Saint-Santin-Cantalès. La Vie Des Habitants D'une Paroisse Rurale De
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
Je tiens à remercier tout particulièrement Monsieur Jean-Eric IUNG, Directeur des Archives départementales du Cantal, pour sa précieuse collaboration. Ce tiré à part a été réalisé grâce à la compréhension de la Société des Lettres, Sciences et Arts «La Haute-Auvergne» et de son président M. Marcel Delzons, que je remercie chaleureusement. La discontinuité de la numérotation des notes de bas de page ne nuit en rien à la compréhension du texte. Nous prions les lecteurs de bien vouloir nous en excuser. Gilbert MAUGUE SAINT-SANTIN-CANTALÈS La vie des habitants d'une paroisse rurale de Haute-Auvergne au XVir siècle Editions Gerbert A ma femme A mes filles A ma petite-fille AVANT-PROPOS La recherche historique n'est pas forcément une discipline difficile, mais elle exige de ceux qui la pratiquent une curiosité dépourvue de parti pris et d'idées préconçues, de la patience et de la méthode. Ecrire l'histoire de Saint-Santin-Cantalès au XVIIe siècle a effectivement exigé de longs dépouillements de liasses de papiers d'aspect sévère, couverts de signes parfois déroutants, puis une collation soigneuse de données souvent contradictoires. L'exer- cice imposait en outre une compréhension de faits, de comportements, de situations, d'institutions que l'homme de 1992 trouve extravagants s'il n'est pas averti, et qui, réunis tous ensemble, étaient l'Ancien Régime, que l'on crut enterrer à partir de 1789. Donc M. Gilbert Maugue a su rassembler une importante documentation, l'or- donner et en tirer la description d'une certaine société du Grand Siècle, mais d'un monde où l'on ignore Saint-Germain-en-Laye et Versailles, les villes royales si éloi- gnées (plusieurs jours de voyage). Il s'agit d'une communauté de cultivateurs migrants, de hobereaux sans prétentions mais décidés à tenir leur rang, de bourgeois de plume et de négoce, qui connaît les royaumes espagnols par coeur, mais, - quel paradoxe -, est volontiers coupée de tout ce qui sort d'un rayon de dix lieues autour du prieuré de Saint-Santin ! Parce que j'y ai beaucoup appris, il m'est agréable de recommander la lecture de l'ouvrage de M. Mauge, et de rendre hommage à l'historien et au pédagogue qui a su utiliser et donc mettre en valeur le patrimoine documentaire cantalien, ces archives sans lesquelles bien des monuments seraient de muets chefs-d'oeuvre, et bien des com- portements actuels, des questions sans réponse. Jean-Eric IUNG Directeur des Archives départementales du Cantal. SAINT-SANTIN-CANTALÈS : LA VIE DES HABITANTS D'UNE PAROISSE RURALE DU HAUT PAYS D'AUVERGNE AU XVIIe SIÈCLE par Gilbert MAUGUE * La généalogie est à la mode. Celui qui, pour la première fois, feuillette un registre de tables décennales d'actes d'état civil, ne se doute pas de ce qui l'attend. Un voyage palpitant, à reculons dans le temps, avec l'explora- tion des « quartiers », des racines de ses ancêtres qui se multiplient d'un siè- cle à l'autre. Pour le XIXe siècle, c'est facile; dès 1800 et jusqu'à 1700, on peut encore travailler sereinement avec des registres d'état civil complets et bien tenus pour la plupart. Mais au XVIIe siècle, une complication apparaît : les registres, très fragmentaires, débutent souvent à des dates variées selon les paroisses et sont difficiles à lire. Bien des généalogistes amateurs se dé- couragent alors. Et pourtant il existe un recours : les actes notariés. Si la chance se présente de retrouver aux Archives départementales les liasses de minutes de la paroisse où l'on recherche des ancêtres, leur explo- ration se révèle bénéfique et fournit la possibilité de reconstituer une famille de plusieurs générations au moyen notamment des contrats de mariage et des testaments. Seule difficulté, la trancription : il faut de l'aide et un peu d'entraînement pour arriver à des résultats convenables en ce qui concerne les actes antérieurs à la fin du XVIIe siècle. Cette aide, je l'ai trouvée auprès du personnel des Archives départe- mentales du Cantal, personnel très compétent et très aimable. Ma chance est aussi d'avoir côtoyé d'autres chercheurs dont les conseils m'ont été précieux et que je remercie chaleureusement, en particulier M. Jean Vezole, conteur ciens.et historien, spécialiste de la langue d'oc et de la transcription des textes an- J'ai eu la grande chance d'avoir à chercher des racines sur une paroisse, Saint-Santin-Cantalès, où des notaires se sont succédé du début à la fin du siècle, dont les minutes ont été déposées aux Archives. * 51, rue de Firminy, Aurillac. Leur fréquentation m'a donné l'idée de transcrire systématiquement tous les actes et d'essayer d'en faire une synthèse sur ce que pouvait être la vie des habitants de Saint-Santin-Cantalès au XVIIe siècle. Je dois ajouter qu'il a fallu explorer également les minutiers notariaux des environs, surtout de Laroquebrou. En effet, pour diverses raisons, tous les actes n'ont pas été enregistrés à Saint-Santin-Cantalès : périodes sans no- taire, gens qui préfèrent régler leurs affaires ailleurs ou « Espagnols » faisant leur testament en passant à Laroquebrou. J'ai choisi de présenter le plus grand nombre de textes d'époque, et pour en rendre l'accès plus aisé à des lecteurs qui ne sont pas tous familiers d'une orthographe déroutante et d'un style à la fois ampoulé et abrupt, j'ai pris le parti de « rajeunir » la plupart des citations que j'effectuai. Je n'igno- re pas que cette démarche peut être contestée ou simplement regrettée, d'autant qu'à titre de témoins, j'ai restitué certains textes selon les critères rigoureux de l'édition scientifique. Il s'agit d'un choix personnel que le grand nombre de citations textuelles justifie. Le notaire est le témoin du siècle. Dans le monde rural du XVIIe siècle, le pouvoir civil est quasi inexis- tant : les consuls, habitants du lieu, s'occupent de la perception de la taille et délibèrent des affaires de la paroisse (sur la place, devant l'église). Les receveurs des impôts (ou leurs sergents) font parfois irruption dans la pa- roisse pour faire payer les récalcitrants. Les procès se déroulent à Laroque- brou (justice seigneuriale) ou à Aurillac; l'Eglise est omniprésente, mais n'a pas à s'occuper des affaires matérielles. On a retrouvé de rares testaments écrits par des prêtres (sans doute à cause de l'urgence et de l'absence d'un notaire proche). Pas de représentant sur place du pouvoir royal (l'intendant est loin, à Clermont). Le notaire est alors le reflet de la vie du pays : il enregistre les délibérations du corps commun, établit les contrats de mariage, les testaments, les ventes, donations, inventaires, procurations, échanges, quittances, reconnaissances de dots et de dettes, hypothèques, obligations, baux de métairie ou de louage, accords, prix-faits, contrats d'apprentissage... Tous ces actes, contresignés par des témoins (quand ils savent signer), ont force de loi et ne prêtent d'ailleurs à aucune contestation. Il arrive même que le notaire dresse des actes se rapportant à des faits qui n'ont que de lointains rapports avec le droit et qui se rapprocheraient plutôt du fait divers. C'est l'étude de l'ensemble de ces actes qui permet de cerner : - les différentes couches sociales de la paroisse choisie; - la vie de ses habitants; - leurs rapports avec les pouvoirs. siècleMais ? comment situer Saint-Santin-Cantalès aujourd'hui... et au XVIIe On peut apporter une réponse en rappelant quelques notions élémentai- res de géographie et de géologie qui paraissent conditionner l'économie de Les paroisses d'Arnac et de Saint-Santin-Cantalès en 1642 d'après la carte générale des montagnes de la Haute-Auvergne par le Sr de Clerville (1) (A.D. Cantal). Essai d'identification 1 Pont de Rodomont 2 Ruines des châteaux de Pouls 3 Pont du Rouffet 4 Village du Rouffet 5 Village de Saintrame ou Puy Saint-Rame (1) Parue « à Paris chez Jean Roisseau enlumineur du Roy pour les cartes géographiques demeurant sur le quai qui regarde la mégisserie à la Fontaine de jouvence royale ». Carte 1 'x s Carte 2 VI xxxx Limites de la Communes de Saint-Santin-Cantalès en 1990. \ \ xxxxx Limites de la paroisse de s Saint-Santin-Cantalès au XVIIe siècle. - - - - chemins. 2 - Carte 3 Linteau d'une vieille maison au village du Raynal (commune de Saint-Santin-Cantalès avant 1835). (Planche 1) Balcon d'une vieille maison à Pruns. (Planche 2) cette communauté au XVIIe siècle, et également en invoquant succintement son histoire. I. – SITUATION DE SAINT-SANTIN-CANTALÈS a) Géographie et géologie Au recensement de 1990, la commune de Saint-Santin-Cantalès, arron- dissement d'Aurillac (21 km), canton de Laroquebrou (10 km), compte 302 habitants. Les relations ferroviaires se font avec Aurillac par la ligne Aurillac - Bort-les-Orgues (station Saint-Illide à 3 km au nord-est) et avec Paris par la ligne Aurillac - Laroquebrou - Brive - Paris (station Aurillac ou Laroque- brou). La paroisse de Saint-Santin-Cantalès était autrefois très étendue (voir carte 3) et devait compter environ un millier d'habitants à l'époque qui nous intéresse. Approximation obligée puisqu'on ne dispose au XVIIe siècle que du rôle de la taille de 1680 pour évaluer le nombre de feux alors au nombre de 193. D'après Abel Poitrineau (1), à cette époque, chaque couple avait une moyenne de quatre-cinq enfants (2). Et si l'on admet le même chiffre de six ou sept personnes par foyer au milieu du XVIIIe siècle, il y aurait eu de 942 à 1099 habitants, donc un millier environ (l'intendant estimait la popula- tion à 157 feux en 1791).