Supplément à L’US n° 729 du 30 mars 2013

MÊME COMBAT ous avez entre les mains L’US VRetraités envoyé à tous les syn- diqués. Au moment où de nou- veaux mauvais coups sont annon- cés pour les actifs et les retraités, cette publication est d’actualité ; comme vont être d’actualité les luttes communes, contre une nou- velle dégradation de l’accés à la retraite, pour une pension qui assure le droit de vivre décem- ment, pour renforcer la solidartité entre les générations, notamment avec les jeunes. Pour toutes ces raisons, la vie syn- dicale ne s’arrête pas à la retraite, même si elle prend d’autres formes. Les retraités ont évidem- ment des combats spécifiques à mener, mais ils ont aussi un rôle à jouer dans la lutte contre cette austérité brutale qui menace l’en- semble des droits sociaux chère- ment acquis. Les retraités ont toute leur place dans le SNES pour défendre leurs revendications mais aussi pour recevoir, grâce à leur adhésion, soutien, conseils, interventions face aux problèmes personnels qu’ils peuvent rencontrer et ce grâce aux permanences de militants. Le syndicat, c’estaussi un lieu où on peut échanger, débattre. C’est une façon aussi de se battre pour la reconnaissance de la place des retraités dans la société, comme acteurs et actrices d’un mouve- ment qui espère une société plus juste, plus solidaire. ■ DANIEL ROBIN, MARYLÈNE CAHOUET © Brave-carp / Fotolia.fr ACTUALITÉ VIE SYNDICALE LOISIRS/CULTURE PORTRAIT Entretien avec Roland Hubert Congrès de la FSU Giacometti à Grenoble Bernard Thibault ACTUALITÉ

SOMMAIRE DIRE NON À UNE AUSTÉRITÉ SANS FIN ÉDITORIAL p. 1 > ACTUALITÉ Une attitude courageuse DIRE NON À UNE AUSTÉRITÉ SANS FIN Une attitude courageuse p. 2 C’est le message adressé au président de la République ACTIFS ET RETRAITÉS Tous à la diète p. 3 Les politiques d’austérité menées dans les pays européens continuent de provoquer RÉFORME DES RETRAITES des ravages et alimentent la xénophobie, l’individualisme, le populisme. Les élections Nouvelle étape au début de l’été p. 4 récentes en Italie montrent qu’une part importante de la population ne croit plus à la INTERVIEW ACTUALITÉS SYNDICALES capacité des politiques de trouver des issues à la crise économique et sociale. Entretien avec Roland Hubert p. 5 SANTÉ-SOCIÉTÉ 2013 : ANNÉE DE L’AIR EN EUROPE Un nouveau rendez-vous manqué ? p. 6 « BEAUCOUP DE BRUIT POUR RIEN » (W. SHAKESPEARE) Pilule ou not pilule, that is the question ? p. 7 BAISSE DE L’ESPÉRANCE DE VIE FÉMININE EN 2012 La fin d’un cycle ? p. 7 PERTE D’AUTONOMIE, ENCORE UNE PROMESSE OUBLIÉE Y aura-t-il une loi ? p. 8 LA PROTECTION SOCIALE Une confrontation permanente p. 8 LES ADHÉRENTS NE POURRONT PLUS DÉCIDER Les méfaits de la concurrence p. 9 VIE SYNDICALE CONGRÈS FSU DE POITIERS Maturité ou évitement ? p. 10

LES DÉLÉGUÉS N’ÉTAIENT © milo827 / Fotolia.fr PAS TOUS DES ACTIFS Austérité : la spirale infernale Le congrès FSU Les résultats de la politique d’austé- vu par une retraitée p. 10 rité sont partout les mêmes : diminu- LES RETRAITÉS ONT TOUTE tion du pouvoir d’achat des salariés et des actifs, transposition dans la loi de cet accord minoritaire LEUR PLACE DANS LE SNES Restez syndiquée fermetures d’entreprises et destruction d’emplois ; une défavorable aux salariés est donc inacceptable. et syndiqué p. 11 première à Chypre où le FMI, la Commission euro- Dans le même registre, les campagnes contre les DOSSIER péenne et la BCE voulaient imposer une taxation retraités « privilégiés » se poursuivent. L’arme est ACTIFS, RETRAITÉS... des comptes bancaires dès le premier euro. En , bien connue : opposer les générations entre elles Tous ensemble ! p. 12 les annonces régressives se multiplient et le président pour casser les solidarités. Le dossier des retraites qui INFOS PRATIQUES PRENDRE SA RETRAITE p. 18 de la République rappelle les choix Ç courageux à va s’ouvrir peut être au contraire à nouveau l’occa- LOISIRS CULTURE faire È : cinq milliards d’euros d’économie qui vont sion de créer de la cohésion dans le mouvement LE DÉPAYSEMENT ponctionner les dépenses publiques dans chaque social au niveau intergénérationnel et, espérons-le, PRÈS DE CHEZ VOUS ministère. Ainsi la priorité du retour à l’emploi est unitaire syndicalement. La Grande Traversée du Jura p. 19 réaffirmée mais l’inversion de la courbe du chô- Les pertes communes de pouvoir d’achat, en termes AIX 2013 mage n’est plus programmée pour 2013. Et l’OCDE de salaire et de pension, vont non seulement réduire Actualité d’une sous- suggère au gouvernement français d’aller plus loin les ressources du pays mais faire basculer une plus préfecture provençale p. 20 MAS-FELIPE DELAVOUËT : UN dans les réformes et de réduire sans délai les dépenses grande partie de la population dans la pauvreté. TROUBADOUR DE NOTRE SIÈCLE de retraite et de santé, alors que l’acte III de la décen- Certes, les retraites vont être revalorisées de 1,3 % « Le provençal est comme tralisation va en plus aggraver les inégalités. (alors que l’inflation était de 1,75 % jusque-là). Mais le français du Roman Emblématique de cette pression sur les salariés, à cette revalorisation, il va falloir soustraire les 0,3 % de la rose : il a conservé sa sensualité » p. 20 l’ANI (Accord National Interprofessionnel, plus de la contribution additionnelle à la solidarité pour ESPACE-TEMPS ET FIGURES communément appelé accord sur la flexibilité) met l’autonomie. Après les négociations sur les complé- Giacometti est à Grenoble p. 21 scandaleusement en cause les droits des salariés. La mentaires, la désindexation est assurée. AU FIL DE LA PRESSE JACKY BRENGOU A LU POUR VOUS Croissance nulle p. 22 PORTRAIT Bernard Thibault p. 23 2 - Retraités, supplément à L’US n° 729 du 30 mars 2013 ACTUALITÉ

Le 26 mars, la FSU et sa SFR (Section Fédérale des Retraités), les UCR (Union Confédérale À GENOUX DEVANT LE CAPITAL ? de Retraités), CGT, FO et l’UNIRSOLIDAIRES ont Taux de chômage actuels selon Eurostat : Grèce 27 %, Espagne 26,9 %, Por- porté ensemble une lettre à l’Élysée pour rappeler à tugal 17,3 %, Irlande 14,6 %, Italie 11,6 %. Cinq pays soumis à l’austérité François Hollande leurs revendications, pour lui et qui s’enfoncent dans la régression sociale. En 2012, un million d’emplois rappeler que ni les actifs ni les retraités ne sont res- détruits en zone euro. Le Royaume-Uni, autre forcené de l’austérité, recon- ponsables de la situation économique et du chômage naît qu’il ne réussira pas à réduire sa dette comme de masse. Ces organisations syndicales de retraités ont promis à partir de 2015. La France va-t-elle choisir de réaffirmé la nécessité d’une politique ambitieuse se suicider de la même manière ? N’y aurait-il pas une autre issue si les gouvernements plus juste, notamment sur le plan fiscal, qui conduise de ces six pays écoutaient enfin leurs peuples et avaient à des progrès et à une vie meilleure pour tous, actifs le courage de refuser ensemble de plier devant les et retraités. Leur démarche avait aussi pour but de diktats de la finance ? Aux peuples de l’imposer avant signifier au président de la République qu’elles n’ac- la catastrophe à des gouvernants résignés à ce Munich

cepteraient pas une nouvelle dégradation de la situa- © DR social. PIERRE TOUSSENEL tion des retraités et des conditions d’accès à la retraite. En 2013 les retraités sont parmi les premiers visés, cette situation nouvelle ouvre des perspectives favo- formes qu’en 2003 ou en 2010. Une certitude cepen- rables pour l’unité avec les actifs : l’histoire se répète dant, elle est indispensable. ■ rarement et la riposte prendra certainement d’autres MARYLÈNE CAHOUET

ACTIFS ET RETRAITÉS >Tous à la diète Un traitement inacceptable Le ralliement du gouvernement au traité européen et à la poursuite de l’austérité en matière de dépenses publiques va aggraver durablement la perte de pouvoir d’achat des actifs et des retraités de la fonction publique d’État.

Alors que le pouvoir d’achat des ensei- gnants n’a cessé de se dégrader depuis 1983, pour atteindre près de 30 % pour les certifiés qui partent à la retraite au 11e échelon, le blocage de la valeur du point d’indice des fonctionnaires, qui remonte à 2010, a été prolongé. Ces mesures ont bien sûr péna- lisé les pensionnés partis à la retraite ces dernières années. Elles auront encore plus de répercussions sur le montant des pensions des futurs retraités. Mais cette dégradation, reconnue par l’INSEE dans sa publication Ç emploi et salaires È, ne tient pas compte d’autres mesures néfastes bien connues des Des calculs retraités parmi lesquelles : savants pour ¥ le gel du barème de calcul de l’impôt sur le revenu s’en sortir reconduit pour 2013 qui peut représenter plus de 200 euros d’IR par an ; © alphaspirit / Fotolia.fr ¥ la suppression de la demi-part pour les veufs et par l’INSEE pour le calcul de l’indice des prix à la les divorcés qui touche 4 millions de contribuables ; consommation. ¥ la forte augmentation des impôts locaux (bien supé- Citons aussi les reculs de l’assurance maladie (dérem- rieure à l’inflation) ; boursement de médicaments, 1 euro par acte médi- ¥ l’augmentation des cotisations mutualistes. cal...), le tout couronné par le récent accord sur Ces quatre mesures ne sont pas prises en compte l’encadrement des dépassements d’honoraires qui

Retraités, supplément à L’US n° 729 du 30 mars 2013 - 3 ACTUALITÉ

légalise les pratiques des médecins du secteur 2. nationale et préfigure un financement de la perte Pour tenter de justifier cette politique suicidaire, les d’autonomie assuré par les seuls retraités. retraités sont pris comme nouvelle cible. D’autres mesures telles que l’augmentation de la Eux, souvent traités de nantis, d’égoïstes, voire CSG, voire le gel des pensions, sont aussi à l’ordre d’inutiles pour la société. Eux pour lesquels le COR du jour. Pour couronner le tout, la Cour des comptes prévoyait dès ses premiers rapports une baisse de préconise de supprimer l’abattement de 10 % qu’il 20 % des pensions, par rapport au salaire moyen, considère comme une indemnité pour frais profes- entre le début de la retraite et la dernière pension per- sionnels, ce qui n’est rien d’autre qu’un mensonge. çue (avec un indice des prix qui sous-estime scan- Dégrader le pouvoir d’achat des actifs et des retrai- daleusement les dépenses contraintes). tés, comme s’ils étaient responsables de la crise est Eux, dont les avantages fiscaux seraient exorbitants plus qu’une injustice : c’est une erreur économique d’après la Cour des comptes, vont subir une nouvelle qu’il est indispensable de combattre. taxe de 0,3 % (la CASA) pour financer la perte d’au- Ce combat, c’est ensemble que doivent le mener tonomie. Cet Ç impôt », prélevé uniquement sur les actifs et pensionnés avec tous les salariés et tous les pensions imposables, tourne le dos à la solidarité retraités. ■ J.-C. LANDAIS

RÉFORME DES RETRAITES >Nouvelle étape au début de l’été Le gouvernement vient d’installer la « Commission pour l’avenir des retraites », composée de quelques experts, avec la mission de faire des propositions pour la fin juin. Ensuite, le gouvernement soumettra ses choix aux partenaires sociaux. L’essentiel du contenu de la future retraites soumises à la CSG au taux de 6,6 %. Pour cette réforme des retraites est connu par des année, au 1er avril, le gouvernement est obligé de majo- annonces savamment distillées et par la campagne rer les pensions du taux de l’inflation, mais la « pro- médiatique destinée à préparer l’opinion. Le rap- vidence » lui a trouvé un taux miraculeusement bas, port du COR (Conseil d’Orientation des Retraites) 1,2 % contre 1,75 % prévu initialement. Dans les car- présenté en décembre a sans surprise fait état d’un tons il y a un nouvel allongement de la durée de coti- déficit prévisionnel autour de 20 milliards, en raison sation, voire une réforme systémique. Sur le modèle de de la crise économique qui réduit les recettes des l’ANI, il y aura sans doute des « contreparties » tirées régimes. Le rapport de janvier a analysé l’impact du rapport du COR pour faire passer ce qui fâche. des réformes sur les inégalités que subissent les car- Comme l’exemple de l’Europe du Sud le montre rières courtes et précaires, les femmes, les polypen- de façon éclatante, cette austérité est sans fin. On a sionnés, les travaux pénibles... eu en septembre un premier plan lié au budget 2013, Les mesures envisagées sur les retraites font partie puis le mois suivant de nouvelles mesures liées au d’un ensemble visant à trouver les milliards d’euros crédit d’impôt pour les entreprises, puis un nouveau pour contenir le déficit public en deçà des contraintes plan annoncé aujourd’hui, et entretemps des « gels È fixées par la Commission européenne qui, tout et Ç surgels » de crédit. Donc le prochain plan d’aus- comme l’OCDE, presse le gouvernement d’agir sur térité ne fera que précéder le suivant. C’est pourquoi les dépenses sociales. En effet, il paraît difficile de en matière de retraites, rien n’est stabilisé et on est réduire les dépenses publiques de 60 milliards d’eu- entré dans le régime de la réforme permanente. ros sur cinq ans sans s’attaquer aux dépenses sociales Attendez-vous à apprendre le matin à la radio un ali- qui en représentent la moitié. gnement du taux de CSG sur celui des actifs ou bien La chanson est désormais connue à travers toute l’Eu- d’autres mesures du genre. rope : les politiques d’austérité aggravent les déficits Cet enchaînement des plans d’austérité produit un publics via l’impact récessif sur la croissance et ainsi effet bien connu : l’irréversibilité ; à peine a-t-on eu s’autoalimentent. Pour obtenir une réduction rapide le temps de penser à organiser une riposte que la des dépenses, il faut s’attaquer aux pensions déjà liqui- mesure suivante vous tombe dessus ; d’où la néces- dées, ce que vise l’objectif de désindexation partielle sité d’une stratégie adaptée pour une riposte inter- par rapport aux prix qui touchera vraisemblablement les générationnelle et unitaire. ■ DANIEL RALLET

4 - Retraités, supplément à L’US n° 729 du 30 mars 2013 INTERVIEW

LA RENTRÉE 2013 > Entretien avec Roland Hubert Une loi, des débats et pas seulement sur les rythmes scolaires, une manifestation le 6 avril : le rendez-vous à ne pas manquer, c’est maintenant.

La rentrée 2013 le ministère n’a donné la parole au terrain, ayant opposé un refus sera différente systématique à toutes nos demandes de réunions ou de débats dans des précédentes ? les établissements sur le projet. Le résultat est loin d’être à la © Thierry Nectoux Roland Hubert La rentrée 2012 avait suscité de hauteur des enjeux et trop d’éléments sont renvoyés à des discus- cosecrétaire général du SNES nombreux espoirs, pas sur le mode sions futures. Écartelé entre la volonté d’une école démocratique Ç tout, tout de suite », mais bien dans l’attente de la construction qui participe à la transformation de notre société en jouant plei- d’un vrai projet pour l’École et ses personnels. La rentrée 2013, nement son rôle de formation de l’Homme et les vieux projets la première entièrement préparée par le nouveau gouvernement, d’une « école fondamentale » qui font resurgir des débats dépassés est donc attendue comme celle de la rupture. Hélas, l’insuffisance sur l’articulation entre premier et second degré, le projet de loi, de créations de postes face à l’augmentation du nombre d’élèves par ses absences et la recherche de continuité avec la loi de 2005 scolarisés dans le second degré d’une part et, d’autre part, l’at- sur la structuration de la scolarité obligatoire, ne suscite que peu tentisme du ministère sur de nombreux dispositifs pédagogiques d’intérêt dans les salles de profs et dans les médias. Une nouvelle et structurels pourtant condamnés par les personnels (livret fois, le risque d’un rendez-vous manqué entre la Nation et son personnel de compétences, accompagnement personnalisé, École est grand. réforme de la voie technologique...), dessinent une rentrée qui ne sera pas celle du changement attendu. Cela d’autant plus que Le 6 avril est donc important ? nombre de recteurs, de DASEN, d’IPR et de chefs d’établisse- Revalorisation de nos salaires et de nos métiers, rupture réelle ment rechignent à appliquer les avec les politiques éducatives précédentes, recommandations ministérielles et affirmation de la cohérence du poursuivent dans les méthodes mana- second degré avec le rejet de gériales de l’ère Sarkozy, et que rien tout projet Ç d’école du socle È, n’avance sur la revalorisation de nos remise en cause des réformes salaires et de nos métiers. Chatel des voies générale et Dans un tel contexte, il est indis- technologique, développement pensable de construire avec les du service public de l’orienta- collègues les actions revendicatives tion scolaire au sein de l’Éduca- dans les établissements, mais aussi tion nationale, amélioration des auprès des élus et de l’opinion conditions de recrutement, d’em- publique. L’enjeu est d’importance, ploi et de travail, sur tous ces car il s’agit bien de l’avenir du sujets il est indispensable de bous- second degré et de ses personnels. culer le gouvernement qui, au nom de la réduction de la dette La loi de refondation publique, en rabat chaque jour marque-t-elle vraiment davantage sur ses promesses et une rupture ? objectifs initiaux. Exiger une véri- Là aussi, l’impression qui domine table refondation et les moyens de est celle de Ç rester au milieu du cette ambition démocratique, gué ». Refonder l’École est effec- obtenir une rentrée 2013 en rupture tivement l’aspiration de nos profes- avec les précédentes nécessite une sions malmenées depuis des expression massive et claire des années. Or jusqu’à présent, elles personnels. La manifestation du 6 n’ont pas été associées directe- avril, à l’appel de la FSU et de ses ment au processus de discussion : syndicats de l’Éducation nationale, les organisations syndicales ont en est l’occasion qu’il ne faut pas été consultées, certes, mais jamais manquer. ■

Retraités, supplément à L’US n° 729 du 30 mars 2013 - 5 SANTÉ SOCIÉTÉ

2013 : ANNÉE DE L’AIR EN EUROPE >Un nouveau rendez-vous manqué ? L’air n’a pas de frontière. La catastrophe de Tchernobyl et les radiations ne se sont pas arrêtées, comme par miracle, à nos frontières ! C’est le monde entier qui doit se sentir concerné par la qualité de l’air.

En France, la pollution atmosphérique l’intérieur des maisons, l’utilisation des divers aéro- par les particules serait à l’origine chaque année d’en- sols, y contribuent aussi. viron 42 000 décès prématurés, soit 5 % des décès. Le gouvernement précédent avait proposé, dans le L’exposition aux particules réduit en moyenne l’es- cadre du Grenelle de l’environnement, un « plan par- pérance de vie de plusieurs mois ; 60 % de la popu- ticules È au niveau national et des plans de protec- lation est exposée à un environnement de l’air dégradé. tion de l’atmosphère au niveau local à Nice, , D’après les travaux de l’Inserm et l’ANR en 2012, la Saint-Denis, Lyon, Grenoble, Bordeaux, Clermont- prévalence(1) des maladies allergiques a considérable- Ferrand et Aix-en-Provence. Ce dispositif consistait ment augmenté au cours des vingt-trente dernières essentiellement à limiter l’accès au centre ville pour années : 15 à 20 % pour la dermatite, la rhinite et la certains véhicules polluants. Delphine Batho, l’ac- conjonctivite allergique, et 7 à 10 % pour l’asthme ; tuelle ministre de l’Écologie, a constaté l’échec de multiplication aussi des cas de cancers... ce dispositif jugé socialement injuste et écologi- Les pollutions industrielles ne sont pas les seules quement inefficace. Un Comité interministériel de la responsables de l’augmentation de ces allergies ; qualité de l’air (CIQA) a été mis en place pour éla- tous les phénomènes liés à notre confort comme borer, conjointement avec les collectivités locales, Améliorer la qualité l’augmentation du chauffage et de l’hygrométrie à des solutions concrètes et durables afin d’améliorer de l’air : une nécessité la qualité de l’air en particulier dans le domaine des transports. De nombreuses Agences régionales de santé (ARS) se mobilisent notamment sur les conséquences des micro-organismes, des PM2 et 5(2), des nanoparticules(3) et des fibres d’amiante pré- sents dans l’air, qui engendrent des pathologies res- piratoires, cardio-vasculaires, inflammatoires et allergiques. Nous sommes tous concernés par la qualité de l’air mais aussi de l’eau et des sols. Individuellement, nous pouvons adopter des comportements respon- sables, en évitant le gaspillage, en employant des pro- duits naturels, en ne jetant pas les produits toxiques n’importe où... Mais c’est collectivement, par l’engagement associatif, syndical que l’alerte sera donnée sur les conséquences des substances pol- luantes. et que des politiques industrielles et agricoles respectueuses de l’environnement pourront être impo- sées : la reconnaissance des méfaits de l’amiante en est un bon exemple. ■ FRANÇOISE EIDEN

(1) Prévalence : en épidémiologie, nombre de personnes atteintes d’une certaine maladie à un moment donné dans une population donnée. (2) PM2 et 5 : particules fines de diamètre aérodyna- mique inférieur à 2,5 µm. (3) Nanoparticules : éléments ayant une taille nanomé- trique, entre 1 et 100 nanomètres (1 nanomètre est égal à

© Sergiy Serdyuk / Fotolia.fr 1 milliardième de mètre).

6 - Retraités, supplément à L’US n° 729 du 30 mars 2013 SANTÉ SOCIÉTÉ

« BEAUCOUP DE BRUIT POUR RIEN » (W. SHAKESPEARE) >Pilule ou not pilule, that is the question ? Un certain nombre de femmes ont accusé la pilule contraceptive de troisième génération d’être responsable de leurs troubles vasculaires ou de leur AVC. Les médias se sont emparés de l’affaire, souvent sans discernement, et ont semé le trouble.

En jetant le discrédit sur ce type de pilule et, par extrapolation, sur toutes Le droit les pilules, le risque était grand de faire peur aux de choisir utilisatrices, surtout aux plus jeunes d'entre elles déjà difficiles à convaincre d’adopter ce mode de contraception. D’après un sondage Ifop, réalisé en janvier 2013, 68 % des jeunes femmes de 15 à 25 ans estiment que la pilule Ç n’est pas sans danger et peut provoquer de graves problèmes de santé È : conséquence immédiate, 29 % d’entre elles envisa- gent sérieusement de l’arrêter... au risque d’être enceinte et de subir une IVG qui n’est pas non plus sans danger. Légalisée en 1967, la pilule a été pour les femmes un moyen de vivre leur sexualité librement : Ç un enfant © Steve Young / Fotolia.fr si je veux, quand je veux È. Selon l’Inserm, en 2010, avoir les moyens de fonctionner. Il faut sans cesse 50 % des femmes de 15 à 49 ans utilisaient la pilule ; expliquer qu’en amour les deux partenaires doivent la proportion d’utilisatrices avait légèrement diminué prendre leurs responsabilités et que le choix de la depuis 2000, baisse compensée par l’adoption de contraception nécessite examens de santé et dis- nouvelles méthodes hormonales de contraception. cussions sérieuses. Le recours au stérilet diminuait légèrement et l’uti- Pilule de troisième génération, beaucoup de bruit lisation du préservatif progressait. sans poser la question essentielle : permettre à tous, L’éducation à la sexualité à l’école est indispen- à tous les âges de la vie, de pouvoir vivre sa sexua- sable et les centres de planning familial doivent lité sans complexes ni craintes. ■ F. E.

BAISSE DE L’ESPÉRANCE DE VIE FÉMININE EN 2012 >La fin d’un cycle ? En vingt ans, les femmes de notre pays ont gagné 4,5 années d’espérance de vie à la naissance, les hommes 5,5 années. En 2012, l’espérance de vie féminine à la naissance s’établissait à 84,9 ans contre 78,5 ans pour les hommes ; mais des éléments inquiétants apparaissent.

La nouveauté vient d’un recul d’espérance les hommes : environ une année perdue entre 2008 de vie féminine, exceptionnel sur la longue durée et 2010. Il faut être attentif à ces mouvements en ces mais qui fut observé aussi en 2003, l’année de la cani- temps de gouvernance rigoureuse de la santé : fer- cule. L’espérance de vie masculine n’est pas affectée. meture de lits, d’établissements, regroupements de Aussi, les explications avancées d’un hiver plus services, augmentation du reste à charge des patients rigoureux et d’une moindre vaccination contre la qui entraîne le renoncement aux soins. grippe ne sont pas très convaincantes. Fait troublant, En 2012, l’espérance de vie moyenne à 60 ans est de ce recul intervient après une baisse de l’Espérance de 27,2 ans chez les femmes et de 22,6 ans chez les vie sans incapacité (EVSI) – en Ç bonne santé È Ð hommes, en baisse pour les deux. ■ constatée l’an dernier tant pour les femmes que pour GEORGES BOUCHART

Retraités, supplément à L’US n° 729 du 30 mars 2013 - 7 SANTÉ SOCIÉTÉ

PERTE D’AUTONOMIE, ENCORE UNE PROMESSE OUBLIÉE >Y aura-t-il une loi ? Devant un parterre d’organismes de prévention et d’assureurs, puis devant les directeurs d’établissements de personnes âgées, la ministre Delaunay, ses conseillers, le Dr Aquino et Luc Broussy, ont dévoilé en avant-première leurs rapports qui devraient préparer la loi sur « l’adaptation de la société française au vieillissement démographique ».

Attendue, espérée, reportée depuis 2007, sabilité individuelle, on ne saurait empêcher les Fran- la loi sur la perte d’autonomie s’ensable ; elle devrait çais qui le souhaitent d’avoir recours à des assu- prendre en compte tout le champ de l’avancée en âge rances privées, a-t-elle poursuivi, ajoutant que les car la question de l’âge n’est pas seulement celle du aides publiques seraient destinées aux plus démunis. grand âge et de la perte d’autonomie. Il s’agit d’in- Mais pas de calendrier ni même de contenu précis viter les baby boomers à anticiper leur entrée dans le pour la loi promise. grand âge, a précisé la ministre, car le financement Les rapports évoqués traitent, l’un des différentes s’adaptera à l’état de la France au moment voulu. La mesures existantes ou à prendre concernant la pré- solidarité nationale doit jouer mais aussi la respon- vention, l’autre des moyens à mettre en œuvre pour assurer à terme le maintien à domicile le plus long- temps possible. Un sort particulier est réservé aux Des bancs publics aidants familiaux, dont la fonction est désormais ins- pour les vieux... titutionnalisée et qui pourraient bénéficier de congés amoureux et d’adaptation de leurs obligations professionnelles : (L. Broussy en ils sont plus de 4 millions, leur engagement bénévole page 22) est estimé à plus de 8 milliards au bas mot... La FSU, dont le récent congrès a validé les proposi- tions en matière de perte d’autonomie, est porteuse de projets novateurs qu’elle s’appliquera à populariser pour les faire prendre en compte. Elle ne pourra se

© Jean-Louis Viguier satisfaire de demi-mesures. ■ ANNIE EVENO

FINANCEMENT DE LA PROTECTION SOCIALE >Une confrontation permanente Préserver les acquis... La protection sociale et son financement solidaire sont un enjeu des luttes entre salariés et patronat. De 1945 à la fin des années 1970, les luttes sociales ont amélioré les conquêtes de la Libération. Avec la fin des « Trente Glorieuses », un autre combat a commencé.

Dans les années 1970, la baisse du taux de la CSG et de la CRDS, mesures qui cherchent toutes profit dans les pays dits libéraux inquiète les milieux à nier le principe de solidarité en organisant le transfert d’affaires. La riposte va reposer sur la dérégulation avec de la richesse produite dans les poches des plus riches. la circulation de capitaux financiarisés qui permet une Ç En cumul, depuis 1982, la déformation du partage spéculation outrancière débouchant sur des profits de la richesse produite a fait basculer l’équivalent de astronomiques, avec la pression sur les salaires, les 1 100 milliards d’euros de salaires bruts et de 400 mil- attaques contre la retraite et les prestations sociales ; en liards d’euros de cotisations patronales des salaires France, c’est la multiplication des exonérations de la vers les profits È(1). Aujourd’hui, la crise économique part patronale des cotisations, des niches fiscales, des fournit de nouveaux arguments aux milieux d’affaires impôts indirects sur la consommation ou la création de pour accentuer l’offensive contre une protection sociale

8 - Retraités, supplément à L’US n° 729 du 30 mars 2013 SANTÉ SOCIÉTÉ

solidaire. Il s’agit de développer des systèmes assu- rantiels juteux et d’accentuer une fiscalisation des financements de la protection sociale assise pour l’es- sentiel sur les salaires et les pensions. La nouvelle taxe de 0,3 % sur les retraites, le projet de transfert de cotisations (dites) patronales sur la CSG, ou la fusion de celle-ci avec l’impôt sur le revenu ont le même but : restaurer les profits. Même couverture Le SNES considère qu’il y a Ç nécessité d’envisager une pour tous réforme globale de la Sécurité sociale, qui dégage des recettes supplémentaires dans le cadre d’une politique économique et sociale réorientée en faveur de l’emploi, © FreeSoulProduction / Fotolia.fr des salaires et des droits sociaux [...] que les richesses revenus de placement et du patrimoine avec élargis- créées par le travail [devaient] demeurer... le mode sement de l’assiette et augmentation des taux ; de financement prépondérant de la Sécurité sociale ¥ retour progressif des ressources issues de la CSG sur [et] qu’il est tout aussi nécessaire de dégager des res- les revenus du travail vers les cotisations sociales È. sources par l’imposition (de la fortune, des sociétés) et Ces pistes convergent avec celles que suivent la CGT et la taxation (des revenus financiers et du patrimoine) È(2). Solidaires. Elles peuvent constituer un socle revendica- La FSU a traduit ces propositions(3) Ç pour concilier son tif fédérateur sur un terrain où la seule alternative à la rési- attachement à un financement de la Sécurité sociale gnation est la lutte. ■ JEAN-YVES BARBIER par les cotisations et son exigence que soient davan- tage mis à contribution les revenus de placement et du (1) Christine Jakse in Le Monde Diplomatique : Vous avez patrimoine, la FSU préconise d’approfondir le débat dit Ç baisser les charges ? È, novembre 2012 en faveur des mesures suivantes : (2) Congrès de Reims 2012 : mandat d’étude ¥ maintien d’une contribution sociale sur les seuls (3) Congrès de Poitiers 2013

LES ADHÉRENTS NE POURRONT PLUS DÉCIDER >Les méfaits de la concurrence Menace de mort contre une mutualité « authentique » À l’origine, le fonctionnement des mutuelles était discuté et déterminé par les adhérents ou leurs représentants lors des assemblées générales. Ce ne sera bientôt plus le cas.

La mise en conformité avec les directives perte de revenus pour les actifs, dépendance pour les européennes et dernièrement la généralisation pro- retraités comme si les actifs ne pouvaient pas deve- grammée des contrats d’entreprises découlant du nir Ç dépendants È ; nouveau dispositif sur la flexibilité de l’emploi, ¥ proposition de différents niveaux d’offre santé et vont obliger les organismes de couverture complé- prévoyance ; mentaire, y compris les mutuelles, à répondre aux ¥ enfin, dernière trouvaille, proposition de cotisa- appels d’offres définis par les patrons et les comi- tions mixtes, en fonction du revenu, de l’âge... tés d’entreprises, qui, de ce fait, deviendront les Il faut être vigilant et défendre dans les assemblées vrais décideurs de la politique prestataire de ces générales de la MGEN les fondements de la mutua- organismes. lité authentique. Certes la mutuelle réclame La MGEN évoque des pistes d’évolution de l’offre d’imposer la couverture tout au long de la vie pour mutualiste qui ne répondent plus aux principes de tous les contrats et donc de ne pas laisser les retrai- base Ç on cotise suivant ses moyens et on reçoit sui- tés sur le bord du chemin ; mais il y a déjà tant vant ses besoins È : d’entorses dans les offres diversifiées qu’elle pro- ¥ dissociation du secteur santé et prévoyance de pose, dont celle de la Ç dépendance », qu’on est en l’offre globale ; droit d’être méfiant. ■ ¥ différenciation de l’offre en fonction des besoins : FRANÇOISE EIDEN

Retraités, supplément à L’US n° 729 du 30 mars 2013 - 9 VIE SYNDICALE

CONGRÈS FSU DE POITIERS >Maturité ou évitement ? La FSU est maintenant majeure ; à la mi-février, elle a tenu son 7e congrès dans une ambiance calme et sereine. Premiers enseignements.

La première impression d’en- à l’unité d’action, pose des problématiques nou- semble est celle d’un congrès velles et bouscule syndicats nationaux comme sec- Ç apaisé » – signe d’une certaine tions départementales ; pourtant le rôle des organi- maturité pour les vingt ans de la sations syndicales est d’autant plus important que la FSU ? –, non pas théâtre d’affron- crise financière, économique interroge notre modèle tements ni de polémiques mais de social, que les attaques se font pressantes, que la débats parfois vifs, débouchant sur question de l’organisation de l’État est posée et que des synthèses ou tout au moins des des alternatives doivent être proposées. compromis permettant la poursuite Concernant le fonctionnement de notre fédération, la de la réflexion. Le travail collectif question de l’articulation entre les différentes com- effectué en amont du congrès puis posantes et notamment la place des sections dépar- pendant les commissions a probablement tementales a été approfondie, l’affirmation de la permis de trouver des positions communes, nécessité d’assurer renouvellement et féminisation au-delà des différences que ce soit sur les questions renouvelée. éducatives ou les questions très sensibles de pro- Une interrogation cependant : quelle signification tection sociale par exemple. donner au peu d’interventions sur une question où le Sans doute peut-on encore faire des progrès sur les SNES a ouvert la voie, celle de la recomposition procédures pour éviter des votes très longs, par syndicale, de l’évolution de la FSU et de la construc- exemple sur des motions ou amendements dont le tion d’un nouvel outil permettant le rassemblement seul objectif est de Ç se compter È ; cependant beau- des salariés pour une plus grande efficacité dans la coup a déjà été fait en matière d’intégration d’amen- conquête de nouveaux droits. Espérons que cette dements. adhésion muette au mandat initial permettra vérita- Le congrès a permis de confirmer l’ambition de la blement de le faire avancer et que des initiatives FSU de traiter de toutes les questions qui touchent fédérales, mais aussi des différents syndicats dans leur salariés et retraités ; le changement de contexte poli- champ de responsabilité, seront prises en ce sens. ■ tique qui crée des stratégies syndicales peu propices FRÉDÉRIQUE ROLET

LES DÉLÉGUÉS N’ÉTAIENT PAS TOUS DES ACTIFS >Le congrès FSU vu par une retraitée La FSU a fêté ses vingt ans en présence de la plupart de ses anciens secrétaires généraux ; l’organisation et l’accueil remarquables de la section départementale de la Vienne ont beaucoup contribué à la sérénité des congressistes et donc des débats.

Malgré le contexte difficile d’austérité présents ont participé aux travaux des commissions aggravée qui pèse sur la population, un chômage de et se sont retrouvés pour débattre syndicalisme et plus de trois millions de personnes, le climat était rela- action. Ils ont veillé à la prise en compte de leurs tivement serein face aux défis à relever. « Aujour- revendications dans les textes soumis à discussion, d’hui, préparer l’avenir È : tel est le fil conducteur du textes déjà enrichis notamment par la forte implica- discours d’ouverture de Bernadette Groison. tion des retraités dans les congrès départementaux. Cependant, il n’est pas toujours simple de trouver sa Pour le bilan, trois points à retenir : place dans le congrès en tant que retraité et il a fallu ¥ la partie Ç financement de la protection sociale È a s’imposer fermement pour intervenir en plénière le fait l’objet de bataille d’amendements, signe d’une premier jour. Une trentaine de délégués retraités synthèse difficile de la part des syndicats nationaux

10 - Retraités, supplément à L’US n° 729 du 30 mars 2013 VIE SYNDICALE

et des courants de pensée. Résultat, un simple com- promis, mais l’avancée est indéniable et la réflexion doit se poursuivre ; ¥ pour la perte d’autonomie, le texte rappelle nos principes : de droit universel sans condition d’âge et de ressources, financé par la solidarité nationale et inscrit dans une démarche de service public ; ¥ enfin, le congrès n’a pas oublié la revalorisation des pensions et en proposant de créer un groupe de travail SFR/CDFN pour réfléchir à la place des retrai- tés dans la fédération, il nous impose de nous y investir. Alors, en résumé, un congrès studieux qui ouvre des chantiers nouveaux. ■

MARYLÈNE CAHOUET © DR Poitiers, février 2013

LES RETRAITÉS ONT TOUTE LEUR PLACE DANS LE SNES >Restez syndiquée et syndiqué De nombreux retraités sont investis dans l’action humanitaire ; de nombreux retraités sont dépositaires d’un mandat politique ; pour prolonger sa vie sociale, il y a aussi un geste simple : continuer à adhérer à son syndicat ou même revenir dans son giron.

Défendre les droits de tous : droit à l’édu- Quoi de mieux donc que de rester syndiqué pour être cation, droit à des services publics de qualité, droit à en mesure d’intervenir, de peser sur les revendica- un meilleur pouvoir d’achat, droit à la retraite et à des tions et les décisions ? niveaux de retraite suffisants, voilà des combats qui Le SNES compte, sur ses 61 500 adhérents (année ont animé l’action de tous les syndiqués du SNES et 2011/2012), un peu plus de 8 000 retraités organisés qui continuent à les animer, même une fois la « bar- en S1 départementaux. Au niveau des S3, un res- rière » de la retraite franchie. À voir les retraités dans ponsable Ç Retraités È anime la section et participe les manifs des actifs, dans les permanences du syn- au collectif national. Les S1 ont leur rôle à jouer dicat, on mesure leur attachement à soutenir la cause dans le fonctionnement du syndicat et de la fédéra- de l’éducation et des personnels. À voir les mises en tion, ils ont toute leur place dans l’élaboration de question des acquis sur les dossiers Ç retraite È, sur le l’analyse de la situation et des revendications. Ils pouvoir d’achat, sur la perte d’autonomie, on voit peuvent illustrer la confrontation entre passé, (les évo- combien il est important de ne pas rester isolé mais de lutions du système éducatif et l’histoire syndicale par partager la réflexion et la mobilisation de tous. exemple), et futur car le temps de la retraite arrivera pour tous quelles qu’en soient les modalités. N’est-ce pas un gage de jeunesse que de garder un lien fort avec son activité antérieure, de rester en prise avec les évolutions sociales, économiques, de se battre sur le terrain des revendications qui unissent actifs et retraités ? Les retraités s’investissent dans de nombreuses activités, sont souvent pris par la vie familiale et le soutien aux proches, mais cela s’accommode très bien d’un inves- tissement syndical choisi et généralement festif ! Moins de contraintes sans doute au temps de la retraite, mais pas question de ne pas rester en prise avec toutes les questions qui animent la société. ■ MICHÈLE OLIVAIN

Retraités, supplément à L’US n° 729 du 30 mars 2013 - 11 DOSSIER >ACTIFS, RETRAITÉS... Tous ensemble !

« On n’aura pas de retraite »

disent les trentenaires ;

pour les moins jeunes

c’est une perspective de

plus en plus lointaine ;

LA RETRAITE, C’EST LA LIBERTÉ quant aux retraités, >Tout faire pour la co Quand on interroge des jeunes sur la retraite, les ré c’est leur pouvoir d’achat Pour certains « c’est quand j’aurai fini de travailler e

Cette phase de la vie peut être perçue négative- ment : Ç on fait son petit jardin, on est cloîtré chez soi, on qu’ils doivent défendre. ne sort plus, on ne fait plus partie de la société... manque d’argent, laisser-aller dans les habitudes, perte de lien social, manque d’activité physique et intellectuelle È. Alors il faut s’y mettre Mais pour beaucoup d’autres, la retraite est associée à la liberté : Ç du temps pour moi È, Ç la retraite est un état de liberté où tu peux profiter de la vie, faire des choses pour soi sans le poids du travail È. tous ensemble ! Les retraités des privilégiés ? Il faut beaucoup de mauvaise foi pour les considérer comme un ensemble socialement pri- vilégié d’autant plus que le principal objet des réformes des retraites en cours est d’organiser leur paupérisation. Le Ç privilège È ressenti par ces jeunes est tout autre : c’est celui d’être affranchi des contraintes du travail, pour (enfin) réa- Dossier réalisé par Marylène Cahouet, Annie Eveno, liser ses désirs, ses passions, ses envies. Bien sûr, chacun Daniel Rallet, Jean-Pierre Billot sait que les retraités subissent eux aussi des contraintes fortes

12 - Retraités, supplément à L’US n° 729 du 30 mars 2013 DOSSIER

Droit au travail, droit à la retraite, avec des revenus décents : un même enjeu pour tous © Thierry Nectoux

tique : Ç mieux vaut de vieux travailleurs fatigués que de jeunes retraités actifs È ? Partout en Europe, le chiffre d’or des réformes est nserver 67 ans. Reprendre les meilleures années de la retraite, éponses sont contrastées. comme si l’exercice de la liberté était devenu insup- et que je pourrai me reposer ». portable pour ceux qui veulent mettre la société sous contrôle, comme si le « droit à la paresse » était un (perte de revenus, santé, solidarités familiales...), mauvais exemple pour les idolâtres du culte de la contraintes socialement très inégalement réparties, que performance. l’avancée en âge contribue à accroître. Car cette aspiration à la retraite pose en creux la ques- Mais il y a tout de même l’idée que les retraités ont tion du travail. Si les jeunes ne se voient pas ensei- des espaces de liberté qu’ils peuvent utiliser pour gnants à 70 ans, c’est d’abord parce qu’ils ont des dif- des engagements individuels et collectifs en fonc- ficultés à assumer un travail quotidien difficile. Si les tion de leurs aspirations. quinquas voient avec désespoir les réformes éloigner En d’autres termes, la retraite n’est plus seulement l’horizon de leur départ, c’est parce qu’ils n’ont plus comme dans la représentation traditionnelle un l’énergie de tenir entre le manque de reconnaissance, moment de repos et de retrait, mais un temps possible les réformes qui cassent leur métier et le sentiment de l’émancipation. La jeunesse qui détient aussi cette d’échec qu’ils éprouvent. carte du possible est enfermée dans ses galères, et le Dans un autre monde, où le travail serait lui aussi un temps du travail pour les actifs passe de plus en plus facteur d’émancipation, où les aspirations des gens avec le nouveau management sous le contrôle des seraient écoutées, la question de la retraite se poserait experts et des hiérarchies. autrement. Et si finalement les réformes des retraites, au-delà L’émancipation pour tous : une belle utopie en ces des questions financières, avaient une finalité poli- temps de crise. ■

Retraités, supplément à L’US n° 729 du 30 mars 2013 - 13 DOSSIER

RETRAITES, RENDEZ-VOUS 2013 >Ambiance Enquête dans une section académique Les personnels du second degré n’étaient pas directement concernés par la négociation sur les retraites complémentaires, mais cette négociation était la première étape du rendez-vous de 2013 sur les retraites qui concerne tous les actifs et tous les retraités. Maintenant le dossier est ouvert : premières réflexions sur le sujet dans une discussion à bâtons rompus à Besançon.

Les retraités – et particuliè- rement les fonctionnaires pensionnés – sont souvent présentés par les médias comme des nantis... Bernard : Les fonction- naires retraités perçoivent une pension qui est en fait un salaire différé ; ils n’ont

© DR pas de Ç retraites chapeau È Bernard Peyret, et sont loin d’être des privi- retraité, Dole (39) légiés. Depuis plusieurs années, leur pouvoir d’achat s’érode : les dépenses contraintes augmentent beau- coup plus vite que les

retraites. Certains retraités © DR doivent aussi faire preuve de En 2013, comme en 2003, en 2010 et à d’autres dates encore « ne pas désespérer solidarité familiale avec leurs et continuer à lutter » parents quand ils sont en EHPAD ou avec leurs enfants qui ont de plus en rythme de vie. Actuellement, j’ai l’impression de tra- plus de difficultés à s’inscrire dans la vie active. vailler beaucoup et de ne pas prendre suffisamment Denis : Je ne dirais pas que les retraités que je ren- de temps pour ma famille et pour moi. En retraite,

© DR contre actuellement sont des nantis, mais ils me dégagé de mes obligations professionnelles, j’entends Denis Baron, lycée semblent en capacité de mener la vie qu’ils s’étaient bien changer radicalement de vie et profiter pleine- V.-Hugo, Besançon (25) imaginés une fois en retraite. Certains néanmoins ne ment de la vie. Ceci dit, les régressions en cours et touchent qu’une très petite retraite et ont un niveau celles annoncées laissent peu de place au rêve. de vie qui ne leur permet guère d’extras. Un petit Sylviane : À 57 ans, je commence à aspirer à la nombre d’entre eux continue même d’exercer une retraite. L’enseignement me plaît toujours autant activité professionnelle partielle pour conserver un mais la distance avec mes élèves grandit et égale- niveau de vie décent. Et résultats des régressions de ment avec les parents qui fabriquent ces Ç enfants ces dernières années, je commence à voir des col- rois ». L’évolution du métier, ne serait-ce que lègues reporter leur départ en retraite de plusieurs par l’arrivée de nouvelles technologies pour les- années pour éviter les décotes. quelles nous n’avons pas reçu une formation conti- nue de qualité, est aussi un facteur de lassitude. La retraite pour les actifs : une aspiration, un rêve ? La transformation de nos missions, celle de pro- Nathalie : La retraite, pour moi, c’est comme un fesseur principal par exemple, ne va pas dans le bon

© DR point à l’horizon : plus je marche et plus il s’éloigne ! sens : on demande toujours plus aux enseignants Sylviane Gutierrez, Denis : Je n’ai guère le temps de rêver ma retraite : sans aucun profit pour les élèves, avec comme seul collège A.-France, c’est encore un horizon lointain. Le changement le résultat une dégradation continue de nos condi- Bethoncourt (25) plus important se trouvera, me semble-t-il, dans le tions de travail.

14 - Retraités, supplément à L’US n° 729 du 30 mars 2013 DOSSIER

D’ailleurs, les collègues obligés de prolonger leur Les Ç quadras », avec d’autres, assurent actuelle- carrière professionnelle pour des raisons financières ment en grande partie le financement de la soli- – c’est le cas de nombreuses collègues femmes Ð sont darité envers les jeunes et les retraités ; la solida- fatigués et « n’ont plus la pêche », surtout en collège. rité n’a-t-elle pas des limites ? Laure : Ce n’est pas par cet angle-là qu’il faut Mais la mise en retraite – elle – n’est pas toujours aborder la question. La solidarité entre actifs et souhaitée ; elle est parfois redoutée, comme chez retraités, bien portants et malades doit demeurer. PSA par exemple ? C’est indispensable pour davantage d’égalité. C’est Sylviane : La mise à la retraite du côté de Sochaux, un principe inscrit dans la Constitution. En même il y a bien longtemps que c’est n’est plus une temps, il faut limiter la hausse des cotisations. Le © DR menace ; les salariés sont ravis de quitter une entre- nœud du problème est le travail : trouver le moyen Nathalie Faivre, lycée V.-Hugo, Besançon (25) prise où seuls comptent les dividendes des action- de réduire fortement et durablement le chômage est naires ! La plupart des salariés de chez Peugeot la solution. Plus il y a d’actifs qui travaillent, plus il profitent dès qu’ils le peuvent des plans de départ qui y a de cotisants. se succèdent, même ceux qui ont applaudi à la Didier : C’est vrai que la solidarité repose sur ma réforme de 2010 et fait la campagne de Sarkozy... Et génération, mais c’est une fierté et un honneur. Je il y aurait d’ailleurs beaucoup à dire sur ces plans de continue de préférer la solidarité plutôt que l’indi- départ financés sur les deniers publics. vidualisme et un système par répartition plutôt que la retraite par capitalisation. Le chômage de masse En résumé, la retraite une perspective lointaine est la mère de tous nos maux : ce n’est cependant pas pour ne pas dire irréaliste.. une fatalité mais le fruit de choix politiques qui Didier : C’est évident que pour les « quadras È, ma peuvent et doivent être amendés. génération, la perspective d’un départ à la retraite à © DR 60 ans, à taux plein, devient de plus en plus de la Alors pour les retraites, c’est reparti en 2013 comme Didier Vuillemot, science-fiction ! Cependant, l’idéologie de la rési- en 2003 et en 2010 ? collège A.-Camus, gnation ne m’a pas encore totalement rabougri. Je ne Nathalie : Différence majeure, la crise écono- Besançon (25) peux ni ne veux m’accommoder, individuellement mique qui déséquilibre considérablement les et collectivement, de ce débouché sombre pour ma comptes des caisses de retraites et génère, dans génération et les suivantes. L’avenir n’est pas écrit ! l’UE, une vague de politiques d’austérité qui Laure : Selon la loi actuelle, je devrais attendre 67 ans aggrave la situation – et semble être pour nos diri- pour bénéficier d’une retraite à taux plein. Je ne me vois geants un horizon insurmontable. pas être avec des élèves, des adolescents, à cet âge-là. Même si le paysage syndical a peu changé depuis Si je pars avant, je subirai une décote importante. 2003, il sera peut-être plus difficile de mobiliser C’est un non-choix entre la peste et le choléra. Mais à cause des résultats des luttes antérieures qui l’objectif des réformes a été et demeure le versement n’ont pas correspondu aux espérances et du

de pensions incomplètes : ce n’est pas acceptable. sentiment que tout est verrouillé. Mais dans le © DR Après une vie professionnelle bien remplie, je devrais contexte d’exaspération actuel, tout peut basculer Laure Flamand, pouvoir espérer partir en retraite dans des conditions très vite : il ne faut donc pas désespérer et continuer collège Rouget-de-Lisle, décentes et laisser ma place à de jeunes collègues. à militer. ■ Lons-le-Saunier (39)

LE POINT DE VUE DE SIRIUS : LA RETRAITE VUE PAR UN LYCÉEN « Retraite, le mot me rappelle vaguement quelques l’épreuve. De plus, après avoir passé la majeure manifestations, il y a quelques années, mais rien partie de sa vie au travail, on a bien le droit de de plus. Je m’imagine une période de repos total, prendre un peu de repos. sans travail, sans contraintes... La belle vie ! Cela Je ne suis pas spécialement pressé d’arriver à la peut en effrayer certains : le travail est une occu- retraite et dans quelques années, ma préoccupation pation quotidienne, son arrêt peut créer un vide, majeure sera sans doute d’abord de trouver du © DR Pierre Darocha,16 ans, élève au lycée de l’ennui... travail. Or pour que les jeunes trouvent du travail, Paul-Émile Victor, Champagnole (39), Pour ma part, je pense que la retraite est indispen- il faut que les anciens partent à la retraite et laissent bassiste du groupe Narrow Line sable, surtout pour les métiers où le corps est mis à leur place. »

Retraités, supplément à L’US n° 729 du 30 mars 2013 - 15 DOSSIER

ACTIVES, RETRAITÉES >Mêmes discriminations, même combat Chaque année à l’occasion de la journée internationale de la femme fleurissent publications et promesses. L’année 2013 n’y a pas échappé : nouveau Président, nouveaux engagements avec la signature d’un protocole pour l’égalité hommes-femmes dans la fonction publique, le 8 mars.

Les inégalités de rémunérations des femmes se retrouvent souvent amplifiées à la retraite, retraites globales qui sont en moyenne infé- rieures de 30 % à celles des hommes et l’écart conti- nue à se creuser. On en connaît les raisons : carrières discontinues, temps partiels, départs anticipés péna- lisés par la décote... y compris ces dernières années ceux des mères de trois enfants parties avant la sup- pression de l’avantage dont elles bénéficiaient. La vie de couple a évolué : séparations, divorces tardifs, unions libres, PACS, familles recomposées, la législation tarde à s’adapter aux nouveaux modes de vie ; les pensions de réversion – quand elles y ont droit – ne permettent pas à toutes les femmes de vivre décemment. C’est un champ nouveau qui reste à explorer. © Olly / Fotolia.fr Libérées des obligations professionnelles, les retrai- Tous différents mais égaux en droit tées réalisent enfin des aspirations longtemps conte- nues : ralentir le rythme, apprendre à ne rien faire, avec leur cortège de bonheurs et aussi de contraintes, pratiquer des activités artistiques, des activités palliant souvent le manque d’accueil. Un récent rap- sociales ou humanitaires, partagées avec conjoints ou port Ç genre et dépendance » évoque la situation dif- amis, militer (au SNES 54 % des adhérents retraités ficile des plus de quatre millions d’aidants fami- sont des femmes). Une nouvelle vie commence dans liaux, des femmes essentiellement, intervenant auprès laquelle les retraités jouent un rôle social reconnu. de personnes âgées, leurs parents ou beaux-parents, Mais vite les activités « traditionnelles femmes È femmes dont la plupart ont entre 45 et 64 ans, les vont s’imposer : les aides à la famille, la garde des autres étant les conjointes « retraitées È elles aussi. petits enfants, régulière parfois ou pendant les congés Les stéréotypes ont la vie dure. Même à la retraite ! ■

PROFESSION : RETRAITÉ ! Depuis quelques années sont offertes aux retraitables des sessions de préparation à la retraite(1). Quelle idée ! Gérer sa liberté, l’organisation de son temps, s’évader du carcan de l’emploi du temps, ce n’est pas compliqué... Pas si simple parfois : l’engagement professionnel est d’une telle permanence qu’il a, notre vie durant, absorbé notre énergie, quadrillé nos jours, envahi nos pensées, nos conversations et le passage à la retraite est une grande césure. Les petits plaisirs et les temps forts du passage à la retraite ne comblent pas l’espace de l’activité pro- fessionnelle : c’est à la construction d’une autre vie que s’appliquent peu à peu les retraités, faite d’autres engagements et de renoncements aussi. « Et toi, que fais-tu ? Je suis retraité »... C’est comme si l’identité d’une vie s’était envolée et qu’on était réduit(e) à un statut, à un âge. Attendue, souhaitée, espérée, redoutée, la retraite sera d’autant plus riche qu’elle aura été pensée, anticipée et qu’elle deviendra une aventure sociale collective.

(1) INPES (Institut national de prévention et d’éducation à la santé) : « Les sessions de préparation à la retraite, un enjeu citoyen », collection La santé en action (2011)

16 - Retraités, supplément à L’US n° 729 du 30 mars 2013 DOSSIER

« JE SUIS DÉBORDÉ », DISENT-ILS >L’activité des retraités Un chantier de l’Institut de Recherche de la FSU Depuis une période récente, la recherche universitaire, souvent en lien avec les organisations syndicales de salariés, s’intéresse au travail comme activité. L’Institut de la FSU a initié un travail de recherche dans ce domaine ; il a aussi innové en se penchant sur l’activité des retraités.

L’institut de Recherche de la FSU suscite l’espoir. Le facteur santé – la sienne, celle des travaille sur l’activité des retraités depuis l’automne proches – est cependant souvent déterminant. 2009. L’idée de cette recherche est de suivre l’activité L’identité « nouvelle » est plus liée à l’âge qu’au sta- à la retraite, et au fil de la retraite d’un certain nombre tut. Mais quand activités il y a, celles-ci sont souvent de retraités du champ de syndicalisation de la FSU. multipliées, absorbantes. Les enfants, petits-enfants Pour ce faire, un guide d’entretien a été élaboré ; des occupent une grande place, parfois considérée comme collègues retraités ont été contactés et ont accepté de exagérée. Les activités prennent souvent la forme participer à ce travail. L’objectif n’était pas de consti- d’une reconversion du capital professionnel ou mili- tuer un échantillon représentatif, mais de s’intéresser tant. Ce peut être aussi le retour des activités aban- à quelques cas types. données faute de temps. La retraite c’est aussi la pour- Difficile de résumer des dizaines d’heures d’entretiens suite de l’engagement syndical, politique, associatif qui mais quelques lignes de force se dégagent. prend des formes différentes à ce moment-là. L’entretien est l’occasion d’un retour souvent long sur La retraite : temps de la liberté ? On pourrait le la carrière voire sur la vie des personnes interrogées. croire mais les contraintes continuent d’exister, Les départs à la retraite sont attendus, espérés, parfois celles que l’on se donne, celles qui relèvent de la redoutés, mais n’interviennent pas toujours de façon pression sociale, du regard des actifs, des ressources Ç planifiée ». L’élément déclencheur est parfois inat- ou parce que le temps se dilate ou que le corps ne tendu, mais souvent lié à un sentiment d’usure. Alors suit plus. Mais comme le dit un retraité : Ç il faut la retraite offre la possibilité de se reconstruire et être débordé È. ■

POUR NE PAS CONCLURE >Le droit d’avoir des droits Le sociologue Robert Castel est décédé le 12 mars 2013 ; il insistait dans ses ultimes travaux sur la montée des incertitudes, fruit d’un « nouveau régime capitaliste » indéfectiblement lié à une précarisation croissante, voire à l’exclusion qu’il nommait de manière pertinente « désaffiliation ».

La question des retraites est délibérément enfer- stigmatisation des retraités n’est pas un hasard, c’est une mée dans des statistiques économiques, des projections chif- méthode, comme sont stigmatisés les « fraudeurs du RSA È frées qui occultent les logiques d’acteurs, le sens qu’ils tandis que les évadés fiscaux assurent le spectacle. N’ont de donnent à leurs actions et les contextes historiques. Si on valeur que ceux qui concourent directement à la « compéti- regarde plutôt du côté de Robert Castel que du côté du tivité » redevenue la loi fondamentale de la société. Tous les COR, les retraites sont une partie de cette Ç propriété autres, les chômeurs, les précaires, les licenciés des « plans sociale È (la propriété de ceux qui n’en ont pas) qui a permis de sauvetage de l’emploi È, les fonctionnaires Ç trop nom- aux individus de se construire dans la durée, de se battre, breux », les malades, les retraités sont rejetés dans la caté- d’être reconnus, en un mot de s’émanciper. gorie infamante de ceux qui coûtent. S’attaquer aux retraites c’est réinstaller les individus dans Ce qui est attaqué, c’est fondamentalement le « droit d’avoir l’incertitude (on voit bien comment celle-ci est organisée par des droits » pour reprendre la formule d’Hannah Arendt. Au les réformes successives), la dépendance vis-à-vis du mar- bout de ce chemin, c’est la démocratie qui est inévitablement ché et la subordination aux lois de l’économie capitaliste. La en jeu. ■

Retraités, supplément à L’US n° 729 du 30 mars 2013 - 17 INFOS PRATIQUES

Dans cette rubrique, Marie-Louise Billy et Robert Jacquin vous répondent ; envoyez vos questions à L’US-Retraités, 46, avenue d’Ivry, 75647 Paris Cedex 13 ou par mail à [email protected] Permanence téléphonique les mercredi et jeudi : 01 40 63 27 32 et 01 40 63 27 31

ADHÉRENT DE LA MGEN Prendre sa retraite >Des changements >Quelques informations pratiques pour ceux qui s’apprêtent Il faut signaler sa mise en retraite, à prendre une retraite bien méritée. faire parvenir une photocopie de son titre de pension pour que la nou- En quoi consiste le droit velle situation soit prise en compte à l’information créé par et que les prélèvements se fassent la réforme des retraites sans retard. Il peut être nécessaire de de 2003 ? changer d’affiliation départemen- Le fonctionnaire reçoit à partir de tale, si l’on ne réside pas dans le 35 ans, tous les cinq ans jusqu’à département où l’on exerçait. 50 ans, sans démarche particulière, Ë noter que votre cotisation sera un Relevé de Situation Individuelle. majorée : à la MGEN, le taux de Il faut en vérifier les données et faire cotisation est 2,97 % du traitement corriger les erreurs. Un polypensionné brut pour les actifs ; il est de 3,56 % peut également faire une demande sur les pensions pour les retraités. une fois par an auprès d’une caisse de retraite dont il dépend. À 45 ans, il est possible d’obtenir un entretien indi-

SYNDIQUÉ AU SNES... © Jean-Louis Viguier viduel dans les six mois. ... la continuité Ë partir de 55 ans, tous les cinq ans, une Estimation Individuelle Globale est envoyée préci- Aucune mauvaise surprise pour la sant les droits acquis, la durée d’assurance et une estimation du montant de la pension. cotisation syndicale ; elle variera en fonction du montant de votre pen- Prendre sa retraite à la rentrée de l’année scolaire 2014 : sion. Pour se syndiquer à nouveau quelles démarches ? ou rester syndiqué, la démarche est Le Dossier d’Examen de Droits à Pension est élaboré par le service des pensions du rectorat, simple : contactez votre Section il est plus précis que les documents fournis par le service des retraites de Nantes. Il ne faut pas académique si vous ne recevez pas hésiter à le demander si on ne l’a pas reçu car il permet de connaître ses droits, de faire recti- votre bulletin d’adhésion annuelle. fier d’éventuelles erreurs et de déterminer la meilleure date de départ possible. Le trésorier académique ou dépar- Pour solliciter sa mise en retraite, le dossier de demande doit être retiré au secrétariat de son temental de la section des retrai- établissement environ un an avant la date choisie. Puis, le dossier rempli et complété est envoyé au rectorat par la voie hiérarchique. tés réparera cette erreur. Vous rece- vrez alors toujours l’ensemble de la Quel cheminement pour ce dossier ? presse syndicale et en plus, quatre Le service des pensions du rectorat envoie un accusé de réception. Ensuite le service des pensions fois par an, L’US-Retraités. du ministère de l’Éducation adresse à l’intéressé l’Arrêté de mise en retraite qu’il convient Autre bonne nouvelle, à compter de d’examiner attentivement en prenant connaissance des voies et dates de recours en cas d’er- 2012 donc pour vos impôts 2013, reurs concernant la date, le motif de la demande (limite d’âge, ancienneté, parents de trois enfants, les cotisations syndicales ouvrent handicap...). droit à un crédit d’impôt et non Le Titre de Pension est le document essentiel. Il émane du ministère des Finances-Service des plus seulement à une réduction Pensions ; il fait le point sur les droits acquis et précise le montant de la pension. Les informations d’impôt. Vous aurez donc droit à qu’il comporte concernant les voies et les délais de recours sont à lire avec attention et à respecter une diminution du montant de vos scrupuleusement. impôts sur le revenu égale à 66 % Un autre document à renvoyer au service payeur pour la mise en paiement de la pension lui est associé. du montant de votre cotisation syn- dicale ou à un versement par le fisc Quelles démarches complémentaires pour les polypensionnés ? du même montant, si vous n’êtes Si un fonctionnaire a travaillé hors de l’éducation, il doit s’adresser à la CNAV, sans oublier pas imposable. les caisses de retraites complémentaires (IRCANTEC, AGIRC, ARRCO...). ■

18 - Retraités, supplément à L’US n° 729 du 30 mars 2013 LOISIRS CULTURE

LE DÉPAYSEMENT PRÈS DE CHEZ VOUS >La Grande Traversée du Jura Une traversée pour chaque saison et à la portée de tous Les marcheurs peuvent suivre, dans les Cévennes page après page, les pas de Stevenson(1) ; dans le Jura, il suffit de suivre les panneaux de la Grande Traversée du Jura (GTJ).

Au siècle dernier, dans les années 70, Barre n’est plus là pour tenter d’imposer il n’était pas rare de croiser, le long de la aux salariés une cure d’austérité, mais il a fait frontière qui sépare les départements du des émules. Doubs et du Jura des cantons suisses voisins, Les temps ont changé mais le Jura reste de petits groupes de skieurs vêtus de pulls en une destination rêvée pour tous ceux qui laine et de knickers en velours(2). Parfois recherchent dépaysement et solitude en par- accompagnés d’une marmaille un peu indis- courant ses combes, ses forêts, ses pâtu- ciplinée, lourdement chargés, ils étaient sou- rages et ses crêtes. Montagne accessible à vent obligés de « faire la trace » : c’étaient tous, le massif offre aussi aux sportifs des les pionniers de la Grande Traversée du challenges à relever : la grande traversée Jura, partis à la recherche de vastes étendues est elle-même devenue objet de records à neigeuses, de traces de lynx, de chamois battre. En la parcourant à ski, en VTT ou à ou de grands tétras. Pas de GPS, une bous- la manière d’un marathonien. Sans tomber sole, des cartes IGN et une montre Lip : la dans ces excès, il est maintenant possible de progression était lente, les étapes courtes. Il suivre la piste des pionniers évidemment © DR y avait dans l’air une atmosphère de Front sur des skis, mais aussi en VTT ou encore Au printemps ou en automne avec les caprices populaire, un Front populaire revisité par en chevauchant par monts et par vaux, et les de la météo, des étapes en vélo neige : pas de Mai soixante-huit qui avait le Chili au cÏur. termes ici ne sont pas usurpés. dépaysement pour les cyclistes lillois et parisiens Les temps ont changé : le Jura suisse a son La GTJ a retrouvé une seconde jeunesse canton et le soir à l’étape, plus de contro- en multipliant les types d’itinéraires et les VTT, le départ se fait de Mandeure, au pied verses sur l’autogestion ; l’horlogerie fran- moyens de parcours. Fidèle à ses origines, du théâtre romain et 380 kilomètres de che- comtoise a passé la frontière et quelques elle propose toujours un itinéraire de ran- mins balisés conduisent le randonneur ou le milliers de travailleurs avec elle ; Raymond donnée nordique : 180 kilomètres de traces vététiste à Hauteville dans l’Ain. Les ama- bien entretenues entre Morteau teurs de randonnées équestres et les cyclo- dans le Doubs et Giron dans touristes se voient eux aussi proposer un l’Ain, qu’il est possible de par- parcours adapté. courir au rythme du pas de pati- Gîtes d’étapes et refuges ponctuent ces iti- neur ou selon la bonne vieille néraires ; il est donc possible avec un GPS technique du pas alternatif. En ou simplement une carte un peu détaillée de raquette la destination finale est se détourner du droit chemin, de moduler la même mais l’itinéraire, balisé les étapes, de conserver toute sa liberté de et tracé, débute à Mouthe aux mouvement. ■ JEAN-PIERRE BILLOT sources du Doubs. Ë pied ou en (1) Voyage dans les Cévennes avec un âne, Quand les gorges du Doubs Stevenson, Le livre de poche Garnier/Flamma- se mettent à ressembler à un fjord rion (1993) norvégien : lac de Chaillexon, (2) Knickers : pantalon court serré au-dessous

© DR juste avant le saut du Doubs du genou, utilisé par les premiers skieurs.

UNE SEULE ADRESSE. Une association s’est fixé pour but de faire hébergements avec aussi des idées de détours et un choix important de connaître la GTJ et d’en faciliter l’usage : « Les grandes traversées du guides pratiques pour chaque type de GTJ. Sur son site : www.gtj.asso.fr Jura » GTJ association. Tous les renseignements pour toutes les traver- ou à son adresse postale : Les grandes traversées du Jura : sées ; possibilité d’organiser sa propre aventure sur internet, de retenir ses 17, Grande-Rue, 39150 Planches-en-Montagne. Tél. : 03 84 51 51 51

Retraités, supplément à L’US n° 729 du 30 mars 2013 - 19 LOISIRS CULTURE

AIX 2013 > Actualité d’une sous-préfecture provençale Quelle ville permet sans trop d’efforts, même si c’est par un chemin de traverse, de parler à la fois de Zola et du Qatar ? Une grande ville portuaire ? Non, Aix en Provence.

mains privées, Les joueurs de cartes. Folie du marché de l’art et misère de la Grèce... N’allez pas à Doha. Mais Aix ce n’est pas que Cézanne et Zola, le Cours Mirabeau et ses fontaines ou ses hôtels particuliers trop souvent trans- formés en banques et dont nul ne se souvient que l’un d’eux vit Mirabeau afficher au balcon sa bonne fortune ou que l’autre fut le théâtre de l’assassinat de sa femme par un président à mor- tier au parlement de Provence... cette ville que les maires aiment dire ville d’eaux, ville d’arts, même si l’établissement thermal est déclassé, fut une ville ouvrière dont il reste peu de traces ; la manufacture d’allumettes écrêtée de sa cheminée est devenue Cité du livre et la tuilerie des Milles, camp des Milles pour l’internement, le transit, la déportation pendant la

© Wikipedia / Georges Seguin seconde guerre mondiale a été reconvertie après des années d’ef- Sur le cours Mirabeau coule le flot des passants. forts en musée et lieu de mémoire. Sait-on que la zone industrielle et commerciale qui s’est déve- En 2011 le musée Granet a installé en bonne place un loppée à l’ouest de la ville, entre le centre urbain et la gare TGV portrait du jeune Zola par son ami Cézanne ; un achat rendu pos- est plus prospère que Sophia-Antipolis, que l’habitat y croît au point sible par des circonstances particulières... le patron de Sothe- qu’un élu pensa un jour y installer un lycée ? Aix cultive son image by’s(1) France est originaire du pays d’Aix. Entièrement refait, tou- de capitale culturelle, de ville de festival : du pavillon Noir de Rudy jours dans l’ancien palais de Malte, le musée est passé de 700 à Ricciotti au Grand Théâtre de Provence de Vittorio Gregotti, en 4 500 m2 et a pu accueillir les 490 000 visiteurs de l’expo Cézanne attendant le nouveau conservatoire de musique en forme d’origami en 2006, les 435 000 de l’expo Picasso en 2009. de Kengo Kuma, du Forum culturel aux vieilles rues torses, Cézanne a fait irruption dans le marché spéculatif de l’art lors- Aixois et touristes respirent à la fois le baroque et l’extrême qu’une de ses toiles – Nature morte aux pommes – dépassa, pre- modernité... Venez à Aix. ■ JEAN-PAUL BEAUQUIER mière pour un tableau en France, le prix de 100 millions d’anciens francs... Acheteur, un armateur grec. Les héritiers d’un autre mil- (1) Sotheby’s : la plus ancienne et la plus prestigieuse des sociétés de liardaire grec ont vendu au Qatar l’ultime tableau, encore en vente aux enchères ; spécialisée dans le marché de l’Art

MAS-FELIPE DELAVOUËT : UN TROUBADOUR DE NOTRE SIÈCLE > « Le provençal est comme le français du Roman de la rose : il a conservé sa sensualité » Évocation d’un créateur, homme d’une seule œuvre ; sa langue le provençal mais c’est un poète universel, loin des « hordes folkloristes ».

« L’a pas ges d’autre biais per coumprene lou comme Adam et éve ou Roland. Ç Vous êtes un poète en dehors mounde que de n’en poussedi plenamen un du temps et de la mode È, disait de lui Supervielle. Fils d’immi- mousséou » (Ç Il n’existe pas d’autre façon pour com- gré (père Breton installé à Marseille), orphelin très jeune, citadin prendre le monde que d’en posséder pleinement un morceau È) devenu paysan, s’exprimant dans une langue minoritaire décimée et de le partager. En témoigne le fait que Mas-Felipe Delavouët et méprisée, le provençal, adoptant l’alexandrin et l’octosyllabe a édité son œuvre en bilingue, assurant lui-même la traduction ; malgré la dictature et souvent les facilités du vers libre, que de han- l’atteste surtout la portée universelle des mythes qui la structurent, dicaps surmontés, quelle œuvre éblouissante de visions concrètes

20 - Retraités, supplément à L’US n° 729 du 30 mars 2013 LOISIRS CULTURE

La trilogie Fabio Montale surprenantes, renouant avec l’œuvre des trou- Écrire en langue provençale ne fut pas pour lui Les amateurs de polars, de Léo badours et la plénitude de La Pléiade ! un choix mais une nécessité, contenue dans la Malet à Didier Daeninck, connais- Mas-Felipe Delavouët (prénom provençal et convenance intime et parfaite entre un parler sent Paris comme leur poche. nom breton) vécut au mas du Bayle-Vert, en et une pensée, entre le verbe et le monde. Jean-Claude Izzo lui, nous fait bordure de Crau, dans ces paysages arrosés de Comme une parabole, cette poésie s’enracine découvrir Marseille et la Méditer- la Touloubre qui offrent le cadre de Pouèmo, dans son quotidien et dans son sol, tout en ranée avec les quais du Vieux Port le grand poème unique que forment les cinq demeurant dépouillée de tout ce qui ne serait et les calanques. On y entend peu volumes publiés entre 1971 et 1991. Cette que simplement pittoresque. ■ les cigales car Marseille, c’est création se prolongeait par un travail d’éditeur LOUIS BERNARDI « ma ville de toujours à mi-dis- où la poésie se noue à l’art du trait dans la gra- tance entre la tragédie et la lumière, elle se fait comme il se vure enluminée et dans le dessin du carac- (1) Pour se procurer des poèmes ou des œuvres tère, technique nouvelle associant lettres de critiques : Centre Mas-Felipe Delavouët, le Bayle- doit, l’écho de ce qui nous casse et sérigraphie. Vert, 13450 Grans. Site : www.delavouet.fr menace » nous dit l’auteur. La Ville n’est pas que le décor des romans de Jean-Claude Izzo, c’est ESPACE-TEMPS ET FIGURES un personnage à part entière, bien réel qu’arpente Fabio Montale, flic > déclassé, fils d’immigré dont le Giacometti est à Grenoble passé parfois douloureux resurgit C’est un itinéraire de comme une provocation, vers au fil des enquêtes. L’auteur rap- douze salles aux murs le visiteur. pelle que tout est inventé mais blancs et sols de bois blond Prendre le temps d’abandon- n’en ajoute pas moins qu’il lui est qui offre la rencontre avec ner les bronzes grêles, sur- impossible de rester indifférent à les silhouettes familières ; plâtrés de grumeaux blancs, la lecture quotidienne des jour- une, parfois deux Ïuvres pour s’attarder devant des naux. Polar, roman engagé, une maîtresses par salle, environ- esquisses et surtout quelques trilogie, déjà ancienne, toujours d’actualité, à dévorer de toute nées de leurs esquisses et de tableaux de grands formats, urgence. Marylène Cahouet tableaux, au total plus de dans les gris ocrés, griffant soixante-dix sculptures, pein- des silhouettes féminines par- • Total Khéops, Chourmo, Solea, Jean- Claude Izzo, Série noire chez Gallimard tures, Ïuvres graphiques. fois plus lourdes, aux Les Ç cages È Ð des cubes de hanches et seins africains qui Le Printemps des poètes bronze réduits à leurs arêtes – font aussi partie de l’exposi- Le Printemps des poètes (9 au hissées sur leurs socles aux tion. 24 mars 2013), avec sa quinzième jambes démesurées, enfer- Cette partie de l’œuvre de édition, est dorénavant inscrit au ©DR mant des figurines féminines Giacometti garde sa part de calendrier, grâce à Jean-Paul et des bustes ou têtes d’hommes, se sont appro- mystère, s’il la réduit au coup d’œil, Ç j’ai Siméon et à son équipe. prié l’espace. compris plus tard : on ne voit une personne Initiative qui se développe dans de Les femmes cohabitent dans des échelles dif- dans son ensemble que lorsqu’elle s’éloigne et nombreuses villes, dans les écoles férentes, de 10 cm à 2 m pour les plus grandes, qu’elle devient minuscule È, dira-t-il, c’est à pour chanter la poésie et la sortir les plus rares, enracinées dans des socles, leurs Ponge, son ami, qu’on peut laisser le dernier des cahiers d’écoliers. Les pèlerins pieds alourdis plombant les grêles silhouettes. mot qui donne sa place à l’œuvre Ç dans ce poètes, acteurs labourant la terre Si dans la première cage la femme s’accroche monde de l’absurde et de la révolte, de la de mots qui disent notre présence aux arêtes du volume, bras tendus comme si destruction et refonte des valeurs, où l’individu au monde, rappellent les voix elle ouvrait des rideaux, elle deviendra très vite se sent à la fois amenuisé au maximum et éteintes et celles d’aujourd’hui. cet être filiforme symbole de la fragilité de l’in- serré sur lui-même È. ■ Indispensable, la poésie porte et dividu, figé en lui-même. Elle parcourt l’ex- ANNIE EVENO empêche de tomber. position, isolée, ou en groupes, peuplant des Elle crie aussi et donne de la voix. Ç places È aux soubassements de bronze, dans Musée de Grenoble, du 9 mars au 9 juin 2013, À juste titre : si le ministère de la des distances mesurées les mettant en valeur. www.museedegrenoble.fr. Tél. : 04 76 63 44 44. Culture soutient fidèlement la Exposition réalisée en collaboration avec la La surprise : seul dans sa cage posée à même Fondation Giacometti. Conférences, ateliers pour manifestation, le ministère de le sol, le Ç nez È troue l’espace, tête de bronze les enfants, visites guidées, catalogue, film : l’Éducation a retiré sa subvention. qui projette son long nez, tragique et dérisoire consulter le site. Quel Symbole ! M. C.

Retraités, supplément à L’US n° 729 du 30 mars 2013 - 21 AU FIL DE LA PRESSE

JACKY BRENGOU A LU POUR VOUS >Croissance nulle 2013 année noire pour les salariés et les retraités ? La France est en récession, les perspectives pour l’année 2013, mais aussi pour 2014 sont très pessimistes... c’est dans ce contexte que vont s’ouvrir des « concertations » sur au moins deux sujets qui nous touchent de près : la loi sur la dépendance, la réforme des retraites. Dans les deux cas les retraités sont dans le collimateur ! Perte d’autonomie... l’horizon Et on peut faire carrière de la réforme est encore lointain, les dans les maisons de retraite décisions incertaines... et certaines Ç Le vieillissement de la population n’a pas que des inconvénients. propositions pour le moins saugrenues ! Il dope l’emploi dans le secteur de la dépendance. [...] “Notre secteur est très dynamique puisqu’il recrute en moyenne chaque Ç Hier, le Premier ministre s’est fait remettre trois rapports sur le année entre 8 000 et 10 000 personnes, avec quelque 2 500 créations sujet. [...] Ils nourriront les deux premiers volets du projet de loi nettes d’emploi” précise la déléguée générale du Synerpa (syndicat promis pour la fin de l’année : la prévention de la dépendance et des établissements et résidences privées pour personnes âgées). [...] l’adaptation de la société au vieillissement. Le n¡ 1 européen de la prise en charge de la dépendance, Orpéa, Le troisième volet concernera [...] l’amélioration des aides est clairement dans cette logique de recrutements. Il annonce 1 200 financières aux personnes âgées dépendantes. Il s’agit là des créations nettes d’emploi en CDI pour 2013. [...] mesures les plus coûteuses et donc les plus incertaines. Voilà Orpéa est aussi un acteur de poids pour l’emploi dans le BTP à pourquoi le gouvernement ouvre le débat avec les deux premiers travers ses programmes de rénovation et de restructuration. volets de la loi. [...] Le conseiller général du Val-d’Oise Luc “Nous avons en permanence entre 40 et 50 chantiers en cours. À Broussy a travaillé sur l’adaptation des logements, des transports ce titre, nous contribuons à sécuriser près de 3 000 emplois dans ou de l’urbanisme au vieillissement. Il suggère par exemple qu’on ce secteur”. È appose un autocollant à l’arrière de la voiture indiquant que le 18 février 2013 conducteur a un âge avancé, qui nécessite de son entourage prudence et respect. È Mais une dégradation sans 12 mars 2013 précédent du pouvoir d’achat des retraités se profile à l’horizon Du même Luc Broussy Ç Il est acquis que les retraites complémentaires du privé vont être Ç La disparition des bancs publics est un frein à l’autonomie des désindexées au moins en partie de l’inflation. [...] Dès lors, pourquoi aînés, qui ont besoin de se reposer lors d’un trajet à pied... Les ne pas imaginer de transposer ce précédent aux régimes de base piétons âgés sont vulnérables : pourquoi ne pas allonger le temps (CNAV, fonctionnaires, régimes spéciaux, non salariés), qui pèsent laissé pour traverser les rues ? È 75 % des dépenses de retraite ? [...] Augmenter les retraites de base de un point de moins que l’inflation économiserait près de 2 milliards 12 mars 2013 d’euros . Et cela mettrait à contribution les retraités, alors que les Mais les maisons de retraite, mesures d’âge et les hausses de cotisations pèsent sur les actifs. » futur argument électoral ? 15 décembre 2012 Ç La réforme de la dépendance sera prête d’ici à la fin de l’année È, Menaces sur les retraites et pensions assure Michèle Delaunay, la ministre déléguée aux Personnes âgées Ç Pour “assurer la pérennité” des retraites, le chef de l’État, et à l’Autonomie. En renforçant le réseau d’établissements publics François Hollande, a promis de “négocier une nouvelle réforme sur le territoire et en encadrant les prix de séjours pratiqués dans les en 2013”. Si l’année 2013 doit être, selon Michel Sapin, “une établissements privés, cette cancérologue de métier veut sécuriser année de préparation de décisions” qui seront prises en 2014, le des millions de foyers, issus des classes moyennes notamment, qui gouvernement s’apprête néanmoins à prendre des premières ploient sous ces dépenses. Mais la ministre vise aussi un autre mesures. [...] Officiellement, “rien n’est décidé”, mais l’idée objectif. Ç Cette loi, admet-elle sans fard, sera un atout décisif d’une désindexation des pensions par rapport à l’inflation a le vent dans la bataille des municipales de 2014. È C’est dit. en poupe. È 2 au 8 février 2013 31 janvier au 6 février 2013

22 - Retraités, supplément à L’US n° 729 du 30 mars 2013 PORTRAIT

SUR LES PAS D’UN CHEMINOT >Un gamin de Paris émigré à Montreuil Bernard Thibault quitte le poste de secrétaire général de la CGT auquel il a accédé en 1999, à l’âge de 40 ans : une longévité bien supérieure à celle de la plupart des dirigeants contemporains de grands syndicats.

Né à Paris dans une famille modeste, il entre à 15 ans comme apprenti à la SNCF. Il adhère un peu plus tard successivement à la CGT puis au PCF. Il prend rapidement des responsabilités jusqu’à devenir secrétaire général des cheminots CGT. C’est son rôle et son charisme dans le conflit de 1995 qui le fera connaître et poussera Louis Viannet à en faire son successeur. Il démissionne alors du comité central du PCF pour bien marquer sa volonté d’indépendance du syndicalisme. À la fois d’une grande simplicité et d’une extrême discrétion, relativement avare en apparitions médiatiques, il se livre peu, mettant en avant le syndicat plus que sa personne. La CGT, comme toutes les grandes organisations, est traversée de courants divers, de conceptions parfois antagonistes, rendant difficile la tâche de secrétaire général. On a beaucoup glosé sur sa mise en minorité à propos du traité européen en 2005 et son relatif échec à imposer le choix de son successeur. Ces épisodes ne doivent pas cacher le rôle essentiel qu’il a joué dans les évolutions de la CGT et du syndicalisme français. Profondément attaché à sa confédération il n’en était pas moins lucide sur ses difficultés et sur la nécessité de la faire évoluer. Il eut le souci constant d’en adapter l’organisation et les pratiques à l’évolution du salariat (sous- traitance, TPE, jeunes, précaires). Ce fut sous son mandat que la CGT adhéra à la CES en y impulsant une logique d’action et qu’elle signa l’accord de 2008 instaurant de nouvelles © Wikipedia / Kenji-Baptiste Oikawa règles de représentativité. Comprenant la nécessite de l’unité, il y contribua fortement sans pour autant renier ses positions et c’est à lui que l’on doit le processus nouveau de travail entre la CGT et la FSU. Il aura été un grand dirigeant, à la fois simple, réservé et chaleureux, avec Bernard qui toute rencontre était riche d’enseignements. ■ GÉRARD ASCHIÉRI

Thibault BIOGRAPHIE • 1959 : naissance à Paris • 1974 : apprenti au CFA de la SNCF à Noisy-le-Sec • 1976 : embauche au dépôt SNCF de Paris-La Villette • 1977 : adhère à la CGT ANCIEN SECRÉTAIRE DE • 1982 : secrétaire des Cheminots CGT de Paris-Est • 1993-1999 : secrétaire général de la Fédération CGT des cheminots • 1995 : principal animateur des grèves contre la réforme des retraites • 1999 : remplace Louis Vianet à la tête de la confédération • 1999-2013 : secrétaire général de la CGT • 2013 : remplacé par Thierry Lepaon. QUELQUES ÉCRITS • Qu’est-ce que la CGT : deuxième édition revue et augmentée, Paris, 2008, édi- tions de l’Archipel. Comporte une version totalement téléchargeable sur le site infocit.com

QUELQUES DATES • Ma voix ouvrière : entretiens avec Pierre-Marie Thiaville et Marcel Trillat, Paris, 2004, éditions Stock

L’Université Syndicaliste, suppl. au no 729 du 30 mars 2013, le journal du Syndicat national des enseignements de second degré (FSU) – 46, avenue d’Ivry, 75647 Paris Cedex 13 Numéro coordonné par J.-P. Billot et J.-L. Viguier – Directeur de la publication : Roland Hubert ([email protected]) – Compogravure : C.A.G., Paris – Imprimerie : SIPE (91) – No CP : 0113 S 06386 – ISSN no 0751-5839