Alexandre Lacassagne : Un médecin anthropologue face à la criminalité (1843-1924) Marc Renneville

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Marc Renneville. Alexandre Lacassagne : Un médecin anthropologue face à la criminalité (1843-1924). Gradhiva : revue d’histoire et d’archives de l’anthropologie , Musée du quai Branly, 1995, pp.247-268. ￿halshs-00130217￿

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1 CHACU connaît le nom de Lacassagne est né le 17 août 1843 à . li vécut (1835-1909), celui de Lacassagne est pratique­ dans celle ville jusqu'en 1861 puis s ui vit ses études de ment o ublié des anthropologues. Il n'est guère médecine à , effectua un stage à l'école de per­ Sque les manuels français de criminologie qui fas­ fectionnement de l'hôpital militaire du Val-de-Grâce, fut sen1 encore allusion à son œ uvre, pour souligner que son interne dans les hôpitaux de Strasbourg et préparateur dans principal mérite fut d'opposer à la causalité biologique le service de Tourdes. passa sa thè e en 1867. fut aide­ du «criminel-né » de Lombroso une approche s'in1ércs­ major à Marseille puis revint en tant que répétiteur à l'école sant aux causes « sociales » du crime, voire « sociolo­ de Strasbourg e n 187()?. Il exerça ensuite ses fonctions de giques » (Léauté 1972, Gassin 1990)1. Un récent médecin militaire en Algérie de 1872 à 1874 puis de 1878 colloque sur l'histoire de la criminologie a permis de à 1880. C'est cette même année qu' il ob1 in1 la chai re de montrer combien celle représentation était redevable médecine légale à la faculté de médecine de . Ensei- d 'une hi storiographie forgée par « l'écolé de Lyon »elle­ même. li y eut en fait une grande variété de positions de l. On ..Wni1 souvent les conceptions de LacasSllgnc. Tarde el Durkheim en un mtme cooranL Gassin affirme. par exemple. que• l'élude de~ fac· part et d 'autre et ! 'opposition radicale e ntre une école teurs sociologiques du crime a sunout ~~ l'cruvre de l'école française françai:.e et italienne ne résiste pas à une analyse précise du milieu social de la fin du x1x• siècle a•ec Tarde. Durkheim. Lacas· des débats de l'époque (Mucchi elli 1994b, Renneville sagne cl Joly ». Ferri. fai sant. en llalie. figure d'cxccp1ion (Gassin 1990 : 32). Voir aussi Léau1é (1972: 30) ou Rennie (1978 : 104). Badin· l 994b). Nous ne développerons pas ici ce point qui ter estime que • Lacassagne cl l'école lyonnaise ouvrait plus direc1c­ semble définitivement acquis, mais nous chercherons ment encore [que Ferri) la voie à la sociologie criminelle ,. (1992 : 197). plutôt à montrer la cohérence et l'originalité de la pensée Pinatcl vo11 curieusement en l'école de Lyon l'une des sources d'inspira· tion de l'école de Chicago (Pinatcl 1987: 135) et David A. Jones estime de Lacassagne. Alexandre Lacassagne ( 1843-1924) fut que Lacassagne aurait inOucnc~ Edwin H. Sutherland (Joncs 1986 : durant la Belle Époque le chef de file de l'école de Lyon 168). C'cs1 Pinatcl qui. le premier. a suggén! qu ' il ne fallait pas voir et probablement le dernier médecin-anthropologue à d'opposi1ion radicale entre Lombroso et Lacassagne (Pinatcl 1961). Souchon l'a également signalé en analysanl les " aphorismeti • de avoir une audience très large dans le domaine de la << cri­ La ca~sagnc (1974) ainsi que Vun Ginneken ( 1992: 114- 11 5). Nous minologie » française. Sa théorie mérite d'autant plus espérons apponer ici un complément en mon1r.1m le rôle de l'héritage de d'être présentée pour elle-même qu'ell e ne se réduit pas à la phn!nologie chez Lacassagne et qui. par rappon li Tarde ou Manou· une critique de celle de son célèbre homologue italien car vricr. lui CSI sp«ifiquc. 2. Mme Lacassagne a vc~ aux archives de l'Écolc d'application du ser­ elle puise ses sources dans des références françaises qui vice de santé pour l'année de 1crrc (Val-de-Grâce) le journal que son lui sont antérieures ... mari 1.in1 pendant le si~gc de Stra>bourg (dossier C/ 1038). gradlriva 17, 1995 127 gnant pendant 33 ans dans cette ville, Lacassagne fut le nerveux était « le plus élevé dans la séri e hiérarchique des personnage central de ce que l'on allait appeler « l'école ti ssus »et qu'à ce titre, c'était sur lui que portait unique­ du milieu social »ou « l'école de Lyon ». li lui donna très ment l'hérédité des caractères acquis. Cette dernière, tôt un programme de recherche large qui consistait en réduite donc à la transmission des variations du système « l'étude des problèmes sociaux éclairés par la science nerveux. était pour Lacassagne subordonnée à l' influence moderne,» (Lacassagne l 882a : 2 11 ) et lui fournit surtout du « milieu », et les « modifications » qui résultaient de une assise institutionnelle avec une revue. les Archives celle action ne devaient être considérées comme « acquises, d'anthropologie criminelle, qui parut de 1886 à 1914'. et par conséquent transmissibles, que lorsque l'habirude ou Lacassagne c ultiva un réseau de relations professionnelles l'exercice les a suffisamment assimilées » ( 1876 : 674). très large. n entretint des relations d'amitié avec le juriste Lacassagne résuma sa théorie en affirmant que l'hérédité , l'anthropologue Léonce Manouvrier. le suivaic les trois lois suivantes : médecin légiste Paul Brouardel, avec Paul Dubuisson qu'il 1. La loi de « modificabilité » des êtres vivants, qui rencontra dès 1874 à la Société positiviste animée par pose que l'homme étant l'animal le plus complexe, il est Pierre Lafitte et Charles Jeannole (Dubuisson fut pendant aussi le plus modifiable. cinq ans le rédacteur en chef de la Revue occidentale). le 2. La loi de « perfectionnement » qui fait que te cer­ médecin Maurice Debove (qui fut secrétaire perpétuel de veau humain « acquiert des idées plus élevées et dans les­ l'Académie de médecine de 1913 à 1920). le spécialiste de quelles l'intérêt de la société tend à prédominer sur la puériculture Adolphe Pinard. le médecin montpelliérain l'intérêt de l'individu ». Joseph Gra:.sct. À Lyon, Lacassagne se lia avec le méde­ 3. La loi « d'appareillement » qui rend compte du fait cin Charles Debierre, qui fut chef du parti radical du Nord que l'hérédité n'est assurée que « pour les formes qui se et président du Grand-Orient de France (il ne quitta Lyon renconlrent à la foi s chez le père et la mère, sauf le cas qu'en 1888) mais aussi avec ses collègues Henri Cou­ d'atavisme »s. tagne, Léon Mayet, Robert Garraud. etc. Lacassagne ~e Ayant posé ces trois lois, Lacassagne affirmait que la définissait sur le plan politique comme un « vrai » conser­ consanguinité donnait la « mesure de l'état physiologique vateur. « dans le bon sens du mot ». Il cultiva d ·ailleurs du milieu social ». Elle n'offrait donc aucun danger en soi des relations plus spécifiquement politiques avec le séna­ et il pensait au contraire que «dans les races pures, elle y teur Élisée Déandreis et surtout avec Léon Gambetta, qu 'il favorisait la transmission des meilleures qualités physiques connut très probablement à Cahors4 • et morales ». En revanche, dans la population urbaine, la Médecin-légiste a ux compétences reconnues, Lacas­ consanguinité était du plus mauvais effet car elle assurait sagne remporta un incontestable succès lorsqu'il identifia la transmission des vices et des défauts acquis par les deux en 1889 le corps partiellement décomposé de l 'huissicr parents. Les aspects néfastes de la ville et de ta « vie assassiné dans la célèbre affaire de la « malle à Gouffé ». moderne » atteignaient d 'ailleurs indis tinctement les li pratiqua également l'autopsie du président , clas es aristocratiques et bourgeoises comme les classes assassiné à Lyon en 1894, et fit l'examen médico-légal de ouvrières. l'anarchiste Casério. Lacassagne participa aux grandes La détermination de la valeur de la consanguinité divi­ affaires criminelles de son temps (Vidal, le « tueur de sait beaucoup les médecins de l'époque (Léonard 1983 : femmes », Vacher « l'éventreur ». etc.) cl fu t très productif 192) et elle fut ! 'enjeu de nombreuses discussions à la dans sa vie professionnelle, tant par ses écrits que par son Société d'anthropologie de . Dans son article, Lacas­ action de directeur de recherches auprès de 207 élèves sagne prenait clairement partie contre le déterminisme (Lacassagne 1913 : 348). Nous devons donc préciser que héréditaire du sang: cc n'était pas pour lui la consanguinité nous ne nous intéresserons ici à ses travaux qu'en tant qui était « saine ou malsaine » mais « le terrain sur lequel qu'ils éclairent sa vision de la criminalité. elle se produit » (op. cit. : 694-695). C'est en appliquant cette théorie qu'il expliquait la « dégé nérescence » des Hérédité et milieu nobles de France : « lorsque la noble:.sc a, dans un géné­ reux et dernier élan, renoncé à ses privilèges dans la nuit Lacassagne a développé ses thèses d'anthropologie cri­ minelle à partir de sa nomination à la chaire de médecine 3. Sur la postUité de l'«olc lyonn:iise. voir Pinatcl (1961). Pour unc étude légale. Avant 1880, il publia toutefois deux articles qui détaillée des Arr:hÎl'"s d' an1hropolog1" criminelle(-'"' c. dans la suite de préfigurent l'approche qu' il allait appliquer a u problème cet anicle). voir Kalw.z)nsl:i (1988). criminel. Le premier est une contribution au prestigieux 4. Ces liens é tablis d~ s l'adolescence sonl invoqués par Coquard (Storck). Manin (1924: 660). Vcrvacck (1924: 61) et Soochoo (1974 : Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales de S4S). À Cahors. les parents de Lacassagne tenaient l'hôtel du Palais­ Dechambre. À la faveur de cet article sur la « consangui ­ Royal tandis que ceux de Oambcna tenaient un « ba1.ar génois » (Chru.te­ nité», Lacassagne exposa une théorie de l'hérédité dont il net 1968: 27). 5. Lacassagne délïnit l'u1uvisme en empruntant la formule de son ami reprit certains passages tout au long de sa carrière (Lacas­ 1ootechnicien A. Sanson comme« l'ensemble des puissances héridi· sagne 1876). Elle esl essentielle en ce qu'elle nous permet­ taires de la race "· Jouant sur les caractères les plus anciens. donc les tra d'expliquer plus loin sa conception de « l' hérédité mieux fixés, c ·est le phénomène héréditaire qui a scion lui le moins de criminelle ». chance de varier : on vo11 ici toute la d1Stance quo sépare ccne définition de l'emploi que Lombroso fait du même terme. Sur le con1cx1e scienti· S ' appuyant s ur l' autorité de Comte. Broussais et fique qui fai1 prtférer en France la rtférencc à Lamarck qu'à la lhéorie Moret, Lacassagne affirma dans cet article que le système darwinienne de l'évol ution. voir Conry (1974). 128 du 4 aoû1, el le avai1 perdu depuii. long1emp~ lei. carac1ères physiques et les quali1<:s morales qui l 'avaien1 placée cl main1enue pendan1 tant de siècles à la 1ê1e du pays». ou ~ avons là une première approximalion de cc que Lacas­ sagne e n1endait par « milieu social » car ce qui perme11ai1 selon lui à la race de se conserver était « l e~ c limat~. la nourriture et les mœurs » (ibid. : 697). L'approche était donc résolumenl médicale et le « milieu social » invoqué n ·avait pas grand rapport avec la notion développée par nos con1emporains. Il rclcvai1 plus d'une pensée (< écolo­ gique » héritée du courant hygi é ni ~ tc el du vitalisme que d'une véritable sociologieo. Le second anicle rcndai1 compte d'une recherche sur le rappor1 entre la forme et le volume de la tê1c el le 1ravail in1ellectuel (Lacassagne & Cliquet 1877-79). Cc genre d'étude avait été initié dès la Monarchie de Juille1 par des phrénologues dissident1>, comme François Lélut el Max Parchappe : mais il avait été remis d'ac1uali1é par Paul Broca au début des année 70 (Broca 1872). Six ans après celle première recherche. Gustave Le Bon obtint d'ailleur.. le prix Godard de la Société d'anthropologie de Paris pour une longue étude sta1istique s ur le même sujet (Le Bon 1878. Le1oumeau 1879). La meilleure preuve de l'ac1uali1 é du thème rfaide tou1efois dans la mise au point qui eul lieu à la suite de la pré enta1ion que le doc1eur Luys fit du 1ra­ vail de Lacassagne e1 Cliquet à l'Académie de médec in e (séance du 20 aoÛI 1878). Jules Guérin tint en effe1 à rap­ peler qu 'il av ail déjà affirmé dan!> ~on Essai de plrysiolo8ie générale ( 1843) que « la fon ction » faisail « l'organe » (formule auribuée ré1ro~pec 1iveme n1 à Lamarck) cl il alla même jusqu'à réclamer l'antériori1é de son in1érê1 pour le domaine: ce qui n'es! pas ici la moindre ironie de l'affaire, quand on !.ail qu'il fui le rédacteur en chef d' une Ga:ette médicale qui s'é1ai1 placée à la 1ê1c, plu!> de 1re01e ans auparavanl. de la réac1ion anliphré nologique (Guérin 1878) ... Tête en plàtre présentant les d1v1S10ns phrénologiques selon Spurzheom Lacassagne el Clique! avaienl pour leur part mesuré (Ph. Mil) environ 400 lêle!> dans des milieux divers. Ayant relié cci. mes ures aux profei.~i o n des individus. Lacassagne 2. « Au fa1ali sme qui découle inévi1ablement de la confirma que la tête était effec1ivemen1 plus développée théorie anthropologique. nous opposons 1'initiativ e chez les « gens instrui1i. qui ont fait travailler leur cer­ sociale'" veau» que chct les ille11rés e1, qu'en outre, c'étai t sur1ou1 3. « La ju,1ice Oétrit. la pri~on corrompt et la i.ociété a la région fron1ale du cerveau qui bénéficiait de cet accrois­ les criminels qu'elle mérite». sement, alors que che1. le!> illett ré~. c'était la région occipi­ Ces aphorismes n'ont 1o utefois qu ·une faible valeur tale qui prédominait. explicative e n eu~-mêm cs. Le premier es1 as~c 1 ambigu. car il ne nou ~ permel pa ~ de savoir ce que recouvre Anthropologie ou sociologie '? l'expression de « milieu social ». Le criminel cs1-il un Les aphorismes de Lacassagne mi crobe par rapport à l' honnête homme ? E1 dan~ ce cas. n ·y aurait-il pas de différence de na1ure entre ces deux On a souvent résumé les concep1ions criminologique~ populations ? La métaphore perd en outre de son originalilé de Lacassagne par ces fameux « aphorismes » qu'il citai1 lorsqu'on la compare à celle de Quételc1. écrite plu~ de dix volonliers comme étanl l'expression de l'école du « milieu an ~ auparavant : « La ociélé renfem1e en elle l e~ germes social », et qu'on reprenait de bonne grâce. Ceux qui de tous les crimes qui vont ~e comme ure » ( 1869. 1,: 97). eurent le plu ~ de succès é1aien1 le!> suivanti. (Lacassagne 1894. 1913: 364): l. « Le milieu social cs1 le bouillon de culture de la cri ­ 6. Il c;,1 1rès probable aussi, comme le noie Souchon ( 1974 : 546). que minalité: le microbe. c'est le criminel, un élément qui n'a l'in1frê1 de Lacas;agne pour le • milieu • date de son pas;age à la Facuht de Monrpclher. où tl prép.1ra ragté!!allon (de 1870 à 1872). Sur d'importance que le jour où il trouve le bouillon qui le fait la pen~ hygiém~IÇ et M>n fooc1ionncment comme • pl'Olo-soc1ologie •. fcrmemer ». voir Lécuycr { 1986). gradltiva 11. 1995 129 De plus. la phrase de Quételet est si l'on ose dire plus ri e de notre ami Lombroso et vient s'ajo uter a ux preuves ((sociologique », car elle n'assimile pas l'individu criminel déjà fournies par le professeur de médecine légale de à un « germe ». Le second aphorisme mérite une précision : Turin ,. (Lacassagne l882c : 589). Un an plus tard, il fit lorsque Lacassagne parle de « théorie anthropologique », une communication à la même société sur (( La question c'est évidemment à celle de Lombroso qu'il fait allusion et du coït chez les peuples primitifs dans ses rapports avec le fataJi s ~ qu'il lui impute mériterait d'être nuancé: c'est les peuples civilisés ». Constatant que le coït se faisait fré­ avant tout un argument polémique. Quant au troisième quemment « more f erarum » (en arrière) chez les « primi­ aphorisme, il recouvre trois proposilions qui n'ont absolu­ tifs » (Arabes, Égyptiens, Syriens ...), il rapprochait ce fait ment rien de spécifique à la pensée de Lacassagne. Une des actes de sodomies pratiqués dans les peuples civilisés minutieuse exégèse de ces aphorismes ayant déjà été tentée par des hommes adultes sur de je unes victimes et insistait (So uchon 197c4 ), nous hercherons plutôt ici à les replacer s ur l'inté rêt d ' un rapprocheme nt entre les deux phé no­ dans un contexte théorique pl us large qui, du point de vue mènes : « il est c urie ux de constate r q ue les anitudes prises de Lacassagne, nous permettra de mieux comprendre com­ par ces criminels reproduisent celles du coït physiologique bien ces aphorismes impliquaient une criminogenèse sans chez les peuples primitifs comme s'ils descendaient d'un rappon avec l'approche sociologique de Durkheim. degré dans l'échelle de l'humanité » (Lacassagne 1883 : La théorie criminologique de Lacassagne offre cet 169). Lombroso n'eut pas dit mieux... avantage po ur l'histo ri en qu'elle ne varia guère dans le Les rappons de Lacassagne à la th éorie lombrosienne temps. Des années 80 aux pro pos tenus au début de ce ne cessèrent to utefois d'être ambigus. On peut e n retenir siècle, on ne perçoit d'évolution que sur les auteurs que que Lacassagne s'opposa à l'existence d 'un type criminel Lacassagne cite à son appui. Cenains, omniprésents dans et d' un «criminel-né» gé néralisé mais qu'il sut toujours les références des premiers écrits, seront ensuite peu à peu conserver une place aux concepts de Lombroso. Lors du délaissés. C'est d'abord E. B. Tylor, dont La Civilisation décès de ce dernier, Lacassagne publia dans sa revue un primitive (1 876-78) lui ins pi re le thème des« s urvi­ texte en forme de bilan qui expliquait que Lombroso avait vances». C'est ensuite Arthur Bordier ( 1879) dont Lacas­ exagéré e n pensant que l'on pouvait diagnostiquer le cri­ sagne appro uva sans réserve dans un premier temps les minel-né à l'œil nu1. L'existence du «criminel-né» n'y diagnostics craniologiques. Ainsi l'assassin Choffron (qui était pas rejetée, mais nettement circonscrite : « Très jeune, avait déjà beaucoup intéressé les phrénologues) était l'individu se montre avec cet ensemble de perversités ins­ considé ré pa r ces de ux anthro pologues comme l' un des tincti ves. si fréquentes dans l'enfance, mais qui disparais­ « types de l'homme primitif ,. et pour Lacassagne, il avait sent au moment de l'adolescence. Quand elles persistent, cumulé « tous les défauts ou toutes les qualités des sau­ le sujet est incorrigible, c'est un criminel-né ,. (Lacassagne vages : rusé, violent, envieux, goulu, luxurieux ». Même l 909a : 892). Lacassagne ajoutait que ce « criminel-né » Lacenaire devenait dans ces études un « occipito-pariétal » pouvait parfois avoir présenté le« type criminel », qu'il présentant des « lésions assez caractéristiques d'ostéite et décri vait ainsi : « système musculaire très déve loppé, de méningite», possédant des« arcades sourcilières qui ne faciès caractéri sé par la saillie des zygomes et la lourdeur sont plus de notre temps » et dont la région pariétale du de la mandibule». La liste des stigmates était - par rappon cerveau était « semblable à celle de la caverne de l'Homme à celle de Lombroso - très limitée, et très « française», car mort ,. (Lacas agne l 882a : 250-25 1). le second caractère avait été mis e n évidence et défe ndu La troisième référence notable est celle de Ce a re par ce grand antilombro ien que fut Léonce Manouvriert. Lombroso. Il faut rappeler ici que Lacassagne construisit Il est certain toutefois q ue Lacassagne n'adhé ra j amais en partie sa théorie e n réaction à cell e de son homologue totalement à la chèse de l'atavisme criminel défendue par transalpin. « Séduit » to ut d ' abord par les thèses du Lombroso (Lombroso 1887). Ain i dès 1881, dans l'étude « maître de Turin » comme il l'avouait volontiers, il ne anthropologique qu' il consacr.1 aux tatouages, Lacassagne tarda pas dans les faits à se démarquer de son collègue, concluait en se démarquant explicitement de son collègue sous l'innuence probable de son ami juriste Gabriel Tarde transalpin. Les tatouages n'étaient pas pour lui des effets (Lacassagne 1909b). La date de rupture, plus « s traté­ de retour aux coutumes de nos ancêtres par atavisme mais gique » que réelle selon nous (Renneville 1994b) se situe assez c laireme nt en 1885 , lors du premier cong rès d 'anthropologie criminelle à Rome. Lacassagne fut pour­ 7. Lacassagne se disait incapable d'un tel diagnos1ic. mais son collègue tant e n France l'un des premiers (et des rares) partisans de Tarde. qui rejetai• le « criminel-né • affirmai• que " la physionomie - Lombroso. Il tint même à apporter sa pie rre à l'édifice non pas au repos comme dans une photographie. mais en mouvement. - l'allure corporelle. les gestes. sont les meilleurs ~igncs où se décèle à un lombrosie n car il fit - bien qu' il n ·ait jamais beaucoup a:il exerct le virus criminel incx:ulé à quelques cellules cérébrales " (Tanlc apprécié les grands nombres - une étude anthropométrique 1888 : 522). sur 800 criminels pour étudier le rappon entre leur taille et 8. MWlOUvrier ( 1858-1927) estimait que l'indice cranio-mandibulaire élevé était le signe de la " brutalité •.et qu'il était carac1éri~t iq ue du " type leur envergure de bras. Cette étude fit l'objet d 'un compte grossier de la race • évoqué plus bas. Très versé dans les érudcs sur les re ndu à la Société d' anthro pologie de Lyon le 27 juillet cranes de cri minels au débu1 des années 80. Manouvrier affirmait qu'il y 1882, qu'il conclut en ces termes:« nous pouvons dire, au avait lieu « d'étudier les crânes d'assaosins exécutés comme on étudie les crânes de telle ou telle profession. de telle ou telle race " (Manouvrier point de vue de l'anthropologie criminelle, que les crimi­ 1883 : 99). Ses conceptions évoluèrent peu 11 peu sous les critiques nels se rapprochent des races primitives par la grande d'Eugène Dally, du moins le pensons-nous. cur il eut l'habileté de les res­ envergure. Cette remarque est un nouvel apport à la théo- servir ensuite à ... Lombroso. 130 Tatouagos. • Le caractère spécial du dessin d0 aprés sa localisation, et sunout le nombre de tatouages sont la manifestation de œne vanité instinctive et do co besoin d'étalage qui sont une des caracténstlques de l'homme primitif ou dos natures cnmlnolles •(Lacassagne, Les Tatouages, 1881 · 27). {Ph MH)

« la répétition de coutumei. !>pécialei. aux peuples primi­ rappon au reste du crâne. etc. ; le 'iccond, par des carac­ tif!. ,. : « là où le profe !leur de Turin voit une interruption. tères opposés. ( ... 1 Pourquoi s'étonnerait-on davantage de pui\ un retour e n arrière. je montre une '>érie non interrom­ rcncon1rcr plus fréquemment le type grossier parmi le., cri­ pue et une trani.formmion !.uccesi.ive d'un instinct [ ... I où minels et en particulier parmi les as!ta\\in'>. qui, presque Lombrol>o trouve de!> types anciens. tout à coup reproduits, 1ous, sortent d'un milieu inculte et qui ont agi. après 1ou1, nou!> ne voyons que des types rctardéi. ,. (188la : 115. Plas comme des brutes ? » (i11 Orchanski 1882 : 781 ). Manou­ 1994). Les différences d'approches étaient patentes: Lom­ vrier ne fut d'ailleurs pas le seul des collaborateur<, de bro'>O parlait d'atavisme criminel en se référant à l'évolu­ Lacassagne à effecruer dan., ces années-là de érudes pure­ tionnisme e t au transformisme darwinien. tandis que ment anthropométrique!. !>Ur les criminel'> : Armand Corre Lacassagne privilégiait l'idée d'un criminel retardé dans eu la même tentation (1881, 1882. 1883)... l'évolution du corps social. Dans un anicle tardif écrit en collaboration avec Étienne Lacassagne défendait ici une po'>ition très proche de Manin (qui lui succédera à la chaire de médecine légale), celle que prônait au même moment Léonce Manouvrier. Laca'>'>agne dressa un bilan des acqui' de l'anthropologie Anrhropologue disciple de Broca et furur collabora1eur à la criminelle (1905). Il retint cinq poinh qui lui semblaient revue de Lacassagne. Manouvrier oppo~ait alors à la 1héo­ indi'>cutable~ : la démonwation de « l'hérédité du crime ,.. rie de l'atavisme lombrosien l'existence dans toute race la mi'>c en évidence d'une hérédité p,« 1rè!> nent pas en bloc à un degré supérieur d'évolurion : tout fréquentes » mais sans constance i.uffi'>ante pour qu'on en nou'> prouve que le progrès s'effecrue lentement el laisse induise un type criminel (contrairement à ce qu'affirmait en arrière un très grand nombre d'individus r... 1 il existe. Lombroso), la présence chez les criminels de trouble' de dans une race donnée, un type élevé et un type grossier : le la sensibilité morale (impulsivité, cruauté, absence de premier sera caractérisé. par exemple, par un plu!> grand remords. J 'imprévoyance et la vanité) et enfin, un état développement du crâne par rapport à la face. du front par intellectuel «variable ». grad/11va 17, 19'15 131 Ces « acquis>> ne sauraient une fois de plus rendre minels par impulsions ou occasions, et c'est chez eux que intelligible la théorie de Lacassagne, mais ils nous permet­ les châtiments et les peines pouvaient avoir un effet. Les tent en revanche d'appréhender l'originalité d'une pensée derniers en revanche - ceux qui appanenaient aux basses irréductible aux canons de la sociologie contemporaine : classes - étaient les « véritables criminels», « insociables», l'insistance sur le «milieu social » n'impliquait pas pour qui manifestaient les « instincts les plus égoïstes ». autant le ('Cjet des anomalies physiques et le déterminisme On pourrait s'étonner de nous voir présenter cette théo­ du milieu n'entraînait pas le refus de toute hérédité du crime. rie à partir d'une préface, mais c'est que nous pensons à la C'est d'ailleurs grâce à la théorie de l'hérédité exposée suite de Souchon que « nulle part ailleurs, Lacassagne n'a plus haut que Lacassagne pouvait à la fois clamer exposé sa thèse avec autant de précision » (Souchon l'influence prépondérante du milieu. refuser« l' innéité cri­ 1974 : 553). Nous tente rons d'expliquer plus loin les rai­ minelle» et admettre l'existence d'une hérédité crùninelle sons de cette discrétion, qui contraste si11gulièrement avec qui était, comme dans le cas de la consanguinité, subor­ la publicité faite aux aphorismes décrits plus haut... donnée aux effets du milieu. li suffisait que des individus Lacassagne avait certainement pris connaissance de la de même race, issus tous deux d'un« milieu » criminogène phrénologie lors de son bref passage au Val-de-Grâce où s'unissent pour avoir des rejetons à prédispositions crimi­ devaient subsister encore quelques disciples de Broussais nelles9. dans les années 1870. Tl partagea son admiration pour Gall avec Joseph Gouzer et surtout avec son collègue positiviste Entre individu et société : et cofondateur des Archives, Paul Dubuisson, qui écrivit sur le milieu de la criminogenèse son instance une série d'articles sur la phrénologie dans La Tribune médicale (Dubuisson 1877-78)!0. Il existait enfin un Pour saisir enfin le principe organisateur de la pensée lien indirect entre Gall et Lacassagne car le musée d'anthro­ de Lacassagne, il faut faire appel à sa lecture d 'Auguste pologie crimine lle de la faculté de médecine de Lyon possé­ Comte, à la théorie phrénologique et à la pensée hygiéniste. dait quelques crânes phré nologiques (Lacassagne 1900 : Du système positiviste, Lacassagne pensait pouvoir retirer 367-368). Ce lien, c'était la ville de Lyon, qui avait été dans deux principes fondamentaux : l'organicisme et les locali­ la première moitié du siècle une ville phare pour le dévelop­ sations cérébrales. Le premier faisait qu'il ne fallait pas pement de la phrénologie grâce au docteur Fleury lmbert considére r « les hommes comme des individus particu­ alias « Ombros » (1796-1851). Imbert avait suivi les cours liers, des êtres isolés, mais bien comme les parties d'un de Gall à Paris ; mais il naquit et passa la plus grande partie même organisme » (Lacassagne 1894). L'incidence, dans de sa vie à Lyon. Disciple de Fourier, il épousa vers la fin sa criminogenèse, c'est que les déterminants de la crimina­ de sa vie la jeune veuve de Gall et récupéra ainsi une partie lité ne devaient pas être circonscrits au corps individuel, de la collection de crânes dont l'essentiel fut acheté par le mais envisager plutôt dans leur rapport au milieu. L'analyse Muséum d'Histoire naturelle de Paris. li faut mentionner devait donc porter au niveau du corps social tout entier. également Émile Gromier (1811-78), qui co1mut lui aussi la Lacassagne conjuguait ce principe avec une idée héri­ phrénologie alors qu'il était médecin militaire au Val-de­ tée de la phrénologie, qui lui faisait distinguer trois régions Grâce (de 1832 à 1839) et qui fut surtout le prédécesseur de principales dans le cerveau : la partie occipitale était le siège Lacassagne à Lyon en obtenant le premier poste de profes­ des instincts animaux, les zones pariétales étaient celles seur de médecine légale el de toxicologie lors de la forma­ qui régissaient l'activité et la partie frontale était le siège tion de la faculté mixte de médecine et de chirurgie en 1877. des facultés supérieures. Répartition qui, dans son principe, Lacassagne lui-même possédait les écrits de Gall dans sa ressemble un peu à la théori e contemporaine des « trois bibliothèque, et les citations qu'il en fit tout au long de sa cerveaux » de MacLean ( 1977). Mais Lacassagne considé­ carrière prouve qu'il l'avait lu (Lacassagne 1922). Lacas­ rait par ailleurs que la société était une agrégation d'indivi­ sagne fit d'ailleurs soutenir une thèse sur la portée histo­ dus dont les systèmes nerveux n'avaient pas évolués de la rique de la phrénologie par un de ses élèves (Létang 1906) même manière. Lacassagne repérait ainsi trois grandes et il intégra l'étude des localisations cérébrales proposées «couches sociales »,qui n'étaient selon lui qu'une fidèle par Gall et Comte dans le cours magistral qu'il donnait à la transcription de la classification des races décrite dans son faculté de médecine (ihid. : 122). Précis d'hygiène : « nous distinguons les couches sociales À l'exception notable de Van Ginneken ( 1992: 114- en frontales, pariétales, occipitales. Ces dernières sont les 15), l'historiographie contemporaine a jusqu'ici sous-éva­ plus nombreuses : e ll es sont composées d'instinctifs. Les lué le rôle que j o uait dans la pensée de Lacassagne la couches supérieures ou frontales sont les plus intelligentes. correspondance entre la division trifonctionnell e du cer­ Dans les couches pariétales, on rencontre surtout des indi­ veau et les classes sociales. Cette minoration correspond au vidus d 'acti vité, de caractère, des impulsifs » (préface à peu d'intérêt que cette théorie souleva à l'époque; mais Laurent 1908 : 1-xvm). Ces catégories socio-phrénolo­ giques étaient productrices selon Lacassagne de trois 9. Souchon n'a pas relevé le rôle de l'hérédité dans la criminogenèse de grandes catégories de criminels : les « criminels de Lacassagne ( 1974). Le rappel du contexle néo-lamarckien de la fin du pensée» (frontaux), les« criminels d'actes» (pariétaux) et siècle nous semble pourtant un complément indispensable à la compré­ hension des débalS de J"époque (Nye 1986. Renneville J994b). les« criminels de sentiments ou d'instincts » (occipitaux). 10. Une revue médicale alors dirigée par Laborde mais qui avait élé C 'était dans la première catégorie que l'on rencontrait le créée par Charles Marchal de Calvi ( 1815-1873), médecin militaire qui plus de «criminels aliénés ». Les seconds étaient des cri- fut à son heure un ardent défenseur de la phrénologie. 132 elle contraste singulièrement en revanche avec le rôle que énième fois cette théorie en 1922, dans la préface qu'il fit Lacassagne entendait lui faire jouer. Ses applications au catalogue du fonds qu' il légua à la bibliothèque de potentielles allaient en effet bien au-delà de la criminolo­ Lyon. Rappelant sous le pseudonyme de « Ojaël » son gie. Elle devait permenre par exemple de comprendre la « système » (qui valait bien selon lui les thèses de Bergson psychologie des foules et l' un des élèves de Lacassagne et Freud qui faisaient jouer un rôle à « !'Inconscient » ). passa sa thè e de médecine sur ce sujet pour démontrer que Lacassagne défendit une position spiritualiste digne de son sur le plan de leurs fonctions, les foules pouvaient être ami montpelliérain Joseph Grasset, et qui s 'avère très « occipitales » ou « pariétales », mais jamais << frontales » éclairante a posteriori:« On doit reconnaître qu' il y a des (Fournial 1892: 23)11 • Lacassagne accorda une telle impor­ sens intérieurs, le ur ensemble dépend de cette force ou tance à la phrénologie qu'il pensait pouvoir fonder sur le puissance que chacun connaît plus ou moins bien, d'après principe des localisations cérébrales une nouvelle anthropo­ l'attention. l'usage ou la mise en œuvre. Celle entité logie, qui ferait le lien entre la physiologie de l'individu et conseille, dirige, aiguille l'excitation par un dis positif la physiologie sociale. En 1884, son élection à la présidence constant, toujours le même: c'est l' âme. comme l'a indi­ de la Société d'anthropologie de Lyon fut l'occasion de qué Maine de Biran dans son mémoire sur "Les percep­ proposer un programme original pour la recherche anthro­ tions obscures". Nous pensons q ue c'est la voie inté rieure, pologique. Critiquant ouvertement l'approche de l'école de la flamme cachée ; on en a parlé à toute époque, sous des Broca, qu'il trouvait trop « anthropométrique», il affirma noms différents. Ce principe, ce chef, Djaël J'appelle le que ce qui lui manquait était précisément une « théorie Verbe. Comme le balancier d ' une horloge, il anime les cérébrale », qui aurait permis de synthétiser les nombreuses sens intérieurs, au nombre d 'environ une quinzaine» mesures accumulées. Il énonça a.lors un programme aher­ (Lacassagne 1922 : vu). Lacassagne en cita quelques-uns : natif pour ! 'anthropologie, redéfinie comme « l'étude de « intelligence, conscience (sens moral), mémoire, curiosité, l'évolution de l' humanité, d'après l'examen des faits dispositions scientifiques, littéraires ou artistiques. volonté, sociaux, biologiques et qui ont successivement agi en modi­ attachement. vénération, instinct sexuel, égoïsme, instinct fiant et perfectionnant le système nerve ux de l'homme » constructeur, ins tinct destructeur "raillerie, combativité, (Lacassagne 1884 : 402). Le projet était ambitieux car il crimes", ambition (vanité. besoin de commander, la "césa­ fallait faire appel à « toutes les manifestations de la pensée rite")... » (ibid. : LX). ou de l'activité humaine» : arts, légendes, institutions. etc. À l'appui de sa théorie cérébrale, Lacassagne mettait Lacassagne prit d'ailleurs l'initiative, dans son Précis une nouvelle fois en avant« radmiJablc livre» du phréno­ d'hygiène privée et sociale écrit dans le but de donner à la logue François-Joseph Gall et . Il faisait France « des générations solides de crnvailleurs et de défen­ preuve d'un certain optimisme car il estimait que si la seurs », de classer les races en fonction de l'activité prédo­ méthode expérimentale n'avait pas encore permis d 'établir minante d'une partie de leur cerveau : les races « blanches la localisation des dix-huit fonctions cérébrales énoncées » étaient dites « frontales », les races « pariétales » corres­ par Comte, du moins était-on certain, affirmait-il, que pondaient aux « mongoliques » et les races « nègres » l'existence de quelques-unes de ces fonctions « ne saurait étaient « occipitales ». Lacassagne pensait que cette classi­ être douteuse ». fication était fondée sur des différences de structure anato­ D'après Lacassagne, les fonctions instinctives telles que mique mais aussi sur des écarts importants concernant la vanité, l'a tt achement, la vénération ou ! 'approbation l'aptitude à la sociabilité. Sur ce dernier critère. c'était évi­ étaient localisées « dans des ganglions ou organes spé­ demment la race blanche qui avait toutes ses fave urs car ciaux »et s'il y avait atrophie o u exagération d'une de ces c'était elle qui présentait « au maximum cette qualité » et parties, c'était « la déséquilibration ou le vice, ou le crime » c'était par elle, de fait. que la civilisation s'était «accom­ (in Laurent 1908). De ce point de vue, le criminel était un plie » (Lacassagne 1885 : 605). D'ailleurs, civilisation et « passionnel », un « occipital », « un produit tératologique. progrès étaient pour lui « en partie une di position ou une un monstre, quelque chose comme une tumeur maligne. ou éducabilité organique accumulées par /'hérédité » (c'est un parasite » (ibid.). La capacité à distinguer le bien et le nous qui soulignons, ibid. : 591 ). Quinze ans plus tard, mal, aucrement dit le « sens moral », n'était pas pour Lacas­ Lacassagne fit un dernier discours à la Société d'anthropo­ sagne une faculté innée mais le résultat de l'adaptation de logie en tant que président. Il entreprit cette foi s de classer l'individu à la société. li faut rappeler que pour les médecins les peintres, les médecins et les anthropologues sur le de l'école de Lyon, le crime était vu comme un « mouve­ même principe : il y avait les « médullaires >+, les « gan­ ment antiphysiologique qui se passe dans l'intimité de glionnaires » et enfin les plus compétents. les plus rares l'organisme social » (Gouzer 1894: 271). Un bon équilibre aussi, les «cérébraux » (Lacassagne 1900 : 91 ). entre toutes les parties du cerveau d'un individu permettait Il est probablement inuùle de préciser que cette nou­ le développement harmonieux de toutes les facultés et donc. velle définition de r anthropologie ne fut guère suivie. En du sens moral. Mais Lacassagne pensait égalerpent que la revanche, la critique ouverte de Broca récemment décédé partie occipitale du cerveau (siège des instincts) était reliée ne fut certainement pas du goût de Paul Topinard, qui ne aux « viscères » ; e ux-mêmes très réactifs aux « circons- manqua pas d'attaquer à son tour l'école lyonnaise en lui déni ant le droit d'user du terme d' « anthropologie » pour 11. Toute la thèse de Fournial porte la marque de l'emprise de Lacas­ le titre de sa revue (Topinard 1887). Lacassagne n'aban­ sagne. tant au niveau des idées que du plan qui c.i calqué sur le Précis donna pas pour autant cette approche et il exposa une d'hygi~nt (Cf. LacasSllgnc 1885). gradhiva 17, 1995 133 tances sociales » (voir aussi Gouzer 1889). Certe hypothèse auteurs lors du premier congrès d'anthropologie criminelle d'une liaison entre les viscères et les circonstances sociales en 1885. Tl compara même la « révolution biologique )> de était très commune au début du XIX< siècle dans la pensée Gall à celle que Galilée avait provoquée dans le monde phy­ des Idéologues, des aliénistes et des hygiénistes. En outre, il sique (A.A.C. 1886: 169). On peut donc dire que l'approche ne faudrait pas oublier ici l'article de 1878 sur l'influence de Lacassagne ne fut pas moins «sociologique » que celles du travail intellectuel sur le cerveau : Lacassagne y affirmait des médecins hygiénistes dont les théories étaient connues que cet organe éta.it malléable. De la malléabilité à l'action depuis le début du siècle mais on doit ajouter qu'elle ne fut du milieu, il n'y avait qu'un pas, que Lacassagne franchit jamais plus sociologique que celles de ses préd&:esseurs, en aisément : « Le facteur social et le milieu dans lequel nous ce qu'elle ne manifesta pas la volonté d'établir de distinc­ vivons sont très importants ; ces facteurs retentissent surtout tion nette entre les causes biologiques et sociales. Sa propre sur la partie occipitale du cerveau. S'il n'y a pas équilibre théorie de la criminalité n'apporta donc pas sous cet angle parfait, on se trouve en présence du vice, du crime, de la d'élément nouveau et son originalité réside surtout dans son révolte contre l'état social. Cela explique les crimes provo­ caractère anachronique, comme nous le verrons plus loin. qués par la misère. L'étude du fonctionnement cérébral doit donc prédominer, et c'est sur elle qu'il faut asseoir la théo­ La politique du savant rie de la criminalité » ( 1892 : 240). Au sein d'une telle théorie, Lacassagne pouvait donc Lacassagne estimait que les « savants », mieux que les très logiquement concilier une typologie des criminels « politiques », pouvaient trouver les véritables causes des basée sur leur configuration crânienne et affirmer dans le « maladies sociales >> : « ne sommes-nous pas préparés à même temps que c'était le milieu social qui primait, car chercher les infirmités, à les envisager sous toutes leurs c'était ce dernier qui imprimait son influence sur l'équilibre faces, à sonder le mal, à panser les plaies ? ... Et surtout, du cerveau. La tâche du médecin consistait dès lors à repé­ nous n'apportons à ces tâtonnements ni parti-pris, ni haine, rer les facteurs susceptibles de perturber cet équilibre, afin ni opinion préconçue » ( l 882a : 210). Que pouvait donc de prévoir une action prophylactique. L'alimentation et les bien apporter un savant sans parti-pris ni opinion précon­ «boissons mauvaises »jouaient ici un rôle prépondérant. çue à cette maladie sociale qu'est la criminalité? Lacassagne insista particulièrement sur l'action de l'alcool Ce n'est pas l'un des moindres paradoxes pour le lec­ et l'hérédité pathologique des alcooliques car cette dernière teur contemporain que de s'apercevoir que le déterminisme était souvent cause de dégénérescence : « Les enfants sur­ « social » décrit plus haut s'accompagnait chez Lacas­ vivants des alcooliques ont des dégénérescences psy­ sagne d'une part de la fidélité au principe juridique du chiques convulsives : ce sont des impulsifs et des criminels libre-arbitre - sauf cas de criminels-aliénés - et d'autre présentant le tableau de la triade de Legrain, c'est-à-dire part, d'une vision répressive de la pénalité. Il peut sembler convulsions infantiles, méningite, épilepsie. Les enfants de difficile de comprendre comment Lacassagne conciliait le syphilitiques ont des dégénérescences physiques et des dys­ libre-arbitre du criminel et l'idée que« c'est la société qui trophies. Sans doute, les troubles pathologiques de ces fait et prépare les criminels» (in Laurent 1908: vu). Nous deux maladies peuvent se mélanger, cependant, l'hérédo­ ne pouvons suggérer ici que deux hypothèses. alcoolisé se montre spécialement comme le facteur le plus La première, c'est que Lacassagne partageait en matière important dans la production de la folie morale et de la cri­ de philosophie pénale les vues de son ami Paul Dubuisson, minalité juvénile » (Lacassagne 1908 : 108). Comme beau­ dont il préfaça le dernier livre, paru en 1911. Dans cet coup d'autres médecins de l'époque, Lacassagne avait ouvrage, Dubuisson affirmait que l'homme était « respon­ tendance à charger l'alcool de tous les méfaits (non sans sable de ses actes, bien qu'il tienne de l'hérédité des dispo­ raison. quand on pense aux ravages de !'absinthe) : c'est sitions intellectuelles et morales qui le poussent ainsi qu'il faisait« le lit de la tuberculose», que la phtisie nécessairement dans un sens déterminé » (Dubuisson se prenait ((sur le zinc» et qu'il atteignait finalement la 1911 : 51 ). Ce qui permettait à Du buisson de conserver la race elle-même en préparant (( la déchéance de l'organisme responsabilité de l'individu, si chère aux juristes, c'était par la tuberculose et la syphilis » (ibid. : 103). une adhésion sans réserve à la pensée hygiéniste, qui lui On le voit donc, la biologie de l'individu était dans la faisait penser que « cette constitution héréditaire n'est pas théorie de Lacassagne un facteur mésologique indispen­ absolument immodifiable » et l'expérience lui avait appris sable, sans lequel les fameux aphorismes n'avaient plus de ce qu'une bonne hygiène pouvait« pour corriger, dévelop­ support. Lacassagne répéta d'ailleurs plusieurs fois à ce per, assainir des organes nés défectueux », et plus particu­ sujet que « ... côté biologique et côt.é social » étaient « les lièrement le cerveau (ibid. : 56). deux aspects fondamentaux de la criminalité » et consti­ Lacassagne partageait ces principes•2. Son intérêt pour tuaient à ce titre (( les deux données essentielles de l'anthro­ ! 'hygiène se manifesta très tôt dans un Précis d'hygiène pologie criminelle» (A.A.C. 1889: 535). Cette théorie tentait de faire une synthèse entre des théories nées pour la plupart 12. La conciliation entre le déterminisme " scientifique " et le libre­ dans la première moitié du XD« siècle: le positivisme com­ arbilre « juridique » e>t une des carnctéristiques de l'école de Lyon. Ainsi. tien, les localisations cérébrales de Gall, l'hygiénisme, la Gouzer peut affirmer dans le même article que " l'homme est un organe psychologie criminelle de Despine et la théorie psychia­ passif " tout en demandant que les peines soient plus « intimidantes » (Gouzer 1894 : 274). Quand un individu esl un « demi-fou » et donc, trique de Morel en furent les principales composantes. « demi-responsable '" on met en ava111 des mesures de « préservation Lacassagne rendit d'ailleurs un vibrant hommage à tous ces sociale » (voir plus bas). 134 Crâne phrénologique de l'école de Gall. (Ph MH)

prfrée et sociale qui fut d'après Manin, « lu, annoté et par­ ncl parce qu'on a négligé de soigner dans son enfance les ticu l ièrcmcnt apprécié par Gambetta » (Martin 1924 : affections du crâ ne o u du cerveau à leur début, parce 660). Lon.que la Société de médecine publique et d'hygiène qu'on a négligé de corriger par l'altitude morale et par professionnelle fut fondée en 1875 autour de Bouchardai l'éducation une tendance vicieuse » (Bordier 1879 : 300). (alors professeur d'hygiène à la faculté de médecine de Enfin. lorsque Lacassagne projeta à la fin de 'a vie une Pari ~). Laca'>sagne fut immédiatement nommé secrétaire Société de 'éniculture. il établit des lignes directrice pour général. L' hygiè ne était pour ces médecin'> la i.cie nce l'hygiène physique et morale du vieillard qui n'étaient ri en générale par excellence puisqu'elle se proposait i,elon les moins que les préceptes de l'hygiène pédagogique que i.on moh de La ca.,~ a gne « de donner à l'homme le maximum collègue Dally défendait déjà plus de vingt uni, aupamvant de développement de ses facultés morales avec un exercice (Lacassagne 1920, Dally 1877-79). Pour tous ces méde­ parfait de toutes i.es fonction!> » ( Laca~sagn e 1877-79a : cins donc. il était clair que l'on ne c hoisi~Mtit pas son héré­ 24). Elle repo~ait sur le principe d 'une symbiose de l'indi­ dité, mais il élêli t de la liberté de chacun de se luis!>cr aller, vidu avec son environnement et s ur une caui.alité circulaire ou au contraire de contrecarrer de fâchcu!>cs di!>positions entre le physique et le moral. Pour Eugène Dally « Les par une bonne hygiène morale ... di~tinctionl. habituelles et profondes entre l'&lucation phy­ La i,ccondc hypothèM:. qui n'est d'ailleur.. pll!> exclusive sique et l'éducation mentale » n 'avaient « rien qui soit de la première, c'est q ue Lacassagne insista de plus e n fondé sur la nature des choses » (Dally 1877-79 : 200- plus au fil du temps sur le principe de la « défcnM: M>Ciale », 201 ). L'utopie de I' « orthophrénie » et la fascination pour au détriment du libre-arbitre . ce qui lui p~rmit ainsi le « traitement moral » initié dans la pi.ychiatrie du début d 'esquive r l'épineux problème de la responsabilité ( 1913 : du XIX• siècle par Philippe Pinel (Swain 1977) lit long feu 337-340). Il n'est pas impossible d'ailleur.. qu' il ait cultivé dans l'imaginaire médical. Bordier par exemple, pouvait sur ces thèmes un double di scours car la défense du libre­ conclure sans risque de contradiction son étude s ur les arbitre et du déte rminisme social coexistaient rarement caractères primitifs du crâne des criminels par un pro­ dans un même article. Le premier argument visait très cer­ gramme moralisateur: « Plus d'un homme devient crimi- tainement la communauté juridique, afin de se concilier gradl1iva 17. 1995 135 ses bonnes grâces, tandis que le second était toujours po é sélecrion, il estimait qu'elle« couverait le crime en serre en contradicti on avec le « fatalisme » de la théorie de chaude» et que l'on verrait « augmente r ces deux plaies Lombroso. Les références intellectuelles de Lacassagne modernes que sont les dérivatifs de la criminalité : le sui ­ plaident d 'ailleurs en faveur de cette hypothèse puisqu' il cide et la prostitution ». revendique l'héritage de Prosper Oespine (Despine 1868). On pourrait attribuer certe prise de position à la période Or ce demie r avait affirmé dans son œuvre maîtresse « lombrosie nne » de Lacassagne. En fait. elle relève plus l'irrespon·sabilité morale des criminels, qu' il considé rait de la philosophie pénale de GaJI, que Lacassagne connais­ comme des • idiots du sens moral ,. (Lombroso parlera de sait bien, que de Lombroso". De toute façon, Lacas agne «crétin du sens moral » ...) . ne se démarquait guè re ici de ses collègues : Garraud Pour saisir plus directement la philosophie pénale de demandait des « mesures exclusives » contre les « crimi­ Lacassagne, il faur donc mieux délaisser ces questions nels incorrigibles ( 1886 : 22) et Coutagne était plus précis d'exégèse, et se reporter aux positions concrètes qu 'il prît encore en proposant la transportation en Nouvelle-Calédo­ lors de deux grands débats sur la pénalité qui agitèrent le nie (dans des établissements spéciaux) pour les « aliénés­ parlement durant son acrivité professionnelle. Le premie r pe rsécute urs ,. ( 1891 : 443). Ces propositions étaie nt débat eut lieu dans les années 1880. li concernait la reléga­ pa rtagées par bon nombre de non-médecins (Reinach tion des récidivi ces. er il aboutit à la loi du 27 mai 18851l. 1882). Cenes, Lacassagne n'eut de cesse d 'affirmer lares­ Le second débat important fut la rentative d 'abolition de la ponsabilité de la société dans le développement de la cri­ peine de mort proposée e n 1906 sous la pression de minai ité, et il proposa tout au long de sa carrière des l'alliance des radicaux et des socialistes, et qui échoua en réformes pour les enfants abandonnés, e ncouragea le mou­ 1908. Concernant la re légation, Robert A. Nye a bien vement de patronage des libérés, la lutte contre la misère, montré que le projet dé posé par Waldeck-Rousseau et contre l'alcoolisme, l'opium, les récits de crimes, la publi­ Martin-Feuillée était appuyé et voulu par Léon Gambetta, cité des débats judiciaires, la reproduction des portraits de qui décéda avant d 'en voir l'aboutissemen1 (Nye 1986: criminels, etc. ( 1894, l 908b : 18 1- 182). Ces propositions 49-96). Si l'on ne met pas en doute la olide amiùé qui n'avaient toutefois rien de rrès novatrices car il existair sur unissait Gambetta et Lacassagne, on peut raisonnableme nt celles-ci un consensus très large dans la société et il fau­ penser que le second influença le premier sur cette ques­ drait nous garder de voir en Lacassagne la figure moderne tion. Cette hypothèse est renforcée par l'activité déployée du philanthrope de la monarchie censitaire du début du dès 1881 par I 'Alliance républicaine socialiste de Lyon et XIX• siècle. les loges maçonniques pour inscrire ce projet dans les pro­ En fait, le chef de file de l'école lyonnaise avait du mal grammes radicaux. Or l'esprit positiviste, le radicalisme et à cacher son pessimisme et en matière de politique crimi­ la franc-maçonneri e étaient alors en parfaite symbiose et nelle, il ne cessa de re prendre à son compte la vie ille bien représentés chez les médecins proches de Lacassagne antienne des panisans de « l'ordre». Malgré la loi de la (Dubuisson, Debierre etc.). L'alliance républicaine socia­ relégation, la société ne savait plus « se défendre » : « les lis te de Lyon demanda même la déportation des récidi­ lois du sursis, de li bération conditionnelle, de relégation vi s tes après seulement trois condamnarions de droit n 'ont pas fortifié la répression. Les criminels n'ont vu commun, ce qui constituait une mesure nettement plus dans ces mesures que des signes de faibl esse ou de crainte : ré pressive que les dispositions de la loi finale (Reinach ils sont difficilement inrimidables, que craindraient-ils 1882). d'aille urs ? On n'applique plus la peine de mon, les pri­ Il n'y a auc un do ute e n to ut cas s ur la position de sons sont des deme ures confortables, le bagne, un asile o ù Lacassagne : il fut un chaud partisan de la relégation et la l'existence est rarement dure, le plus souvent supportable plupart de es inte rventions avant 1885 furent pour lui et d'où il est possible de sonir ,. ( 1908: 11 7). La philan­ l'occasion de rappeler son attachement à ce proj et, en thropie devait pour lui avoir ses limites, et il estimait à cet appuyant à chaque fois sa position s ur une légitimité égard que la société avait affiché depuis 18 10 une « sensi­ scientifique. Voici par exemple en quels termes il s'expri­ bilité exagérée », une faiblesse coupable qui avait conduit ma sur le suj et e n 1881 lors de sa leçon inaugurale au à un adoucissement « excessif » des peines. Il y avait cours de médecine légale : « À l'heure actuelle, ce seront encore des médecins qui montreront aux magistrats qu'il y t 3. La uansporta11on comme la relégation sont de\ mesures de conuôle a parmi les criminels des incorrigibles, des individus social qui visent à pré>erver la métropole contre se~ criminels en les organiquement mauvais et défectueux, et obtiendront non envoyant dans les colonies. La transponation se distingue toutefois de la relégation en ce qu'elle n'a pas de caract~re ~fi01 1 if. La cransponation seulement le ur incarcération - la est pour les crimi­ fut décrétée par l'Angleterre d~s 1717; el elle pril fin en t863. Jnscrile nels d'actes et l'as il e pour l'aliéné criminel -, mais leur dans le code pénal de 1791, la 1ranspona1ion . faute de moyens matériels. déportation dans un endroit isolé, loin de notre société ne fut pas appliquée. Il fo llul uuendre le second Empire et lu loi du 30 mai 1854 pour que des fo rçais panent peu à peu en Guyane el en Nouvelle· actuelle trop ava ncée pour e ux » (Lacassagne 188lb: Calédonie (Pierre 1991 ). Sur les débats concernant le vole de la loi de 684). Lacassagne concluait en proposant de «sélection­ relégation du 27 mai 1885, voir Badinter (l992 : 111 - 18 1). ner » tous les « retardataires de la société » et, comme 14. Gall étnit lui·mêmc pnnisnn de la relégation. Sa philosophie pénale leur amélioration était parmi nous impossible, il convenait reposai! sur le pnncipc qu'il fallait déterminer la peine non pas llllll en fonction de l'acte qu'en fonction de l'étal du coupable (est-il amendable? de les obliger à vivre en commun afi n que leurs difficultés dangereux ?) mais. à la différence de celle de Lombroso, elle accordau d 'existence puissent pe rmettre l'es poir d ' une améliora­ encore une place très 1mponame à la valeur d'intimidation de la peine tion ... Tant que la société ne se résoudrait pas à faire cette (Gall 1822-25). 136 d'ailleurs selon Lacassagne une véritable « crise de la Ce contraste singulier entre le prestige de l'individu et répression » due à 1'impunité des crimes, aux acquitte­ l'apparente méconnaissance de sa théorie s'explique si ments trop fréquents et à la non-application des peines l'on tient compte de l'état des sciences à l 'époque. ( 1913 : 324-328). Le résultat. c'était ce fameux taux de D'abord, la phrénologie était devenue, et depuis au moins récidive dont l'augmentation obnubilait to us les crimina­ une trentaine d'années, une référence illégitime, qui n'était listes de l'époque. L'activisme des anarchistes. la délin­ plus prise au sérieux par la grande majorité des scienti­ quance des « apaches » et les mouvements revendicatifs fiques. L'anthropologue Topinard, qui critiqua fonement des cheminots étaient autant de :.ymptômes qui signalaient Lombroso et l'école de Lyon en leur opposant une concep­ au médecin les désordres du corps social. Il fallai1 réagir, tion « zoologique » de l'anthropologie criminelle, exprima et vite. S'appuyant s ur Gall, puis s ur la 1hèse de droit sans détours l'opinion généralement répandue à l'époque d'Émile Lauren• ( 1912), Lacassagne se déclara par s ur la phrénologie : « assurément. aucun craniologiste exemple « très partisan ,. du fouet et de la mise en place digne de ce nom ne croit aujourd'hui à la doctrine des d 'un «code de sûreté » pour les « incorrigibles » (Lacas­ bosses de Gall. l"un des produits les plus étranges de sagne 191 3: 337-338). l'imagination humaine. La phrénologie fut une folie épidé­ Ce genre de constat n'était cenes pas moins répandu à mique comme celle des tables tournantes » (Topinard l'époque que les propositions de réforme sociale évoquées 1891 : 138 ) ' ~ . Lacassagne tenta bien une fois de présenter plus haut mais il nous permet de constater que 1'« initiati ve officiellement sa tliéorie lors du troisième congrès interna­ sociologique ,. que Lacassagne opposait sy tématiquement tional d'anthropologie qui se tint à Bruxelles en 1892 mais au« fatalisme ,. lombrosien é1ai 1. - si l'on ose dire - à malgré l'absence de ses adversaires italiens, il n 'obtint double tranchan1. aucun succès (Lacassagne 1892). Justement, Lacassagne s'engagea très clairement dans Les contemporains de Lacassagne apprécièrent donc le débat sur la peine de mon qui eut lieu en 1908 au Parle­ peu sa théorie socio-phrénologique et il est très probable ment. Le suje1 lui tint même suffisamment à cœur pour que les rares personnes qui y firent allusion en termes qu'il y con acra un ouvrage et il estima rétrospectivement conciliants étaient motivées par des raisons affectives que son opinion avait eu « quelque innuence » dans Je (Tarde par exemple) el, le plus souvent, stratégiques : atta­ débat (19 13: 324). D'après ses études comparatives, et quer Lacassagne, c'éLait risquer en conLrecoup de renfor­ contre « les arguties de l'humanitarisme», il affirma dans cer la position de Lombroso. ce livre qu'il fallait maintenir la peine capitale car à C'est ainsi que l'on préférait associer le nom de Lacas­ l 'égard des « imparfaits et méchants », il convenait sagne à ses aphoris mes, qui possédaient au moins deux d'employer la « manière fone ». Pour cela, il fallait appli­ avantages : ils étaient facilement détachables de leur quer systématiquement les condamnations à la peine de contexte théorique et avaient l'incontestable mérite de mon « pendanl au moins dix ans » si la statisti que crimi­ contenter Lout le monde par des lieux communs qui ne sus­ nelle révélait que les crimes de sang étaient en augmenta­ citèrent aucun débat de fond. L'absence de toute postérité tion. li proposai1 toutefois d'aménager les conditions théorique de Lacassagne se comprend donc mieux lorsque d'exécution de la peine capitale : il fallait remplacer la l'on a mis en évidence son attachement à la phrénologie. guillotine par la pendaison - plus « hygiénique ,. - et pro­ La réduction de sa théorie de la criminogenèse en une céder aux exécutions dans l'enceinte des . afin de série d'aphorismes est une conséquence de l'oubli dans soustraire ce spectacle au regard de la foule elle-même lequel elle est tombée. et non une cause. Notre analyse occipitale, c'est-à-dire « obscène et sanguinaire». Naturel­ diverge ici d'avec celle de Souchon. Pour cet auteur. la lement, les cadavres devraient être soumis systématique­ théorie du« milieu social» aurait échoué parce qu'ell e ne ment à une autopsie. Là encore, Lacassagne reflétait bien parvint pas à unifier« l'ensemble des causes sociales sous l'opinion de ses coll aborateurs. Corre par exemple. com­ une détermination unique » (Souchon 1974), parce que la mentant son livre dans les Archfres. approuva sans réserve pensée de Lacassagne était réduite en aphorismes, parce l'idée selon laquelle la peine de mon était finalement « la qu'enfin, la « poussée des idées marxistes ,. aurait « radi­ seule peine compatible avec les progrès du sentiment calisé la thèse française », et « contribué à son efface­ humanitaire » (Lacassagne cité par Corre 1908: 208-241). ment » (ibid. : 537). li nous semble plutôt, suivant en cela C'était opérer là un singulier renversement avec la philan­ Lhropie médicale du début du siècle... 15. Celte concepiion « 1oologiquc " reposait sur la défense d'une ~1cncc •pure"· sans applications immédiates pour la société ce qui n·~ait évi­ L'échec théorique et la persistance du regard demment pas le cas de l'anthropologie criminelle telle qu'elle i!tait conçue par Lacassagne, Lombroso. Bordier, Manouvrier, Letoumeau etc. li nous reste à éclaircir une énigme. Alors que Lacas­ (Topi nard 1887). Il conviendrait toutefois de replacer ceue critique dans sagne a été reconnu sans aucune difficulté de son vivant un contexte plus large et. en particulier, dan~ son conflit a~ec le.~ matüia• li~tcs républicains. libres-penseurs de la Socii!té anthropologique de Paris comme le chef de file de l'opposition aux «exagérations ,. (Oins î11 Topinard 1990). D'abord parce que Topinard ne refusait pas la de la théorie du criminel-né que développait Lombroso, poss1b1hté d'une anthropologie criminelle « pure • (Renneville l 994a : alors même que ses aphorismes étaient périodiquement 200-20t): ensuite p:irce qu'il légitimait sa position en référence à Paul Broca ce qui. sur cc th~me pricis, était une erreur. puisque Broca lui­ repris ; aucun de ses élèves, pas un de ses amis n ·a cité mame ne dédaigna pas r étude des criminel,, et qu ï 1 profita même de son comme alternative la théorie néophrénologique exposée autopsie sur Lemaire pour se déclarer ouvertement contre la peine de plus haut... 1110.n (Broca 1867). g radlriva 17, 1995 137 la démonstration de Mucchielli ( l 994b) que l'école lyon­ qu'elle doit garder une place dans l'histoire de ces deux naise n'a pas eu de postérité pour la simple raison qu'ell e disciplines et que l'on peut réaffirmer, 70 ans après Ver­ n'était pas une école. qu'elle n'avait pas de programme de vaeck. que Lacassagne fut avec Lombroso le cocréateur de recherche, ou plutôt, qu'elle n'a jamais sui vi le seul pro­ l' conceptuels fournis par l'échec de la théorie de Lacassagne. et dont n'avaient pas l'épistémologie normative. Notons simplement qu'une his­ conscience ses contemporains. La conception sociophré­ toi re dei. discours avantS ur la criminalité dans la longue nologique de la criminalité se trouvait en effet à la char­ durée femi t probablement éclater les oppositions tranchées n ière de deux façons d 'appré hender la crim ina lité. saisies sur l'écume des controverses. La «criminologie » radicalement différentes. La pre mière, issue d 'un courant de Lacassagne opposée à « l'anthropologie criminelle » de qui trouve sa source dans la médecine légale, la psychia­ Lombroso est à cet égard un bel exemple d'événement trie et l' anthropologie dans la première moitié du x1xe typiquement hagiographique et le fait qu'il soit structurant siècle. fondait ce que l'on appelle de nos jours l'approche dans la mémoire disciplinaire de la criminologie était pour « bio-psychologique », qui cherche essentiellement à éta­ nous une raison de plus pour en interroger la validité. Il est blir les différences de constitution entre la population hon­ vrai que certains criminologues nous meuaient sur la voie. nête et celle des infracte urs. La seconde, forgée par Ainsi. lorsque Jacques Delarue consacra un livre aux Durkheim dans les années 90, ancrait les études de crimi­ tatouages des criminels en 1950, il écrivit une conclusion nogenèse en totale rupture avec tout appon basé sur la bio­ qui ne laissait guère transparaître d'antagonisme entre logie de l'individu (Durkheim 1988). Pour n'avoir pas l'anthropologue de Turin et celu i de Lyon. Lombroso avait voul u choisir entre ces deux courants. la théorie de Lacas­ été pour lui « légèrement à côté de la vérité ». n ne rejetait sagne - mélangeant catégories sociales et biologiques - a pas le concept de« criminel-né» et de l'opposition de été prise en ciseaux entre celle de la dégénérescence Laca~sagne à l'atavisme, il ne restai t rien. L'auteur avait (qu'elle menait à contribution) et le déterminisme sociolo­ retenu en revanche les études anthropométriques de Lacas­ gique de Durkheim. Cette ambiguïté était constitutive de sagne sur les criminels, les rapprochements qu' il avait 1'

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