation de services dans l’ensemble des États membres, qui incluent 12. Au nom de la réalisation de l’objectif européen visant donc les services de transports, est énoncé dans le traité la création du marché unique, ce mouvement de libérali- fondateur. Or, historiquement, les entreprises de trans- sation apparaît désormais comme irréversible. port ont fait valoir, à juste titre d’ailleurs, qu’une libéra- lisation de ce secteur ne pouvait pas s’envisager sans une 13. Pour autant, nous le voyons bien en particulier s’agis- harmonisation des conditions de concurrence entre les sant du transport routier de marchandises, cette libé- États membres, qu’il s’agisse des réglementations fiscales, ralisation s’accomplit alors que l’harmonisation des techniques ou sociales. Ces préoccupations, portées conditions de concurrence entre les sociétés des différents par les États membres, ont été prises en compte par la États membres demeure un chantier inachevé́. Commission européenne, qui a adopté une approche sectorielle dérogatoire aux règles de concurrence avec la 14. D’une part, les règles sociales en vigueur dans les mise en place de plusieurs règlements européens distincts États membres sont, à l’heure actuelle, différentes : les pour les transports ferroviaires, routiers et sur voies navi- professionnels du secteur du transport routier dénoncent gables, les transports maritimes, et les transports aériens. ainsi leur manque de compétitivité à l’égard de leurs Ces règlements ont introduit des dérogations aux règles concurrents étrangers, en particulier des pays de l’Est, classiques du droit de la concurrence (en particulier l’in- qui ne sont pas soumis aux mêmes cadres réglementaires. terdiction des ententes anticoncurrentielles comme la répartition des marchés). Ce document est protégé au titre du droit d'auteur par les conventions internationales en vigueur et le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992. Toute utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art. utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, d'auteur par les conventions internationalesintellectuelle du 1er juillet 1992. Toute du droit en vigueur et le Code de la propriété au titre Ce document est protégé by copyright laws and internationalNon-authorised use of this document pouvant accompagner ce document. This document is protected copyright treaties. personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’articletechniques protection L. 122 5 CPI et des mesures L. 335-2 CPI). L’utilisation constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment € 300 000 fine ( Art.Intellectuelle). Personal use this document is authorised within limits Intellectuelle DRM protection. L. 335-2 Code de la Propriété L 122-5

Concurrences N° 4-2015 I Conférence I Concurrence et transport I Lille, 16 avril 2015 3 15. D’autre part, les nouveaux entrants sur le marché 22. Le port de Calais occupe quant à lui une position national ont une main-d’œuvre bon marche, ce qui induit concurrentielle complémentaire puisqu’il s’est spécialisé́ des pressions importantes sur les coûts des entreprises dans le trafic routier (véhicules) fret et passagers trans- nationales. manche, surtout depuis la mise en service du tunnel sous la Manche. 16. Conséquence immédiate de cette ouverture à la concurrence, et règle d’airain d’une concurrence par 23. Enfin, avec la réorganisation de la filière pêche pour les mérites, les entreprises les moins compétitives laquelle il reste une place de toute première importance, disparaissent. le port de Boulogne-sur-Mer mise sur le trafic rapide de passagers et sur du fret de spécialité́ ou de proximité́. 17. Face à cette situation, quels sont les défis auxquels doivent faire face les entreprises de notre région ? 24. Nos ports régionaux, qui occupent des positions complémentaires dans le secteur du transport maritime, 18. S’agissant du transport routier, nos entreprises font face à cette concurrence étrangère en s’adaptant et régionales sont confrontées à la proximité́ des pays du en se spécialisant. C’est bien de cette manière que leur Benelux, très compétitifs en matière de transport, qui compétitivité et leurs emplois seront préservés. exercent une forte pression concurrentielle sur les trans- porteurs routiers régionaux. 25. Que de défis soulevés par ces ouvertures à la concur- rence qui touchent l’ensemble du secteur du transport ! 19. S’agissant du transport ferroviaire, la libéralisation Le législateur national a toutefois prévu un accompa- des services internationaux de voyageurs en 2010 est pour gnement, un pare-feu à d’éventuelles dérives lorsque le l’heure limitée alors que notre région est concernée au mode de transport a longtemps été géré par un monopole premier titre par ce mouvement s’agissant des dessertes a d’État, comme le transport ferroviaire, en instaurant une grande vitesse ou des trains transfrontaliers. autorité de régulation, en l’occurrence l’Autorité de régu- lation des activités ferroviaires. Pour les autres modes de 20. Doit-on pour autant considérer ce secteur comme transport, non dominés par un opérateur historique, les imperméable aux réformes en cours ou à venir ? Nos comportements des opérateurs restent toutefois soumis intervenants devraient nous éclairer sur ce point. aux fourches caudines de l’Autorité de la concurrence, garante des règles de concurrence non faussées. 21. Enfin, s’agissant du transport maritime, le Nord-Pas- de-Calais fait partie des bases arrière des ports d’Anvers, 26. Le colloque organisé aujourd’hui devra donc de Zeebrugge et de Rotterdam, qui figurent parmi les plus répondre à de nombreuses questions, liées en particulier actifs d’Europe pour le trafic de conteneurs. Ce type de à l’articulation des pouvoirs et des objectifs de deux types transport est donc primordial pour l’économie de notre d’autorités de contrôle du secteur du transport, à savoir région. Mais là aussi, nos ports (Boulogne-sur-Mer, les autorités de régulation et de concurrence. Par ailleurs, Calais, Dunkerque) sont confrontés à la concurrence de les caractéristiques actuelles et intrinsèques du secteur leurs voisins du nord, qui disposent avec le Benelux et du transport justifient-elles une attention particulière l’Allemagne rhénane d’une zone d’influence et d’échanges de la part de ces autorités ? Enfin, quels sont les pièges d’un poids considérable. Dunkerque dispose toutefois de ces ouvertures à la concurrence que doivent éviter nos d’atouts indiscutables. Outre sa situation géographique entreprises ? avantageuse, l’articulation entre le port et les industries environnantes constitue sa force. Ainsi, si le port a du 27. Je laisse l’ensemble de ces questions ouvertes à l’ap- mal a rivaliser avec ses concurrents de la Manche-mer préciation de nos intervenants, qui ne manqueront pas, à du Nord pour le trafic de conteneurs, il peut s’appuyer l’occasion de leurs exposés ou des débats qui auront lieu, sur le caractère stratégique de certains trafics de vrac, d’apporter leur contribution. Je vous souhaite un très bon notamment énergétique (pétrole, gaz liquéfié́, biocarbu- après-midi, riche d’échanges et de pistes pour l’avenir. n rants), pour lesquels il est particulièrement adapte. Ce document est protégé au titre du droit d'auteur par les conventions internationales en vigueur et le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992. Toute utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art. utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, d'auteur par les conventions internationalesintellectuelle du 1er juillet 1992. Toute du droit en vigueur et le Code de la propriété au titre Ce document est protégé by copyright laws and internationalNon-authorised use of this document pouvant accompagner ce document. This document is protected copyright treaties. personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’articletechniques protection L. 122 5 CPI et des mesures L. 335-2 CPI). L’utilisation constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment € 300 000 fine ( Art.Intellectuelle). 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4 Concurrences N° 4-2015 I Conférence I Concurrence et transport I Lille, 16 avril 2015 Concurrence et régulation dans le secteur ferroviaire

Abstract

L’objectif de ce colloque était notamment de montrer que le Pôle C The aim of this conference was to show that Pôle C of the DIRECCTE of the de la DIRECCTE du Nord-Pas-de-Calais pouvait relayer des débats et des Nord-Pas-de-Calais could spread debates and messages, usually held in Paris, messages, habituellement tenus à Paris, au plus près des acteurs locaux closer to local stakeholders. It works as an active relay of a competition advocacy concernés, et se positionner comme un relais actif de la culture nationale for the creation of a competition culture on which the spirit of the Macron law de la concurrence sur laquelle l’esprit de la loi Macron pour la croissance for economic growth and activity is based. et l’activité repose. La concurrence dans le transport ferroviaire : Enjeux et problématique

Grégoire Marlot [email protected] Directeur régulation Europe économie, SNCF Réseau, Paris 2. L’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire est donc un processus long et difficile, qui touche des activités très différentes (fret, transport régional, grande vitesse, etc.), avec des enjeux considérables en termes de définition et de financement des services publics, de Introduction politique de transport, d’aménagement du territoire… En France, ce processus est marqué par l’effondrement 1. L’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire du fret (dont les trafics, en tonnes-kilomètres, ont baissé en Europe a commencé avec la directive 91/440. En 2015, de 40 % depuis 2001), et les relations conflictuelles entre presque vingt-cinq ans après, le processus est encore en le gestionnaire d’infrastructure Réseau ferré de France et cours, avec la négociation du “quatrième paquet ferro- la SNCF1, à la fois prestataire de services en monopole viaire”, qui doit notamment fixer une date butoir pour pour RFF (avec 50 000 cheminots employés à la gestion l’ouverture à la concurrence des services de transport de opérationnelle des circulations et à l’entretien du réseau) voyageurs sur le marché domestique. En France, l’ou- et sa cliente quasi unique. verture à la concurrence du transport ferroviaire a été amorcée avec la création d’un gestionnaire d’infrastruc- 3. Ces difficultés ont contribué à polariser les débats ture indépendant, Réseau ferré de France, en 1997, et récents autour de l’ouverture à la concurrence, notam- s’est poursuivie avec l’ouverture du transport de fret ment dans le cadre de l’élaboration du quatrième paquet (2003-2006) et du transport international de voyageurs ferroviaire. Il apparaît pourtant nécessaire, alors que (2009). Le marché domestique du transport de voyageurs l’horizon de l’ouverture à la concurrence du marché demeure le monopole de la SNCF. Par comparaison, le marché des télécommunications a été entièrement ouvert en 1998, et celui de l’énergie a été progressivement ouvert 1 V. p. ex. le rapport de la Cour des comptes publié en 2008, “Le réseau entre 2000 et 2007. ferroviaire : une réforme inachevée, une stratégie incertaine”. délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art. utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, d'auteur par les conventions internationalesintellectuelle du 1er juillet 1992. Toute du droit en vigueur et le Code de la propriété au titre Ce document est protégé by copyright laws and internationalNon-authorised use of this document pouvant accompagner ce document. This document is protected copyright treaties. personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’articletechniques protection L. 122 5 CPI et des mesures L. 335-2 CPI). L’utilisation constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment € 300 000 fine ( Art.Intellectuelle). Personal use this document is authorised within limits Intellectuelle DRM protection. L. 335-2 Code de la Propriété L 122-5

Concurrences N° 4-2015 I Conférence I Concurrence et transport I Lille, 16 avril 2015 5 domestique du transport de voyageurs est proche, de s’in- 8. L’extension du réseau, poussée par l’État, notam- terroger quant aux objectifs poursuivis et aux modalités ment avec le plan Freycinet de 18793, dégrade forte- d’ouverture à la concurrence les plus adaptées pour les ment la rentabilité des concessionnaires, qui accumulent atteindre. les dettes : ainsi la compagnie du Chemin de fer de l’Ouest, en faillite, est nationalisée dès 1908. Le réseau 4. L’expérience des autres industries de réseau suggère continue malgré tout de se développer jusqu’en 1920, en effet que les gains de l’ouverture à la concurrence pour atteindre 42 000 km, auxquels il faut ajouter plus de peuvent être très variables, et dépendent notamment du 20 000 km de “lignes d’intérêt local”. périmètre sur lequel la concurrence peut effectivement inciter à réduire les coûts2. Il convient également de bien 9. En 1937, dans un contexte de crise économique, les évaluer les coûts associés à l’ouverture. Ouvrir le marché difficultés des compagnies ferroviaires sont telles que nécessite des changements organisationnels et fonction- l’État les nationalise pour créer la SNCF. Neuf mille nels, notamment pour garantir des conditions d’accès kilomètres de lignes sont fermés aux voyageurs dès 1938. au réseau équitables et transparentes à l’ensemble des À partir de 1949, l’État met en place une coordination utilisateurs, qui peuvent être coûteux. En particulier, les des transports pour limiter la concurrence entre rail et industries de réseau se caractérisent par des économies route. En 1969, une partie des services “omnibus” sont d’échelle qui ne sont pas toujours limitées à l’infrastruc- ainsi transférés sur route, avec une nouvelle fermeture ture, et qui peuvent être plus ou moins remises en cause aux voyageurs de 7 000 km de lignes. Le réseau revient selon les modalités d’ouverture (concurrence “pour” ou progressivement à son périmètre d’avant 1880 : ainsi, “sur le marché”, par exemple). depuis 1950, la longueur du réseau a diminué de 30 %, alors que le trafic total a augmenté de 100 % ! 5. L’ouverture à la concurrence est probablement un levier d’amélioration de l’efficacité du système ferro- 10. À partir de 1981, le développement du TGV permet viaire français, mais une telle évolution doit s’inscrire au système ferroviaire de renouveler son modèle écono- dans une réforme globale de son organisation et de sa mique en trouvant de nouvelles recettes commer- gouvernance : c’est le processus enclenché par la loi du ciales. Celles-ci sont néanmoins insuffisantes à financer 4 août 2014. Au-delà, il apparaît nécessaire de bien peser les lignes nouvelles, et les concours publics sont massi- les gains et les coûts associés aux différentes modalités vement réorientés vers la grande vitesse. C’est le début d’ouverture à la concurrence, afin de choisir les plus créa- d’une période de sous-investissement dans le réseau teurs de valeur. existant. Parallèlement, les activités traditionnelles de la SNCF, affaiblies par la concurrence de la route et par le repli industriel, accumulent les pertes.

I. Une nécessaire 11. La création de RFF en 1997 permet ainsi de soulager la SNCF de près de 20 milliards d’euros de dette. Elle perspective historique inscrit également la gestion de l’infrastructure dans le contexte d’un dialogue conflictuel entre le nouveau 6. L’histoire du transport ferroviaire est marquée par gestionnaire d’infrastructure et la SNCF. L’insuffisance l’intervention de l’État. Celui-ci a très vite pris les rênes des investissements de renouvellement sur le réseau du système ferroviaire, d’abord en créant un système de existant perdure, jusqu’à ce que l’audit “Rivier” de 2004 concession (en 1842) qui lui permet de définir les lignes révèle l’importance du retard accumulé et les risques qu’il à construire et, ensuite, à partir du Second Empire, en comporte en termes de sécurité et de pérennité du réseau. rassemblant les concessions existantes en six grandes À partir de 2008 les investissements de renouvellement compagnies, auxquelles il impose, en contrepartie de reprennent4, dans le cadre du “contrat de performance” subventions ou de “garanties d’intérêts”, la construction État-RFF, mais cet effort est financé par la dette de et l’exploitation de lignes de moins en moins rentables. RFF : de 20 milliards d’euros en 1997, celle-ci est passée à 36 milliards en 2014. 7. La question de savoir s’il était possible d’envisager une concurrence entre opérateurs sur une même ligne a été 12. En 2015, après près de deux siècles d’histoire du largement débattue à cette époque, notamment à l’As- système ferroviaire français, celui-ci est confronté à semblée nationale. L’économiste Léon Walras a imposé des défis majeurs : un réseau dégradé dont la pérennité l’idée que le chemin de fer constituait globalement un est menacée (sans un effort massif d’investissement de “monopole naturel” qu’il n’était pas souhaitable de renouvellement, supérieur à 30 milliards d’euros sur la confier aux forces du marché, même s’il soulignait par période 2015-2025, près de la moitié du réseau pourrait ailleurs l’inefficacité du système des concessions. devoir être fermée), une situation financière préoccu- pante (avec une dette qui s’élève à 35 milliards d’euros, et

2 Ainsi plus de 60 % du montant de la facture d’électricité d’un particulier est hors du champ de la concurrence. Le transport, qui constitue un monopole naturel, représente environ 30 % de la facture moyenne, et les diverses taxes 3 Qui prévoit la création de 8 000 km de lignes sur un réseau qui en compte représentent un montant à peu près similaire. L’incitation à l’efficacité introduite déjà 30 000, soit autant qu’aujourd’hui, dans une France presque quatre fois par l’ouverture à la concurrence ne porte donc que sur 40 % des coûts, et encore, moins peuplée... sur cette base, les producteurs d’électricité n’ont que de faibles marges de manœuvre, ce qui explique, dans une certaine mesure, pourquoi l’ouverture à la 4 Passant de moins de 1 milliard d’euros par an en 1997 à 2,5 milliards d’euros

concurrence n’a pas entraîné de baisse des prix pour les particuliers. par an en 2014. délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art. utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, d'auteur par les conventions internationalesintellectuelle du 1er juillet 1992. Toute du droit en vigueur et le Code de la propriété au titre Ce document est protégé by copyright laws and internationalNon-authorised use of this document pouvant accompagner ce document. This document is protected copyright treaties. personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’articletechniques protection L. 122 5 CPI et des mesures L. 335-2 CPI). L’utilisation constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment € 300 000 fine ( Art.Intellectuelle). Personal use this document is authorised within limits Intellectuelle DRM protection. L. 335-2 Code de la Propriété L 122-5

6 Concurrences N° 4-2015 I Conférence I Concurrence et transport I Lille, 16 avril 2015 qui s’accroît de 3 milliards par an en moyenne), des coûts coûts. Le processus de réforme ferroviaire européen est qui augmentent toujours plus vite que l’inflation… ainsi un processus de “re-réglementation” (plutôt que de “déréglementation”) qui s’efforce de mettre en place une 13. L’histoire du système ferroviaire éclaire les enjeux gouvernance répondant à des principes stricts : concerta- de l’ouverture à la concurrence : elle est marquée par tion des parties prenantes concernées, contractualisation les attentes très fortes des décideurs politiques à l’égard avec l’État, régulateur indépendant, adéquation objectifs/ du transport ferroviaire, très souvent au-delà de ce que moyens, transparence des processus de décision, etc. le système ferroviaire est réellement capable d’offrir, et surtout au-delà de ce que les dotations publiques lui 16. La loi de réforme ferroviaire adoptée le 4 août 2014 permettent de produire, avec, in fine, trois conséquences s’inscrit dans ce contexte, notamment en transpo- majeures : sant en droit français certaines dispositions de la direc- tive 2012/34. Elle ne porte pas sur l’ouverture à la – le surinvestissement dans des lignes nouvelles à l’utilité concurrence, mais vise à recréer les conditions de l’effi- sociale parfois faible ou nulle; cacité industrielle du système ferroviaire et à mettre en place une gouvernance ouverte et pluraliste, pour inciter – un endettement massif, au-delà de toute perspective à l’efficacité les acteurs du système ferroviaire et maîtriser raisonnable de retour sur investissements; les déséquilibres financiers.

– une dégradation de la qualité de service. 17. La loi du 4 août crée un Groupe public ferroviaire (“GPF”) rassemblant trois entités : SNCF Mobilités, le La gouvernance du système ferroviaire français apparaît transporteur, SNCF Réseau, le gestionnaire d’infrastruc- ainsi, sur le long terme, comme un échec. ture, et un établissement public “de tête” dont la fonction est d’éclairer les enjeux stratégiques et industriels du système ferroviaire, de piloter la mise en œuvre de la stra- tégie ferroviaire décidée par l’État, et d’assurer l’unité II. La réforme du sociale du groupe.

18. Les relations entre l’État et le GPF s’inscrivent dans système ferroviaire un cadre contractualisé, concerté et régulé : l’État doit 14. Ce constat d’échec de la gouvernance du transport définir les objectifs stratégiques fixés au système ferro- ferroviaire n’est pas propre à la France. Il est commun à viaire dans un rapport stratégique d’orientation (“RSO”) la plupart des pays européens, et il est à la base du proces- soumis à l’avis d’un Haut Comité du système de transport sus de réforme initié par la Commission européenne à la ferroviaire rassemblant les représentants des différentes fin des années 19805. Ce processus s’inspire de la réforme parties prenantes (élus, usagers, chargeurs, organisations ferroviaire engagée en Suède dès 1988, et s’appuie sur syndicales…), et transmis au Parlement. Sur la base de ce des théories économiques développées à partir des RSO, il élabore avec les entités du GPF un contrat-cadre années 1980, qui reconsidèrent notamment la notion de (pour le groupe) et des contrats opérationnels (pour le monopole naturel en introduisant une distinction entre gestionnaire d’infrastructure et le transporteur) qui les infrastructures en réseau, seuls véritables “monopoles précisent les objectifs fixés (qualité de service, producti- naturels”, qui ne peuvent être ouvertes à la concurrence vité, etc.) et les moyens alloués. et doivent faire l’objet d’une régulation, et les services utilisant ces infrastructures, qui ne sont pas des mono- 19. La loi fixe pour le contrat de SNCF Réseau un objectif poles naturels et donc doivent faire l’objet d’une mise en de couverture du “coût complet” de l’infrastructure à concurrence, soit “pour le marché”, par appel d’offres, l’horizon du premier contrat avec l’État, c’est-à-dire dix lorsqu’il y a des obligations de service public, soit “sur ans : ainsi l’ensemble des coûts, investissements de renou- le marché”, en concurrence directe entre opérateurs, vellement compris, devra être couvert par les recettes lorsque le service est rentable sans concours publics. (redevances d’infrastructure et concours publics). À terme seules les lignes nouvelles pourront être financées 15. L’ouverture à la concurrence des services n’est par endettement, mais dans un cadre strictement défini : donc qu’un des aspects des réformes préconisées par la les recettes à venir doivent permettre de rembourser l’in- Commission, qui visent également à assainir la gouver- tégralité du capital et des intérêts sur la durée de vie du nance de la gestion des infrastructures. La reprise des projet. Par ailleurs, une “règle d’or” interdit à l’établisse- dettes héritées du passé est une des conditions de la tran- ment public de participer à leur financement si sa dette sition. Les entreprises publiques du secteur ferroviaire dépasse un certain seuil6. ne peuvent être des structures de défaisance de la dette publique. Sans objectifs clairs, et sans adéquation entre les 20. La réforme ferroviaire de 2014 renforce également objectifs fixés et les moyens (et notamment les concours fortement les pouvoirs du régulateur, l’Autorité de régula- publics), il n’est pas possible d’introduire des incitations à tion des activités ferroviaires. Celle-ci n’est plus seulement l’amélioration de la qualité de service et à la réduction des garante des conditions d’accès équitables aux infrastruc- tures ferroviaires, elle est également responsabilisée quant

5 V. not. le livre blanc de la Commission européenne, Une stratégie pour

revitaliser les chemins de fer, 1996. 6 Défini par un ratio dette/marge opérationnelle. délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art. utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, d'auteur par les conventions internationalesintellectuelle du 1er juillet 1992. Toute du droit en vigueur et le Code de la propriété au titre Ce document est protégé by copyright laws and internationalNon-authorised use of this document pouvant accompagner ce document. This document is protected copyright treaties. personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’articletechniques protection L. 122 5 CPI et des mesures L. 335-2 CPI). L’utilisation constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment € 300 000 fine ( Art.Intellectuelle). Personal use this document is authorised within limits Intellectuelle DRM protection. L. 335-2 Code de la Propriété L 122-5

Concurrences N° 4-2015 I Conférence I Concurrence et transport I Lille, 16 avril 2015 7 à l’équilibre économique du gestionnaire d’infrastruc- et il en ira de même pour les TET7. Pour les TGV, le ture : elle rend un avis sur le projet de contrat pluriannuel quatrième paquet fixera une date limite d’ouverture du avec l’État, avec une attention particulière à l’adéquation marché, probablement entre 2019 et 2022. objectifs/moyens. Elle rend des avis annuels sur la réalisa- tion de ce contrat, et notamment le respect de la trajec- 24. Les conditions d’accès au réseau devant être publiées toire financière. Elle peut recommander la mise en œuvre deux ans à l’avance, il semble nécessaire de préciser très des mesures correctives prévues dans le contrat. Elle rend rapidement quelles seront les modalités d’ouverture à également des avis sur le financement des lignes nouvelles la concurrence de ces marchés. Dans le cas des trans- par le gestionnaire d’infrastructure, dont elle évalue la ports conventionnés, la concurrence est nécessairement soutenabilité à long terme. “pour le marché”, c’est-à-dire que les entreprises ferro- viaires répondent à un appel d’offres lancé par l’autorité 21. Ainsi la réforme ferroviaire de 2014 ne remédie pas organisatrice. Pour autant, le périmètre et la durée de ces seulement à l’inefficacité de l’organisation instaurée en contrats doivent être précisés, ainsi que les conditions de 1997 avec la création de RFF. Elle répond plus largement transition d’un opérateur à un autre (reprise éventuelle aux enjeux historiques de rénovation de la gouvernance des actifs et des personnels, etc.). du système ferroviaire, en définissant un cadre à la fois strict et vertueux pour les relations entre l’État, le GPF 25. Selon ces paramètres, la concurrence peut être dans ses trois composantes, le régulateur et l’ensemble intense ou au contraire très faible, et ses effets peuvent des parties prenantes, qui permettra de clarifier les objec- être importants, ou négligeables. Si les appels d’offres tifs fixés au système ferroviaire, d’assainir son finance- portent sur une région entière, pour un contrat de longue ment, et d’introduire des incitations à l’amélioration de durée (10, 15 ans ou plus), par exemple, les marchés ne ses performances industrielles et économiques. seront accessibles qu’à de très grosses entreprises, donc peu nombreuses, et les effets de la concurrence seront très faibles. Des contrats sur des périmètres plus réduits et des durées plus courtes sont nécessaires pour intensifier III. L’ouverture à la concurrence. Le périmètre des contrats ne doit néan- moins pas être trop faible : en effet, le transport ferro- viaire régional est dans une certaine mesure une industrie la concurrence du à rendements croissants. Si le périmètre des contrats est trop réduit (une seule ligne, par exemple), l’opérateur transport ferroviaire sera nécessairement peu efficace. Il convient donc de trouver un juste milieu entre l’intensité de la concurrence, 22. La question de l’ouverture à la concurrence demeure d’une part, et les conditions de l’efficacité des opérateurs, en revanche ouverte : aujourd’hui seuls sont ouverts le d’autre part. transport ferroviaire de fret et le transport ferroviaire de voyageurs internationaux. Sur le marché du fret, les 26. Dans le cas des transports “commerciaux”, entreprises concurrentes de la SNCF représentent plus aujourd’hui non subventionnés, le choix des modali- du tiers du marché, dans un contexte où les volumes ont tés d’ouverture à la concurrence est encore plus difficile. diminué de 40 % depuis 2000. Les volumes avaient déjà La nature “commerciale” de l’activité suggère qu’une diminué de 30 % avant que la concurrence ne devienne concurrence “sur le marché”, avec plusieurs opérateurs en effective, une évolution à comparer à la forte progression concurrence sur une même ligne, est possible et efficace. des trafics en Allemagne (+ 40 %), en Grande-Bretagne En pratique, sur neuf pays européens dans lesquels une et en Suède (+ 20 %)… Le fret ferroviaire français souffre partie ou la totalité du marché est ouvert en open access, d’un problème de qualité des sillons, très affectés par les il y a eu très peu d’entrées, et la part de marché des nombreux mais indispensables travaux sur le réseau, et nouveaux entrants est très faible. La plupart des entrées de la concurrence des activités voyageurs pour l’accès se sont faites sur des marchés de niche (trains low-cost, au réseau. D’autres raisons peuvent être évoquées, mais trains de nuit, etc.) et on observe beaucoup d’arrêts des il convient néanmoins de souligner que Fret SNCF est activités, voire de faillites (notamment en Allemagne). depuis longtemps une activité déficitaire, et que les La seule exception notable est l’opérateur grande vitesse nouveaux entrants ne reprennent qu’une petite partie des NTV en Italie. marchés dont se désengage l’opérateur historique. 27. La concurrence ferroviaire en open access, particu- 23. Sur le marché du transport ferroviaire de voyageurs lièrement pour la grande vitesse, soulève des difficultés internationaux, seul Thello est entré, et son activité reste importantes. Les opérateurs doivent supporter des coûts marginale. Le marché voyageurs est donc encore quasi fixes très élevés, liés au matériel roulant, qui sont à la fois monopolistique. L’ouverture à la concurrence est néan- très coûteux (une rame TGV coûte de 25 à 30 millions moins une perspective proche. À partir de 2019, les d’euros), à durée de vie très longue (30 à 35 ans) et ne régions devront procéder par appel d’offres pour renou- peuvent être revendus sur un marché de l’occasion, inexis- veler les conventions de transport ferroviaire régional, tant en raison de l’interopérabilité limitée des matériels et

7 Règlement CE no 1370/2007 du 23 octobre 2007 relatif aux services publics de

transport de voyageurs par chemin de fer et par route. délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art. utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, d'auteur par les conventions internationalesintellectuelle du 1er juillet 1992. Toute du droit en vigueur et le Code de la propriété au titre Ce document est protégé by copyright laws and internationalNon-authorised use of this document pouvant accompagner ce document. This document is protected copyright treaties. personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’articletechniques protection L. 122 5 CPI et des mesures L. 335-2 CPI). L’utilisation constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment € 300 000 fine ( Art.Intellectuelle). Personal use this document is authorised within limits Intellectuelle DRM protection. L. 335-2 Code de la Propriété L 122-5

8 Concurrences N° 4-2015 I Conférence I Concurrence et transport I Lille, 16 avril 2015 de la taille globale réduite du marché. Pour amortir de 31. À ces difficultés découlant des spécificités écono- tels investissements, l’opérateur doit pouvoir exercer son miques et industrielles du transport ferroviaire de voya- activité sur une période suffisamment longue, proche de geurs à longue distance s’ajoute une difficulté pour le la durée de vie des matériels roulants. Si la concurrence gestionnaire d’infrastructure : selon quels critères attri- est ouverte en open access, les opérateurs n’ont aucune buer les sillons aux opérateurs ferroviaires en concur- garantie à ce sujet ; bien au contraire, l’entrée d’un rence ? Des contrats de long terme garantissant la concurrent est de nature à dégrader fortement la renta- disponibilité des sillons pour l’opérateur (ou un principe bilité du marché. d’attribution de type “droits du grand-père”) sont de nature à réduire les risques financiers, mais ils constituent 28. L’intensité capitalistique du transport ferroviaire de également une barrière à l’entrée pour la concurrence. voyageurs, particulièrement pour la longue distante et Des processus d’enchères sont envisageables, mais néces- la grande vitesse, crée donc un risque financier considé- sitent un cadrage préalable très strict par l’État, qui les rable dans une situation de concurrence en open access, rapproche de fait de la solution des “franchises”. qui explique en grande partie la très faible concurrence observée sur les marchés ouverts de la sorte8. Pour 32. Le marché du transport ferroviaire de voyageurs en autant, l’exemple de NTV en Italie montre bien qu’un Grande-Bretagne est organisé selon un système de “fran- opérateur peut prendre ce risque en achetant 25 trains chises”, dans lequel des dessertes prédéterminées par à grande vitesse, sur le pari du retrait à terme de son l’État font l’objet d’un appel d’offres. L’opérateur retenu concurrent : la question est alors de savoir lequel des dispose alors d’un monopole ou d’un quasi-monopole10 deux concurrents est capable de supporter le plus long- pour une durée prédéterminée (7 ans). Un tel système temps les pertes consécutives à la “guerre des prix”. Les permet de contrôler l’intensité de la concurrence (par la difficultés actuelles de NTV soulignent qu’un tel pari est durée des contrats) tout en préservant l’efficacité indus- hasardeux et que l’opérateur historique peut s’adapter et trielle des opérateurs, qui peuvent faire jouer à plein les résister au nouvel entrant. économies d’échelle et ne prennent pas de risques finan- ciers pour le matériel roulant, transférable en cas de perte 29. Par ailleurs, il n’est pas évident qu’une telle concur- du marché au terme de la franchise. Il suppose en contre- rence soit bénéfique à la collectivité. Si les usagers partie que l’État définisse clairement en amont l’objet de peuvent bénéficier temporairement de la “guerre des la franchise (nature de la desserte), en précisant d’éven- prix”, à long terme les prix ne peuvent être inférieurs aux tuels objectifs de service public (fréquences, arrêts inter- coûts, et une fois le concurrent évincé, la pression concur- médiaires, voire prix des billets…). rentielle redevient faible compte tenu, encore une fois, des risques liés à l’entrée sur le marché. Par ailleurs, comme 33. Une autre forme de concurrence est la concurrence le transport régional, le transport de voyageurs longue par comparaison (yardstick competition) : il s’agit simple- distance se caractérise, dans une certaine mesure, par ment de comparer les performances (coûts et qualité de des économies d’échelle : le coût à la place d’un TGV de service) de différents opérateurs, sans remettre en cause 1 200 places9 est nécessairement plus faible que celui d’un leurs monopoles. Cette forme de concurrence, qui repose TGV de 450 places, et de même, plus le train circule, et sur la transparence, a été mise en œuvre dans le transport plus les coûts d’investissement et d’exploitation se répar- ferroviaire au Japon, mais aussi pour les services d’auto- tissent entre de nombreux clients… Plusieurs opérateurs bus norvégiens. Elle est à la fois substituable et complé- en concurrence sur une même ligne seront donc nécessai- mentaire à d’autres modalités d’ouverture : elle peut rement moins efficaces qu’un seul. constituer une forme de “pseudo-concurrence” pour des domaines où la concurrence n’est pas possible, ou lorsque 30. Enfin, il importe de souligner que, sur un marché en le secteur concerné n’est pas prêt. Elle peut aussi complé- monopole, l’opérateur historique assure de nombreuses ter un mécanisme d’appel d’offres si les appels d’offres dessertes, dont la rentabilité peut être très contrastée. Si le sont peu fréquents. marché est ouvert en open access, les nouveaux entrants vont se concentrer sur les liaisons les plus rentables. La mutualisation des coûts que permettait le monopole ne sera donc plus possible, et l’opérateur historique peut être contraint de se retirer des lignes devenues non rentables, comme cela s’est passé pour le fret ferroviaire français. Dans le cas des voyageurs, le maintien des dessertes les moins rentables peut nécessiter un conventionnement avec des subventions.

8 Neuf pays européens ont ouvert tout ou partie des marchés ferroviaires en open access, en particulier l’Allemagne, l’Italie, l’Autriche, la Suède, la Grande- Bretagne (de façon marginale mais significative).

9 Tel que les rames doubles de la SNCF. 10 Dans certains cas, une concurrence en open access très restreinte est prévue. délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art. utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, d'auteur par les conventions internationalesintellectuelle du 1er juillet 1992. Toute du droit en vigueur et le Code de la propriété au titre Ce document est protégé by copyright laws and internationalNon-authorised use of this document pouvant accompagner ce document. This document is protected copyright treaties. personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’articletechniques protection L. 122 5 CPI et des mesures L. 335-2 CPI). L’utilisation constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment € 300 000 fine ( Art.Intellectuelle). Personal use this document is authorised within limits Intellectuelle DRM protection. L. 335-2 Code de la Propriété L 122-5

Concurrences N° 4-2015 I Conférence I Concurrence et transport I Lille, 16 avril 2015 9 solution aux difficultés de financement du système ferro- Conclusion viaire. Elle doit s’inscrire dans un processus plus large de réforme qui permettra de créer des incitations à l’ef- 34. En conclusion, il convient de souligner les enjeux de ficacité pour l’ensemble des acteurs, et qui permettra de l’ouverture à la concurrence, dans le contexte plus général faire les choix nécessaires, dans le cadre d’une gouver- de la réforme ferroviaire. Les coûts du gestionnaire d’in- nance pluraliste, pour permettre au transport ferroviaire frastructure, hors investissements de développement, de répondre aux défis de la mobilité durable. représentent environ 30 % des coûts totaux11. Ils sont donc hors du champ de la concurrence. Par ailleurs l’ef- ficacité intrinsèque des transporteurs ne joue que sur 36. Enfin, si la concurrence peut être créatrice de valeur une partie de leurs coûts : les coûts de matériel roulant, par les incitations qu’elle produit, les spécificités écono- d’énergie ou d’autres fournitures ne seront pas sensible- miques et industrielles du transport ferroviaire, et ment différents pour les nouveaux entrants. Si un cadre les services publics qu’il assure, nécessite de trouver des social harmonisé est mis en place, les différences de coûts modalités d’ouverture adaptées, tant pour les activi- de personnel seront également très limitées. tés conventionnées que pour les services commerciaux. Ces choix restent très largement à faire, et commencent 35. Si la concurrence apparaît donc comme un levier à prendre, compte tenu des perspectives prochaines nécessaire d’incitation à l’amélioration de la qualité de d’ouverture à la concurrence des marchés du transport service et à la réduction des coûts, elle ne peut être la domestique de voyageurs, un caractère urgent. n

11 Les charges liées au régime de retraite spécifique des cheminots ne sont pas

prises en compte ici. délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art. utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, d'auteur par les conventions internationalesintellectuelle du 1er juillet 1992. Toute du droit en vigueur et le Code de la propriété au titre Ce document est protégé by copyright laws and internationalNon-authorised use of this document pouvant accompagner ce document. This document is protected copyright treaties. personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’articletechniques protection L. 122 5 CPI et des mesures L. 335-2 CPI). L’utilisation constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment € 300 000 fine ( Art.Intellectuelle). Personal use this document is authorised within limits Intellectuelle DRM protection. L. 335-2 Code de la Propriété L 122-5

10 Concurrences N° 4-2015 I Conférence I Concurrence et transport I Lille, 16 avril 2015 Quelles perspectives d’ouverture à la concurrence du marché du transport ferroviaire en France ?

Anne Yvrande-Billon [email protected] Vice-présidente, Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF), Paris

1. La concurrence dans le secteur des transports collec- 4. La prochaine étape, l’ouverture à la concurrence des tifs, et plus particulièrement dans le transport ferro- services nationaux de transport ferroviaire de voyageurs, viaire, est au cœur de l’actualité. Au plan national, les qui relèvent encore d’un monopole légal en France, conclusions du rapport de la Commission Duron remis dépendra en partie de l’issue des discussions sur le en mai 2015 au gouvernement proposaient d’expéri- quatrième paquet ferroviaire. Parmi les propositions légis- menter la concurrence par appel d’offres sur certaines latives adoptées en janvier 2013 par la Commission euro- lignes desservies par des trains d’équilibre du territoire péenne figure en effet la révision du règlement 1370/2007, (Intercités). À l’été 2015, la loi pour la croissance, l’ac- dit “règlement OSP”, à travers l’obligation de recourir à tivité et l’égalité des chances économiques (loi Macron) des appels d’offres pour attribuer des contrats de service ouvrait le marché du transport par autocars en confiant public de transport (TER et TET en France), à partir de à l’ARAF la mission de réguler l’ouverture des liaisons 2019 pour les nouveaux contrats, et au plus tard en 2022 de moins de 100 kilomètres. Enfin, au plan européen, les pour les contrats attribués avant 2019. discussions en cours sur le quatrième paquet ferroviaire, relatives notamment à l’obligation d’introduire de la 5. Cet objectif d’ouverture des marchés à la concurrence concurrence dans les transports de passagers, démontrent ne constitue pas une fin en soi, mais est perçu comme la pertinence du thème choisi pour ce colloque. un moyen d’améliorer la qualité des services de transport ferroviaire offerts aux voyageurs et d’optimiser la gestion 2. L’objectif de cette présentation est de faire un point sur des fonds publics qui y sont consacrés. Les retours d’ex- l’état d’avancement du processus d’ouverture à la concur- périence des États membres ayant ouvert leur marché à la rence du marché du transport ferroviaire, ce qui amène concurrence aident à s’en convaincre. Ainsi, par exemple, nécessairement à s’interroger sur les obstacles à la libéra- depuis qu’ils ont la possibilité d’attribuer leurs contrats lisation de ce secteur et sur les moyens de les contourner. de service public de transport ferroviaire régional par appel d’offres, les Länder allemands ont vu leurs subven- tions au secteur baisser de plus de 25 % sans réduction de l’offre et la demande s’accroître12. Ces performances I. Les étapes de sont le résultat de la concurrence que se livrent les entre- prises ferroviaires lors des appels d’offres. Elles s’ex- pliquent aussi par l’effet indirect qu’a eu l’ouverture du l’ouverture des marché sur la capacité à négocier des autorités organi- satrices continuant à attribuer leurs conventions direc- marchés du transport tement. Les données disponibles montrent en effet que les montants de contribution financière versés par les ferroviaire en France Länder ayant fait le choix d’attribuer directement ont sensiblement diminué. 3. Parmi les industries de réseaux, le secteur ferroviaire est celui dont le processus de libéralisation a été lancé le 6. La proposition de la Commission de rendre obli- plus tardivement et reste le moins abouti. Si les marchés gatoire le régime d’appel d’offres dès décembre 2019 du transport ferroviaire international et national de se heurte cependant à de nombreuses réticences qui marchandises ont été ouverts respectivement en 2003 et 2006, les services internationaux de transport de voya- geurs l’ont été en 2010, date à laquelle un régulateur sectoriel a été instauré en France. 12 Source : Rapport annuel Deutsche Bahn 2014, variation des subventions régionales entre 2002 et 2012. délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art. utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, d'auteur par les conventions internationalesintellectuelle du 1er juillet 1992. Toute du droit en vigueur et le Code de la propriété au titre Ce document est protégé by copyright laws and internationalNon-authorised use of this document pouvant accompagner ce document. This document is protected copyright treaties. personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’articletechniques protection L. 122 5 CPI et des mesures L. 335-2 CPI). L’utilisation constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment € 300 000 fine ( Art.Intellectuelle). Personal use this document is authorised within limits Intellectuelle DRM protection. L. 335-2 Code de la Propriété L 122-5

Concurrences N° 4-2015 I Conférence I Concurrence et transport I Lille, 16 avril 2015 11 retardent l’adoption du quatrième paquet et pourraient 9. Ces enjeux prennent une dimension particulière dans en modifier significativement l’esprit, comme le montre le secteur ferroviaire du fait de la nature multiproduit d’ailleurs le texte de compromis adopté en première de l’activité, c’est-à-dire de la coexistence sur un même lecture le 8 octobre 2015 par le conseil des ministres des réseau de services très différents (fret, voyageurs, locaux, Transports européens. Ce texte modifie en effet substan- nationaux) partageant des coûts communs, ce qui pose le tiellement l’équilibre proposé par la Commission. Il est problème de l’allocation des sillons et des coûts. d’abord moins contraignant en termes de calendrier. La Commission européenne proposait une ouverture 10. À cette particularité s’ajoute, en France notamment, obligatoire à la concurrence le 3 décembre 2019 (avec le fait qu’un certain nombre d’actifs, comme les gares de une dérogation au 31 décembre 2022 pour les contrats en voyageurs, sont restés la propriété de l’opérateur histo- cours). Les ministres ont certes maintenu cet objectif de rique alors que l’accès à ces installations de service est décembre 2019 pour les liaisons commerciales nationales primordial pour tout nouvel entrant. mais ont repoussé ce délai à 2026-2027 pour les liaisons sous convention de service public. En outre, les excep- 11. Dans le même temps, une spécificité du secteur tions à la règle de mise en concurrence sont nombreuses des transports est aussi la multiplicité des formes de – chaque État ayant revendiqué un régime d’exception concurrence. pour son propre compte –, de sorte que la concurrence pourrait, même à ces horizons, s’avérer limitée. Le texte 12. D’une part, avant même de s’exercer entre opérateurs définitif sera devant le Parlement européen en 2016. d’un même mode de transport, la concurrence est inter- modale et certains opérateurs eux-mêmes sont d’ailleurs 7. En attendant que se construise un marché européen des opérateurs multimodaux. Le rail est ainsi challengé ouvert et harmonisé, où en est la concurrence ferroviaire par l’aérien et par la voiture particulière et, avec l’ou- en France ? Sur le marché du fret, les nouveaux entrants verture du marché du transport régulier par autocars en ont capté 36 % de parts de marché (en tonnes-kilomètres) août 2015, il pourrait être concurrencé par une nouvelle depuis 2006. Côté transport de voyageurs, si le transport alternative de transport collectif. C’est la raison pour international est libéralisé depuis 2010 en France, cette laquelle, afin de préserver l’équilibre économique des activité est pour l’essentiel réalisée via des accords de conventions de service public susceptibles d’être affec- coopération entre la SNCF et les opérateurs historiques tées par cette concurrence intermodale, le législateur a des autres pays européens : (SNCF-SNCB), Alleo prévu de confier des compétences étendues à l’ARAF, (SNCF-Deutsche Bahn), Lyria (SNCF-CCF), qui deviendra l’Autorité de régulation des activités ferro- (SNCF-Renfe). En dehors de ces accords, les deux viaires et routières, l’Arafer13. seules entreprises ferroviaires présentes sur le marché français – Eurostar, filiale de SNCF, et Thello, filiale de 13. D’autre part, les modalités d’introduction de la Transdev – ne représentent que 3 % de parts de marché. concurrence entre opérateurs d’un même mode de trans- port sont diverses. Il est ainsi possible d’envisager de permettre à plusieurs opérateurs concurrents de servir la demande de transport ferroviaire sur une même liaison II. Transport – alors dite en “open access” – et de se livrer à une concur- rence “dans” le marché. Cette forme de concurrence reste ferroviaire et cependant peu développée dans le secteur ferroviaire en raison notamment des risques d’écrémage qu’elle génère. La concurrence “pour” le marché, c’est-à-dire l’attri- concurrence : bution par appel d’offres du droit de servir un marché particulier en monopole pour une durée déterminée, est Quels obstacles ? en revanche une forme de concurrence répandue dans le secteur ferroviaire. L’Allemagne, la Grande-Bretagne et la Suède ont ainsi opté pour ce mode d’attribution Quelles perspectives ? de contrats de service public. En France, le monopole 8. L’ouverture à la concurrence dans le secteur ferroviaire légal de l’opérateur historique ne permet pas d’expéri- soulève des questions communes à d’autres secteurs, menter cette forme de concurrence ni donc d’en tester en général des industries de réseaux (énergie, télécoms, les effets. Reste une troisième voie, moins connue, pour autres modes de transport). Dans des secteurs impliquant stimuler l’efficacité et l’innovation, qui consiste à mettre des investissements lourds et des coûts fixes importants, en œuvre une concurrence par comparaison (yardstick les problématiques propres à la libéralisation portent en competition). Ce mode de concurrence fictive ou indirecte effet toujours sur le degré de séparation entre la gestion revient à comparer les performances des différents mono- de l’infrastructure et l’offre de services, sur la définition et poles locaux, qui peuvent être exploités par un même le contrôle des règles du jeu concurrentiel et sur le respect opérateur, afin de construire un référentiel de coût qui des missions de service public dans un environnement peut ensuite servir de base à la rémunération de chaque parfois propice à l’écrémage. monopole local.

13 L’ARAF est devenue l’Arafer le 15 octobre 2015. délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art. utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, d'auteur par les conventions internationalesintellectuelle du 1er juillet 1992. Toute du droit en vigueur et le Code de la propriété au titre Ce document est protégé by copyright laws and internationalNon-authorised use of this document pouvant accompagner ce document. This document is protected copyright treaties. personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’articletechniques protection L. 122 5 CPI et des mesures L. 335-2 CPI). L’utilisation constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment € 300 000 fine ( Art.Intellectuelle). Personal use this document is authorised within limits Intellectuelle DRM protection. L. 335-2 Code de la Propriété L 122-5

12 Concurrences N° 4-2015 I Conférence I Concurrence et transport I Lille, 16 avril 2015 14. Ce dernier mode d’introduction de la concurrence, qui est celui retenu dans le secteur ferroviaire au Japon, néces- site une centralisation de l’information sur les perfor- mances des différents monopoles locaux. En mettant en place un observatoire des marchés de transport ferro- viaires et routiers, l’Arafer a pour ambition de mobi- liser cet outil incitatif qu’est le benchmarking afin de permettre à une forme de concurrence intramodale de s’instaurer dans le secteur ferroviaire. n Ce document est protégé au titre du droit d'auteur par les conventions internationales en vigueur et le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992. Toute utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art. utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, d'auteur par les conventions internationalesintellectuelle du 1er juillet 1992. Toute du droit en vigueur et le Code de la propriété au titre Ce document est protégé by copyright laws and internationalNon-authorised use of this document pouvant accompagner ce document. This document is protected copyright treaties. personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’articletechniques protection L. 122 5 CPI et des mesures L. 335-2 CPI). L’utilisation constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment € 300 000 fine ( Art.Intellectuelle). Personal use this document is authorised within limits Intellectuelle DRM protection. L. 335-2 Code de la Propriété L 122-5

Concurrences N° 4-2015 I Conférence I Concurrence et transport I Lille, 16 avril 2015 13 Enjeux et problématiques du secteur du transport au regard du droit de la concurrence

Abstract

La régulation concurrentielle du secteur des transports repose à la fois sur l’application du « droit commun » de la concurrence et, pour le transport The regulation of competition in the transport sector lies both in ferroviaire et bientôt routier, sur l’action de l’Autorité de régulation des activités the enforcement of “classical” competition law and, as regards rail transport ferroviaires, dont les pouvoirs viennent d’être récemment renforcés et and shortly road transport, in the action of the Railway Activities Regulation les compétences élargies. Si cette dualité implique une nécessaire et bénéfique Authority, the powers and jurisdiction of which have been recently extended. coopération entre autorités de concurrence et autorité sectorielle, elle peut If such a duality implies a necessary and beneficial cooperation between également susciter entre elles une forme de « concurrence » dès lors que competition and regulatory authorities, it may also foster a form des problématiques identiques – en particulier celles ayant pour enjeu l’accès of “competition” between them in so far as identical issues – in particular those au réseau – sont susceptibles de leur être soumises related to network access – may be brought before them. L’action de l’Autorité de la concurrence dans le secteur des transports

Umberto Berkani* [email protected] Rapporteur général adjoint, Autorité de la concurrence, Paris

Introduction 1. Les spécificités du secteur 1. Lorsqu’on examine l’action de l’Autorité de la concur- 2. En l’espèce, il existe de réelles spécificités au secteur, rence sur un secteur donné, la question qui vient forcé- pouvant avoir des conséquences sur les analyses menées, ment à l’esprit est de savoir si l’analyse menée est, au parmi lesquelles le rôle de l’État et des autres entités moins en partie, sectorielle et diffère des solutions publiques organisatrices, la place du service public, l’in- communément appliquées, compte tenu des spécificités termodalité, l’envergure des réseaux, l’importance des dudit secteur. infrastructures, les questions de financement ou encore le statut social. * Les propos et opinions exprimés dans cet article n’engagent que leur auteur et

non l’institution à laquelle il appartient. délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art. utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, d'auteur par les conventions internationalesintellectuelle du 1er juillet 1992. Toute du droit en vigueur et le Code de la propriété au titre Ce document est protégé by copyright laws and internationalNon-authorised use of this document pouvant accompagner ce document. This document is protected copyright treaties. personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’articletechniques protection L. 122 5 CPI et des mesures L. 335-2 CPI). L’utilisation constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment € 300 000 fine ( Art.Intellectuelle). Personal use this document is authorised within limits Intellectuelle DRM protection. L. 335-2 Code de la Propriété L 122-5

14 Concurrences N° 4-2015 I Conférence I Concurrence et transport I Lille, 16 avril 2015 3. Certaines de ces spécificités sont cependant partagées avec d’autres industries, industries de réseaux pendant I. L’accompagne- leur libéralisation (télécoms, énergie) ou industries réga- liennes (la défense, par exemple). Par ailleurs, le secteur ment de l’ouverture des transports lui-même est hétérogène. Des différences, pouvant également avoir une influence sur l’analyse concurrentielle, existent ainsi en fonction des modes (le des marchés fonctionnement concurrentiel des marchés de transport 7. L’Autorité de la concurrence n’est pas tant en charge routier diffère profondément de celui des marchés de de la définition d’un design de marché que d’en assurer transport ferroviaire), au sein même des modes (il existe le fonctionnement tel qu’il a été défini. Lorsque l’ouver- également de profondes différences entre le fonctionne- ture d’un marché est engagée ou décidée, elle est parfois ment concurrentiel des lignes grande vitesse et celui du amenée à donner – sur demande ou de son initiative – TER) ou encore selon les formes d’organisation de la son avis sur les modalités d’ouverture les plus efficaces concurrence (concurrence dans le marché ou concurrence ou les plus garantes de l’équité concurrentielle. Elle l’a pour le marché). fait concernant le transport ferroviaire (1.), le transport par autocar (2.) ou encore les voitures de tourisme avec chauffeur (3.). 2. Une approche sectorielle de l’Autorité 1. L’ouverture à la concurrence de la concurrence ? du transport ferroviaire et la loi 4. L’Autorité de la concurrence est une autorité hori- portant réforment ferroviaire zontale, à compétence transversale et donc généraliste. Elle n’a donc pas d’approche propre à un secteur. Dans 8. Entre 2008 et 2015, l’Autorité a rendu sept avis sur celui des transports, elle a fait application de principes le transport ferroviaire, sur différents types de textes et 14 généraux, déjà appliqués à d’autres secteurs, qu’elle différentes questions . Parmi ceux-là figure le premier adapte au cas par cas à des situations de marché particu- avis d’initiative rendu par l’Autorité de la concurrence, lières et hétérogènes. le pouvoir de s’autosaisir pour avis datant de la réforme mise en œuvre en mars 2009. Quelques mois plus tard, 15 5. Néanmoins, lorsqu’on examine l’activité de l’Autorité l’Autorité rendait un avis sur l’ouverture à la concur- dans le secteur des transports, on constate qu’un certain rence du transport ferroviaire. Plusieurs sujets transver- nombre de principes transversaux communs se dégagent saux sur lesquels je reviendrai y étaient déjà abordés : la des interventions sur les différents marchés du secteur. gestion des gares ferroviaires, l’intermodalité et la diversi- Par ailleurs, l’Autorité a été particulièrement active, voire fication des activités ou encore les questions relatives aux proactive, dans ce secteur, ce qui s’explique sans doute appels d’offres. Ainsi, dès sa création, l’Autorité a consi- par la phase importante de transition dans laquelle déré que les transports en général, et le transport ferro- celui-ci se trouve, posant des questions qui, à défaut viaire en particulier, méritaient qu’on s’y intéresse. d’être inédites, n’en sont pas moins délicates, par le fait qu’un régulateur sectoriel n’a été introduit que tardive- 9. En 2013, le gouvernement a demandé à l’Autorité de ment et enfin par le fait que les transports sont un sujet se prononcer sur le projet de loi portant réforme ferro- 16 d’attention majeur tant pour les consommateurs que viaire. L’avis rendu à cette occasion est dans un sens pour les pouvoirs publics. une synthèse des principes exposés dans l’ensemble des avis rendus auparavant sur le secteur. C’est aussi un avis 6. À défaut d’être sectorielle, l’approche de l’Autorité pragmatique. À cet égard, et si certains ont pu (comme dans le secteur présente donc certaines particularités. c’est souvent le cas en pareilles situations) critiquer Pour en faire la présentation, forcément rapide compte l’avis comme empêcheur de tourner en rond, d’autres tenu du grand nombre de sujets à aborder, je reviendrai l’ont aussi (et c’est plus original) trouvé trop conciliant. sur l’accompagnement de l’ouverture de certains marchés En réalité, l’approche de l’Autorité s’explique par quatre du transport (I.), sur trois des sujets transversaux qui ont idées simples : été analysés sur différents marchés du secteur (II.) et enfin sur le (plus classique) rôle de sanctionex post de l’Autorité (III.). 14 Avis no 08-A-17 du 3 septembre 2008 sur le projet de loi relatif à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et collectifs ainsi qu’à la sécurité des transports ; avis no 08-A-18 du 13 octobre 2008 relatif à un projet de décret sur les redevances d’utilisation du réseau ferré ; avis no 09-A-55 du 4 novembre 2009 sur le secteur du transport public terrestre de voyageurs ; avis no 11-A-15 du 29 septembre 2011 sur un projet de décret relatif aux gares de voyageurs et autres infrastructures de services du réseau ferroviaire ; avis no 11-A-16 du 29 septembre 2011 relatif au projet de séparation des comptes de l’activité gares de voyageurs au sein de la SNCF ; avis no 13-A-14 du 4 octobre 2013 relatif au projet de loi portant réforme ferroviaire et avis no 15-A-01 du 6 janvier 2015 relatif à des projets de décrets pris pour l’application de la loi portant réforme ferroviaire.

15 Avis no 09-A-55 précité.

o 16 Avis n 13-A-14 précité. délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art. utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, d'auteur par les conventions internationalesintellectuelle du 1er juillet 1992. Toute du droit en vigueur et le Code de la propriété au titre Ce document est protégé by copyright laws and internationalNon-authorised use of this document pouvant accompagner ce document. This document is protected copyright treaties. personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’articletechniques protection L. 122 5 CPI et des mesures L. 335-2 CPI). L’utilisation constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment € 300 000 fine ( Art.Intellectuelle). Personal use this document is authorised within limits Intellectuelle DRM protection. L. 335-2 Code de la Propriété L 122-5

Concurrences N° 4-2015 I Conférence I Concurrence et transport I Lille, 16 avril 2015 15 – la première, c’est qu’il n’existe pas un seul lignes conventionnées en deçà de 200 km (afin de s’as- système envisageable de séparation entre surer que les lignes en place ne seront pas menacées), gestionnaire d’infrastructures et opérateur mais également la garantie de l’accès aux informations historique ; nécessaires pour réaliser le test d’atteinte à l’équilibre économique et de l’accès aux gares routières. Ce dernier – la deuxième, qui en découle, c’est qu’il vaut point n’est pas trivial : si, dans le transport ferroviaire, il mieux une bonne séparation juridique qu’une est facile de savoir où sont les gares (au bout de la voie mauvaise séparation structurelle (ce que la ferrée…) et qui les gère, tel n’est pas le cas pour le trans- France avait connu jusque-là) ; port par autocar, pour lequel la localisation, le statut et – la troisième, c’est que la réforme entreprise le gestionnaire de la gare routière diffèrent d’une ville à était l’occasion d’avoir enfin un gestionnaire l’autre. d’infrastructures vraiment unifié ; et 15. Ces recommandations ont été pour l’essentiel reprises – la quatrième, c’est que, moins le système retenu dans le projet de loi pour la croissance et l’activité19. présente de garanties intrinsèques d’indépen- dance du gestionnaire d’infrastructures, plus des mesures externes, d’organisation ou de régulation, sont nécessaires. 3. Le développement des VTC et le fonctionnement du marché 10. L’Autorité a donc formulé des recommandations pour concilier logique d’intégration industrielle et respect de la réservation préalable de l’équité concurrentielle, parmi lesquelles renforcer l’in- 16. À la suite de changements normatifs et techniques, dépendance de SNCF Réseau, clarifier les missions de les voitures de tourisme avec chauffeur (ou VTC) se l’EPIC de tête et renforcer la régulation. sont développées depuis 2009 et ont pu concurrencer les taxis sur le marché du transport public particulier de 11. Cet avis a à l’évidence été utilisé par le gouverne- personnes sur réservation préalable, distinct de celui de la ment puis par les parlementaires dans les discussions sur maraude sur lequel les taxis détiennent un monopole. 17 le projet de loi. Il faut bien avouer que l’avis suivant , L’Autorité de la concurrence a été dans ce cadre amenée rendu sur certains décrets d’application de la loi, aura à deux reprises20 à se prononcer sur des projets de décrets. reçu moins d’écho. 17. En 2013, le décret examiné mettait en place une contrainte à l’activité des VTC (un délai de 15 minutes 2. La libéralisation minimum entre la réservation préalable et la prise en du transport par autocar charge), dans le but de protéger le monopole des taxis sur le marché de la maraude (problème de police), mais longue distance ayant pour effet de fausser la concurrence sur le marché de la réservation préalable entre VTC et taxis (problème 12. Sur ce sujet, l’Autorité s’est autosaisie en début de concurrence). L’Autorité avait critiqué ce dispositif et d’année 2013 : la démarche n’était pas tant militante recommandé, de manière plus générale, une tarification en faveur de l’autocar qu’analytique. L’idée était de plus libre des taxis sur le marché de la réservation préa- comprendre pourquoi un marché qui avait à première lable et la mise en place d’un outil de suivi. Ces recom- vue des atouts en France, compte tenu notamment des mandations n’ont pas été suivies. Le décret a fait l’objet possibilités offertes par la qualité du réseau routier d’une suspension (puis d’une annulation) par le Conseil français, ne se développait pas, comme c’était le cas au d’État. Une mission de conciliation a été confiée au même moment dans certains États voisins. député Thomas Thévenoud, dont certaines des proposi- tions ont été retenues dans une loi du 1er octobre 201421. 13. Je ne reviens qu’en deux mots sur le diagnostic posé : le marché, actuellement freiné par un cadre réglementaire 18. Le projet de décret examiné en 2014 créait pour sa malthusien (un régime d’autorisation restrictif et opaque, part principalement des distorsions entre catégories de des contraintes artificielles), est sous-développé alors que VTC (créées par des dispositions relatives au retour à ce mode est plus complémentaire que concurrent du train la base, aux charges administratives et à l’obligation de et que son développement pourrait vraisemblablement garantie bancaire). Les recommandations de l’Auto- créer un effet d’induction du trafic. rité sur ce projet ont été prises en compte sur un certain nombre de points. 14. L’Autorité a émis dans son avis18 des recommanda- tions précises sur un nouveau système : un régime d’auto- risation de plein droit pour les liaisons de plus de 200 km, o un test clarifié d’atteinte à l’équilibre économique de 19 Projet de loi pour la croissance et l’activité, n 2447, déposé le 11 décembre 2014.

20 Avis no 13-A-23 du 16 décembre 2013 concernant un projet de décret relatif à la réservation préalable des voitures de tourisme avec chauffeur et avis no 14-A-17 du 9 décembre 2014 concernant un projet de décret relatif au 17 Avis no 15-A-01 précité. transport public particulier de personnes.

18 Avis no 14-A-05 du 27 février 2014 relatif au fonctionnement concurrentiel du 21 Loi no 2014-1104 du 1er octobre 2014 relative aux taxis et aux voitures de

marché du transport interrégional régulier par autocar. transport avec chauffeur. délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art. utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, d'auteur par les conventions internationalesintellectuelle du 1er juillet 1992. Toute du droit en vigueur et le Code de la propriété au titre Ce document est protégé by copyright laws and internationalNon-authorised use of this document pouvant accompagner ce document. This document is protected copyright treaties. personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’articletechniques protection L. 122 5 CPI et des mesures L. 335-2 CPI). L’utilisation constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment € 300 000 fine ( Art.Intellectuelle). Personal use this document is authorised within limits Intellectuelle DRM protection. L. 335-2 Code de la Propriété L 122-5

16 Concurrences N° 4-2015 I Conférence I Concurrence et transport I Lille, 16 avril 2015 ce point est claire : une séparation juridique est nécessaire II. Des sujets avant l’ouverture des marchés de transport ferroviaire de voyageurs et un minimum de garanties d’indépendance doit être mis en place entre-temps. La réforme ferroviaire transversaux dans est à cet égard une occasion d’avancer indéniablement l’analyse du secteur manquée. 23. Par ailleurs, les conditions d’accès aux ressources du des transports monopole ont été discutées sur plusieurs marchés, dans des affaires ayant fait l’objet d’engagements : 19. Parmi les questions abordées lorsque l’Autorité de la concurrence s’est intéressée au secteur des transports, – sur le marché du transport routier, dans deux certaines sortent du lot, dès lors, d’une part, qu’elles décisions de concentration rendues à l’occa- apparaissent structurantes et, d’autre part, qu’elles ont sion de la prise de contrôle de Keolis24, des reçu une application similaire dans des affaires concer- engagements concernant le transport routier nant différents marchés qui composent le secteur. C’est le ont été pris puis renouvelés sur la conclusion cas notamment des questions d’intermodalité et de diver- de conventions de correspondances garanties, sification (1.), de la place d’un régulateur fort et multi- la mise à disposition non discriminatoire des modal (2.) et des mesures destinées à rendre pleinement horaires prévisionnels, l’accès aux modifica- effective la concurrence pour le marché (3.). tions apportées au plan de transport théorique et l’accès non discriminatoire aux services (affi- chage, billettique, etc.) et espaces en gare ; 1. Intermodalité et – sur le marché des agences de voyages en diversification ligne, dans deux décisions rendues à la suite de plaintes relatives à une discrimination en 20. La question de la diversification des opérateurs histo- faveur de voyages-.com25, des engagements riques se pose dans de nombreux marchés en voie de ont été pris concernant, en 2009, les conditions libéralisation et a fait l’objet d’avis comme de décisions d’accès au système de réservation et à certaines contentieuses. Dans le secteur des transports, la prise en fonctionnalités (billet imprimé, promotions de compte de l’intermodalité donne une portée particulière dernière minute) et, en 2014, les conditions de à cette question. rémunérations des agences, la confidentialité des demandes des concurrents et l’utilisation 21. L’intermodalité se définit comme l’optimisation du site sncf.com ; de l’articulation des différents modes de transport. Ce besoin, croissant pour les passagers et les collectivi- – sur le marché du conseil et de l’assistance tech- tés, ne constitue pas un marché en soi22. Cette particu- nique, dans une décision rendue à la suite larité forte irradie cependant de nombreux marchés du d’une plainte relative à l’accès de à des transport public, dont elle constitue une condition néces- ressources du monopole dans le cadre d’un 26 saire de leur bon fonctionnement. Dans ce contexte, le appel d’offres , des engagements ont été pris mode ferroviaire est le mode structurant autour duquel concernant l’absence de groupement entre les autres modes s’articulent. Il peut mettre l’opéra- les filiales de diversification et l’EPIC pour teur historique et ses filiales dans une situation avanta- répondre aux appels d’offres ainsi que la mise geuse indéniable sur les marchés du transport (voire des en place d’une procédure transparente et non marchés connexes, comme, par exemple, celui des agences discriminatoire d’accès aux ressources du de voyages). Ceci fait de la gestion des gares un enjeu monopole. essentiel et amène à prendre des précautions dans l’accès des filiales de diversification de la SNCF aux ressources 24. Si les solutions opérationnelles diffèrent en fonction et informations du monopole. des marchés, l’Autorité s’est, dans le souci de permettre de répondre aux besoins d’intermodalité, montrée favo- 22. Plusieurs avis de l’Autorité sont ainsi revenus sur la rable dans chacune de ces affaires au principe d’un nécessité d’une séparation plus aboutie de la gestion des accès encadré à des ressources non réplicables issues du gares23. Les gares sont beaucoup de choses, mais ce sont avant tout des infrastructures ferroviaires essentielles. Compte tenu des enjeux qu’elles recèlent, la séparation fonctionnelle actuelle n’est pas suffisante et il n’est pas 24 Déc. no 10-DCC-02 du 12 janvier 2010 relative à la prise de contrôle conjoint des sociétés Keolis et Effia par les sociétés SNCF-Participations et Caisse raisonnable de continuer à attendre avant d’encadrer la de Dépôt et Placement du Québec et no 12-DCC-129 du 5 septembre 2012 gestion de ces infrastructures pour en garantir la neutra- relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Keolis par la société lité concurrentielle. La recommandation de l’Autorité sur SNCF-Participations. 25 Déc. no 09-D-06 du 5 février 2009 relative à des pratiques mises en œuvre par la SNCF et Expedia Inc. dans le secteur de la vente de voyages en ligne et no 14-D-11 du 2 octobre 2014 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de billets de train. 22 Avis no 09-A-55 précité, § 147 et s. 26 Déc. no 15-D-05 du 15 avril 2015 relative à des pratiques mises en œuvre par o o o o o 23 Avis n 09-A-55, n 11-A-15, n 11-A-16, n 13-A-14 et n 15-A-01 précités. le groupe SNCF dans le secteur transport de personnes. délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art. utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, d'auteur par les conventions internationalesintellectuelle du 1er juillet 1992. 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Concurrences N° 4-2015 I Conférence I Concurrence et transport I Lille, 16 avril 2015 17 monopole ferroviaire, sous condition que cet accès soit effectivement non discriminatoire et ouvert à toutes les 3. Organisation d’appels entreprises intéressées dans des conditions égales. d’offres concurrentiels 29. Dans de nombreux marchés du secteur des trans- 2. Promotion d’un régulateur ports, la concurrence ne se fait pas dans le marché, mais pour le marché, c’est-à-dire par une mise aux enchères du fort et multimodal droit de servir seul la demande pour une durée et sur un territoire donnés. 25. La nécessité d’un régulateur fort a été plusieurs fois soulignée par l’Autorité, alors même que le régulateur du 30. L’Autorité s’est intéressée aux facteurs susceptibles secteur a été institué tardivement. d’entraver le bon fonctionnement de ce type de concur- rence, parmi lesquels par exemple l’existence de barrières 26. Le besoin d’un régulateur est classique quand des à l’entrée (coût de l’information, coût de la réponse, questions d’accès aux infrastructures se posent et qu’il etc.) ou d’un avantage au sortant (qui est plus ou moins existe une asymétrie d’informations au bénéfice de l’opé- prononcé selon les modes de transport). rateur historique. Dans les transports, cette nécessité est apparue d’autant plus forte : 31. Des solutions, plus ou moins orthodoxes, ont ainsi été proposées ou mises en œuvre pour remédier à ces – dans le contexte de la réforme ferroviaire, dès difficultés : lors que le système mis en place présente moins de garanties intrinsèques d’indépendance – le développement des compétences des autori- qu’un système de séparation patrimoniale par tés organisatrices de transport33 ; exemple27 ; – la mise en place de mesures destinées à favo- – dès lors que des sujets d’intermodalité se riser la transférabilité des actifs (pour limiter 28 posent et l’avantage au sortant) ; – dans des contextes où les contrôles en place – la création d’un fonds d’animation de la 29 présentaient des limites . concurrence34 ; 27. Outre des propositions sur les pouvoirs précis du – l’allotissement des réseaux de transport urbain régulateur en place, l’une des recommandations princi- ou de liaisons maritimes35 (qui engendre néan- pales de l’Autorité a consisté à proposer la mise en place moins des coûts de coordination) et, d’un régulateur multimodal. Elle l’avait déjà évoqué – dans la situation particulière des autoroutes, auparavant, compte tenu de l’existence de probléma- la recommandation du maintien des obliga- 30 tiques communes entre transports ferroviaire et aérien . tions de concurrence relatives aux marchés qui Elle l’a à la fois répété et précisé dans des avis concernant pesaient sur les SEMCA36 puis du renforce- 31 32 les autocars et les autoroutes , autour du régulateur ment37 de ces obligations. existant, l’ARAF, en raison notamment de la connexité des questions à réguler et donc des synergies avec les compétences déjà existantes sur des sujets proches.

28. Cette recommandation a été reprise dans le projet de loi pour la croissance et l’activité précité.

33 Avis no 12-A-05 du 17 février 2012 relatif au transport maritime entre la Corse et le continent, § 142 et s. ; déc. no 10-DCC-198 du 30 décembre 2010 relative à la création d’une entreprise commune par Veolia Environnement et la Caisse des dépôts et consignations, § 481 et s., et déc. no 13-DCC-137 du 1er octobre 2013 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Transdev Group (ex-Veolia Transdev) par la Caisse des Dépôts et Consignations (transport public de voyageurs).

34 Déc. no 10-DCC-198, § 451 et s., et déc. no 13-DCC-137 précités.

35 Avis no 09-A-55 précité, relatif aux transports collectifs, § 217 et s. ; 27 Avis no 13-A-14 précité, § 268 et s. et § 305, et s. et avis no 15-A-01 précité, déc. no 10-DCC-02 précitée, relative au transport interurbain, § 111 ; décisions § 146 et s. no 06-MC-03 du 11 décembre 2006 relative à des demandes de mesures

o conservatoires dans le secteur du transport maritime entre la Corse et le 28 Avis n 14-A-05 précité, § 448. continent, § 128 et s., dans laquelle l’Autorité a enjoint à la SNCM de rendre o 29 Avis no 14-A-05 précité, § 449 et s., et avis no 14-A-13 du 17 septembre 2014 sur son offre globale divisible, et déc. n 09-D-10 du 27 février 2009 relative à le secteur des autoroutes après la privatisation des sociétés concessionnaires, des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport maritime entre la § 465 et s. Corse et le continent, confirmée par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 9 mars 2010. 30 Avis no 10-A-04 du 22 février 2010 relatif à une demande d’avis de o l’Association pour le maintien de la concurrence sur les réseaux et 36 Avis n 05-A-22 du 2 décembre 2005 relatif à une demande d’avis de infrastructures (AMCRI) sur les problèmes de concurrence pouvant résulter l’Association pour le maintien de la concurrence sur le réseau autoroutier de la privatisation des aéroports français, § 185 et s. (AMCRA) sur les problèmes de concurrence pouvant résulter de la privatisation annoncée des sociétés d’économie mixte concessionnaires 31 Avis no 14-A-05 précité. d’autoroutes, § 96.

o o 32 Avis n 14-A-13 précité. 37 Avis n 14-A-13 précité, § 511 et s. délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art. utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, d'auteur par les conventions internationalesintellectuelle du 1er juillet 1992. Toute du droit en vigueur et le Code de la propriété au titre Ce document est protégé by copyright laws and internationalNon-authorised use of this document pouvant accompagner ce document. This document is protected copyright treaties. personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’articletechniques protection L. 122 5 CPI et des mesures L. 335-2 CPI). L’utilisation constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment € 300 000 fine ( Art.Intellectuelle). Personal use this document is authorised within limits Intellectuelle DRM protection. L. 335-2 Code de la Propriété L 122-5

18 Concurrences N° 4-2015 I Conférence I Concurrence et transport I Lille, 16 avril 2015 III. Contrôle ex post 2. Abus de position dominante 35. Dans sa décision no 12-D-2540, l’Autorité a sanc- par la sanction tionné la SNCF pour avoir entravé ou retardé l’entrée de nouveaux opérateurs sur le marché du fret ferroviaire, nouvellement ouvert à la concurrence. Les pratiques de pratiques relevées rappellent celles déjà sanctionnées à l’ouverture anticoncurrentielles des marchés de télécoms : – utilisation d’informations confidentielles stra- 32. Il arrive également que l’action de l’Autorité de la tégiques connues en tant que gestionnaire concurrence dans le secteur des transports soit beaucoup délégué des infrastructures et plus classique et qu’elle consiste à sanctionner une pratique anticoncurrentielle, comme on peut en voir dans – obstacles à l’accès des concurrents à des capa- d’autres secteurs. cités ferroviaires indispensables (consistant en l’espèce en la publication tardive de liste des équipements, des conditions d’utilisation et de 1. Ententes tarification et la surréservation des sillons et des wagons EX). 33. Au-delà des risques exposés ci-dessus, l’un des risques particulièrement forts d’entrave au fonctionnement d’une 36. L’existence de telles pratiques a montré que les concurrence pour le marché dans le secteur des trans- préoccupations sur la nécessité d’indépendance du ports, comme plus largement dans d’autres secteurs, est gestionnaire d’infrastructures par rapport à l’opérateur évidemment les ententes entre soumissionnaires pour historique n’étaient pas théoriques et a nécessairement truquer le résultat des appels d’offres des autorités eu une influence sur l’analyse menée par l’Autorité sur publiques adjudicatrices. les risques générés par le système retenu dans le cadre de la réforme ferroviaire. 34. La pratique de l’Autorité est malheureusement riche sur le sujet, et on peut notamment décompter : 37. Une pratique de prix d’éviction avait fait l’objet d’une injonction pour éviter de tels prix à l’avenir. La décision a – un cartel national de répartition des marchés de été reformée sur ce point par la cour d’appel de Paris. n transport public urbain de voyageurs par trois grands groupes en oligopole, qui consistait en un pacte de non-agression ou en des échanges de marchés et concernait les zones suivantes : Bordeaux, Bar-le-Duc, Épernay, Laval, Chalon- sur-Saône, Saint-Claude, Oyonnax et Sens38 ; – huit affaires locales dans le secteur du trans- port scolaire, périscolaire, urbain ou périurbain de voyageurs, qui consistaient en des offres de couverture, des abstentions de soumission- ner ou bien une répartition de marché sur bases géographiques et concernait les zones suivantes : l’Ain, les Alpes-Maritimes, la Haute-Corse, l’Indre, les Pyrénées orientales, Grasse, Annecy et même le Pas-de-Calais39.

38 Déc. no 05-D-38 du 5 juillet 2005 relative à des pratiques mises en œuvre sur le marché du transport public urbain de voyageurs.

39 Déc. no 01-D-13 en date du 19 avril 2001 relative à la situation de la concurrence dans le secteur du transport public de voyageurs dans le département du Pas-de-Calais ; déc. no 01-D-77 en date du 27 novembre 2001 relative au secteur du transport scolaire dans le département de l’Indre ; déc. no 02-D-59 du 25 septembre 2002 relative aux pratiques mises en œuvre dans le secteur des transports routiers de voyageurs dans le département de l’Ain ; déc. no 03-D-46 du 30 septembre 2003 relative à des pratiques concernant un marché public de transport occasionnel d’élèves dans le département des Alpes-Maritimes ; déc. no 04-D-30 du 7 juillet 2004 relative à des marchés publics de transport scolaire en Haute-Corse ; déc. no 04-D-43 du 8 septembre 2004 relative à l’attribution de marchés publics organisés par la commune de Grasse dans le secteur des transports scolaires et périscolaires ; déc. no 08-D-33 du 16 décembre 2008 relative à des pratiques mises en œuvre à l’occasion d’appels d’offres de la ville d’Annecy et du conseil général de Haute-Savoie pour le transport par autocar et déc. no 09-D-03 du 21 janvier 2009 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport scolaire et interurbain par autocar dans le département des 40 Déc. no 12-D-25 du 18 décembre 2012 relative à des pratiques mises en œuvre

Pyrénées-Orientales. dans le secteur du transport ferroviaire de marchandises. délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art. utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, d'auteur par les conventions internationalesintellectuelle du 1er juillet 1992. Toute du droit en vigueur et le Code de la propriété au titre Ce document est protégé by copyright laws and internationalNon-authorised use of this document pouvant accompagner ce document. This document is protected copyright treaties. personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’articletechniques protection L. 122 5 CPI et des mesures L. 335-2 CPI). L’utilisation constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment € 300 000 fine ( Art.Intellectuelle). Personal use this document is authorised within limits Intellectuelle DRM protection. L. 335-2 Code de la Propriété L 122-5

Concurrences N° 4-2015 I Conférence I Concurrence et transport I Lille, 16 avril 2015 19 Complémentarité et interaction du droit de la concurrence et du droit sectoriel

Sylvain Justier [email protected] Avocat associé, Magenta, Paris

1. La régulation concurrentielle du secteur des trans- monopoles légaux (réseau ferré, aéroports, ports mari- ports passe par le “droit commun” de la concurrence, times, etc.), et exploitation des services de transports, comme l’illustre parfaitement la pratique décisionnelle laquelle est largement ouverte à la concurrence (sous les récente (I.). Elle repose également, pour le transport ferro- réserves qui viennent d’être évoquées par M. le préfet), viaire, sur l’action de l’Autorité de régulation des activi- j’insisterai uniquement sur la survivance de dispositions tés ferroviaires (l’“ARAF”), dont les pouvoirs viennent particulières du droit de la concurrence visant à appré- d’être récemment renforcés et qui pourrait prochaine- hender les spécificités du secteur. ment étendre sa compétence au transport routier et aux concessions d’autoroutes (II.). 4. Ainsi, en matière de pratiques anticoncurrentielles, plusieurs règlements d’exemption catégoriels demeurent 2. Si cette dualité implique une nécessaire coopération applicables à certains types d’accords de coopération entre autorités de concurrence et autorité sectorielle, elle entre transporteurs41, et ce, afin de tenir compte des est également de nature à susciter une forme de “concur- besoins de mutualisation importants suscités par les acti- rence” entre elles, ces dernières pouvant, s’agissant de vités considérées. problématiques liées à l’accès au réseau, être saisies des mêmes sujets (III.). 5. De la même manière, en matière d’aides d’État, plusieurs lignes directrices ou orientations existent afin de préciser les conditions dans lesquelles certains soutiens publics peuvent être apportés aux activités de I. La régulation transport considérées sans fausser la concurrence au sein concurrentielle de l’Union42. 6. Au-delà de ces spécificités, les règles classiques du droit de la concurrence s’appliquent pleinement dans le secteur du secteur des des transports, comme le montre la pratique décision- transports par le nelle récente, tant européenne que nationale. “droit commun” 41 En ce qui concerne les transports ferroviaire, routier et fluvial, le règlement no 169/2009 prévoit l’exemption de l’application de l’article 101 § 1 TFUE de la concurrence aux accords techniques dans les secteurs des transports par chemin de fer, routes et voies navigables. En matière maritime, le règlement no 906/2009 de la Commission du 28 septembre 2009 concernant l’application de l’article 101 § 3 TFUE à certaines catégories d’accords, de décisions et de pratiques 1. Quelques spécificités concertées entre compagnies maritimes de ligne, récemment prorogé jusqu’au 25 avril 2020, exempte ces “consortiums” dans la mesure où ces derniers subsistent tenant à la nature visent à permettre l’exploitation en commun de services de transport maritime et à améliorer le service offert par chaque membre à titre individuel en dehors des activités considérées du consortium, afin que les compagnies maritimes puissent rationaliser leurs activités.

3. Les précédents intervenants ayant rappelé la distinc- 42 Lignes directrices communautaires sur les aides d’État aux entreprises tion classique que l’on constate dans le secteur des trans- ferroviaires (2008/C 184/07) ; Lignes directrices sur les aides d’État aux ports entre gestion de l’infrastructure, qui relève de aéroports et aux compagnies aériennes (2014/C 99/03) ; Orientations communautaires sur les aides d’État au transport maritime (2004/C 13/03). délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art. utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, d'auteur par les conventions internationalesintellectuelle du 1er juillet 1992. Toute du droit en vigueur et le Code de la propriété au titre Ce document est protégé by copyright laws and internationalNon-authorised use of this document pouvant accompagner ce document. This document is protected copyright treaties. personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’articletechniques protection L. 122 5 CPI et des mesures L. 335-2 CPI). L’utilisation constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment € 300 000 fine ( Art.Intellectuelle). Personal use this document is authorised within limits Intellectuelle DRM protection. L. 335-2 Code de la Propriété L 122-5

20 Concurrences N° 4-2015 I Conférence I Concurrence et transport I Lille, 16 avril 2015 12. Dans cette affaire en effet, l’ADLC a sanctionné cinq 2. Quelques décisions récentes pratiques par lesquelles la SNCF a freiné le développe- dans le secteur des transports ment de ses concurrents sur le marché (alors naissant) du fret ferroviaire au niveau national. Parmi ces pratiques, 7. Il me semble important, y compris afin d’évoquer dont certaines ont visé à entraver l’accès aux ressources d’autres activités de transport que celles dont nous avons essentielles auxquelles les nouveaux entrants devaient parlé jusqu’alors, de mettre en évidence quelques déci- pouvoir accéder pour se développer (sillons, certains types sions récentes qui illustrent le caractère quasi régulatoire de wagons et cours de marchandises, qui permettent de du droit de la concurrence dans le secteur des transports, charger et décharger les marchandises transportées), figu- que cela soit au titre des pratiques anticoncurrentielles ou raient également (i) l’utilisation à des fins commerciales 43 du contrôle des concentrations . d’informations confidentielles concernant ses concur- rents obtenues dans le cadre de la gestion déléguée du réseau ferré et (ii) une pratique de prix d’éviction sur le 2.1 Pratiques marché du fret ferroviaire par train massif. 13. S’agissant de cette dernière pratique, l’ADLC avait anticoncurrentielles décidé non pas d’imposer à la SNCF une sanction pécuniaire comme elle l’a fait pour les quatre autres 8. Le secteur des transports fournit de nombreux exemples pratiques, mais de lui enjoindre de mettre en place une de décisions sanctionnant des ententes, par exemple dans comptabilité analytique séparée pour son activité de le cadre d’appels offres organisés par les autorités orga- fret par train massif, d’une part, et par wagon isolé, 44 nisatrices de transports collectifs ou encore dans le d’autre part, afin de rendre compte, de façon transpa- secteur aérien s’agissant des conditions tarifaires appli- rente, de l’imputation, à chacune de ces deux activités, 45 quées par les opérateurs de fret . de leurs coûts communs (et, in fine, de s’assurer que les prix qu’elle pratique pour ses services offerts par train 9. Plusieurs affaires récentes closes par des engagements massif couvrent les coûts moyens évitables relatifs à cette concernent également, au niveau européen, la mise en activité). place par des compagnies aériennes d’alliances dans le cadre desquelles elles mutualisent certaines de leurs 14. Il s’agit ainsi d’une mesure qui rejoint celle classique- activités pour offrir des dessertes de “bout en bout” à ment mise en œuvre au titre du droit sectoriel, comme le leurs clients (situation soulevant des préoccupations de montre l’obligation imposée par le code des transports48 concurrence en réduisant la concurrence que se font les de mettre en place une séparation comptable entre les 46 membres de l’alliance sur certaines lignes) . activités de gestion de l’infrastructure ferroviaire, d’ex- ploitation des services de transport (et en leur sein, des 10. En termes d’abus de position dominante, deux services de transport de fret) et de gestion des gares de affaires récentes, dans le secteur ferroviaire et celui du voyageurs afin de prévenir toute situation de discrimina- transport intermodal rail/route, retiendront particulière- tion, subvention croisée ou distorsion de concurrence, ment l’attention. dont le respect est strictement contrôlé par l’ARAF49.

11. Dans le secteur du transport ferroviaire tout d’abord, 15. Cette injonction a cependant été réformée par la cour 47 la décision no 12-D-25 de l’Autorité de la concurrence d’appel de Paris50, laquelle a considéré, pour des ques- (l’“ADLC”) par laquelle celle-ci a sanctionné la SNCF tions de méthodologie essentiellement, que le carac- pour pratiques d’éviction sur le marché du fret ferroviaire tère d’éviction des prix pratiqués n’était pas établi. est emblématique du caractère non pas uniquement sanc- Un pourvoi est en cours. tionnateur, mais également quasi régulatoire du droit de la concurrence. 16. S’agissant des problématiques d’intermodalité rail/ route, l’ADLC a récemment accepté des engagements de la part de la SNCF pour clore la procédure initiée par Transdev à l’encontre de la SNCF et sa filiale Keolis, active sur le marché concurrentiel du transport urbain de voyageurs51. Dans cette procédure, qui avait donné 43 Signalons également en matière d’aides d’État les décisions suivantes lieu à une première décision rejetant une demande de relatives aux aides illégales octroyées à Ryanair et Transavia par les aéroports de Pau, Nîmes et Angoulême : décisions de la Commission SA.33961 ; SA.22614 et SA.33963 du 23 juillet 2014.

44 Déc. nos 08-D-33 du 16 décembre 2008 relative à des pratiques mises en 48 Art. L. 2122-4, L. 2123-1, L. 2144-1 et L. 2144-2 du code des transports. œuvre à l’occasion d’appels d’offres de la ville d’Annecy et du conseil général de Haute-Savoie pour le transport par autocar et 09-D-03 du 21 janvier 2009 49 Art. L. 2133-4 du code des transports. Sur le fondement de ce texte, l’ARAF a relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport scolaire et (i) récemment refusé d’approuver le référentiel de séparation comptable pour o interurbain par autocar dans le département des Pyrénées-Orientales. l’activité de fret de SNCF Mobilités (déc. n 2015-010 du 22 avril 2015) et (ii) par le passé, mis en demeure Gares & Connexions pour non-respect des 45 Décision de la Commission COMP/AT.39258 du 9 novembre 2010. règles de séparation comptable de l’activité de gestion des gares de voyageurs (déc. no 2012-018 du 19 septembre 2012). 46 Décision de la Commission COMP/AT.39595 Star Alliance du 23 mai 2013 et communiqué de presse de la Commission IP/15/4966 SkyTeam. 50 CA Paris, 6 novembre 2014, 2013/01128.

47 Déc. no 12-D-25 du 18 décembre 2012 relative à des pratiques mises en œuvre 51 Déc. no 15-D-05 du 15 avril 2015 relative à des pratiques mises en œuvre par

dans le secteur du transport ferroviaire de marchandises. le groupe SNCF dans le secteur transport de personnes. délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art. utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, d'auteur par les conventions internationalesintellectuelle du 1er juillet 1992. Toute du droit en vigueur et le Code de la propriété au titre Ce document est protégé by copyright laws and internationalNon-authorised use of this document pouvant accompagner ce document. This document is protected copyright treaties. personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’articletechniques protection L. 122 5 CPI et des mesures L. 335-2 CPI). L’utilisation constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment € 300 000 fine ( Art.Intellectuelle). Personal use this document is authorised within limits Intellectuelle DRM protection. L. 335-2 Code de la Propriété L 122-5

Concurrences N° 4-2015 I Conférence I Concurrence et transport I Lille, 16 avril 2015 21 mesures conservatoires52, les préoccupations de concur- 21. Ainsi, à l’occasion de l’acquisition de Novatrans par rence tenaient à l’utilisation par le groupe SNCF de la SNCF57, l’ADLC a considéré que l’opération était moyens tirés du monopole ferroviaire comme levier pour susceptible de susciter des risques concurrentiels s’agis- avantager sa filiale Keolis sur les marchés de l’assistance sant de l’accès à de nombreux terminaux de transport technique à destination des autorités organisatrices de combiné de marchandises, qui constituent les infrastruc- transports urbains. tures permettant de réaliser les interconnexions de marchandises entre le rail et la route. Afin de garantir 17. En effet, compte tenu notamment des besoins crois- que l’ensemble des entreprises ferroviaires et opérateurs sants d’intermodalité des autorités organisatrices des de transport combiné puissent continuer à accéder équi- transports urbains et des liens étroits entre les marchés tablement à ces terminaux, la SNCF s’est notamment de transport et de l’assistance technique, la mise à dispo- engagée à confier l’exploitation de chacun des terminaux sition directe du savoir-faire du groupe SNCF, ressource considérés à des sociétés ad hoc dont le capital devait non réplicable issue du monopole ferroviaire, était suscep- être ouvert pour permettre à l’ensemble des opérateurs tible d’avantager Keolis de façon décisive pour répondre utilisant lesdites infrastructures de prendre part à leur aux appels d’offres des collectivités. gestion.

18. C’est pour y remédier que SNCF et SNCF Mobilités 22. Enfin, compte tenu de l’impact de ces décisions sur se sont notamment engagées à (i) mettre en place une la région Nord-Pas-de-Calais, qui accueille ce colloque, procédure d’accès à leur savoir-faire ferroviaire, ouverte il me paraissait important de rappeler l’existence de de façon non discriminatoire à tous les candidats à l’attri- décisions divergentes entre les autorités française et bution des marchés d’assistance technique des autorités britannique concernant l’acquisition par Eurotunnel organisatrices de transport et (ii) ne pas soumissionner à des activités de SeaFrance. Alors que l’acquisition des ces marchés (seules les filiales pleinement autonomes de navires de SeaFrance par Eurotunnel avait été autorisée SNCF ou de SNCF Mobilités le pouvant). par l’ADLC, sous réserve d’engagements visant le trans- port de marchandises (interdiction de remises couplées entre les différents modes de transport de fret)58, la 2.2 Contrôle des concentrations Competition and Markets Authority (CMA) a quant à 59 19. Le secteur des transports a donné lieu récemment à de elle retoqué l’opération en considérant qu’elle condui- nombreuses décisions importantes, nationales ou euro- rait à (i) une hausse significative de la part de marché péennes, en contrôle des concentrations. La Commission déjà importante d’Eurotunnel sur le marché des liaisons a ainsi de nouveau interdit le projet d’acquisition d’Aer transmanche et (ii) une augmentation des prix pour le Lingus par Ryanair53, opération qu’elle avait déjà consommateur final. bloquée par le passé54. Elle a également refusé d’autoriser le projet de concentration entre UPS et TNT Express55 23. Cette décision, initialement confirmée le 9 janvier 2015 en considérant que cette opération affecterait la concur- par le Competition Appeal Tribunal, vient cependant rence dans le secteur de la distribution express de petit d’être annulée le 15 mai dernier par la Court of Appeal colis au sein de l’Espace économique européen en raison de Londres, aux motifs que la CMA n’était pas compé- notamment du passage de quatre à trois opérateurs, voire tente pour se prononcer sur la validité de cette opération, deux dans de nombreux pays dans lesquels FedEx n’est la reprise d’actifs vendus dans le cadre d’une procédure pas présente, malgré les engagements proposés. de liquidation judiciaire ne constituant pas une opéra- tion de concentration au sens du droit anglais de la 60 20. Au niveau national, plusieurs décisions de concen- concurrence . tration rendues ces dernières années dans le secteur des transports ont également permis à l’ADLC d’imposer des engagements structurants, notamment dans le secteur ferroviaire56.

52 Déc. no 13-D-16 du 27 juin 2013 relative à une demande de mesures conservatoires concernant des pratiques mises en œuvre par le groupe SNCF dans le secteur du transport de personnes.

53 Déc. COMP/M.6663 du 27 février 2013.

54 Déc. COMP/M.4439 du 27 juin 2007.

55 Déc. COMP/M.6570 du 30 janvier 2013.

56 Déc. no 13-DCC-137 du 1er octobre 2013 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Transdev Group (ex Veolia Transdev) par la Caisse des Dépôts et Consignations ; déc. no 12-DCC-129 du 5 septembre 2012 57 Déc. no 09-DCC-54 du 16 octobre 2009 précitée.

relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Keolis par la société SNCF o Participations ; déc. no 10-DCC-198 du 30 décembre 2010 relative à la 58 Déc. n 12-DCC-154 du 7 novembre 2012 relative à la prise de contrôle création d’une entreprise commune par Veolia Environnement et la Caisse des exclusif d’actifs de la société SeaFrance par la société Groupe Eurotunnel o Dépôts et Consignations, déc. n 09-DCC-54 du 16 octobre 2009 relative à la 59 Déc. de la Competition and Markets Authority du 6 juin 2013. prise de contrôle exclusif de la société Novatrans SA par la société Transport

et Logistique Partenaires SA. 60 Déc. de la Court of Appeal de Londres du 15 mai 2015. délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art. utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, d'auteur par les conventions internationalesintellectuelle du 1er juillet 1992. Toute du droit en vigueur et le Code de la propriété au titre Ce document est protégé by copyright laws and internationalNon-authorised use of this document pouvant accompagner ce document. This document is protected copyright treaties. personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’articletechniques protection L. 122 5 CPI et des mesures L. 335-2 CPI). L’utilisation constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment € 300 000 fine ( Art.Intellectuelle). Personal use this document is authorised within limits Intellectuelle DRM protection. L. 335-2 Code de la Propriété L 122-5

22 Concurrences N° 4-2015 I Conférence I Concurrence et transport I Lille, 16 avril 2015 devienne l’Autorité de régulation des activités ferro- II. La régulation viaires et routières (l’“ARAFER”), dont les compétences seraient ainsi étendues aux services réguliers non urbains de transport routier de personnes et aux concessions concurrentielle autoroutières. de certaines activités 2. L’ARAF : Un régulateur de transport par aux pouvoirs étendus et l’ARAF récemment renforcés par la loi 24. S’agissant du transport ferroviaire, la régulation du 4 août 2014 concurrentielle passe également par l’ARAF, qui doit 29. Si l’ARAF est un “jeune” régulateur qui dispose des notamment veiller, au titre de ses missions, “à ce que les pouvoirs classiquement reconnus aux autorités secto- conditions d’accès au réseau ferroviaire par les EF n’en- rielles (pouvoir d’avis et de décision, pouvoir réglemen- 61 travent pas le développement de la concurrence” . taire délégué, procédures de sanctions et de règlement de différends, etc.), ces derniers ont été récemment étendus 25. Ainsi, outre que cette Autorité pourrait prochaine- par la loi portant réforme ferroviaire du 4 août 2014. La ment voir sa compétence matérielle étendue au trans- pratique décisionnelle récente de l’ARAF démontre que port routier et aux concessions autoroutières, la loi du cette dernière en a désormais pris la pleine mesure en 4 août 2014 portant réforme ferroviaire a récemment n’hésitant pas à les appliquer à plein. étendu ses pouvoirs, dont elle use pleinement comme l’il- lustrent ses décisions récentes. 30. Au titre de son pouvoir d’avis conformes et motivés, l’ARAF est ainsi amenée à se prononcer, chaque année, par un avis motivé (qui ne lie donc pas SNCF Réseau) sur 1. Vers une extension le contenu du document de référence du réseau (DRR) des compétences de l’ARAF publié par le gestionnaire du réseau. Elle rend également des avis conformes concernant la tarification des rede- au transport routier vances d’accès au réseau et, désormais, concernant les redevances d’accès aux gares de voyageurs et aux autres o 26. Dans ses avis n 14-A-05 relatif au fonctionnement infrastructures de service et aux prestations régulées qui concurrentiel du marché du transport interrégional y sont fournies64. régulier par autocar et no 14-A-13 concernant le secteur des autoroutes, l’ADLC soulignait la nécessité d’une 31. C’est dans le cadre de ce pouvoir qu’elle a rendu son autorité de régulation forte à même de garantir un accès premier avis conforme défavorable le 17 février 2015 transparent et non discriminatoire au marché, tout en concernant les redevances relatives aux prestations insistant sur l’accroissement des problématiques liées à régulées fournies par Gares & Connexions dans les gares l’intermodalité. de voyageurs pour l’horaire de service 201665. Dans le cadre de son avis conforme du 3 février 2015 relatif aux 27. Elle recommandait pour ce faire, comme elle l’avait redevances d’utilisation du réseau ferré national66, elle 62 déjà fait en 2010 , de confier le contrôle des conditions avait émis un avis favorable tout en le subordonnant à la d’accès au marché des services réguliers non urbains de mise en œuvre sous trois mois, par SNCF Réseau, d’un transport routier de personne et des concessions autorou- nombre important de mesures. tières à un régulateur multimodal dont l’ARAF serait le socle. 32. Le pouvoir réglementaire supplétif dont jouit l’ARAF lui permet de préciser, dans le cadre de déci- 28. Le projet de loi dit “Macron” pour la croissance, sions soumises à homologation ministérielle, les condi- 63 l’activité et l’égalité des chances économiques se fait tions d’accès au réseau ferré et aux infrastructures de l’écho de ces recommandations et prévoit que l’ARAF service : gares de voyageurs, cours de fret, voies de service, fourniture d’énergie, etc. L’ARAF a ainsi adopté le 18 novembre 201467 ses deux premières décisions dans 61 Art. L. 2131-3 du code des transports. ce cadre relatives, respectivement, à la qualité des sillons

62 Avis no 10-A-04 du 22 février 2010 relatif à une demande d’avis de attribués par SNCF Réseau et à la réservation, par SNCF l’Association pour le maintien de la concurrence sur les réseaux et infrastructures (AMCRI) sur les problèmes de concurrence pouvant résulter de la privatisation des aéroports français. Dans cet avis, l’Autorité recommandait la création d’une autorité administrative indépendante “compétente pour l’ensemble des moyens de transport” à partir du “socle” ARAF en raison 64 cf. art. L. 2133-5 du code des transports. des problématiques communes aux différents secteurs tenant à l’existence 65 Avis no 2015-005 du 17 février 2015. d’“infrastructures non reproductibles”. 66 Avis no 2015-004 du 3 février 2015. 63 Étant précisé que, postérieurement à la tenue du colloque, aucun accord sur le texte n’a pu être dégagé dans le cadre de la commission mixte paritaire, 67 Déc. no 2014-022 du 18 novembre 2014 relative à l’attribution de sillons de sorte qu’il sera de nouveau soumis à l’Assemblée nationale à compter du par SNCF Réseau et déc. no 2014-023 du 18 novembre 2014 relative à la

16 juin 2015. réservation et à l’utilisation par SNCF Réseau de capacités pour les travaux. délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art. utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, d'auteur par les conventions internationalesintellectuelle du 1er juillet 1992. Toute du droit en vigueur et le Code de la propriété au titre Ce document est protégé by copyright laws and internationalNon-authorised use of this document pouvant accompagner ce document. This document is protected copyright treaties. personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’articletechniques protection L. 122 5 CPI et des mesures L. 335-2 CPI). L’utilisation constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment € 300 000 fine ( Art.Intellectuelle). Personal use this document is authorised within limits Intellectuelle DRM protection. L. 335-2 Code de la Propriété L 122-5

Concurrences N° 4-2015 I Conférence I Concurrence et transport I Lille, 16 avril 2015 23 Réseau, de capacités pour les travaux. Il est important de relever que, pour obtenir l’homologation, l’ARAF a III. Coopération et dû amender les deux décisions qu’elle avait initialement soumises le 15 juillet 2014 au ministre chargé des trans- ports, lequel avait opposé un refus d’homologation.68 concurrence entre

33. En matière de pouvoir de sanction, l’ARAF a mis ADLC et ARAF en demeure la SNCF le 15 juillet 2014 concernant les conditions d’accès à ses cours de marchandises69. Il est, sur ce point, intéressant de noter que, au titre des griefs 1. Une coopération importante formulés par l’ARAF, figuraient notamment (i) la dimi- 37. L’ADLC et l’ARAF disposent de missions complé- nution du nombre de terminaux de marchandises publiés mentaires qui les conduisent à largement coopérer dans dans le DRR, que la SNCF justifiait par l’absence d’uti- le cadre de ces dernières. lisation de ces sites et l’existence de solutions alterna- tives plus accessibles et que l’ARAF a stigmatisée comme 38. L’ARAF doit ainsi saisir pour avis l’ADLC avant portant atteinte au droit d’accès aux infrastructures de de se prononcer sur les règles de séparation comp- services, lequel est général et inconditionnel, et (ii) l’ab- table qui lui sont soumises (règles relatives aux comptes sence de transparence des tarifs présentés dans l’offre de séparés entre les activités de gestion de l’infrastructure, référence de la SNCF. par SNCF Infrastructure, et des gares de voyageurs, par Gares & Connexions, et les activités d’exploitation des 34. Ces griefs sont ainsi proches de celui qui avait été services de transport)74. retenu par l’ADLC dans le cadre de sa décision no 12-D-25 précitée. Cette situation illustre bien les recoupements qui 39. Le président de l’ARAF peut également saisir peuvent exister entre les compétences des deux autorités. l’ADLC pour avis sur toute question de concurrence, ainsi que pour lui dénoncer les pratiques anticoncurren- 35. Dans le cadre de son pouvoir de règlement des diffé- tielles soupçonnées dans le secteur75. rends, enfin, l’on constate une augmentation sensible du nombre de procédures dont l’Autorité a eu à connaître 40. Quant à l’ADLC, cette dernière communique pour ces deux dernières années, lesquelles ont porté sur des avis à l’ARAF les saisines contentieuses relatives à des sujets structurants pour le développement du secteur : 70 secteurs qui entrent dans le champ de sa compétence qualité des sillons alloués aux entreprises ferroviaires , et peut la saisir de toute question relative au secteur du tarification et transparence des conditions d’accès et d’al- 76 71 transport ferroviaire afin que cette dernière l’éclaire par location de capacités dans les infrastructures de service , son expertise sectorielle77. tarification des services fournis en gares de voyageurs aux 72 transporteurs , etc. 41. En matière de contrôle des concentrations dans le secteur du transport, si l’ADLC consulte les autori- 36. Faisant au demeurant sienne la position exprimée par tés sectorielles en cas d’opérations en “phase 2”78, cette la Cour de cassation concernant les pouvoirs de l’ARCEP consultation n’est pas exigée pour les opérations de – le régulateur des télécoms – en règlement de différend, phase 1, même lorsque ces dernières supposent la prise l’ARAF a pour la première fois en 2015 accepté à deux d’engagements (dont on a vu le caractère parfois struc- reprises de conférer à ses décisions de règlement de diffé- turant pour le secteur, cf. § 21 supra). Certes, les délais rend un effet rétroactif à compter de ce qu’elle a consi- d’examen en phase 1 sont beaucoup plus courts et rien déré comme étant la date de début du différend dont elle 73 n’empêche une coopération officieuse, mais l’on peut était saisie . néanmoins regretter l’absence de coopération officielle dans cette hypothèse.

68 Déc. no 2014-014 du 15 juillet 2014 relative à la réservation et à l’utilisation par le gestionnaire du réseau ferré national de capacités pour les travaux et 74 cf. art. L. 2133-4 du code des transports. Étant souligné que, dans le cadre de o déc. no 2014-015 du 15 juillet 2014 relative à l’attribution de sillons par le son avis n 14-A-09 du 11 juillet 2014 sur le projet de séparation comptable de gestionnaire du réseau ferré national. l’activité infrastructure de la SNCF, l’ADLC a considéré que, en raison de (i) l’adoption prochaine de la loi portant réforme ferroviaire et (ii) l’insuffisance 69 Déc. no 2014-010 du 15 juillet 2014 portant mise en demeure de la SNCF pour des éléments transmis par l’ARAF, elle n’était pas en mesure de remplir sa non-respect de ses obligations de gestionnaire de terminaux de marchandises. mission et devait donc se limiter à émettre des recommandations générales.

70 Déc. nos 2013-016 à 2013-019 du 1er octobre 2013 et décisions nos 2014-016 à 75 cf. art. L. 2135-13 du code des transports. 2014-019 du 15 juillet 2014. 76 cf. art. L. 2135-13 du code des transports et R. 463-9 du code de commerce. 71 Déc. no 2013-028 du 3 décembre 2013. 77 cf. les avis no 2011-005 du 23 mars 2011 (Aut. conc., déc. no 12-D-25 précitée), 72 Déc. no 2015-002 du 3 février 2015 et déc. no 2015-017 du 13 mai 2015. no 2013-005 du 28 mars 2013 (déc. no 15-D-05 précitée) et no 2013-029 du 11 décembre 2013 (avis no 14-A-05 précité). 73 Déc. no 2015-002 du 3 février 2015 et déc. no 2015-017 du 13 mai 2015. Dans un souci de transparence, Magenta indique qu’il était le conseil du STIF et de 78 Lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des

la région Pays de la Loire dans ces procédures. concentrations du 10 juillet 2013, § 261. délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art. utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, d'auteur par les conventions internationalesintellectuelle du 1er juillet 1992. Toute du droit en vigueur et le Code de la propriété au titre Ce document est protégé by copyright laws and internationalNon-authorised use of this document pouvant accompagner ce document. This document is protected copyright treaties. personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’articletechniques protection L. 122 5 CPI et des mesures L. 335-2 CPI). L’utilisation constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment € 300 000 fine ( Art.Intellectuelle). Personal use this document is authorised within limits Intellectuelle DRM protection. L. 335-2 Code de la Propriété L 122-5

24 Concurrences N° 4-2015 I Conférence I Concurrence et transport I Lille, 16 avril 2015 42. Enfin et comme on l’a vu, l’ADLC a souvent apporté 48. Dans ce contexte, en présence d’un différend portant un soutien “spontané” à l’ARAF en militant pour sur les conditions d’accès à une infrastructure exploitée une extension des pouvoirs du régulateur sectoriel79. en monopole (ou situation de dominance) un recoupe- Ce soutien n’est naturellement pas désintéressé, un régula- ment des contentieux est possible84. Les entreprises saisis- teur sectoriel puissant pouvant permettre, par son action, santes vont alors pouvoir réaliser un forum shopping en de faciliter l’identification des éventuelles pratiques anti- considération de différentes considérations stratégiques concurrentielles – abus notamment – commises dans le tenant aux avantages et inconvénients que présente le fait secteur. de saisir l’une et/ou l’autre de ces autorités et qui tiennent notamment à :

2. Des zones de recoupement - la rapidité de la procédure, que l’on sait plus courte devant l’ARAF que devant l’ADLC possibles (sauf demande de mesures conservatoires) ; 43. Le président de l’ADLC a souvent déclaré, s’agis- - lla charge de la preuve, l’ADLC disposant de sant des secteurs régulés, que l’ADLC est le “jardinier” larges pouvoirs d’investigation alors que, en et non pas le “paysagiste”, rôle qui incombe à l’autorité règlement de différend, la charge de la preuve sectorielle. pèse essentiellement sur le saisissant, qui doit dûment justifier de ses demandes ; 44. L’ADLC est certes un jardinier, mais fort bien outillé et entreprenant, comme l’illustrent les décisions précitées. - lles problématiques de secret des affaires, lequel est bien mieux protégé devant l’ADLC que 45. Ainsi, la faculté d’autosaisine dont elle dispose, devant l’ARAF ; associée à sa faculté de clore une procédure contentieuse - ll’exemplarité recherchée au travers de la par l’acceptation d’engagements, constitue deux outils procédure à introduire, la menace d’une éventu- particulièrement efficaces pour obtenir les modifications elle sanction pécuniaire s’avérant souvent plus structurelles de certains comportements qu’elle estime dissuasive que la perspective d’une décision préoccupants sur le plan concurrentiel80. de règlement de différend ou de sanction du régulateur85 ; 46. La frontière entre concurrence et régulation apparaît donc parfois ténue, et ce d’autant que, dès lors que la - lla portée de la décision à intervenir, celle de régulation permet un comportement autonome, le droit l’ARAF pouvant être rétroactive. de la concurrence est applicable81. 49. C’est ainsi notamment à l’aune de ces critères que n 47. À cet égard, les problèmes d’accès au réseau, le saisissant devra choisir sa voie. fréquents dans les industries de réseaux, soulèvent des questions concurrentielles “classiques”82 en même temps qu’ils peuvent être soumis au régulateur sectoriel lors- qu’ils traduisent, par exemple, la violation des obliga- tions réglementaires de l’opérateur gérant ledit réseau ou bien encore lorsqu’ils conduisent à des conditions inéqui- tables d’accès. Rappelons d’ailleurs que la violation d’une obligation réglementaire peut également traduire un abus de position dominante83.

79 Avis no 13-A-14 du 4 octobre 2013 relatif au projet de loi portant réforme ferroviaire ; avis no 14-A-05 précité et avis no 15-A-01 du 6 janvier 2015 relatif à des projets de décrets pris pour l’application de la loi portant réforme ferroviaire.

80 cf. pour une décision particulièrement illustrative, la déc. no 13-D-15 du 25 juin 2013 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport maritime de fret entre l’Europe du Nord et les Antilles françaises. 84 Cf. p. ex. la déc. no 09-D-24 du 28 juillet 2009 relative à des pratiques 81 CJUE, aff. C‑280/08 P, Deutsche Telekom, du 14 octobre 2010. mises en œuvre par France Télécom sur différents marchés de services de communications électroniques fixes dans les DOM et les décisions osn 04-374 82 Discrimination dans les conditions d’accès, effet de levier et confusion, à 04-376 de l’ARCEP des 27 avril et 4 mai 2004 se prononçant sur des ciseau tarifaire, etc. différends opposant, respectivement, le Conseil régional de la Réunion, Mobius et Outremer Telecom à France Télécom. 83 Déc. no 12-D-25 précitée ou déc. no 15-D-01 du 5 février 2015 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la diffusion de la télévision par 85 Dont on rappellera qu’elle ne peut intervenir qu’en cas de non-respect d’une

voie hertzienne terrestre en outre-mer. mise en demeure préalable (cf. art. L. 2135-7 du code des transports). délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art. utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, d'auteur par les conventions internationalesintellectuelle du 1er juillet 1992. Toute du droit en vigueur et le Code de la propriété au titre Ce document est protégé by copyright laws and internationalNon-authorised use of this document pouvant accompagner ce document. This document is protected copyright treaties. personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’articletechniques protection L. 122 5 CPI et des mesures L. 335-2 CPI). L’utilisation constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment € 300 000 fine ( Art.Intellectuelle). Personal use this document is authorised within limits Intellectuelle DRM protection. L. 335-2 Code de la Propriété L 122-5

Concurrences N° 4-2015 I Conférence I Concurrence et transport I Lille, 16 avril 2015 25 Discours de clôture

Jean-François Bénévise [email protected] Directeur régional, DIRECCTE du Nord-Pas-de-Calais, Lille

1. Tout d’abord, je me joins aux remerciements déjà exprimés 7. Deuxièmement, les agents de la DGCCRF détectent aux intervenants qui nous ont offert des présentations et des des ententes illicites et des abus de domination, et leur échanges d’une très haute qualité. Je me réjouis qu’ils aient sanction lorsqu’elles sont de dimension locale. En effet, pu se tenir à Lille, lorsque, d’habitude, ces mêmes débats depuis le 1er mars 2009, le ministre chargé de l’Économie se déroulent à Paris. L’organisation de colloque était en dispose d’un pouvoir d’injonction et de transaction pour effet l’occasion de montrer que les questions relatives à la le règlement des pratiques anticoncurrentielles locales. politique et au droit de la concurrence s’incarnent égale- Ce pouvoir s’applique aux pratiques anticoncurrentielles ment à l’échelon local. Je pense que le pari est réussi. commises par des entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 50 millions d’euros sur le plan individuel 2. Avec le secteur du transport, en particulier dans notre et 100 millions d’euros pour l’ensemble des entreprises région, la problématique soulevée par ce colloque a responsables. Les DIRECCTE peuvent donc enjoindre suscité une forte participation de votre part, dont je vous aux entreprises de mettre un terme aux pratiques anti- remercie également. concurrentielles constatées et de régler à l’État jusqu’à 150 000 euros dans la limite de 5 % de leur chiffre d’af- 3. L’objectif annoncé de ce colloque était de vous faires en France. Ce travail de détection des pratiques informer sur les évolutions, récentes, en cours, et à venir, anticoncurrentielles qui conduisent à ces procédures est auxquelles sont confrontés les acteurs du secteur et leurs réalisé par l’ensemble des agents de la DGCCRF, contrô- conseils, ainsi que les administrations en charge de la leurs et inspecteurs qui travaillent, au niveau départemen- régulation et des questions de concurrence. tal, dans les DD(CS) PP (les directions départementales [de la cohésion sociale] de la protection des populations), 4. Parmi ces administrations, la Direction générale de la et, au niveau régional, dans les pôles C des DIRECCTE. concurrence, de la consommation et de la répression des À l’occasion de leurs missions principales, dont certaines fraudes (la DGCCRF), à travers notamment ses agents sont éloignées de la mission de régulation concurren- en poste dans les pôles C des DIRECCTE, joue un rôle tielle des marchés, en particulier dans les DDPP et les dont je souhaiterais dire quelques mots pour compléter DD(CS)PP, ceux-ci exercent une veille concurrentielle les présentations de cet après-midi. sur l’ensemble des secteurs de l’économie. Sans dévoiler les dossiers en cours d’instruction au niveau de la brigade 5. En effet, le secteur des transports génère chaque année interrégionale d’enquêtes de concurrence, le secteur du une part significative d’interventions de la DGCCRF transport, dans le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie, a au titre de ses missions de régulation concurrentielle des fait l’objet de plusieurs indices de pratiques anticoncur- marchés et de protection économique des consomma- rentielles qui ont déjà donné lieu ou donneront lieu à des teurs à travers trois principaux axes. enquêtes pour établir l’existence d’éventuelles ententes ou abus de position dominante. Au niveau national, 6. Premièrement, la DGCCRF surveille le jeu de la plusieurs ententes ont été sanctionnées dans le secteur concurrence dans tous les domaines de la commande urbain et interurbain de voyageurs ou dans le secteur des publique : marchés publics, délégations de service public, taxis. C’est ainsi à la suite d’une enquête de la DGCCRF contrats de partenariat. Cette surveillance se traduit par qu’un GIE de taxis, à Amiens, a été condamné pour une la présence d’agents, en charge de la concurrence dans entente anticoncurrentielle, par l’Autorité de la concur- la commande publique, dans les commissions d’appels rence : il lui a été reproché d’avoir mis en place un système d’offres à l’occasion d’importantes procédures de mises verrouillé visant à empêcher ses membres de développer en concurrence. En complément du travail effectué par tout rapport direct avec une clientèle propre. les services de la préfecture du contrôle de légalité, ils conseillent également les acheteurs et s’assurent du 8. Enfin, troisièmement, la DGCCRF lutte contre les bon déroulement de ces procédures essentielles pour pratiques restrictives de concurrence par le biais des un bon fonctionnement concurrentiel des marchés en agents des brigades LME (loi de modernisation de l’éco- relevant d’éventuelles irrégularités et des indices de nomie). La DGCCRF veille particulièrement au bon pratiques anticoncurrentielles susceptibles de donner fonctionnement concurrentiel des marchés du transport lieu à des enquêtes de concurrence. Les appels d’offres routier de marchandises ainsi qu’à la loyauté des rela- des “autorités organisatrices de transport” dans le cadre tions commerciales, car, sans faire de mauvais jeu de des transports publics urbain et interurbain de voyageurs mots, ce secteur constitue le carburant de l’économie réelle en France. En effet, sans ses activités de logistique

en constituent des exemples importants. délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art. utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, d'auteur par les conventions internationalesintellectuelle du 1er juillet 1992. Toute du droit en vigueur et le Code de la propriété au titre Ce document est protégé by copyright laws and internationalNon-authorised use of this document pouvant accompagner ce document. This document is protected copyright treaties. personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’articletechniques protection L. 122 5 CPI et des mesures L. 335-2 CPI). L’utilisation constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment € 300 000 fine ( Art.Intellectuelle). Personal use this document is authorised within limits Intellectuelle DRM protection. L. 335-2 Code de la Propriété L 122-5

26 Concurrences N° 4-2015 I Conférence I Concurrence et transport I Lille, 16 avril 2015 compétitives et ses infrastructures remarquables, qui 10. Enfin, au-delà de l’action exercée au sein des sont reconnues mondialement comme un atout écono- DIRECCTE et des DD(CS)PP, l’action de la DGCCRF mique pour notre pays, le développement des entreprises, dans les transports s’exerce également aux niveaux et en particulier les PME, serait fragilisé. C’est la raison national et départemental. Sur le plan national, l’admi- pour laquelle la DGCCRF intervient notamment pour nistration centrale de la DGCCRF apporte son expertise faire appliquer les dispositions légales relatives à la réper- au cabinet du ministère de l’Économie en matière de régu- cussion des variations de charges des carburants, lutter lation concurrentielle ; c’est ainsi la DGCCRF qui a été contre les pratiques de prix abusivement bas et faire mobilisée pour l’élaboration de différents projets de loi respecter la règle du délai maximum de paiement à trente en matière de régulation dans les transports, comme la loi jours à compter de la date d’émission de la facture. Ce no 2014-1104 du 1er octobre relative aux taxis et aux VTC contrôle des délais de paiement, pour lesquels le trans- ou le projet de loi relatif à la croissance, l’activité et l’éga- port routier de marchandises dispose d’une réglementa- lité des chances économiques en cours de discussion au tion spécifique, est d’ailleurs une priorité nationale du Sénat (open data dans les transports, ouverture des lignes gouvernement. Dans un contexte économique marqué par autocar, régulation des autoroutes et réforme du par des rapports commerciaux tendus entre les transpor- permis de conduire). Il s’agit notamment de la rédaction teurs et leurs clients, les retards dans les paiements des des projets de textes, y compris les mesures d’application, prestations de transport routier de marchandises ont de la représentation du gouvernement au Conseil d’État grevé indirectement leur trésorerie. Le non-respect des ainsi que de l’élaboration des positions et rédactions des délais de paiement a souvent révélé des déséquilibres des argumentaires sur les amendements parlementaires. rapports de force entre les transporteurs et leurs clients contre lesquels la DGCCRF lutte en engageant, chaque 11. L’ouverture à la concurrence de ce secteur, dont on fois que cela est nécessaire, des actions judiciaires sur la a pu observer qu’elle ne s’est pas faite au même rythme base du code de commerce. Je pourrais également citer et dans les mêmes conditions selon le type de transport, un autre exemple d’intervention de la DGCCRF en s’est donc accompagnée également d’un renforcement matière de rééquilibrage des relations commerciales, par des réglementations protectrices des consommateurs. ses enquêtes relatives au contrôle des pratiques commer- C’est un aspect qu’il ne faut pas négliger : si la question ciales dans les secteurs de la sous-traitance automobile de la “concurrence déloyale” n’a pas été évoquée au cours et de la construction ferroviaire. Ces enquêtes ont ainsi de ce colloque, au motif qu’elle relève de litiges privés, abouti à la prise d’engagements par les grands construc- traités dans les tribunaux de commerce où, la plupart teurs pour rééquilibrer leurs contrats ! du temps, l’administration n’intervient pas, il ne faut pas oublier pour autant qu’un fonctionnement loyal des 9. Parallèlement à l’exercice de ces missions de régula- marchés a pour corollaire des règles harmonisées entre tion concurrentielle, l’ouverture progressive à l’initiative les différents marchés. À l’heure de la construction d’un privée de différents secteurs des transports appellera à marché unique européen, les États doivent accompa- une mobilisation croissante des agents départementaux gner les entreprises dans ce processus irréversible : les et nationaux (DDPP et SNE) en matière de protection DIRECCTE sont de ce point de vue idéalement placées des consommateurs. En 2014, les contrôles en matière pour effectuer cet accompagnement, au plus près des d’affichage des prix des billets d’avion ont ainsi conduit à réalités économiques des marchés et de leurs acteurs : l’engagement d’une dizaine de suites pénales et permis de entreprises, collectivités locales et consommateurs. conclure à près de 1 million d’euros de transactions avec les professionnels contrevenants. Par ailleurs, les agents 12. Mesdames, Messieurs, vous êtes parfois venus de loin de la DGGCRF ont été habilités par la loi no 2014-344 du pour assister à ce colloque qui est maintenant clos et 17 mars 2014 relative à la consommation pour le contrôle vous avez des trains à prendre – et vous savez que ceux-ci des règlements communautaires relatifs à la protection partent à l’heure – ; je vous remercie pour votre attention des passagers (transport par route, par rail, par eau et et vous souhaite, à tous, un bon retour. n par air). La mise en œuvre de ces contrôles sera l’un des enjeux forts de la DGCCRF en matière de protection économique des consommateurs pour les années à venir. Ce document est protégé au titre du droit d'auteur par les conventions internationales en vigueur et le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992. Toute utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art. utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, d'auteur par les conventions internationalesintellectuelle du 1er juillet 1992. Toute du droit en vigueur et le Code de la propriété au titre Ce document est protégé by copyright laws and internationalNon-authorised use of this document pouvant accompagner ce document. This document is protected copyright treaties. personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’articletechniques protection L. 122 5 CPI et des mesures L. 335-2 CPI). L’utilisation constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment € 300 000 fine ( Art.Intellectuelle). Personal use this document is authorised within limits Intellectuelle DRM protection. L. 335-2 Code de la Propriété L 122-5

Concurrences N° 4-2015 I Conférence I Concurrence et transport I Lille, 16 avril 2015 27 Concurrences

Concurrences est une revue trimestrielle couvrant l’ensemble Editoriaux Chroniques des questions de droits de Jacques Attali, Elie Cohen, Ententes l’Union européenne et interne Laurent Cohen‑Tanugi, Martine Behar-Touchais Claus‑Dieter Ehlermann, Ian Forrester, Ludovic Bernardeau de la concurrence. Les analyses Michel Debroux de fond sont effectuées sous Thierry Fossier, Eleanor Fox, Laurence Idot, forme d’articles doctrinaux, Frédéric Jenny, Jean-Pierre Jouyet, Pratiques unilatérales Hubert Legal, Claude Lucas de Leyssac, de notes de synthèse ou Frédéric Marty de tableaux jurisprudentiels. Mario Monti, Christine Varney, Bo Vesterdorf, Anne-Lise Sibony L’actualité jurisprudentielle Louis Vogel, Denis Waelbroeck, Anne Wachsmann et législative est couverte par Marc van der Woude... Pratiques commerciales onze chroniques thématiques. déloyales Muriel Chagny, Valérie Durand, Interviews Jean-Louis Fourgoux, Rodolphe Mesa, Sir Christopher Bellamy, Thierry Dahan, Marie‑Claude Mitchell John Fingleton, François Hollande, Frédéric Jenny, William Kovacic, Neelie Kroes, Distribution Christine Lagarde, Ségolène Royal, Nicolas Ereseo, Dominique Ferré, Didier Ferrié, Anne-Cécile Martin Nicolas Sarkozy, Sheridan Scott, Christine Varney... Concentrations Dominique Berlin, Olivier Billard, Jean‑Mathieu Cot, Ianis Girgenson, Dossier Jacques Gunther, David Tayar Jacques Barrot, Jean-François Bellis, Aides d’État Murielle Chagny, Claire Chambolle, Jacques Derenne Luc Chatel, John Connor, Bruno Stromsky Raphael Vuitton Dominique de Gramont, Damien Géradin, Christophe Lemaire, Ioannis Lianos, Procédures Pierre Moscovici, Jorge Padilla, Emil Paulis, Pascal Cardonnel Joëlle Simon, Richard Whish... Alexandre Lacresse Christophe Lemaire Régulations Articles Hubert Delzangles Guy Canivet, Emmanuel Combe, Emmanuel Guillaume Jean-Paul Tran Thiet Thierry Dahan, Luc Gyselen, Daniel Fasquelle, Barry Hawk, Laurence Idot, Mise en concurrence Frédéric Jenny, Bruno Lasserre, Anne Perrot, Centre de Recherche en Droit Public Nicolas Petit, Catherine Prieto, Patrick Rey, Didier Théophile, Joseph Vogel, Wouter Wils... Secteur public Jean-Philippe Kovar Francesco Martucci Stéphane Rodrigues

Pratiques urisprudences Tableaux jurisprudentiels : Bilan de la pratique J européennes et étrangères des engagements, Droit pénal et concurrence, Legal privilege, Cartel Profiles in the EU... Florian Bien, Karounga Diawara, Pierre Kobel, Silvia Pietrini, Jean-Christophe Roda, Julia Xoudis Politique internationale International Frédérique Daudret John, Allemagne, Belgique, Canada, Chine, Sophie‑Anne Descoubes, Marianne Faessel, Hong‑Kong, India, Japon, Luxembourg, François Souty, Stéphanie Yon Suisse, Sweden, USA... Revues Christelle Adjémian, Mathilde Brabant, Droit & économie Emmanuel Frot, Alain Ronzano, Bastien Thomas Emmanuel Combe, Philippe Choné, Laurent Flochel, Frédéric Jenny, François Lévêque Penelope Papandropoulos, Livres Anne Perrot, Etienne Pfister, Francesco Rosati, Institut de recherche en droit international David Sevy, David Spector... et européen de la Sorbonne (IREDIES) Tarifs 2016

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